Les SSR : Hier, aujourd`hui… et demain

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Les SSR : Hier, aujourd`hui… et demain

Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Victor Schwach
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Les soins de suite et de réadaptation
Fondation Arc-en-Ciel
© Fondation Arc-en-Ciel, 2014
ISBN : 978-2-9547173-0-2
Fondation Arc-en-Ciel
44A, rue du Bois Bourgeois
25200 Montbéliard
France
Avant-propos
Les établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR, anciennement
appelés « moyen séjour ») ont entamé en 2008 un nouveau cycle, caractérisé
par la mise à plat de l’ensemble du secteur : nouveau cadre réglementaire,
amorce d’une nouvelle tarification. Il est encore trop tôt pour distinguer
quelle mutation accomplira le secteur sous l’effet de cette double réforme.
Cet ouvrage s’appuie sur le constat qu’aucune étude d’ensemble n’a établi
un réel état des lieux préalablement à cette mise en mouvement des SSR. D’ailleurs aucune étude d’envergure, à notre connaissance, aucune publication n’a
jamais été consacrée à cette fraction de l’hospitalisation forte de quelques 90 à
100.000 lits. Dans le champ des hôpitaux, les SSR sont considérés comme un
secteur secondaire et peu d’attention y a été consacrée.
La présente étude n’avait, évidemment, pas les moyens d’établir des investigations originales, par exemple des travaux statistiques nouveaux. Elle se
limitera à rassembler d’une façon peut-être maladroite mais synthétique une
documentation très disparate. Son objectif est de dégager une vue d’ensemble.
Elle s’efforce de mettre ces informations en perspective. Car pour l’auteur, issu
des sciences sociales, il est toujours nécessaire d’aborder une réflexion avec un
esprit critique et en essayant de connaître les lignes de forces à l’œuvre dans
l’enchaînement des décisions techniques. Et c’est pourquoi le texte ci-après
suit tantôt la préoccupation d’objectivité d’une étude technique et tantôt
adopte la tonalité d’un essai.
Le livre est structuré en deux parties. La première présente un survol de
l’évolution au cours des décennies précédant les réformes. La seconde établit
un état des lieux des SSR actuels en cours de réorganisation et à l’aube d’un
nouveau système de financement. Un essai prospectif identifiant les risques
pesant sur le secteur apporte un éclairage en guise de conclusion.
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
J’adresse mes remerciements à Daniel Jandot, Jean-Pierre Loux et au
Dr Jérôme Talmud d’avoir eu la gentillesse d’une lecture critique du manuscrit et à Samuel Guinard d’avoir proposé que la Fondation Arc-en-Ciel édite
le manuscrit.
Héricourt, août 2013
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Brève histoire du secteur
(1956-2008)
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
1956 et après
Le contexte de l’après-guerre
S’il est permis de considérer que la parution du décret de 1956 marque la
naissance des futurs SSR, il faut reconnaître que sa parution est plutôt tardive
dans le contexte du renouveau d’après-guerre. Le texte prolonge et applique
aux établissements privés des dispositions en cohérence avec les grandes
réformes engagées. Reprenons les grandes étapes.
En 1941, Vichy promulgue la loi sur les hôpitaux. Elle reprend des dispositions de 1939, inappliquées en raison de la guerre. Cette loi historique marque
un tournant : dorénavant les hôpitaux peuvent admettre des malades payants.
Cette évolution réglementaire doit être comprise comme un changement
crucial par lequel les hôpitaux abandonnent leur mission sociale d’hébergement au profit d’une mission de soins. Est également amorcée la mainmise de
l’État. Ainsi la création de la fonction de directeur d’hôpital et sa nomination
non plus par le Maire mais par le représentant de l’État. En conséquence,
l’hôpital se soustrait à la compétence des municipalités.
En 1945 est créée la Sécurité sociale. L’ordonnance reprend en grande
partie les recommandations du Conseil de la Résistance. L’objectif de cette
réforme majeure n’est pas de solvabiliser les soins délivrés par la médecine de
ville et les hôpitaux ; selon une orientation bismarckienne, la réforme vise à
assurer un revenu de remplacement aux malades qui ne peuvent plus travailler1.
« La Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens
nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa
justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les
travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment
d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’euxmêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. »
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
L’après-guerre est une période de renouveau. En parallèle avec la reconstruction matérielle, le pays connaît un vaste mouvement d’organisation. Le
domaine de la Santé n’échappe pas au mouvement général. Le décret du 20
août 1946 institue la commission régionale présidée par le Préfet de Région.
Sa mission est d’accorder, de refuser ou de retirer aux établissements privés de
cure et de prévention l’autorisation de donner des soins aux assurés sociaux
du régime général, aux bénéficiaires salariés et non salariés des législations
sociales agricoles et aux bénéficiaires des assurances maladie et maternité des
travailleurs non salariés des professions non agricoles. Bien entendu, les autorisations ne sont délivrées que si des conditions administratives et techniques
sont remplies.
La période est caractérisée par une frénésie administrative. Les établissements privés négocient chacun leur autorisation, ainsi que le conventionnement avec la Caisse Régionale. Pour les établissements existants, l’ensemble du
système est en place aux alentours des années 1950-1951.
Le décret de 1956
Le décret n°56-284 du 9 mars 1956 peut être considéré comme l’acte
fondateur d’une nomenclature des établissements. Il définit les conditions
techniques d’autorisation des établissements privés de cure et de prévention
pour les soins aux assurés. Il est signé par Guy Mollet, président du Conseil,
ainsi que par les Ministres concernés.
Le décret remplace les dispositions réglementaires antérieures2. En réalité
le texte est laconique. Il énonce qu’il existe des conditions pour être autorisé
à pratiquer l’activité. C’est tout. Même si le texte vise les seuls établissements
privés, il comporte indéniablement une dimension historique.
• Il rassemble un ensemble disparate d’établissements sous un même
chapitre : les établissements de cure et de prévention. Il ne distingue
pas encore ce qui relèvera de la future segmentation administrative
selon les durées de séjour ou même selon la primauté d’un projet autre
que le soin.
• Dans ses annexes, il liste les établissements concernés ; le listing hétéroclite constitue une première typologie. Mais la notion est loin d’être
approximative, car pour chaque type est rédigée une annexe spécifique
qui définit les conditions techniques particulières à satisfaire en vue
d’une autorisation. Autrement dit, la reconnaissance du secteur est
soigneusement normée.
Décret n° 47-1839 du 13 septembre 1947, décret n° 51-1007 du 7 août 1951 et décret n° 52-389 du
8 avril 1952.
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
• Enfin, les dites conditions techniques s’imposeront dans chacune des
catégories et resteront (théoriquement) en vigueur pendant plus de
50 ans ! Il s’agit donc bien d’un texte de référence. Malgré l’évolution
considérable du monde hospitalier, des pratiques médicales, des prises
en charges… aucun nouveau texte significatif ne sera promulgué avant
2008 dans le but d’encadrer ce secteur de l’activité hospitalière.
La typologie des établissements de cure et de prévention
Le texte est connu pour ses annexes. L’annexe n°1 définit les conditions
administratives. Au nombre de cinq, elles sont générales ; elles concernent
la transparence du tarif et l’information des patients et des caisses. Les 30
annexes suivantes déclinent et définissent les types d’établissements.
II.
Sanatorium pour tuberculose pulmonaire.
III.
Établissements de soins privés affectés au traitement de la tuberculose extra-pulmonaire.
IV.
Hôtels de cure.
V.
Cliniques phtisiologiques.
VI.
Préventoriums privés.
VII.
Aériums privés.
VI.
Établissements d’hospitalisation de chirurgie.
IX.
Maisons de santé obstétrico-chirurgicales.
X.
Maisons de santé aménagées en vue de la pratique obstétricale et de la chirurgie de l’accouchement.
XI.
Maisons d’accouchement sans possibilités chirurgicales.
XII.
Établissements d’élevage des nouveau-nés prématurés.
XIII. Pouponnières pour enfants débiles.
XIV.
Maisons d’enfants à caractère sanitaire (de type permanent).
XV.
Maisons d’enfants pour cures thermales.
XVI. Colonies sanitaires temporaires.
XVII. Centres de placement familial.
XVIII. Maisons de santé médicales.
XIX. Maisons de repos et de convalescence.
XX.
Maisons de régime.
XXI. Maisons de repos accueillant des mères fatiguées ou convalescentes avec leurs enfants
âgés de moins de dix-huit mois.
XXII. Maisons de réadaptation fonctionnelle.
XXIII. Maisons de santé pour maladies mentales.
XXIV. Établissements privés pour enfants inadaptés.
XXV. Infirmeries des établissements d’enseignement et d’éducation publics et privés.
XXVI. Établissements thermaux privés.
XXVII. Centres d’études de pneumoconioses.
XXVIII.Dispensaires de soins.
XXIX. Cliniques dentaires.
XXX. Consultations prénatales.
XXXI. Consultations de nourrissons.
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
La typologie évoluera au fil du temps. En 1963, une annexe XXXII viendra
définir les conditions d’autorisation des centres médico-psycho-pédagogiques,
pratiquant le diagnostic et le traitement des enfants inadaptés mentaux dont
l’inadaptation est liée à des troubles neuro-psychiques ou à des troubles du
comportement susceptibles d’une thérapeutique médicale, d’une rééducation
médico-psychologique ou d’une rééducation psychothérapique ou psychopédagogique sous autorité médicale.
Les profondes réformes engagées par les lois de 1970 et 1975 ne remettront pas en question le décret et sa liste d’annexes. Dans les années 1988-89,
l’annexe XXIV relative aux enfants inadaptés sera scindée en plusieurs soustypes en fonction de la déficience prise en charge.
- Annexe XXIV
déficience intellectuelle
- Annexe XXIV bis déficience motrice
- Annexe XXIV ter polyhandicaps
- Annexe XXIV quater déficience auditive
- Annexe XXIV quinquies déficience visuelle
Les maisons de réadaptation fonctionnelle (Annexe XXII)
Revenons aux annexes parues en 1956. La définition des conditions techniques correspond aux idées de l’époque, et particulièrement au contexte
d’une France peu évoluée en matière d’hygiène et de confort. La réglementation impose des progrès en contrepartie de l’autorisation. Elle poursuit une
ambition de normalisation et d’élévation du niveau général de confort, d’hygiène et d’efficience des structures et, pour ce faire, formule des conditions qui
ne sont en rien spécifiques à l’activité de la réadaptation fonctionnelle.
• L’eau doit être potable et en quantité suffisante : 250 litres au moins
par lit et par jour. S’il se trouve à proximité de l’établissement une
canalisation d’eau publique, le raccordement sera obligatoire.
• Tous les locaux doivent avoir un sol imperméable, lavable à grande eau
et aux désinfectants.
• Les fenêtres doivent être dépourvues de doubles-rideaux. Les chambres
ont une profondeur qui n’excède pas deux fois et demie la hauteur
sous le linteau des fenêtres.
• L’éclairage électrique est obligatoire, ainsi que le téléphone et le chauffage central.
À l’époque ces éléments n’allant pas soi, il était nécessaire de les imposer. Il
en va de même pour les toilettes : le nombre minimum des cabinets d’aisances
est de deux par quinze personnes (personnels compris). Ils doivent être répartis à proximité des chambres et des salles de réunion. Des lavabos sont installés
dans les cabinets situés près des salles de réunion.
La réadaptation fonctionnelle doit disposer de locaux spécifiques :
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
• une section d’hydrothérapie ;
• une section d’électrothérapie ;
• une section de kinésithérapie avec gymnase 60 m2 ;
• une section de mécanothérapie ;
• une salle de plâtre.
Il est recommandé de disposer de locaux permettant l’aménagement d’un
atelier d’ergothérapie.
Enfin l’encadrement en personnel spécialisé est également défini :
• un médecin chargé d’exercer une surveillance sur tous les traitements
assurés ;
• un médecin par fraction de 55 malades ;
• un rééducateur physiothérapeute pour 10 malades ;
• un ergothérapeute pour 20 malades.
L’annexe ne contient aucune indication relative au personnel soignant
(infirmières).
Expansion du système hospitalier
À partir de 1956, le secteur des établissements de cure et de prévention
connaît le calme réglementaire, à l’exception de quelques points très ponctuels. Pourtant l’ensemble du monde hospitalier français va subir de profonds
bouleversements. Les établissements du futur moyen séjour n’échapperont pas
au mouvement.
Entre 1950 et 1970, le système hospitalier français connaît un âge d’or.
L’armement hospitalier dans son ensemble est en forte croissance. En même
temps est lancée l’humanisation, dont la face la plus visible est la transformation de l’hébergement collectif3. En effet, l’ouverture de l’hôpital à d’autres
catégories sociales fait apparaître des exigences. En 1960 des chambres de six
à huit lits étaient encore fréquentes. Selon l’analyse de Jean-Marie Clément,
la fin de la guerre d’Algérie a permis à l’État français de financer la construction ou la rénovation de quelques cent mille lits, tandis qu’un nombre identique sera réhabilité aux normes de la médecine moderne. À partir de 1970
le confort est d’un bon niveau : chambres à un ou deux lits, équipées de téléphone, télévision, armoires individuelles, sanitaires…
Dans le secteur des établissements de cure et de prévention on assiste à une
évolution similaire et donc la multiplication des établissements et services.
Mais comme on le verra plus loin, il subit une profonde reconfiguration, par
suite de l’évolution des besoins, des pratiques et des techniques médicales.
Des structures se créent, se transforment, se reconvertissent… L’évolution est
La circulaire ministérielle du 5 décembre 1958 porte sur cinq points : 1°) les visites des familles, 2°) la
présence d’un membre de la famille auprès d’un enfant, 3°) l’autorisation de garder des effets personnels…
(Imbert, p.71).
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
essentiellement quantitative. La constellation d’établissements n’est pas structurée. L’inventaire à la Prévert des annexes de 56 reste opérant, à défaut de
mieux.
Naissance du moyen séjour
Au cours des années 1970-1975, plusieurs lois viennent structurer cet
ensemble jusqu’alors indifférencié. La loi du 31 décembre 1970, complétée
par la loi du 30 juin 1975, définit un nouveau secteur, appelé médico-social.
Est sorti du champ hospitalier un vaste ensemble d’établissements, en particulier les structures concernant les enfants, les handicapés, les personnes âgées
etc. Cette séparation s’établit sur la même base que la réforme de 1941 : la
vocation de l’hôpital n’est plus de fournir un hébergement, mais de délivrer
des soins.
Pour les structures conservées au sein du champ sanitaire, la loi hospitalière
de 1970 apporte de nombreux changements. Elle met en place la typologie
des activités hospitalières :
a. des unités d’hospitalisation pour pratique médicale, chirurgicale ou
obstétricale courante ;
b. des unités d’hospitalisation pour soins hautement spécialisés ;
c. des unités d’hospitalisation de moyen séjour pour convalescence, cure,
réadaptation ou traitement des maladies mentales ;
d. des unités de long séjour assurant l’hébergement de personnes n’ayant
plus leur autonomie de vie et dont l’état nécessite une surveillance
médicale constante et des traitements d’entretien.
e. des unités participant au service d’aide médicale urgente appelées
SAMU, dont les missions et l’organisation sont fixées par décret en
Conseil d’État.
À partir des années 70, la terminologie moyen séjour se met en place, à
telle enseigne qu’elle subsistera en dépit des nouvelles dénominations.
Insistons sur ce point : les lois des années 70 mettent fin à l’indifférenciation. Elles définissent un nouveau secteur, le médico-social, qui se caractérise
par la notion de domicile du résident, donc un hébergement sans limitation
de durée. À l’inverse le sanitaire reste un lieu de passage qui accueille des
patients en vue de délivrer des soins. L’hébergement est le vecteur de différenciation. De plus le sanitaire est lui-même segmenté dans les trois catégories
désormais classiques, une nouvelle fois selon un critère (de durée) d’hébergement. Cette segmentation apporte une certaine lisibilité. L’inventaire cède le
pas à une structuration. Elle permettra à chaque secteur d’évoluer de manière
indépendante, d’avoir ses propres règles, ses propres modes de financement,
ses propres contraintes. Et donc développer une identité. En prenant congé
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
des établissements médico-sociaux, le champ sanitaire développera une cohérence de plus en plus forte. Ceci permettra bien des progrès, mais aura au
final un inconvénient que l’on découvrira quelques décennies plus tard : la
structuration crée l’autonomie des catégories, elle s’effectue en tuyaux d’orgue.
Revenons à la chronologie. Le moyen séjour nouvellement défini est loin
d’être homogène. Le décret n°80-284 du 17 avril 1980 relatif au classement
des établissements publics et privés assurant le service public hospitalier tente
de mettre un peu d’ordre en identifiant des éléments constants et des souscatégories : « Les centres de moyen séjour sont des établissements composés
d’unités de moyen séjour pour convalescence, cure, réadaptation, ou traitement des maladies mentales (…) Ils sont destinés à assurer, après la phase
aiguë de la maladie, le prolongement des soins actifs ainsi que les traitements
nécessaires à la réadaptation en vue du retour à une existence autonome.
Un centre de moyen séjour est classé selon la dénomination des unités qui
le composent en :
• centre de convalescence ;
• centre de cure médicale ;
• centre de réadaptation ;
• centre de convalescence et de cure ;
• centre de convalescence et de réadaptation ;
• centre de cure et de réadaptation ;
• centre de convalescence, de cure et de réadaptation.
Lorsque ces unités sont spécialisées au sens de l’article 19, le centre est dit
spécialisé. »
Ce classement atteste d’un brouillage du secteur. Alors que le décret de
1956 avait dressé un premier inventaire, l’évolution a été telle que 25 ans plus
tard le secteur qui a connu un développement sans précédent, a perdu ses
repères. Ce constat conduira les autorités de la Santé à mener d’importantes
enquêtes à partir des années 1995. En effet la problématique d’une meilleure
connaissance va se poser d’une façon triviale, par l’instauration progressive
d’une planification de plus en plus rigoureuse mettant un frein vigoureux à
l’expansion hospitalière dans son ensemble.
Mise en place de la planification
La croissance hospitalière reste sous le contrôle des autorités. « En 1958 la
politique de coordination est instaurée (ou plutôt confirmée). Chaque projet
de création ou d’extension d’établissement de soins donne lieu à une étude
conduite par les services départementaux ou régionaux de la Santé, puis à
un examen par une commission régionale au vu duquel est prise la décision
ministérielle qui accorde ou refuse l’autorisation sollicitée » (Imbert, 1994
p.68). La planification devient régionale.
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
La loi de 1970 accentue également la main mise par l’État. Retenons
plusieurs éléments décisifs dans leur conséquence.
• La loi instaure le service public hospitalier dont l’exécution est confiée
soit à une personne morale de droit public (l’hôpital public) soit à une
personne morale de droit privée sous contrôle d’une autorité publique.
Cette disposition permettra à des structures associatives (non lucratives) d’être associées au service public et d’être quasiment traitées sur
un pied d’égalité.
• La loi instaure également la carte sanitaire. Arrêté en 1974, ce découpage de l’espace géographique en 256 secteurs sanitaires répartis en
21 régions, vise la mise en place d’un plateau technique minimum au
sein de chaque secteur et un rééquilibrage sectoriel des équipements
hospitaliers. Pour les établissements privés, la carte sanitaire est accompagnée d’une procédure renforcée d’autorisation pour les équipements
en nombre de lits et les installations d’équipements «lourds».
• Les établissements publics demeurent sous le principe de l’approbation par l’autorité de tutelle des décisions de leur conseil d’administration. Mais la loi du 29 décembre 1979, autorise le ministre à aller
contre le vote du conseil d’administration pour supprimer des lits.
Cette planification encore douce s’impose par le constat que la croissance
du système hospitalier n’a pas suffisamment tenu compte de l’évolution des
techniques médicales. Déjà en 1980 l’on estime qu’environ 50.000 lits de
court séjour sont excédentaires. Cet état de choses est la conséquence de la
chute des durées de séjour. « En 1975 elle était à Paris de 22 jours, avec un
taux d’occupation des lits de 85 % ; dans les centres régionaux hospitaliers, de
16 jours seulement, avec un taux d’occupation de 80 % ; mais dans les hôpitaux de moins de 100 lits, elle était de 88 jours, avec un taux d’occupation de
93,8 % » (Imbert, 1994, p. 90).
La loi de 1991 : création des SSR
Alors que la loi de 1970 traitait successivement du service public hospitalier et des établissements privés, la nouvelle législation pose le principe de
dispositions communes à l’ensemble des établissements. La loi définit les
missions des établissements de santé à savoir assurer les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes
enceintes en tenant compte des aspects psychologiques des patients. Les soins
sont définis comme suit : les soins de longue durée et les autres soins ; ces
derniers sont eux-mêmes subdivisés en soins de courte durée ou concernant
des affections graves et en soins de suite ou de réadaptation dispensés dans le
but de réinsertion.
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
Établissements
ou entités
juridiques
Ensemble des
lits ou places
97 965
116 165
58 221
6 763
30 280
37 809
3 665
3 466
1 295
108 393
149 911
97 325
332
19 544
32 248
-
51 792
106
13 170
6 315
-
19 485
57 560
744
362 625 114 159
11 305
19 731
69 609
494 515
99
1 068
1 331
163 108 313
Places en
hospitalisation
de jour ou de
nuit
29
215
287
dont
participant au
service public
Lits
d’hébergement
Centre de moyen et/ou long séjour
(CMLS)
Centre Hospitalier Spécialisé en
psychiatrie (CHS)
Total public
Privé
Établissement de soins aigus
Centre de lutte contre le cancer
(CLCC)
Établissement de moyen et/ou long
séjour
Hôpital psychiatrique privé faisant
fonction de public
Autre établissement de lutte contre les
maladies mentales
Traitements et soins à domicile dialyse
ambulatoire
Total privé
Lits en
hospitalisation
complète
Public
Centre hospitalier régional (CHR)
Centre Hospitalier (CH)
Hôpital (H)
Hôpital local (HL)
Ensemble
Catégorie
Lits et places
716
20
19
4 254
-
683
113 966
816
229
55 099
668
2 020
57 787
27
22
13 678
-
2 182
15 860
302
25
14 200
-
3 091
17 291
257
1
34
-
-
34
2 753
459 195 578
1 384
7 976
204 938
Ensemble
558 203 115 543
27 707
699 453
Les établissements hospitaliers par catégorie au 1er janvier 1990 (Couty et Tabuteau, 1993, p. 31).
La loi hospitalière du 31 juillet 1991 renforce le contenu de la carte sanitaire, développe les alternatives à l’hospitalisation et crée le schéma régional
d’organisation sanitaire (SROS). La loi de 1991 prend en compte la dimension régionale en tant que référence sanitaire : le pouvoir de l’État en la matière
est pour partie délégué aux instances régionales ou locales. Fait important, la
carte sanitaire sera dorénavant établie « sur la base d’une mesure des besoins
de la population et de leur évolution, compte tenu des données démographiques et des progrès des techniques médicales. La liste des activités qui ne
peuvent être exercées sans autorisation » (L.712-19) comprend la réadaptation
fonctionnelle. Voilà une première référence réglementaire donnant un statut
particulier à cette catégorie du moyen séjour.
La réforme issue de l’ordonnance du 24 avril 1996 met en place les Agences
régionales de l’hospitalisation (ARH) et régionalise les budgets avec pour
objectif d’améliorer la complémentarité de l’offre de soins au sein d’une même
zone géographique. La même ordonnance engage la suppression des petites
maternités et des services de chirurgie qui n’ont pas la capacité de satisfaire
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
à l’exigence de sécurité (effectif médical). Cette réduction est fréquemment
compensée par une augmentation des lits de moyen et long séjour.
À partir de 1997, le gouvernement s’attache à accompagner le mouvement de recomposition hospitalière qui doit déboucher sur une coopération
et une recherche de complémentarité entre les établissements de santé publics
et privés. Elle s’inscrit dans le cadre des schémas régionaux d’organisation
sanitaire, qui fixent pour cinq ans le cadre général d’évolution de l’offre hospitalière.
L’ensemble des textes successifs met en place un dispositif de planification
sévère qui produira l’effet attendu : la recomposition de l’offre de soins dans
son ensemble.
***
À la fin du XXème siècle, le moyen séjour est dans une situation particulière.
• En tant qu’établissements sanitaires, ces structures sont concernées
par l’ensemble des réformes successives. Statut, planification, financement, qualité, PMSI… rien ne leur sera épargné. Autrement dit : ce
sont des établissements sanitaires au même titre que les hôpitaux ou
les cliniques.
• Sur le plan quantitatif, ils connaissent d’abord l’âge d’or caractéristique de l’armement hospitalier dans son ensemble, puis les rigueurs
d’une planification croissante, avant d’être frappés par la recomposition de l’offre de soins.
• Enfin sur le plan qualitatif s’amorce le phénomène qui sera décrit plus
loin : la diversité des types se réduit au fil du temps ; les nombreux
avatars se réduiront à un système bipolaire : d’une part les soins de
suite et d’autre part la réadaptation fonctionnelle.
Références
• Clément Jean-Marie « La réforme hospitalière » (Ordonnance du 24 avril 1996), Les
Études hospitalières, 1998, 228 p.
• Clément Jean-Marie « 1900-200 : la mutation de l’hôpital » Les Études hospitalières,
2001, 218 p.
• Couty Edouard et Tabuteau Didier « Hôpitaux et cliniques : les réformes hospitalières » Berger-Levrault, 1993, 312 p.
• Imbert Jean « Les hôpitaux en France » Que Sais-je, PUF, 6ème édition, 1994, 127 p.
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
Évolution médicale
Introduction
Le chapitre précédent avait abordé l’évolution du moyen séjour sous l’angle
réglementaire et donc administratif. Ceci ne doit pas occulter que l’évolution
a également concerné le projet médical. Le profil des patients a été en perpétuelle évolution.
La Clinique Médicale Brugnon-Agache
En 1922, une riche propriétaire fait don du domaine de ce château de
la Haute-Saône à l’association d’hygiène sociale du VIème arrondissement
de Paris. L’établissement accueillera une centaine de fillettes de 5 à 15 ans.
Ce préventorium subira un incendie en 1946 nécessitant sa reconstruction complète dans le respect des normes médicales et d’hygiène de
l’époque.
En 1955, le préventorium se transforme en sanatorium.
Puis le centre se diversifie et traite de nouvelles maladies.
En 1971, l’établissement compte 74 lits, dont 29 en maison de santé
médicale, 41 de convalescence et 4 d’infirmerie.
En 1977, les lits sont tous dédiés à la convalescence. L’établissement
obtient le statut PSPH.
Dans le début des années 2000, l’établissement doit accueillir des
malades plus lourds ; l’établissement se médicalise. Il devient un centre de
soins de suite médicalisés. Il accueille surtout des personnes âgées.
En 2009, son nouveau projet d’établissement est construit sur la reconnaissance d’une activité spécialisée en gériatrie et de fin de vie.
21
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Alors que le décret de 1956 décrit un large éventail, l’on observe au terme
d’une lente décantation l’émergence de deux types majeurs : la réadaptation
fonctionnelle et les soins de suite plus ou moins médicalisés. Une constellation
d’autres structures très spécialisées et de moindre importance s’y ajoute, mais
ne contredit pas la segmentation appelée ci-après la bipartition. Cet état de
choses résulte à la fois d’une évolution médicale, mais également d’une catégorisation administrative. En effet si la planification régionale doit concerner
l’ensemble des structures, il est terriblement malaisé de la concevoir à partir
d’un spectre large et devient beaucoup plus accessible à partir de la bipartition,
même s’il faut y distinguer quelques sous-types et cas particuliers (MECS,
alcoologie, par exemple).
Au cours du demi-siècle analysé, plusieurs changements majeurs sont
intervenus dans la capacité de la médecine à prendre en charge les pathologies. Dans les années d’après-guerre l’arsenal thérapeutique et les moyens
d’investigation restent limités. Mais progressivement les innovations vont se
succéder à un rythme croissant. L’accroissement de l’espérance de vie sera l’un
des résultats du progrès médical.
Le cycle de vie des sanatoriums
Dès le XVIIIème siècle est identifiée la nécessité d’éloigner à la campagne
les malades des villes. Tel est le principe fondateur du sanatorium. Au XIXème
siècle les connaissances sur la tuberculose évoluent grâce à Laennec, Villemin, Koch, Röentgen, Béclère, Calmette etc. De nombreux progrès interviennent : les descriptions anatomo-cliniques, la découverte de la contagion
inter-humaine, du germe, des rayons X, les descriptions cliniques, le vaccin
BCG et la streptomycine. Longtemps l’arsenal thérapeutique restant limité,
à l’exception de quelques gestes chirurgicaux, l’on se contente d’isoler les
malades et de les soustraire aux miasmes délétères. À côté de principes établis
de façon empirique, prévalent les notions hygiénistes ; les craintes du XIXème
siècle ne sont pas absentes. De fait la mortalité reste élevée – y compris parmi
le personnel soignant.
L’on doit à l’Allemagne le concept du sanatorium (étymologiquement,
sanatorius : propre à guérir) : établissement spécialisé dans l’isolement et les
soins aux tuberculeux. Cette situation s’explique par le fait que la construction
de tels établissements est fortement favorisée par la loi de 1889 sur l’assurance
maladie (Bismarck). En 1902 déjà ce pays compte 72 sanatoriums totalisant
7.200 lits et capables d’accueillir environ 30.000 tuberculeux par an.
En France, c’est au lendemain de la première guerre mondiale, que la lutte
antituberculeuse se structure. La loi Honnorat (1916) produit ses effets :
elle impose un sanatorium par département. Malgré la crise économique les
constructions se multiplient.
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
L’âge d’or : 1930-1950
Les établissements sont en général implantés dans des régions éloignées
de la pollution, plutôt en montagne, sur des plateaux ensoleillés ou face à la
mer pour bénéficier des bienfaits du grand air et du soleil. Une cure de repos
particulière, donc.
L’architecture spécifique des sanatoriums suit deux principes.
• Le traitement par la cure d’air, de lumière et de soleil. Le bâtiment doit
être adapté à l’entrée du soleil et du grand air. L’on parle d’architecture
héliotropique. Il s’agit volontiers de bâtiments déployés en longueur,
parfois de faible épaisseur, dans le but de maximiser l’exposition sur le
versant ensoleillé ; c’est l’ère des balcons par lesquels chaque chambre
s’ouvre sur le grand air et le soleil.
• L’isolement des tuberculeux contagieux : la promiscuité étant facteur
de contagion, le parti architectural développe des bâtiments vastes
(faible densité) et se tient à l’avant-garde des notions d’hygiène.
En 1950, quelques 250 sanatoriums ont été construits en France.
L’essor des sanatoriums est à replacer dans le contexte général de la lutte
contre la tuberculose. La lutte contre ce fléau a permis l’émergence de la
médecine sociale. Celle-ci repose sur une idéologie : le service gratuit et de
proximité. C’est la naissance des dispensaires d’hygiène sociale et de prévention antituberculeuse. Ces structures régies par la loi Bourgeois (1916) ont
une mission très large : le soin, le dépistage, la prévention ; elles s’occupent
également des problèmes sociaux entraînés par la maladie. À partir de 1935,
les compétences des OPHS (Offices Publics d’Hygiène Sociale) sont étendues à toutes les questions touchant la protection de la santé publique et de
l’hygiène sociale. Au cours de cet âge d’or (1930-1950) émerge un corps de
santé spécifique : médecins-phtisiologues, médecins-directeurs de sanatoriums, infirmières visiteurs, personnels des dispensaires. Enfin, apparaissent
des organisations de malades qui se posent en interlocuteurs des pouvoirs qui
prétendent soigner, disposent parfois de moyens de communication, et posent
la question de la réinsertion professionnelle et sociale des malades.
À bien des égards, cette organisation apparaît comme moderne. Elle préfigure la sectorisation. Ainsi que l’articulation de structures de proximités avec
des établissements de soins, au service d’une véritable filière. Tout cela est
évidemment très coûteux.
La chute
Après la seconde guerre mondiale, l’on voit décroître le nombre des tuberculoses. Cette décroissance est d’abord à attribuer aux efforts des hygiénistes
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
et à la politique de vaccination ; elle s’accélère avec l’apparition de la streptomycine et des antituberculeux4.
La conséquence logique est le démantèlement du dispositif de prévention,
de soins et de réinsertion. Les OPHS affaiblis resteront dédiés à leurs autres
missions. Quant aux sanatoriums, leur destin sera de se reconvertir ou mourir.
Voulant survivre, ils recherchent une activité de substitution. Quelques-uns
deviendront des centres de réadaptation respiratoires (le plus souvent cardiorespiratoires), d’autres s’orientent vers la convalescence en faisant valoir les
arguments de leur vocation première : le repos, le grand air et le soleil.
Progressivement la valeur de la proximité se substituera à l’idéologie du
grand air. L’on découvrira alors que ces dinosaures rescapés d’un autre âge sont
handicapés, outre l’architecture inadéquate, par leur implantation en-dehors
des centres urbains où se trouve la population à accueillir. Une tension se
dessine comportant d’importants risques de rupture entre la préservation d’un
patrimoine, le maintien des emplois dans des régions montagneuses en voie
de désertification et la planification des soins vers une proximité en phase avec
les besoins des populations.
Références
• Dessertine Dominique : Pour une histoire de la lutte antituberculeuse dans la région
lyonnaise, référence exacte inconnue
La montée de la médecine physique
La réadaptation fonctionnelle ne doit pas être confondue avec la médecine physique, même si les deux trajectoires se sont rejointes, puis consolidées mutuellement. En effet l’activité préexiste largement à la spécialité. Ses
prémices remontent à la fin du XIXème siècle avec la naissance de la kinésithérapie5. D’importants développements interviennent au lendemain des guerres
successives. L’émergence d’une spécialité médicale a été tardive. En France elle
remonte au dernier tiers du XXème siècle. Phénomène remarquable, le développement des centres de réadaptation a servi le développement de la spécialité
médicale et réciproquement la montée de la médecine physique a permis à la
réadaptation de devenir pendant plusieurs décennies la discipline reine au sein
du moyen séjour. Revenons sur les grandes étapes.
L’incidence de la tuberculose était de 11,2 cas pour 100 000 habitants en 2000 et ne diminue plus depuis
1997. La situation épidémiologique de la tuberculose est principalement inquiétante en Ile-de-France où
l’incidence est plus du double de l’incidence nationale. Elle atteint 50 cas pour 100 000 dans la ville de
Paris.
5
Il faudra attendre la loi du 30 avril 1946 pour une organisation et une réglementation du métier de masseur-kinésithérapeute.
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
Un cas d’école
Le CRF Louis Bâches implanté au cœur des Pyrénées, au pied du Pic
du Midi de Bigorre, se situe sur un site volcanique à l’origine des eaux
thermales (température 60° - sulfatiques, calciques et magnésiennes…).
Une activité de cure thermale existe depuis le XIXème siècle.
1950. Le Dr Bâches lance l’idée d’utiliser les eaux thermales pour traiter
les patients porteurs de pathologies rhumatismales. Les anciennes piscines
municipales d’eau thermale sont transformées en bassins de rééducation.
Les soins sont assurés par un médecin et un seul kinésithérapeute. Les
patients, porteurs d’un handicap minime sont logés dans les hôtels bagnérais.
1962. Pour répondre aux besoins de patients atteints d’un handicap
plus « lourd » le Centre est agrandi (2 médecins, 10 kinés, 2 ergothérapeutes). Parallèlement, le centre hospitalier est sollicité pour assurer leur
hébergement. Les premiers patients “ dépendants ” tétraplégiques, paraplégiques, polytraumatisés etc. sont pris en charge sur le site hôpital. Ils
bénéficient de soins de rééducation dans les piscines d’eaux thermales et de
soins infirmiers à l’hôpital.
1971 .Le centre hospitalier construit une extension portant la capacité
de rééducation-réadaptation de 120 à 220 lits. Les services d’ergothérapie
et le gymnase sont installés dans une ancienne fabrique textile jouxtant le
site. Parallèlement, les équipes médicale et paramédicale s’accroissent.
Ce n’est qu’en 1997 qu’un plateau technique sera construit sur le site de
l’hôpital (CRF Louis Baches). Dès lors, le plateau technique et le plateau
d’hébergement sont juxtaposés.
Ce rapide survol atteste la connexion entre la réadaptation fonctionnelle
et d’autres activités proches : le thermalisme et la rhumatologie. Il suggère
une très forte évolution entre 1950 et 1962 : le passage d’une phase artisanale
à une véritable organisation. Le décret de 1956 est intervenu entre-temps. Il
entérine la maturité à laquelle est arrivée la réadaptation fonctionnelle.
Essor de la réadaptation fonctionnelle
La naissance de la réadaptation suit la première guerre mondiale, provoquée par l’afflux des mutilés. Ces infirmes ont bénéficié d’un nouveau regard
de la Nation. Héros et invalides à la fois, ils méritent le respect et la considération. Faute d’un savoir permettant des soins techniques, l’aide aux mutilés
concernera deux dimensions.
• La réadaptation au sens d’une aide à la réinsertion ; un droit nouveau
se fait jour : celui de retrouver une place dans la vie sociale.
25
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
• Le développement de la prothèse. Longtemps l’activité de prothèse
restera sous l’égide des Anciens Combattants.
À partir de 1933, le concept acquiert un sens thérapeutique par l’ajout
de « fonctionnelle » avec l’apparition des premières techniques telles que les
massages, l’électrothérapie, etc.
Le véritable développement de la réadaptation aura lieu au lendemain de
la seconde guerre mondiale. Le contexte de cet essor ne sera plus la prise en
charge des mutilés de guerre, mais l’attention portée aux victimes de la longue
épidémie mondiale de poliomyélite. L’un des pionniers est André Grossiord,
au départ neurologue, appelé à diriger le Centre national de traitement des
séquelles de poliomyélite ouvert à Garches en 1949. Citons ses propos :
« L’expérience acquise dans la poliomyélite nous a largement démontré que
les séquelles fonctionnelles étaient souvent davantage liées aux déformations
qu’aux paralysies elles-mêmes et que ces déformations s’installaient très précocement : les dépister au plus tôt, alors que les rétractions en cause sont encore
faciles à vaincre, est de la plus grande importance. » La réadaptation fonctionnelle est ainsi intimement liée à l’apparition de nouvelles techniques, d’un
corpus de connaissances et de compétences médicales. Autant dire qu’elle a
lié son destin à une nouvelle spécialité médicale, créée aux État-Unis à l’Université de New York, en 1947, sous l’intitulé « Rehabilitation Medicine » à
l’initiative de Howard Rusk.
Selon la définition de Claude Hamonet : « La Médecine Physique a rassemblé, durant cette époque qui débuta juste après la seconde guerre mondiale,
une somme considérable, d’apparence confuse, de méthodes et de techniques non médicamenteuses, non chirurgicales, qui font, depuis, et désormais, inéluctablement partie de l’arsenal de la médecine de rééducation et de
réadaptation. Ce fut la prise de conscience de l’importance de l’utilisation des
phénomènes physiques en thérapeutique. » On ajoutera que cette nouvelle
approche médicale a pu utilement s’appuyer sur les avancées de la kinésithérapie, qui a reçu son organisation et sa réglementation à la même époque (loi
du 30 avril 1946).
La médecine physique
En France, il faudra encore patienter plusieurs décennies pour que la
spécialité soit pleinement reconnue. Retenons trois étapes :
• 4 août 1965 : publication de l’arrêté portant création du CES de
« Rééducation et réadaptation fonctionnelle. »
• 1969 : entrée de la « Rééducation Fonctionnelle» , dans le Comité
Consultatif des Universités et premier concours d’Agrégation.
26
Brève histoire du secteur (1956-2008)
• 7 mai 1973 : Décret instituant la spécialité médicale de « Rééducation et Réadaptation Fonctionnelle » en application de l’article 12 du
décret du 28 novembre 1955 portant Code de Déontologie médicale.
Une enquête de janvier 1974 fait état de 475 médecins spécialistes. Six
mois après la reconnaissance officielle, l’effectif est significatif, mais il est
encore trop restreint pour asseoir une réelle audience. L’essor conjugué de la
réadaptation fonctionnelle et de la Médecine physique n’interviendra qu’ultérieurement.
Le développement de la spécialité
À l’instar de toute discipline médicale, la RRF se dote d’institutions nationales et internationales au service de la promotion de la profession, de sa
reconnaissance et du développement scientifique, au fur et à mesure que le
nombre des praticiens s’accroît. En 2005, la France compte environ 1.750
spécialistes, dont la majorité exerce en établissement.
Les organismes successivement créés deviennent si nombreux qu’il a été
nécessaire d’y ajouter une fédération :
• le Collège des Enseignants Universitaires de Médecine de Rééducation
(COFEMER), actuellement composé de trente-cinq Professeurs des
Universités ;
• le Syndicat National des Médecins Spécialistes en Rééducation et
Réadaptation Fonctionnelle – Médecine Physique (SYFMER) fondé
en 1973, il a succédé au Syndicat des Médecins qualifiés en Médecine
Physique créé au milieu des années cinquante.
• la SOFMER – Société Française de Rééducation Fonctionnelle, de
Réadaptation et de Médecine Physique : société scientifique nationale
de la spécialité fondée en 1956 ; publie les Annales de Réadaptation et
de Médecine Physique depuis 1958 ;
• l’Association Nationale des Médecins Spécialistes de Rééducation
(ANMSR) ;
• la Fédération Française de Médecine Physique et de Réadaptation
(FEDMER) fédère les différentes structures.
Sous l’égide de cette dernière a été signé en 1999 un document de référence : la charte MPR.
27
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Préambule de la charte MPR
En référence à la classification de l’OMS, sur le modèle de Wood, les
patients souffrent de lésions responsables de déficiences. Celles-ci génèrent
des incapacités sources de désavantages et de handicap. La MPR est au
service des personnes porteuses de déficiences et d’incapacités dont la
qualité de vie est altérée, temporairement ou définitivement.
Les médecins de MPR coordonnent les soins après avoir établi le
diagnostic, en particulier du déficit fonctionnel, par les examens cliniques
et complémentaires nécessaires. Les procédures de soins appliquées doivent
être régulièrement revues, évaluées et améliorées en application des résultats de la recherche conduite dans la spécialité.
L ’objectif de la MPR est l’amélioration de la fonction pour favoriser
l’autonomie, la réinsertion et la qualité de vie, en utilisant tous les moyens
humains et matériels nécessaires, selon les règles des bonnes pratiques. Son
action respecte une éthique orientée vers l’intérêt du sujet, par la délivrance
d’une information adaptée qui lui permettra de faire un choix éclairé.
L’affectation des moyens humains et matériels doit être adaptée aux
besoins et aux spécificités de chaque structure : équipes pluridisciplinaires
spécialisées, de haut niveau de formation initiale et continue, coordonnées
par le médecin MPR, dans des équipements techniques et hôteliers évolutifs. Les équipes doivent respecter les objectifs fixés en commun et travailler
ensemble pour les atteindre.
Au plan international des institutions analogues existent. La spécialité est
désormais reconnue et individualisée dans la plupart des pays développés,
depuis qu’en 1968 (Genève), le comité d’experts de la Réadaptation Médicale
de l’OMS a déclaré l’existence d’une nouvelle discipline médicale : la spécialité
de « Physical Medecine and Rehabilitation ». Les dénominations fluctuent
mais impliquent toujours l’idée de rééducation, réadaptation, réhabilitation
ou médecine physique. Les Américains utilisent le terme « physiatrist » (EtatsUnis) ou « physiâtre » (Canada).
Le consensus s’établit pour définir la spécialité de la façon suivante : le
médecin de Médecine Physique et de Réadaptation est le spécialiste qui a pour
rôle de coordonner et d’assurer la mise en application de toutes les mesures
visant à prévenir ou réduire au minimum inévitable, les conséquences fonctionnelles, physiques, psychologiques, sociales et économiques des déficiences
et des incapacités.
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
Une technicité et des compétences
Le développement numérique et organisationnel de la spécialité n’est pas
une condition suffisante pour donner une assise sociale à l’activité. Elle s’est
affirmée en parallèle avec le développement de compétences nouvelles.
Citons à nouveau Hamomet : « (...) l’on commençait à apprendre comment
traiter les nouvelles catégories de patients que procuraient les survies des blessés médullaires, des grands brûlés, des polytraumatisés, des anoxies néonatales,
des spina bifida, etc. (…) Il en va de même dans la prévention des escarres,
dans la vidange bronchique posturale des enfants atteints de mucoviscidose,
dans la prévention de la luxation spastique de la hanche de l’enfant IMC (…)
Parallèlement, l’électrologie médicale jouait un rôle important dans la prise en
charge des paralysies. Sur le plan diagnostique, l’électrodiagnostic conventionnel a longtemps servi de base pour le traitement physique, électrothérapique
ou autre, puis les connaissances électrophysiologiques et l’électromyographie
firent accéder l’électrologie médicale au rang des sciences respectables. L’hydro- et la balnéothérapie, la médecine manuelle et les manipulations vertébrales, les techniques kinésithérapiques, les ressources de l’ergothérapie, en
association avec les thérapeutiques précédemment énumérées, participent à
l’élaboration du concept de“médecine physique” (...) »
Le développement universitaire avec ses composantes de recherche et d’enseignement a été l’un des moteurs de la constitution d’un corpus de connaissances qui s’est concrétisé dès 1981 par un manuel dépassant la description
de pathologies singulières et des techniques à mettre en œuvre. L’ouvrage de
Grossiord et Held donne à la discipline sa dimension générale et académique.
Mais le développement des connaissances est également à porter à l’actif des
spécialistes dans l’exercice de leur médecine au quotidien : recherches de
nouvelles techniques, confrontation dans des congrès, etc. Grâce à l’ensemble
de ces concours, la discipline acquiert une qualité supplémentaire précieuse
pour asseoir la reconnaissance sociale : la Médecine physique s’occupe de
pathologies plus sévères et surtout elle obtient des résultats.
Une autre contribution d’importance est la théorisation de Philip Wood et
qui sera à l’origine de la classification des handicaps, la très controversée CIH.
Ce médecin britannique, apportera en 1980 une avancée conceptuelle à la
définition du handicap. Il définit en effet le handicap comme la conséquence
des maladies sur la personne suivant trois plans :
• la déficience, correspondant à l’altération d’une structure ou d’une
fonction psychologique, physiologique ou anatomique ;
• l’incapacité, qui est une réduction partielle ou totale de la capacité
d’accomplir de façon normale une activité ;
• le désavantage, conséquence de la déficience ou de l’incapacité sur les
conditions d’insertion sociale, scolaire ou professionnelle.
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Les travaux de Wood constituent le fondement de la classification internationale des handicaps élaborée à l’initiative de l’Organisation mondiale de la
santé et adoptée par la France en 1988 comme référence des nomenclatures
statistiques sur le handicap. La principale critique porte sur l’aspect essentiellement fonctionnel du handicap ; la classification ne met pas suffisamment
l’accent sur l’aspect social. En somme, une classification par trop médicale.
L’OMS tentera de rectifier le tir avec la CIF qui fait une meilleure place aux
facteurs environnementaux.
Conclusion
La médecine physique a connu son âge d’or à partir du milieu des années
70. Elle a permis à la réadaptation fonctionnelle de se singulariser et d’être
reconnue comme une activité à part, du point de vue de la planification. En
effet, la loi hospitalière imposera à la carte sanitaire de définir au sein du
moyen séjour un indice et donc une planification spécifique pour la RRF.
Pourquoi la médecine physique et la réadaptation ont-elles pu obtenir ce
statut remarquable ? Quelles auraient été les alternatives ?
Pour répondre à la première question, plusieurs éléments peuvent être
évoqués :
• comparativement aux autres subdivisions, en particulier la convalescence, la réadaptation est une activité technique, qui nécessite des
moyens : un plateau technique et un personnel nombreux ;
• subséquemment, la réadaptation suppose des médecins spécialisés et
actifs ; leur rôle ne se limite pas à la surveillance médicale ; les médecins MPR pilotent un processus complexe ;
• enfin la réadaptation obtient des résultats parfois spectaculaires avec
des patients gravement touchés et ceci confère à l’activité une image
sociale forte et positive.
D’aucuns objecteront que la RRF obtient des résultats précisément parce
qu’elle sélectionne les patients. Sans doute. Mais le déploiement des moyens
si importants n’est réellement justifié que lorsqu’il est réservé à des patients
disposant d’un potentiel de récupération significatif. Quoi qu’il en soit, il n’est
pas affirmé ici qu’elle produit des miracles mais seulement qu’elle a profité de
ses résultats pour convaincre. Et se faire sa place au soleil du moyen séjour.
Longtemps la convalescence n’a été qu’une timide alternative. Cette forme
d’hébergement sous surveillance médicale ne pouvait pas obtenir le même
statut. Il n’en va pas de même pour les soins de suite parfois qualifiés de médicalisés pour désigner une activité s’adressant à des patients lourds et généralement âgés. Comme on le verra, la gériatrie s’est organisée plus tardivement et
n’a pas réussi à constituer la seconde catégorie susceptible d’être reconnue : les
30
Brève histoire du secteur (1956-2008)
soins de suite gériatriques. Au total, les soins de suite sont donc restés polyvalents, ce qui a nui à leur reconnaissance.
Enfin, l’on pourra constater que la réadaptation fonctionnelle a existé avant
la création de la spécialité. Elle était alors pratiquée par des rhumatologues,
des neurologues,… De fait, ces disciplines ont été évincées pour se redéployer
vers l’exercice libéral ou la pratique hospitalière de court séjour.
Pour ce qui concerne l’avenir, la spécialité connaît un problème démographique préoccupant. La profession estime que 40-50 nouveaux médecins
sont formés par an, alors qu’il en faudrait au moins le double pour assurer le
remplacement des départs à la retraite. À cet élément numérique s’ajouteront
les conséquences des réformes 2008 par lesquelles la réadaptation est renversée
de son piédestal.
Références
• Bardot André : Histoire de la Médecine de rééducation in Bulletin Syfmer, Le Syfmer
fête ses 50 ans, juin 2006
• Charte MPR signée le 15 octobre 1999 à Angers par les composantes de la FEDMER
• Grossiord André, La rééducation dans la poliomyélite, 1955
• Grossiord André et Held Jean-Pierre, Médecine de rééducation, Flammarion, 1981
• Hamonet, site internet
• Hamonet Claude, Les personnes handicapées, Que sais-je ?, PUF, Paris, 2004.
• Hamonet Claude, notice biographique André Grossiord pour l’AAIHP
• OMS, International Classification of Impairments, Disabilities and Handicaps - A
Manual of Classification Relating to the Consequences of Disease, 1980.
• Wood Philip (1990), The International Classification of Impairments, Disabilities
and Handicaps of the World Health Organization, in R. Leidl, P. Potthoff, D. Schwefel (Eds.). European Approaches to Patient Classification Systems, Berlin: SpringerVerlag, 1990.
L’absence (provisoire) de la gériatrie
La gériatrie aurait pu connaître une évolution comparable à la RRF. Le
moyen séjour se serait alors structuré en trois composantes : la réadaptation,
la gériatrie et le reste. On verra plus loin que le planificateur a tourné autour
de ce pot, sans franchir le cap. Probablement parce que les esprits n’étaient
pas mûrs pour reconnaître la spécificité médicale des personnes âgées et la
nécessité non seulement de disposer de médecins avec des compétences particulières, mais encore des structures dédiées. Selon l’axiome durkheimien que
la loi ne résulte pas de la volonté personnelle du législateur mais de ce que le
peuple est disposé à accepter, il faut identifier dans cette absence une sorte de
déni social de la problématique gériatrique. Le développement de la gériatrie
en SSR est ainsi marqué par la difficulté de surmonter la conjonction de différents handicaps.
31
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
• Handicap réglementaire
À différentes reprises l’évolution du monde hospitalier a renforcé de façon
croissante la limitation de la vocation historique d’hébergement. Le décret de
1980 insiste sur la mission du moyen séjour : assurer, après la phase aiguë de la
maladie, le prolongement des soins actifs ainsi que les traitements nécessaires
à la réadaptation en vue du retour à une existence autonome. La loi de 1991
enfonce le même clou et définit que les soins de suite ou de réadaptation sont
dispensés dans le but de réinsertion. Les missions ainsi définies correspondent
bien mieux à l’idéal de la réadaptation fonctionnelle qu’à la gériatrie.
• Handicap social propre au secteur de la personne âgée
Reléguées dans les structures du médico-social ou du long séjour, les
personnes âgées n’ont pas bénéficié d’un niveau de soins comparable à d’autres
pays. Il est fondé d’admettre que les pouvoirs publics n’ont pas voulu y consacrer les moyens nécessaires.
• Handicap hospitalier
On retrouve la même absence de sensibilité - ou de volonté politiquedans le faible empressement de l’hôpital pour offrir un accueil et une prise
en charge adaptée à cette catégorie d’usagers. Pourtant en raison des polypathologies, des polymédications, des complications y compris iatrogènes et des
atteintes caractéristiques de l’âge, les personnes âgées forment une proportion
de patients augmentant avec le vieillissement de la population. Mais l’hôpital,
organisé selon une médecine d’organe et le mythe du soin aigu d’urgence est
resté sourd et aveugle à la montée des malades chroniques et de la problématique des personnes âgées.
Dans la période qui nous occupe, la société - et partant l’hôpital - n’était
pas prête pour s’intéresser à la question de ces patients qui demandent une
attention particulière, une approche différente de la médecine d’organe, réclament une durée de séjour longue et pour lesquels ni une franche amélioration,
ni un retour à l’autonomie ne sont assurés.
D’autres handicaps tiennent à quelques particularités de l’exercice de la
gériatrie.
• La reconnaissance tardive de la gériatrie
La gériatrie comme corpus de connaissance s’est bien développée au cours
de la seconde moitié du XXème siècle. Pourtant il faudra attendre 2004 pour
que la gériatrie soit reconnue comme une discipline médicale. Donc 30 ans
après la Médecine physique. Ce retard est symptomatique de la cécité sociale
évoquée.
• La dispersion de l’exercice de la gériatrie
Enfin les lieux d’exercice des gériatres sont multiples et ceci a probablement handicapé la reconnaissance de spécialité et de la technicité des soins
prodigués. En pratique la gériatrie s’exerce dans l’ensemble des secteurs où
sont accueillies des personnes âgées : l’hôpital –surtout en moyen et long
32
Brève histoire du secteur (1956-2008)
séjour ; les maisons de retraites médicalisées etc. Cette dispersion a rabaissé la
gériatrie au rend d’une médecine générale particulière.
La gériatrie n’a pas à son actif des résultats comparables à ceux de la médecine physique. L’amélioration de la qualité des soins, la prise en compte de la
réadaptation, une prise en charge plus humaine et moins technique à l’hôpital constituent un progrès humain et médical incontestable pour les patients
concernés. Mais cela n’a rien à voir avec les récupérations spectaculaires pour
les grands traumatisés crâniens ou les accidentés sévères.
Bien plus, en privant les services de gériatrie des soins palliatifs, le législateur a contribué - sans doute involontairement - à maintenir une image
faiblement valorisante.
Le parallélisme entre les deux spécialités médicales atteste de la forte
dépendance des organisations et de la reconnaissance des activités, non
seulement avec l’accumulation de savoirs, de compétences, donc la capacité
d’agir, mais également avec les valeurs sociales. La MPR et la réadaptation
ont connu un apogée précoce. La gériatrie devra attendre son heure. Elle
viendra avec la revalorisation des soins de suite, la prise de conscience sociale
des polypathologies des personnes âgées et l’émergence d’une problématique
nouvelle et complexe : les troubles cognitifs désignés par le vocable générique
Alzheimer.
33
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
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Brève histoire du secteur (1956-2008)
Le moyen séjour à la fin du XXème siècle
Recomposition du système hospitalier
En l’espace d’une décennie, entre 1987 et 1996, le système hospitalier
connaît une inflexion significative. « En France, les équipements hospitaliers
ont beaucoup évolué depuis une quinzaine d’années sous l’effet des progrès
techniques, du développement des alternatives à l’hospitalisation traditionnelle, des contraintes économiques… Cette évolution s’est notamment
traduite, sur le plan quantitatif, par une diminution du nombre de lits d’hospitalisation pour des soins de courte durée (médecine, chirurgie, gynécologieobstétrique) de 305 000 à 260 000 entre 1987 et 19966. Dans une moindre
mesure, le nombre de lits d’hospitalisation consacrés aux soins de suite (rééducation, convalescence) a également connu une baisse de 97 000 à 92 000
lits pendant la même période. Pour les lits d’hospitalisation en psychiatrie, la
diminution a été plus marquée puisque leur nombre est passé de 107 000 à
75 000. En revanche, le nombre de lits de soins de longue durée, consacrés à
l’hébergement médicalisé des personnes âgées, a fortement augmenté, passant
de 59 000 à 81 000 entre 1987 et 1996 . En parallèle la durée moyenne de
l’hospitalisation de courte durée est passée de 7,5 à 5,8 jours. » (ORS Alsace,
1999)
Autour de l’année 2000, le paysage hospitalier n’a plus qu’un lointain
rapport avec la situation de 1956. Le secteur d’activité revêt une importance
croissante aussi bien pour le court séjour qui est entré dans la problématique
de raccourcissement des durées de séjour, que pour les patients. Et même pour
le système de santé qui y consacre un volume financier loin d’être négligeable.
ORS Alsace 1999 ; les chiffres cités sont nationaux.
6
35
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Pourtant le secteur reste mal appréhendé, sûrement méconnu et peut-être
même mal reconnu.
Par ailleurs le statut juridique des établissements n’est pas unique. L’activité
se partage entre les trois statuts : public, privé non lucratif (PSPH ou PNL),
privé lucratif. Chacun de ces secteurs a des spécificités et des atouts.
Le tournant du siècle est marqué par l’apparition d’une problématique
nouvelle : connaître, mesurer, pour mieux organiser cet important secteur de
l’activité hospitalière.
L’étude GAIN SSR
Le Groupe d’Animation et d’Impulsion National a été mis en place par
l’Assurance Maladie en 1991. Son premier champ d’investigation a été le court
séjour ; successivement l’obstétrique, la médecine et la chirurgie. Constatant que les activités SSR représentent 9,5 % des dépenses hospitalières, une
double vague d’audit par coupe transversale7 a été décidée pour 1995 et 1996.
Les objectifs de l’enquête sont :
• analyse de l’offre existante à partir des indicateurs classiques ;
• l’analyse médicale ;
• l’évaluation des besoins ;
• l’analyse médico-tarifaire des structures existantes.
La coupe a concerné l’ensemble du secteur en vue de documenter les établissements, les populations accueillies ; elle a été étendue au court séjour pour
identifier les besoins. Cette étude de grande envergure a permis une première
photographie nationale extrêmement complète du secteur. Le dépouillement
fait apparaître qu’au plan national, les quelques 1.600 structures totalisent
97.392 lits et places.
Groupe de discipline
Lits installés
Places installées
Total
Repos-convalescence-régime
36 382
36 382
Rééducation-Réadaptation fonctionnelle
28 795
3 365
32 160
Autres disciplines SSR
28 531
319
28 850
Total soins de suite et réadaptation
93 708
3 684
97 392
L’activité est inégalement répartie sur le territoire. L’on ne sera pas étonné
de l’héliotropisme des implantations : dans le sud et au bord de la mer. Le
Centre, la Champagne, les Ardennes… ont un taux faible - l’écart avec le
Une coupe transversale consiste à examiner tous les patients (ou seulement leur dossier) d’un établissement, présents un jour donné. L’enquête GAIN a donc concerné tous les patients de tous les établissements.
7
36
Brève histoire du secteur (1956-2008)
Languedoc-Roussillon est d’un rapport supérieur à 3. Dans ce dernier cas,
l’explication est à rechercher dans le recrutement interrégional.
Taux de recrutement interrégional pour 100.000 habitants
L’enquête établit une typologie de l’activité et distingue huit catégories.
Cette hétérogénéité ne doit pas masquer que 80 % des lits installés appartiennent à trois disciplines dominantes.
37
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Dans son versant MCO, l’enquête fait apparaître des difficultés d’adressage pour les patients les plus lourds : « 26 % des malades ne trouvent pas de
réponse adéquate à leur état de santé, 6 % attendent au-delà de 28 jours en
encombrant les services de court séjour: parmi eux, près de 40 % ont besoin
de soins de suite et de réadaptation qui ne peuvent être mis en œuvre dans des
délais adaptés à leur état. »
Le volet « patient » est abordé avec l’objectif de décrire la lourdeur des
prises en charge. Un indice est établi, variant entre 0 (patients ne nécessitant aucun soin) à 7 (lourdeur maximale). L’enquête découvre que le segment
des patients légers représente quelques 22.000 lits - essentiellement dans la
catégorie des centres de convalescence/repos. Les auteurs posent immédiatement la question de l’utilité d’une prise en charge si peu médicalisée. Enfin,
l’enquête met l’accent sur l’âge élevé en soins de suite.
Classification des établissements en fonction des soins donnés
Étude GAIN
é
é
1. Hébergement avec soins mesurés faibles.
2. Soins techniques infirmiers lourds (selon classification des soins infirmiers auprès de la personne soignée - SIIPS).
3. Soins techniques infirmiers moyens -Soins de nursing d’intensité lourde.
4. Service mixte avec soins de suite de type techniques infirmiers lourds
ou moyens, soins de rééducation et réadaptation fonctionnelle d’intensité moyenne.
5. Rééducation, réadaptation fonctionnelle d’intensité moyenne.
6. Rééducation, réadaptation fonctionnelle avec intensité dominante
lourde.
7. Soins de rééducation, réadaptation fonctionnelle et soins techniques
infirmiers d’intensité lourde.
Les promoteurs de la coupe GAIN tirent de ce qui précède la conclusion
d’une nécessaire réorganisation de l’offre de soins de suite ou de réadaptation.
Deux objectifs d’optimisation sont mis en avant :
• redéployer la quasi-totalité des moyens utilisés pour l’accueil des
patients nécessitant peu de soins vers une réponse aux besoins exprimés par des patients plus lourds ou, à l’inverse, vers une réponse de
type médico-social ;
• mettre un terme au recrutement hors région, excepté pour les établissements à haute spécialisation dont le recrutement ne peut être que
plurirégional.
Telle sera l’évolution au cours de la décennie suivante :
38
Brève histoire du secteur (1956-2008)
• la fin des établissements de convalescence - soit la fermeture pure et
simple, soit la montée en gamme des soins de suite médicalisés ;
• l’orientation vers une offre de soins de proximité, enjeu des futurs
SROS, et donc la fermeture de lits dans les régions excédentaires pour
les rouvrir dans les régions sous-équipées.
L’enquête GAIN a été marquante. Elle a été conduite par l’Assurance
Maladie et elle a été exhaustive. Les résultats peuvent cependant être soumis
à l’examen critique. Car elle porte l’empreinte de son temps. Ainsi, le cadre
méthodologique s’avère plutôt conservateur, car il méconnaît la montée en
charge déjà amorcée de la gériatrie, même si l’étude relève que le vieillissement
de la population sera un enjeu. Par ailleurs elle aborde le moyen séjour dans
une fonction hospitalière de « dégagement », notion déjà en cours d’obsolescence. La limite essentielle est donc que l’enquête n’a pas cherché à appréhender les parcours ou filières de soins. La différence est notable. Dans cette
dernière approche le SSR n’est plus au service du court séjour, mais au service
du patient auquel il a la vocation d’apporter les soins requis par son état. Il
faudra encore attendre quelques années pour une redéfinition en ce sens.
Planification et autorisation
Deux outils réalisent rapidement une recomposition qui constitue un
nouveau façonnage du moyen séjour : l’autorisation et la planification (carte
sanitaire).
Des indices de besoins
Progressivement l’activité de moyen séjour est de plus en plus encadrée.
L’autorisation est délivrée si l’activité répond aux besoins et si l’établissement
remplit les conditions techniques - ce dernier point n’est pas une nouveauté
depuis le décret de 1956. L’élément nouveau est que l’autorisation est dorénavant délivrée en fonction de la carte sanitaire. Selon l’arrêté du 9 décembre
1988, l’indice de besoins afférents aux moyens d’hospitalisation pour le moyen
séjour est fixé de 1 à 1,8 lits pour 1.000 habitants. Au sein de cet indice,
l’indice de besoins afférents aux moyens d’hospitalisation pour la réadaptation
fonctionnelle est fixé de 0,30 à 0,50 lit pour 1.000 habitants.
La notion d’indice s’avère rapidement trop limitée. D’une part l’indice ne
prend pas en compte les subdivisions de l’activité de moyen séjour et d’autre
part il n’apporte pas de réponse aux besoins des populations locales au sein
d’une même région sanitaire. La loi de 1991 amplifie le processus de planification en instituant les SROS (Schéma Régional de l’Organisation Sanitaire).
Les SROS ont de ce fait vocation à préciser à la fois l’analyse des besoins et les
39
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
réponses adoptées, au sein de chacune des disciplines, mais également au sein
de chacun des secteurs de la région sanitaire. Le SROS devient alors un réel
outil de planification.
Conformément à la loi, les SROS de première génération, comportent
la fixation des indices régionaux. Ces indices sont calculés sur la base de la
population comptée au dernier recensement et l’estimation des évolutions en
cours. L’indice est d’abord calculé globalement pour l’ensemble du SSR, puis
est fournie la précision sur l’équipement en lits de réadaptation fonctionnelle.
Ils comportent également le découpage de la région en secteurs. L’activité
sanitaire est de fait étagée en activités de proximité qui ont vocation à exister
dans chaque secteur et activité régionale, voire nationale réservée à des établissements de recours.
« L’établissement de la carte sanitaire est précédé d’un bilan quantitatif
et qualitatif des installations, équipements et activités énumérés à l’article
R 712-2, existants ou autorisés dans la zone sanitaire considérée (article R.
712-3). » Ce bilan figure dans le volet « Soins de suite ou de réadaptation »
du SROS.
Depuis 1996, les projets sont préparés par l’ARH, puis ils sont soumis à
concertation d’une part aux conférences sanitaires de secteur et d’autre part
au CROSS (L 712-11).
L’une des difficultés de cette planification sera l’absence de lien entre l’autorisation et le financement. Les promoteurs peuvent donc identifier un besoin
non couvert, solliciter une autorisation, l’obtenir,… et rester dans l’incapacité
de la mettre en œuvre faute de moyens financiers.
Un exemple : l’Alsace
L’enquête GAIN a situé l’Alsace parmi les régions excédentaires. Comme
d’autres régions montagneuses, la crête des Vosges est parsemée d’anciens
sanatoriums reconvertis. De cette histoire résulte une double problématique :
l’Alsace comporte trop de lits et ils sont mal situés, car en-dehors des bassins
de population urbains.
40
Brève histoire du secteur (1956-2008)
La difficulté du planificateur est de cerner l’activité dans ses composantes
principales. L’organisation régionale doit échapper au risque de nivellement
et identifier des catégories, des pathologies, des sous-spécialités. En l’absence
d’une segmentation fondée sur un texte de référence, chaque SROS tente de
résoudre la difficulté en adoptant sa propre typologie.
Typologie établie par l’ARH d’Alsace pour la révision du SROS
« L’organisation territoriale des moyens d’hospitalisation préconisée par le
Schéma repose sur cette typologie médicale, comportant les filières suivantes :
• orthopédie- traumatologie-rhumatologie ;
• neurologie ;
• comas ;
• cardio-vasculaire ;
• respiratoire ;
• nutrition ;
• alcool ;
• soins de suite polyvalents et/ou à orientation gériatrique. »
En réalité, la typologie est explicitement structurée selon deux axes complémentaires : la médecine physique (les trois premiers items) et les soins de suite.
Pourtant cette indispensable typologie sera imparfaitement utilisée. Ainsi
l’état des lieux de 1999, documente une segmentation un peu différente, dans
laquelle apparaît une catégorie supplémentaire, fortement représentée : la
convalescence. Tout le problème est là ; les orientations de l’enquête GAIN
(la reconversion des lits et de repos et de convalescence) restent à mettre en
œuvre. Ce sera l’objectif du prochain SROS.
41
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
La planification régionale ne respecte pas non plus la typologie évoquée.
Elle l’adapte en s’appuyant sur la bi-partition classique qui oppose la réadaptation fonctionnelle aux soins de suite.
Le schéma régional doit aller plus loin. Il doit encore décliner la planification dans les secteurs sanitaires. S’agissant de la première occurrence, l’exercice
est difficile. Le SROS alsacien élude la question de détail et définit simplement
les grandes lignes en spécifiant, comme attendu que certaines activités ont une
42
Brève histoire du secteur (1956-2008)
vocation intersectorielle, par exemple régionale, alors que d’autres ont une
vocation de proximité.
Le rapprochement pour chaque secteur du nombre de lits installés et des
besoins montre des décalages inquiétants. Ainsi le secteur n°3 fort de quelques
1000 lits, voit son besoin évalué à moins de la moitié. En Alsace, la planification est sur le point de déclencher un bouleversement de grande ampleur.
La fin du recrutement national
L’orientation de proximité, par laquelle le recrutement régional prend le
pas sur le recrutement national constitue un changement qui met en péril
la survie de certains établissements et malmène particulièrement les régions
déjà repérées par l’enquête GAIN. La question comporte inévitablement une
dimension politique.
Dans une question écrite8, le sénateur Fernand Tardy « attire l’attention de
M. le secrétaire d’État à la santé et à la sécurité sociale sur les graves incidences
qu’aura la décision de rendre opposable, en tant que schéma régional d’organisation des soins spécifiques, l’étude réalisée par la direction régionale des
affaires sanitaires et sociales de la région Provence - Alpes - Côte d’Azur. Les
objectifs découlant de cette étude portant sur les soins de suite et de réadap Question écrite n° 14824 publiée dans le JO Sénat du 04/04/1996 - p. 787.
8
43
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
tation sont en totale contradiction avec la vocation nationale de nombreux
établissements gérés par les dispositions de l’article R. 162-37 du code de la
sécurité sociale (issu de l’article 12 du décret no 73-183 du 22 février 1973)
qui stipule : ‘‘la règle dite de la limitation à l’établissement le plus proche, en
matière de prise en charge des soins dispensés dans les établissements privés
conventionnés, n’est pas applicable lorsque l’assuré est hospitalisé dans une
maison de repos et de convalescence.’’ » Dans sa réponse, le Ministre9 est
inflexible, signe que les temps ont changé ; il rappelle « deux éléments d’information essentiels : d’une part, c’est au niveau régional que les besoins de structures sanitaires de soins de suite de réadaptation doivent être estimés, d’autre
part, en Provence - Alpes - Côte d’Azur, le taux d’équipement régional dépasse
très largement l’indice plafond puisqu’il se situe à 2,8 lits au lieu de 1,8 maximum pour 1 000 habitants. De plus, les enquêtes préalables à l’élaboration du
schéma d’organisation sanitaire ont mis en évidence un dysfonctionnement
majeur dans le dispositif de soins : alors qu’une part importante de l’activité de
ces établissements est réalisée au profit de patients ne justifiant pas une hospitalisation en soins de suite, les établissements de soins aigus rencontrent des
difficultés de transfert de leurs malades dans les structures de soins de suite. »
La seul issue offerte à ces établissements est une reconversion dans un autre
secteur : le médico-social.
Au seuil de l’an 2000, le mouvement est lancé. L’enquête GAIN a cherché
à mieux connaître le secteur ; elle a également dévoilé les orientations des
pouvoirs publics et annoncé la politique qui sera mise en œuvre par la planification. Après avoir décliné ces orientations régionalement, voire secteur par
secteur, dans l’élaboration des SROS, les ARH seront en charge de leur réalisation. La recomposition de l’offre de soins SSR est en marche.10
Évolution de l’activité SSR
Au plan national
La DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des
Statistiques – rattachée au Ministère de la Santé) publie une étude sur les
établissements de santé en 200411. L’activité SSR se répartit entre les secteurs
comme indiqué ci-dessous. Le secteur public est dominant. Mais seul le
secteur privé non lucratif a fortement investi les alternatives à l’hospitalisation
complète.
Réponse publiée le 12.09 1996, JO du Sénat, p. 2369.
L’ensemble des structures devront solliciter le renouvellement de leur autorisation en 2001. Ce sera l’occasion de rendre les derniers arbitrages pour ceux qui auraient cherché à échapper à l’évolution.
11
Les Établissements de santé. Panorama pour 2004, La Documentation Française, 85 p.
9
10
44
Brève histoire du secteur (1956-2008)
Hospitalisation complète
Hospitalisation partielle
Total
Public
PNL
Privé Lucratif
Total
38 186
30 411
22 372
90 969
1 285
2 789
968
5 042
39 471
33 200
23 340
96 011
L’étude comporte, entre autres, des statistiques concernant l’évolution du
paysage hospitalier entre 1992 et 2004. Au cours des années 90, le système
hospitaliser a subi une érosion significative de ses capacités ; environ 16 %
des lits sont fermés. Tel était expressément l’objectif de la réforme de 1991.
La fermeture des lits n’est que partiellement compensée par la montée des
alternatives. Les activités SSR n’échappent pas au mouvement général, mais
la proportion est moindre – la diminution est à peine de 3%. Toutefois, la
situation selon les secteurs est inégale. Les plus fortes pertes concernent les
établissements PSPH - le secteur public est touché d’une façon moindre. Dans
ce contexte morose, le secteur lucratif tire son épingle du jeu : il se développe
et crée 4.000 places SSR.
45
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Au plan régional : Île-de-France
En juin 2000, l’ARH d’Île-de-France dresse le bilan régional de l’offre en
soins de suite et de réadaptation. L’objectif est de faire le point sur la réalisation du SROSS SSR.
Depuis 1997, les capacités autorisées ont augmenté de plus de 3.000 lits
et places, dont les deux tiers correspondent à des reconversions de lits de
court séjour. L’essentiel des créations concerne le secteur privé lucratif, mais
ce secteur subit également l’essentiel des fermetures. L’APH-HP bénéficie de
la plus grande proportion de créations nettes.
L’étude de cette importante région forte de plus de 10 millions d’habitants
et disposant d’environ 15.800 lits autorisés butte sur la difficulté d’appréhen46
Brève histoire du secteur (1956-2008)
der l’activité SRR dans ses composantes essentielles. L’AHRIF entreprend de
faire évoluer la typologie GAIN à partir de données du PMSI pour un outil
spécifique à la région.
•
•
•
•
•
•
•
Classification AHRIF (2001)
Gériatrie (80 % RHA > 70 ans)
Pédiatrie (80 % RHA > 16 ans)
Réadaptation (Gain types 5 et 6)
SSR post réanimation (Gain type 7)
Soins palliatifs
Ets de soins de suite selon âge (dominante : adulte/gériatriques) (…)
Ets accueil des traumatisés cérébraux adultes ou mucoviscidose enfant
En Île-de-France, la question des établissements de convalescence et de
repos ne se pose déjà plus. En revanche la problématique gériatrique est devenue saillante. Elle concerne au premier chef les établissements disposant d’une
autorisation de soins de suite. Certains se sont spécialisés : 80 % des résumés
hebdomadaires du PMSI concerne des patients âgés ; d’autres peuvent avoir
une dominante. Mais la différenciation selon l’âge n’est pas l’unique axe d’analyse. D’autres problématiques apparaissent en raison de leur forte technicité
qui impose de fait une spécialisation (traumatisés crâniens).
***
À la fin du XXème siècle les structures SSR ont réalisé leur mutation. Est
abandonnée la mission d’hébergement propre à l’idée de repos ou de convalescence : se mettre au vert, respirer le bon air, reprendre des forces après
une maladie ou une opération. On peut établir un parallèle schématique
avec l’évolution générale des hôpitaux qui ont eux-aussi été confrontés à
cette inflexion d’abandonner l’hébergement. La mutation soignante suppose
d’un côté d’accueillir des vrais malades et de l’autre une montée en gamme
notamment pour ce qui concerne le personnel : médecins, soignants, paramédicaux… mais également pour ce qui concerne l’organisation. Dorénavant
l’essentiel des exigences édictées pour le champ MCO s’appliqueront au SSR :
l’hygiène, la certification, les droits des patients (loi 2002)…
En réalité, l’évolution va se traduire par l’exigence de prendre en soin de
façon croissante des personnes de plus en plus âgées, de plus en plus dépendantes, souffrant de maladies chroniques, et enfin de faire face à la désorientation (démence). La réadaptation fonctionnelle qui se singularise dans ce
tableau par une ambition médicale et un plateau technique spécialisé pourra47
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
t-elle tirer son épingle du jeu ou sera-t-elle victime de la remise en question
de la bipolarisation qui s’amorce par la montée des soins de suite médicalisés
et gériatriques ?
48
Brève histoire du secteur (1956-2008)
Un nouveau cadre
La planification ayant porté ses fruits, un autre enjeu arrive au premier
plan, celui de la révision de la tarification. Pour aborder ce terrain complexe, la
grossière typologie - au demeurant faiblement standardisée - est un outil totalement inadéquat. L’heure est à l’invention d’un financement tenant compte
des patients réellement pris en charge. Dans l’immédiat le modèle n’est pas
encore défini, pas même dans ses grandes lignes. Cependant il est déjà acquis
qu’il existe des inégalités et qu’elles doivent être résorbées. Les établissements
publics et PSPH bénéficient d’une dotation globale, qui a l’inconvénient
d’être figée ; elle constitue un budget historique intéressant pour les uns, pénalisant pour d’autres. Les établissements privés sous OQN sont restés au prix de
journée, avec là encore des rentes de situation ou des difficultés. En particulier
la montée en gamme des soins de suite rencontre un problème de financement, même si des marges peuvent y être affectées. Le prochain chantier sera
la remise à plat de la tarification. Pour ce faire, il est impératif de se doter d’un
nouveau cadre. Tel sera l’objectif du PMSI et de l’ENC.
Le PSMI SSR
L’enquête GAIN a mis en lumière la méconnaissance de l’activité médicale
réalisée dans le monde multiforme du moyen séjour. La mise en place du
PMSI apportera-t-elle la lumière attendue ? Le PMSI est une vaste entreprise : Programme de Médicalisation du Système d’Information. Très concrètement, cela consiste à recueillir pour chaque patient hospitalisé un ensemble
de données (pathologie, âge, mode d’entrée, de sortie, durée de séjour) carac49
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
téristiques de son état, ainsi que de sa prise en charge. Autrement dit, le PMSI
se présente sous l’aspect d’un outil descriptif, d’un recueil exhaustif d’informations médicales. En fait le projet du PMSI comporte par-delà la description de
l’activité hospitalière une visée économique. En cela il transpose un principe
déjà appliqué en court séjour.
L’équipe projet est en place depuis 1993 et l’ensemble des travaux aboutit
en 1997 à la publication des textes de référence et au lancement des formations. Le PSMI est ainsi un processus de standardisation. Il rappelle différents
principes, par exemple le décompte des journées de permission. Le PMSI est
plus que cela, c’est un mouvement de formalisation. En effet, pour décrire
une activité médicale, il faut disposer d’une classification. Celle-ci définit
des composantes en nombre limité, des rubriques à renseigner, et d’autre
part pour la plupart d’entre elles le thésaurus des réponses possibles. Pour ce
qui concerne les éléments médicaux du diagnostic, le PMSI s’appuie sur la
CIM 10 (Classification Internationale des Maladies, version 10), publiée par
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Seuls les temps de rééducation
sont des variables métriques ; toutes les autres variables reposent tantôt sur
un codage (choix dans une liste), soit une évaluation sur une échelle (degré
de dépendance). Donc avant de lancer le recueil des données, il faut que tous
les codes soient définis et que le personnel concerné soit formé. Une nouvelle
fonction médicale est dorénavant requise : un médecin doit être chargé du
« Département d’Information Médicale (DIM) ».
Cette phase d’élaboration a été très importante sur le plan conceptuel,
car, pour une fois, le système mis en place n’est pas la transposition d’une
méthodologie nord-américaine ; il résulte de travaux spécifiques pour coller
aux particularités du moyen séjour français. En contrepartie, la classification
retenue repose essentiellement sur des avis d’experts et une expérimentation
limitée.
Première originalité, les experts n’ont pas retenu le séjour comme unité
d’œuvre, mais la journée. Ce parti-pris se justifie par la durée de séjour qui
s’élève en moyenne à 35 jours, mais avec une énorme dispersion. D’un côté
il existe encore des séjours de convalescence d’une durée de trois semaines, de
l’autre des séjours de réadaptation de traumatisés crâniens sortant du coma
qui peuvent dépasser le semestre. La variabilité des séjours est autre difficulté :
l’un récupère plus vite, l’autre atteint un palier.
Le recueil est effectué chaque semaine avec pointage des journées de
présence. Même si l’état du patient n’a pas évolué. Dans le principe, il s’agit
de « coder la prise en charge » : ce dont l’équipe s’est occupée (la consommation de ressources) et non pas les caractéristiques générales du patient et des
pathologies qu’il présente.
L’ensemble des informations de la semaine est tracée dans un RHS ou
Résumé Hebdomadaire Standardisé. Quelles sont les variables ?
• Quelques variables administratives.
50
Brève histoire du secteur (1956-2008)
• Les caractéristiques socio-démographiques ainsi que la filière de soins
du patient, la date de l’intervention chirurgicale.
• La pathologie : la morbidité, le diagnostic principal, les diagnostics
associés, la finalité principale de prise en charge, éventuellement les
affections étiologiques si elles sont connues.
• La dépendance aux actes de la vie quotidienne : locomotion, alimentation, toilette, élimination, utilisation du fauteuil roulant ; la dépendance relationnelle et cognitive.
• Ainsi que quelques marqueurs de prise en charge, en particulier les
actes du CdARR, ainsi que des actes médicaux particuliers.
Le CdARR ou catalogue des actes de rééducation et réadaptation est une
autre spécificité du PMSI moyen séjour. En effet si les paramédicaux intervenant sur le plateau technique sont invités à noter le temps consacré au patient,
y compris éventuellement en son absence, la cotation ne s’effectue pas par
métier mais selon des catégories d’actes, lesquelles peuvent concerner différents métiers. Autrement dit, il n’y a pas un décompte du temps kiné ou ergo,
mais un relevé du temps passé aux activités de rééducation sensori-motrice.
Les catégories du CdARR
• Mécanique
• Sensori-motrice
• Neuro-physiologique
• Cardio-respiratoire
• Nutritionnelle
• Sphinctérienne et urologique
• Réadaptation et réinsertion
• Adaptation d’appareillages
• Rééducation collective
• Bilans
• Physiothérapie
• Balnéothérapie
L’ensemble des informations est saisi par informatique, puis exploité par
un logiciel qui anonymise les données nominatives, puis effectue un traitement dénommé groupage. Il s’agit d’un algorithme de classification par lequel
le RHS est affecté d’abord à un type médical : la CMC ou Catégorie Majeure
Clinique, par exemple la CMC 12 des affections neuro-musculaires. Dans
un second temps l’algorithme affecte la semaine à un Groupe Homogène de
Journées ou GHJ.
51
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Liste des Catégories Majeures Cliniques ou CMC
11
Poursuites de Soins Médicaux Cardio-vasculaire/Respiratoire
12
Poursuites de Soins Médicaux Neuro-Musculaire
13
Poursuites de Soins Médicaux Santé mentale
14
Poursuites de Soins Médicaux Sensoriel et cutané
15
Poursuites de Soins Médicaux Viscéral
16
Poursuites de Soins Médicaux Rhumato/Orthopédique
17
Poursuites de Soins Médicaux Post-Traumatique
18
Poursuites de Soins Médicaux Amputations
20
Soins palliatifs
30
Attente de placement
40
Réadaptation/Réinsertion
50
Poursuites de Soins Médicaux Nutritionnels
60
Autres situations
80
Gériatrie aiguë
90
Erreurs/Sans objet
99
Goupage impossible
52
Brève histoire du secteur (1956-2008)
Les GHJ de la CMC 11
001
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Prises en charge Cliniques
Très Lourdes
002
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Prises en charge Cliniques
Lourdes
003
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Prises en charge de
Rééducation-Réadaptation Complexes
004
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Prises en charge de
Rééducation-Réadaptation
005
11
Age<16 ans - Mucoviscidoses - Dépendance physique<=12
006
11
Age<16 ans - Mucoviscidoses - Dépendance physique>12
007
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Soins post-chirurgicaux
- Dépendance physique<=12
008
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Soins post-chirurgicaux
- Dépendance physique>12
009
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Autres - Dépendance
physique<=12
010
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Autres - Dépendance
physique>12
011
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Prises en charge
Cliniques Très Lourdes
012
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Prises en charge
Cliniques Lourdes
013
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Prises en charge de
Rééducation-Réadaptation Complexes
014
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Prises en charge de
Rééducation-Réadaptation
015
11
Age>=16 ans - Affections respiratoires carcinologiques ou liées au VIH - Dépendance physique<=12
016
11
Age>=16 ans - Affections respiratoires carcinologiques ou liées au VIH - Dépendance physique>12
017
11
Age>=16 ans - Insuffisances cardiaques, Insuffisances Respiratoires Chroniques
- Dépendance physique<=12
018
11
Age>=16 ans - Insuffisances cardiaques, Insuffisances Respiratoires Chroniques
- Dépendance physique>12
019
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Autres - Dépendance physique<=12
020
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Autres - Dépendance physique>12
280
11
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Patients opérés depuis
moins de 21 jours
53
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Exemple d’algorithme de groupage
La classification se nourrit d’une préoccupation médico-économique.
Elle considère que le coût direct moyen d’une journée constitue la variable
à expliquer. Elle repose de ce fait sur l’identification des groupes de prises en
charge de lourdeur différente selon les caractéristiques des malades. Au sein de
chacune des CMC, est opérée une subdivision selon l’âge (adulte/enfant), puis
sont définis les mêmes segmentations :
• les prises en charges très lourdes (PCTL) ;
• les prises en charges lourdes (PCL) ;
• les prises en charges de rééducation réadaptation complexes ou PRRC ;
54
Brève histoire du secteur (1956-2008)
• les prises en charges de rééducation et réadaptation ;
• les prises en charges avec dépendance aux AVQ élevée (> 12).
Sont ainsi définies des classes selon les lourdeurs.
Enfin les données sont transmises aux autorités régionales pour exploitation. Progressivement a été développée une série de tableaux statistiques
(tableaux MAHOS) décrivant l’activité médicale des établissements SSR sous
un jour jusqu’alors inégalé.
Exemple Tableau MAHOS 7
Effectif
hosp. jour/
nuit
Hosp.
jour/ nuit
39893
1,2
1471
0,4
172
0,3
Prises en
charge
cliniques
lourdes
240017
6,3
213343
6,3
23417
6,1
3257
5,8
Prises en
charge en
PRRC
116380
3,1
78945
2,3
34157
9,0
3278
5,8
Prises en
charge en
PRR
490565
12,9
385292
11,4
94102
24,7
11171
19,8
Soins Palliatifs - CMC 20
105875
2,8
105844
3,1
31
0,0
0
0,0
Soins Palliatifs - Z 51.5
105492
2,8
105487
3,1
5
0,0
0
0,0
Attente de
placement CMC 30
45377
1,2
45327
1,3
50
0,0
0
0,0
Attente de
placement - Z
75.1
93821
2,5
92930
2,8
891
0,2
0
0,0
Prises en
charge événements aigus
76872
2,0
75910
2,3
926
0,2
36
0,1
Effectif
séances
Séances
Hosp.
complète
1,1
Prises en
charge
cliniques très
lourdes
Total
41536
Effectif
total
Effectif
hosp.
complète
Tableau 7 Prises en charge particulières 2003
(base nationale des établissements publics et PSPH – source ATIH)
55
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
23338
0,6
23300
0,7
36
0,0
2
0,0
1068124
28,1
988220
29,3
71626
18,8
8278
14,7
Score de
dépendance
physique > 12
904932
23,8
863893
25,6
35072
9,2
5967
10,6
Score de
dépendance
relationnelle
>6
382122
10,0
357608
10,6
21321
5,6
3193
5,7
Patients dont
l’age < 16 ans
209323
5,5
130701
3,9
69410
18,2
9212
16
Dont RHA
affecté à CMC
80
Fauteuil
roulant
Le PMSI est un outil de documentation sans précédent par lequel les
autorités de santé accèdent à la capacité de connaître avec précision l’activité
de l’ensemble des établissements de soins de suite ou de réadaptation. Ceci
en théorie. Car en pratique, l’opération sera à peu près stérile pendant une
dizaine d’années.
Pourquoi ce relatif échec ?
Tout d’abord le recueil des données n’aura pendant longtemps aucun
enjeu. Tant de travail de collecte pour si peu de résultat finit par décourager les bonnes volontés. Les uns omettront d’entrer dans le processus - et
cela sans conséquences. D’autres arrêteront d’abord la transmission, ensuite
le recueil. D’autres encore ne consacreront plus toute l’attention nécessaire à
l’exhaustivité et à la qualité des données. Une autre raison tient aux limites de
la méthode. En effet le PMSI ainsi mis en place montre rapidement quelques
insuffisances. Or malgré ce constat, il ne bénéficie d’aucune amélioration ou
mise à jour significative pendant les dix premières années. Enfin, le Ministère
a engagé une étude nationale des coûts (ou ENC) permettant de calculer les
coûts moyens de chacun des quelques 280 GHJ puis a stoppé la collecte et
l’exploitation. Tout porte à croire que l’opération n’était pas soutenue par une
volonté politique à toute épreuve.
En dépit de ce manque de crédibilité et de ses limites, l’outil mis en place
reste une tentative de cerner l’activité médicale utile à ceux-là même qui la
produisent. Même si - malheureusement - aucune utilisation officielle n’a été
faite avant longtemps, l’outil PMSI permet aux responsables des établissements, directeurs et médecins, de disposer d’un outil pour analyser les fluctuations et notamment la lourdeur des prises en charge. Quant à l’utilisation
économique, ce sera partie remise ; elle viendra à son heure.
56
Brève histoire du secteur (1956-2008)
La première ENC SSR
L’ambition ultime du PMSI n’est pas de décrire l’activité médicale. Elle est
de concourir au financement selon le principe que « la prise en charge d’un
patient atteint d’une affection se manifestant avec une certaine morbidité doit
pouvoir être financée d’une façon similaire quel que soit l’établissement où il
est reçu. »
La mise en place d’un système de financement médicalisé implique que :
1. soit établie une catégorisation des patients par la constitution de
groupes homogènes, tel est le rôle du PMSI ;
2. soit connu un coût de revient pour chacun de ces groupes de patients,
tel est le rôle de l’ENC ;
3. soit défini un financement, donc un tarif, lequel n’est pas nécessairement superposable au coût moyen, mais devrait s’en inspirer.
Avec le PMSI s’est ouverte la première étape d’un très vaste chantier. Le
second volet a été l’Étude Nationale des Coûts (ENC).
Pour la clarté de l’exposé, plusieurs remarques préliminaires doivent être
faites :
• L’ENC vise à connaître des coûts moyens. Cela n’a rien à voir avec
le service rendu ou l’efficience de la prise en charge. Elle n’a pas non
plus l’ambition de calculer les ressources que l’on pourrait estimer
adéquates. Elle est une démarche d’analyse de gestion, un calcul reposant sur l’existant.
• À ce stade de l’avancement, le futur système de tarification reste totalement dans l’ombre. La mise en place en MCO, d’abord d’un indice
synthétique (les points ISA) puis d’une tarification à l’activité, permet
d’imaginer un système sur la base d’une transposition, dont les modalités demeurent complètement floues.
• En particulier le lien entre un coût moyen calculé et un éventuel tarif
reste la grande inconnue. Car le tarif est inévitablement un outil au
service d’une politique ; il permet une régulation du marché.
Sur le plan gestionnaire, les deux premières étapes constituent des avancées majeures. D’abord le PMSI décrit et par-là permet de comparer l’activité
médicale. Ensuite l’ENC, lorsqu’elle livrera ses premiers résultats, permettra
d’évaluer la performance économique des établissements, de les comparer
entre eux.
La mise en place d’un cadre standardisé
Sur le plan technique, l’ENC est une entreprise qui suppose que de
nombreuses questions préalables soient traitées. En premier lieu, elle impose
que soit réalisé en amont un travail de standardisation. Un premier pas sera
57
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
le retraitement comptable de l’exercice 1998 sur injonction de Marie-Annie
Burette, chef de la mission PMSI. Les grands hôpitaux sont déjà entraînés à
ce genre de pensum, pour les autres, la lettre précise qu’il y a lieu de l’aborder comme un « exercice d’entraînement ». Cette indulgence inhabituelle est
une précaution indispensable. Car sur le plan technique, beaucoup d’établissements sont mis en difficulté par l’opération. En effet à cette époque, la
comptabilité analytique reste une notion d’avant-garde pour l’ensemble des
hôpitaux.
Le retraitement comptable aujourd’hui entré dans les mœurs et informatisé sous le nom d’ICARE suppose de réaliser les opérations suivantes à partir
du compte administratif plus ou moins définitif :
• la neutralisation des charges non incorporables ;
• la ventilation entre des sections d’imputation : MCO, SSR… les
sections auxiliaires d’hôtellerie et de logistique… en fait il s’agit d’une
ventilation entre les grands chapitres analytiques ;
• la définition de quelques unités d’œuvre élémentaires (la journée pour
les repas ou la blanchisserie)…
Cette opération est essentielle. Car elle permet une première étape qui est
de calculer un coût complet pour une section d’activité donnée, en l’occurrence les SSR. En effet dans un hôpital aux multiples activités comment répartir les frais généraux entre les urgences, la chirurgie, la maison de retraite, etc ?
Il faut des règles précises. Telle est l’ambition du retraitement comptable, qui
devient une opération obligatoire et standardisée.
L’ENC doit aller beaucoup plus loin et permettre de rattacher au patient,
au cours d’une semaine donnée (PMSI oblige), le coût de l’ensemble des
ressources consommées. Ceci suppose un travail encore plus complexe de
normalisation. Elle butte sur la difficulté que le PMSI, dans sa version systématique et obligatoire, ne collecte pas toutes les informations nécessaires.
Aussi les établissements retenus dans l’échantillon doivent-ils s’organiser pour
recueillir : les points SIPPS mesurant à la charge de travail soignant, les temps
d’intervention individuelle et collective de tous les professionnels etc. En effet
le PMSI se contente de recenser les actes selon le CdARR sans se préoccuper
du métier - à condition que l’intervenant soit autorisé à les pratiquer. L’ENC
doit aller plus loin car l’activité pratiquée par des professionnels de métiers
différents peut comporter des écarts de coût non négligeables.
Sur le plan technique, la collecte de données comptables, rapportées ensuite
selon des clés d’affectation ou imputées directement aux patients, aboutit à la
création de « RHA enrichis ». Le RHA est le fichier établi pour un patient
donné au cours d’une semaine unique. Il synthétise en une succession de
valeurs l’ensemble des informations : établissement, CMC, GHJ, mode d’entrée, date de naissance, sexe… pathologie, prise en charge etc. Cette chaîne de
caractère dont le format est standardisé par le PMSI, sera complétée par une
seconde séquence imputant à la semaine un ensemble de coûts selon des règles
58
Brève histoire du secteur (1956-2008)
précises : salaire des médecins, des infirmières, des médicaments, des intervenants paramédicaux etc. En fait c’est un petit logiciel qui réalisera la concaténation voulue. Et voilà rassemblé pour le patient et la semaine considérés
l’ensemble des données médicales, soignantes, rééducatives et économiques.
Pour effectuer ce travail de collecte de données, la mission PMSI recrute
des établissements volontaires ; ils seront 40. Ils participent assez largement
à la concertation technique nécessaire à la mise en place d’une opération si
innovante. Puis au second semestre 2000, l’opération est lancée. Cela ne va
pas sans mal, puisque les résultats ne sont rassemblés qu’au début de l’année
2002. Il faudra encore attendre quelques mois pour que les premiers résultats
soient publiés.
Entre-temps la collecte des données s’est poursuivie. Mais dès 2001 il y
eut des défections. Cela n’empêcha pas la publication d’une nouvelle synthèse
consolidant la demi-année 2000 avec 2001. À partir de là, l’opération se ralentit puis s’arrête. Curieusement de nouveaux établissements entrèrent dans le
dispositif, mais les données ne seront jamais traitées.
Les résultats et retombées
Comme attendu, l’ENC objective une très significative inégalité de
ressources entre les établissements. Elle confirme l’anormale diversité des
coûts de revient pour la prise en charge de patients similaires. Elle démontre
les aberrations des budgets historiques. En effet, si certains écarts entre les
budgets des établissements peuvent s’expliquer par des différences d’activité
médicale (plus ou moins technique, plus ou moins lourde) d’autres écarts
proviennent simplement du fait que les uns sont sous-dotés et les autres surdotés à activité comparable.
L’ENC fournit ensuite une matrice des coûts moyens par GHJ.
CMC GHJ Coût
Libellé
moyen
11
1
274
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - PCTL
11
2
387
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - PCL
11
3
221
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - PRRC
11
4
236
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - PRR
11
5
240
Age<16 ans - Mucoviscidoses - Dép. physique <= 12
11
6
.
Age<16 ans - Mucoviscidoses - Dép. physique> 12
11
7
267
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - Soins postchirurgicaux - Dépendance physique <= 12
11
8
406
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - Soins postchirurgicaux - Dépendance physique> 12
59
L’hôpital d’Héricourt : une histoire centenaire
11
9
188
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age<16 ans - Autres Dépendance physique<=12
11
10
393
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age< 16 ans - Autres - Dépendance physique> 12
11
11
272
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>= 16 ans - PCTL
11
12
246
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - PCL
11
13
213
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - PRRC
11
14
208
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - PRR
11
15
175
Age>=16 ans - Affections respiratoires carcinologiques ou liées au
VIH - Dépendance physique<=12
11
16
257
Age>=16 ans - Affections respiratoires carcinologiques ou liées au
VIH - Dépendance physique>12
11
17
181
Age>=16 ans - Insuffisances cardiaques, Insuffisances Respiratoires
Chroniques - Dépendance physique<=12
11
18
251
Age>=16 ans - Insuffisances cardiaques, Insuffisances Respiratoires
Chroniques - Dépendance physique>12
11
19
169
CMC Cardio-vasculaire et Respiratoire - Autres - Dépendance
physique<=12
11
20
239
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Autres - Dépendance
physique>12
11
280
189
Cardio-vasculaire et Respiratoire - Age>=16 ans - Opérés depuis
moins de 21 jours
D’autres résultats méritent d’être évoqués. L’ENC valide la hiérarchie
introduite dans l’algorithme de la classification du PMSI (les prises en charges
particulières). À la complexité médicale de la prise en charge correspond une
gradation des coûts de revient.
L’ENC fournit ensuite une table de référence du coût de l’unité d’œuvre,
par exemple la minute de rééducation/réadaptation ou le point SIPPS.
60
Brève histoire du secteur (1956-2008)
Enfin est publié sous forme d’une matrice Excel le tableau de décomposition du coût complet moyen par GHJ : coût médecin, infirmière, médicaments, kiné, ergo, orthophoniste, psychologue... à la journée.
L’on n’a pas manqué de critiquer le résultat à partir d’une mise en cause de
la méthode : insuffisance du PMSI, biais et taille de l’échantillon des établissements participants… mais le fait est que ces résultats seront pendant près
de 10 ans les seules données disponibles. La première ENC est de ce fait une
étape majeure.
L’ENC étant l’unique référence médico-économique à ce jour, l’on ne peut
que vivement regretter que la collecte se soit arrêtée. Car ces chiffres auraient
gagné à être suivis, consolidés, vérifiés. Il est, par ailleurs, très étonnant que les
autorités de tarifications aient si peu utilisé ces informations de benchmarking
pour réexaminer avant l’heure les budgets historiques.
Références
• Guide des retraitements comptables de l’exercice 1998, Ministère de l’Emploi et de la
solidarité, direction des hôpitaux.
• Manuel Étude de coûts – Soins de suite et de réadaptation, Ministère de l’Emploi
et de la solidarité, direction des l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins, 2ème
édition, 2001.
• Étude Nationale de Coût PMSI SSR – exploitation du premier semestre 2000.
• Étude Nationale de Coût PMSI SSR – Échelle 2ème édition, ATIH.
61
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
La typologie de la FEHAP
L’étude de Julien Janneau de l’Observatoire Économique de la FEHAP
(2006) a été rendue possible par la mise à disposition des fédérations des
données collectées par deux démarches complémentaires : la SAE (Statistique
Annuelle des Établissements)12 qui documente l’activité et les moyens humains
et le PMSI qui décrit l’activité médicale. Le croisement de ces deux sources
nationales fournit une vue d’ensemble et précise du champ SSR. Toutefois
cette vision comporte une limite : les établissements sous OQN n‘ont appliqué le PMSI que tardivement. L’étude dont il est question ci-dessous, a traité
les données SAE collectées pour 2003 et le PSMI collecté pour 2002 – donc
sans les OQN.
Un premier objectif a été la description du secteur SSR. Un autre a été de
comparer les soins de suite et la réadaptation fonctionnelle, prenant acte de
la bi-partition évoquée. Un troisième, le plus original, a été de rechercher une
typologie statistique au sens de ce secteur relativement multiforme.
Caractéristiques générales des SSR
Selon la SAE 2002, le secteur SSR comporte 1639 établissements se répartissant comme suit entre les trois secteurs.
Statut
Public
Privés non lucratifs
Privé lucratif
Total
Nombre d’établissements
769
359
511
1639
%
47
22
31
100
Si le financement des établissements publics s’effectue nécessairement
par la dotation globale et celui des établissements privés lucratifs par l’OQN
(objectif quantifié national), les établissements non lucratifs ont le choix entre
les deux formules. Seuls 13 ont opté pour la formule de financement par le
prix de journée.
La forme des établissements est très variable ; il peut s’agir d’un service
adossé à un très grand hôpital, d’un petit établissement de convalescence autonome ou d’un centre de réadaptation de plus de 100 lits. Le tableau ci-dessous
12 Les établissements sanitaires fournissent chaque année les éléments statistiques au sein d’un important
questionnaire d’une vingtaine de pages intitulé « statistique annuelle des établissements » (SAE). Il s’agit
essentiellement de la description de l’établissement, de son statut, de ses capacités, de l’activité de l’année
précédente et des effectifs en personnel. Cette masse considérable d’informations est, elle aussi, modestement exploitée.
62
Brève histoire du secteur (1956-2008)
fournit quelques informations complémentaires sur la part de marché des
différents types. Le public représente environ 42 % de l’activité, le non-lucratif le tiers et le lucratif le quart
Cependant des différences attirent l’attention :
• le secteur non lucratif a plus fortement développé les alternatives à
l’hospitalisation complète ;
• les établissements lucratifs sont moins dotés en effectifs médicaux et
non-médicaux - ceci en tenant compte des différents modes d’exercice
(salariés, libéraux).
La bi-partition soins de suite/réadaptation fonctionnelle est produite par
la nature de l’autorisation délivrée. La statistique montre que la plupart des
structures (les deux tiers) sont des établissements de soins de suite. Le fait que
les établissements mixtes soient principalement publics, suggère qu’il s’agit
d’hôpitaux qui ont développé des services d’aval.
Répartition des établissements au sein des activités SSR
La réadaptation fonctionnelle
Les données antérieures se retrouvent accentuées : le secteur non lucratif
est fortement présent, et plus particulièrement en hospitalisation de jour.
63
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Plus intéressant est de cerner la taille des établissements, car ce facteur sera
par la suite un facteur qui pourra se révéler significatif pour assurer la pérennité des structures.
Le secteur public comporte une forte majorité de très petites unités.
Cette particularité n’est pas nécessairement un élément de risque, lorsqu’il
s’agit d’un service adossé à un centre hospitalier. La situation des autres PNL
(l’UGECAM, la Croix-Rouge) qui disposent d’une proportion de 40 % d’établissements de taille importante est trompeuse, leur nombre est limité (une
vingtaine).
La disparité entre les statuts apparaît de façon plus prononcée lorsque l’on
aborde la question du personnel. Les établissements non lucratifs ont un taux
d’encadrement plus élevé et ceci concerne aussi bien le personnel spécifique
des métiers de la rééducation/réadaptation que les soignants. Reste à clarifier
64
Brève histoire du secteur (1956-2008)
s’il s’agit d’inégalités de moyens ou d’orientations différentes. Le constat que
le secteur lucratif emploie autant de masseurs-kinésithérapeutes mais moins
de médecins, d’infirmières, d’ergothérapeutes... induit l’idée qu’il n’accueille
probablement pas les mêmes patients13.
Les soins de suite
La majorité des SSR pratique donc les soins de suite et les structures de
statut public sont nettement dominantes. L’hospitalisation de jour reste marginale. Comparativement à la réadaptation fonctionnelle, le taux encadrement
est très significativement moins élevé. Ceci traduit sans doute un handicap
historique, mais également l’orientation médicale :
• le personnel soignant est plus nombreux ;
• le personnel du plateau technique de rééducation est très limité.
La question de la taille des établissements est plus saillante encore qu’en
RRF. Les structures publiques sont les plus petites - et cela correspond à
leur caractéristique d’être une unité au sein d’un hôpital. Plus préoccupant
pour leur avenir et l’existence chez les PNL - et notamment parmi les adhérents de la FEHAP - une forte proportion de petites, voire de très petites,
structures assez souvent autonomes.
Une hypothèse est tentante, elle reste à confirmer : que les PL exercent préférentiellement une activité orthopédique standardisée et que les PNL et publics ont une activité diversifiée avec une proportion
notable de neurologie.
13
65
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Le tableau suivant décrit cette réalité institutionnelle.
L’étude de Janneau confirme le morcellement du champ SSR : des petites
unités éparpillées sur le territoire. Reste à savoir comment cette dispersion
géographique satisfait à l’objectif de proximité, ce qui est depuis l’étude
GAIN un critère essentiel de la planification. Reste à savoir aussi comment
ces structures, lorsqu’elles sont petites, autonomes et institutionnellement
isolées, peuvent satisfaire à l’ensemble des obligations puisque les prescriptions en matière d’organisation, de qualité et de sécurité sont communes à
l’ensemble des structures depuis les plus grands CHU jusqu’aux plus petits
SSR.
Typologie des établissements SSR
Les travaux sectoriels repérant les caractéristiques des SS ou des RRF,
des établissements selon les statuts, pour intéressants qu’ils soient sont
de portée limitée. Car ils présentent tous le même biais : ils ne tiennent
pas compte des disparités du projet médical. Malgré son évolution depuis
66
Brève histoire du secteur (1956-2008)
1956, les SSR sont un secteur hétérogène. Et aucune analyse n’a jusqu’ici
porté sur le repérage de catégories structurantes. L’étude de Jeanneau est
une première.
Elle a consisté à identifier un nombre limité de variables concernant les
caractéristiques de l’établissement, le personnel, mais également le PMSI14.
En soumettant ces données d’abord à une analyse en composantes principales (ACP) puis à une classification ascendante hiérarchique, il définit 7
types15.
Chacun de ces types est défini par des combinaisons de « variables
actives » et est décrit par des « variables illustratives ». Les tableaux ci-après
fournissent des précisions sur la fréquence des types, leur statut, et les
variables. Pour faciliter la compréhension, les types ont été dénommés.
• Type 1 : les soins de suite polyvalents
deux tiers des établissements PNL appartiennent à cette classe qui
regroupe des structures de taille modeste et disposant d’un encadrement peu nombreux, y compris sur le plan médical ; le PMSI
montre une faiblesse des prises en charge techniques.
• Type 2 : les soins de suite hospitaliers
Ces établissements majoritairement publics se caractérisent par leur
petite taille (50 % ont moins de 25 lits).
• Type 3 : les soins de suite éducatifs
Dans ces établissements le personnel éducatif est sur-représenté.
Les établissements sont petits et privés. Deux sous-catégories sont à
distinguer : les MECS et les centres d’alcoologie.
• Type 4 : Les soins de suite fortement médicalés
De taille plus importante, ces établissements se caractérisent par
une forte complexité médicale (PCTL, PCL), un taux d’encadrement plus élevé et davantage de médecins.
• Type 5 : Les SSR hospitaliers fortement médicalisés
Proches du type précédent, ces établissements mixtes SS/RRF se
caractérisent par une dépendance élevée, mais une prise en charge
médicale moins technique. Présence de spécialistes MPR.
• Type 6 : Les Centres de réadaptation fonctionnelle
Ces établissements ont les caractéristiques connues des CRF. À
noter une différence entre les PNL et les PL. Alors que les premiers
donnent une image plus hospitalière avec un personnel soignant
important et un plateau technique diversifié, les PL ont un panel des
métiers réduits suggérant une activité plus simple et standardisée.
Jeanneau a également étudié le PMSI selon la dichotomie SS/RRF et n’en a rien conclu de très significatif - démontrant involontairement que le PMSI est une description assez générale.
15
Ce nombre est quelque peu arbitraire. La classification décrit un dendogramme, en fait une arborescence :
des divisions se prolongent de subdivisions, etc. Le chercheur doit décider où il s’arrête. Mettre le point
d’arrêt plus haut limite les catégories à 2, puis 3 puis 5. Le placer plus bas revient à multiplier les catégories.
14
67
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
• Type 7 : les CRF avec activité de jour
Dans cette catégorie curieusement définie par la proportion d’hospitalisation de jour, les établissements, de grande taille, ont développé les prises en charge les plus techniques. La présence de médecins spécialistes est plus forte qu’ailleurs.
Les tableaux suivants complètent ces indications schématiques.
Ventilation des établissements de chaque secteur au sein des classes de la typologie
Moyenne des indicateurs issus de l’ACP dans chacune des classes
Classes
1
2
232
Nombre de lits et places - 63
toutes activités
Lits et places SSR/ lits et places 96% 22%
TOTAL
Lits et places RRF/ lits et 1%
1%
places SSR
Places RRF/ lits et places RRF 0%
0%
Nombre de médecins (en ETP) 3,0
4,7
% de spécialistes de MPR 0%
0%
parmi les médecins
Nombre d’infirmiers et aides- 31,3 56,5
soignants (en ETP)*
Nombre de personnel de 2,5
3,3
rééducation (en EP)*
Nombre de personnels éduca- 0,8
02
tifs et sociaux (en ETP)*
% de journées où la dep. 14
32
physique du patient> 12 **
% de journées dédiées are 3
4
PCL/PCTL **
% de journées dédiées aux 6
2
PRR/PRRC **
Source : étude statistique SSR - FEHAP 2006
68
7
181
Ensemble
240
3
46
4
75
5
1 242
6
125
100%
84%
14%
84% 88%
59%
8%
6%
45%
82% 87%
23%
2%
2,2
3%
1%
4,8
0%
9%
5,7
37 %
7% 42%
4,9
5,3
49% 62%
4%
4,3
15 %
12,6
59,3
60,6
37,9
42,2
45,4
5,6
4,9
8,6
13e
24,7
66
20,9
3,4
0,3
0,8
5,8
1,6
0
43
32
16
31
24
2
26
6
5
14
6
18
2
21
29
29
11
*Pour 100 lits et places ** hospitalisation complète
Brève histoire du secteur (1956-2008)
69
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Une étude exemplaire et unique
L’étude conduite par Jeanneau pour la FEHAP confirme le principe de
la bipartition. Celle-ci est certes une donnée administrative et un axe de
la planification. Mais lorsque l’on examine la physionomie des établissements, leurs moyens humains, leur activité… on retrouve à la racine du
fameux dendogramme de la typologie une bifurcation originelle entre SS et
RRF. Il s’agit donc bien de deux ensembles distincts. À cette confirmation
banale, l’étude ajoute une autre information très importante : chaque type
est lui-même un ensemble hétérogène. Ainsi les soins de suite comportent
le type 1, qui n’est rien d’autre que la survivance des établissements de
convalescence qui peinent à monter en gamme ; prisonniers du budget
historique : ils admettent des patients légers parce qu’ils ont des moyens
légers. Rien à voir avec les services de pointe développés par les établissements publics qui accueillent les patients lourds avec des moyens plus en
adéquation - rien à voir non plus avec les MECS et les centres d’alcoologie.
Cette étude qui n’a été ni utilisée ni complétée apporte pourtant un
éclairage décisif dans la perspective annoncée d’une future tarification.
Par exemple, l’identification de segments multiples aurait permis de
tester de façon plus fine les conséquences du modèle envisagé et vérifier
comment la future tarification se répercutera dans chacune des catégories.
Autre exemple : la montée nécessaire en gamme des établissements encore
proches de la convalescence nécessitera évidemment des moyens. L’identification du type permet d’évaluer les moyens ou de statuer sur l’opportunité
de maintenir ces établissements. Mais toutes ces applications supposent un
préalable, que la typologie soit reconnue par la communauté des établissements, les fédérations et les pouvoirs publics, comme étant la segmentation
de référence des SSR. Tel ne sera pas le cas. Au contraire, la réforme engagée en 2008, et particulièrement le décloisonnement SS/RRF aura pour
conséquence de la rendre caduque. Pourtant la typologie décrite restera une
réalité pendant quelques années encore.
Référence
• Jeanneau Julien Typologie des établissements de Soins de Suite ou de Réadaptation, Supplément à PSS, Lettre de l’Observatoire Économique et social, septembre
2006, n° 188.
70
Brève histoire du secteur (1956-2008)
Un renouveau réglementaire
La circulaire décret de 1997
Les dispositions de 1956 tombant progressivement en désuétude, un
vide s’installe. Les textes généraux et la planification ne répondent plus à
la définition médicale de la problématique. D’une façon discrète et laconique, une circulaire parue en 1997 apporte une réponse. Elle explicite les
fonctions (missions) et les principes organisationnels.
Cinq fonctions :
• la limitation des handicaps physiques ;
• la restauration somatique et psychologique ;
• l’éducation du patient et éventuellement de son entourage ;
• la poursuite et le suivi des soins et du traitement ;
• la préparation de la sortie et de la réinsertion.
Quatre principes d’organisation :
• la continuité des soins (coordination avec le court séjour et les
acteurs extrahospitaliers sanitaires et sociaux) ;
• la proximité (plus ou moins prévalente selon la nature de l’activité.
et la spécialisation des plateaux techniques) ;
• la réinsertion sociale, familiale et professionnelle ;
• le développement des alternatives à l’hospitalisation complète.
Une circulaire ne saurait combler le vide réglementaire. Néanmoins elle
donne le ton de ce que les pouvoirs publics attendent des SSR. Elle précise
le sens du vent. La circulaire préfigure la publication de nouveaux textes,
qui ne viendront qu’une dizaine d’années plus tard.
Référence
• Circulaire DH/EO4/97 n° 841 du 31/12/1997
71
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Tentatives de référentiels
Plusieurs organisations ont tenté de remédier à l’obsolescence des
annexes de 1956. S’appuyant sur le postulat indiscuté qu’il existe des
conditions techniques à satisfaire pour exercer l’activité de soins de suite
et de réadaptation fonctionnelle. Les sociétés savantes (SOFMER) ont
posé quelques jalons pour la RRF. Mais la tentative la plus aboutie sera
la démarche de la FEHAP. Pilotée par une commission regroupant essentiellement des directeurs, mais également quelques médecins, le référentiel
proposé balaye l’ensemble des conditions techniques :
• l’immobilier : accessibilité, taille et équipement des chambres… ;
• la composition du plateau technique ;
• le personnel médical ;
• le personnel soignant ;
• le personnel paramédical de rééducation/réadaptation.
La description générale est complétée par la définition des moyens admis
comme requis pour certaines activités spécialisées telles que la neurologie
lourde, les centres pour enfants et adolescents, la rééducation respiratoire,
cardiologique ou l’hospitalisation de jour.
Ce référentiel intitulé « Étude quantitative des moyens souhaitables »
pêche précisément par son ambition de définir un optimum. Ainsi à côté
de données indiscutables comme une surface minimum de 18 m² pour
chambre à un lit (cabinet de toilette compris), la disposition d’un chariot
d’urgence ou d’un branchement d’oxygène et de vide dans les chambres…
il devient une norme généreuse lorsqu’il définit les moyens en personnel.
Par exemple la norme de deux médecins pour 30 lits est hors d’atteinte
pour la plupart des structures… et la question se pose : un tel encadrement
est-il réellement opportun ? De la même manière, les ratios de personnel
soignants sont trop élevés pour constituer raisonnablement une référence,
voire une norme.
Dans un contexte déjà économiquement tendu, un référentiel aussi
luxueux n’avait pas d’avenir. Retenons pourtant la démarche, qui repose
sur le consensus que les textes connus sont caducs et que cela crée un vide
préjudiciable à l’activité. Un état de choses aussi manifeste ne pouvait pas
échapper aux pouvoirs publics. Ils choisiront pourtant un angle d’approche
tout à fait imprévu et original.
La circulaire « états végétatifs »
Vers l’an 2000, la question des états végétatifs devient une problématique
de santé publique, au sens où plusieurs avancées concernent cette question
72
Brève histoire du secteur (1956-2008)
que les autorités sanitaires semblent découvrir et pour laquelle des solutions
deviennent nécessaires, voire urgentes.
En 1998, l’École des Hautes Études en Santé Publique publie un ouvrage
sur les répercussions humaines, les aspects juridiques et éthiques des états végétatifs. C’est un état de la question. Cette première connaissance ne débouche
encore sur aucune organisation significative à l’échelle du pays.
En 2000, paraît une étude réalisée pour l’Assurance Maladie. Cette enquête
réalisée dans le Nord-Pas-de-Calais montre que la durée de vie des EVC/EPR
a été fortement sous-estimée. Ceci n’est pas sans poser un problème économique, lorsque la causalité de l’état est imputée à un tiers responsable - puisque
l’indemnisation de l’assurance maladie repose sur une estimation de la durée
de vie de la personne concernée. Cette étude est symptomatique : derrière une
question bassement financière, elle pointe l’ignorance sociale de la problématique. Et celle-ci correspond au fait que la filière n’est pas organisée. Personne
ne sait réellement combien il y a d’états-végétatifs, ni où ils se trouvent. Cette
situation ne peut pas durer.
L’année suivante, l’ARH Île-de-France lance un appel d’offre. Dans son
préambule, est affirmé un projet ambitieux : la création d’une centaine de lits
dédiés aux états végétatifs ou pauci-relationnels dans les deux années à venir.
Et surtout est explicitée la motivation : « L’absence de projet spécifique de
prise en charge a des conséquences multiples : soins inadaptés et très hétérogènes, sentiment d’abandon et découragement des familles, désintérêt de
certains personnels non volontaires pour ce type d’activité, difficultés d’orientation de ces patients, impossibilité d’envisager un retour à proximité du lieu
de vie des proches. » En fait, l’ARHIF anticipe la création attendue d’unité
de soins prolongées, dont la vocation sera d’accueillir l’ensemble des patients
hébergés dans le système hospitalier et sans perspective ni d’aval, ni de retour
à domicile.
C’est dans ce contexte que paraît la circulaire du 3 mai 2002. La circulaire
revient sur la problématique qui est reconnue avec franchise.
« Il n’y a pas globalement de réponse organisée pour ces personnes totalement dépendantes sur le plan sanitaire et sur le plan fonctionnel, jeunes
pour la majorité d’entre elles, le plus souvent âgées de moins de soixante ans.
Certaines propositions locales existent, mais cette réponse est variable, en
faible nombre et ne maille pas correctement le territoire.
À défaut, certaines de ces personnes demeurent dans un service hospitalier
de court séjour ou de soins de suite et de réadaptation (SSR). Le lit ne peut
plus être utilisé pour sa fonction première de soins aigus ou de recherche de
réautonomisation et d’aide à la réinsertion, et surtout la personne n’y bénéficie
pas d’un projet médical conçu autour de la spécificité de sa situation clinique
puisque celui du service relève d’une autre vocation. En outre, s’agissant là de
possibilités locales ponctuelles et non institutionnalisées, il y a une inégalité
des chances par rapport à ces situations de besoins.
73
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
D’autres sont parfois admises à titre exceptionnel dans un service de soins
de longue durée. La charge en soins spécialisés est cependant, en règle générale, trop lourde pour les moyens dont dispose un tel service. En outre, l’hébergement dans ces services est à la charge financière des familles. D’autres
personnes sont amenées à sortir de l’hôpital, soit par choix de la famille, soit
par pression de l’organisation hospitalière ou des systèmes de prise en charge.
Les familles se trouvent alors dans l’obligation de mettre en place, avec les
acteurs libéraux, une organisation de soins à domicile très lourde, 24 heures
sur 24, dans laquelle le plus souvent le conjoint ou le parent doit assumer un
rôle d’intervenant de tous les instants.
Certaines sont accueillies dans ces structures médico-sociales de type
maison d’accueil spécialisée (MAS), mais les demandes d’admission de ces
patients dans ces structures ne peuvent la plupart du temps recevoir une suite
favorable du fait de la lourdeur de soins spécifiques. »
Les co-signataires, dont Edouard Couty, directeur des hôpitaux, recommandent aux ARH de créer des unités de six à huit lits par bassin de population de 300.000 habitants. Le Ministère attend lui aussi un éventuel texte
sur les soins prolongés16. « Dans l’attente de l’individualisation d’un cadre
plus adapté, la création de ces unités pourra s’imputer sur la carte sanitaire
des soins de suite et de réadaptation (SSR), dont ces unités se rapprochent en
termes de moyens mis en oeuvre, bien qu’elles ne répondent ni aux objectifs
de réinsertion assignés aux soins de suite et de réadaptation, ni aux durées
de séjour communément admises. De ce fait, elles dérogeront au fonctionnement habituel des SSR en ce qui concerne les durées de séjour : aucune
limitation ne sera posée à cet égard. Il convient de noter que de telles unités
peuvent être créées dans les hôpitaux locaux, sous réserve du strict respect du
cahier des charges. »
La circulaire apporte encore quelques précisions pertinentes, mais qui
détonnent dans un texte sanitaire. « Le projet de service de ces unités doit
inclure à la fois un projet de soins et un projet de vie. Une place importante
sera réservée à l’accueil des familles, en souffrance, et à leur soutien psychologique et social. Le projet spécifique de ces unités doit tenir compte de ces
aspects (cf. cahier des charges). La première condition en est déjà que la localisation de ces unités réponde au souci de proximité. » Enfin, la circulaire se
prolonge d’une annexe qui constitue un véritable référentiel technique.
Le coup d’envoi est donné à un mouvement à l’échelle du pays. Partout
s’élaborent des projets ou des appels à projet. Des équipes se spécialisent. Car
la problématique est réelle et urgente. Tous ces projets ne se réaliseront pas
comme prévu. Le maillage du territoire se fait attendre, mais une planification
est lancée. L’un des obstacles sera financier. Le référentiel a vu large, notamment en termes d’effectif en personnel et aucune ligne de crédits appropriée
16 Le texte attendu ne paraîtra pas, mais la circulaire EVC ouvre une brèche. La durée de séjour n’est
plus nécessairement limitée.
74
Brève histoire du secteur (1956-2008)
ne viendra apporter aux ARH les ressources nécessaires à la mise en œuvre de
ce qui ne sera jamais véritablement une politique nationale, hormis quelques
crédits exceptionnels distribués dans le cadre des plans d’urgence.
Cette circulaire comporte une dimension historique. Certes elle cristallise
une problématique de santé publique jusqu’alors méconnue. Au-delà de cette
dimension méritoire, elle constituera le prototype d’une démarche ministérielle nouvelle : la rédaction d’un texte spécifique définissant l’organisation
de la prise en charge d’une pathologie. En ce sens la circulaire constitue un
tournant. Il ne s’agit plus de réglementer l’activité par secteur, de planifier,
d’imposer des équipements et des conditions techniques. Pour la première
fois, le texte concerne des malades et définit où et comment il convient de les
prendre en charge. Il n’est pas inutile d’observer la simultanéité de cette circulaire avec plusieurs textes relatifs aux droits des malades : loi de janvier 2002
pour le médico-social, loi du 4 mars 2002 pour le sanitaire.
Références
• Boucand M-H, Le Gall J-R, Tasseau F. : États végétatifs chroniques - Répercussions
Humaines, Aspects Juridiques et Éthiques, 1998, HESP, P. Verspieren Éditeur
• Choquet M, Falaux B, Legal G : Les états végétatifs chroniques post-traumatiques,
une charge sous-estimée pour l’Assurance-maladie, Revue Médicale de l’Assurance
Maladie n°1, janvier-mars 2000.
• Prise en charges des états végétatifs et des état pauci-relationnels en Île-de-France, État
des lieux, objectif et cahier des charges, ARH d’Île-de-France juin 2001
• Circulaire DHOS/02/DGS/SD5D/DGAS n° 2002-288 du 3 mai 2002 relative à la
création d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état
pauci-relationnel.
Les circulaires par pathologie
Les AVC
La circulaire AVC parue en 2003 est le premier texte décrivant une filière
complète au service d’une pathologie. Cette nouveauté est un changement
majeur. Le texte documente la prise en charge depuis la crise aiguë par les
urgences jusqu’au retour à domicile ou le transfert vers une structure médicosociale. Prenant acte de la bipartition du secteur SSR entre d’une part les soins
de suite (appelés SSMed ou SS médicalisés) et la réadaptation fonctionnelle
improprement appelée MPR (médecine physique et réadaptation), la circulaire définit le rôle de chacun des services et quelques règles d’orientation.
La circulaire prescrit aux SROS de prévoir un volet particulier dédié à cette
problématique.
La circulaire restera sans autre effet significatif que l’ajout d’un développement dans les SROS. En fait, la création des UNV (unités neuro-vasculaires)
75
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
est un projet ambitieux, complexe dans son organisation et coûteux. Elle sera
actualisée par une nouvelle circulaire en 2007. Et même complétée par un
plan lancé par le Ministre, Roselyne Bachelot-Narquin, en personne.
Le dispositif rencontre des difficultés d’organisation en amont (depuis les
urgences jusqu’aux très exigeantes UNV). Mais également la filière tend à se
bloquer en aval. Différentes tentatives (par exemple Trajectoire en RhôneAlpes et d’autres coordinations) tenteront d’apporter une réponse organisationnelle aux difficultés de placer les patients les plus lourds.
Références
• Circulaire DHOS/DGS/DGAS n° 2003-517 du 3 novembre 2003 relative à la prise
en charge des accidents vasculaires cérébraux.
• Circulaire DHOS/O4 no2007-108 du 22 mars 2007 relative à la place des unités
neuro-vasculaires dans la prise en charge des patients présentant un accident vasculaire
cérébral.
Les blessés médullaires et TC
L’année suivante est publiée une nouvelle circulaire qui regroupe deux
filières pourtant différentes : la prise en charge des blessés médullaires et
des traumatisés crâniens. Le texte est rédigé sur le même modèle. Il s’agit de
constituer des filières de soins en reconnaissant des missions précises à chacun
des acteurs, des critères de relais et des moyens souhaitables dans le but d’offrir
aux patients une prise en charge adéquate à chaque étape. Comme précédemment aucun budget fléché n’est associé à ces recommandations pour mettre à
niveau l’existant. Cette absence n’enlève en rien la pertinence des préconisations, mais en affaiblit considérablement la portée.
Références
• Circulaire DHOS/SDO/01/DGS/SD5D/DGAS/PHAN/3 B n° 2004-280 du 18
juin 2004 relative à la filière de prise en charge sanitaire, médico-sociale et sociale des
traumatisés crânio-cérébraux et des traumatisés médullaires.
La personne âgée dépendante
La prise en compte tardive de la problématique gériatrique a déclenché la
publication de plusieurs textes destinés à la mise en place d’une organisation
adaptée et cohérente. Ces circulaires décrivent donc, elles aussi, la mise en
place de filières spécialisées, les relais et les moyens. Progressivement émerge
une préoccupation complémentaire, car elle complique singulièrement toutes
les prises en charge : celle des troubles cognitifs dénommés Alzheimer.
76
Brève histoire du secteur (1956-2008)
Références
• Circulaire DHOS/O2/DGS/SD5D/2002/157 du 18 mars 2002 relative à l’amélioration de la filière de soins gériatriques.
• Circulaire DHOS/O2/DGS/SD5D/DGAS/SD2C/DSS/1A/2002/222 du 16 avril
2002 relative à la mise en oeuvre du programme d’actions pour les personnes souffrant
de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées.
• Circulaire DGS/SD5D/DHOS/02/DGAS/SD2C no 2005-172 du 30 mars 2005
relative à l’application du plan Alzheimer et maladies apparentées 2004-2007.
• Circulaire DHOS/O2/2007/117 du 28 mars 2007 relative à la filière de soins gériatrique.
La fin de vie et les soins palliatifs
Le premier texte date de 1986. La loi de 1991 inscrit les SP dans la liste
des missions de service public hospitalier. La loi du 9 juin 1999 garantit l’accès aux soins palliatifs. L’ordonnance du 4 septembre 2003 les inscrit dans le
SROS. Fin 2007, on compte, dans la France entière, 4.028 lits et 337 équipes
mobiles. En 2008, démarre un nouveau plan de développement des soins
palliatifs.
La réglementation impose que les soins palliatifs soient pratiqués par des
équipes soignantes spécialisées. Le dispositif envisagé suit la logique désormais
habituelle avec une gradation de l’offre de soins.
• Les hôpitaux ont la possibilité de constituer des Unités de Soins
Palliatifs où se gèrent des situations de phases terminales complexes ne
pouvant se dérouler au domicile ou en milieu hospitalier traditionnel
en raison notamment de la survenue de syndromes réfractaires, c’està-dire résistants aux traitements habituels, altérant la qualité de vie
restante du malade. Ces unités sont des services de médecine financés
selon les dispositions usuelles de la T2A, selon le degré de spécialisation de la prise en charge définie (lits banals, lits identifiés SP ou unité
de SP).
• Les hôpitaux ont la possibilité de constituer des Équipes Mobiles de
Soins Palliatifs qui interviennent soit au sein des services d’un même
hôpital, soit au sein de plusieurs établissements, soit à domicile, pour
venir appuyer et conseiller les équipes de soins. Elles n’ont pas vocation à se substituer à l’équipe soignante.
• Enfin l’HAD, (Hospitalisation à domicile) a la possibilité de dédier
des places identifiées pour la pratique des soins palliatifs.
Les textes apportent la nécessaire clarification, mais créent une zone
d’ombre incompréhensible. En effet, l’on se trouve dans une situation paradoxale que les établissements SSR n’ont pas, en principe la capacité de développer une activité de soins palliatifs, mais seulement celle de réaliser des
accompagnements de fin de vie ; l’on est tenté de qualifier la nuance séman77
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
tique d’hypocrisie. Car force est de constater que le nombre des lits de SP ne
sera jamais à la mesure du nombre de personnes en situation de fin de vie. Au
surplus, ce positionnement des SP dans le court séjour avec des obligations
de médicalisation élevée (2,5 médecins pour 10 lits selon la circulaire 2008)
apparaît comme une contrainte disproportionnée avec la mission même qui
est d’accompagner des personnes (« care ») en leur offrant des conditions
confortables à défaut d’apporter une perspective de rémission (« cure »). C’est
précisément sur cette attention portée à la personne (« care ») que les soins de
suite auraient pu avoir un rôle à jouer.
Cette organisation n’a pas d’avenir. À juste titre le plan SP 2008-2011
constate l’insuffisance de la participation des SSR, puisqu’en 2005 sur les
92.000 lits du secteur seuls 400 étaient identifiés comme dédiés aux SP. L’objectif affiché est d’atteindre 1.200 en 2012, par transformation de lits SSR
existants. Fort heureusement les crédits (fléchés) nécessaires au renforcement
des moyens en personnels sont affectés à l’opération.
Références
• la loi du 9 juin 1999.
• circulaire DHOS/O2/DGS/SD5D du 19 février 2002.
• ordonnance du 4 septembre 2003.
• ANAES, conférence de consensus 2004 sur l’accompagne des personnes en fin de vie
et de leurs proches.
• Loi Leonetti, loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.
• Circulaire DHOS/O2/99 du 25 mars 2008.
• Programme de développement Soins palliatifs 2008-2011.
Les addictions
La prise en charge des addictions a connu des évolutions singulièrement
compliquées. Lorsque paraît le décret de 1956 et ses annexes ces établissements
sont quasiment absents du paysage, à quelques exceptions près (la maison de
cure Château Walk signe une convention avec la CRAM en 1951). Par la suite
plusieurs établissements verront le jour ; ils concernent dans un premier temps
des alcooliques et assurent une prise en charge d’une durée de trois mois.
Cette première génération relève de l’annexe XIX, des établissements de repos,
convalescence… Une seconde génération d’établissements apparaît au cours
des années 70. Ces établissements sont analogues dans leur fonctionnement
(alcoologie, séjours de trois mois), mais certains optent pour le régime de
l’annexe XXIII d’orientation plus psychiatrique. Parallèlement sont créés des
foyers relevant du champ social, le plus souvent spécialisés dans la réinsertion
des alcooliques. Enfin apparaissent des cliniques qui optent pour un concept
sensiblement différent : séjour de quatre semaines, mixité, médicalisation…
78
Brève histoire du secteur (1956-2008)
avec abandon de la référence aux annexes de 1956. La plupart de ces établissements ne sont plus associatifs mais appartiennent au secteur privé lucratif.
Ce dernier point permet de souligner le rapport direct de la plupart des
structures historiques avec le mouvement associatif, et particulièrement des
associations d’anciens buveurs (Croix Bleue, Vie Libre), des associations
professionnelles (cheminots, police) ou confessionnelles, sans oublier l’ANPA
(Association Nationale de Prévention de l’Alcoolisme), qui poursuit d’une
manière adaptée à l’époque la mission engagée par la ligue antialcoolique.
Cette référence à l’histoire permet de comprendre d’une part la connexion
laborieuse avec le système hospitalier et d’autre part la frilosité à l’égard des
toxicomanes.
C’est pourquoi se sont développées d’autres structures spécialisées dans
l’accueil des toxicomanes (au départ héroïnomanes), souvent de très petites
structures (unités de vie) accueillant des usagers sevrés dans des sites plutôt
isolés et rustiques. Cette organisation a été grandement mise à mal par la politique de développement des traitements de substitution.
Cette séparation entre deux mondes (l’alcool/la drogue) est un particularisme français. La jonction n’a été faite que récemment et elle est loin d’être
accomplie. Dans le monde de l’alcoologie, largement majoritaire, plusieurs
évolutions sont à noter. D’abord le tarissement des buveurs d’habitudes au
profit des buveurs à problèmes selon une distinction ancienne. Ensuite l’apparition des polytoxicomanes associant à l’alcool des produits variés, historiquement le tabac, mais aujourd’hui les médicalement, le cannabis… ainsi que des
passages des drogues illicites aux produits légaux, par exemple l’alcoolisme
comme voie de sortie de la drogue.
Autrement dit, le secteur des addictions a connu un foisonnement de
petites structures au statut incertain car apparentées aussi bien à la psychiatrie, aux soins de suite, au social. La parution de nouveaux textes a apporté la
nécessaire clarification ou au moins des contours.
Le texte de 2007 constitue une référence, car il décline un dispositif en
ligne allant des CHU jusqu’au médico-social. Un plan devrait y apporter
quelques moyens.
Dans le secteur sanitaire, si l’essentiel de l’accompagnement reste ambulatoire (sevrage simple etc.), les hôpitaux sont invités à mettre en place des
équipes de liaison, des consultations et des lits de sevrage et ceci en conformité
avec leur statut – ce qui implique pour les CHU une activité de recours, par
exemple pour les sevrages complexes. Dans l’esprit du texte, ces dispositifs
ont la vocation de pendre en charge l’ensemble des addictions, y compris les
drogues, y compris les addictions sans produits (jeu…) La MILT enfonce le
clou : « Il s’agit pour cela de regrouper les consultations de tabaccologie, d’alcoologie, de toxicomanie et d’addictions sans substance psychotrope au sein
d’un même lieu, d’un même pôle pour en faire des consultations hospitalières
d’addictologies. Ces consultations seront organisées dans tous les hôpitaux
79
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
ayant un service d’urgence. Cette mesure devrait permettre d’offrir un suivi
spécialisé notamment aux jeunes ayant une dépendance à une ou plusieurs
drogues (alcool, cannabis, ecstasy, médicaments) alors qu’aujourd’hui la prise
en charge se limite trop souvent à un accueil aux urgences sans qu’un véritable
suivi soit initié. De même, cette nouvelle organisation devrait permettre aux
urgentistes de mieux répondre aux besoins de personnes ayant des problèmes
aigus liés à leur addiction (crise, alcoolisation aiguë, surdosage). »
En 2008, cette unification (alcool/drogue) sera transposée aux structures
SSR par la création d’une autorisation spécialisée en addictologie. Il est encore
trop tôt pour savoir comment ce sous-secteur évoluera.
Références
• Circulaire DGS/6B/DHOS/O2 no 2007-203 du 16 mai 2007 relative à l’organisation du dispositif de prise en charge et de soins en addictologie.
• Circulaire N°DHOS/O2/2008/299 du 26 septembre 2008 relative à la filière hospitalière de soins en addictologie.
• Le plan 2007-2011 de prise en charge et de prévention des addictions.
• ANAES, conférence de consensus « Objectifs, indications et modalité du sevrage du
patient alcoolodépendant », mars 1999.
• ANAES, conférence de consensus « Modalités de l’accompagnement du sujet alcoolodépendant après un sevrage », mars 2001.
Trajectoire : une initiative de coordination territoriale
Les circulaires par pathologie mettent toutes l’accent sur l’organisation de
filières fluides permettant d’offrir aux patients des relais et des prises en charge
adaptées à l’évolution de leur pathologie.
Les relations entre MCO et SSR n’ont jamais été simples. La mise en place
de la T2A a accru la tension en amplifiant le besoin de libérer les lits. Réciproquement l’élévation du niveau technique des SSR les a rendus plus exigeants :
patients stabilisés, affections en rapport avec leur orientation etc. Partout
ont été prises des initiatives pour apaiser les conflits et réguler les nécessaires
transferts en SSR, tout en recherchant la satisfaction des deux partenaires. Un
travail ardu et sans cesse à renouveler.
En 2001, l’ARH Rhône-Alpes prend la décision de créer et financer des
coordinations SSR par bassin de santé. Des initiatives sont prises17. Des
chartes sont rédigées pour assurer une certaine transparence et par là les bases
d’une relation apaisée : la confiance, l’anticipation, la qualité de l’information
donnée.
17 Sur le bassin de Valence : Mise en place du CEOR (Centre d’Évaluation, d’Orientation et de Réflexion),
une coordination dotée de 173 000 euros et comprenant : 0,6 ETP Médecin MPR ; 0,5 ETP assistant
social ; 0,3 ETP informaticien ; 0,5 ETP secrétaire médicale. Le Réseau associe 13 établissements et services
SSR (spécialisés, polyvalents, gériatrie) de statut public, privé commercial et PSPH.
80
Brève histoire du secteur (1956-2008)
À l’automne 2005, l’ARH Rhône-Alpes finalise le SROS 3. Dans cette
importante région, chaque année environ 53.000 patients sont orientés du
court séjour vers le moyen séjour. Sous le patronage de l’ARH, le docteur
Deblasi met en place « trajectoire » qu’il décrit (2006) comme une aide à la
décision. L’objectif est clairement d’organiser pour fluidifier en généralisant
des expériences locales, par exemple celle de Valence.
L’informatique est au cœur du projet.
• Création d’un annuaire régional recensant non seulement les structures et leurs capacités, mais également les moyens spécialisés : les
compétences médicales ou paramédicales, le plateau technique, etc.
L’établissement dispose-t-il d’une orthophoniste, d’une salle d’exploration urodynamique ?
• Définition de l’information à transmettre : formulaire de demande et
de dossier d’admission.
• Création d’un logiciel de saisie et de traitement des adressages.
Dans un premier temps l’objectif est rationnel : fournir au court séjour
une aide pour orienter le patient vers la structure la plus adéquate, de façon à
répondre au besoin du patient. L’établissement SSR reste maître de sa décision,
en principe libre d’accepter ou de refuser, mais indiquera le motif du refus qui
est enregistré dans la base : charge de travail, inadéquation, etc. L’ensemble est
complété par des instances de coordination, qui permettent à l’ensemble de
la communauté de suivre la montée en charge du dispositif et de veiller à la
défense de ses intérêts.
Ce schéma de principe va monter en puissance. Dès 2007, le bulletin de
l’ARH claironne « Trajectoire, ça fonctionne ». Il ajoute que désormais la
base documentaire est reliée à d’autres systèmes informatiques, notamment la
gestion régionale des lits et que Trajectoire sert à réserver des lits.
La parution en 2008 d’une circulaire complétant les nouveaux décrets cite
en exemple Trajectoire et recommande que soient mises en place des organisations similaires pour structure et fluidifier le passage de MCO en SSR. En
effet d’après les nouveaux textes il y a des conditions : adéquation de la structure, définition d’un projet de soins. Le temps d’un simple dégagement est
révolu. Dorénavant, dans l’intérêt du patient, il faut veiller à la mise en place
de filières rigoureuses. L’affirmation d’exemplarité donne à l’initiative régionale une notoriété nouvelle. Il s’en suit que dans plusieurs régions les ARH
décideront de rejoindre le dispositif Trajectoire : la Normandie, la Picardie,
PACA etc.
Trajectoire est la référence en matière de coordination régionale. Ce statut
particulier mérite une attention critique. L’ambition de rechercher le meilleur
adressage pour répondre aux besoins du patient est légitime ; elle s’inscrit dans
les politiques de santé les plus actuelles (ANAES/HAS) ; elle est une nécessité
pour répondre aux besoins du court séjour sans désorganiser l’activité médicale des SSR. Comme bien d’autres dispositifs et réseaux mis en place par les
81
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
ARH et soutenus financièrement à grands frais, Trajectoire prête le flan à une
critique de principe : la gestion des flux n’est pas suffisamment indépendante
des adresseurs. Trajectoire est certes soutenue par l’ARH, mais reste dans le
giron du CHU, qui est également le principal adresseur. Le soupçon d’un
fonctionnement partisan n’est pas écarté.
Globalement le système reste utile, non seulement pour organiser les transferts vers l’aval, mais aussi pour assurer aux autorités un reporting. Pour que le
système fonctionne, il restera d’abord à créer une vraie régulation permettant
de traiter les cas difficiles et ensuite d’organiser les flux vers « l’aval de l’aval »
: le médico-social. Ces évolutions seraient préparées.
Références
• Deblasi Alain « Amélioration de la qualité des soins. L’expérience de la coordination
Rhône-Réadaptation. » Gestion Hospitalière, février, 2006.
• Documentation sur le site : https://trajectoire.sante-ra.fr, en particulier les manuels et
supports de formation.
• Bulletin de l’ARH Rhône-Alpes, n° 34 (2005), 41 (2007) et 52 (2009).
Crépuscule d’un système
La publication de ces circulaires a involontairement conduit à brouiller
les pistes. Alors que leur objectif était d’améliorer l’organisation, l’évolution
du système s’est ralentie, voire a été stoppée par l’ampleur des changements à
venir dans un contexte d’incertitude organisationnelle et économique.
La mise en place laborieuse d’un nouveau dispositif réglementaire et la
perspective d’une réforme du financement dans un contexte de limitation
des moyens financiers et d’un remplacement prochain des ARH par les ARS
(donc des directeur d’ARH plutôt sur le départ)… tout cela a suscité une
ambiance globalement attentiste.
Que conclure à propos de l’évolution générale des SSR ?
• La planification a eu un effet brutal de fermeture avec ou sans reconversion des lits de repos et convalescence. Dorénavant l’offre de soins
doit accueillir des patients plus lourds. Les SSR ont une fonction de
« dégagement » pour le court séjour, confronté à l’exigence de raccourcir les durées de séjour. La mission de l’hôpital est de moins en moins
l’hébergement ; elle se recentre sur les soins médicaux. Le nécessaire
nursing - la prise en charge soignante - est corrélativement reporté sur
l’aval : les soins de suite, en particulier. La montée en puissance de la
T2A MCO va amplifier le processus. Revaloriser les soins de suite a été
une étape, signifiée par l’emploi occasionnel du terme « SSmed » pour
exprimer la médicalisation.
82
Brève histoire du secteur (1956-2008)
• L’autre résultat de la planification a été de concentrer le secteur en
deux pôles : les soins de suite et la réadaptation fonctionnelle. Pendant
longtemps a subsisté une indiscutable inégalité de traitement. Les
soins de suite plutôt orientés vers la personne âgée n’ont pas bénéficié
de moyens et de prestige comparable à la réadaptation fonctionnelle.
Alors que les médecins rééducateurs (MPR) ont pu subordonner l’admission à un potentiel de récupération justifiant la mise en œuvre de
moyens humains coûteux et d’un plateau technique ; la fonction dégagement a plombé les soins de suite, d’autant plus qu’elle les confrontait à des patients parfois lourds et à la prise en charge coûteuse (par
exemple en médicaments onéreux tels que les anticancéreux...)
• Les circulaires ont déplacé le point de vue. En globalisant la problématique, elles ont porté le focus sur les patients et la qualité, voire le
niveau de la prise en charge. Ces textes peuvent s’interpréter comme la
reconnaissance d’une valeur ajoutée, mais en contrepartie également
d’une exigence. Autrement dit, les SSR prodiguent des soins et n’assurent pas seulement l’hébergement.
En dépit de ces avancées, les SSR restent un secteur certes significatif mais
petit. Les réformes hospitalières nombreuses s’y appliquent, mais la plupart du
temps par extension des règles applicables au court séjour. Le secteur souffre de
l’absence d’une vision d’ensemble qui lui donnerait un élan et une cohérence.
La publication soutenue de circulaires ne réussit pas à palier la difficulté. Pire,
déconnectées de la planification et du financement, elle montrent ce qu’il
faudrait faire et suscitent la frustration de ceux qui n’en ont pas la possibilité.
En dépit des bonnes intentions, la manœuvre est une impasse.
Dire qu’après un demi-siècle le décret de 1956 et ses annexes ont vécu est
un euphémisme. Le paysage du début des années 2000 n’a plus rien à voir.
Dans ce contexte il était logique et même nécessaire qu’intervienne une véritable refondation du secteur, sur une nouvelle base. Redéfinition des missions,
redéfinition des moyens (les conditions techniques), redéfinition de son financement. Telle est l’ambition des évolutions intervenues depuis 2008. Les SSR
sont à l’aube d’une ère nouvelle.
83
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
84
Brève histoire du secteur (1956-2008)
L’interdisciplinarité, philosophie de la réadaptation
L’interdisciplinarité est un concept à la fois galvaudé, mal défini et problématique. Il appartient à un champ sémantique où les termes foisonnent sans
qu’aucun texte de référence n’éclaircisse de façon convaincante la différence
entre inter- , pluri- ou trans-disciplinarité. Le concept au départ bien accueilli
devient rapidement litigieux ; loin de recueillir le consensus, son utilisation
révèle que chacun donne au terme une définition différente, volontiers intéressée, par exemple en y associant des attentes à l’égard des autres auxquelles
ils ne sont pas prêts à souscrire. Selon ce fonctionnement idéologique, chacun
se décrit soi-même comme plus interdisciplinaire que les autres, ce qui laisse
à penser qu’un important non-dit vient obscurcir cette idée que l’on avait cru
lumineuse.
La division et spécialisation du travail
L’organisation du travail dans le système de santé est héritière de l’histoire
et ne saurait être séparée du contexte de son émergence, à savoir le double
mouvement intervenu au cours du XIXème siècle, la division du travail et l’évolution médicale.
Machinisme industriel et organisation sociale
Au moment où Marx décrit les effets de la machine à vapeur et ses conséquences néfastes sur l’emploi des tisserands, son contemporain Frederick
85
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Taylor, ingénieur autodidacte, pose les bases d’une nouvelle organisation du
travail. Il formalise la méthode fondée sur l’analyse des gestes, le principe du
« the one best way » et le chronométrage. Quelques expériences datent de
1880, une première mise en œuvre industrielle est attribuée à Ford en 1913
pour la fabrication de la T4 ; elle sera systématisée en 1924 au sein de la même
entreprise. La critique du Taylorisme est connue. Il s’agit néanmoins d’un
progrès dans la mesure où il passe des connaissances diffuses et empiriques
détenues par les ouvriers à leur explicitation, enregistrement, classement
jusqu’à l’énoncé de lois scientifiques. L’ensemble de cette démarche conduira
à la réussite du projet industriel, dont il tirera sa légitimité.
L’attention portée à la classe ouvrière laisse dans l’ombre que ce mode d’organisation a également concerné la gestion et le travail administratif, jusqu’au
contrôle social de l’entreprise. L’OST se traduira par l’apparition de catégories
supplémentaires : les cols blancs, chargés de l’analyse, du chronométrage…
avec pour effet de complexifier l’organisation au moment même où s’appauvrit la tâche de celui qui l’exécute. Retenons que le principe de la division
touche à la fois l’organisation technique et l’organisation sociale, la production et la pensée. En définitive, le taylorisme n’est pas que d’ordre technique,
il est également d’ordre psychologique, social, politique et moral.
Dans la pensée sociologique
La séparation de la science en disciplines distinctes s’accélère au cours de
la même période. Le mouvement touche les sciences humaines, comme si
là aussi intervenait un principe d’organisation par segmentation (parcellisation ?). La jeune sociologie accompagne le mouvement et développe très tôt
une branche consacrée au travail.
Dans sa thèse « De la division du travail social» , Durkheim décrit la société
qu’il appelle « organique » : une solidarité fondée sur la différenciation des
individus par analogie avec les organes de l’être vivant. Remplissant chacun
une fonction et ne se ressemblant pas, ils sont tous indispensables à la vie.
Dans sa pensée, la différenciation sociale est la solution pacifique à la lutte
pour la vie : chacun cesse d’être en compétition avec tous les autres et chacun
contribue par un apport qui lui est propre à la vie de tous. La différenciation
sociale est la condition créatrice de la liberté individuelle. La structure de la
société impose à chacun une responsabilité propre. La division implique la
complémentarité, voire l’interdépendance.
Depuis Marx est posée la question de la relation entre la technique et l’organisation sociale. Marx lui-même apparaît comme modéré ; il propose de
distinguer entre la machine et son emploi capitalistique ; Aron se prononce
pour la prééminence de l’idéologie dans la formation des structures sociales ;
Friedmann professe l’opinion inverse et condamne cette organisation qui
« donne congé à l’homme ».
86
Brève histoire du secteur (1956-2008)
L’hôpital, un système régi par la division du travail
Le monde hospitalier est traversé par les mêmes lignes de forces, car
elles structurent la société toute entière. C’est la primauté du social, chère à
Durkheim.
La médicalisation tardive de l’hôpital
Cette institution est d’abord orientée vers l’accueil des exclus, des pèlerins,
des indigents, des malades, des infirmes, des orphelins … dans le but de leur
apporter le secours de la religion et d’assurer le salut de leur âme. Ce n’est
qu’accessoirement que la population accueillie sera logée, nourrie, et (modestement) soignée. Dans ce premier temps qui durera de nombreux siècles, le
personnel est congrégationiste (religieuses). Les laïcs sont absents, de même
que les médecins. De toute façon le savoir médical était si réduit que cela
n’aurait pas changé fondamentalement le sort de ces malheureux.
La révolution se confronte au problème de la qualification des médecins, et
cherche à lutter contre le charlatanisme des médecins auto-proclamés. Après
plusieurs tentatives et hésitations, la loi du 19 ventôse an XI vient mettre
de l’ordre dans le système. Elle instaure une hiérarchie à deux niveaux, les
docteurs en médecine et chirurgie, dont la loi précise la formation, et les officiers de santé qui seront autorisés à donner des soins ordinaires après une
formation accélérée de trois ans, qui au demeurant n’est pas obligatoire pour
celui qui peut attester une expérience pratique.
Il faudra attendre le milieu du XIXème siècle pour que l’hôpital devienne
l’un des lieux majeurs de l’exercice de la médecine et que des infirmières
complètent et supplantent les religieuses insuffisantes en nombre. Le savoir
médical se met progressivement en place au cours du XIXème siècle avec la
méthode anatomo-clinique qui améliore d’abord le diagnostic plutôt que le
traitement et les grandes découvertes de l’ère pasteurienne (bactérie, vaccin,
hygiène…) qui débouchent vers de nouvelles pratiques et une réorganisation
technique, sociale, et même architecturale de l’institution hospitalière.
Ce survol historique atteste que la notion de compétence médicale est longtemps aléatoire et l’idée même d’une qualification des personnels impossible
jusqu’à une époque historiquement récente, laquelle coïncide avec l’industrialisation de l’Europe. Ce rapprochement permet de saisir comment l’idée de
division du travail qui s’impose dans la société d’alors organisera également
l’hôpital.
87
L’hôpital d’Héricourt : une histoire centenaire
L’infirmière, premier des nouveaux métiers
La définition du métier d’infirmière au cours de la seconde moitié du
XIXème siècle est marquée par la figure de Florence Nightingale. Sa biographie
atteste de la rupture et de la continuité avec le personnel congrégationiste,
dont elle partage la motivation religieuse. Malgré sa réticence à l’égard des
théories pasteuriennes, elle fait prospérer la propreté (une valeur anglaise) et
l’hygiène de l’air, ce qui a pour conséquence de faire chuter à Constantinople
le taux de mortalité des blessés de la guerre de Crimée soignés dans le service
où elle est affectée ; ce résultat spectaculaire lui vaut de s’imposer aux militaires
qui dirigent l’hôpital. De retour en Angleterre, elle développera la formation
des « nurses » malgré l’opposition de certains médecins jugeant cette compétence inutile.
Dans sa conception, l’infirmière doit seconder efficacement le médecin ;
elle est une auxiliaire médicale18. Sa contribution concerne l’idée de compétences nécessaires à l’exercice de ce métier, lesquelles ne peuvent s’acquérir que
par la formation. En conséquence, le métier acquiert une certaine spécificité,
voire une évidente noblesse. « Une infirmière » disait-elle « ne devrait rien
faire d’autre que soigner. Si vous voulez des femmes de ménage, engagez-en.
Les soins infirmiers sont une spécialité. »
Dès la fin du XIXème siècle le mouvement diffuse en Europe et des écoles
sont créées en France. En 1922 le titre d’infirmier diplômé de l’État français
est créé. Il sanctionne une formation de deux ans axée sur le soin somatique19.
Au cours de la première moitié du XXème siècle, l’infirmière reste une auxiliaire
médicale, missionnée pour soigner le malade selon les indications du médecin.
Ce n’est qu’en 1961 que le programme de formation inclura des connaissances
sur l’homme sain, permettant l’idée de « globalité de la personne ». Dans les
années 70 interviendra la notion de « besoins de la personne ». Ce n’est qu’en
1978 que la législation entérine l’idée de rôle propre de l’infirmière. Plus tard
la notion de « diagnostic infirmier » viendra confirmer la relative autonomie
de l’infirmière par rapport au médecin, non sans susciter quelque réticence de
la part de ces derniers.
Le masseur-kinésithérapeute
Cette autre profession émerge également dans la seconde moitié du XIXème
siècle, mais mettra plus de temps pour s’organiser et s’imposer dans sa dimension corporative. L’une de ses origines est la tradition populaire des manipulations, du rebouteux, du magnétisme etc. Une autre est l’antique gymnastique
Selon certains commentateurs, Nightingale aurait parlé de « soumission » aux médecins.
La psychiatrie restera provisoirement à l’écart de la recherche de compétences, se limitant à recruter des
gardiens sans leur reconnaître de fonction soignante.
18 19
88
Brève histoire du secteur (1956-2008)
remise au goût du jour par l’orthopédie des enfants malades qui en fera une
gymnastique médicale destinée à soigner les déviations vertébrales et autres
difformités (Napoléon Laisne). La société de kinésithérapie est fondée en
1889. La première guerre mondiale viendra donner un élan supplémentaire
insufflé par l’État qui crée des centres en vue de la prise en charge des blessés.
Il faudra cependant attendre la loi du 30 avril 1946 pour une organisation et une réglementation du métier. La relation, voire la subordination au
médecin est manifeste puisque le texte spécifie : « lorsqu’ils agissent dans un
but thérapeutique, les masseurs-kinésithérapeutes ne peuvent pratiquer leur
art que sur ordonnance. » Au « Conseil supérieur de la kinésithérapie » créé
par le même texte siègent neuf médecins, c’est dire leur rôle déterminant à la
fois dans la formation et la pratique de la profession. Cette nouvelle profession
peut également être qualifiée d’auxiliaire médical.
L’évolution se poursuivra là aussi vers une relative autonomie. Ainsi le
décret de 1996 valide la notion de diagnostic en kinésithérapie, si bien que le
médecin se limite à indiquer la pathologie du patient confiée au kinésithérapeute et fixer l’objectif à atteindre ; celui-ci examine son patient, réalise des
bilans et des évaluations et décide de la technique mise en œuvre. Néanmoins
à bien des égards cette autonomie reste relative.
Le foisonnement paramédical
Le monde de la santé a connu, dans l’après-guerre, un développement
considérable non seulement en termes de progrès des techniques, mais également en termes d’éclosion de métiers nouveaux : les psychologues, ergothérapeutes20, orthophonistes etc., voire de subdivisions ou spécialisations : infirmières de bloc, infirmières en anesthésie etc.
Schématiquement, chacune des professions a traversé trois étapes :
• l’émergence d’une compétence, donnant naissance au nouveau métier
et à une formation assurée par une école ad hoc ;
• les décrets professionnels qui entérinent et figent l’exercice de la profession, désormais confié aux seuls qualifiés ;
• l’extension récente vers une certaine autonomie des métiers paramédicaux et l’introduction de la notion de diagnostic professionnel ; qui
peut s’interpréter comme un affaiblissement de la subordination au
médecin ; les paramédicaux sont de moins en moins des auxiliaires
médicaux.
Dans le secteur sanitaire, cette organisation n’a pas toujours été rigide. Il y
a quelques décennies, la fonction d’instrumentiste de bloc pouvait être tenue
par la femme du chirurgien ; l’aide-soignante pouvait suppléer à l’absence
d’infirmière ou de puéricultrice, sans que cela ne choque, ni n’affecte signi20
La première école date de 1955 et le diplôme d’État de 1970.
89
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
ficativement l’efficacité du système - du moins dans l’esprit de l’époque. Ce
n’est que récemment que le positionnement est devenu plus rigoureux, voire
rigide, délimitant à chacun un rôle propre correspondant à sa formation, sa
compétence et sa rémunération.
Il en résulte que, sous prétexte d’améliorer la compétence des acteurs, l’hôpital s’est organisé sur le modèle de la division du travail. Comme dans l’industrie, ce schéma a encore concerné les sphères techniques, administratives
et gestionnaires et c’est pourquoi l’hôpital est devenu un système complexe,
morcelé, où chaque intervenant réalise une tâche parcellaire. Tout cela illustre
les principes de l’analyse de Durkheim : la différenciation implique la responsabilité de chacun, la complémentarité et l’interdépendance. Les questions
posées plus haut à propos de l’évaluation restent valables, particulièrement
doit être examinée la critique de Friedman à propos d’une organisation
susceptible de donner congé à l’homme.
Le modèle pluridisciplinaire de la réadaptation
La réadaptation, une disciplinaire pluridisciplinaire
Comme chaque secteur d’activité, la réadaptation fonctionnelle se singularise par un champ de compétence et des métiers spécifiques. En l’occurrence
est à identifier l’émergence d’une spécialité médicale (la médecine physique)
et un métier emblématique de la première période, qui est celle de la rééducation : les masseurs-kinésithérapeutes21. Au fil du temps, la rééducation s’enrichit et mute en réadaptation, en s’attachant les compétences d’un nombre
croissant d’autres professionnels : ergothérapeute, orthophoniste, professeur
d’éducation physique et sportive adaptée, psychologue, psychomotricienne,
neuropsychologue, orthoptiste, assistante sociale, animateur… jusqu’aux
bénévoles et le cas échéant l’aumônier.
Cet enrichissement est ressenti comme pertinent et utile à la prise en
charge. Le patient en situation de handicap acquis (paraplégie) déprime,
il doit accepter la perte irrémédiable de son autonomie, reconstruire une
nouvelle image de soi et un projet de vie : l’intervention d’un psychologue
s’impose. Dans le même temps le retour à domicile pose problème, si bien
qu’est ressentie la nécessité de faire intervenir l’ergothérapeute qui organisera
21
Au Centre Bretegnier, ancien hôpital MCO reconverti en CRF, cette organisation est
flagrante. La reconversion s’est traduite par l’éviction des anciens métiers liés à la chirurgie,
l’obstétrique : sage-femmes, chirurgien, infirmières de bloc, puéricultrices, le recalage des rescapés dans leur rôle propre et surtout l’apparition de nouveaux métiers : médecins spécialisés en
médecine physique et réadaptation, kinésithérapeutes, ergothérapeutes etc.
90
Brève histoire du secteur (1956-2008)
avec l’assistante sociale les conditions matérielles, sociales et financières de la
vie future : aménagement du logement, ressources etc.
Analyse spectrale des besoins du patient
Le concept de la réadaptation est, en quelque sorte par définition, pluridisciplinaire. Il repose sur l’idée générale et au départ un peu vague de prendre
en charge le patient dans sa globalité ; ceci amène à identifier chez le patient
des besoins supplémentaires qui conduisent à envisager comme souhaitable,
voire nécessaire, de s’adjoindre des compétences nouvelles. Au fil du temps
se constitue le « bouquet de ressources », selon l’heureuse formulation de
Hesbeen.
Exemple : Jacqueline est atteinte d’un Locked in Syndrom, qui se traduit
par le fait de jouir de sa conscience tout en étant enfermée dans son propre
corps dépourvu de motricité. L’un des objectifs est de renouer le fil de la
communication, puisque cette personne a perdu sa capacité de parler. L’ergothérapeute et le kinésithérapeute recherchent un petit mouvement volontaire
qui possède suffisamment de stabilité pour être utilisable. Le clignement des
yeux habituellement utilisé n’est pas possible ; en revanche un mouvement de
faible amplitude du doigt est repéré. Le kinésithérapeute s’attache à rééduquer ce mouvement alors que l’ergothérapeute se met en quête d’un dispositif
technique permettant d’utiliser ce geste, lorsqu’il aura été fiabilisé. Il découvre
une synthèse vocale qui fait défiler sur un écran et un haut-parleur des lettres
de l’alphabet jusqu’à ce que le clic du doigt indique qu’il s’agit de la lettre
voulue. L’orthophoniste intervient ensuite pour l’apprentissage de cette technique jusqu’à sa maîtrise : les lettres s’assemblent en mots qui constituent une
phrase. Tout cela nécessite que les intervenants se concertent, se consultent et
agissent de façon coordonnée pour atteindre cet objectif si difficile car dépassant les compétences de chacun pris isolément. La première phrase librement
produite par la patiente fut : « je veux mourir ». Cette déclaration ouvrira
l’espace à d’autres intervenants : psychologue, famille, voire l’aumônier.
L’extension des compétences et des métiers, permet de résoudre des
problèmes de plus en plus nombreux ; le spectre de la prise en charge s’élargit
et vise désormais la personne toute entière. Cependant des questions nouvelles
surgissent, par exemple : jusqu’où aller dans l’enrichissement de la prise en
charge ? Partant du désir d’améliorer l’aide au patient, le système peut dériver et devenir totalitaire : on s’occupera alors d’« améliorer » sa vie privée
ou familiale. Toutefois dans cet élan le mouvement est freiné par la question
économique, car les interventions s’ajoutant les unes aux autres, le coût de
la prise en charge s’élève rapidement. Les canadiens ont posé une limite :
ramener le patient dans l’état antérieur, sans chercher à améliorer cet état. S’il
a été renversé par une voiture alors que sans domicile fixe il déambulait en
91
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
état d’ivresse, l’on ne s’occupera ni d’améliorer son insertion sociale, ni de son
alcoolisme. Cette limite paraît sévère ; néanmoins, elle rappelle judicieusement que la réadaptation doit rester à sa place et ne pas se poser comme chargée de la mission impossible qui consisterait à tout réparer, ce qui exprimerait
un désir de toute-puissance.
La notion d’équipe pluridisciplinaire
L’équipe, une notion ambiguë
L’organisation des soins en centre de réadaptation repose sur plusieurs
pôles : le médical, les soignants et les réadaptateurs - chacun étant installé
dans un espace particulier. Même si la notion d’équipe est très présente dans
le discours, le concept est ambigu. Il décrit autant l’équipe professionnelle,
par exemple l’équipe des kinésithérapeutes, que le collectif des intervenants
de toutes les disciplines prenant en charge les patients. Ce qui manque dans
l’organisation traditionnelle, c’est la volonté de constituer l’équipe rassemblant l’ensemble des intervenants et surtout le moment concret et symbolique
qui confère à cette équipe une visibilité, une conscience et une identité. Autrement dit, l’équipe reste virtuelle.
Le schéma du tapis roulant
Ce type d’organisation entérine une segmentation, qui s’apparente à un
morcellement de la prise en charge et n’est pas sans rappeler la division du
travail dans le milieu industriel. Chaque intervenant accomplit une parcelle
du travail global selon un modèle séquentiel. Le modèle du tapis roulant
décrit de façon sans doute idéal-typique ou caricaturale que le patient reste
morcelé entre les dimensions prises en charge par les compétences multiples
qui se relaient. Concrètement, à défaut de tapis, c’est en fauteuil roulant qu’il
se déplace entre les secteurs allant de sa chambre au plateau technique, de la
kiné à l’ergo, passant par la balnéo et la psychologue. Est absent le moment de
la synthèse, de la vision globale, où chacun des actes pratiqués s’intègre dans
une totalité et trouve son sens. Autrement dit, le patient demeure objet de
soin, conformément à l’organisation sanitaire traditionnelle où le patient n’est
pas sujet, encore moins acteur de sa prise en charge.
92
Brève histoire du secteur (1956-2008)
L’effet fédérateur du modèle de Wood
Tous ces professionnels ont un référentiel commun, par lequel ils sont
amenés à penser leur intervention : le modèle de Wood - du nom de ce médecin qui organisa pour l’OMS la première classification internationale sur le
triptyque : déficience, incapacité, handicap. Ce modèle a eu un succès considérable. Il est devenu l’outil de pensée, d’analyse et d’organisation de l’ensemble des professionnels de la réadaptation.
Pendant longtemps l’idée même de réunions de synthèses des patients
rassemblant l’ensemble des intervenants de sa prise en charge est restée une
vue de l’esprit plus qu’une réalité - comme si chacun pensait savoir ce qu’il
avait à faire et n’avait pas besoin de confronter la progression de sa partie avec
les autres - et surtout pas besoin d’eux pour savoir ce qu’il avait à faire.
Le rôle central du médecin
Cette organisation corporatiste a conforté le spécialiste en médecine
physique dans sa position de chef d’orchestre. Médecin à la formation réellement transdisciplinaire, il dispose des compétences permettant de prescrire,
coordonner, voire évaluer les multiples interventions. C’est donc logiquement
à lui qu’incombe le pilotage, car lui seul peut - s’il le veut - considérer le
patient dans sa globalité. Ce rôle de pilotage dépasse ainsi les questions habituelles du pouvoir et de la place du médecin dans le système sanitaire.
En définitive, malgré d’évidentes lacunes - rétrospectivement visibles à la
lumière de l’interdisciplinarité - ce système ne fonctionne pas trop mal et
donne même d’assez bons résultats, y compris du point de vue de la satisfaction des patients. Il correspond à une époque et un point de vue, que l’on peut
définir comme un humanisme fonctionnaliste. Dans l’histoire de la réadaptation, il s’agit d’une étape nécessaire correspondant au développement d’un
corpus de savoirs et de savoir-faire. Replacer cette conception dans son histoire
évite de la dénigrer trop rapidement, sans lui rendre justice de ses qualités.
Le modèle interdisciplinaire (Hesbeen)
Depuis une décennie plusieurs contributions sont venues non pas remettre
en question, mais ajouter une dimension nouvelle à la réadaptation. La plus
remarquable est documentée dans les écrits de Walter Hesbeen, et les formations de l’Institut de la Source qu’il dirige.
93
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Prendre soin – la démarche soignante
Le modèle de la Source se fonde sur la distinction sémantique entre « les
soins » et « prendre soin ». « Être soignant nous apparaît comme l’expression
de notre humanité dans l’humanité, c’est-à-dire le souci de notre présence au
monde en vue de contribuer, modestement, de la place occupée, à un univers
plus soignant, à une atmosphère plus riche et plus répandue » (Hesbeen, p. 71).
Cette compréhension du soin est déclinée en différentes formes : prendre soin
de soi, prendre soin des autres, prendre soin des choses et de la technique,
prendre soin de la beauté, prendre soin du débat. » Voilà une charte, véritable
profession de foi de cette orientation qui s’apparente à un humanisme interpersonnel, comme dépassement de l’humanisme fonctionnel décrit plus haut.
Cette philosophie abstraite se concrétise dans la démarche soignante : « La
démarche désigne cette capacité de se mouvoir, de se porter vers autrui en vue
de marcher avec lui. Le fondement même de la démarche soignante repose sur
ces deux mots : une rencontre et un accompagnement. » (ibid. p. 83).
Au centre du modèle est ainsi la question de la rencontre interpersonnelle faite de simplicité, de dépassement du savoir, au profit d’une notion de
confiance, d’une écoute personnelle de la souffrance du patient. L’accompagnement du patient par le soignant se redéfinit en conséquence : « Le soignant
a pour mission de tenter d’aider une personne à se créer un mode de vie
porteur de sens pour elle et compatible avec sa situation et ce quel que soit
l’état de son corps ou la nature de son affection » (ibid. p. 85).
L’équipe soignante interdisciplinaire
Hesbeen note que le travail en équipe n’est pas facile et qu’il exige une
maturité professionnelle importante. C’est pourquoi cette notion relève très
souvent de la « bienséance rhétorique » et cache une simple prestation pluridisciplinaire. Le travail en équipe interdisciplinaire est autre chose. C’est l’application des principes évoqués plus haut, déclinant l’idée de prendre soin,
aux relations en vue d’une coopération. En effet, seule l’interdisciplinarité
permet de faire face à la complexité des relations humaines « en dépassant
les approches simplificatrices qui morcellent et où chacun a déterminé son
domaine d’intervention. »
Étant donné que c’est la recherche d’humanité qui fonde cette conception, on n’est pas étonné que le souci d’être à l’écoute concerne certes d’abord
le patient, mais n’ignore pas les soignants et leurs difficultés. C’est là à la
fois l’objet d’une gestion humaine des ressources (plutôt que la gestion des
ressources humaines) et l’objet d’un dialogue au sein de l’équipe.
94
Brève histoire du secteur (1956-2008)
Le modèle du cercle
En fait, ce modèle introduit un nouveau schéma, synchronique, qui se
substitue à l’organisation diachronique précédente : l’image elle aussi idéaltypique de l’équipe réunie en cercle, parlant ensemble du patient, et même du
patient non pas au centre du cercle, mais inclus dans le tour de table comme
un intervenant qui participe au débat le concernant. Cette image emblématique du cercle n’implique en rien l’abandon du système pratique antérieur,
(la prise en charge est toujours séquentielle) mais elle ajoute une dimension
supplémentaire qui apporte la globalité, le sens et repositionne le patient
comme sujet. Ce n’est pas un changement anodin.
Ce modèle a rencontré une belle fortune chez les soignants. Probablement
parce qu’il répond à leurs désirs et reconnaît de la valeur à la qualité de la
relation humaine.
Évaluation
Deux aspects en constituent néanmoins une limite. Tout d’abord le modèle
est une réflexion essentiellement axiologique : il pose une orientation en définissant des valeurs. En revanche la mise en œuvre concrète n’est ni développée ni systématisée. La formation dispensée est une sensibilisation, plutôt que
l’organisation de l’interdisciplinarité.
Plus problématique est la place du médecin ; elle est peu analysée, discutée,
resituée dans la nouvelle perspective22. Cet acteur essentiel du champ sanitaire
perd sa visibilité ; il disparaît ou se fond dans l’équipe, où il n’intervient plus
que comme un membre parmi tous les autres. Ceci flatte peut-être les autres
professions mais ne facilite pas l’adhésion des médecins à la démarche, car elle
donne l’impression de faire peu de cas de leurs responsabilités, de leur rôle
propre et ne rend pas non plus justice aux longues années de leur formation23.
Les idées théorisées par Walter Hesbeen se sont largement répandues,
grâce à de nombreux relais : demandes d’intervention dans des IFSI, création d’une organisme de formation, interventions régulières aux congrès de
l’AIRR (Association des infirmières en rééducation et réadaptation), création
d’un organisme international francophone… Une fois de plus la réadaptation
fonctionnelle a pris une longueur d’avance, particulièrement sur les soins de
suite et la gériatrie.
22 Tout se passe comme si cet auteur connaissait surtout un succès chez les paramédicaux, s’adressant à ce
public plutôt qu’au milieu médical.
23
Ceci n’est pas sans évoquer le modèle canadien, où la réadaptation est quasiment faite sans médecin.
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Une démarche appliquée : le modèle héricourtois
Le Centre de Réadaptation Fonctionnelle Bretegnier d’Héricourt a tenté
de mettre en application l’idée d’interdisciplinarité en définissant un mode
d’organisation. L’élaboration et la mise en œuvre ont été progressives, faute
de modèle à imiter ; elles sont également restées empiriques, jalonnées de
naïvetés, d’enthousiasmes, de déceptions, d’essais, de ratures… Aujourd’hui
encore, sous la pression d’éléments adverses, l’application n’est pas optimale.
Améliorer le dialogue interprofessionnel
La première étape a consisté à faire prospérer l’idée et de familiariser les
équipes avec l’évolution, tout en créant les conditions psychosociologiques
permettant sa mise en application. Paradoxalement cette étape a consisté à
former les équipes par métiers, donc séparément : le groupe des infirmières,
des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes etc. L’objectif poursuivi était de
faire réfléchir chaque métier sur son rôle, sa place dans la prise en charge et
dans l’institution, son histoire et ce faisant de susciter une conscience professionnelle basée sur la fierté et la reconnaissance du métier. Cette étape paraissait nécessaire avant l’ouverture au dialogue avec les autres métiers. Pour les
uns il s’agissait de valoriser le métier pratiqué, pour d’autres il a fallu y ajouter la valorisation et la reconnaissance par les autres professions. Le résultat
escompté était d’améliorer la participation et l’écoute au sein des réunions de
synthèses déjà inscrites dans les habitudes, mais au rendement parfois incertain, faute pour les uns de s’autoriser à parler, faute pour les autres d’être à
l’écoute des collègues.
Un outil : le P3I
La seconde étape a consisté à organiser l’interdisciplinarité concrète de la
prise en charge. La méthode retenue a été le P3I, ou Plan d’Interdisciplinaire
Individualisé d’Intervention. Cette méthode élaborée au Canada par l’équipe
du professeur Boulanger24 a nécessité une nouvelle formation de l’ensemble
des intervenants, médecins compris, pour créer la compétence avec l’outil.
Le P3I est fondé sur le modèle de Wood. Il définit les objectifs et les actions
à entreprendre en partant d’une vision globale de la situation du patient, et
surtout il associe le patient, voire ses proches, à l’élaboration des objectifs ;
après quoi chacun reçoit en main propre le compte-rendu de la réunion,
patient compris, ce par quoi les objectifs écrits acquièrent un caractère quasi
Au Québec : Université McGill et Institut de Réadaptation de Montréal.
24
96
Brève histoire du secteur (1956-2008)
contractuel. Sur le plan imaginaire, la réunion du P3I met en scène le modèle
du cercle évoqué plus haut ; et le patient est reconnu comme sujet.
Cette méthodologie est assez lourde à organiser (temps, salles, disponibilité des équipes), surtout si le P3I doit être répété en cours de séjour, puis
évalué à proximité de la sortie. C’est pourquoi cette méthode est réservée aux
cas complexes dont les séjours sont relativement longs ou lorsque l’équipe
repère une possible difficulté dans le processus de sortie.
La place du médecin
L’organisation a été possible parce que les médecins ont joué le jeu, en
participant aux formations, en acceptant, bon gré mal gré, l’évolution. Cependant il a fallu inventer une réponse à la question posée de leur place. La bonne
volonté des médecins a probablement également fait écho à l’impression que
l’objectif de la manœuvre n’était pas de les priver ou de porter atteinte à leur
place, mais seulement d’évoluer collectivement et de faire évoluer l’institution.
La question était posée avec d’autant plus d’acuité que le P3I permettait une
interchangeabilité des rôles.
Un premier aspect a consisté à reconnaître le médecin dans son rôle propre,
notamment tel que défini par la réglementation, par exemple son rôle de prescripteur, y compris de la prise en charge des paramédicaux.
Un second aspect, plus culturel, a été de le confirmer dans son rôle d’interface : il doit avoir un dialogue, non pas exclusif (ce serait la négation de
la dimension humaine propre à l’interdisciplinarité) mais privilégié avec le
patient et la famille. Il aurait pu en être différemment, puisque dans la conception globale n’importe quel intervenant peut expliquer au patient ce qui se
passe, où l’on va. Mais il a été admis que le patient auquel on aurait assigné
tel professionnel dans un rôle de référent, et a fortiori sa famille, aurait mal
compris pourquoi il ne pouvait pas s’adresser au médecin et que celui-ci se
limite à le renvoyer vers le référent. En dépit de toutes les inflexions, la relation
duelle (le colloque singulier) reste l’un des piliers de l’exercice de la médecine.
Enfin, en raison de son statut et de sa formation transdisciplinaire, le
médecin a également été reconnu dans son rôle de garant du chemin clinique,
supervisant la prise en charge et l’évolution du patient. Ceci a semblé logique,
compte tenu de sa fonction de prescripteur, de sa formation et de sa responsabilité devant la justice.
Les cadres de santé et l’équipe interdisciplinaire
Reste à préciser et à organiser l’équipe interdisciplinaire. Comme évoqué
plus haut, le système de santé a jusqu’ici privilégié les équipes corporatives.
97
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Ceci est favorisé par la structure spatiale qui sépare l’hébergement (service de
soins) du plateau technique. Des éléments réglementaires viennent consolider
cette distinction.
La notion d’équipe interdisciplinaire implique dans un premier temps de
regrouper au sein d’un collectif unique l’ensemble des intervenants s’occupant
d’un patient et au-delà d’un groupe de patients. Pour des raisons pratiques,
ce regroupement se fait facilement à partir de l’unité de base qui est le service
(ensemble de chambres des patients) et des soignantes (infirmières et aidesoignantes) affectées à ce service ; cependant, il faut poursuivre le découpage
en y ajoutant des rééducateurs : kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, assistantes sociales… Comme on le constate, la constitution d’équipe
privilégie les soignantes, dont elle épouse les contours de l’organisation traditionnelle mais éclate les intervenants des plateaux techniques. Il en résulte que
les soignantes conservent mieux leur identité de groupe que les rééducateurs.
Néanmoins l’organisation de l’hébergement selon des pathologies (création de
filières) donne à l’ensemble une indéniable cohérence.
Conclusion : l’interdisciplinarité une utopie ?
La mise en œuvre concrète de cette philosophie a rencontré des difficultés,
qui ne tiennent guère à la légitime et habituelle résistance au changement,
mais davantage au manque de références (de modèles à imiter). La nécessité
d’inventer une organisation au fur et à mesure que des questions se posent est
une démarche essentiellement empirique.
Tout cela conforte le sentiment que l’interdisciplinarité est mieux reconnue
comme idée (idéologie ?) que comme organisation, et qu’au final la tentative
n’outrepasse pas seulement mais transgresse aussi l’ordre social inscrit dans
l’organisation traditionnelle. Pourtant selon cette expérience, l’interdisciplinarité reste une belle et bonne idée. Comme une utopie ? Peut-être. Reste le P3I
: une démarche concrète qui rassemble les intervenants, implique le patient,
définit des objectifs, fédère le contrat thérapeutique y compris avec la famille.
Pour la satisfaction de tous.
Références bibliographiques
• Aron Raymond (1967) « Les étapes de la pensée sociologique », NRF, 659p.
• Foucault Michel (1963) « Naissance de la clinique », PUF, 214 p
• Gille Bertrand (1978) « Progrès technique et société » in « Histoire de la technique »,
sous la direction de Bertrand Gille, pp.1241-1316, Encyclopédie de la Pléiade, NRF.
• Hesbeen Walter (1994) : « La réadaptation, du concept au soin », Lamarre, 208p.
• Hesbeen Walter (2001) : « La réadaptation, aider à créer de nouveaux chemins », Seli
Arslan, 156p.
98
Brève histoire du secteur (1956-2008)
•
•
Schwach Victor (2002) « Un regard sur le modèle québécois » Perspectives Sanitaires
et sociales, n°156, pp. 31 et suiv., FEHAP editions.
Schwach Victor (2004) « Interdisciplinarité. Principes et méthodes de l’interdisciplinarité en réadaptation fonctionnelle » Publié dans « Perspective soignante » et
« Gestion Hospitalière ».
Une autre philosophie
Humanitude de Gineste et Marescotti
La philosophie de soins de l’humanitude basée sur les concepts de bientraitance, de règles de l’art dans le soin, regroupe un ensemble de théories
et pratiques originales pour :
• rapprocher le soignant et le soigné dans leur humanitude ;
• améliorer les soins et le prendre soin des personnes en établissement et à domicile ;
• accompagner ainsi les personnes âgées dans la tendresse et le respect
de l’autonomie, debout, jusqu’à la fin.
De tout temps, il s’est trouvé des soignants qui se sont occupés des
personnes avec humanité. Mais soigner avec humanité n’est pas prendre
soin en humanitude. Le mot humanitude a été créé par Freddy Klopfenstein (Humanitude, essai, Genève, Ed. Labor et Fides, 1980).
Plus tard, Albert Jacquard, reprend ce terme sur le modèle du mot négritude jadis créé par Aimé Césaire, puis popularisé par Léopold Senghor.
Ceux-ci avaient ainsi, nous dit Albert Jacquard, utilisé « un mot nouveau
pour désigner l’ensemble des apports des civilisations d’Afrique centrale,
l’ensemble des cadeaux faits aux autres hommes par les hommes à peau
noire : la négritude. »
Les cadeaux que les hommes se sont faits les uns aux autres depuis qu’ils
ont conscience d’être, et qu’ils peuvent se faire encore en un enrichissement
sans limites, désignons-les par le mot humanitude. Ces cadeaux constituent l’ensemble des caractéristiques dont, à bon droit, nous sommes si
fiers, marcher sur deux jambes ou parler, transformer le monde ou nous
interroger sur notre avenir.
L’humanitude, c’est ce trésor de compréhensions, d’émotions et surtout
d’exigences, qui n’a d’existence que grâce à nous et sera perdu si nous disparaissons. Les hommes n’ont d’autre tâche que de profiter du trésor d’humanitude déjà accumulé et de continuer à l’enrichir.
Ainsi Jacquard définit une approche écologique de l’humanitude.
Plus tard, dès 1989, un gériatre français, Lucien Mias, introduit pour la
première fois le terme d’humanitude dans les soins.
Enfin, en 1995, Rosette Marescotti et Yves Gineste décident d’écrire
une nouvelle philosophie de soin qu’ils baptisent la philosophie de soin
99
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
de l’humanitude, car toutes les actions soignantes se réfèrent toujours à
une philosophie de soin. Une philosophie de soin a entre autres pour objet
l’étude des principes fondamentaux d’une activité, d’une pratique, des
réflexions sur leurs sens et leur légitimité.
La philosophie de l’humanitude, développée dans le cadre de la méthodologie des soins Gineste-Marescotti, constitue une réflexion sur les caractéristiques que les hommes possèdent et développent en lien les uns avec
les autres, sur les éléments qui font que chaque homme peut reconnaître les
autres hommes comme des semblables. La philosophie de soin de l’humanitude tente de répondre à une question : Qu’est-ce qu’un soignant ?
Un soignant est un professionnel qui prend soin d’une personne qui à
des problèmes de santé, ou qui se préoccupe de sa santé, dans le but de l’aider à l’améliorer, ou la conserver, ou pour l’accompagner jusqu’à la mort.
Mais jamais pour la détruire. On ne devient soignant qu’en s’occupant de
l’humanitude.
L’humanitude considère l’ensemble des particularités de la personne : le
rire, l’humour, l’intelligence conceptuelle, la verticalité, l’habit, la socialisation : famille, repas etc. L’humanitude est l’ensemble des particularités qui
permettent à un homme de reconnaître un autre homme comme faisant
partie de l’humanité.
On note une évidente parenté entre cette philosophie et celle de
Hesbeen. Toutes deux postulent que le soin, avant d’être une technique,
suppose l’entrée en relation avec une personne vulnérable. Il ne s’agit donc
pas seulement d’apporter une plus-value technique, mais également une
réponse humaine. Si la théorie de Hesbeen a largement essaimé en SSR,
celle de Gineste et Marescotti a d’abord été reconnue en gérontologie (les
EHPAD), avant de s’étendre lentement aux SSR gériatriques.
Source : IGM formation
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Panorama des SSR
après la réforme de 2008
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
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Panorama des SSR après la réforme de 2008
La réforme réglementaire (2008)
Au début des années 2000, les SSR sont dans l’impasse.
Sur le plan réglementaire la parution de nombreuses circulaires apporte
certainement un éclairage sur la qualité des filières et des prises en charge, mais
ne résout ni la question du financement de cette montée de niveau, ni celle
du dépassement des références obsolètes de 1956. Ces circulaires sont autant
de vœux pieux.
En théorie du moins, les textes de 1956 sont toujours applicables. Leur
révision aurait pu intervenir en 2006. Mais le cinquantenaire des décrets passe,
le changement se fait attendre. Les projets sont rédigés, mais les arbitrages
traînent. Les nouveaux textes finissent à être publiés au mois d’avril 2008.
Références
• Décret n°2008-376 du 17 avril 2008 relatif aux conditions techniques de fonctionnement applicables à l’activité de soins de suite et de réadaptation.
• Décret n°2008-377 du 17 avril 2008 relatif aux conditions d’implantation applicables
à l’activité de soins de suite et de réadaptation.
• Circulaire DHOS/O1/2008/305 du 3 octobre 2008.
• Courrier DHOS du 27 avril 2009 : « Point sur la réforme de l’activité de soins de suite
et de réadaptation. »
Une nouvelle définition
Les décrets apportent des changements notables.
D’abord ils mettent fin à la séparation entre réadaptation fonctionnelle
et soins de suite. L’ensemble est désormais réuni sous un même intitulé, avec
modification de la conjonction « ou » en « et » : soins de suite et réadaptation.
103
L’hôpital d’Héricourt : une histoire centenaire
Il faut entendre par là une inflexion majeure. Le champ n’est plus défini par
la réunion de deux sous-ensembles distincts (d’un côté la réadaptation et de
l’autre les soins de suite) ; dorénavant l’ensemble des structures doit satisfaire
à des conditions générales qui spécifient l’existence d’une équipe pluridisciplinaire et mettent au premier plan la notion de projet thérapeutique coordonné
par un médecin.
Le Code de la Santé Public comporte une nouvelle définition : « L’activité de soins de suite et de réadaptation (…) a pour objet de prévenir ou de
réduire les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques
ou sociales des déficiences et des limitations de capacité des patients et de
promouvoir leur réadaptation et leur réinsertion. » (Art R.6123-118).
Les conditions matérielles sont limitées au strict minimum : présence de
fluide, dispositif d’appel, chambres à un ou deux lits, espaces de convivialité,
chariot d’urgence.
L’activité SSR telle que décrite dans les décrets devient une activité médicale à part entière avec la vocation de délivrer des soins. Pour qui sait lire entre
les lignes, c’est une réitération de la fin de la convalescence, entendue comme
une étape passive avec surveillance médicale, d’attente que l’état de santé du
patient s’améliore. L’on peut y voir également, en filigrane, une nouvelle étape
d’atténuation de la mission d’hébergement.
Car les SSR ont vocation à prodiguer des soins actifs. Le CSP comporte
de ce fait des précisions sous forme d’une liste des missions de référence, que
l’établissement devra être obligatoirement en mesure d’assurer : « L’autorisation d’exercer l’activité de soins de suite et de réadaptation ne peut être
accordée (…) ou renouvelée (…) que si l’établissement de santé est en mesure
d’assurer :
1. les soins médicaux, la rééducation et la réadaptation afin de limiter
les handicaps physiques, sensoriels, cognitifs et comportementaux, de
prévenir l’apparition d’une dépendance, de favoriser l’autonomie du
patient ;
2. des actions de prévention et l’éducation thérapeutique du patient et
de son entourage ;
3. la préparation et l’accompagnement à la réinsertion familiale, sociale,
scolaire ou professionnelle. » (Art. 6123-119)
Comparativement à l’ensemble des structures SSR existantes, le niveau
référencé par les textes s’élève franchement. L’écart entre la situation, les
moyens, le projet de maints établissements de soins de suite et les orientations
énoncées peut être considérable. Que l’on pense à ces anciens hôpitaux locaux
qui n’ont ni médecin salarié, ni équipe paramédicale (ni kinésithérapeute, ni
ergothérapeute).
Pour tous, la question des moyens est clairement posée : « Les effectifs du
personnel sont adaptés au nombre de patients effectivement pris en charge
104
Panorama des SSR après la réforme de 2008
et à la nature et l’intensité des soins que leur état de santé requiert. » (Art D.
6124-177-2).
Pourtant la communauté du moyen séjour ne portera que peu d’attention
à cette question. Elle se focalise sur un autre aspect : la reconnaissance d’une
spécialisation.
La spécialisation
Après avoir décrit les conditions générales, les décrets précisent deux catégories : les établissements non spécialisés (parfois appelés SSR indifférenciés
ou polyvalents) et les établissements spécialisés.
La première catégorie est mal définie et la circulaire parue l’année suivante
met les pieds dans le plat : « le SSR non spécialisé se définit par défaut par
rapport aux prises en charge spécialisées et sans lien avec un critère d’âge. »
Et elle ajoute plus loin : « c’est le niveau de prise en charge qui justifie la
mention. » Cette définition n’est pas réellement attractive et se prête à l’interprétation d’une différence de valeur : de niveau, de reconnaissance. Et c’est
pourquoi la tentation de la spécialisation gagne le secteur.
La première spécialisation possible concerne les enfants. Deux classes d’âge
sont identifiées : moins de six ans, plus de six ans. La limite d’âge supérieure
n’est pas définie, mais les conditions techniques sont spécifiées, en particulier
pour ce qui concerne les compétences médicales, éducatives et soignantes. La
place de la famille est un point d’attention particulier.
Ce sont les autres spécialisations qui ont focalisé l’attention. Elles sont les
neuf suivantes et concernent la prise en charges des :
a. affections de l’appareil locomoteur ;
b. affections du système nerveux ;
c. affections cardio-vasculaires ;
d. affections respiratoires ;
e. affections des systèmes digestif, métabolique et endocrinien ;
f. affections onco-hématologiques ;
g. affections des brûlés ;
h. affections liées aux conduites addictives ;
i. affections de la personne âgée polypathologique, dépendante ou à
risque de dépendance.
Pour chacune de ces mentions de spécialisation, des conditions techniques
sont décrites en matière de compétences médicales et paramédicales, et d’équipement. Quelques surprises ne sont pas évitées, comme la nécessité d’accès à
un laboratoire d’analyse du mouvement et de la marche pour les SSR locomoteurs - des équipements alors rares dont l’utilité a probablement été recommandée par quelque sommité universitaire.
105
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Si l’on reconnaît bien les anciennes spécialités de la réadaptation fonctionnelle, cardio-pneumologique… jusqu’aux conduites addictives (alcoologie et/
ou toxicomanie), l’on découvre avec intérêt une nouvelle spécialité de gériatrie
dédiée à la prise en charge des affections de la personne âgée polypathologique, dépendante ou à risque de dépendance.
Les décrets sont complétés par une première circulaire (2008). Et comme
il reste des zones d’ombre, une lettre explicative est rendue publique quelques
mois plus tard. Ces documents cherchent à préciser la notion décrite plus
haut : la définition d’une mission qui n’est pas l’hébergement, mais une prise
en charge médicale pluriprofessionnelle. La circulaire explicite quelques sousentendus :
• l’évaluation des besoins médicaux préalablement à l’admission permettant de définir un objectif thérapeutique ;
• la mise en place de coordinations territoriales en SSR ;
• l’organisation de filières avec des réseaux de partenariat ;
• la notion de gradation de l’offre de soins ;
• l’admission directe à partir du domicile (sans hospitalisation MCO
préalable).
La circulaire conseille aux ARS d’organiser de façon rationnelle le nouveau
SROS SSR, en anticipant par exemple le vieillissement de la population, en
veillant à satisfaire les besoins non couverts, en permettant notamment aux
établissements spécialisés d’atteindre une masse critique en volume de façon
à « optimiser le fonctionnement du plateau technique et humain de la structure. »
La circulaire comporte d’importantes annexes détaillant la conception de
la DHOS à propos des mentions de spécialisation. Pour chaque mention une
annexe avec des rubriques précises détaille les objectifs spécifiques, l’orientation (modalité et profil des patients), les compétences requises ainsi que les
moyens matériels.
Tout cela part de bons sentiments mais n’est pas assez précis pour induire
de vrais effets. Laissons quelques imprécisions ou curiosités pour relever des
contradictions. La principale est qu’il n’y a pas de correspondance univoque
entre la spécialisation de l’établissement et les patients accueillis. Le critère de
proximité demeure. La porte est ouverte à certaines dérives, dont on ignore
encore si elles sont provisoires ou non : la concurrence entre des établissements spécialisés (ex-CRF) et polyvalents pour un même patient.
Cet état de choses conduira à examiner avec attention la question du
financement et notamment la doctrine qui a été formulée précocement par
la DHOS : « nous n’envisageons pas un financement des autorisations »,
en réponse à une proposition formulée par la FHF. Aussi après s’être précipités sur les mentions de spécialisation, les établissements (notamment les
ex-CRF) s’interrogent-ils sur le financement des contraintes d’équipement et
106
Panorama des SSR après la réforme de 2008
de compétences requises par l’autorisation qui leur a été délivrée. Et faute de
financement suffisant, n’aurait-il pas valu mieux renoncer à la spécialisation ?
Une mise en mouvement ?
Avant de s’appliquer aux établissements de santé, les dispositions nouvelles
obligent à réajuster la planification. Toutes les régions s’engagent à marche
forcée dans la révision du volet SSR de leur SROS, avec l’échéance d’une
publication avant 18 mois. La lettre d’avril 2009 a pour but d’apporter les
précisions utiles.
Plusieurs changements doivent être pris en considération.
• La notion de gradation de l’offre de soins entre établissements non
spécialisés et établissements spécialisés ; la spécialisation étant liée à la
lourdeur/complexité des patients pris en charge.
• La notion d’optimisation des structures devant atteindre une masse
critique en volume pour justifier leur rôle au sein d’un territoire.
• La fusion des volumes d’activité RF et SS (globalisation avec possibilité de différenciation par spécialité).
Les ARS s’interrogent
Les ARS s’interrogent et doutent. Les nouveaux directeurs généraux,
encore appelés préfigurateurs, en place depuis quelque mois constatent que
leurs moyens (les marges de manœuvre) sont faibles au regard des orientations
des SROS. Le calendrier est très court pour délivrer les nouvelles autorisations
(parfois seulement un mois).
Trois conseillers généraux des établissements de santé (CGES) sont
missionnés pour un audit national, Loïc Geffroy, Vincent Le Taillandier de
Gabory et Gérard Decour. Leur mission concerne précisément les modalités de révision des SROS. Ils dressent un constat plutôt sévère : la révision
des SROS a, pour ainsi dire, manqué d’intelligence. Elle a été faite gentiment, sans que les autorités régionales n’engagent une réflexion de fond. Le
pouvaient-elles seulement. La liste des critiques est fournie :
• absence de diagnostic préalable ;
• des objectifs proches de l’existant ;
• pas de recherche d’efficience ;
• des études de l’offre d’aval limitées ;
• absence de chiffrage de l’impact financier des volumes autorisés
(OQOS) ;
• pas de référence nationale / pas de benchmark.
107
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Par exemple, les auteurs chiffrent que le développement des SSR permis
par les SROS révisés implique un surcoût de l’ordre de 4 à 8 Mds €. Un chiffre
propre à inquiéter les autorités qui tiennent les cordons de la bourse. Une telle
analyse ne manque pas de s’accompagner de quelques recommandations. La
plus originale est d’introduire une composante économique dans la planification.
On peut dire que la révolution n’est pas brutale. Et les SROS révisés se
limitent parfois à de simples habillages. La nouvelle réglementation est peu
appropriée, les SSR n’ont pas non plus été une priorité. Les résultats se font
attendre. Les dispositions sont encore trop récentes pour imprimer une
marque et infléchir réellement ce secteur multiforme et souvent sensible.
D’ailleurs à peine promulgué le SROS SSR révisé 2009, que de nouveaux
travaux sont engagés dans le cadre des concertations devant conduire au PRS,
dont le SROS révisé sera une composante. Le premier PRS est une tâche titanesque qui mobilise les ARS au bout de leurs forces. Les quelques pages consacrées aux SSR ne figurent pas parmi les priorités les plus fréquentes. L’analyse
des CGES pourrait être répétée en des termes assez proches, à ceci près que les
objectifs quantitatifs ont disparu. Provisoirement, chacun pourra faire ce qu’il
veut ! Ce n’était pas l’objectif recherché.
Une période d’attente
C’est ensuite aux établissements de déposer le dossier de demande d’une
nouvelle autorisation. Celle-ci sera délivrée de façon provisoire, avec un délai
de deux ans pour parachever la mise en conformité. Comme évoqué ci-dessus,
les nouvelles autorisations ne comportent plus d’indications d’activités. Ce
n’est qu’en 2013, soit cinq ans après la parution de la nouvelle réglementation
que l’on peut dresser un premier bilan, après les visites de conformité devant
confirmer les autorisations provisoires délivrées.
Fondamentalement rien n’a encore vraiment bougé. Les ex-CRF ont
obtenu pour la plupart une mention « locomoteur » et « neurologie » ; un
certain nombre de soins de suite se sont positionnés sur la mention « personnes
âgées. » Tout cela doit encore faire ses preuves et démontrer que les moyens, les
prises en charge, les patients admis sont en concordance. Tel n’est pas encore
acquis. La mise en mouvement reste à faire pour ce qui concerne la vraie
planification.
Il est donc trop tôt pour cerner l’évolution. Plusieurs tendances apparaissent. Tout d’abord le constat que certaines spécialisations sont problématiques, peut-être opportunistes, voire factices. Ainsi la gériatrie. Dans le
contexte du vieillissement de la population et la forte proportion de personnes
âgées déjà en SSR, tous les SSR n’ont-ils pas vocation à devenir gériatriques ? Et
surtout les SSR indifférenciés. La spécialisation résistera-t-elle au long cours ?
108
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Ensuite, cette confusion déjà évoquée au sujet de la spécialisation conduit
tantôt à surestimer cette dimension, tantôt à la diluer dans une vaste soupe.
Comment cela se décantera-t-il ? Il faut encore attendre pour le savoir. Tel
est l’enjeu des visites de conformité, dont l’argumentaire technique masque
encore souvent la dimension politique. Sera-t-il possible aux ARS d’imposer
le seul point de vue technique et l’aménagement du territoire ? La question
reste ouverte.
Revenons encore sur l’aspect quantitatif. L’administration témoigne ici
d’un incontestable flottement. Sur le plan réglementaire, il n’y a plus ni autorisations de lits ou places, et pas non plus de fourchettes d’activités. L’autorisation délivrée ne mentionne que l’activité SSR dans ses formes (hospitalisation
complète/de jour) et les éventuelles mentions de spécialisation. Autrement
dit, l’établissement peut exploiter autant de capacités qu’il le veut ou qu’il le
peut. Rajouter quelques lits dans un service ? Rien ne s’y oppose s’il y a de la
place. Créer quelques places en hospitalisation de jour ? Rien ne s’y oppose s’il
y a suffisamment de professionnels. Les structures financées par la DAF n’ont
pas toujours intérêt à profiter de cette tolérance. Les structures OQN ont tout
à gagner. Plus curieusement encore, maints documents officiels continuent à
évoquer des lits et places, et jusqu’au recueil de la SAE qui veut documenter
des lits et des journées selon les autorisations. Sur quelle base juridique ?
Une autre mise en mouvement se dessine : la concurrence dans un contexte
de crise économique. Par exemple d’anciens hôpitaux locaux tentent de capter
des patients neurologiques au sortir d’hospitalisation pour AVC et ce faisant
les détournent des ex-CRF spécialisés en neurologie. Il est à craindre que cette
concurrence déloyale sur la base de la proximité et de la solidarité de statut ne
conduise à des dommages collatéraux. Une fois de plus apparaît au grand jour
une lacune de la toute jeune réglementation : il n’y a pas une correspondance
complète entre les établissements et les patients. Et comme on le verra, il n’y
a pas de garantie de financement des moyens mis en œuvre par les établissements spécialisés.
Alors que la communauté des SSR s’était précipitée sur les mentions de
spécialisation, le doute persiste : à quoi cela sert-il d’être spécialisé ? n’aurait-il
pas mieux valu s’affranchir des conditions techniques, si ensuite il est permis
d’accueillir tous les patients et que le financement sera identique ?
En conclusion, la refonte des textes réglementaires n’a pas produit d’effet
notable. Contrairement aux espoirs de la DGOS. Ce n’est que partie remise.
Car une nouvelle étape a été engagée. Elle produira ses fruits.
Références
• « Mission d’évaluation des SROS SSR » Loïc Geffroy, Vincent Le Taillandier de
Gabory et Gérard Decour, CGES, février 2010.
• « Atlas SSR 2010. Outil d’aide à la décision stratégique… », SPH Conseil et Groupe
Montaigne, ed. FHF.
109
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
110
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Réforme du PMSI et modulation IVA
Depuis son origine, le PMSI a pour finalité la description de l’activité
en vue d’un financement. Cette préoccupation médico-économique avait
été perdue de vue depuis l’arrêt de l’ENC. La démarche a connu un flottement d’origine politique. La T2A était sur la sellette et sa généralisation aux
SSR incertaine. Puis, le projet est revenu au premier plan avec des travaux
commandés à l’ATIH. Tout est à reprendre.
La T2A SSR est désormais envisagée pour 2012. Le modèle cible comporte
quatre compartiments définis comme suit :
• un compartiment financé directement à l’activité sur la base d’une
classification et de tarifs ;
• un compartiment relatif aux molécules onéreuses et dispositifs médicaux (liste identique à celle applicable aux activités MCO avec ajout
de quelques molécules spécifiques au secteur) ;
• un compartiment spécifique aux SSR et relatif aux plateaux techniques
particulièrement coûteux ;
• un compartiment similaire à celui qui existe en MCO relatif aux
missions d’intérêt général, l’aide à la contractualisation et la recherche.
En fait, les pouvoirs publics ont en tête un schéma : la T2A en court séjour
et cherchent à le transposer, quitte à l’adapter au champ SSR.
111
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Construction d’un nouveau système
Les statisticiens sont en première ligne. Ils remettent à plat la description et
au premier chef la classification. Depuis 1998, année de création de la classification en GHJ (groupes homogènes de journées), l’activité médicale a évolué.
Charge aux techniciens d’alimenter leurs ordinateurs en données pour rechercher les variables explicatives des différences de coûts observées une décennie
plus tard.
Comme il se doit, les travaux se font en liaison avec le commanditaire, la
DHOS, mais également avec les fédérations et les sociétés savantes. La discussion porte sur les variables à prendre en compte. Rapidement, elle achoppera
à un point connexe : la construction d’un indicateur de performance. Deux
notions sont envisagées : la durée de séjour et l’évolution de la dépendance.
Tous les partenaires sont opposés, en premier les médecins qui n’imaginent
pas que les patients bénéficient d’un séjour standardisé, surtout pour les
pathologies les plus complexes. L’opposition est telle que l’indicateur sera mis
entre parenthèses.
La classification en GMD
Les travaux se concentrent sur la nouvelle classification. Les travaux statistiques conservent les CMC (catégories majeures cliniques) et poursuivent
la construction d’une arborescence par des subdivisions en GMD (Groupes
de morbidité dominante) obtenues par un critère d’âge et de la morbidité
principale. Les diagnostics associés, d’abord pris en compte, ont été retirés
de l’algorithme de classification. Ils sont essentiellement considérés comme
des facteurs aggravants. La classification comportera 48 GMD adultes et 27
GMD enfants, soit 75 classes.
Exemple CMC11 :
11A01 : insuffisance cardiaque et insuffisante respiratoire chronique, âge > à 18 ans
11A02 : TM de l’appareil respiratoire et affections respiratoires liées au VIH, âge > 18 ans
11A20 : autres affections de l’appareil circulatoire et de l’appareil respiratoire, âge >18 ans
11E03 : mucoviscidose
11E21 : autres affections de l’appareil circulatoire et de l’appareil respiratoire, âge <18 ans
La matrice des Points IVA
La classification n’est que la première étape. Des travaux statistiques
nombreux la complètent pour cerner les facteurs affectant les coûts de revient ;
une liste de variables est testée. Le GMD lui-même reste évidemment une
112
Panorama des SSR après la réforme de 2008
variable très importante (le coût de base d’une prothèse de hanche est différent
d’une tétraplégie), suivie par la dépendance physique etc.
Les travaux conduiront à un système simplifié où seules six variables
seront prises en compte avec une PVE à 42 % : le GMD, l’âge, la dépendance
physique, le nombre (de catégories) d’activités de rééducation/réadaptation, la
finalité principale, le type d’hospitalisation (complète/de jour). Après discussion, la dépendance cognitive et les comorbidités (diagnostics associés) seront
réintégrées. La PVE ne progresse que très marginalement.
La matrice est constituée en attribuant à chaque variable et pour chaque
GMD un coefficient de pondération. Pour chaque résumé hebdomadaire, un
total de points est calculé ; il sera à multiplier par le nombre de journées de
présence.
Dès lors le PMSI calculera un total de points IVA pour l’activité documentée par l’établissement. Ce total divisé par le nombre de journées et venues
conduira à un nouvel indicateur très en vogue pendant plusieurs années : le
PMJP ou point moyen par journée de présence.
Le PMJP varie fortement selon les activités médicales. Ainsi les établissements spécialisés en addictologie ont un score des plus faibles, inférieur à
1000. À l’inverse les établissements gériatriques accueillant des patients très
dépendants ont un score très élevé. Pour la paraplégie chaque point de dépendance physique au-dessus de quatre (sur une échelle de 16) rapporte 64 points
IVA.
Mais le PMJP décrit également beaucoup d’autres dimensions, dont l’habileté à la cotation PMSI, la démographie locale etc. Les établissements similaires peuvent avoir des écarts substantiels.
113
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Tableau : PMJP par région en 2010 (source FEHAP)
Le tableau ci-après montre une disparité considérable entre les PMJP par région, allant de
1.038 pour la Bourgogne, jusqu’à 1795 pour la Réunion (activité « enfants »)
Des travaux complémentaires
Une première enquête a lieu en 2006 ; elle concerne les plateaux techniques et les médicaments coûteux. Les données ont été considérées comme
non exploitables. Le périmètre a été assez mal défini. Seuls un tiers des établissements fait état d’un plateau technique. Les montants sont plutôt faibles.
L’enquête suivante est remplie par 86 % des établissements, puis validée
par les ARH, parfois au prix d’un ajustement des montants déclarés. Quoi
qu’il en soit, l’ATIH dispose des données de 1.352 établissements. Le périmètre a été élargi et comprend notamment l’ensemble des professionnels, tels
que les kinésithérapeutes. Malgré cette définition très large, seuls 60 % des
établissements quel qu’en soit le statut (DAF ou OQN), déclarent disposer
d’un tel plateau technique. C’est le premier enseignement de l’enquête.
Le montant moyen est de 411.000 € sous DAF contre 172.000 € sous
OQN. Dans les deux cas, il s’agit pour près de 50 % de la seule kinésithérapie.
603 établissements DAF et 241 OQN déclarent un tel plateau. Près de la
moitié des SSR ne disposent pas de cette compétence. Pour l’ergothérapie, les
114
Panorama des SSR après la réforme de 2008
chiffres descendent à 409 et 152 - pour la balnéothérapie 277 et 125 - pour
l’orthophonie : 203 et 71.
La situation décrite s’avère plutôt complexe, avec des dispersions de coûts
très importantes. Peu de conclusions peuvent être tirées quant au financement
du futur compartiment « plateau technique ».
D’autres enquêtes concernent les médicaments et les dispositifs médicaux
afférents à l’appareillage. La problématique est là encore assez variable. La
plupart des établissements ne sont guère concernés. Les ex-CRF constatent la
progression des achats relatifs au traitement médicamenteux de la spasticité,
une activité récente et en fort développement. Quelques établissements sont
confrontés à une problématique d’ampleur très supérieure, liée à une activité
de soins de suite en cancérologie et particulièrement en oncohématologie.
Si techniquement ces enquêtes laissent à désirer en raison d’un déficit
conceptuel (définition fluctuante du périmètre etc.), elles vont connaître une
fortune inattendue : la constitution d’un « débasage » dans le calcul de la
modulation.
La modulation ou système transitoire
Avec l’ensemble de ces travaux, un système s’est mis en place. L’activité
médicale décrite selon une nouvelle classification connaît désormais un
barème attribuant une masse de points. Tout est prêt pour aborder la nouvelle
étape : l’allocation budgétaire. Car ne l’oublions pas, tout cela a pour visée de
réformer le mode de financement.
Le choix méthodologique a été de ne pas convertir ces points directement
en euros, mais d’insérer dans l’évolution vers une vraie T2A une étape intermédiaire où les DAF (dotation annuellement de financement) seraient modulées. Nous sommes donc dans une étape dénommée « modèle transitoire ».
Parmi les nombreux calculs, retenons la modalité finale dans sa version
destinée aux établissements sous DAF : dans un premier temps l’on calcule un
budget théorique en valorisant les points IVA par un coefficient, en l’occurrence 0,153, auquel l’on ajoute la somme des valeurs acceptées pour les autres
compartiments (PT ; MO). L’indice est obtenu en divisant la DAF (budget
réel) par ce total (budget théorique). Il en résulte que si un établissement
obtient un indice supérieur à 1, ses ressources seraient surdimensionnées et
inversement si l’indice est inférieur à 1, c’est que les ressources sont insuffisantes : il serait sous-doté.
La situation individuelle des établissements est d’une diversité consternante. Dans le secteur non lucratif 90 % se situent dans la fourchette entre
115
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
0,57 et 1,59. L’éventail est large. Mais 5% se situent en-deça du minimum et
autant au-delà du maximum. Ce qui souligne l’urgence de traiter les disparités
générées par les budgets historiques. Si certains sont dans la misère d’autres
ont (apparemment) bénéficié de moyens sans rapport avec leur activité. La
rectification de cet état de choses est à la fois nécessaire et urgente.
Raisonnablement les pouvoirs publics n’envisagent pas de changement
brutal. Le principe même de la modulation est d’opérer des ajustements
progressifs, voire à la marge. L’on commencera par 2 %. Puis les avis divergeront. La FHF qui vérifie que le système profite aux structures publiques,
réclame 20 % pour l’année 2010, alors que le secteur non lucratif plus prudent
recommande une limitation à 5 %. Le Ministère opte pour cette valeur. Sauf
pour les OQN qui seront peu affectés par le processus, car la modulation
sera appliquée aux seules mesures nouvelles ; autant dire que les tarifs seront
quasiment bloqués.
Concrètement chaque établissement verra sa DAF modulée en appliquant le coefficient multiplicateur (5 %) à l’écart entre le budget réel et le
budget calculé. Les ajustements seront d’ampleur limitée. Ces modulations
s’inscrivent dans un contexte économique devenu plus tendu et s’ajoutent à
des mesures d’économie (ou d’efficience), si bien qu’après plusieurs années
de ce régime, certains subissent une érosion significative, alors que d’autres
profitent année après année d’un petit pactole. La révision des budgets historiques est en marche.
Références
• « Classification SSR. Travaux 2007-2008. Modélisation des coûts en SSR et construction de l’indicateur de valorisation de l’activité. » ATIH, mai 2009, 33p.
• « Manuel de groupage PMSI Soins de suite et de Réadaptation, version 6 de la classification, version 4.6 de la fonction groupage. » Bulletin officiel n°2009-1bis.
• « Analyse de l’indicateur de valorisation de l’activité », ATIH, 19 janvier 2009.
Évaluation du modèle transitoire
L’évaluation portera sur trois aspects :
• la méthode de construction ;
• le résultat (la matrice) ;
• les effets, c’est-à-dire l’impact budgétaire.
Sur le plan de la méthode. Le sérieux des statisticiens ne peut être mis
en cause. Ils ont mis en œuvre des méthodes éprouvées et la concertation
avec les fédérations a été réelle. En témoigne la prise en compte de la dépendance cognitive, qui, au final, n’apporte rien25. En revanche, les statisticiens
25
Cela satisfait les fédérations et ne mange pas de pain… Cette réalité est fort regrettable pour les soignants
que ces patients peuvent épuiser (fugue, agressivité). La dépendance cognitive crée une réelle charge, mais
116
Panorama des SSR après la réforme de 2008
ne peuvent que traiter les données disponibles. Or l’élaboration du modèle a
concerné deux types de données : d’abord le PMSI dont la base de données
annuelle traduit l’évolution de l’activité médicale pour l’ensemble des établissements SSR et ensuite les données économiques disponibles : essentiellement
l’ENC 2000-2001. C’est là que le bât blesse. Ces seules données disponibles
sont trop anciennes compte tenu de l’évolution des pratiques et des coûts.
Faute de mieux il a fallu s’en contenter. Ce point constitue le péché originel
du modèle transitoire.
Sur le plan du résultat : la matrice est une construction plutôt de bon
aloi. Deux points ont fait l’objet d’interrogations : le traitement des actes du
CdARR et la faible décote de l’hospitalisation de jour. En premier lieu, la
communauté a regretté l’absence de prise en compte de la durée de rééducation et que seule la diversité des actes avec un seuil faible (de cinq minutes
par jour) soit valorisée. Ceci s’explique par une observation déjà ancienne
provenant de l’ENC : la durée est une composante tautologique ; ceux qui ont
plus de moyens, donc plus de personnel, produisent une prise en charge plus
étoffée que les autres. Il n’y a donc pas de liaison forte entre la pathologie (en
l’occurrence le GMD) et la durée de rééducation, car elle est masquée par la
variable « niveau de budget ». Reste à savoir si le traitement proposé répond
à la problématique du juste financement. Le second point s’explique lui-aussi
par l’ancienneté de l’ENC ; le volume d’activité de jour y était nettement
moins développé et surtout le décompte du coût moyen y était d’environ
15 %. Ce qui est étonnant. La faible décote des points IVA attribués à l’hospitalisation de jour en est la conséquence directe.
Sur le plan des effets. La modulation budgétaire a mis au premier plan
la problématique des « perdants » et des « gagnants ». Le traitement de cette
question constitue un cas d’école, car la situation se reproduira à chaque étape
de la mise en place de la future T2A. Le passage d’un financement historique
(DAF) à un financement à l’activité implique nécessairement des ajustements,
sans quoi le changement est vidé de son sens. Plus importante est la recherche
de biais conduisant à des pertes ou des gains pour des catégories particulières.
Or les travaux d’évaluation font apparaître de tels biais systématisant les ajustements au détriment/bénéfice de certains types.
1. La rééducation cardiologique est la première à se plaindre du modèle.
Les patients cardiaques pris en charge dans ces centres, par exemple
les transplantés, peuvent être des patients plutôt autonomes, relativement valides, mais avec des risques imposant la présence d’un cardiologue. Or ces profils n’agrègent que peu de points IVA. Au contraire
des personnes âgées souffrant d’insuffisance cardiaque en plus de la
polypathologie et surtout d’une dépendance, et qui, elles, peuvent être
accueillies dans un environnement gériatrique. Sur ce point, la classification est à reprendre.
elle est mentale (stress) et n’est pas chiffrable en termes économiques ; elle n’engendre pas de surcoût.
117
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Refonte de la classification en CMC 11
L’ATIH, en juin 2009, propose de réviser la classification de la CMC
11 (affections de l’appareil circulatoire et de l’appareil respiratoire en créant
quatre nouveaux GMD adultes :
11A03 : rééducation cardiaque (Z 500 en finalité principale )
11A04 : affections cardiaques hors rééducation
11A05 : affections respiratoires
11A06 : affections vasculaires
Certains experts consultés proposent une modification de libellé pour
le GMD 11A04 : cardiologie spécialisée (Z500 et Z 450) avec l’argument
que la rééducation n’est pas un marqueur discriminant ; en revanche la
présence d’un cardiologue est discriminante.
2. Les travaux statistiques sur l’impact des modulations font apparaître
que les ex-CRF sont volontiers perdants, alors que les ex-soins de suite
plutôt gagnants. À y regarder de près cet effet systémique est à corréler
avec la forte valorisation de la dépendance et la valorisation plus faible
de la rééducation. Autrement dit, le système apparaît comme comportant un biais : il favorise la prise en charge des personnes âgées.
La Réadaptation fonctionnelle : une catégorie surdotée ?
« Les tests paramétriques (analyse de la variance) et non paramétriques
(test de localisation et test de dispersion) ont confirmé l’hypothèse que les
établissements RF/Mixte et SSM n’avaient pas, en moyenne, des comportements identiques par rapport à l’indice de modulation. Les établissements
RF seraient en moyenne surdotés alors que les établissements SSM seraient
sous-dotés, avec toutefois sur les deux secteurs (DAF et OQN) une intensité de la liaison extrêmement faible amenant à conclure que la catégorie
de l’établissement suivant son type d’autorisation n’est pas une variable
significative pouvant expliquer la variation de l’indice de modulation.
Lorsque la catégorie d’établissements se base sur les chiffres d’affaires
(CA), on a constaté que les établissements de taille financière importante
avaient un comportement différent par rapport à l’indice de modulation
de celui des établissements de faible taille financière (établissements de
taille financière importante en moyenne sur-dotés).
Enfin, la comparaison des tests a montré qu’il existait un lien entre le
CA et les catégories d’autorisation et que la catégorisation suivant le CA
était plus discriminante que celle suivant l’autorisation. Les établissements
avec des chiffres d’affaires importants sont des établissements plutôt RF/
MIXTE, alors que les établissements avec des chiffres d’affaires faibles sont
118
Panorama des SSR après la réforme de 2008
des établissements plutôt SSM. Sur les deux secteurs (DAF et OQN), plus
les établissements RF et MIXTE comme les établissements SSM ont un CA
élevé plus ils ont tendance à être sur-dotés. Par conséquent la valeur discriminatoire de la catégorisation selon l’autorisation est à relativiser d’autant
plus que les établissements RF et Mixtes sont en général des établissements
avec des chiffres d’affaires importants. »
ATIH, janvier 2009
Les CRF étant généralement des établissements plus grands (nombre
de lits, activité, personnel, médicalisation…), se pose la question de la
justification de leurs moyens : une capacité historique de négocier avec
les financeurs qui les ont avantagés ? Ou des moyens en proportion avec
leur mission ? Le modèle transitoire ne répond pas à la question du juste
financement de ces structures mais érode leurs moyens.
Source Fehap, 2009 : quotient budget réel/budget calculé
DAF
OQN
RRF
SSM
Mixte
1,02
0,91
1,07
1,12
0,90
> 1 = sur-doté ; < 1 = sous-doté
1,10
3. Des travaux plus poussés complètent et fortifient cette analyse.
La spécialisation ou la médicalisation sont des facteurs mal pris en
compte ; les établissements les plus spécialisés et les plus médicalisés
sont perdants. Le modèle transitoire est une construction abrasive, qui
rabote les différences.
Indicateurs de technicité médicale
Statut
Nb d’établissements
Nb ETP médicaux
pour 100 lits/
places
% personnel
médical/total
des charges
ETP médicaux
pour 1000 journées
Très perdants
>1,2257
49
6,0
11,6%
0,28
Perdants >1
53
5,2
9,9%
0,22
Gagnants <1
74
4,4
9,6%
0,16
Très gagnants <
0,7854
69
3,4
8,9 %
0,12
FEHAP-Observatoire, 2010
Le faible intérêt porté à ces observations reste un sujet d’étonnement. Si
l’on y regarde de près, le PMSI comporte une zone d’ombre : l’activité des
119
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
médecins. Tout se passe comme si là encore le modèle de la gériatrie (ou des
soins de suite) était dominant. Les médecins pratiquent les soins médicaux,
les bilans, les prescriptions, etc. ils interviennent en cas d’affections intercurrentes. Un effectif de trois praticiens à temps plein pour 100 lits apparaît
comme suffisant. Or l’activité des médecins MPR, par exemple, correspond
assez imparfaitement à cette image. Mais comme ils ne décrivent pas leur activité interne ou externe, elle n’est pas valorisée par l’attribution de points IVA.
Tout comme les cardiologues ou les gardes médicales sur place.
Ces insuffisances sont-elles rédhibitoires ? Pas sûr. Néanmoins rien ne se
passe. Les avis critiques se renforcent jusqu’à Madame Podeur, directrice de
la DHOS, qui affirme publiquement : « le système est mauvais… » alors que
la modulation se poursuit. Ne pouvait-il pas être amélioré ? La proposition
de révision de la classification en cardiologie est rejetée par le Ministère : le
système ne sera pas révisé ; il sera remplacé. Par quoi ? Nul ne le sait encore
et c’est pourquoi la modulation sera maintenue jusqu’en 2012. Il était temps
qu’elle s’arrête car elle a entraîné des évolutions suspectes dans la cotation
de l’activité de certains établissements dont le PMJP a bondi de plus de 400
points d’une année à l’autre, sans que le recrutement ait été significativement
modifié. Autrement dit, le système fonctionnait en roue libre, sans ajustements
techniques ni contrôles. En quelques années déjà, il avait perdu sa crédibilité.
Le juste financement de la juste prestation
À ce stade, il est permis de formuler quelques réflexions sur la recherche
d’un nouveau système de financement. La T2A est un objectif économique,
mais elle suit un dessein éthique qui la rend pertinente et souhaitable : apporter le juste financement à la juste prestation.
L’absence d’une représentation partagée a conduit les promoteurs de la
T2A à adopter une attitude que l’on osera caricaturer ainsi : la juste rémunération est celle que fixe le modèle retenu. Une tautologie. La justice est
une ambition irréfutable. Cependant elle impose de pouvoir vérifier que le
système répond à la problématique de l’intérêt général. Car c’est seulement en
son nom que l’on acceptera - éventuellement - de sacrifier quelques intérêts
particuliers. L’absence d’une représentation de la juste rémunération prive la
communauté dans son ensemble de la capacité d’évaluer globalement la mécanique d’allocation budgétaire envisagée. Première impasse.
Immédiatement surgit une autre conséquence : les acteurs concernés
déplacent leur regard vers l’examen des intérêts particuliers. Et entre en scène
le débat à propos des perdants. La discussion se focalise sur la problématique
d’établissements souvent importants, de pointe dans le développement d’activités spécialisées, reconnus et donc influents, mais que le modèle malmène,
120
Panorama des SSR après la réforme de 2008
parce qu’il les confronte à un douloureux effritement des moyens budgétaires.
La justice serait-elle un nivellement vers le bas ? Ceci n’est ressenti ni comme
légitime, ni comme acceptable. Et nous voici embarqués dans la recherche de
variables mal prises en compte. Osons là encore une caricature : la juste rémunération, c’est la conservation de mon budget. Autrement dit, le refus qu’il y
ait des perdants implique la négation du changement ! Seconde impasse.
À son tour, l’attitude défensive, en monopolisant la réflexion sur la
question des perdants, a pour conséquence d’écarter la problématique des
gagnants. Constater que les établissements de soins de suite polyvalents sont
gagnants est un effet attendu. Il répond expressément à l’objectif suivi depuis
des années : la médicalisation des soins de suite. La solidité éthique de cette
conséquence empêche que soient posées des questions inconvenantes. Or la
validation de principe de ce flux s’accompagne là encore d’une zone d’ombre.
Aucune discussion quant au niveau à viser, donc la juste rémunération de cette
activité. Tout se passe comme si intervenait un tabou rendant inconcevable
la discussion du bien-fondé de gains parfois conséquents. Quel serait le juste
budget de ces SSR ? Et pour quoi faire ? Troisième impasse.
À cela s’ajoute l’absence de référentiel décrivant la « juste prestation ».
Quatrième impasse.
Au total, l’absence de conceptualisation théorique n’est pas compensée
par la seule affirmation d’ambitions générales. Ces finalités auraient gagné à
être traduites en termes conceptuels avant d’aboutir à des calculs tarifaires ou
budgétaires.
Une autre limite est économique. Le modèle est conçu indépendamment
du financement ONDAM alloué au secteur. Il a vocation à s’appliquer à
toute campagne budgétaire - laquelle repose nécessairement sur une enveloppe fermée. Cette limite budgétaire génère une contradiction. La montée en
gamme des soins de suite polyvalents a pour première conséquence de déplacer la moyenne vers le haut, donc de renchérir l’activité SSR dans sa globalité.
Or la contrainte de l’enveloppe limitative - même si elle n’est pas strictement
constante dans le temps- suscite à son tour une conséquence : « la moyenne
ainsi relevée devra être abaissée pour adapter le total aux moyens disponibles. »
Cette question de l’enveloppe est stratégique. La double contrainte suivante
n’est pas suffisamment prise en compte :
• augmentation générale des besoins en SSR entraînée par l’alourdissement des patients accueillis (effet domino des transferts précoces de
MCO) ;
• mise à niveau des établissements de soins de suite polyvalents faiblement médicalisés.
Au total le secteur risque un relatif appauvrissement.
121
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Quelle représentation des SSR ?
Le modèle de financement n’a pas défini sa représentation de l’activité
SSR. Il oscille entre deux points de vue. Tantôt il traite la diversité connue des
activités et des établissements comme traversée par un continuum que décrit
l’échelle à la fois métrique et ordinale du futur tarif ; tantôt, au contraire, il
reconnaît qu’il s’agit d’un univers segmenté en catégories lesquelles imposent
la mise en place d’un financement plus complexe car adapté à des cas de figure
dont chacun a sa spécificité. Compléter l’IVA par des compartiments significatifs correspond à la seconde démarche, alors que la réduction de ces derniers
éléments correspond plutôt à la première approche.
On retrouve le même flou dans les hésitations de la réforme réglementaire :
certes elle abolit le fossé entre les soins de suite et la réadaptation, mais en
même temps elle introduit une nouvelle partition entre la polyvalence et la
spécialisation. S’agit-il d’une césure forte ou seulement de nuances ? Rien ne
permet de l’affirmer, car le texte produit la même oscillation. D’un côté il pose
des exigences pour prétendre à la spécialisation et de l’autre, il les dilue. Ce
n’est donc qu’à l’usage que l’on connaîtra le degré de différenciation réellement
opérant. Soit interviendra une segmentation forte d’établissements spécialisés,
soit seules seront observées des variations de second ordre, des nuances. Trivialement peut-on fourrer tout le SSR dans un seul sac ? Ou en faut-il plusieurs ?
L’ensemble de cette argumentation suscite un doute. Les pouvoirs publics
pencheraient pour le continuum plutôt que des ruptures et discontinuités.
Dans l’ensemble, on notera une propension à l’affadissement des différences
plutôt que leur accentuation. À l’appui de cette intuition on pourra encore
citer que les premières références aux PTS, faisaient usage d’un terme peu
usité dans le champ de tarification sanitaire : les plateaux techniques sophistiqués, par la suite il n’était plus question que de plateaux spécialisés. C’est un
gradient en-dessous. Dans le même registre était envisagée lors des premières
discussions, l’idée d’une gradation de l’offre de soins en reconnaissant aux
établissements des niveaux différents : proximité, référence, recours. Cette
distinction n’a pas été explicitement retenue. Ainsi, à force d’estomper les
différences, se construit une vision plus homogène du secteur SSR. Pur artefact ou réalité ?
Références
• Schwach Victor : « T2A en soins de suite et réadaptation » Gestion Hospitalière,
n°485, avril 2009.
122
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Le financement des SSR
Depuis 1945 et jusqu’en 1983, tous les établissements étaient financés
par prix de journée préfectoral. Lors de la mise en place du budget global
dans le secteur public, les établissements privés lucratifs sont restés au prix
de journée. Quant aux établissements privés non lucratifs, ceux qui avaient
opté pour le statut d’association au service public (PSPH = Participant à
l’exécution du Service Public Hospitalier) ont basculé dans le régime du
budget global, les autres sont restés sous prix de journée. Ceci évidemment
de manière schématique, car il y a eu quelques exceptions. En 1984, la Cour
des comptes préconise la généralisation du budget global à l’ensemble des
établissements : une recommandation sans effet, ni lendemain.
Offre de soins SSR en 2011
Public
Établissements
Lits et places
ESPIC
872
Privé lucratif
479
Total
446
1797
42 377
33 833
30 398
Source : DREES, Panorama des établissements de santé 2011
106 608
L’observation d’ensemble est dominée par un sentiment d’hétérogénéité.
Il s’agit d’abord de la diversité des situations et des activités, ce que traduit
l’éventail des DMT à la fin des années 90. En effet à la mise en place du
PMSI (1998), les auteurs identifient l’existence d’environ 80 disciplines. Ces
disciplines ont parfois été créées sans logique de système avec vraisemblablement la préoccupation de régler des situations particulières26. En 2013 encore
le désordre des DMT est total avec des confusions et des redondances… Et
26 L’attribution des DMT et la fixation des prix de journées initiaux ont été sous la responsabilité des
CRAM (Caisses Régionales d’Assurance Maladie) ; cette régionalisation peut expliquer une partie des
variations interrégionales.
123
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
aujourd’hui il est impossible de trouver un document explicatif des DMT
existantes. À cette carence dans la description de l’activité s’est ajouté l’aléa
du budget historique. De façon générale et pour des raisons déjà analysées
plus haut, la réadaptation fonctionnelle a été mieux lotie que les soins de
suite gériatriques. Mais dans le détail chaque établissement a bénéficié d’un
train de vie particulier selon sa capacité de négociation avec l’autorité de
tarification. En général les établissements plus récents ont été mieux lotis que
les établissements plus anciens ; les plus gros mieux que les plus petits etc.
L’on arrive donc à une impasse totale, injuste, parfois insupportable, laquelle
motive que soient engagés des travaux en vue de mettre un peu d’ordre dans
ce système totalement anarchique. Tel est d’abord l’enjeu du PMSI : décrire
l’activité, puis des travaux devant conduire à la T2A SSR. Les multiples
reports attestent non seulement d’un flottement politique mais encore de
difficultés techniques pour unifier cette diversité sans causer de dommages
collatéraux.
Le secteur sous DGF
Résultats de la première ENC (2000/2001)
La première Étude Nationale des Coûts (ENC) se met en place avec
quelques difficultés, la collecte ne concerne que les établissements publics et
privés PSPH (33 établissements), car les privés lucratifs sont encore dispensés
de PMSI. La question posée est d’apparier l’échelle de la classification adoptée (les GHJ : Groupes homogènes de journées), avec des coûts de revient
moyen de production du soin. Le PMSI est donc une condition d’entrée.
Le premier document publié en 2002 concerne les données collectées
pour le second semestre 2000. Les résultats sont présentés sous forme d’un
fichier Excel et d’un rapport détaillant les méthodes et résultats. L’année
suivante paraît une seconde échelle de coûts par GHJ, agrégeant les résultats
précédents avec ceux de l’année 2001.
Quels sont les enseignements de cette étude ?
1. Les coûts moyens : La moyenne arithmétique des coûts des GHJ est
de 254 €. Le coût moyen par CMC (Catégorie Médicale Clinique
= regroupement des pathologies par grandes catégories) de l’échelle
2000/2001 est compris entre 173 € (santé mentale, alcoologie) et
257 € (gériatrie, soins palliatif, neurologie). À noter que ces montants
ne comprennent pas les coûts de structure.
124
Panorama des SSR après la réforme de 2008
2. Dispersion des coûts : Dans son rapport, l’ATIH recompose le
budget des établissements ayant participé à l’ENC avec les moyennes
calculées et constate que les budgets réels se dispersent entre +50 %
et -50 %. Elle applique la même analyse à une région test où l’ARH
avait fourni toutes les informations nécessaires et observe une dispersion encore plus forte : de -60 % à +80 % (après neutralisation d’une
exception à +110 %).
L’ATIH précise que les CRF comptent parmi les établissements les plus
fréquemment sur-dotés, à un degré qui varie de +4 à +40 % pour un même
125
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
GHJ. Si la variation liée aux activités particulières est bien prise en compte
(PRRC, PCTL…), il apparaît que la sur-dotation est surtout liée aux pathologies basiques27.
3. Coûts de structure : les fichiers Excel accompagnant les rapports
permettent d’effectuer des calculs ; la moyenne des coûts de structure
est de 17,76 € ; le 1er quartile : 14,43 €, la médiane : 17,07 € et le
3ème quartile : 20,55 €. Pour la CMC 12 (neurologie), la moyenne
est de 19,24 € ; ce qui porte le coût total de cette CMC à 284 €
(moyenne arithmétique des GHJ).
4. Hospitalisation de jour : la question est assez mal cernée, car dans
l’échantillon les établissements n’ont pas tous réussi à isoler cette activité (?!). Le résultat graphique est assez surprenant, car il montre une
faible décote par rapport à l’hospitalisation complète. On peut situer
le coût d’une venue en HJ aux alentours de 85% du même GHJ en
HC. Un résultat surprenant. Il se répercutera dans le modèle IVA sous
la forme d’une survalorisation des activités de jour.
Persistance des inégalités
Malgré les efforts de la modulation appliquée quelques années, la DGF
ou DAF reste un mécanisme d’allocation qui ne réussit pas à sortir de l’ornière. En 2012, la Cour des comptes observe que « cette dotation varie beau En fait, les GHJ étant surtout sensibles au degré de dépendance physique, les CRF sont pénalisés
lorsqu’ils prodiguent des soins techniques à des patients autonomes (ex. traumatologie, cardiologie).
27
126
Panorama des SSR après la réforme de 2008
coup d’un établissement à l’autre sans qu’on puisse toujours en discerner les
raisons. Une exploitation statistique réalisée par la Cour à partir des données
de l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) montre
en tous cas qu’il n’y a pas de corrélation entre ces différences et les lourdeurs
relatives des prises en charge. Les variations interannuelles sont également
d’ampleur très inégale, parfois parce que l’activité des établissements a ellemême connu de fortes variations (par exemple du fait de fermetures de lits),
parfois du fait de décisions de la tutelle (par exemple lorsque les mesures
nouvelles servent en fait de subvention d’équilibre). Cependant, les causes ne
sont pas toujours identifiées par les établissements et l’instabilité de la DAF
finit par conférer de l’imprévisibilité à leur financement.
En sens inverse, la DAF est souvent décalée par rapport aux évolutions
des structures et notamment à celles de leurs capacités. Il en découle parfois
des effets d’aubaine, dont certains établissements savent jouer, puisqu’une
diminution du nombre de lits ouverts et donc des charges n’entraîne pas de
réduction immédiate de la dotation. »
Le système est aujourd’hui à bout de souffle, dans l’impasse, et la T2A, qui
devait remettre l’ensemble à plat, sans cesse repoussée. La crise économique
accroît sa pression. Les perspectives apparaissent pour le moins incertaines.
Et c’est pourquoi dans ce contexte attentiste, certaines ARS prennent des
initiatives pour traiter les anomalies les plus criantes. Mais ces innovations
régionales ne sont pas toujours convaincantes.
Le secteur ex-OQN à prix de journée
Avec la réforme hospitalière les établissements privés entrent dans un
chapitre particulier de l’ONDAM (Objectif National des Dépenses de l’Assurance Maladie) appelé, depuis 1991, OQN (Objectif Quantifié National)
et depuis la mise en place de la T2A en court séjour : ex-OQN.
Inventaire des tarifs 2010
Un fichier Excel est rendu public décrivant l’éventail des tarifs OQN
constatés en 2010. Il documente quatre constructions tarifaires différentes
selon les éléments associés :
• le prix de journée associé au forfait pharmaceutique et au supplément
pour surveillance du malade ;
• le prix de journée associé au forfait pharmaceutique ;
• le prix de journée associé au supplément pour surveillance du malade ;
• le prix de journée.
127
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Dans tous les cas s’y ajoute un forfait d’entrée et une majoration PMSI.
Dans certains cas un, voire deux supplément(s) pour chambre particulière
peuvent s’ajouter (sur prescription médicale).
Mais cette diversité en cache d’autres : le périmètre des prix de journée
n’est pas constant et certaines prestations comme la kinésithérapie sont facturées en sus lorsqu’elles sont effectuées par des professionnels libéraux. Pour
uniformiser les situations et les rendre comparables, dans certaines régions
(par exemple en Île-de-France à partir de 1995) les autorités de tarification
appliquent un prix de journée « tout compris » différencié selon un éventail
limité d’activité (neuf lignes tarifaires en IdF) ; cette politique se met en place
sans réel support réglementaire.
Le point crucial concerne la discipline (DMT). En 2010 la tableau évoqué
documente encore 38 DMT utilisées, dont huit ne sont appliquées qu’une
fois et sept seulement deux fois.
Tableau des DMT et système de tarification (2010)
DMT
Libellé
PHJ+PJ
+SSM
167
Chroniques
1
168
Repos - convalescence - régime
indifférenciés
2
169
Repos
3
170
Convalescence
137
PHJ+PJ
PJ+SSM
PJ
Total
1
2
2
3
18
3
158
171
Diététique
12
4
2
18
172
Rééducation fonctionnelle et réadaptation
polyvalente
32
2
91
125
178
Rééducation fonctionnelle et réadaptation
motrice
1
8
9
179
Rééducation fonctionnelle et réadaptation
neurologique
8
25
33
180
Rééducation des affections respiratoires
3
182
Rééducation des maladies cardiovasculaires
1
184
Rééducation des affections hépatodigestives
185
Repos convalescence indifférenciés
45
187
Rééducation fonctionnelle et réadaptation
(autre)
2
189
Cure thermale des voies respiratoires
194
Cure thermale en dermatologie
196
Lutte contre l’alcoolisme (y compris
alcoologie)
3
10
13
28
30
1
1
3
51
12
14
2
2
2
2
3
214
Post-cure pour alcooliques
6
219
Lutte contre la tuberculose pulmonaire
3
128
1
3
2
4
12
3
Panorama des SSR après la réforme de 2008
252
Pouponnière à caractère sanitaire
(hébergement et soins)
1
1
463
Autre cure médicale spécialisée pour tous
âges
16
16
465
Cure médicale spécialisée en pneumologie
pour tous âges
1
1
466
Convalescence et réadaptation pour
personnes âgées
39
54
593
Périnatalité : accueil de l’enfant
accompagnant la mère convalescente
1
1
594
Périnatalité : repos prénatal
1
1
13
2
595
Périnatalité : convalescence postnatale
1
1
604
Cure médicale non spécialisée pour
enfants (MECS ouverte en permanence)
1
1
607
Cure thermale pour enfants (MECS
ouverte de façon temporaire)
6
6
608
Cure therm. enfants aff. chron. non tub.
voies resp. (MECS ouv. perm.)
9
9
609
Cure therm.enfants aff. chron. non tub.
voies resp. (MECS ouv. temp.)
2
2
616
Cure médicale pour enfants déficience
temp. somato.psycho.(MECS perm.)
2
2
624
Autre cure médicale spécialisée (MECS
perm.)
4
4
625
Autre médicale spécialisée (MECS temp.)
1
1
627
Moyen séjour indifférencié
34
64
98
737
Convalescence et réadaptation
24
5
29
739
Rééducation fonctionnelle et réadaptation
motrice-orientation traumat.
1
11
12
832
Cure thermale pour troubles du
développement chez l’enfant
2
957
Soins et accompagnement des malades en
phase terminale
23
960
Unité cognitivo-comportementale
Alzheimer
2
Totaux
355
3
2
2
28
2
35
7
355
752
Précisons qu’un même établissement peut disposer de plusieurs tarifs ; par
exemple au titre des DMT 172 (rééducation polyvalente), 179 (rééducation
neurologique) et DMT 739 (rééducation motrice).
Le même document contient des informations sur l’éventail des tarifs :
moyenne, minimum et maximum.
129
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Tableau des tarifs par DMT (2010)
DMT
Libellé
PJ
Moyenne
Min
Max
167
Chroniques
1
229,69 €
229,69 €
229,69 €
170
Convalescence
3
211,12 €
125,42 €
329,18 €
171
Diététique
2
155,32 €
155,32 €
155,32 €
172
Rééducation fonctionnelle et réadaptation
polyvalente
91
217,69 €
181,34 €
544,09 €
178
Rééducation fonctionnelle et réadaptation
motrice
8
231,13 €
182,67 €
324,44 €
179
Rééducation fonctionnelle et réadaptation
neurologique
25
344,17 €
207,67 €
470,51 €
180
Rééducation des affections respiratoires
10
186,33 €
180,93 €
210,59 €
182
Rééducation des maladies cardio-vasculaires
28
228,11 €
82,78 €
284,21 €
184
Rééducation des affections hépato-digestives
1
217,56 €
217,56 €
217,56 €
185
Repos convalescence indifférenciés
3
92,11 €
61,43 €
121,61 €
187
Rééducation fonctionnelle et réadaptation (autre)
12
325,51 €
185,62 €
588,21 €
214
Post-cure pour alcooliques
4
190,85 €
179,03 €
202,12 €
252
Pouponnière à caractère sanitaire (hébergement
et soins)
1
190,80 €
190,80 €
190,80 €
463
Autre cure médicale spécialisée pour tous âges
16
311,63 €
311,63 €
311,63 €
465
Cure médicale spécialisée en pneumologie pour
tous âges
1
202,92 €
202,92 €
202,92 €
466
Convalescence et réadaptation pour personnes
âgées
39
217,93 €
217,93 €
217,93 €
593
Périnatalité : accueil de l’enfant accompagnant
la mère convalescente
1
274,10 €
274,10 €
274,10 €
594
Périnatalité : repos prénatal
1
274,10 €
274,10 €
274,10 €
595
Périnatalité : convalescence postnatale
1
274,10 €
274,10 €
274,10 €
604
Cure médicale non spécialisée pour enfants
(MECS ouverte en permanence)
1
116,65 €
116,65 €
116,65 €
607
Cure thermale pour enfants (MECS ouverte de
façon temporaire)
6
81,07 €
69,58 €
100,60 €
608
Cure therm. enfants aff. chron. non tub. voies
resp. (MECS ouv. perm.)
9
148,05 €
99,53 €
200,04 €
609
Cure therm.enfants aff. chron. non tub. voies
resp. (MECS ouv. temp.)
2
69,58 €
69,58 €
69,58 €
616
Cure médicale pour enfants déficience temp.
somato.psycho.(MECS perm.)
2
186,37 €
172,37 €
200,36 €
624
Autre cure médicale spécialisée (MECS perm.)
4
183,77 €
99,53 €
317,30 €
625
Autre médicale spécialisée (MECS temp.)
1
364,83 €
364,83 €
364,83 €
627
Moyen séjour indifférencié
64
155,95 €
60,56 €
224,08 €
737
Convalescence et réadaptation
5
198,97 €
122,35 €
414,82 €
739
Rééducation fonctionnelle et réadaptation
motrice-orientation traumat.
11
359,99 €
322,99 €
368,90 €
957
Soins et accompagnement des malades en phase
terminale
2
211,24 €
186,54 €
235,93 €
355
215,05 €
130
Panorama des SSR après la réforme de 2008
La moyenne des tarifs financés par le seul PJ et pondérée par le nombre
d’établissements concernés est de 221,01 €. Dans les autres catégories la
moyenne est nettement plus faible, aux alentours de 160-165 € et les compléments ne réussissent pas à hisser le total des produits au niveau de la moyenne
calculée pour la première catégorie.
Très étonnante est la dispersion des tarifs dans certaines disciplines, par
exemple la rééducation polyvalente (DMT 172) et la rééducation neurologique (DMT 179) : du simple à plus du double.
Remarque : ces indications de fréquence concernent des établissements
(nombre de fois où le type de tarif est appliqué). Cela ne préjuge pas de
volumes. Car un gros tarif peut s’appliquer à un petit segment (DMT 739) et
un tarif « riquiqui » à une forte activité (convalescence).
Analyse des bilans et taux de rentabilité des SSR sous OQN
Toutes les analyses (Eurostaff, MECSS du Sénat, Cour des comptes)
confirment la bonne santé financière des établissements SSR du secteur
OQN. Dans le passé les taux de rentabilité étaient de l’ordre de 4 à 5 %
et cela d’une façon constante sur plusieurs années. Au cours des dernières
années, la rentabilité des cliniques privées a connu des aléas. Qu’en est-il des
SSR ? La situation s’est effritée, voire dégradée à partir de 2010.
Dans son rapport annuel 2012, la FHP (Fédération de l’Hospitalisation
Privée) donne quelques précisions sur le bilan d’un échantillon significatif de
cliniques SSR.
Indicateurs
Nombre de cliniques
Valeurs 2011
199
CA moyen
6 115
EBE
8,3%
Résultat net retraité
3,5%
Indépendance financière
31 %
CAF moyenne
Capitaux propres
Capital social
Dettes à caractère financier
427
1 615
263
1 100
Investissements immobilisés
320
Trésorerie moyenne
595
Nombre de cliniques déficitaires
39
Pour comprendre ces chiffres, il faut considérer la spécificité qu’en général ces établissements ne supportent pas l’investissement immobilier qui est
131
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
consenti par le propriétaire (SCI) en contrepartie d’un loyer28. Partant, la
dimension « capitalistique » de l’entreprise SSR s’en trouve fortement réduite,
contrairement à ce qui se passe dans le public et privé associatif. Inversement
cette externalisation peut constituer un point faible allant, en cas extrême,
jusqu’à menacer la pérennité de l’activité.
Le rapport annuel de la FHP comporte en outre l’indication d’une rentabilité par taille d’établissement. Si elle est en moyenne de 3,5 % en 2010, la
proportion est la plus forte pour les structures de taille intermédiaire (entre
10 et 15 M€), plus faible pour les petites unités de moins de 5 M€ de CA.
Les perspectives sont moins favorables. Entre 2009 et 2011, le CA se
contracte de 6,3 % et le résultat subit une érosion de même grandeur.
Quelques cliniques SSR sont en déficit et clairement la pression augmentant,
l’on peut craindre que leur nombre puisse progresser.
Comparaison privé/public
Dans son rapport de septembre 2012, la Cour des comptes explicite la
différence de prix de revient entre les deux secteurs : « les coûts journaliers
apparents obtenus en rapportant les dépenses constatées en 2010 toutes
spécialités confondues au nombre de journées réalisées diffèrent de 40 %
entre le secteur financé par dotation globale (EPS et ESPIC) et celui financé
par prix de journée (247 € et 149 €). »
Résultats de la deuxième ENC (2009-2010)
Les établissements sont-ils comparables, par-delà les différents statuts ? Ils
n’ont peut-être pas la même activité, pas les mêmes patients, pas les mêmes
pathologies, pas les mêmes prises en charge, pas la même structure des coûts,
pas la même fiscalité, ne reçoivent pas les mêmes aides, n’ont pas les mêmes
obligations de certification des comptes… Ces différences ont parfois été
exagérées ; ainsi dans beaucoup d’établissements du secteur lucratif les médecins sont salariés et de plus le SSR privé ne connaît pas les dépassements d’honoraires. C’est du côté des ex-hôpitaux locaux (publics) que l’on rencontre
(aussi) les praticiens payés à l’acte. L’avantage d’une étude des coûts est qu’elle
doit prendre tous ces éléments en compte et, si possible, mettre à plat des
notions hétérogènes de manière à les rendre comparables.
Tout en considérant que les résultats publiés portent encore la marque de
la nouveauté, car les changements ont été très conséquents et les établisse28 Voir rapport IGAS, 2012 et les réserves formulées sur le mécanisme d’externalisation, la valorisation de
l’actif cédé, le mode de calcul du loyer…
132
Panorama des SSR après la réforme de 2008
ments impliqués dans la nouvelle démarche forcément inexpérimentés, l’on
peut retenir des informations à caractère général.
Diversité et spécificité de l’activité selon les secteurs
La nouvelle classification décrivant l’activité médicale des SSR compte un
peu moins de 700 lignes appelées GME, dont environ 500 concernent l’hospitalisation complète et le reste l’hospitalisation de jour. Les établissements
participants à l’ENCC appartiennent nécessairement aux deux secteurs.
Pour les techniciens de l’ATIH, il est nécessaire d’avoir au moins 30 résumés
hebdomadaires pour calculer un coût moyen, ce qui est assez peu. Si la représentativité semble encore faible, elle apparaît pour cette première itération
comme honorable, dans la mesure où elle couvre près de 80 % de l’activité en
HC des deux secteurs et 95 % en HJ. Ceci pour dire que la représentativité
est correcte pour les activités les plus fréquentes.
L’orthopédie-traumatologie représente 38 % des journées et la neurologie
21 % ; ces deux activités, de loin les plus pratiquées, totalisent donc près de
60 %. Comment la représentativité est-elle déclinée dans ces catégories ?
En HC
Nb de GME
DAF
OQN
CM 08 : ortho-traumato
162
75 / 90 %
51 / 87 %
CM 01 : neuro
126
51 / 70 %
16 / 47 %
Lire : en CM 08, les établissements DAF participants à l’ENCC ont permis de calculer un
coût moyen pour 75 GME sur les 162 existants - ce qui couvre 90 % de l’activité de la CM
08 du secteur DAF (ENCC 2010).
La plupart des GME de la CM 08 (appareil locomoteur) sont décrits par
la contribution à l’ENCC des établissements des deux secteurs ; en revanche
la situation est différente pour la neurologie. Il y a donc quelques raisons
de penser que le secteur OQN est moins présent sur les segments les plus
techniques.
Prenons l’exemple de la prise en charge des AVC.
Exemple de coûts moyens par GME (2010)
GME
Libellé
DAF
OQN
0112a1
AVC, age <= 74 , score phy <= 8-niv1
266,37 €
235,89 €
0112a2
AVC, age <= 74 , score phy <= 8-niv2
267,16 €
244,47 €
0112b1
AVC, age <= 74 , score phy [9,12] , score arr <= 90-niv1
291,07 €
0112b2
AVC, age <= 74 , score phy [9,12] , score arr <= 90-niv2
284,53 €
0112c1
AVC, age <= 74 , score phy [9,12] , score arr >= 91-niv1
341,67 €
0112c2
AVC, age <= 74 , score phy [9,12] , score arr >= 91-niv2
355,46 €
230,51 €
133
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
0112d2
AVC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog <= 6 , score arr <=
60-niv2
282,03 €
0112e2
AVC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog >= 7 , score arr <=
60-niv2
417,94 €
0112f1
AVC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog <= 6 , score arr >=
61-niv1
347,54 €
0112f2
AVC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog <= 6 , score arr >=
61-niv2
331,76 €
0112g1
AVC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog >= 7 , score arr >=
61-niv1
427,62 €
0112g2
AVC, age <= 74 , score phy >= 13 , score cog >= 7 , score arr >=
61-niv2
406,37 €
0112h1
AVC, age >= 75 , score phy <= 8-niv1
195,96 €
168,89 €
251,84 €
0112h2
AVC, age >= 75 , score phy <= 8-niv2
276,45 €
0112i1
AVC, age >= 75 , score phy [9,12] , score arr <= 90-niv1
234,84 €
0112j1
AVC, age >= 75 , score phy [9,12] , score arr >= 91-niv1
318,50 €
0112l2
AVC, age >= 75 , score phy >= 13 , score cog >= 5 , score arr <=
60-niv2
307,21 €
0112n1
AVC, age >= 75 , score phy >= 13 , score cog >= 5 , score arr >=
61-niv1
343,67 €
0112n2
AVC, age >= 75 , score phy >= 13 , score cog >= 5 , score arr >=
61-niv2
336,60 €
277,36 €
Clairement, l’activité OQN documentée par les établissements de l’échantillon ENCC est moins diversifiée que dans le champ DAF. Les frais de structure ne sont pas compris (en moyenne : 16,2 € pour les DAF et 29,6 € pour
les OQN). Au total pour certains GME les coûts complets sont similaires,
alors que pour d’autres ils sont très supérieurs en secteur DAF. L’on est surpris
par des coûts de revient constatés en OQN très supérieurs aux moyennes
misérables évoquées précédemment, par exemple par la cour des comptes.
Les coûts fixes
L’écart entre les frais de structure évoqué ci-dessus rend attentif à la différence de décomposition des coûts. Pour simplifier considérons les charges
que nous appellerons improprement les coûts fixes et qui agrègent les frais de
logistique et les frais de structure. Sont donc compris ici toutes les charges
sans rapport avec les soins, y compris la blanchisserie, la restauration (qui ne
sont pas réellement fixes).
134
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Tableau comparatif des coûts fixes par secteur
HC
HP
DAF
OQN
DAF
OQN
LGG
96,10 €
68,80 €
89,00 €
52,50 €
structure
14,90 €
23,90 €
15,50 €
22,40, €
111,00 €
92,70 €
Valeurs 2010
104,50 €
74,90 €
Coûts
L’asymétrie entre les deux secteurs est flagrante. Sous OQN, les établissements supportent un loyer qui s’impute en frais de structure. Le total reste
néanmoins très inférieur dans le champ OQN. Clairement le secteur DAF
n’est pas compétitif. Ces chiffres donnent raison à ceux qui soutiennent que
le secteur DAF est encore susceptible de produire des efforts de productivité, car l’on ne voit pas quel service (public) est rendu en contrepartie de ce
surcoût.
Le coût du soin
Revenons aux GME relatifs aux AVC et communs dans les deux échelles.
GME
Moyenne OQN
Moyenne DAF
Écart en %
Coût complet
Coûts fixes
264
Coût du soin
106
158
298
118
180
13 %
11 %
14 %
L’écart entre les coûts moyens est de 34 €, ce qui représente 13 %. Il est de
11 % sur les coûts fixes et avoisine 14 % sur les soins. L’écart entre les coûts
des soins peut être abordé avec plus d’ouverture, car rien n’indique jusqu’ici
qu’il s’agit des mêmes patients et surtout du même niveau de prise en charge.
***
Au total, l’analyse des résultats par GME ne confirme pas, pour les catégories médicales les plus fréquentes, une différence de coût de revient du même
ordre que celle qui est généralement admise. Problème d’échantillon ? De
technicité des prises en charge ? Toutefois, l’écart entre les secteurs, à activité
égale, est non négligeable. Il est légèrement moindre lorsque l’on considère ce
qui a été appelé « coûts fixes » ; il est nettement plus important dans le soin.
Dans tous les cas, lorsque les facteurs de coût sont comparables, l’OQN est
plus productif /moins cher. Pour quelques GME étudiés, le coût du soin est
proche, pour d’autres les écarts sont anormalement élevés.
135
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Conclusions
À ce jour, le financement des SSR est extrêmement hétérogène et très
inégal. Les écarts inter-sectoriels (DAF/OQN) tout comme les inégalités
intra-sectorielles sont considérables.
Rien ne permet de penser que ces écarts vont se réduire. La tendance
reste aujourd’hui à envisager une T2A à deux échelles. D’une façon générale,
comme en 2013, la campagne budgétaire a pour effet de figer la situation.
Tout incite à croire qu’il pourrait en être de même pour les années à venir. La
lumière au bout du tunnel est lointaine…
Tant pis pour ceux qui ont été défavorisés et qui craquent, tant mieux
pour ceux qui ont été mieux lotis. La lutte pour la survie est engagée. Mais
pour les uns et les autres, les moyens sont inégaux.
Des trappes à pauvreté
Chaque secteur connaît ses soucis.
• Pour les DAF, l’enveloppe globale, parfois étriquée, est un carcan
qui n’accompagne ni la progression d’activité ni l’alourdissement
des soins. La seule échappatoire à court terme mais à double tranchant à moyen terme, est de réduire l’activité pour accompagner
l’alourdissement ou inversement d’admettre des patients plus
légers...
• Pour les OQN, la tarification par DMT comporte un inconvénient plus sévère encore car il est difficile d’obtenir un réajustement
du tarif - et le changement de DMT est pratiquement impossible, y
compris pour les prix de journée inférieurs à 100 €.
Pour tous ces établissements la situation est bloquée. À leur désavantage.
Références
• ATIH « Étude Nationale de Coût PMSI SSR » 92p., publié en 202.
• ATIH « Étude Nationale de Coût PMSI SSR Échelle 2ème édition » 17p., publié
en 2003.
• Cour des comptes : « Sécurité sociale 2012 » Chapitre XII : les soins de suite et de
réadaptation », septembre 2012.
• FHP « Rapport 2012 ».
• IGAS « Évaluation de la place et du rôle des cliniques privées dans l’offre de soins »
Rapport RM2012-112P - septembre 2012.
136
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Vers une T2A ?
Après un certain flottement, le modèle IVA fortement contesté est abandonné. Les pouvoirs publics se rendent à l’évidence que la description de
l’activité SSR est loin d’être calée et que les connaissances nécessaires à l’élaboration d’une T2A spécifique ne sont pas disponibles. La décision doit dès
lors être prise de reporter de plusieurs années la réforme du financement et
de diligenter des travaux et des enquêtes pour engranger de la connaissance.
La ligne d’horizon officielle reste le modèle dit à quatre compartiments :
l’activité, le plateau technique parfois qualifié de spécialisé (PTS), les médicaments onéreux et dispositifs médicaux (MO-DM) et les missions d’intérêt
général (MIG).
Le Ministère aborde la T2A SSR avec toujours la même idée préconçue :
la transposition du modèle MCO. Cette orientation est effrayante à bien
des égards : elle méconnaît la spécificité des SSR et consiste même à faire
l’impasse sur l’idée qu’il pourrait y avoir une spécificité. La seconde idée, non
moins sujette à caution, est l’application d’un financement au séjour. Bien
entendu la communauté des SSR est liguée contre un tel projet. Même là où
la protocolisation des soins se prêterait sans risque de dommage à une expérimentation : la prise en charge en orthopédie par exemple ou les activités
ambulatoires en cardiologie ou en pneumologie, voire l’éducation nutritionnelle (obésité). Sur ce plan la reculade des pouvoirs publics pourrait n’être
que provisoire et l’on verra que sur bien des points techniques cette notion
n’a pas été abandonnée.
Avant de définir des tarifs, il s’agit de lister de façon exhaustive les références à tarifer. Cette entreprise de taxinomie est complexe mais indispensable. Ce faisant la T2A devient un processus de normalisation et de standardisation. Cette première étape rencontre bien des difficultés.
137
L’hôpital d’Héricourt : une histoire centenaire
Nouvelle réforme du PMSI
La nouvelle classification
Le PMSI est en place depuis 1998. Mais il a déjà connu plusieurs évolutions, certaines partielles, d’autres plus fondamentales. Sa vocation est de
fournir une typologie de l’activité médicale dans une perspective de financement. Il ne s’agit donc pas de tout décrire, mais seulement de cerner les
éléments impactant les coûts. Pour simplifier disons que le compartiment
activité décompose la prise en charge des patients selon une liste de références, chacune devant être appariée à un tarif. Jusqu’ici les fondamentaux de
la description n’ont que peu varié, seule la classification (la liste) a subi des
ajustements importants. Et c’est à ce sujet qu’une nouvelle évolution majeure
est intervenue en 2012.
L’ATIH a été contrainte de reprendre la question à la base. Pour ce
faire, elle a adopté une initiative très favorablement perçue : des médecins
rencontrent des praticiens sur site dans chacune des grandes disciplines et
s’enquièrent de leurs idées concrètes pour catégoriser les patients ; ainsi les
cardiologues, pneumologues, médecins MPR pour le locomoteur et la neurologie… Les sociétés savantes sont également sollicitées. Peu à peu la classification est dévoilée dans sa construction en cours. Le fin mot reste à la
statistique dont les travaux doivent conduire à une segmentation, en principe
selon une dimension économique. L’ensemble conserve une structure arborescente à partir d’une typologie issue de la médecine d’organe.
138
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Plusieurs nouveautés apparaissent dans les premières moutures de la
nouvelle classification :
• la segmentation en GME (groupes médico-économiques) s’établit sur
des critères tels que : l’âge, la dépendance physique, la dépendance
cognitive, l’intensité de la rééducation ;
• l’affectation des RHS à un GME par la fonction groupage se fait en
prenant en compte les 10 premiers RHS du séjour ;
• la classification ne prend en compte que la dépendance à l’admission ;
• l’activité de rééducation/réadaptation est prise en compte, mais de
façon très fruste (existence d’un seuil ; limitation à quelques GME).
Apparaît la notion de sévérité, selon 3 modalités : 0 = hospitalisation à
temps partiel ; 1 = niveau de sévérité simple et 2 = sévérité élevée. Ce niveau
est obtenu par recherche dans une liste fermée, dont la conséquence est d’allonger la durée de séjour d’au moins 8 jours. Autrement dit, la sévérité n’est
pas reliée à un surcoût journalier (ce que les bases encore trop restreintes de
l’ENCC ne permettent pas d’expertiser). La démarche reste calée sur le séjour
(surcoût induit par le rallongement de la durée).
Pour une même pathologie, le système est inégalement différencié. Par
exemple pour l’arthrose du genou avec implantation d’une prothèse il n’y
a que 3 racines de GME selon le niveau de dépendance physique. À l’inverse pour les AVC, la classification opère une démultiplication et compte
14 racines ; une différenciation utilisant tous les critères mentionnés : l’âge,
la dépendance physique, la dépendance cognitive et l’intensité de la rééducation.
Références
• Manuel des groupes médico-économiques en soins de suite et réadaptation, ATIH,
juillet 2013, Bulletin officiel, 3 volumes.
Le CSARR
La seconde innovation majeure concerne l’abandon du CdARR (Catalogues des actes de rééducation et réadaptation) au profit du CSARR (Catalogue spécifique des actes de rééducation et réadaptation).
La refonte complète du catalogue est un travail laborieux réalisé en concertation avec les sociétés savantes et les ordres professionnels. Pour des raisons
mystérieuses, les fédérations ont été tenues à l’écart. Le but est de moderniser
l’outil pour le rendre plus précis, évolutif et couvrir un champ technique plus
vaste.
Le CSARR se présente donc comme une liste de codes avec des libellés
et bien entendu une description documentée dans le guide méthodologique.
Exemple : NKR+117 = séance individuelle de rééducation à la marche. Au
139
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
total 525 libellés. Le changement concerne donc le codage, mais surtout la
précision de la description.
Le codage ajoute encore d’éventuels gestes complémentaires (ex :
ZZB+066 : doublement de la compression d’une orthèse de compression
élastique) et surtout des modulateurs décrivant des situations particulières
modifiant la réalisation de l’acte (modulateurs de lieux : au lit du patient, en
salle de bain, en piscine… ou réalisation fractionnée, nécessité d’un interprète…)
Le catalogue repose sur une classification, qui apparaît dans la structure
du volume réglementaire publié au Journal officiel. Les premiers chapitres
concernent les fonctions (fonctions cérébrales, fonctions sensorielles et
douleurs,… fonctions de l’appareil locomoteur et liées au mouvement…)
puis l’appareillage, enfin les gestes complémentaires et les modulateurs.
La première nouveauté est de considérer des actes globaux constitués
d’actes élémentaires.
140
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Différentes combinaisons sont possibles : un même professionnel code un
ensemble d’actes élémentaires constituant un acte global ou un acte global est
constitué par la contribution de plusieurs professionnels qui réalisent chacun
une partie de l’acte.
Dans l’ensemble le catalogue est plutôt bien accueilli. Il est testé sur un
échantillon d’établissements. Puis des experts sont recrutés pour former des
référents dans chaque structure SSR. Du temps est laissé aux établissements
pour s’organiser. Mais inévitablement des questions et des imprécisions
surgissent. Par exemple l’ATIH se refuse à publier la liste des actes autorisés
pour chacun des métiers et se borne à renvoyer aux décrets des compétences
professionnelles. Pourtant l’algorithme d’exploitation comporte probablement des contrôles. Sur quels critères ? Cela reste secret. Une autre difficulté concerne le seuil à partir duquel un acte global réalisé partiellement est
compté. Enfin, la plupart des établissements constatent une évaporation des
temps d’intervention des professionnels.
Après quelques mois de fonctionnement, les remontées sont nombreuses.
À ce stade, il faut considérer que le CSARR est encore évolutif et qu’il connaîtra des versions successives pour remédier à ces imperfections et clarifier les
imprécisions.
Référence
• Catalogues des actes spécifiques de rééducation et réadaptation, ATIH, Bulletin officiel, n°2013/3bis.
La composante économique
Le modèle IVA reposait sur une étude de coût obsolète. Un défaut irrécupérable. L’urgence est de relancer une étude de coût pour appréhender
la composante économique de l’activité. Quant aux autres compartiments
ils supposent là encore que soient cernés le contenu et les coûts. Comme le
nouveau système à mettre en place s’inscrit dans un contexte économique
devenu plus difficile, il est improbable que le volume global consacré aux
SSR augmentera. Ce sera donc un « jeu à somme nulle ». Le volume consacré aux différents compartiments sera prélevé sur l’enveloppe existante. Il ne
s’agit donc pas seulement de pouvoir constater le prix de revient de telle ou
telle ligne… mais également d’apprécier le volume à réserver à chacun des
compartiments, à prélever sur le total.
141
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
La nouvelle ENCC
La nouvelle ENC, désormais appelée ENCC (Étude nationale des coûts à
méthodologie commune) regroupe aussi bien les ex-DAF financés par dotation globale que les ex-OQN restés au prix de journée. La constitution de
l’échantillon est laborieuse, car les changements ont été importants, depuis
la réforme des autorisations, la réforme du PMSI et surtout du CSARR.
La participation à l’étude requiert un travail notable, une charge que ne
compense pas tout à fait le financement apporté. Les contraintes supplémentaires sont importantes : cotation des temps de rééducation, saisie des SIIPS,
organisation des unités d’hébergement selon les autorisations et les contrôles
rigoureux sont perçus comme plutôt sévères.
Comme déjà évoqués les premiers résultats ont été publiés. Et ils donnent
quelques enseignements certes provisoires mais déjà utiles.
• L’échantillon constitué ne couvre pas encore tout le champ de la classification et si des coûts moyens ont pu être calculés pour les lignes
(GME) les plus usitées, il reste encore pas mal de « trous ».
• Ces « trous » sont plus nombreux dans l’échelle OQN, ce qui montre
que le case-mix de ce secteur est réduit comparativement aux ex-DAF.
• Dans les deux secteurs la somme « frais de structure + logistique »
représente une quote-part élevée qui est distraite du financement du
soin stricto sensu.
Pour l’heure inutile de se focaliser sur ces premiers résultats. D’abord ils
sont incomplets, (les « trous ») ensuite ils sont évolutifs. En effet la classification est susceptible d’être améliorée, ce qui ne manquera pas de perturber
des coûts moyens annoncés. De plus le CSARR n’a pas (encore) été pris en
compte ni dans la classification (seulement des seuils, par exemple > 60mn
- et pas dans toutes les pathologies), ni dans la modulation du coût. Pour
l’instant cette complexe construction ne sert encore à rien. L’on peut penser
qu’il ne s’agit que de partie remise et que le CSARR interviendra tôt ou tard,
éventuellement même par la recherche « d’actes traceurs » qui pourraient être
retenus par l’algorithme et donc l’orientation dans des lignes spécifiques de la
classification - qui restent à définir.
L’enquête MO
La question du coût de certains traitements médicamenteux traverse le
secteur depuis plusieurs années. Lorsqu’ils sont prescrits en court séjour,
certains traitements (par exemple des antibiotiques ou des antinéoplasiques)
font alors l’objet d’un supplément de financement. Mais en SSR, il n’existe
pas de tels suppléments. Ceci va jusqu’à compromettre l’admission des
patients concernés. Quelques ARH, puis ARS, acceptent de financer des
142
Panorama des SSR après la réforme de 2008
lignes budgétaires supplémentaires pour arrondir les angles… la solution
attendue reste l’ouverture du compartiment MO (médicaments onéreux) et
donc la possibilité de facturer un supplément.
Le traitement médicamenteux de la spasticité
Pratiquée en hôpital de jour, par exemple pour le suivi des hémiplégies
spastiques, l’injection de botox requiert un environnement approprié :
médecin ayant acquis une formation, assisté d’une infirmière éventuellement formée au Kalinox et parfois d’un kinésithérapeute pour pratiquer
l’électrostimulation. La séance est alors facturée au tarif du forfait de soins
= 160 €. Mais le seul médicament injecté revient à environ 500 €.
Il s’ensuit que certains SSR considèrent que cette activité n’entre pas
dans leurs possibilités tant qu’elle ne bénéficie pas d’un financement spécifique. Les patients sont alors renvoyés vers des structures MCO.
Au CRF d’Héricourt en 2012, le budget d’achat du Botox a représenté
une dépense de 101.000 € pour 205 séances d’injection, la plupart en
hôpital de jour.
Depuis quelques temps le PMSI des seuls établissements sous DAF s’est
enrichi d’un fichier annexe destiné à documenter ces frais. L’ENCC dispose
d’une base dite de « traceurs ». Une enquête déjà ancienne a été renouvelée,
sur une nouvelle base. Elle montre que la problématique est sensible, mais
complexe à appréhender. D’abord la liste, n’étant pas réellement arrêtée, reste
entr’ouverte. Le manque de standardisation rend difficile de cerner l’enveloppe à réserver à ce compartiment. Ensuite, les pratiques évoluent assez
nettement, de même que le prix d’achat des médicaments. Les résultats de
la nouvelle enquête sont très différents des données du PMSI, précisément
quant à l’enveloppe nécessaire. De ce côté donc, la lumière se fait attendre.
Enfin, la communauté chipote. Au lieu de se fixer sur une première liste
susceptible d’évoluer, elle revient sans cesse sur le périmètre, par exemple en
relevant (à raison) qu’il y a des médicaments qui sont chers à l’unité, mais
administrés peu fréquemment au patient, alors que d’autres, moins chers à
l’unité, sont administrés quotidiennement et par-là représentent un problème
économique tout aussi sévère.
Les pouvoirs publics hésitent et reviennent sur leur promesse pourtant
formelle. Le compartiment ne sera pas ouvert avant la T2A elle-même. La
situation pourrait devenir délétère pour certains, notamment ceux qui ont
vocation à accueillir régulièrement des patients aux traitements anticancéreux, qui peuvent totaliser plusieurs centaines de milliers d’euros.
143
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Enquête MO : répartition des dépenses par classes
Classes ATC (recherche des classes
totalisant 80%)
Dépenses
totales
% dépenses
liste
d’enquête
Nb étab
concernés
M03 – Myorelaxants
6 530 766
14,3%
182
B03 – Antianémiants
5 959 533
13,0%
990
J01 - Antibactériens à usage systémique
4 972 329
10,9%
1 026
B05 - Substituts du sang et solutions de
perfusion
4 671 739
10,2%
820
B02 – Antihémorragiques
4 220 726
9,2%
77
L01 – Antinéoplasiques
3 068 638
6,7%
640
L03 - Immunostimulants
3 002 694
6,6%
677
J02 - Antimycosiques à usage systémique
1 887 702
4,1%
293
L04 - Immunosuppresseurs
1 794 058
3,9%
632
Les sommes en jeu sont loin d’être négligeables. Mais rien ne permet
encore de savoir comment ce compartiment sera abordé. En effet pour
reprendre l’exemple du botox la question pourrait parfaitement être traitée au
sein du compartiment « activité », à partir des actes CCAM associés (PCLB
002 et PCLB 003) orientant vers des GME (à créer) par exemple « hémiplégie spastique ». Pour l’heure, l’ATIH ne cherche qu’à appréhender des
informations qu’elle ne trouve pas dans les données de l’ENCC. La question
du financement viendra plus tard.
Revenons sur la définition déjà ancienne du compartiment. Il s’intitulait
MO-DM et donc devait également cerner les dispositifs médicaux. Les seuls
éléments jusqu’ici collectés et donc disponibles concernent l’appareillage. Car
la question achoppe à une limite provisoirement infranchissable : il n’existe
pas de thésaurus. En effet si la LPP (Liste des produits et prestations) de la
Sécurité sociale documente assez bien les autres sujets : ici l’on s’aventure
dans une « terra incognita » où tout reste à faire. De fait l’orientation est
manifestement prise de laisser la question de côté.
L’enquête « plateau technique »
Le troisième compartiment souffre lui aussi d’une difficulté de définition.
La précédente enquête (2008) avait retenu une acception particulièrement
laxiste de la notion de plateau technique : les salaires des paramédicaux (kiné,
ergo), les fournitures (appareillage, prothèse, orthèses…), les installations. Et
pourtant, comme déjà noté, près de 40 % de SSR n’ont déclaré aucun plateau
technique.
144
Panorama des SSR après la réforme de 2008
La nouvelle enquête (2011) a pris le parti inverse : ne cerner que les
éléments qui ne seront pas captés par l’ENCC. D’où la liste des 16 équipements particuliers : balnéo, urodynamique, laboratoire d’analyse du
mouvement et de la marche,… jusqu’à l’atelier d’appareillage. Les coûts
sont désormais mieux cernés : coûts d’acquisition des équipements, coûts
de fonctionnement (salaires, fournitures, prestations de service…), coûts des
professionnels médicaux et paramédicaux, nombre d’unités d’œuvre. Pour les
établissements concernés les travaux vont dans la direction attendue : cerner
le coût complet, y compris l’impact sur les frais de structure et de logistique
générale. Mais l’enquête montre encore la rareté de ces équipements.
Enquête PTS : fréquence des équipements et installations
Piscine, balnéothérapie
Locaux de simulation d’espace de vie
Plateau d’exploration cardiologique
Plateau d’exploration fonctionnelle respiratoire
Exploration de l’équilibre et de la posture
Appareil d’isocinétisme
Plateau d’exploration urodynamique
Laboratoire d’analyse de la marche et du mouvement
Manipulation et reconditionnement aseptique de produits administrés par voie
parentérale
Assistance robotisée de la marche
Salles interventionnelles pour réalisation de pansements complexes
Appartement d’autonomie
Véhicule adapté pour personne à mobilité réduite
Rééducation du membre supérieur robotisé
Simulateur de conduite automobile
Établissements répondant
Source ATIH, 2013 (Enquête PTS 2011 - valeurs 2010).
516
338
265
219
216
163
150
77
61
47
45
44
43
23
14
1637
Ces chiffres confirment paradoxalement l’importance de la question.
Certains PTS sont très peu fréquents et leur impact sur l’enveloppe SSR
marginal. Toutefois pour les établissements concernés - et surtout pour les
patients accueillis - l’importance d’un juste financement est cruciale pour
préserver les soins requis. La pérennité de ces équipements - et du service
rendu - a un prix.
Les MIG
La même problématique vaut pour les missions d’intérêt général (MIG).
Avant d’enquêter il s’agit de définir quelles activités et particularités pourraient être éligibles à ce compartiment. Les avis sont partagés. Les uns iden145
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
tifient quelques items comme la réinsertion professionnelle jusqu’ici réservée
au cercle (fermé) du réseau Comète France. D’autres dressent un inventaire
à la Prévert et listent des activités marginales. À l’évidence la question n’est
pas mûre.
La problématique pédiatrique
La pédiatrie a vite été repérée comme une zone aveugle. La classification n’a pas pu prendre en compte cette dimension de façon satisfaite. Ce
segment représente environ 3,2 % de l’hospitalisation complète, un volume
trop faible, répartis entre les GME et avec d’innombrables cas particuliers,
pour espérer des données représentatives au sein de l’ENCC.
Plusieurs solutions techniques seraient possibles pour traiter la problématique. La plus simple, à défaut de mieux et rapidement opérationnelle,
serait de créer un coefficient de majoration. Un tel coefficient pourrait être
soit uniforme, soit, ce qui serait préférable bien qu’un peu plus compliqué,
modulé selon des catégories restant à définir. Cette majoration correspond au
fait que l’accueil d’enfants implique des contraintes. D’abord il s’agit de les
accompagner à toute heure de la journée, donc aussi en-dehors des plages de
rééducation. Ensuite la pédiatrie exige des locaux spécifiques d’animation et
de scolarité, du personnel complémentaire… À l’évidence la prise en charge
des enfants coûte plus cher et rapporte moins de recettes annexes.
Des groupes techniques se mettent en place pour aborder la problématique. À cette occasion se manifeste d’abord une notion embarrassante : les
organisations et les pratiques sont parfois éloignées des usages du monde
sanitaire. Plus proches du médico-social. Tel établissement finance des enseignants sur le budget sanitaire, alors qu’en principe ce volet relève de l’Éducation Nationale. Tel autre ferme en été. Un autre encore accueille des parents
et prend en charge les transports pendant des permissions souvent longues
et surtout répétées. Au total les taux d’occupation sont faibles et réciproquement les charges par journée d’activité d’autant plus conséquentes. À l’évidence, les SSR pédiatriques n’ont pas encore rempli la condition première
d’une T2A qui est la standardisation et donc cantonner la prise en charge
dans le périmètre de ce qui sera financé.
La Croix-Rouge gère plusieurs établissements pédiatriques, dont l’un,
l’hôpital d’enfants de Margency, orienté vers les pathologies les plus lourdes
telles que l’oncohématologie. Le fonctionnement de ces structures est pleinement ancré dans le champ sanitaire. Cet organisme a établi une note très
détaillée sur l’ensemble des surcoûts supportés en pédiatrie par rapport aux
autres SSR, et constate qu’il est de l’ordre de 15-20 %.
146
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Le modèle se met-il en place ?
Le calendrier et le modèle
Le constat est clair : deux ans avant la date annoncée le modèle n’est pas
connu parce qu’il n’est pas prêt. Ceci pose plusieurs questions.
• Les travaux engagés permettront-ils qu’il soit prêt pour la campagne
2016 ? Il n’est pas impossible qu’à cette date les pouvoirs publics
imposent un début de T2A SSR, par exemple sur une fraction marginale de 2 ou 5 %, en dépit des imperfections et lacunes restant à
traiter.
• Quid d’une éventuelle phase de test limitée à quelques établissements
volontaires avant application généralisée du modèle ?
• Quid de la période intermédiaire : 2014-15 ?
Tout porte à croire que malgré l’ardeur de l’ATIH à aborder toutes ces
questions, la T2A ne sera pas totalement stabilisée en 2016. Prenons l’exemple
du CSARR. Les établissements participants à l’ENCC sont entrés dans la
démarche au 1er janvier 2013. Les données seront collectées et vérifiées en
2014, et les résultats techniques : révision de la classification, nouveau calcul
des coûts moyens ne seront disponibles au mieux qu’en 2015. Ces informations seront alors entachées de nouveauté et d’inexpérience. Avant d’en tirer
des conclusions, il vaudrait mieux les consolider. Cela ne sera pas possible.
Pas plus qu’une expérimentation autre que la recomposition rétroactive du
dernier budget connu.
Mais rien n’indique que la T2A prenne directement le chemin d’une
échelle de tarifs. Tout aussi possible et même vraisemblable serait le retour
d’une modulation rénovée sous la forme d’une échelle de pondération par
points. Avec ou sans débasage, avec ou sans compléments.
Rien n’indique non plus que le financement de l’activité à la journée sera
retenu. Pour des raisons évidentes les opérateurs sont intéressés par cette unité
d’œuvre très pratique car peu contraignante. Mais elle a l’inconvénient d’être
laxiste dans l’organisation des soins et inflationniste. Dans la conjoncture
actuelle d’un déficit chronique de la sécurité sociale et de crise économique,
l’on peut prévoir que des verrous seront posés : contractualisation de volumes,
indicateur de performance, standardisation accrue des pratiques admises,
voire définition de forfaits : par séjour, par semaine... Paradoxalement ceux-là
mêmes qui préconisent le financement à la journée y ajoutent la question des
permissions, souhaitant explicitement que ces journées-là soient également
payées, pour ne pas créer de distorsion entre ceux qui les permettent et ceux
qui ne les permettent pas. Il semble aujourd’hui peu probable que leur vœu
sera exaucé.
147
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Que faire en attendant la T2A ?
Face à l’affaire de la T2A, la communauté des SSR est dans l’attente que
les prémices du modèle soient progressivement dévoilées. Ceci est une situation inconfortable. L’attente inciterait à continuer comme si de rien n’était,
mais avec la crainte qu’il n’y aura pas de temps suffisant pour se préparer,
s’organiser. Lorsque les établissements publics et privés PSPH sont passés à
la dotation globale, le changement n’a alors concerné que la méthodologie
technique (suppression des factures), mais n’a pas affecté significativement
les moyens alloués. Ceux-ci ont été figés. Avec la T2A, rien de tel. Et c’est
pourquoi, malgré l’hypothèse raisonnable que la montée sera progressive, le
spectre d’accidents budgétaires n’est pas à écarter. C’est une raison majeure
pour s’y préparer.
Comment anticiper une réforme dont on ne connaît rien ?
Les éléments suivants ont d’ores et déjà été repérés comme des points
d’impact potentiel. Pour le manager soucieux de préparer son établissement
au changement, il s’agit d’une check-list permettant sans délai d’engager le
pilotage de cette période qui s’annonce délicate.
Les coûts fixes : Dans l’ensemble des SSR le sous-total frais de structure
+ charges de logistique et de gestion générale apparaît comme élevé ; c’est
un point de fragilité. Il est raisonnable de s’aligner sur les plus efficients. En
tout état de cause il pourrait devenir vital de contrôler cette part qui n’est pas
contributrice au soin. Par analogie l’on peut rappeler que les CREF (Contrats
de retour à l’équilibre financier) des établissements publics comportent régulièrement la suppression de postes de personnels administratifs et des services
techniques. La productivité des services administratifs et logistiques est un
premier élément à auditer.
Connaître ses coûts de production du soin : Dans l’ensemble le système
hospitalier est en retard pour ce qui concerne l’analyse de gestion. La comptabilité analytique a été longtemps une notion exotique ; elle a d’abord fait
son chemin dans les grandes structures soumises à la T2A MCO. Il s’ensuit
que les établissements SSR connaissent mal leurs coûts de production : coût
par pathologie, coût par service, coût par type d’hospitalisation. En conséquence, ils sont dépourvus d’instruments de pilotage. Et c’est précisément
cette notion qui deviendra centrale avec la T2A. En cas de difficulté, c’est une
condition incontournable pour identifier les points faibles et rechercher des
solutions.
Confronter ces coûts de revient aux référentiels et à la décomposition publiée. Connaître dès à présent ses coûts permet de les confronter
aux premiers résultats récemment publiés. Mêmes s’ils sont encore imparfaits, ils donnent des tendances. Les coûts de revient moyens élevés seront les
premiers sur la sellette, par exemple ceux qui dépassent nettement les 300 €
par jour ; ils sont à justifier. La publication de la décomposition des coûts est
148
Panorama des SSR après la réforme de 2008
également une information très utile, car elle permet d’identifier les composantes litigieuses. Si la question de l’efficience a déjà été posée, celle de la surqualité est également nécessaire, surtout pour les établissements qui ont eu la
chance d’un budget historique élevé. Rappelons l’adage : « la T2A a vocation
de financer la juste prestation au juste prix. »
Identifier des segments menacés et faire évoluer le projet médical. Cette
première analyse permettra certainement de hiérarchiser les profils accueillis
selon le risque financier associé. Dans certains cas, la réponse est gestionnaire : améliorer l’efficience, réduire les coûts… mais d’autres segments pourraient constituer des branches à élaguer au profit d’autres activités mieux
en phase avec les évolutions à venir. L’on comprend bien que pour mener à
terme une telle réflexion, et surtout pour mettre en œuvre une inflexion du
projet médical, le temps est un atout précieux. Une période de 5-6 années
serait confortable, un délai de 2-3 ans est déjà plus serré. Mieux vaut ne pas
attendre.
Consolider les compétences : DIM, contrôle de gestion… Maîtriser la
T2A exige que l’établissement dispose de compétences jusqu’ici considérées
comme secondaires. La parfaite maîtrise du codage des informations médicale est un atout, non seulement pour optimiser les recettes, mais aussi pour
les conserver après contrôle. Pareillement le contrôle de gestion, une notion
absente dans la plupart des SSR permet de disposer des outils et instruments
de pilotage évoqués plus haut. Avec un financement par dotation ou le paiement par prix de journée, ces fonctions étaient faiblement valorisées ; avec
des ressources variables selon les patients, leur rôle deviendra crucial. Alors
des questions doivent être abordées : faut-il faire appel à des prestataires de
service ? Mutualiser avec d’autres structures ? Ou carrément disposer de
compétences internes - ce qui peut nécessiter un recrutement ou des formations ?
Gestion de flux. Le financement par le budget global a libéré ces établissements du souci du taux d’occupation. Parfois il est devenu faible par suite
d’aléas (fermeture de services en été ou par pénurie de certains professionnels, permissions …) ou simplement par choix, dans le souci d’optimiser un
budget dont les moyens s’effritaient. À cet égard les ex-OQN présentent des
taux d’occupation souvent supérieurs, voire très supérieurs. Ils sont mieux
préparés à aborder cette mécanique qui fait varier les recettes non seulement
selon le type de patients traités, mais également selon le nombre d’unités
produites, probablement les journées. Alors que les uns sont encore à rêver
d’un financement des permissions, les autres ont parfois dépassé les 100% de
remplissage. Passer d’une philosophie de gestion des lits à l’autre constitue un
choc de culture. Qu’il vaudrait mieux répartir sur une période de transition
suffisamment longue.
Sensibiliser les équipes. La T2A implique une nouvelle philosophie du
management. Elle ne concerne pas que l’occupation des lits. Dorénavant les
149
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
recettes et donc les moyens ne sont plus tributaires de l’habileté du directeur
à négocier avec les financeurs. Les recettes sont générées par l’activité des
services et de la commission d’admission. Pour caricaturer, dans la première
optique, le directeur générant le budget se tourne vers les médecins avec le
reproche (amical sans doute) : « vos soins me coûtent cher» . Avec la seconde,
le point de vue s’inverse et c’est le médecin qui se sentant à l’origine des
produits générés par son activité se tournera vers le directeur pour lui reprocher (non moins courtoisement) : « vos services généraux nous coûtent cher ».
En réalité, le management d’un hôpital a toujours besoin d’une collaboration
compréhensive entre la direction et l’équipe médicale. Pour aborder le changement, des actions de sensibilisation, d’explication, de formation sont utiles
et les notions de changement doivent lentement entrer dans les esprits de
toute la communauté.
Gestion du temps et du circuit des informations. Dans un rapport la
Cour des comptes avait stigmatisé des hôpitaux mettant plusieurs mois après
la sortie du patient pour établir la facture du séjour. En SSR la situation est
un peu plus simple, mais la qualité des informations recueillies de l’entrée à la
sortie, ainsi que la rapidité de cette collecte sont des paramètres essentiels de
la future efficience. Là encore les établissements facturant au prix de journée
apparaissent comme ayant une longueur d’avance. Rappelons que l’ATIH
avait sollicité les fédérations pour passer à la collecte mensuelle du PMSI et
qu’elles avaient répondu que cela n’était pas possible. Cette marge de progression gagnerait à être mise à profit rapidement.
Informatique. La facturation en T2A est exigeante pour l’informatique.
D’abord il vaudrait mieux disposer d’un système centralisé autour du patient
et susceptible de traiter toutes les données nécessaires à la facturation de l’activité et des éventuels suppléments : données administratives, PMSI, Médicaments, facturation des séjours, etc. Parfois ces informations sont traitées
par des logiciels différents, avec des interfaces aux performances variables. Le
programme « Hôpital numérique » fournit un référentiel d’audit très intéressant. Malheureusement certains logiciels n’ont pas d’avenir.
Réviser/différer les investissements. Enfin, la réforme de la tarification
apportant un fort degré d’incertitude sur les moyens futurs, il serait peut-être
prudent d’attendre avant d’engager des opérations d’envergure, notamment
sur le plan immobilier car elles exigent des plans de financement portant
sur de nombreuses années, dont précisément on ne sait rien. Sur quelle base
asseoir la confiance dans l’avenir nécessaire à une telle décision ?
La T2A, un sujet en soi ?
En SSR encore plus qu’en MCO, la T2A représente une démarche de
standardisation. On l’a vu à propos des enfants. Et c’est pour cette raison qu’il
150
Panorama des SSR après la réforme de 2008
est utile de ne pas limiter les travaux à la seule statistique, mais de les compléter, voir les étayer, sur des réflexions plus larges. Un travail conceptuel. Les
questions déjà évoquées dans la critique du modèle IVA restent totalement
d’actualité, sans aucun élément de réponse. Qu’est-ce que la juste prestation
au patient ? Qu’est-ce que le juste financement ?
Aucun travail conceptuel voire philosophique sur la mission des SSR
n’a été fourni. Ni par le Ministère, ni par les fédérations, ni par les sociétés
savantes intéressées au premier chef par la réussite de l’activité : la médecine
physique ou les gérontologues, par exemple.
Le risque de la statistique est toujours la convergence vers la moyenne.
L’on calcule un coût moyen qui sert de référence à la fixation d’un prix standard et qui apporte le financement d’une prestation moyenne. Les économistes et la Cour des comptes critiquent cette méthode pour lui préférer la
référence des plus efficients. D’autres choix sont donc possibles.
Prenons deux exemples. Le GME 0828a1 : « lésions articulaires et ligamentaires de l’épaule - niveau 1 ». Il ne comporte aucune modulation. Il est
raisonnable d’en inférer qu’il constituera un forfait pour la prise en charge
en hospitalisation complète avec son homologue en hospitalisation de jour.
D’aucuns se sont émus que l’intensité de la prise en charge de rééducation
ne soit pas prise en compte et que tous seront payés de la même façon.
Pour les uns cela pourrait s’avérer suffisant car leur prestation est minimaliste,
pour d’autres ce sera insuffisant car leur prestation est peut-être idéaliste. Les
premiers vont s’enrichir et les seconds s’appauvrir (un peu). Cette discussion
triviale peut prendre un peu de hauteur avec deux remarques.
• Il appartiendra à la HAS avec l’aide de la SOFMER de formuler des
recommandations sur ce qu’il faut considérer comme étant la juste
prestation.
• Il appartiendrait en revanche au contrôle médical des financeurs de
s’assurer que les soins ainsi financés sont effectivement délivrés
Et ceci conduit à s’interroger sur la perspective : vaut-il mieux financer
des soins dispensés ou des soins requis ? De facto c’est plutôt cette seconde
option qui est retenue, pour ces GME-là. Pour d’autres, lorsqu’il existe un
seuil modifiant le groupage c’est plutôt la première.
Un autre exemple concerne la balnéothérapie. Les enquêtes ont montré
une très forte hétérogénéité des équipements et des pratiques. Tout d’abord
le format des piscines est disparate. Les mieux dotés disposent d’un bassin
olympique rempli d’eau de mer. Cet avantage est trompeur. L’équipement
coûte extrêmement cher car l’eau de mer s’avère corrosive non seulement
pour les parties immergées, mais encore pour le bâtiment. À l’inverse les
moins bien dotés se sont équipés d’une pataugeoire de fitness. Bien entendu
l’investissement et la maintenance sont plutôt économiques. D’où la question : quelles caractéristiques peuvent être justifiées ? Que s’agit-il de financer ? L’on n’est donc plus à rechercher ce qu’il y a de mieux, mais seulement
151
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
ce qui est nécessaire. Selon les textes de références (décret de 2008 relatif
aux conditions techniques) la balnéothérapie n’est obligatoire que dans la
prise en charge des affections de l’appareil locomoteur. En toute rigueur,
il faudrait donc écarter du supplément PTS tous les établissements qui ne
disposent d’une telle autorisation et pratiquent par exemple la rééducation
cardio-pneumologique ou nutritionnelle (obésité). Le maintien de ces SSR
comme éligibles au supplément PTS Balnéo revient à appauvrir les établissements spécialisés par saupoudrage d’un financement insuffisant ou à prélever
une partie excessive sur le compartiment activité. Rappelons la tyrannie du
système à somme nulle. Le dimensionnement devrait bénéficier d’une attention du même ordre. Et être adapté aux patients accueillis. Et c’est pourquoi
nous avions préconisé un modèle de financement restrictif et associant une
part fixe à une part variable proportionnelle au nombre de passages.
Focus sur le plateau technique : balnéothérapie
Source ATIH, 2013 (enquête PTS 2011 – valeurs 2010)
En se basant sur les médianes, un espace de balnéothérapie fait environ 210 m² SHON, comportant un volume de bassin(s) de 60 m3 et une
profondeur maximale de 2 m. La dispersion est considérable et laisse les
enquêteurs perplexes.
152
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Les coûts constatés présentent la même variabilité. La valeur d’acquisition des équipements est fortement dispersée : elle varie pour 150 établissements entre 12 000€ et 94 000€. Cela s’explique par la variabilité des
bassins construits.
Ces données sont à considérer avec précaution, car la moitié des établissements ne déclarent ni consommables, ni maintenance. Ceci démontre la
difficulté de cerner les coûts de façon rétroactive, car d’une part l’individualisation reste difficile sinon approximative et d’autre part la comptabilité analytique n’est pas suffisamment répandue.
Distribution du nombre d’actes
L’ATIH considère qu’un équipement moyen effectue environ 3.500
actes par ans, soit 10 par jour. Elle ne s’étonne pas d’une moyenne aussi
faible.
Commentaire : comment définir un supplément « balnéo » au vu de ces
résultats. Le commentaire de l’ATIH traduit la tentation de la moyenne
(médiane). Est-ce la bonne solution pour assurer le juste financement de
la juste prestation ?
153
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Toutes ces considérations débouchent sur l’idée que réussir cette T2A
revient à non seulement ajouter une réflexion explicitée aux travaux de la
statistique, mais également à ne pas isoler le financement des autres questions
: la planification (SROS), la contractualisation (CPOM), les contrôles. En
particulier fait défaut la référence aux autorisations délivrées et à la correspondance entre les pathologies accueillies et les moyens disponibles pour leur
prise en charge. Pour réussir le système doit gagner en cohérence. Et passer
du darwinisme laxiste (chacun fait ce qu’il veut, mais seuls les plus adaptés
survivront) à une politique sans doute un peu plus dirigiste, car attribuant à
chacun son rôle et lui allouant les moyens nécessaires. Sans doute cette position pourra-t-elle faire débat.
Annexe
Propositions heuristiques d’une T2A SSR alternative
Introduction
Le modèle à quatre compartiments comporte beaucoup d’inconvénients.
D’abord il est inflationniste. Ensuite les expériences précédentes ont montré
la difficulté d’appréhender certaines composantes comme la spécialisation.
Les propositions ci-dessous ont pour objectif de proposer une évolution pour
remédier à ces défauts. Elles sont formulées à titre heuristique pour faire
« avancer le schmilblic », lancer le débat. Et ne pas cantonner la réflexion dans
le petit périmètre de la « pensée unique ».
Principes
Jusqu’ici la tarification a été déconnectée de la réglementation (autorisation) et de la planification (PRS-SROS). La présente contribution s’efforce de
préciser a minima ce lien.
• L’une des nouveautés est d’introduire des compartiments supplémentaires, par lesquels l’établissement reçoit une allocation de moyens lui
permettant de réaliser la mission (contractualisation, SROS). Il s’agit
pour l’essentiel de charges fixes. Ces éléments peuvent alors soit être
financés mensuellement par douzième ou faire l’objet d’un tarif associé à un volume d’activité contractualisé/plafonné.
• L’autre nouveauté est de compléter la statistique par des référentiels de
prise en charge - à défaut de seuils et de plafonds permettant de situer
la juste prestation.
154
Panorama des SSR après la réforme de 2008
• La tarification finance le « service fait », c’est-à-dire les soins délivrés
plutôt que les soins requis.
• La notion de « service public » justifiant une double échelle reste à
préciser.
Les frais fixes
• Alignement sur le plus efficient. Les frais fixes (LGG+ structure) sont
de notre point de vue trop élevés pour être défendables. Après neutralisation des composantes « repas » et « linge » ; alignement sur le moinsdisant = OQN. Sur ce point, aucune notion de « service public » ne
justifie un double tarif.
• Plafonnement. Si la T2A retient l’UO de la journée, l’absence de
plafonnement conduit à sur-financer les coûts fixes en cas de dépassement du point d’équilibre. Il s’ensuit que cette UO est intrinsèquement inflationniste. C’est pourquoi ce compartiment peut être
plafonné ou faire l’objet d’un forfait contractualisé.
Compartiment médical
Les médecins étant transparents au PMSI, il est nécessaire de créer un
compartiment spécifique ; il s’agit essentiellement d’une charge fixe à traiter
par voie de contractualisation sur la base d’un barème national. L’on considère
que leur activité se décompose comme suit.
• Surveillance médicale : pour un établissement de 80 lits et places financement de 3 postes médicaux pour couvrir la permanence des soins,
la participation des médecins à l’ensemble des instances obligatoires
(CLUD, CLIN, qualité…) ; un poste supplémentaire par tranche de
20 lits ou 30 places.
• Spécialisation : effectif médical renforcé ; par exemple 1 ETP supplémentaire pour 60 lits en neurologie ; facturation des actes (CCAM)
internes/externes et des consultations externes.
Exemple : un ex-CRF de 110 lits et 30 places : financement de 5 postes
de surveillance médicale ; valorisation de la spécialisation + 2 ETP. Au total
financement au forfait de 7 postes médicaux, internes non compris ; financement des actes CCAM internes/externes en sus (liste à établir : bilans urodynamiques…) et des consultations externes.
155
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Compartiment hébergement et soins
L’UO reste la journée de présence. Ce compartiment s’appuie sur l’ENCC
et prend en compte les charges cliniques directes (médicaments), les soins
infirmiers, les charges médico-techniques courantes (labo, imagerie, y compris
logistique médicale…) selon une double échelle : la déficience (pathologie)
et la dépendance. Il ne comprend ni les médecins, ni la rééducation/réadaptation. Y sont ajoutées les composantes sorties des charges fixes : repas, blanchisserie.
Compartiment RR
Pour le financement de la rééducation/réadaptation : retour de la cotation
en minutes. Et paiement du service fait dans la limite d’un plafond propre à
chaque ligne de la classification. Tarif forfaitaire de la minute de RR. Ce tarif
inclut les charges courantes (fournitures...) Éventuellement tarif majoré pour
les établissements spécialisés pour tenir compte du surcoût (qualifications,
coordination…) : une neuropsychologue coûte plus cher qu’un kiné, la diversité des intervenants impose de la coordination.
Charge à l’établissement de démontrer en cas de contrôle qu’il a bien
réalisé la prise en charge requise soit par l’état du patient (les référentiels sont
encore rares), soit par son autorisation (conditions techniques de la spécialisation). Fixation d’un plafond au « droit de tirage » selon l’état des patients (par
groupe nosologique ?).
Compartiment PT/PTS
Deux aspects complémentaires :
• Plateau technique : l’intervention des professionnels nécessite une
surface proportionnelle à leur nombre (bureaux, salles de rééducation…) mais également des frais de logistique (ménage, maintenance,
chauffage…). Élaboration d’un barème soit par capitation (lits et
places ou professionnels) contractualisé, soit à la journée ; il est tenu
compte de la spécialisation.
• Plateau technique spécialisé : financement du coût complet (y compris
immobilier, ménage…) par composante fixe et une part variable à
l‘acte. Voir modèle balnéo de la FEHAP.
156
Panorama des SSR après la réforme de 2008
Compartiment MO- DM
• Liste n°1 : supplément automatique
Certains médicaments sont généralement prescrits par les praticiens
d’amont (antibiotiques, anticancéreux) ; le SSR n’a pas une réelle
maîtrise de la prescription ; les médicaments de cette première liste
donnent lieu à supplément automatique sur le modèle MO.
• Liste n°2 : supplément soumis à contractualisation
Ex. Traitement de la spasticité ; l’activité est soumise à contractualisation (=accord dans le cadre de la planification).
• Liste n°3 : appareillage
Idem
• Liste n° 4 : DM (à préciser)
MIG- AC - MERRI
• Pédiatrie : coefficient correcteur modulé selon la spécialité (15-20%
pour les spécialités lourdes : soins palliatifs, oncohématologie) ultérieurement remplacée par une Mission d’Intérêt Général (MIG).
• Réinsertion professionnelle (Comète).
• Éducation thérapeutique du patient non hospitalisé (à défaut définition comme une forme particulière d’hospitalisation de jour)
Coefficients correcteurs
• Coefficient géographique… même s’il se discute dans sa forme actuelle
(taux, délimitation) ;
• Coefficient correcteur du différentiel de charges sociales ou pour tenir
compte d’autres spécificités fiscales, sociales…
Marge
C’est l’aspect le plus délicat. Mais sans marge, il n’y a pas de pérennité des
établissements. Si l’ensemble des compartiments est financé au juste prix…
proche des coûts, la marge risque d’être rabotée. Comment rétablir la capacité
de développement, de modernisation, la profitabilité ? Il faut qu’une marge
soit délibérément incluse dans le système, pour ne pas inciter sous prétexte de
productivité/d’efficience, de réduire la prestation au patient ou de peser sur les
conditions de travail/rémunération du personnel.
157
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Schéma heuristique d’une T2A SSR alternative
Commentaires
• De nombreux points techniques restent à expertiser. Ainsi la prise en
compte de la dépendance cognitive. Rien ne confirme l’existence d’un
surcoût économique, même si la désorientation, les troubles phasiques,
les troubles du comportement, l’inaccessibilité aux consignes ou à l’éducation thérapeutique constituent un vrai problème. Mais la charge est
plutôt psychologique : stress, fatigue du personnel. Peut-être que la
méthode d’évaluation du coût en soignants ne rend pas justice à un éventuel surcoût ; cela reste à démontrer. Plus convaincante est d’ores et déjà
la mise en place d’activités spécifiques : soit une rééducation / réadaptation majorée en temps et la mobilisation de personnels supplémentaires :
neuropsychologues, orthophonistes…
• Un point reste à trancher : le degré de précision - de démultiplication - de
l’éventail taxinomique. En effet si un établissement n’a pas la possibilité de
sélectionner les patients, alors un tarif moyen grossier est suffisant ; dans
ce cas il devra accueillir tous les patients du segment considéré tels que
proposés par Trajectoire. Le tarif moyen peut être calculé en concordance
avec le case-mix moyen. Cependant si l’établissement peut sélectionner
les patients ou s’il y a lieu de penser que se produira prochainement une
évolution significative (par exemple perte des patients légers, concurrence
entre SSR), alors il vaut mieux disposer d’un large éventail permettant de
décrire plus finement l’activité. Il est donc souhaitable d’interconnecter :
T2A, planification et prospective ; la connexion entre T2A et autorisation
ayant déjà été abordée.
• Il en va de même pour les différentes formes d’hospitalisation, en particulier les alternatives qui restent à préciser : journée (ou venue), demijournée, TCA… éventuellement programmes d’éducation thérapeutique
pour des patients externes… Le financement exige une normalisation en
vue de la standardisation (homogénéité) des unités d’œuvre et par-là des
entités tarifées.
158
Panorama des SSR après la réforme de 2008
• Le modèle suppose une démarche un peu plus dirigiste. La contractualisation régionale implique d’un côté des capacités de financement déléguées
aux ARS et de l’autre l’explicitation de critères. Dans certaines régions les
autorisations de spécialisation ont été délivrées larga manu ; il n’est pas
envisageable que les crédits délégués soient saupoudrés. Il y a donc lieu
de redéfinir plus clairement le format et de faire reposer la planification
régionale sur des règles permettant une relative standardisation nationale.
• Les analyses se focalisent sur la PVE (part de variance expliquée) du
modèle, puis les sur-dotés et sous-dotés. Or, toutes les tentatives de reconstituer les budgets des établissements à partir des études de coût ont fait
apparaître une formidable dispersion des écarts entre budget historique et
budget reconstitué. C’est le but de la manœuvre : remettre le système à
plat et réduire les écarts créés par les budgets historiques. Partant, il faut
qu’il y ait des gagnants et des perdants … Comme il faut s’attendre à une
PVE limitée. S’il en était autrement, toute la réforme devrait être considérée comme inutile.
159
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
160
Et demain ?
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Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
162
Et demain ?
Prospective
Le panorama serait incomplet sans quelques pistes concernant l’avenir. Peu
de travaux ont essayé d’identifier les facteurs susceptibles de forger l’activité de
demain. Et lorsque l’on interroge les têtes pensantes, les avis sont habituellement vagues avec l’idée que ce secteur restera nécessaire compte tenu de l’évolution en MCO d’une part et du vieillissement de la population d’autre part.
Effectivement l’absence de changement est toujours une hypothèse à
examiner. Même si elle n’est pas la plus excitante sur le plan intellectuel. Elle
correspond à la reconnaissance du service rendu par les SSR. Elle prend également en compte une dimension souvent sous-estimée : l’inertie, par laquelle
les changements sont moins rapides et moins profonds qu’attendus. Acceptons donc, pour le principe, ce premier scénario : les SSR poursuivront leur
évolution sans à-coups, ni fractures. Les inflexions organisationnelles (autorisation, planification) et tarifaires ne provoqueront d’accidents que de façon
isolée et aucunement de manière systémique.
D’autres horizons sont à envisager. Pourquoi les SSR resteraient-ils
en-dehors des mutations du système hospitalier ?
Risquons une métaphore. Le secteur est un rocher sur lequel s’appliquent
des coups portés de façon répétitive. Selon leur durée et leur intensité il arrivera que le rocher se fissure, et même qu’il se fracture. Ceci ne s’effectuera pas
au hasard, mais suivra des lignes de fragilité qui préexistent aux coups assénés.
Il est tentant de transposer ce raisonnement aux SSR. Selon cette méthode, il
s’agit d’identifier des menaces et des lignes de fracture, qui pourraient façonner la transformation du secteur.
Il n’est pas indispensable de supposer que les coups relèvent d’une intention
ou d’un plan secret. Il n’y a pas lieu de postuler un quelconque machiavélisme
des pouvoirs publics. Car les épreuves ne sont ni ordonnées ni cohérentes
entre elles. On observe même des tendances contradictoires, par exemple
163
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
entre les positions du Ministère de la santé et celles de la Sécurité sociale. Pour
chacune de ces lignes, la fracture est un risque d’autant plus élevé qu’il existe
une alternative aux SSR.
Déclassement de l’orthopédie vers les soins de ville
Selon les statistiques, le « locomoteur » représente environ 38 % de
l’activité SSR. C’est un segment particulièrement exposé au risque. Et déjà
plusieurs coups y ont été portés. Après la publication de premiers référentiels
de la Haute Autorité de Santé, plutôt inspirés par les masseurs-kinésithérapeutes libéraux, la Sécurité sociale en recherche d’économie a décidé la mise
sous accord préalable de l’admission en SSR pour les suites de chirurgie orthopédique. Alors que cette formalité médico-administrative avait été suspendue
après la canicule, elle revient avec l’ambition de réguler (freiner) les flux de la
chirurgie orthopédique vers les SSR. Jusqu’ici la manœuvre n’a pas été féroce ;
la plupart des demandes ont été validées. Ceci n’empêche pas l’autocensure
des chirurgiens qui ont parfois renoncé à proposer cette orientation à leurs
patients.
Un second coup a été porté par l’extension de la démarche PRADO (retour
précoce à domicile) à partir d’une première expérimentation en obstétrique.
La sortie rapide de l’hôpital est proposée au patient avec un accompagnement
spécifique, pour les jeunes mères : le suivi par une sage-femme libérale, en
orthopédie par un kiné.
En février 2012, la SOFMER publie une étude intitulée « Parcours de soins
en Médecine physique et réadaptation ». Elle décrit les bonnes pratiques pour
la prise en charge des principales pathologies neurologiques (TC, AVC, blessés
médullaires) ou orthopédiques (épaule, prothèse de hanche et de genou).
Parcours de soins en MPR : le patient après prothèse totale de genou
Phase 1
sans complications
avec complications
reprise de PTG ou 2 arthroplasties en même
temps
soins ambulatoires
Hospitalisation complète
3-6 semaines
4 semaines
MK 3-4 séances /semaine
au moins 2 séances quotidiennes
Bilan MK en début
au moins 2 h/jour
Bilan MK en fin
Bilan médical MPR et paraméd
CS chirurgien
Coordination interdisciplinaire
164
Et demain ?
Phase 2
sans complications
avec complications
réadaptation effort ; projet professionnel
réadaptation effort ; projet professionnel
soins ambulatoires
Hospitalisation à temps partiel
4 semaines
3-4 semaines
MK 2-3 séances /semaine
plus de 1 type de rééducateur
Bilan MK en début
au moins 2 séances quotidiennes
Bilan MK en fin
au moins 2 h/jour
Bilan médical MPR et paramédicaux
Coordination interdisciplinaire
Clairement la prothèse de genou sans complication n’a plus sa place en
SSR, pas même en hospitalisation de jour. Ce référentiel tombe à pic. La
Sécurité sociale constate que 69 % des patients vont en SSR et calcule que
la prise en charge de cette pathologie revient à environ 4.820 € en SSR (un
peu plus dans le public et un peu moins dans le privé lucratif ) contre 860 €
en ambulatoire. C’est donc fort logiquement qu’elle se fixe pour objectif de
réduire le flux de 20 %
Cet exemple illustre la métaphore de la ligne de fracture. Des coups répétés créent un risque. À l’évidence il n’y a aucun rapport entre la démarche
de la Sécurité sociale, la Haute autorité de santé, le ministère, les sociétés
savantes... Pourtant l’ensemble des initiatives tisse une toile de fonds et précise
une tendance. Le vent de l’histoire souffle dans le sens d’une diminution de
cette activité. D’autres coups pourront survenir. Pourquoi pas une régulation
économique plutôt que médicale, en instaurant une convergence tarifaire
entre les soins de ville et les tarifs SSR ? Ou plus simplement en faisant sauter
les verrous réglementaires imposant au patient un reste à charge plus élevé en
ambulatoire qu’en hospitalisation ?
Reste à apprécier la sévérité du processus. À cet égard, il existe également
des freins. L’offre de soin libérale n’est pas toujours capable d’absorber ce
transfert d’activité. Dans le document engageant la mise sous accord préalable (MSAP), les autorités sanitaires publient une double carte figurant d’un
côté l’offre de soins SSR et de l’autre l’offre de soins en MK. A l’évidence il
existe bien des régions fortement dotées dans les deux secteurs (le sud) ; dans
d’autres régions la densité en kinés libéraux est insuffisante.
165
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Et c’est pourquoi le projet de la CNAMTS pourrait s’appliquer prioritairement dans des régions cibles et épargner temporairement d’autres où l’activité
bénéficierait d’une tolérance totale ou relative (par ex. limitée à l’hospitalisation de jour).
166
Et demain ?
SSR et desserte territoriale
Le transfert de l’activité des SSR vers l’ambulatoire est une hypothèse
plausible. Dans certains territoires une alliance existe déjà au sens où les
structures dépourvues de personnels qualifiés font appel aux libéraux. C’est
une collaboration inégale et donc fragile. Les SSR risquent d’être perdants.
Un autre scénario est gagnant/gagnant : le SSR contribue à la couverture d’un territoire en créant en son sein un centre de santé médical où
collaborent des salariés et libéraux au profit des patients hospitalisés et non
hospitalisés. Le SSR est moins dépendant ; il diversifie sa mission et devient
contributeur.
Généralisation aux patients légers
L’orthopédie constitue une activité à risque. À partir de là le processus pourrait être généralisé. Le critère d’une telle politique est l’évaluation du service
rendu. Non pas en termes de satisfaction du client ou de son entourage, mais
sur le plan médical. L’ATIH avait évoqué un temps un indicateur mesurant
l’écart entre la dépendance physique à l’entrée et à la sortie. C’est une manière
un peu brutale de traiter la question. Car le service rendu peut être différent.
Et parfois il est opportun d’offrir une chance à un patient, même si le résultat
n’est pas au rendez-vous (par exemple un traumatisé crânien grave jeune en
phase d’éveil).
Le service rendu par le séjour en SSR doit être apprécié au regard des alternatives possibles et du coût. Et c’est pourquoi une préoccupation est susceptible de se concrétiser et entrer dans le collimateur : le « patient léger ». Considérons que ces patients disposent d’alternatives contrairement aux autres. À
cet égard les politiques médicales des SSR ne sont pas toujours convaincantes
et des dispositifs comme Trajectoire font apparaître qu’il est parfois difficile de
trouver des solutions pour des patients lourds, les places étant déjà réservées
à d’autres.
167
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Les cas légers : situation de la France Comté
En Franche-Comté, un tableau retraçant l’activité des SSR a été publié
dans le cadre des travaux préparatoires à la révision du SROS 3. Les
données (% de patients avec dépendance > 12) a fait l’objet de la traduction graphique ci-après.
Certains CRF et soins de suite ont un % de patients fortement dépendants anormalement réduit. Il peut s’agit d’un CRF privilégiant l’orthopédie (établissement public) ou d’ex-hopitaux locaux qui ne disposent ni de
médecins permanents, ni professionnels de rééducation. La conséquence
est l’insuffisance des places pour les patients les plus lourds et à la prise en
charge complexe.
 : ex-crf ;  : ex-soins de suite ;  : centre de cardio-pneumologie
En ordonnée % de patients avec dépendance physique > 12,
en abscisse rang du SSR dans la liste
La situation de la Franche Comté n’est pas isolée. La région voisine, l’Alsace, a ajouté dans son SROSS révisé que les SSR devaient être en mesure de
dispenser au moins deux séances de 20 minutes de rééducation par patient
par semaine. S’il a fallu préciser ce minimum, c’est probablement parce que
certaines structures étaient en-dessous.
L’on voit se dessiner un profil d’établissement particulier qui ne dispose pas
toujours d’une équipe médicale permanente, ni de professionnels de rééduca168
Et demain ?
tion et qui s’adapte en accueillant des patients légers qui n’ont de besoins ni
sur le plan médical, ni sur le plan de la rééducation, ni même du nursing. Avec
quel service rendu ?
Cette analyse permet de cerner la problématique, préciser la notion de
« patient léger » et d’en donner une définition selon les critères du PMSI :
• dépendance physique faible ;
• dépendance cognitive faible ;
• temps de rééducation faible ;
• niveau de sévérité 1 ;
• …
Toutes les structures ont probablement de tels patients. Il peut s’agir de
patients en fin de séjour rencontrant un aléa motivant de différer sa sortie. Ce
n’est pas le problème. La question devient sensible dès lors que la proportion
de ces patients (ou de journées) dépasse un certain seuil révélant qu’il s’agit
d’une politique. C’est cela qui est menacé.
Que faut-il conclure de cette prévision ? Deux options sont possibles :
1. le risque de lits vides et donc la réduction du format général des SSR ;
2. la réorientation des lits libérés vers d’autres patients où le service rendu
est supérieur, et surtout qui n’ont pas d’alternative.
Priorité au domicile
Depuis le milieu du XXème siècle, le système hospitalier est sur la ligne
d’une réduction de la composante d’hébergement. Elle s’effectue par paliers,
mais de façon continue. Ce n’est plus la mission de l’hôpital. Au surplus le
séjour hospitalier est décrit comme comportant des risques, notamment d’infection nosocomiale. À éviter.
Cette évolution gagnera-t-elle les SSR ? Jusqu’à récemment, les lits libérés
par la fermeture d’activités de court séjour (chirurgie, maternité) notamment
publiques étaient volontiers reconvertis en lits SSR. Dans le même temps, la
part dévolue à l’OQN au sein de l’ONDAM progressait en raison de la création de lits, voire d’établissements ex-nihilo. Bref, il y a peu encore, le volume
national des activités SSR augmentait régulièrement. Mais tout cela connaît
désormais un coup d’arrêt. L’armement SSR est à son apogée. À l’instar du
champ MCO le nombre de lits d’hospitalisation complète engage sa décrue.
La question n’est pas de savoir quand, mais avec quelle intensité cette décrue
sera réalisée.
169
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
L’HAD, une alternative aux SSR ?
Une étude publiée par l’IRDES en 2008 a comparé la prise en charge en
HAD et SSR, pour des patients ayant le même profil médical et présentant
une forte homogénéité, à partir des données collectées en 2005 et 2006.
Tout en soulignant des problèmes méthodologiques, elle conclut à des
coûts de fonctionnement plus faibles en HAD, avec une différence particulièrement marquée chez les personnes âgées dépendantes (coût journalier,
pour une activité de même type, de 262 € en SSR contre 169 € en HAD),
soit un différentiel de 40 %. (cour des comptes, septembre 2012).
Référence :
• Anissa Afrite, Laure Com-Ruelle, Zeynep Or, Thomas Renaud : Soins de réhabilitation et d’accompagnement : une analyse comparative des coûts d’hospitalisation
à domicile et en établissement, 2008, IRDES, 172p.
Les personnes âgées
SSR par tranches d’âge
Séjours HC
<18 ans
Entre 18 et 75
ans
>75 ans
Total
%HC
Journées HC
Part ensemble
37 376
50,1 %
1 034 644
3.2 %
485 656
73.2 %
14 636 093
46.0 %
515 683
94.6 %
16 176 283
50.8 %
1 038 715
81.1 %
31 847 020
Sources ATIH, données 2010
100 %
Les personnes âgées génèrent déjà la moitié de l’activité SSR.
L’étude du Centre d’analyse stratégique (2011), organisme rattaché au
Premier Ministre, dresse un constat préoccupant de l’ensemble de la situation
démographique à venir, et pas seulement sur le plan hospitalier :
• progression des besoins d’aide et de soins avec le vieillissement de la
population ;
• diminution des ressources disponibles, non seulement du fait de la
crise, mais encore par réduction de la population active ;
• diminution des aidants familiaux comme effet de l’évolution des
modes de vie et de la recomposition familiale.
Fort de cette prospective, les auteurs usent d’une terminologie inquiétante : la notion de « care deficit », qui renvoie à la conjonction de deux
phénomènes : une demande croissante d’aide de la part d’une population
vieillissante et une offre de services - institutionnels et informels - en berne.
170
Et demain ?
Le rapport de l’ATIH laisse entrevoir la même réalité : forte progression
de la consommation de soins par les personnes âgées de plus de 80 ans, dans
un contexte de limitation des moyens. Bref cela coûte trop cher. Et le rapport
ajoute que 37,2 % des lits SSR sont occupés par des personnes de 80 ans ou
plus.
Faut-il en déduire que les personnes âgées n’ont plus droit à l’hospitalisation ou que les soins seront rationnés ? Ils seront rationalisés. La distinction
entre soins et hébergement peut facilement se concevoir. En effet les personnes
âgées au fur et à mesure que les effets de l’âge et des maladies chroniques se
répercutent sur l’état de santé sont déjà largement insérées dans un système
de soins : aide à domicile, médecine libérale, soins infirmiers à domicile, etc.
Quand il ne s’agit pas d’un EHPAD assurant toutes ces fonctions dans un lieu
unique. Quel intérêt y a-t-il alors à déplacer la personne âgée pour assurer à
l’hôpital ou en SSR des prestations comparables ? Si la question se limite à des
prestations de nature complémentaire ou d’intensité supérieure, la réponse
peut être inversée : muscler temporairement les soins à domicile ou dans les
établissements médico-sociaux au lieu de déplacer le bénéficiaire.
Le Dr Jean-Pierre Aquino, 2013 définit des ambitions pour la gérontologie : « prévoir l’incidence des maladies invalidantes grâce à l’épidémiologie
- prévenir des situations pathogènes en dépistant les facteurs de risque - réhabiliter la perte d’autonomie – compenser toutes les incapacités sur les plans
technique, humain et financier – évaluer les actes engagés en termes d’efficacité pour s’assurer de la bonne utilisation des financements alloués. »
Il est utile de s’interroger sur l’articulation entre ces deux domaines : la
gérontologie et la gériatrie. Ne peut-on pas entendre que la gérontologie
(médico-social et ville) vise à monter de niveau pour faire face à la progression des besoins ? La question devient stratégique. La gérontologie a-t-elle
seulement des attentes à l’égard des SSR gériatriques ? Et ces derniers ont-ils
pris connaissance du risque de se faire doubler par les premiers par le simple
mécanisme des vases communicants ? Revient au premier plan l’interrogation
sur la valeur ajoutée par l’hospitalisation en SSR gériatrique. Une partie de la
réponse concerne les bilans, et l’autre partie est contenue dans les missions des
SSR telles que définies par les textes de 2008 : soins médicaux, rééducation,
réadaptation, éducation thérapeutique… Tous les SSR actuels ne sont pas à la
hauteur de cette définition.
Pour terminer avec les personnes âgées, il convient encore de noter que
l’hospitalisation de jour spécialisée est peu répandue. La plupart des acteurs
peinent à concevoir une telle activité. Pourtant les activités de bilan (cognitif,
moteur) et l’éducation thérapeutique pourraient s’y prêter (atelier équilibre,
maladies chroniques), tout comme des activités de rééducation. À cet égard, le
point faible est toujours l’articulation avec la prestation du domicile et surtout
le déplacement du patient : fiabilité du transporteur, planning des soins…
171
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Au vu de ces quelques éléments l’on retiendra le risque de contraction du
volume dédié aux personnes âgées n’est pas à écarter. Cela se traduirait par une
baisse globale de l’ensemble des SSR.
Quel profil des PA en SSR gériatrique ?
Une hypothèse commence à percer. Les personnes âgées prises en charge
à domicile ou en institution bénéficient d’un niveau de soins antérieurement à une hospitalisation en MCO, qui peut être renforcée en cas de
nécessité. Ces dispositions sont relativement efficientes pour accompagner
une évolution progressive de la dépendance.
Les SSR gériatriques s’adressent à un autre scénario : la variation brutale
d’une personne qui n’est pas insérée dans un réseau de prise en charge. Par
exemple une brusque et forte dépendance ou une variation moins forte
dans un contexte social qui a lui-même évolué (perte/maladie du conjoint).
Le transfert en SSR répond au besoin de se donner du temps pour organiser le parcours ou l’admission en institution. Autrement dit, les difficultés de sortie des SSR sont déjà inscrites dans les motivations d’admission.
Et au surplus, la motivation première n’est pas tant de délivrer des soins,
que d’organiser la sortie. Si cette hypothèse était exacte, l’amélioration du
parcours gérontologique aurait pour conséquence de siphonner l’activité
des SSR gériatriques.
Le SSR gériatrique : vraie ou fausse spécialité ?
La prospective invite à réfléchir en posant des questions inconvenantes,
mais stratégiques. La spécialité gériatrique (prise en charge des affections
des personnes âgées polypathologiques dépendantes ou à risque de dépendance) est-elle une spécialisation réelle ou un avatar factice et temporaire ?
• Quel service rendu par ces structures si tous les SSR accueilleront
des personnes âgées ?
• Quelle est la plus-value apportée par les SSR spécialisés en gériatrie ?
• Quels sont les marqueurs de cette spécialité en termes d’actes
(CSARR, CCAM) ?
Réduction de la mission d’hébergement
Cette évolution n’est pas une régression. Elle est une mutation. Tout
d’abord pour être acceptable – même en temps de crise - l’évolution suppose
le développement des soins au domicile. Une partie des gains obtenus sur la
172
Et demain ?
réduction des capacités en SSR pourra être redéployée pour renforcer les prestations apportées à domicile, voire dans les établissements médico-sociaux.
Une autre partie pourra être laissée à certains SSR pour renforcer leur plateau
technique et monter en gamme. Le reste sera sujet à évaporation. Une économie.
Sur cette ligne d’évolution, deux nouveautés (relatives) sont à discerner.
1. Plateaux techniques et équipes mobiles : certaines interventions
nécessitent un plateau technique, des équipements et des compétences ; dans les établissements ainsi dotés seront pratiqués des actes
thérapeutiques et des explorations fonctionnelles spécialisées. D’autres
nécessitent peu de matériel et peuvent s’envisager « hors les murs »
de l’hôpital SSR. Dans un avenir proche interviendra la montée de
la composante plateau technique au détriment de la composante
« hébergement » ; dans un second temps se produira un partage entre
les prises en charge nécessitant que le patient soit sur place de façon
permanente (hospitalisation) ou partielle et les activités pouvant être
déplacées au domicile, comme cela se fait déjà pour les équipes d’évaluation, les soins palliatifs ou la gériatrie. Tout cela permettra une
sensible baisse des lits SSR - ce qui n’équivaut pas à une diminution
du rôle de ces structures.
2. Des hôtels SSR ? L’hébergement en SSR ne coûte pas vraiment moins
cher que celui en EHPAD ou à l’hôtel ; si l’on ajoute aux 18 € du
forfait journalier, les 30 ou 40 € de chambres particulières, les ordres
de grandeur sont proches. La différence est que l’hébergement en SSR
est pris en charge par les mutuelles, alors que les usagers règlent euxmêmes les frais dans les structures médico-sociales. Jusqu’à quand ?
Tôt ou tard se posera la question des alternatives : soins ambulatoires
et à domicile structures de répit en EHPAD, hôtels à proximité des
SSR…
173
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Les hôtels : une utopie ?
La notion d’hôtel renvoie trop fortement au modèle américain pour
être perçue comme valable. Notons que des pays à bas coût appliquent déjà
ce principe pour des activités telles que la chirurgie esthétique et réussissent
à attirer les clients français. Cette ligne peut encore être définie autrement :
c’est le mécanisme pratiqué dans le thermalisme : un paiement forfaire
pour les soins, parfois quelques aides pour l’hébergement. La transposition
à certains segments comme l’orthopédie redonne le choix à l’usager, mais
avec un reste à charge plus élevé. Tout dépendra donc de la position du
financeur.
En France plusieurs expérimentations vont dans ce sens. En cancérologie, l’IGR à Villejuif s’est associé avec un hôtel de la chaîne Campanile
implanté sur le même site pour l’hébergement de patients bénéficiant de
chirurgie ambulatoire et habitant trop loin. L’hôtel-Dieu à Paris propose
un service similaire dénommé « hospitel » mais géré directement par l’hôpital. En SSR, le centre Perharidy de Roscoff propose une trentaine de places
pour les patients admis en hospitalisation de jour à un tarif défiant toute
concurrence : 14 € pour la nuit avec le petit déjeuner et un repas.
Une alternative : les maisons médicales
Si les soins de ville sont une alternative pour certaines pathologies, par
exemple l’orthopédie, il n’est pas impossible que le secteur libéral s’organise
mieux. Par exemple en regroupant dans une maison médicale, à côté des
généralistes et des infirmières, un médecin rééducateur avec une équipe
de kinés et un plateau technique comprenant par exemple une (petite)
balnéothérapie.
Hormis l’hébergement, quelle différence avec l’hôpital de jour SSR ? Le
niveau du service rendu et la sécurité médicale peuvent valablement rivaliser. Et si l’on ajoute, sur le modèle du thermalisme la dimension d’hébergement à proximité… la comparaison avec l’hospitalisation devient soutenable. Et moins chère.
SSR dans les murs et hors les murs
Reste à définir quels établissements survivront et quelles missions leur
seront dévolues. La mutation mettra en première ligne les structures disposant
d’un important plateau technique. Celui-ci est entendu comme des installations et des équipements, mais également par l’agrégation de compétences
médicales et paramédicales variées. Le service rendu se mesure ici en termes
d’actes médicaux (CCAM), de bilans pluridisciplinaires, de prises en charge
174
Et demain ?
de patients complexes, etc. Il s’agira des ex-CRF disposant de mentions telles
que neurologie, locomoteur, cardiologie, brûlés… et éventuellement quelques
établissements de gériatrie. Une autre classe sera constituée par les établissements recevant des patients lourds/complexes sans alternatives : trachéotomisés, sous assistance respiratoire, relevant de l’onco-hématologie etc.
Outre la fonction traditionnelle des soins avec/sans hébergement, ces
établissements auront un rôle de pilotage et de coordination. En apportant
des prestations « hors les murs » par l’intermédiaire des équipes mobiles, ces
structures renforcées quant à leur plateau technique, pourraient jouer un rôle
déterminant dans l’organisation des parcours de soins sur un territoire donné.
Ce rôle qui sera d’abord d’appui et de conseil en suite d’une hospitalisation
peut également déborder vers la prévention d’hospitalisations futures et l’organisation et la coordination des intervenants autour du lieu de vie.
Mais il n’est pas acquis que cette fonction soit dévolue aux SSR. D’une part
parce que les SSR sont provisoirement frileux à l’idée de sortir de leurs murs et
préfèrent attendre que l’avenir se précise sans bouger ni évoluer. D’autre part
parce que des appétits peuvent exister ailleurs, de là le danger réel que les SSR
soient pris de vitesse et voient cette mission leur échapper.
Résumons :
• La réduction de la mission d’hébergement se répercutera par la fermeture de lits.
• La réduction de format se fera au détriment 1°) des patients légers
sans grande rééducation ou avec une rééducation simple (orthopédie) : réorientation vers les soins de ville et 2°) des patients lourds
sans grande rééducation : réorientation vers le domicile ou le médicosocial.
• Le plateau technique deviendra la composante principale : installations, équipements, compétences médicales et paramédicales.
• La prestation technique sera apportée à des patients en soins résidentiels, en accueil de jour et non hospitalisés.
• Développement des missions hors les murs : prestations de rééducation, d’appui et de coordination/pilotage des parcours et des intervenants.
Références sur le vieillissement de la population
• Virginie Gimbert et Guillaume Malochet « Les défis de l’accompagnement du grand
âge », Centre d’analyse stratégique, 2011.
• « Vieillissement de la population et évolution de l’activité hospitalière 2007-2010.
Focus sur le prise en charge des 80 ans et plus » ATIH.
• Comité « avancée en âge » : Rapport Broussy, 2013 ; Rapport Pinville, 2013 ; Rapport
Aquino, 2013 : « anticiper pour une autonomie préservée ».
175
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
La pression économique
La pression économique constitue une menace sérieuse. L’accroissement
de l’ONDAM plusieurs points au-delà de la progression du PIB ne saurait être
un processus pérenne. La crise économique ne permettra pas indéfiniment
que soit consenti un effort aussi important pour préserver le système de santé.
Il n’est plus dans l’air du temps d’imaginer une progression de l’offre de soins
en raison de l’accroissement des besoins. En MCO la régulation dite prix /
volume fait baisser le tarif des séjours au fur et à mesure que leur nombre
augmente ; le développement de la chirurgie ambulatoire a (aussi) pour objectif de réaliser d’importantes économies. Jusqu’ici les SSR ont été épargnés.
Mais depuis peu l’allocation budgétaire évolue moins vite que les charges,
y compris de personnel, ce qui place au premier plan des préoccupations :
l’amélioration de la productivité et l’optimisation des achats.
La décroissance des SSR
La baisse des financements appelle des mesures. Dans un premier temps,
il s’agit d’exploiter les marges encore disponibles. Dans le domaine de l’optimisation des charges, les SSR sont largement en retard. La notion d’économie se concentre sur certains achats (les photocopieurs, les médicaments,
les couches…) où les gains sont sans doute appréciables, mais ne permettent
même pas de financer un poste d’acheteur. À noter l’apparition d’un nouveau
type de consultants : les « costkillers ». D’aucuns se font fort d’obtenir des
économies dans les contrats d’approvisionnement, de service ou d’achat :
le gaz, les photocopieurs… D’autres - moyennant une forte commission proposent d’optimiser des secteurs d’activité et réduire très significativement
l’effectif des personnels qui y sont employés. Par ailleurs, les recettes atténuatives pourront elles-aussi être optimisées. Parfois, le supplément pour
chambres particulières n’a pas encore été mis en place. Des services gratuits
(télévisions) pourront devenir payants.
Toutes ces mesures contribueront à réduire l’impasse budgétaire. Ensuite,
les établissements devront composer avec la diminution de leur pouvoir
d’achat, engager des arbitrages douloureux et accepter la réduction de leur
train de vie. Tôt ou tard, il leur faudra s’attaquer aux composantes sanctuarisées : le personnel et les charges du titre 4.
Les charges fixes
La séquence « Hôpital 2007 » a engagé une vaste modernisation immobilière. Cela était sans doute nécessaire. La période suivante, « Hôpital 2012 », a
176
Et demain ?
déjà été plus difficile et marquée par la disette financière. Un certain nombre
d’établissements publics y compris SSR se sont engagés dans l’aventure des
BEH, parfois poussés par leur ARH, l’autorité de l’époque, qui n’avait pas la
capacité de faire mieux.
BEH : une solution à risque
Extrait du rapport de la chambre régionale des comptes (2012)
« La reconstruction du centre de soins, achevée en juillet 2008, a fait
l’objet d’un bail emphytéotique hospitalier (BEH) d’une durée de 30 ans et
l’établissement dispose désormais de locaux neufs et adaptés pour accueillir
et soigner ses patients dans de bonnes conditions.
Le choix de la procédure, quelques semaines seulement après la publication de l’ordonnance du 4 septembre 2003 portant simplification de
l’organisation et du fonctionnement du système de santé, qui a créé le
BEH, a été dicté principalement par l’incapacité financière de l’établissement à porter ces travaux à l’aide d’une procédure classique de marché
public et d’un emprunt. Le centre était le premier établissement de santé de
la région à s’engager dans cette procédure totalement nouvelle, et celle-ci
a souffert de quelques lacunes. L’évaluation préalable, obligatoire, n’a pas
établi la complexité, l’urgence du projet et les avantages d’une procédure
de BEH par rapport à une procédure usuelle de marché public. Elle a été
produite tardivement et n’a pas permis d’appréhender dès le départ l’incidence financière qu’aurait un tel contrat.
La situation financière et la fiabilité des comptes du centre de soins
apparaissent saines. Toutefois, il ne pourrait faire face à ses charges de fonctionnement, dont le paiement des loyers de son BEH, sans le concours
financier de l’agence régionale de santé de Franche-Comté (ARS) et sans
un supplément forfaitaire pour chambre individuelle de 30 € par jour, à la
charge des patients.
Ces deux points méritent une vigilance particulière dans la mesure où
les aides de l’ARS, d’un montant de 1,29 M€ par an, prendront fin en 2028.
L’établissement sera alors confronté à des loyers plus élevés qu’aujourd’hui,
car actualisés annuellement et à la nécessité de trouver des ressources en
remplacement de celles versées par l’ARS.
L’application d’un forfait pour chambre individuelle de 30 € par jour,
dans un établissement dont la plupart des chambres sont individuelles,
pose quant à lui la question de l’accès aux soins de suite et de réadaptation
pour les patients qui ne disposent pas de mutuelle complémentaire adaptée
ou des moyens financiers propres leur permettant de régler ce forfait. »
Pour tous ceux qui ont profité de la période pour mener à bien des opérations immobilières d’envergure, les frais de structure sont le reflet de leur
177
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
dynamisme passé. Particulièrement pour ceux qui ont su contractualiser
des aides, la question du maintien dans le temps de ces rallonges se posera.
Et ils découvrent déjà que les engagements à long terme pris par les ARH
ne résistent pas à la crise, faute de conservation par les ARS des marges de
manœuvre antérieures. Le maintien des aides devient tout simplement hors
de portée du nouveau financeur.
La question de l’adaptation de ces établissements est entière. S’y ajoute
celle des charges de logistique générale, qui n’ont pas non plus été systématiquement maîtrisées, particulièrement dans les établissements publics. Il
s’ensuit que les frais de structure et de logistique absorbent une partie déraisonnable des budgets, et de ce fait pénalisent la capacité à consacrer aux soins
des moyens suffisants. Jusqu’ici l’effet s’est limité à renchérir le coût de revient
des journées SSR. Mais à partir d’un certain seuil ce processus de construction
budgétaire devient incertain.
La misère généralisée ?
Dans un premier temps les établissements s’adapteront tant bien que mal.
Toutes les marges seront mises à contribution, la sur-qualité traquée, puis les
remplacements du personnel limités, les achats réduits et les investissements
différés. Toutes ces mesures seraient valables pour passer un cap. Elles sont
insuffisantes, voire suicidaires, pour s’adapter à une contraction budgétaire
durable et sévère.
Dans un second temps, la contrainte financière persistante produira la
dégradation de la qualité : dégradation de la qualité de la prise en charge,
dégradation de la qualité de la vie au travail, dégradation du niveau de la prise
en charge et de la sécurité. La crise produira un recul.
Le troisième temps sera l’heure de vérité. Le risque est que les SSR
engagent une lutte fratricide pour assurer leur survie : concurrence pour
capter les patients ou les professionnels. Dans une conception darwinienne
du système de santé, les plus faibles disparaîtront. Des établissements privés,
lucratifs ou non, seront acculés à la faillite. Dans le contexte envisagé, il est
peu probable que des repreneurs se manifesteront, les SSR lucratifs ayant
perdu leur rentabilité. Quelques établissements non lucratifs ou publics
seront renfloués par des enveloppes ministérielles… avant que ces crédits ne
s’avèrent sous-dimensionnés par rapport aux besoins. Quant aux établissements publics dont on considère aujourd’hui qu’ils ne peuvent pas mourir,
rien n’indique avec certitude qu’ils survivront. Parfois issus de la fermeture
d’hôpitaux MCO, ces structures SSR ne pourront pas non plus se transformer toujours en EHPAD, car la contraction budgétaire touchera également
le domaine médico-social. Faute d’issue, si l’évolution arrive à ce stade, il faut
178
Et demain ?
envisager le plus improbable, la sortie de la fonction publique : l’abandon du
statut des personnels, la fermeture sans reconversion et des plans sociaux secs.
La réforme du financement
Le modèle cible de la T2A SSR comporte des aspects incompatibles avec
l’assèchement des finances publiques. Il est d’essence inflationniste. Avec une
unité d’œuvre à la journée, chacun est en capacité de tirer sur la ficelle et
d’accroître ses ressources en augmentant son activité. Sauf ceux qui ont déjà
exploité ce filon jusqu’au bout. Tout incite à croire que les pouvoirs publics ne
mettront pas en place un mécanisme de financement qui échapperait à leur
contrôle. Il faut donc supposer une inflexion significative.
Plusieurs voies sont possibles :
• Arrimer l’activité à la planification ; les objectifs d’activités abrogés
sont susceptibles de revenir en jeu, d’abord au niveau régional, puis
par contractualisation avec les établissements ; autrement dit, l’activité
pourrait être plafonnée.
• L’application de tarifs dégressifs en cas de dépassement des objectifs
sont une voie offerte pour maîtriser le volume économique des SSR,
avant d’aboutir à un plafonnement pur et simple des recettes susceptibles d’être captées – plafond au-delà duquel il n’y a plus de recettes
supplémentaires du tout.
• Il n’est pas impossible que des éléments comme les coûts fixes soient
l’objet eux-mêmes d’une contractualisation, tout comme les plateaux
techniques et les MIG, voire les DM et MO. Le même processus peut
s’étendre à des compétences particulières comme l’effectif médical. Au
final, il ne restera qu’un compartiment « activité » réduit.
• Des évolutions plus profondes comme le financement (des enveloppes
ARS ?) à la capitation ou le financement forfaitaire des parcours de
soins, voire le financement à la performance sont concevables. Ils
remettent en cause le principe même du modèle cible envisagé (dit à
quatre compartiments).
La contrainte économique n’affecte pas seulement le niveau des budgets
alloués ; elle impliquera la transformation des modalités de l’allocation de
ressources. Et c’est pourquoi les autres questions doivent aussi être posées.
Dans un tel contexte, est-il opportun de maintenir des mécanismes multiples
ou ne convient-il pas de tout remettre à plat ? Par exemple l’écart existant entre
les établissements publics (secteur DAF) et privés lucratifs (OQN). Le financement protecteur des SSR publics correspond-il à un surcoût défendable ?
Quelle est la nature du « service public » rendu par les SSR hospitaliers ? Ou
ne doit-on pas penser que lorsque la crise se prolongera, l’on risque de s’orien-
179
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
ter vers un alignement forfaitaire sur le moins disant ? Éventuellement avec
une modulation pour tenir compte des niveaux de qualité.
Le coût social
La pression économique durable aura des conséquences sur le personnel.
Depuis plusieurs années l’évolution des salaires ne suit plus celui du coût de la
vie. Le blocage ne touche encore que la valeur du point alors que l’ancienneté
continue sa progression. Mais déjà l’érosion du pouvoir d’achat est réelle.
Un second aspect est la contraction des effectifs. Les budgets de remplacement seront les premiers touchés - une fréquente variable d’ajustement. Puis
sera différé le remplacement des départs : retraites, démissions. Enfin certains
départs ne seront plus remplacés du tout. Au total l’effectif se réduira, dans le
but de contenir la masse salariale.
Le climat social souffrira de ces évolutions défavorables pesant sur les
conditions de travail. Mais dans le contexte social général (la persistance de
la crise et le chômage endémique), les salariés des structures hospitalières
devront s’estimer bien lotis comparativement aux retraités, chômeurs, salariés
de l’industrie ou du commerce.
Une troisième conséquence possible sera de revenir sur les avantages
acquis. Les conventions collectives en comportent encore de nombreux. Laissons la récupération des jours fériés qui est anecdotique, pour souligner deux
régressions majeures : la progression à l’ancienneté et la durée hebdomadaire
du travail (35 heures).
***
Ces évolutions ne sont pas certaines. Il existe des paliers où le processus
pourra s’arrêter, temporairement ou durablement ; et il y a même des points
de bifurcation. Rien n’oblige à penser que la crise durera encore plus d’une
décennie. La croissance peut revenir. À vue humaine cela n’est pas assuré.
Ces hypothèses correspondent à une option issue de l’observation rétrospective : la répartition de la misère sur tous. C’est la leçon du passé. D’autres
scénarios sont concevables. Ainsi lorsque des établissements seront poussés à la
faillite et à la fermeture, les pouvoirs publics récupéreront des moyens budgétaires inemployés. Ils pourront alors les réallouer à d’autres, qu’ils choisiront
de consolider. Peut-être que la disparition des établissements privés profitera
aux établissements publics, qui seuls survivront. Mais ce n’est qu’une hypothèse. On peut également imaginer que des catégories particulières d’établissement disparaîtront et que d’autres seront consolidées en fonction du positionnement de leur projet médical. Tout dépendra des choix politiques.
180
Et demain ?
La robotisation
Les robots ne sont plus du domaine de la science-fiction. Ils ne sont pas
non plus réservés aux Japonais et à l’industrie automobile. Dès à présent
des processus logistiques ont été automatisés : la lingerie, la pharmacie, plus
récemment la cuisine (mis en place des barquettes).
Des robots existent déjà, qui assurent des tâches ménagères simples. Un
premier pas sera rapidement franchi vers des tâches de logistique et de service :
nettoyage des couloirs, des chambres, service des repas, desserte... Rien n’empêchera d’y adjoindre des tâches réservées aux soins : distribution des médicaments, prise des constantes, en attendant plus : les prises en sang, par exemple.
PIPAME, séminaire du 14 juin 2012.
S’agit-il d’une dépersonnalisation ? Cela n’est pas sûr. Des expériences
déjà anciennes ont montré qu’une intelligence artificielle pouvait rivaliser en
conversation avec des humains. Et ceci sans compter qu’un robot - sauf en
science-fiction - est toujours d’humeur égale, d’une infinie patience et d’une
exquise courtoisie. Avec un robot, la bientraitance n’est plus un sujet. La frontière entre automatisation et robotisation est mince. De nombreuses sociétés, et quelques spécialistes en médecine physique, travaillent sur des robots
de toute nature. Certains concerneront le domicile, l’handicap, le grand âge,
voire les établissements de soins. Ce sont les « robots de service.» 181
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Des robots précurseurs
Le petit Hovis Genie, un robot sur roulettes de 40 centimètres, possède
simplement des bras articulés et deux caméras à la place des yeux. Il est
notamment destiné aux personnes âgées. Hovis peut assurer le réveil de son
maître, lui rappeler de prendre ses cachets, ou encore lui relever sa tension,
et même appeler une personne de confiance si les données médicales sont
anormales (prix 1.500 € en 2013).
Nao, robot français conçu par la société Aldebaran, a rencontré un
succès de curiosité auprès des chercheurs. Trop petit et coûtant 12.000 €
il ne réalise encore aucune aide concrète, pas même ouvrir une porte ou
apporter un verre d’eau.
Son grand frère Roméo mesurera 1,43m et devra non seulement savoir
monter un escalier, ouvrir une porte, prendre un verre, mais aussi retirer un
plat du four sans gants !
Le cahier des charges définissant la mission d’un robot de service est établi :
« Un robot de service est un robot en, interaction avec l’humain et/ou l’environnement. Il s’agit d’un système complexe évoluant avec d’autres systèmes
complexes et dynamiques. En plus de l’action principale pour laquelle il est
conçu, le robot de service est également doté de caractéristiques supplémentaires lui permettant d’élargir son champ d’action. Ces caractéristiques sont
par exemple :
• la capacité de décision, d’adaptation : le robot perçoit des changements et modifie en conséquence son action ;
• la capacité de déplacement voire de repérage : le robot se déplace
suivant une trajectoire définie ou qu’il calcule lui-même à partir d’éléments de repérage, le robot sait se situer et aller jusqu’à un point particulier ;
• la capacité d’autonomie : le robot réalise seul sa tâche, dans le respect
de certaines règles ;
• l’inoffensivité (dans tous les cas) : le robot ne doit être dangereux ni
pour l’homme ni pour l’environnement. »
(Midi-Pyrénnées Innovation, 2012)
Si, comme évoqué ci-dessus, la sortie des SSR d’un certain nombre de
patients notamment âgés devenait une réalité, le service robotisé à domicile
offrirait une qualité de service et une sécurité accrue, car disponible en permanence. La même prestation peut intéresser l’hôpital, de même que le médicosocial. Tout dépend de la qualité de la prestation délivrée et de son coût. Les
sciences humaines ont démontré à de multiples reprises que le contact avec
une personnes n’était pas systématiquement plus favorable que celui avec un
dispositif substitutif.
182
Et demain ?
L’extension des compétence des robots concerna également les domaines
de la rééductaion ; d’abord l’ensemble des processus répétitifs dans le domaine
moteur, phonatoire, de la stimulation des fonctions cognitive, etc. Puis des
fonctions plus évoluées pourront être automatisées ; par exemple certains
bilans . S’appuyant sur un protocole standardisé et servi par l’intelligence artificielle, les bilans psychologiques, neurologiques, moteurs ou cognitifs seront
réalisables sans intervention humaine.
Une autre application de la robotique concerne les exosquelettes et l’aide
susceptible d’être apportée à la rééducation (kiné).
Tout cela pourrait avoir un impact significatif sur les missions et la structure du personnel de rééducation, aussi bien en centre qu’en libéral ou à domicile. Pour l’heure ces techniques restent à mettre au point.
Mise en perspective
Le schéma ci-après propose une vue d’ensemble des risques prospectifs.
Tout cela est possible, mais pas certain. L’ampleur reste également difficile à
apprécier.
Le changement peut également venir de facteurs positifs pour la population. Rappelons l’impact dévastateur des antibiotiques sur les structures
dédiées à la tuberculose : sanatoriums, dispensaires… Des médicaments sont
désormais disponibles pour traiter le « craving » des alcooliques ; ils vont
probablement être perfectionnés. Quel est l’avenir de la vingtaine de structures spécialisées en addictologie si ces médications gagnent en efficacité ?
Il pourrait en être de même pour les pathologies neurologiques évolutives :
maladie de Parkinson, ou sclérose en plaques. En cardiologie, l’évolution des
traitements de l’infarctus (glissement du chirurgical vers le médical) n’impose
désormais plus nécessairement l’hospitalisation pour convalescence et rééducation, parfois dans d’anciens sanatoriums reconvertis.
183
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Les changements ne viennent pas toujours comme attendus. Il y a quelques
années, le réajustement de la politique de sécurité routière a fortement diminué le nombre d’accidents graves. Qui peut regretter cet effet bénéfique
pour la population ? Ce faisant a été porté un coup à la filière des blessés
médullaires. Dans certaines régions les files actives se sont réduites au point de
compromettre la pérennité d’équipes spécialisées.
Évolution de la demande ?
Le maintien de la demande n’est pas non plus acquis.
Alors qu’à une époque, les usagers ne rechignaient pas à s’éloigner pour
bénéficier des meilleurs soins dans un environnement ensoleillé, à la montagne
ou bordure de mer, aujourd’hui l’on recherche la proximité. Y compris en SSR
dont quelques-uns ont dû se relocaliser. Et demain ?
Les variations du reste à charge favorisent aujourd’hui l’orientation en
SSR. Parfois les familles souhaitent profiter le plus longtemps possible de la
gratuité des SSR et retardent la sortie de leur parent en EHPAD. Les soins de
ville également sont moins bien pris en charge. L’usager a intérêt à choisir les
soins en milieu hospitalier. Tout cela peut évoluer. Et la demande s’infléchir.
Rien ne permet d’affirmer que les patients ne préféreront pas un jour rester à
domicile si les soins apportés sont suffisants et d’un coût accessible. La montée
de niveau des prestations à domicile associée à un meilleur remboursement
184
Et demain ?
(ou un plus fort reste à charge en cas d’hospitalisation) pourrait déplacer la
demande et se répercuter défavorablement sur les SSR.
Les risques selon les filières
Filière
Perte
Locomoteur
Orthopédie vers soins de ville Amputés
Polytraumatisés
Neurologie
Patients légers
Transfert en HJ
Les états végétatifs ?
Consolidation
Patients lourds : TC, blessés
médullaires, AVC jeunes ou
avec potentiel de récupération…
Cardiologie
Baisse de volume (moins Transplantés cardiaques …
d’opérés) ; insuffisance
cardiaque absorbée par gériatrie, sauf rééducation ambulatoire
Pneumologie
Manque de pneumologues + ?
absorption par la gériatrie
Nutrition
Obésité ?
Cancérologie
Orientation vers la ville
Onco-hématologie
Addicto
?
?
Gériatrie
Orientation vers gérontolo- ?
gie
Autres
Grands brûlés
185
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
Trois scénarios pour le futur des SSR
Scénario 1 : les SSR se musclent à l’intérieur d’une enveloppe stable
• Sortie des patients légers
• Réduction modérée du nombre de lits
• Progression du secteur SSR gériatrique
• Progression des alternatives
• Montée de niveau du PT
Scénario 2 : réduction – mutation
• Forte suppression du nombre de lits
• Sortie des patients légers, des personnes âgées,
• Fort développement du plateau technique et des équipes mobiles
• Persistance des ex-CRF avec format réduit et important HJ
• Hôtels ?
Scénario 3 : fin des SSR
• Disparition de la notion de moyen séjour dans le cadre d’une refonte
complète des catégories de l’hospitalisation avec survie d’une partie
des ex-SSR spécialisés sous une forme particulière ;
• Une typologie pourra comprendre une partie de l’activité MCO
technique et aïgue (par. ex. cardiologie de pointe, chirurgie traumatologique, obstétrique, …) à côté d’un nouveau secteur : gériatrie,
maladies chroniques (y compris cardiologie), handicap…
• Avec une dérivation forte vers l’extérieur : Equipe mobile, coordination des parcours de soins,…
Les SSR survivront-ils ?
La question ultime reste à aborder : y aura-t-il encore des SSR dans un
avenir lointain ?
Aucune étude n’a pronostiqué un tel cataclysme. Après l’évocation de toutes
les éventualités (risques, menaces), l’interrogation est nécessaire. Si tous les
risques se concrétisent et s’additionnent, l’activité d’hospitalisation SSR résiduelle sera limitée en volume et concernera des pathologies complexes mobilisant un plateau technique important. Mais les files actives seront réduites.
Et c’est ici qu’intervient un risque institutionnel jusqu’ici contourné : l’effacement de la frontière entre MCO et SSR.
Les centres hospitaliers auront eux-mêmes réalisé leur mutation. Face à
la montée des personnes âgées et des maladies chroniques, il est indispensable que les hôpitaux se restructurent et abandonnent leur segmentation
186
Et demain ?
traditionnelle en spécialités. Sans doute subsisteront de petits services de
spécialités adossés à un important plateau technique (des équipements, des
compétences) par exemple la neurologie ou la cardiologie. Mais l’essentiel sera
occupé par la nouvelle médecine transversale : la gériatrie, les maladies chroniques…avec intervention des spécialistes en tant que de besoin. Autrement
dit, la personne âgée souvent polypathologique ne sera plus hospitalisée en
cardiologie ou neurologie, mais le cardiologue ou le neurologue viendra épauler le gériatre par un avis spécialisé. Avec une telle évolution, l’hôpital perdra
des lits et sera tenté de récupérer des activités jusqu’alors séparées, parfois dans
des immeubles différents. Garder les malades.
Les SSR cardiologiques, des précurseurs ?
Constatant que la réglementation spécifique pouvait être interprétée de
façon très restrictive en matière de présence d’un cardiologue et de sécurité en cas d’urgence, certains opérateurs ont déjà choisi d’abandonner
l’implantation sur un site autonome, y compris pour l’activité de jour, et
de la relocaliser au sein même d’un centre hospitalier doté d’un service de
cardiologie aiguë.
Si l’on peut comprendre cette formule de prudence à court terme,
l’on craindra en contrepartie la possibilité de transformer cette proximité
géographique et fonctionnelle entre l’amont et l’aval, en incorporation
pure et simple. « Le gros mange le petit ». Le processus décrit précédemment pourra alors débuter.
La vraie évolution n’est pas de rapatrier le SSR résiduel dans les locaux de
l’hôpital. C’est d’en tirer la conséquence. La prise en charge d’une personne
handicapée après un traumatisme crânien ou un AVC n’est pas fondamentalement différente des autres disciplines transversales. Au final le service de
rééducation n’est plus qu’une variante particulière des activités de médecine
(maladies chronique, gériatrie, soins palliatifs, rééducation, réadaptation…)
et l’on retrouve dans toutes ces branches les mêmes missions de soins médicaux, d’éducation thérapeutique, d’accompagnement en vue d’une meilleure
autonomie. Dans cette configuration ultime, le système de santé aura profondément changé. Les patients légers seront pris en charge au domicile ou dans
des structures intermédiaires. Les patients les plus lourds aussi. Car sans perspective de récupération. La mission de l’hôpital sera de délivrer des soins dont
le service rendu est éprouvé. La dimension d’hébergement se sera estompée
jusqu’à disparaître.
Insistons sur la proximité des branches de la « médecine transversale ».
Tout d’abord elles se rejoignent sur l’abandon de l’idéal de guérison, qu’elles
remplacent par un autre idéal, celui de l’autonomie. Il faut que le patient
apprenne à « vivre avec » sa maladie chronique, son âge ou son handicap. Ceci
187
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
suppose un accompagnement psychologique d’acceptation. Ceci suppose
ensuite la notion d’individualisation de la prise en charge à partir d’un bilan.
Et ainsi vient au premier plan le projet du patient : veut-il vivre en institution
ou à domicile ? Quels sont ses habitudes, ses loisirs, éventuellement même son
travail ? Vit-il seul à son domicile ou avec des aidants ? En conséquence de
cette approche écologique, c’est avec le patient que doit être défini l’objectif
de la prise en charge. Les soins seront ajustés en conséquence. Ces branches
se rejoignent donc, pour se situer dans une autre temporalité que la médecine
aiguë (de crise). Elles confèrent au patient un rôle actif dans le soin, la maîtrise
de sa vie, de sa destinée. Même si au départ le patient s’en remet à ceux qui
délivrent des soins, l’éducation thérapeutique, par exemple, aura pour vocation de le sensibiliser au rôle qu’il aura à jouer dans la préservation de ses
capacités et son autonomie.
La « médecine transversale » a la vocation de fédérer ces segments au
départ disparates, les maladies chronique, la gériatrie, l’handicap…, parce
qu’ils reposent sur une philosophie voisine, assez proche de ce qui a été décrit
précédemment sous l’intitulé d’interdisciplinarité (chapitre 5). Et c’est pourquoi elle pourrait récupérer en son sein, donc dans l’hôpital, l’ensemble des
branches que l’histoire a isolé, par une structuration en tuyaux d’orgue.
Conclusion : une ère nouvelle
Faut-il considérer que le futur des SSR est sombre ?
C’est une affaire de point de vue. La crise économique, elle-même, est
assurément sombre par ses conséquences sur la vie quotidienne : pouvoir
d’achat, chômage, menace sur la protection sociale, l’État-providence.
Pour ce qui concerne les SSR, leur place a déjà fortement évolué depuis
les années 90. L’ensemble du système hospitalier n’a pas été en reste. Regrettet-on aujourd’hui les petites maternité sans pédiatres, ni anesthésistes ? Les
anciens sanatoriums éloignés des bassins de vie ? Le système hospitalier est
voué à se transformer sans cesse pour s’adapter aux nouveaux besoins, aux
contraintes économiques, aux attentes des usagers et des professionnels, ainsi
qu’aux progrès de la médecine. L’accessibilité économique est un critère aussi
valable que la proximité, elle se mesure en termes d’accessibilité individuelle
(reste à charge) ou collective (coût supportable).
Une nouvelle ère se précise. Elle sera moins hospitalière. Les SSR bénéficient d’un indéniable know-how. Ce savoir-faire est le cœur de leur mission. Il
est contenu dans la reformulation intervenue en 2008 et désormais inscrit dans
le Code de la Santé publique : « prévenir ou réduire les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques ou sociales des déficiences
et des limitations de capacité des patients et de promouvoir leur réadaptation
et leur réinsertion » ; et se décline dans la liste des missions que l’on sait : les
188
Et demain ?
soins (médicaux, de rééducation, de réadaptation), ainsi que la prévention,
l’éducation thérapeutique, la réinsertion… sans oublier l’enseignement et la
recherche.
Que ce soit dans les murs ou hors les murs, ne change rien à cette mission.
Cela ne modifie que les conditions pratiques d’exercice. Cela remet en cause
des habitudes et des organisations. Mais rien quant au fond. Si l’évolution se
réalise telle que décrite ici, la page de la convalescence, voire du moyen séjour,
sera réellement tournée. Les SSR seront devenus une activité technique à part
entière, un maillon qui vaudra par les compétences déployées et la valeur ajoutée à la prise en soins des patients. N’est-ce pas l’essentiel ?
Redisons-le clairement : la survie des SSR dépend de facteurs exogènes. Ils
sont politiques et économiques. Les SSR sont un maillon hospitalier qui est
modeste, bien réparti sur le territoire national et peu coûteux. La prospective
permet d’identifier des risques que les politiques accepteront ou non. Il est
également un secteur fragile. La simple modification du reste à charge pourrait entraîner un effet domino et déstabiliser l’ensemble des SSR.
La survie dépend ensuite de facteurs endogènes. C’est-à-dire des SSR euxmêmes. La chance leur est offerte de réfléchir à leur rôle, expliciter le service
médical rendu… à la condition de ne pas revendiquer un droit de tirage
économique déraisonnable (les coûts fixes en orthopédie, par exemple). Les
SSR sont invités à saisir leur chance, sortir des murs, élargir leur palette de
compétences. Il leur appartient d’évoluer pour survivre.
189
Les SSR : hier, aujourd’hui…et demain ?
190
Sommaire
Brève histoire du secteur (1956-2008)
1956 et après
Évolution médicale
Le moyen séjour à la fin du XXème siècle
Un nouveau cadre
Un renouveau réglementaire
L’interdisciplinarité, philosophie de la réadaptation
11
21
35
49
71
85
Panorama après les réformes de 2008
La réforme réglementaire
Réforme du PMSI et modulation IVA
Le financement des SSR
Vers une T2A ?
103
111
123
137
Et demain ?
Prospective
161
191