CAS CLINIQUE DE NEUROLOGIE MODULE 15

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CAS CLINIQUE DE NEUROLOGIE MODULE 15
Sujet d’examen de neurologie du module 15 - Professeur Emmanuel Broussolle
CAS CLINIQUE DE NEUROLOGIE MODULE 15
ENONCE
Un homme de 61 ans, droitier, présente des mouvements anormaux du membre inférieur gauche survenant par
épisodes de 5-10 minutes, ceci à plusieurs reprises depuis 10 jours. La description qui en est faite ressemble à
des secousses musculaires rapides répétitives, spontanément résolutives. Le patient est hospitalisé aux urgences
un soir vers 23h en raison de la survenue d’un nouvel épisode du même type, mais cette fois-ci comportant
simultanément des paresthésies du membre supérieur gauche, puis un déficit persistant du membre inférieur
gauche, rendant impossible la marche. L’examen note en effet un déficit flasque du membre inférieur gauche,
avec épreuve de Mingazzini impossible. Le réflexe rotulien est plus vif à gauche, avec un cutané plantaire
gauche en extension. La pince pouce-index est un peu diminuée à gauche. La commissure labiale gauche est
abaissée. Il n’y a pas d’anomalie à l’examen de la sensibilité, du champ visuel, et des épreuves cérébelleuses et
vestibulaires. L’auscultation cardiaque et cervicale est normale. La pression artérielle est à 165/85. Ce patient a
des antécédents chargés : surcharge pondérale, diabète de type 2 depuis environ 17 ans, devenu insulinorequérant depuis un an, tabagisme, HTA, infarctus du myocarde il y a 8 ans, hypercholestérolémie mixte, et
allergie à la pénicilline. Le traitement à l’entrée comporte : insuline Lantus®, Kardegic®, Coversyl®,
Pravastatine®.
QUESTION N°1 :
Quel type de manifestations évoquent à l’interrogatoire ces épisodes neurologiques transitoires, et sur quels
arguments ?
QUESTION N°2 :
Quel syndrome neurologique moteur notez-vous à l’examen ? Quel diagnostic topographique évoquez-vous ?
Sur quels arguments ?
QUESTION N°3 :
Quels examens complémentaires, d’imagerie et autres, proposez-vous ? Donnez une hiérarchie et une
justification de ces demandes d’examens.
QUESTION N°4 :
Quelle(s) hypothèse(s) étiologique(s) envisagez-vous ? Quel(s) premier(s) traitement(s) proposez-vous ?
QUESTION N°5 :
Au cours de la première nuit d’hospitalisation, le voisin de chambre appelle le personnel soignant en urgence
qui constate des convulsions et des troubles de conscience. A l’arrivée du médecin de garde, le patient est
confus et agité. L’interrogatoire permet de retenir une très probable crise comitiale généralisée grand mal.
Pouvez-vous décrire celle-ci dans sa forme typique ?
QUESTION N°6 :
Quelle conduite à tenir proposeriez-vous si vous étiez le médecin de garde, et sur quels arguments ?
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CORRIGE DES QUESTIONS
QUESTION N°1:
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crise épileptique partielle du MIG, à prédominance motrice, sans marche Bravais-Jacksonienne, sans
généralisation secondaire.
secousses musculaires rapides paraissant répétitives, le dernier épisode comportant des manifestations
sensitives concomitantes du membre supérieur gauche, puis un déficit moteur post-critique du membre
inférieur gauche.
QUESTION N°2 :
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Un syndrome pyramidal gauche avec hémiplégie gauche globale, non proportionnelle, à nette prédominance
crurale.
Déficit majeur du membre inférieur gauche, rotulien gauche plus vif, signe de Babinski gauche, petits
signes déficitaires à la main gauche et à l’hémiface gauche.
Lésion hémisphérique droite ; localisation très probable au niveau du lobule paracentral droit, situé sur la
face interne du lobe frontal droit, en avant de la scissure de Rolando pour la partie de l’aire motrice
primaire, et en arrière de celle-ci au niveau de l’aire somesthésique primaire SI, compte tenu des
manifestation sensitives survenues lors du dernier épisode critique.
QUESTION N°3 :
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En premier lieu l’IRM cérébrale T2, et T1 sans et avec injection de Gadolinium, compte tenu du diagnostic
topographique. La survenue tardive d’une première crise d’épilepsie et même de plusieurs crises
rapprochées, et le caractère focal de crise partielle motrice conduisent à rechercher une cause lésionnelle
avec une probabilité importante. Concernant le délai de réalisation de l’IRM, cela dépend des disponibilités.
L’IRM ne sera pas forcément réalisable dans la nuit ; il conviendra dans ce cas de la faire pratiquer le
lendemain, et éventuellement de demander en attendant un scanner cérébral sans injection (diabète) de
premier débrouillage.
L’IRM médullaire n’est pas nécessaire compte tenu du diagnostic topographique
L’EEG sera réalisé le lendemain à la recherche de signes de souffrance cérébrale hémisphérique centrale
gauche et surtout d’activité critique à ce niveau.
Il n’y a pas lieu de réaliser une ponction lombaire en urgence et de toute façon celle-ci est contre-indiquée
car le patient est sous traitement antiagrégant plaquettaire (aspirine : Kardegic®).
Un bilan biologique assez large est effectué dès l’arrivée à l’hôpital, dont bilan du diabète (iono sanguin,
glycémie), NFP (recherche d’une anémie, d’une hyperleucocytose), CRP, bilan hépatique, bandelette
urinaire notamment à la recherche d’une infection urinaire, d’une glycosurie et cétonurie.
Une radiographie pulmonaire à la recherche d’un processus infectieux ou néoplasique qui pourrait être à
l’origine du processus lésionnel cérébral.
Un ECG, et, selon l’IRM cérébrale, une échographie cardiaque dans l’hypothèse d’un AVC ischémique à
point de départ embolique cardiaque.
QUESTION N°4:
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Cause néoplasique : métastase ou tumeur primitive bénigne ou maligne
Processus infectieux type abcès
Cause vasculaire par hématome local ou par accident ischémique dans le territoire de l’artère cérébrale
antérieure
Cause inflammatoire : SEP
Autres causes possibles
Premiers traitements : équilibrer le diabète avec l’insuline, traiter l’infection urinaire s’il y a lieu, prévenir la
récidive de crise d’épilepsie partielle ou la survenue d’une crise généralisée : on peut donner une
benzodiazépine per os du type clobazam (Urbanyl®) 10 mg dès le soir de l’arrivée, puis 10 mg matin et
soir.
QUESTION N°5:
La crise généralisée tonico-clonique comprend successivement :
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La phase tonique (10 à 20 secondes), peut débuter par un cri profond, avec chute (traumatisme), abolition de
la conscience (yeux révulsés), contraction tonique soutenue de l'ensemble de la musculature squelettique,
d'abord en flexion puis en extension ; apnée avec cyanose, troubles végétatifs importants (tachycardie,
augmentation de la tension artérielle, mydriase, rougeur du visage, hypersécrétion bronchique et salivaire).
Une morsure latérale de langue est possible. Progressivement, la tétanisation des muscles se fragmente,
conduisant à la phase clonique.
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La phase clonique (20 à 30 secondes). Le relâchement intermittent de la contracture musculaire tonique
entraîne des secousses bilatérales, synchrones, intenses, s'espaçant pour s'interrompre brutalement
La phase résolutive ou post-critique (quelques minutes à quelques dizaines de minutes): coma profond,
hypotonique, relâchement musculaire complet. Une énurésie, parfois une encoprésie, peuvent survenir. La
respiration reprend, ample, bruyante (stertor), gênée par l'hypersécrétion bronchique et salivaire (bave aux
lèvres). Lorsque le sujet ne s'endort pas spontanément, il existe une confusion mentale parfois accompagnée
d'agitation.
Au réveil, le sujet ne garde aucun souvenir de sa crise ; il se plaint souvent de céphalées, de courbatures,
voire de douleurs en relation avec un traumatisme occasionné par la chute initiale, voire à une luxation
d’épaule survenue au cours de la phase tonique.
La morsure de langue et la perte d'urine doivent être recherchées mais sont inconstantes. Une perte d'urine
témoigne d’une perte de connaissance profonde. Une morsure latéralisée et de langue est un bon indicateur
diagnostique.
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QUESTION N°6:
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Vérifier immédiatement la glycémie capillaire dans l’hypothèse d’une hypoglycémie sévère à l’origine de la
crise comitiale chez ce diabétique à l’insuline.
Mesurer les constante vitales, conscience, pupilles, pouls, TA, recherche d’encombrement pulmonaire.
Mettre une voie veineuse centrale.
Traiter l’hypoglycémie si celle-ci est présente.
Sinon, passer un goutte-à-goutte iv d’un sérum glucosé isotonique.
Prévenir le risque de récidive d’état de mal épileptique dans la mesure où le patient a fait plusieurs crises
partielles motrices, et qu’il vient de faire une crise généralisée tonico-clonique malgré la prise de
l’Urbanyl® : passer une perfusion de Diazépam (Valium®), 10 mg en 10-30 min en iv lente, ou clonazépam
(Rivotril®) en pousse-seringue iv avec 1 mg à passer en 30-60 min, puis 3-6mg/24h.
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