télécharger - Union des consommateurs

Transcription

télécharger - Union des consommateurs
6226. rue St-Hubert
Montréal (Québec)
Canada H2S 2M2
W www.consommateur.qc.ca/union
T (514) 521 6820
F (514) 521 0736
SF 1 888 521 6820
C [email protected]
CONSULTATION SUR DES PROPOSITIONS DE MODIFICATIONS
LÉGISLATIVES (PHASE 2)
CONTRIBUTION DE L’UNION DES CONSOMMATEURS
portant sur
LE DROIT D’ACTION DES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS
MARS 2008
Depuis plusieurs années, l’Union des consommateurs s’intéresse au droit
d’action en suppression de clauses abusives dont peuvent se prévaloir certaines
associations
de
consommateurs
en
France.
L’intérêt
de
l’Union
des
consommateurs pour l’action en suppression de clauses abusives découle de
plusieurs constats :
-
En France, ce droit d’action a permis notamment à l’UFC QUE CHOISIR,
qui est la plus importante association de consommateurs du pays, de faire
supprimer de nombreuses clauses abusives prévues à des contrats offerts
aux consommateurs et ce dans de nombreux secteurs de consommation ;
-
Au
Québec,
de
nombreux
contrats
d’adhésion
proposés
aux
consommateurs contiennent des clauses que l’Union des consommateurs
considère
abusives,
certains
de
ces
contrats
pouvant
lier
le
consommateur pendant de nombreuses années ;
-
De nombreux consommateurs ne contestent pas les pratiques des
commerçants fondées sur des clauses abusives parce qu’ils ignorent que
ces clauses leurs sont inopposables;
-
Les consommateurs qui connaissent leurs droits font rarement appel aux
tribunaux pour les faire valoir, les recours dont disposent les
consommateurs étant peu appropriés aux litiges de consommation;
-
Ni les consommateurs ni les associations de consommateurs ne
disposent de recours effectifs en matière de clauses abusives.
Afin d’approfondir ses connaissances sur le droit d’action en suppression de
clauses abusives et, ultimement, de formuler des recommandations lors des
consultations portant sur la phase 2 des modifications législatives à être
apportées à la Loi sur la protection du consommateur (ci-après LPC), l’Union des
consommateurs a examiné les dispositions législatives relatives aux clauses
abusives ainsi que celles qui portent sur le droit d’action en suppression prévues,
2
en France, au Code de la consommation. Cet examen nous a permis de
constater que les associations françaises disposent de certains droits d’action
que devraient également se voir reconnaître les associations de consommateurs
du Québec. L’Union des consommateurs a aussi fait appel à l’expérience de
l’UFC QUE CHOISIR relativement au droit d’action en suppression de clauses
abusives afin de connaître concrètement la portée et les effets d’un tel droit.
L’Union des consommateurs a également consulté certains universitaires afin de
connaître leur avis sur la possibilité et la pertinence de voir des droits s’inspirant
de ceux dont disposent les associations en France intégrés au droit québécois.
Les commentaires formulés dans le présent texte tiennent compte de ces
consultations.
Le présent document comprend les recommandations de l’Union des
consommateurs sur les droits d’action qui devraient être reconnus aux
associations de consommateurs dans la LPC. Ces recommandations sont
précédées d’un résumé des droits d’action dont disposent les associations de
consommateurs en France, de l’encadrement législatif applicable aux clauses
abusives prévu au Code de la consommation, des commentaires de l’UFC QUE
CHOISIR et de la situation qui prévaut au Québec en matière de recours pour les
litiges de consommation.
I) EN FRANCE
Depuis l’adoption, en 1998, de la Directive européenne relative aux actions en
cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs 1 (ci-après
directive 98/27), tous les pays européens auraient reconnu aux associations de
consommateurs le droit d’intenter des actions en vue d’obtenir la cessation de
pratiques qui vont à l’encontre de l’intérêt collectif des consommateurs. Ce droit
a été reconnu aux associations de consommateurs dès 1971 en Belgique et dès
1
Directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions en cessation
en matière de protection des intérêts des consommateurs.
3
1973 en France. Les lignes qui suivent portent essentiellement sur la situation
qui prévaut en France 2 .
L’action civile des associations de consommateurs
En France, le Code de la consommation prévoit que les associations agréées
peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits
portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs 3 .
Dans l’ouvrage s’intitulant Droit de la consommation 4 , les auteurs Calais-Auloy et
Steinmetz décrivent comme suit cette action prévue à l’article L. 421-1 du Code
de la consommation :
Deux conditions doivent être réunies pour que l’action soit recevable:
1) Il faut d’abord qu’une infraction pénale ait été commise. (…)
L’action est donc recevable pour assurer le respect des
dispositions de nature pénale, que celles-ci se trouvent dans le
code de la consommation ou dans d’autres textes. L’action n’est
pas recevable si la règle invoquée par l’association ne comporte
pas de sanction pénale 5 .
2
On rappellera que le droit français a inspiré le législateur québécois lors de la révision qui a mené à
l’adoption de la Loi sur la protection du consommateur de 1978.
3
L. 421-1. Les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des
intérêts des consommateurs peuvent si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la
partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des
consommateurs.
4
J. CALAIS-AULOY et F. STEINMETZ, Droit de la consommation, Paris, éd. Dalloz, 2003. p.597 à 599.
5
C’est le cas des règles relatives aux clauses abusives : l’association pourra toutefois, dans ce cas, exercer
une action en suppression de clauses abusives ou intervenir dans une action individuelle. L’action en
suppression de clauses abusives est prévue à l’article L. 421-6 du Code de la consommation (voir page 7 du
présent texte). L’intervention dans une action individuelle est prévue à l’article L. 421-7 du Code de la
consommation qui prévoit ce qui suit :
Les associations mentionnées à l’article L. 421-1 peuvent intervenir devant les juridictions civiles et
demander notamment l’application des mesures prévues à l’article L. 421-2, lorsque la demande initiale a
pour objet la réparation d’un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non
constitutifs d’une infraction pénale.
4
2) Il faut ensuite que l’infraction porte un préjudice direct ou indirect à
l’intérêt collectif des consommateurs. (...). Quant à l’intérêt collectif,
c’est celui commun à un ensemble de consommateurs lésés par un
acte de large diffusion. (…). Ainsi entendu, l’intérêt collectif se situe
à mi-chemin entre l’intérêt individuel de chaque consommateur et
l’intérêt
général
de
l’ensemble
des
citoyens.
L’action
de
l’association trouve donc sa place entre l’action individuelle de la
victime et l’action exercée par le ministère public.
(…)
La demande de l’association peut avoir trois objets :
1) L’association peut, d’abord, réclamer des dommages et intérêts,
destinés à réparer le dommage causé à l’intérêt collectif des
consommateurs. Les dommages et intérêts sont alloués, non aux
consommateurs individuellement lésés, mais à l’association qui
personnifie l’intérêt collectif. La difficulté consiste à évaluer le
préjudice. Celui-ci n’est pas l’addition de préjudices individuels.
L’association demande réparation du préjudice subi par un
ensemble
abstrait
de
consommateurs
non
individuellement
désignés.
2) L’association peut aussi demander la cessation des agissements
illicites. Cette possibilité, ouverte par l’article L. 421-2, est
fondamentale. Plus qu’une action en responsabilité, l’action des
associations de consommateurs est une action en cessation. Les
dommages et intérêts réparent (plus ou moins bien) un préjudice
déjà causé à l’intérêt collectif des consommateurs. La cessation
tend, elle, à empêcher un préjudice futur : c’est dire son importance
pour la défense de l’intérêt collectif des consommateurs. (…).
3) L’association peut enfin demander que le public soit informé du
5
jugement rendu, aux frais du condamné (art. L. 421-9). (…). La
diffusion d’un tel message est doublement utile : elle informe le
public sur une décision qui concerne, par hypothèse, l’intérêt
collectif d’un grand nombre de personnes : et elle est une sanction
pour le plaideur condamné.
(nos soulignements)
Le droit d’agir dans l’intérêt des consommateurs n’est reconnu qu’aux
associations de consommateurs agréées. Le système d’agrément aurait été
élaboré notamment en raison du risque trop grand de voir surgir des associations
pour lesquelles l’intérêt des consommateurs servirait de masque à d’autres
intérêts 6 . L’agrément, qui est octroyé par les pouvoirs publics, vise à réserver le
droit d’agir aux associations représentatives.
Les auteurs Calais-Auloy et Steinmetz exposent comme suit les conditions qui
devront être satisfaites pour qu’une association soit agréée 7 :
Pour être agréée, l’association doit être régulièrement déclarée. Elle
doit
avoir
pour
objet
statutaire
explicite
la
défense
des
consommateurs. Elle ne doit exercer aucune activité professionnelle.
Enfin elle doit être représentative. Cette dernière condition est la plus
difficile à apprécier. Un décret du 6 mai 1988 pose les trois critères qui
permettent de déterminer la représentativité (art. R.. 411-1 c.
consom,) :
- la durée d’existence (un an au moins);
- l’activité effective et publique en vue de la défense des intérêts
des consommateurs; ce critère s’apprécie notamment d’après
les publications diffusées et les permanences assurées;
6
7
Précitée, note 4, p. 596
Précitée, note 4, p. 596
6
- la dimension, appréciée d’après le nombre de membres
cotisants (10 000 au moins pour les associations nationales).
L’agrément est donné pour cinq ans et il est renouvelable 8 .
Les associations de consommateurs agréées pourront également se prévaloir de
l’action en cessation prévue à l’article L. 421-6 du Code de la consommation.
L’action en cessation
En vertu de l’article L. 421-6 du Code de la consommation, les associations
agréées peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout
agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives
mentionnées à l'article 1er de la directive précitée (directive 98/27). L’article L.
421-6 prévoit également que le juge peut à ce titre ordonner, le cas échéant sous
astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type
de contrat proposé ou destiné au consommateur 9 .
L’action en cessation prévue à l’article L. 421-6 pourra donc être exercée en cas
d’agissements qui contreviennent aux dispositions adoptées par le législateur
français qui transposent les directives mentionnées à l’article 1er de la directive
98/27. En 2003, ces directives étaient au nombre de douze et portaient
notamment sur les matières suivantes : publicité trompeuse, contrats négociés
en dehors des établissements commerciaux, crédit à la consommation, voyages,
vacances et circuits à forfait, clauses abusives, contrats à distance, vente et
garantie des biens de consommation, commerce électronique.
Contrairement à celle qui est prévue à l’article L. 421-1, l’action en cessation
8
Une vingtaine d’associations nationales et de nombreuses associations locales ont reçu l’agrément.
L’article L. 421-6, qui date de 1988, prévoyait uniquement, avant qu’il ne soit modifié en 2001 suite à
l’adoption de la directive européenne 98/27, que les associations agréées pouvaient demander à la
juridiction civile la suppression de clauses abusives.
9
7
prévue à l’article L. 421-6 pourra être exercée bien que les règles portant sur
ces matières puissent ne pas être assorties de sanctions pénales (c’est le cas
des règles relatives aux clauses abusives) 10 .
Intervention à une instance intentée par un consommateur
En l’absence d’infraction pénale et d'agissements visés par l’article L. 421-6,
l’association ne pourra engager une procédure de sa propre initiative.
Les associations agréées pourront par contre se prévaloir de l’article L. 421-7 du
Code de la consommation qui leur permet d’intervenir à une instance intentée
initialement par un consommateur, si la demande de ce dernier a pour objet la
réparation d’un préjudice. Les associations pourront alors, par le biais de cette
intervention, demander au juge d’octroyer des dommages et intérêts et
d’ordonner la cessation d’un agissement ou la suppression d’une clause illicite.
La suppression de clauses abusives
En ce qui concerne spécifiquement l’action en suppression de clauses abusives,
il faut, par ‘‘suppression’’, entendre : le fait de faire disparaître matériellement la
clause du document contractuel. Le législateur a voulu renforcer les effets de
l’éradication de la clause en l’effaçant, in concreto, des contrats proposés aux
consommateurs. Ces derniers étaient en effet susceptibles d’exécuter le contrat,
sans savoir que certaines de ses clauses étaient réputées non écrites, de même
10
On notera que si les règles portant sur l’une de ces matières sont assorties de sanctions pénales, il sera
également possible pour l’association d’utiliser l’action civile de l’article L. 421-1 pour demander
notamment la cessation des agissements illicites.
8
auraient-ils pu négliger d’invoquer la nullité d’une clause qu’ils pensaient
s’imposer à eux 11 .
L’action en suppression de clauses abusives prévue à l’article L. 421-6 est
considérée comme une action de nature préventive et elle est recevable
indépendamment de toute action individuelle d’un consommateur. L’action sera
donc recevable bien qu’aucun consommateur n’ait eu encore à subir les clauses
contestées.
Bien que l’article L. 421-6 n’en fasse pas mention, la jurisprudence a conclu que
les associations qui exercent une action en suppression de clauses abusives
pourront également obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice
causé à l’intérêt collectif des consommateurs. Selon les auteurs de l’ouvrage
Droit de la consommation : [cette] solution devrait être étendue à tous les cas
d’action en cessation, dès lors que l’agissement illicite porte préjudice à l’intérêt
collectif des consommateurs, personnifié par l’association. À l’argument
théorique s’ajoute un argument pratique : la perspective d’obtenir des dommages
et intérêts est pour les associations un puissant moteur à agir 12 .
À l’argument selon lequel il serait contradictoire que les associations de
consommateurs puissent à la fois intenter une action sans qu’elles n’aient à
démontrer l’existence d’un préjudice subi par un consommateur et prétendre
avoir droit au versement de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice
subi à l’intérêt collectif des consommateurs, M. Bosco, l’auteur de l’ouvrage Le
contentieux des clauses abusives, répond ce qui suit 13 :
A cette argumentation, on ne manque pas de répondre que le préjudice est bien
réel: c’est l’existence même des clauses dans le modèle de contrats qui porte un
11
BOSCO, David, Le contentieux des clauses abusives, en ligne : http://www.themis.u3mrs.fr/bosco/bosco-article-clauses.abusives.pdf
12
13
Précitée, notre 4, p. 601
Précitée, note 11
9
préjudice, fût-il potentiel, à l’intérêt collectif des consommateurs. C’est ainsi que
nombre d’éminents auteurs et juridictions du fond vont dans le sens d’une
indemnisation des associations pour la réparation, du fait de l’insertion de
clauses abusives dans les contrats, du préjudice causé à l’intérêt dont elles ont
la charge. On ajoute aussi généralement qu’une telle décision inciterait les
associations à agir plus systématiquement et qu’il est légitime de récompenser
leurs efforts.
L’UFC QUE CHOISIR a intenté, depuis de nombreuses années et dans des
domaines variés, de multiples actions en suppression de clauses abusives 14 .
L’UFC QUE CHOISIR nous a indiqué que l’action en suppression de clauses
abusives comportait toutefois des limites qui nuisent grandement à son efficacité.
Pour bien saisir les observations qui nous ont été soumises par l’UFC QUE
CHOISIR, nous estimons qu’il importe, au préalable, de dresser un bref survol de
l’encadrement législatif relatif aux clauses abusives en vigueur en France.
L’encadrement législatif relatif aux clauses abusives
L’article 132-1 du Code de la consommation prévoit notamment une définition
générale de clauses abusives :
Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou
consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de
créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre
significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.15
(nos soulignements)
14
L’UFC QUE CHOISIR a intenté près de 80 procédures dans des domaines très diversifiés : contrat
d’abonnement à la téléphonie mobile, contrat d’abonnement à la téléphonie fixe, contrat d’accès à
l’Internet, contrat de vente de voyage sur Internet, contrat de banque, contrat de carte bancaire, etc.
15
On rappellera que l’article 1437 du Code civil du Québec définit comme abusive une
clause qui désavantage le consommateur d'une manière excessive et déraisonnable, (alors que l’article 8
de la LPC parle d’une disproportion tellement considérable qu'elle équivaut à de l'exploitation, ou que
l'obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante).
10
Dans l’ouvrage s’intitulant Droit de la consommation, les auteurs précisent que
dans le cas où l’appréciation du caractère abusif concerne un contrat déterminé
déjà conclu, elle doit se faire in concreto, en considération du consommateur
contractant et des circonstances de la conclusion 16 .
Si l’appréciation du caractère abusif porte sur des conditions générales, sans
référence à un contrat particulier, elle se fera nécessairement in abstracto, en
considération du consommateur moyen et de circonstances habituelles 17 . Ainsi,
dans les cas d’actions en suppression de clauses abusives intentées par les
associations agréées en vertu de l’article L. 421-6, l’appréciation du caractère
abusif se fera nécessairement in abstracto, puisque le recours est entrepris dans
l’intérêt collectif des consommateurs plutôt que d’être lié à la situation d’un
consommateur particulier. Le tribunal, sans considérer tel ou tel consommateur
en particulier, doit se demander si, de façon générale, la clause litigieuse crée un
déséquilibre significatif au détriment du consommateur 18 .
L’alinéa 2 de l’article L. 132-1 prévoit que des décrets en Conseil d'État, pris
après avis de la commission des clauses abusives, peuvent déterminer des
types de clauses qui doivent être considérées comme étant abusives. Ces
décrets s’imposent aux professionnels et aux juges, ils dressent en quelques
sortes une liste noire 19 . Ce système de liste noire a été inspiré par celui qu’a
élaboré le législateur allemand, qui a établi deux types de listes : une liste
« noire » de clauses réputées abusives et une liste « grise » de clauses
16
L’alinéa 5 de l’article L. 132-1 précise que le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au
moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances entourant sa conclusion, de même qu’à
toutes les autres clauses du contrat.
17
Précitée, note 4, p. 203.
Précitée, note 4, p. 212.
19 Précitée, note 4, p. 204
18
11
présumées abusives. Depuis l’instauration de ce système, en 1978, deux décrets
ont été pris, qui visent trois clauses abusives 20 .
En raison de la faible utilisation du pouvoir réglementaire, une annexe a été
ajoutée au Code de la consommation en 1995, qui comprend une liste indicative
et non exhaustive de clauses qui peuvent être considérées comme abusives si
elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa. En cas de litige
concernant une clause visée par l’annexe, le demandeur ne sera tout de même
pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause 21 , ce qui
fait dire à certains auteurs qu’il s’agit à peine d’une liste grise et d’un gris très
pâle 22 .
20
Les articles adoptés par décrets sont les suivants :
R 132-1. Dans les contrats de vente conclus entre des professionnels, d'une part, et des non-professionnels
ou des consommateurs, d'autre part, est interdite comme abusive au sens de l'alinéa 1er de l'article L. 132-1
la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du nonprofessionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses
obligations.
R 132-2. Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, est
interdite la clause ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier
unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre.
Toutefois, il peut être stipulé que le professionnel peut apporter des modifications liées à l'évolution
technique, à condition qu'il n'en résulte ni augmentation des prix ni altération de qualité et que la clause
réserve au non-professionnel ou consommateur la possibilité de mentionner les caractéristiques auxquelles
il subordonne son engagement.
R 132-2-1. Dans les contrats mentionnés à l'article L. 121-20-8, est interdite comme abusive au sens du
premier alinéa de l'article L. 132-1 la clause ayant pour objet ou pour effet de prévoir qu'incombe au
consommateur la charge de la preuve du respect par le fournisseur de tout ou partie des obligations que lui
imposent les dispositions des articles L. 121-20-8 à L. 121-20-16 du présent code, L. 112-2-1 du code des
assurances, L. 221-18 du code de la mutualité, L. 932-15-1 du code de la sécurité sociale et L. 341-12 du
code monétaire et financier.
21
22
Alinéa 3 de l’article L 132-1
Précitée, note 4, p. 205
12
Alors que les juges et les professionnels sont liés par les décrets du Conseil
d’État, il en est autrement pour l’annexe prévue au Code de la consommation 23 ,
qui ne sert que de guide aux juges et aux professionnels. Ainsi, une clause
pourra être considérée par le juge comme n’étant pas abusive bien qu’elle figure
sur la liste. Par contre, une clause pourra être considérée comme abusive bien
qu’elle ne figure pas à la liste en annexe dans la mesure où elle satisfait les
exigences de l’article L. 132-1 24 .
Pour les fins de l’appréciation du caractère abusif d’une clause, le juge pourra en
outre être guidé par les recommandations formulées par la commission des
clauses abusives. Le juge pourra également demander l’avis de ladite
commission.
La commission des clauses abusives a été créée par le législateur. Elle est
composée de treize membres :
-
un magistrat de l’ordre judiciaire, président ;
-
deux magistrats de l’ordre judiciaire ou administratif ou membres du
conseil d’état (l’un deux est vice-président) ;
-
deux personnalités qualifiées en matière de droit et de technique des
contrats, choisis après avis du Conseil national de la consommation,
-
quatre représentants des professionnels ;
-
quatre représentants des consommateurs.
Selon les auteurs Calais-Auloy et Steinmetz, la parité entre les représentants des
professionnels et ceux des consommateurs révèle l’intention du législateur de
résoudre par la concentration plutôt que par la contrainte le problème des
clauses abusives 25 .
23
Avant que la liste en annexe du Code de la consommation ne soit adoptée, le législateur ne voulait pas
confier aux juges le pouvoir de déterminer eux-mêmes le caractère abusif d’une clause. Le rôle des
tribunaux devait se limiter à appliquer les décrets pris par le Conseil d’état.
24 Précitée, note 4, p. 207
25
Précitée, note 4, p. 208
13
Le Code de la consommation prévoit que la commission des clauses abusives :
-
donne son avis au Gouvernement, avant que celui-ci n’adopte un décret
d’interdiction de clauses répondant aux critères fixés par l’article L.132-1
du Code de la consommation;
-
propose, dans son rapport annuel, les modifications législatives ou
réglementaires qui lui paraissent souhaitables;
-
recommande la suppression ou la modification des clauses qui présentent
un caractère abusif;
-
donne des avis au juge lorsque celui-ci, à l’occasion d’un litige sur une
clause, la saisit à cet effet. 26
Les recommandations de la commission, qui doivent être publiées, devaient en
théorie exercer sur les professionnels une pression morale suffisante pour les
amener à éliminer volontairement de leurs contrats les clauses jugées abusives
par la commission. En pratique, les résultats se sont révélés fort décevants, les
professionnels continuant d’utiliser, dans les contrats qu’ils proposent aux
consommateurs, des clauses qui vont à l’encontre des recommandations
formulées par la commission. 27
26
27
Article L. 132-2 et suivants du Code de la consommation
Précitée, note 4, p. 211
14
L’UFC QUE CHOISIR
Selon l’UFC QUE CHOISIR (ci-après l’UFC), le droit des clauses abusives est un
instrument indispensable d’assainissement des contrats et donc des pratiques
des professionnels.
Indiquant qu’en France, la lutte contre les clauses abusives peut être menée tant
de manière préventive que curative, l’UFC souligne que :
C’est au niveau préventif que devrait idéalement se faire le contrôle des clauses
abusives et leur éradication avant même que le contrat ne soit diffusé auprès des
consommateurs.
L’UFC déplore que si peu de clauses aient été interdites par décrets et que le
secteur des clauses abusives fasse l’objet d’une sorte de délégation quasi-totale
au pouvoir judiciaire avec toute l’insécurité juridique que cela peut comporter.
L’UFC constate qu’en pratique les professionnels n’ont aucune contrainte en
amont quant au contenu de leurs contrats et qu’ils s’abritent derrière
l’appréciation qu’ils font de l’équilibre de leur clause pour diffuser un contrat.
En ce qui concerne les recommandations formulées par la commission des
clauses abusives, l’UFC reconnaît que ces recommandations peuvent contribuer
à assainir le contenu des contrats. Par contre, comme elles ne sont pas
contraignantes, plusieurs professionnels refusent de s’y conformer. L’UFC donne
l’exemple de la recommandation du 26 septembre 2002 de la commission des
clauses abusives, qui porte sur les contrats d’accès à Internet, que les
fournisseurs d’accès à Internet refusent d’appliquer, ce qui a notamment amené
l’UFC à engager des procédures en vue de faire déclarer abusives certaines
clauses et de faire ordonner leur suppression.
15
L’UFC critique également le fait que les recommandations de la commission, qui
sont souvent le résultat d’un compromis entre ses membres, sont plutôt frileuses.
L’UFC indique qu’elle a obtenu des tribunaux des décisions qui sont allées
beaucoup plus loin que les recommandations de la commission.
L’UFC souligne que c’est en fait au niveau curatif qu’ont été entreprises la
majorité des interventions en matière de clauses abusives. Les interventions
curatives sont menées essentiellement par les associations de consommateurs,
les consommateurs ne saisissant que rarement les tribunaux en vue de faire
constater le caractère abusif d’une clause qui leur est opposée par un
professionnel.
Pour l’UFC, l’action en suppression de clauses abusives constitue non
seulement une action de nature préventive, mais également une action curative
puisque, lorsque les associations intentent une telle action, le contrat a, dans la
majorité des cas, déjà été diffusé et des consommateurs l’ont déjà conclu.
Les failles de la procédure
Forte de son expérience, l’UFC a identifié certains éléments qui font en sorte que
l’action en suppression de clauses abusives n’est pas aussi efficace qu’elle
devrait l’être :
- le jugement n’a qu’un effet relatif, c’est-à-dire qu’en vertu du
principe de l’autorité relative de la chose jugée, l’injonction de
suppression de clauses abusives ne s’adresse qu’au défendeur à
l’action.
16
Par conséquent, les autres professionnels non attraits en la cause,
peuvent continuer à diffuser librement des clauses identiques dans
leurs modèles de convention.
Il est très difficile ensuite de faire modifier les autres contrats des
autres professionnels du même secteur.
Il faut faire une publicité importante des décisions obtenues soit en
alertant la presse et en mobilisant les consommateurs par notamment
des mesures originales de publication : dans les lettres d’information
aux abonnés, sur les pages d’accueil des sites des professionnels
condamnés ou par SMS.
Des discussions amiables de longue haleine s’engagent sous la
menace de nouvelles procédures et de mise à l’index par la presse
interposée.
- l’action vise exclusivement et essentiellement, la suppression
des clauses jugées abusives. L’action ne permet pas de contrôler
la nouvelle rédaction du contrat.
L’association ne peut imposer une nouvelle clause en substitution de
celle considérée comme abusive par le tribunal. Il n’y a pas de contrôle
possible par le juge de la modification du contrat.
Rien n’empêche donc le professionnel de modifier cette clause
abusive par une nouvelle clause également abusive mais rédigée
différemment.
Ainsi en pratique, malgré des décisions favorables que nous obtenons
des tribunaux ; il faut retravailler sur les nouvelles versions de contrats
17
et souvent les faire modifier par la voie judiciaire ; c’est un travail de
longue haleine.
- des arrêts récents de la cour de cassation considèrent que
l’action de l’association ne peut concerner que les modèles de
convention, des contrats futurs et non les contrats en cours.
Si l’on suit l’arrêt de la cour de cassation du 1er février 2005, l’action
de l’association aurait un caractère exclusivement préventif.
Cette action présente certes un caractère préventif au sens où elle
empêche que de nouveaux consommateurs soient victimes des
stipulations dénoncées. Mais en pratique, comme déjà indiqué, l’action
en justice intervient alors que des contrats ont déjà été signés par les
consommateurs.
La solution retenue par la cour de cassation est gravement
préjudiciable
aux
consommateurs
puisque
cette
action
des
associations de consommateurs est fondamentale quand on sait à
quel point les actions individuelles des consommateurs sont rares.
Dans les affaires antérieures les tribunaux considéraient, de manière
logique et cohérente, que les clauses doivent être réputées non écrites
non seulement pour les contrats futurs mais également pour ceux en
cours.
L’interprétation de la cour de cassation introduit une inégalité entre les
consommateurs dont les contrats en cours, identiques en réalité,
connaîtraient un sort différent selon un événement parfaitement
aléatoire (la date de saisine du tribunal), résultat qui serait
certainement contraire à la volonté du législateur.
18
Le problème se pose avec d’autant plus d’acuité quand le
professionnel modifie son contrat entre l’assignation et l’audience.
Nos adversaires nous opposent à l’heure actuelle (AOL) cet arrêt de
février 2005 ainsi que l’arrêt de la cour de cassation du 13 mars 1996
qui a déjà considéré que lorsque la clause n’est plus proposée au jour
où le Tribunal statue, l’action de l’association devient sans objet.
Les professionnels maintiennent impunément leurs clauses dans les
contrats jusqu'à ce que l’association agisse en justice puis modifient
postérieurement à l’assignation, ceux-ci en demandant un rejet des
demandes de l’association au motif que le contrat n’est plus diffusé.
Au Québec, les associations de consommateurs ne disposent pas des
droits suivants:
-
droit d’agir dans l’intérêt collectif des consommateurs;
-
droit de demander la cessation d’un agissement qui contrevient aux droits
des consommateurs indépendamment de l’existence d’un droit d’action
d’un consommateur;
-
droit de recevoir des dommages et intérêts pour le préjudice causé à
l’intérêt collectif des consommateurs; et
-
droit de demander que le public soit informé du jugement rendu, aux frais
du commerçant.
De l’avis de l’Union des consommateurs, la situation qui prévaut au Québec
milite pour que de tels droits soient accordés aux associations
de
consommateurs.
19
II) AU QUÉBEC
Reconnaissant l’inégalité du rapport de force existant entre les consommateurs
et les commerçants, le législateur québécois a octroyé aux consommateurs de
nombreux droits qui visent à les protéger contre des pratiques répréhensibles
auxquelles pourraient se livrer les commerçants. À l’instar d’autres associations
de consommateurs, l’Union des consommateurs observe que les droits des
consommateurs sont régulièrement bafoués par des commerçants qui agissent
trop souvent en toute impunité.
Le fait que, malgré les protections dont ils disposent, les consommateurs sont
encore victimes de pratiques répréhensibles utilisées couramment par les
commerçants tient à plusieurs facteurs dont :
-
la méconnaissance par les consommateurs des droits dont ils disposent;
-
la croyance des consommateurs qu‘une pratique de l’entreprise conforme
au contrat ne peut être contestée puisqu’ils ont accepté le contrat 28 ;
-
le fait que les litiges de consommation ne sont que très rarement portés
devant les tribunaux par les consommateurs;
-
l’incertitude quant à la portée de certaines dispositions législatives et, par
conséquent, quant aux décisions qui pourraient être rendues par les
tribunaux sur la base de ces dispositions;
-
le manque de publicité des décisions rendues par les tribunaux.
28 La commission des clauses abusives a d’ailleurs considéré qu’une clause qui stipule l’acceptation par le
consommateur de l’ensemble des conditions contractuelles imposées par le commerçant est abusive en ce
qu’elle est « susceptible de faire croire au consommateur que son acceptation globale et « sans réserve »,
le prive de la faculté de faire valoir ses droits ». NJuris.com. La Commission des Clauses abusives vient
de se prononcer sur les clauses des contrats d'abonnement à la télévision par câble et à l'Internet. 6
décembre 2005. En ligne : http://www.njuris.com/ShowBreve.aspx?IDBreve=721
20
Tous ces facteurs contribuent grandement à ce que des commerçants agissent
en faisant complètement abstraction des droits que la loi reconnaît aux
consommateurs.
Le recours individuel des consommateurs
Plusieurs raisons expliquent que les consommateurs ne saisissent pas les
tribunaux pour faire valoir leurs droits dont la perception des consommateurs
relativement à la complexité du processus judiciaire, la lenteur des procédures et
les coûts qui y sont associés. Ces obstacles à l’utilisation par les consommateurs
du processus judiciaire s’imposent avec force si on prend en considération le
caractère modeste des réclamations qui sont susceptibles d’être formulées par
les consommateurs dans le cadre des litiges de consommation.
Ainsi, bien que le législateur ait octroyé aux consommateurs des droits
substantifs en reconnaissance du déséquilibre inhérent qui caractérise les
relations de consommation, le législateur n’a pas élaboré des droits procéduraux
qui tiennent suffisamment compte des particularités des litiges de consommation.
Les droits procéduraux déficients et mal adaptés qui sont à la disposition des
consommateurs rendent donc presque illusoire l’exercice effectif par les
consommateurs des droits substantifs qui leur ont été reconnus.
Le recours collectif
Le Code de procédure civile prévoit toutefois la possibilité, par le biais du recours
collectif, d’intenter au bénéfice d’un ensemble de consommateurs des recours
qui visent à les indemniser. Dans le cadre des recours en matière de
21
consommation, ce sont bien souvent les associations de consommateurs qui
agissent à titre de requérantes dans les recours collectifs.
Le recours collectif est un véhicule procédural d’une importance cruciale pour la
défense des droits et intérêts des consommateurs pour des raisons qui ont été
maintes fois rapportées par la doctrine ainsi que par les tribunaux. Le recours
collectif facilite en effet pour les consommateurs l’accès aux tribunaux,
notamment en rendant économiquement possibles des poursuites qui auraient
été trop coûteuses pour être intentées individuellement, vu les sommes
relativement modestes, pour les consommateurs à titre individuel, qui peuvent
être en jeu. En fait, l’investissement en temps et en argent est nul pour les
consommateurs membres du groupe visé par le recours collectif 29 .
En pratique, toutefois, force est de constater que le recours collectif, à l’instar du
recours individuel que pourrait intenter un consommateur, ne constitue pas, en
matière de litiges de consommation, le moyen de procédure idéal qui permettrait
d’assurer le respect des droits substantifs conférés aux consommateurs.
Le recours collectif est en effet un véhicule procédural qui comporte de longs
délais entre le dépôt de la requête et le jugement au fond. Ces délais sont peu
compatibles avec le besoin des consommateurs de voir leur litige rapidement
réglé (octroi d’un montant d’argent, obtention d’un nouveau produit, certitude
quant aux frais qu’ils sont légalement tenus de payer au commerçant, etc).
Afin notamment d’éviter les longs délais que nécessiteraient une audition et un
jugement au fond, les recours collectifs en matière de consommation sont
régulièrement réglés suite à une entente entre les parties. Bien que l’entente
29
Les membres du groupe pourraient toutefois devoir effectuer certaines démarches en vue d’obtenir les
sommes auxquelles ils pourraient avoir droit en vertu du jugement ou de l’entente.
22
comporte généralement pour les consommateurs l’avantage de la réduction des
délais, elle a par contre pour effet de les priver d’un jugement au fond qui
statuerait sur la légalité des actes reprochés au commerçant 30 . Les recours
collectifs qui font l’objet d’une entente et qui, par conséquent, ne permettent pas
de faire dire le droit sur une situation problématique, ont donc un effet dissuasif
limité à la fois sur le commerçant visé par le recours et sur les autres
commerçants qui utilisent une pratique semblable à celle visée par le recours.
On notera de plus qu’en raison d’un récent courant jurisprudentiel, le recours
collectif ne pourra être intenté qu’à l’encontre des entreprises avec qui le
requérant lui-même, ou le membre qu’il désigne, a une cause d’action directe et
personnelle. Les entreprises qui utilisent une pratique identique à celle visée par
le recours collectif du requérant, mais avec lesquelles ce dernier n’aurait pas de
lien de droit, ne pourront être liées par le jugement ou l’entente à intervenir. Les
consommateurs qui se trouveraient dans une situation identique face à des
entreprises autres que celle visée par le recours ne pourront ainsi voir
reconnaître leurs droits et être indemnisés que si des recours distincts sont
entrepris contre ces entreprises.
Malgré le fait que tous les consommateurs qui se trouvent dans la situation
décrite au recours collectif aient droit, le cas échéant, d’obtenir l’indemnité que
l’intimé aura été condamné à verser, l’Union des consommateurs constate que
les taux de réclamation sont généralement très peu élevés, peu de membres
effectuant les démarches pour obtenir ce à quoi ils ont droit.
Bref, le recours collectif ne permettra pas, dans bien des cas, de faire dire le droit
sur des pratiques problématiques, ne liera que le commerçant visé dans le
recours bien que d’autres entreprises pourraient avoir eu recours à une pratique
30
Les ententes de règlement spécifient naturellement que les intimés ne font aucune admission quant à leur
responsabilité.
23
identique à celle qui était reprochée à l’intimé, aura un effet dissuasif limité sur
les autres commerçants et, dans le cas où les consommateurs auraient eu gain
de cause, ne donnera lieu qu’à peu de réclamations.
À l’instar du recours individuel, le recours collectif ne pourra être intenté que
lorsque
des
consommateurs
auront
déjà
été
victimes
d’une
pratique
répréhensible. De plus, si seul un petit nombre de consommateurs a été victime
de certains agissements, ou que le nombre de consommateurs victimes de ces
agissements n’est important que du fait de la multiplication des entreprises qui
utilisent les mêmes pratiques, il sera pratiquement impossible de procéder par
voie de recours collectif, attendu que la mise en branle de cette lourde machine
procédurale ne sera habituellement justifiée que par l’importance de la
réclamation qui pourrait en résulter.
Les seuls recours dont disposent les consommateurs ne leur permettent d’agir
que de manière curative. De l’avis de l’Union des consommateurs, une protection
efficace des droits des consommateurs exige qu’il soit possible d’agir de manière
préventive et de demander la cessation d’un agissement qui va à l’encontre des
droits des consommateurs, sans égard au fait qu’un consommateur ait
effectivement été victime de cet agissement ou que cet agissement ait entraîné
des dommages pécuniaires.
Actuellement, et contrairement aux recours qui, en France, notamment, ont été
prévus à cette fin, l’association de consommateurs qui constaterait qu’un contrat
auquel sont liés des millions de consommateurs contient de nombreuses clauses
abusives ou qui vont directement à l’encontre des exigences prévues à la LPC
ne pourra saisir le tribunal pour demander à ce que celui-ci se prononce sur la
légalité desdites clauses. Elle pourra au mieux demander, dans le cadre d’un
recours collectif, que le tribunal déclare inopposable la ou les clauses qui sont
24
invoquées par le commerçant. Le tribunal ne pourra donc se prononcer sur les
autres clauses, qui ne seraient pas liées directement au litige, bien qu’elles
soient clairement illégales. Le tribunal ne pourra non plus exiger que les clauses
abusives soient « matériellement » supprimées des contrats du commerçant
intimé. La capacité d’action de l’association, via le véhicule procédural que
constitue le recours collectif, est donc à la remorque à la fois de l’existence de
consommateurs qui lui auraient indiqué être victimes d’une clause problématique
(ce qui implique que ces consommateurs seraient déjà au fait qu’il est possible
d’agir à l’encontre d’une clause contenu à un contrat auquel ils ont adhéré) et de
la volonté d’un consommateur d’agir à titre de personne désignée dans le cadre
d’un recours collectif. De plus, tel qu’indiqué précédemment, dans bien des cas,
l’association renoncera à obtenir un jugement et, par conséquent, à faire dire le
droit sur les clauses concernées, préférant permettre aux consommateurs, dont
elle défend les intérêts, d’obtenir rapidement une réparation pour le préjudice
qu’ils ont subi.
Les recours de l’Office de la protection du consommateur
En vertu de la LPC, l’Office de la protection du consommateur (ci-après OPC)
dispose de la faculté d’imposer des amendes aux commerçants 31 et son
Président de demander au tribunal une injonction ordonnant à une personne qui
s’est livrée ou se livre à une pratique interdite visée par le titre II de ne plus se
livrer à cette pratique 32 . Ce pouvoir d’injonction pourra être exercé sans égard à
l’existence d’un consommateur qui aurait été victime de ladite pratique. Le
Président de l’OPC ne pourra toutefois utiliser son pouvoir d’injonction afin
d’exiger d’une entreprise qu’elle supprime de ses contrats d’adhésion certaines
clauses si celles-ci ne contreviennent pas au titre II de la LPC : ainsi, le simple
fait qu’une clause contrevienne à l’article 1437 C.c.Q. est insuffisant.
31
32
Articles 278 et 279 de la LPC
Article 316 de la LPC
25
En pratique, trop peu de poursuites sont intentées par l’OPC, le pouvoir
d’injonction du Président n’est que rarement exercé et les sanctions pénales ont
un effet dissuasif insuffisant.
Compte tenu de ce qui précède, l’Union des consommateurs formule certaines
recommandations de modifications à la LPC destinées à favoriser le respect par
les commerçants des droits dont disposent les consommateurs.
Les recommandations
Attendu
que
les
commerçants
bafouent
régulièrement
les
droits
des
consommateurs et ce, bien souvent, en toute impunité;
Attendu le caractère inapproprié et les limites qui caractérisent les recours,
strictement curatifs, dont pourront se prévaloir les consommateurs et les
associations dont la mission est de défendre leurs droits et leurs intérêts;
Attendu l’importance de pouvoir agir de manière préventive en matière de droit
de la consommation;
Attendu les capacités limitées de l’OPC à assurer le respect des droits conférés
aux consommateurs;
Attendu
l’expérience
européenne
en
matière
d’actions
en
cessation
d’agissements illicites et de suppression de clauses abusives;
26
L’Union
des
consommateurs
recommande
que
les
associations
de
consommateurs se voient reconnaître le droit de saisir les tribunaux afin de
demander la cessation d’une pratique d’un commerçant qui contrevient à la LPC;
Ce pouvoir devrait leur être reconnu dans la LPC et devrait pouvoir être exercé
indépendamment de la démonstration de l’existence de consommateurs qui
auraient été victimes de la pratique dont la cessation est demandée;
Seules les associations de consommateurs qui satisferont certains critères, qui
restent à être déterminés, devraient se voir reconnaître ce droit;
La requête en cessation devrait être entendue d’urgence et devrait pouvoir viser
tous les commerçants utilisant la pratique faisant l’objet de la requête;
La requête en cessation devrait permettre de demander la suppression de
clauses contrevenant à la LPC;
La LPC devrait prévoir une définition de clauses abusives et leur interdiction afin
de permettre aux associations de consommateurs d’utiliser la requête en
cessation pour demander la suppression de clauses abusives;
La LPC devrait prévoir que le commerçant a l’obligation de fournir tout modèle de
contrat de consommation à l’association de consommateurs qui en fait la
demande;
27
La LPC devrait prévoir l’interdiction pour les commerçants d’utiliser dans un
contrat de consommation une clause semblable à celle pour laquelle une
suppression aurait été ordonnée;
Des amendes importantes devraient être imposées au commerçant qui ne se
serait pas conformé, dans les délais prévus, au jugement exigeant la cessation
d’une pratique donnée ou la suppression d’une clause abusive;
Une liste de clauses réputées abusives ainsi qu’une liste de clauses présumées
abusives devraient être élaborées;
Le ministre responsable de la LPC devrait se voir octroyer le pouvoir d’élaborer
de telles listes par règlement après avis pris auprès de l’OPC;
L’OPC devrait se voir confier le mandat de recommander des clauses qui
devraient être inscrites aux listes;
Un comité consultatif formé des associations de consommateurs qui se sont
vues reconnaître le droit d’intenter des requêtes en cessation devrait être mis sur
pied;
Pour les fins de l’élaboration des recommandations, l’OPC devrait avoir
l’obligation de consulter le comité consultatif formé des associations de
consommateurs qui se sont vues reconnaître le droit d’intenter des requêtes en
cessation;
28
La LPC devrait prévoir qu’une pratique qui contrevient à la LPC est réputée
porter préjudice à l’intérêt collectif des consommateurs;
La LPC devrait prévoir la possibilité pour les associations de consommateurs
d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à l’intérêt
collectif des consommateurs;
Enfin, la LPC devrait prévoir la possibilité pour l’association de consommateurs
requérante de demander au tribunal que le public soit informé du jugement
rendu, aux frais du commerçant.
29