L`IMAGE DE LA FEMME DANS LA PUBLICITE

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L`IMAGE DE LA FEMME DANS LA PUBLICITE
Emilie Chapus et Amandine Ancelin
27 mars 2006
L’IMAGE DE LA FEMME DANS LA
PUBLICITE
Constitue une publicité toute forme de message diffusé contre rémunération ou autre
contrepartie en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou services, soit d'assurer la
promotion commerciale d’une entreprise publique ou privée.
Le régime applicable à la publicité est fixé par le décret de 1992 relatif à la publicité et au
parrainage. Notamment l’article 3 dispose que la publicité doit être conforme aux exigences
de véracité, de décence et de respect de la dignité de la personne humaine. Ces principes sont
aussi consacrés au niveau international dans le cadre du code international de pratiques
loyales en matière de publicité. Ils s’appliquent tout particulièrement à l’image de la femme,
exploitée par les publicitaires dès les premières affiches. Depuis quelques années, l’utilisation
de l’image de la femme dans la publicité est devenue un sujet sensible, source de polémiques.
Dans un sondage réalisé par Ipsos en 2001 sur l’image de la femme dans la publicité, 41% des
gens affirmaient être choqué par la manière dont les femmes étaient représentées, et 58%
constataient une hausse des évocations à caractère sexuel dans les publicités. Débat dans la
presse, rapport commandé par les pouvoirs publics, marques boycottées, professionnels
interpellés : l’année 2001 a vu, en France, une mobilisation sans précédent de l’opinion, grâce
à l’action déterminée de quelques associations, face au déferlement dans la publicité d’images
de femmes purement sexuelles, soumises ou violentées. C’est le début d’une prise de
conscience face au pouvoir des images. 2003 marque l’apogée de ce mouvement : le non
respect de l’image de la femme dans la publicité est alors le 1er motif de plainte des
consommateurs. Les plaintes ont quadruplé entre 2001 et 2003. En effet, sous couvert de
liberté d’expression, les publicitaires ont eu tendance à banaliser la violence ou la sexualité.
Or, il ne faut pas perdre de vue que chaque individu reçoit chaque jour 2500 informations
publicitaires. La publicité n’est donc pas un choix mais elle est bien imposée à tous sans
considération de son âge, de son sexe ou de sa sensibilité.
Fort de ce constat, il a fallu concilier les notions de liberté et de responsabilité, plus
particulièrement les principes fondamentaux de notre société démocratique que sont la liberté
d’expression et le respect de la dignité de la personne humaine.
I- L’utilisation de l’image de la femme ou la satisfaction d’objectifs publicitaires
Précisons que la publicité vise des cibles différentes à travers les produits qu’elle vante et le
média sur lequel elle est diffusée. Il en résulte que l’image de la femme est représentée
différemment en fonction des médias et des produits au travers des stratégies de
communication.
A - Stratégies publicitaires : pourquoi et comment la femme est-elle utilisée dans la
publicité ?
L’objectif principal d’une publicité est de vendre. Pour ce faire, les publicitaires élaborent des
stratégies de communication dans lesquelles l’image de la femme est utilisée à différents titres.
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1. La femme, une stratégie à part entière
L’image de la femme est exploitée par les publicitaires pour deux raisons principales : son
pouvoir d’achat et son pouvoir de séduction.
a. Le phénomène d’identification
L’une des stratégies publicitaires peut être l’identification de la femme consommatrice qui se
plaît à se reconnaître dans ses habitudes consuméristes.
L’image qui en est donnée n’est pas nécessairement le reflet d’une réalité mais plutôt
l’expression des aspirations de chaque public à sa représentation. C’est pourquoi des
mannequins sont le plus souvent utilisés dans les publicités, ils incarnent le vouloir être de la
femme. Alors que la société offre un panel assez diversifié de profils psychologiques, la
publicité, pour être efficace, va cibler le public susceptible d’être intéressé par le produit vanté
et créer une stratégie autour de ce seul public.
La femme dispose d’un pouvoir d’achat considérable. Au-delà des produits de beauté, qui
s’adressent à une clientèle avant tout féminine, la plupart des produits de consommation
courante sont encore aujourd’hui achetés par les femmes.
b. la femme objet de séduction et de désir
Les publicitaires utilisent le corps de la femme pour sa valeur esthétique. La publicité se
conçoit dans une démarche de séduction, le charme de la femme devient alors un argument de
vente. Si cette utilisation est justifiée pour la promotion de certains produits tels que les
produits de beauté, les parfums, le prêt-à-porter… on peut cependant parfois regretter une
utilisation gratuite et simpliste du sexe.
Se pose ici la question de l’inadéquation entre l’image et le produit vanté, qui caractérise bon
nombre de publicités usant entre autres de l’image de la femme-objet. Par exemple, une
publicité pour le café Lavazza illustre son slogan, " Express yourself " via une femme
singulièrement dénudée. Y a-t-il un rapport entre la nudité et une marque de café ? On
trébuche dans ce dernier cas sur un principe certainement peu profitable à la publicité.
De même la plupart des publicités réalisées à l’attention des concessionnaires automobiles,
utilisent l’image de la femme sans qu’il n’y ait le moindre lien entre le produit et la femme.
Cette dernière devient alors un objet de désir, qui n’a pour seul but que d’attirer l’attention des
hommes. A l’extrême, la femme peut se trouver assimilée à l’objet de consommation présenté.
Une illustration significative : la campagne Audi dont le slogan était « il a l’argent, il a la
voiture, il aura la femme ».
A travers d’autres stratégies nous allons maintenant voir qu’il peut être fait diverses
exploitations excessives du corps de la femme.
2. L’exploitation excessive du corps de la femme
Nous allons vous exposer 2 stratégies marquantes. Celles-ci ne se caractérisent pas par
l’utilisation de la femme en elle même, pourtant le constat est le suivant : la femme y est
représentée quasi systématiquement et de façon choquante et dégradante.
a. Impact publicitaire : le shockvertising
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Au vu des quantités de messages publicitaires, la publicité se doit de se démarquer. Les
réponses semblent se trouver dans la provocation, qui garantit cet indispensable impact : la
publicité doit faire preuve d’audace.
Le shockvertising, qui s’inscrit dans cette optique, se nourrit des tabous de la société que sont
la violence, le sexe, la drogue, etc. Si l’on a tenu à s’attarder sur cette stratégie c’est d’une
part parce que la femme incarne ces tabous, d’autre part parce que son corps y est exploité de
manière parfois dénigrante.
Dans une thèse de doctorat de l’Université de Lausanne, Raphaël Arn définit le shockvertising
en ces termes : " Doit être considérée comme choquante toute publicité, quel qu’en soit le
support, qui présente des thèmes sans relation objective avec le produit ou l’entreprise et
susceptibles d’entraîner de violentes réactions auprès des consommateurs dans le but
d’accroître la notoriété de l’entreprise ". Trois éléments distinguent la publicité choquante des
autres publicités, à savoir le thème utilisé (exploitation de sujets sensibles), le but (accroître la
notoriété) et enfin l’absence de liens objectifs entre la publicité et le produit ou l’entreprise.
L’un des premières publicités utilisant cette stratégie fut pour les glaces Extrême de Gervais.
Le spot mettait en scène un combat fratricide entre deux jeunes femmes, dont l’une est
clairement égoïste et sadique, alors que la seconde, apparemment en manque, est prête à tout
(supplications, menace à la tronçonneuse, etc.) pour obtenir ne serait-ce qu’une miette du
cornet…
Un des exemples les plus révélateur souligné par le magazine d'information des
professionnels de la communication est la publicité E. Leclerc pour une " grille de référence "
des indices de crèmes solaires. La lecture de cette publicité est pour le moins équivoque.
b. Le développement d’une image de marque : l’exemple du porno chic
Le porno chic s’inscrit dans la tendance du shockvertising mais sa finalité est différente. Il ne
s’agit plus seulement de choquer, mais de développer une image de marque. De la même
façon, l’image de la femme est exploitée d’une part pour son pouvoir de séduction et d’autre
part pour incarner les sujets sensibles de la société.
Le porno chic fut l’un des principaux modes d’expression des publicités des marchands de
luxe. Son origine date du moment où les maisons de haute couture ont décidé de confier leurs
campagnes publicitaires à leurs créateurs, et non plus à des agences de publicité.
Les produits de luxe contrairement aux produits de consommation courante, portent en eux
une forte valeur émotionnelle et artistique. Acheter un parfum de luxe, c’est avant tout acheter
une image, un univers. Ainsi, la publicité pour les produits de luxe s’élève au rang d’œuvre
d’art, ce qui en fait un lieu d’investigation pour toute tentative de création avant-gardiste. Les
marques de luxe se retranchent derrière l’aspect artistique de la photographie pour justifier
une exploitation de la femme des plus inconvenantes. Il n’en reste pas moins que la
photographie demeure une publicité mise à la disposition du public et doit à ce titre faire
preuve d’une certaine décence. Seul bémol, ces publicités ne sont pas diffusés sur tous les
supports. Fort heureusement, le porno chic n’a pas investi la télévision.
Aujourd’hui la tendance du porno chic a pratiquement disparu, mais reste une référence quant
à l’exploitation de la femme dans la publicité et un exemple parmi d’autres pour développer
une image de marque.
Ex :
- La campagne pour la parfum Opium est révélatrice de la polémique suscitée tant
dans le public que dans le monde publicitaire. Agenouillée sur un fouillis de velours noir dans
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une position suggestive, une femme n'a gardé comme parure que des bijoux et une paire de
talons.
- La publicité Versace
- L’affiche Jean-Paul Gaultier
Ces représentations de la femme restent tout de même marginales. Dans la publicité, l’image
de la femme est avant tout le reflet d’une époque. Elle va donc en suivre les canons.
B- La représentation de la femme dans une société en constante évolution
L’histoire a créé une sorte de distribution symbolique des rôles, une répartition sexuelle ou la
femme est restée longtemps considérée comme une auxiliaire de son mari ou son père, réduite
à un rôle secondarisé.
Pour preuve, on peut noter quelques citations révélatrices :
Montaigne : « la plus utile et honorable science et occupation à une femme est la science du
ménage »
Proudhon : « L’homme et la femme peuvent être équivalents devant l’Absolu : ils ne sont
point égaux, ils ne peuvent pas l’être ni dans la famille, ni dans la cité ».
Jusqu’en 1960, le Petit Larousse définissait ainsi :
• Homme : « personnage de sexe masculin et énumérait les qualités de « l’homme de
bien, du gentilhomme, de l’homme de lettre … »
• Femme : compagne de l’homme, épouse, assortie, entre autre de « femme de chambre,
femme de ménage, femme de petite vertu, bonne femme ».
Il faudra en effet attendre le milieu du 20ème siècle pour que la femme soit reconnue comme
un citoyen responsable dans la communauté et obtienne le droit de vote. Depuis, la
libéralisation de la femme s’est progressivement affirmée dans la société. La publicité reflète
cette évolution. Schématiquement, quatre modèles se sont succédés jusqu’aux années 2000.
1. Les différentes représentations de la femme de 1960 à 2000
a. 1960 : La ménagère
C’est l’époque où, dans l’après guerre, tout nouveau produit est encore magique et accueilli
avec émerveillement. Dans les imaginaires, la femme est assimilée au modèle de la fée du
logis.
La publicité qui vante l’arrivée sur le marché des produits d’entretien met en scène une
ménagère dont la fierté se mesure à la propreté de son intérieur.
b. 1970 : La militante
Après les guerres de libération coloniale et mai 68, les femmes, elles, se battent pour leurs
droits et notamment celui de disposer librement de leur corps. Elles aspirent à quitter le foyer.
Reflet de cet esprit, dans la publicité la consommation devient une arme de libération.
Ici, Moulinex libère la femme, là Dim invente le collant et resitue les filles Dim dans la
réalité et la vie de tous les jours, avec le slogan « en Dim vous, êtes libre vous êtes belle ».
c. 1980 : La Superwoman
Cette superwoman est notamment évoquée dans la chanson de Michel Sardou, femme des
années 80 : « Femme des années 80 ayant réussi l’amalgame de l’autorité et du charme ».
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Les femmes ont lutté pour leurs droits et les ont acquis. Les femmes veulent prouver leurs
compétences dans les carrières professionnelles et leur modèle devient celui de la
superwoman décidée à être sur tous les fronts et parfaite sur chacun d’eux.
La publicité s’en fait l’écho : « Elle assure en Rodier » et multiplie les modèles de femmes
actives comme pour plénitude : « Je vis avec mon temps, le progrès, la performance ».
Les superwoman affichent leur volonté de tout pouvoir faire : Lessieur en fera sa devise « Je
veux tout ».
Cette époque correspond encore à une période de consommation frénétique dont Madame
Figaro fait un principe : « Quand j’hésite, j’achète tout ».
Enfin, il est important de relever l’apparition de valeurs plus individualistes qui accompagnent
une consommation elle-même individualisée : montée des divorces, des foyers uniques,
autonomisation croissante des membres de la famille.
Le Printemps invente : « le style moi »
Lady déclare : « plus je m’aime, plus je m’aime ».
La publicité conjugue ainsi le souci d’exprimer sa personnalité et sa multi dimensionnalité à
travers la diversité de la consommation.
Depuis, la publicité n’a eu de cesse de traduire l’aptitude des produits et des services à
accompagner l’exploration de soi. Elle exprime une vision de la consommation qui n’est plus
une fin en soi, mais le moyen de se découvrir : les produits et les marques deviennent des
« bio-accessoires », les médiateurs d’une nouvelle expérience personnelle. Tendance de fond
qui perdure aujourd’hui. Ex : Bio de Danone pour être mieux dans son corps..
d. La femme des années 1990 : en recherche d’équilibre
Dans les années 1990, la société connaît une sorte de réajustement avec la guerre du Golf et
l’essoufflement de la boulimie consommatrice.
Les femmes changent d’attitude. Elles aspirent moins à être les premières partout (ce qu’elles
ont pu payer au prix de leur vie professionnelle ou privée) qu’à trouver un équilibre viable.
Elles veulent être normales et acceptées dans les différentes facettes de leur vie. La publicité
du mensuel Avantages s’en fait l’écho avec le slogan « il y a plus d’une vie dan la vie d’une
femme ».
2. Constat de l’image actuelle de la femme dans la publicité
a. La femme des années 2000 : féminine
Une photographie des tendances publicitaires actuelles met en exergue l’impact laissé par
chaque stéréotype décrit. Persistent encore la ménagère autant que la superwoman. Ces
clichés coexistent avec ceux de l’image sexy et ultra féminine de la femme montrée souvent
nue et glamour. La femme des années 2000 reste féminine mais dans un imaginaire d’alliance
avec les hommes. La publicité met alors l’accent sur les relations, les conciliations qui
permettent de construire un équilibre en couple. Ex : Fructis qui met en scène des hommes et
des femmes utilisant les mêmes produits dans un moment de complicité, ou Levis.
Un autre phénomène, le retour à la femme « normale », la plus représentative de la société.
Le succès des dernières campagnes Dove en est la preuve. Elles mettent en avant des femmes
de tous types : brunes, blondes, rondes, minces, jeunes, vieilles… qui substituent le naturel au
superficiel. Au-delà d’une identification aux mannequins filiformes, au culte de la minceur
et de la beauté, chacune des femmes peut se reconnaître dans l’image qui en est donné.
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b. Une difficile évolution des mentalités
Ces tendances laissent à penser une certaine tolérance vis-à-vis de l’image de la femme dans
la publicité, néanmoins, ce qui nous a surprises lors d’un entretien avec des publicitaires, ces
derniers nous ont fait part d’un certain conservatisme de la société française. En effet, derrière
une pseudo libéralisation des mœurs, la femme continuerait à vouloir se reconnaître dans
l’image de la ménagère, mère de famille classique. Pour preuve, lors d’un projet de campagne
publicitaire pour une marque de lessive, plusieurs scénarios plutôt innovants ont été présentés
à un panel de 10 femmes actives d’environ 35 ans mère d’enfants âgés de 3 à 11 ans. Aucun
d’entre eux n’a satisfait ces femmes qui ne semblaient pas vouloir être représentées dans leur
vie active pour une publicité relative à une tâche ménagère.
La femme refuserait-elle ainsi d’évoluer avec son temps et de s’assumer dans la diversité de
ses activités ?
c. Vers une égalité des sexes
Nous avons pu constater une utilisation accrue du corps de l’homme dans la publicité, et ce,
peut être pour contrebalancer l’exploitation excessive de l’image de la femme. En effet,
l’homme se révèle être un consommateur plus présent sur le marché, alors qu’il prend de plus
en plus soin de lui. Il se voit donc représenté dans des domaines tels que les produits
cosmétiques : shampoing, crèmes de soin, gel… et dans des domaines plus imprévisibles, tels
que celui de la lingerie. Ex : publicité Dim sur lesquelles sont représentés des hommes en
string ou en boxer transparent ou avec des motifs bariolés.
Cet homme est en outre, à l’égal de la femme, de plus en plus dénudé dans les publicités.
Pour prendre le contre-pied de la critique de l’utilisation de l’image de la femme dans la
publicité, Eram a crée une campagne publicitaire sur ce thème. La publicité met en scène un
homme nu portant des talons aiguilles, le slogan est le suivant : « Aucun corps de femme n’a
été exploité dans cette publicité »
Un certain nombre de publicités recourent à des représentations de femmes qui transgressent
de façon manifeste certains principes fondamentaux de notre société. Cette transgression se
traduit par des images de corps dénudés, dans des positions dégradantes ou érotiques, ou des
slogans suggestifs, certes parfois sur le ton de l’humour. La publicité, vecteur de masse,
confère à ces images une certaine légitimité. Ainsi face à ces dérives publicitaires, une
réglementation s’impose.
II – La réglementation en vigueur
Les publicitaires ont su abuser de la liberté d’expression qui leur est impartie, ils sont pourtant
contraints par d’autres principes fondamentaux de notre société.
A- L’encadrement nécessaire face aux dérives publicitaires
1. Le respect des principes fondamentaux : dignité humaine et égalité des sexes
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Ces principes ont respectivement été consacrés au niveau constitutionnel, leur application est
ainsi garantie par des textes législatifs et règlementaires. Plus spécifiquement, divers textes
d’ordre professionnel visent l’image des femmes dans la publicité mais ceux-ci ne sont pas
dotés d’une force obligatoire.
a. La dignité humaine
Normes contraignantes
Constitutionnelles :
Le Conseil Constitutionnel a consacré ce principe en 1994 à propos des lois sur la bioéthique.
Ce principe couvre un champ étendu allant des atteintes à la décence aux atteintes à l’essence
de la vie. Ce concept a été progressivement enrichi par le législateur et par la jurisprudence
judiciaire comme administrative ainsi que par le CSA dans le cadre de ses avis et
recommandations.
Législatives :
En matière civile, art 16 du Code Civil dispose que l’atteinte à la dignité de la personne peut
constituer le fondement d’une action en justice.
En matière pénale, l’article 227-24 du Code pénal dispose que : « Le fait de fabriquer,
transporter, diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit la support, un message à
caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité
humaine, quand ce message est susceptible d’être vu par des mineur, est puni de 3 ans de
prison et de 75000 € d’amende. Lorsque les infractions sont commises par la voie de la presse
écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont
applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables, soit la
responsabilité en cascade.
Réglementation particulière applicable à l’audiovisuel :
La loi du 30 sept 1986 pose dans son article 1er le principe de la liberté de communication
ainsi que ses limites au premier rang desquelles se trouve le respect de la dignité de la
personne humaine.
Article 15 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que le CSA veille notamment au respect de
la dignité de la personne humaine.
Règlementaires :
L’article 3 du décret du 27 mars 1992 fixant le régime applicable à la publicité et au
parrainage prévoit que la publicité doit être notamment conforme aux exigences de respect de
la dignité humaine.
Normes non contraignantes :
Au niveau national :
Le principe d’autodiscipline s’incarne principalement dans les règles déontologiques
élaborées par le BVP. Indépendant des pouvoirs publics, cet organisme peut demander la
modification voire l'annulation de campagnes de publicité contrevenant à ses règles. En
septembre 2001, le BVP a rendu publique une charte sur "le respect de la personne humaine".
Les recommandations y sont notamment explicites quant à la place de la femme : "la publicité
ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d'objet", pas
plus qu'elle ne doit "'induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la
personne humaine et en particulier les femmes", il ne doit pas y avoir de « représentations à
caractère humiliant et/ou dégradant », ni de « chosification de la personne humaine ».
Au niveau communautaire :
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Dans le cadre de l’UE, 2 résolutions ont été adoptées. L’une sur le traitement de l’image des
femmes et des hommes dans la publicité et les médias adoptée le 5 octobre 1995, et l’autre sur
la discrimination de la femme dans la publicité adoptée le 16 novembre 1997. Il est rappelé
dans ces 2 textes que la publicité et les médias ne doivent pas porter atteinte au respect de la
dignité de la personne humaine.
Au niveau international :
La chambre de commerce internationale encourage l’autodiscipline pour établir une certaine
moralité et éthique dans les pratiques publicitaires. Dans ce cadre, un code international de
pratiques loyales en matière de publicité a été élaboré afin que ces dispositions soient reprises
dans les instruments d’autorégulation nationaux.
La recommandation « image de la femme » codifiée en 1975 dans les articles 2 et 4 du code
international de pratiques loyales en matière de publicité, insiste sur les notions suivantes : la
décence et la dignité, le refus de la provocation, l’utilisation systématique de la femme et le
rôle des femmes.
Ex :
- La campagne La city d’avril 2001, dans laquelle une femme nue est à quatre pattes
face à un mouton sous l’accroche « j’ai envie d’un pull! » Le BVP avait envoyé un avis à La
City et aux afficheurs Dauphin et Métrobus, pour leur demander de retirer ce visuel de la
campagne. Le BVP affirmait avoir reçu de nombreuses lettres de protestation sur cette affiche,
- La campagne pour la crème fraîche Babette apparue en nombre sur les panneaux
d'affichage à partir d’avril 2000. On y voit un corps de femme, du cou aux cuisses, recouvert
d'un tablier sur lequel il est inscrit : « Babette je la lie, je la fouette et parfois elle passe à la
casserole », « Babette si vous saviez tout ce que je lui fais », « Babette tout ce que je lui fais je
l’ai mis sur Internet », « Babette j’en fais ce que je veux », « Babette elle vous fait quoi ce
soir ? ». La marque poursuit dans la même veine avec trois films où trois jeunes femmes
avouent, le visage masqué d'un bandeau et un brin équivoques, qu'elles ont fait quelque chose
qu'elles n'ont jamais osé avouer à leur mari : des fraises à la crème, des quiches, et même des
carottes à la crème. Preuve qu'« on peut tout oser avec Babette ».
Ces publicités ont souvent été signalées par les femmes victimes de violence conjugales qui
soulevaient les scènes faisant allusion à la violence, était également critiqué le corps tronqué
de la femme et l’association de cette femme à la maman cuisinière.
- La campagne Sloggi : une interdiction récente concernant les panneaux publicitaires :
le BVP a demandé le 6 octobre 2003 à la filiale française du groupe allemand Triumph
International de retirer sa campagne d'affichage relative aux strings Sloggi. Celle-ci mettait
qui mettait en scène trois jeunes femmes en string, "dans une mise en scène érotique qui
suggère qu’elles se donnent en spectacle dans une boîte de strip-tease". Le BVP a considéré
que la présentation de la femme est jugée "dégradante" et que l'annonceur ne respectait pas les
codes de bonnes pratiques sur la représentation du corps féminin dans les campagnes de
publicités. La campagne avait fait l'objet de nombreuses plaintes de consommateurs et d'élus
locaux.
Cette demande, au demeurant exceptionnelle pour le BVP est intervenu à un moment où le
débat entre le gouvernement et les professionnels de la publicité s'anime sur la question des
dérives sexistes et d'une éventuelle législation dans ce domaine.
b. L’égalité des sexes
Normes contraignantes :
Le respect de l’égalité des sexes découle du principe d’égalité qui est consacré dans les
normes constitutionnelles ou législatives de la France.
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Constitutionnelles :
L’article premier de la DDHC de 1789 dispose que les hommes naissent et demeurent libres et
égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
L’alinéa 3 et du Préambule de 1946 dispose que la loi garantit à la femme, dans tous les
domaines, des droits égaux à ceux de l'homme.
Les articles 1 et 2 de la Constitution de 1958 reconnaissent également ce droit : elle assure
l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.
La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité.
Législatives :
En matière pénale, art 225-1 qui dispose que constitue une discrimination toute distinction
opérée entre les personnes commise à raison de leur origine , leur sexe …
Règlementaires :
L’article 4 du décret de 1992 dispose que la publicité doit être exempte de toute
discrimination en raison de la race, du sexe ou de la nationalité, de toute scène de violence et
de toute incitation à des comportements préjudiciables à la santé, à la sécurité des personnes
et des biens ou à la protection de l'environnement.
Normes non contraignantes :
Au niveau national :
La charte du BVP relative au respect de la personne humaine déconseille l’usage de
stéréotypes négatifs.
Au niveau communautaire :
Les 2 résolutions prises dans le cadre de l’UE de 95 et 97 évoquent également la non
discrimination et par la même l’égalité des sexes.
Au niveau international :
D’autre part, lors du programme d’action de la 4eme conférence mondiale sur les femmes
dans le cadre des NU, les recommandations relatives au thème femmes et médias soulignent
l’importance d’encourager la présentation d’images non stéréotypées des femmes.
La recommandation « image de la femme » codifiée en 1975 dans les articles 2 et 4 du code
international de pratiques loyales en matière de publicité. S’y ajoute l’article 4-1 du même
code disposant : « La publicité ne doit cautionner aucune forme de discrimination y compris
sur le sexe ».
Ex:
- La campagne pour le concessionnaire automobile Opel dans laquelle une femme
blonde, est présentée comme trop idiote pour comprendre que les voisins n’ont pas
changé de voiture mais qu’ils ont simplement rabattue les sièges arrière ce qui fait
qu’une voiture pour 4 devient alors une voiture pour 2.
- En outre dans les campagnes pour les voitures, la femme n’est jamais représentée au
volant de la voiture sauf pour les publicités relatives à la sécurité routière.
2. Les autres principes nécessaires à l’encadrement de la publicité
a. L’ordre public
L’ordre public recouvre le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques. La
limitation des libertés peut être légitimée par la sauvegarde de l’ordre public. La liberté
d’expression ne déroge pas à la règle. Il est d’ailleurs expressément précisé dans l’alinéa 2 de
l’article 10 de la DDHC les limites de cette dernière à la faveur de la sécurité nationale ou
autre protection de la santé et de la morale.
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Le respect de l’ordre public est aussi consacré dans l’article 1 loi de 1986 : L'exercice de la
liberté de communication audiovisuelle est notamment limité par la sauvegarde de l'ordre
public.
Quant à l’article 4 du décret de 1992, il dispose que la publicité doit être exempte de toute
incitation à des comportements préjudiciables à la sécurité des personnes.
Ainsi, les publicités ne doivent pas par leur contenu provoquer des réactions susceptibles de
porter atteinte à l’ordre public.
-
Ex : La campagne les leçons d’Aubade : certaines affiches ont été supprimées alors
qu’elles avaient causé des accidents de la route.
b. La moralité publique
Les cas d’atteinte à l’ordre public restent néanmoins marginaux.
En matière de publicité, la notion d’ordre public a ainsi pris toute son importance lorsque le
Conseil d’Etat a intégré la moralité publique dans son champ d’application (décision du
Société Film Lutétia du 18 décembre 1959). Il est notamment fait appel au respect de moralité
publique pour sanctionner les publicités indécentes. La charte du BVP relative au respect de la
personne humaine met d’ailleurs en garde les professionnels contre les atteintes à la décence.
Il est important de préciser que la notion de moralité reste subjective et propre à chaque
culture. Pour preuve, la publicité Opium a été interdite en GB et autorisée en France.
Ex d’atteinte à la moralité publique :
- Les campagnes Herbal essences mettent en scène une femme atteignant l’orgasme
alors qu’elle se lave les cheveux. Ces publicités ont été certes réalisées sur le ton
décalé et de l’humour mais elles peuvent tout de même choquer. Ce qui est choquant
dans ces publicités n’est pas tant l’utilisation de l’image de la femme mais sa
juxtaposition avec une situation sexuelle qui reste assez tabou dans la société.
- La campagne Ungaro et une annonce pour le site Internet de « sorties » représentent
une nouvelle stratégie de communication appelée la zoophilie attitude
- La décence : sloggi
c. La santé publique
Une des causes de l’anorexie est le fait que les jeunes femmes s’identifient souvent aux
stéréotypes filiformes représentés dans les publicités à travers le culte de la minceur. Ainsi,
comme le prévoit l’article 4 du décret de 92 : la publicité doit être notamment exempte de
toute incitation à des comportements préjudiciables à la santé.
d. La protection de la jeunesse
Elle doit être l’objet d’une attention toute particulière en matière publicitaire. En effet si les
mineurs ne sont la plupart du temps pas la cible des publicitaires, ils sont comme tous exposés
à ces messages. Ne disposant pas du recul nécessaire à l’appréhension de certaines publicités,
ils doivent être d’autant plus protégés.
La protection de la jeunesse fait donc l’objet de différentes règlementations : l’article 227-24
du code pénal s’applique spécifiquement aux messages susceptibles d’être vus ou perçus par
un mineur. Il concerne surtout la presse et l’affichage.
Quant à la télévision, média de masse auquel les jeunes ont le plus accès, une réglementation
plus contraignante s’applique via les articles 1 et 15 de la loi de 1986.
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B- Les sanctions applicables aux différents médias
Comme il y a des règlementations spécifiques à chaque média, il y a également des
mécanismes et des organes de sanctions propres à chacun.
a. L’autorégulation : le BVP
Le BVP est une association de professionnels de la publicité, il rend des avis et
recommandations propres à assurer une autorégulation de ce secteur. En contact permanent
avec les consommateurs, ces recommandations et avis reflètent l’état d’esprit de la société et
son évolution. Ils sont en général respectés par les publicitaires qui n’ont aucun intérêt à ce
que leurs campagnes soient en décalage avec le public auquel elles s’adressent.
Le BVP est compétent quel que soit le support de diffusion. Néanmoins les procédures de
consultation du bureau sont différentes selon le média. Ainsi, les campagnes publicitaires
télévisuelles feront l’objet d’un contrôle systématique a priori eu égard à l’impact particulier
de ce média de masse. Quant aux campagnes d'affichage, le contrôle est en principe a
posteriori, ce qui n'empêche pas les publicitaires de demander de plus en plus souvent un avis
préalable.
Il donne des conseils sur les projets publicitaires et rend des avis non contraignant. L’avis
peut être positif, à modifier, ou à ne pas diffuser. Dans ce dernier cas, l’annonceur peut s’en
remettre à la régie publicitaire. Celle-ci garde la liberté éditoriale c'est-à-dire qu’elle peut tout
de même accepter de diffuser la publicité. Si la publicité qui a outrepassé l’avis défavorable
du BVP est litigieuse, ce sont les règles juridiques qui s’appliquent en fonction du média
concerné.
b. La publicité télévisée : le contrôle du CSA
L’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que le CSA exerce un contrôle, par tous
moyens appropriés, sur l'objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions
publicitaires diffusées par les sociétés nationales de programme et par les titulaires des
autorisations. Il exerce alors un contrôle a posteriori. Cependant, depuis la mise en place du
BVP, le CSA n’est que très peu intervenu auprès des services de télévision. Et lorsqu’il
intervient, ce n’est pas de manière répressive, celui-ci présumant la bonne foi des diffuseurs.
S’il n’a jamais engagé de procédures de sanction, l’article 42 de la loi de 1986 prévoit
pourtant que les éditeurs et distributeurs de services de radio ou de télévision peuvent être mis
en demeure de respecter les obligations imposées par les textes législatifs et réglementaires et
par les principes définis aux articles 1er et 3-1 de la dite loi.
c. La publicité en matière de presse et d’affichage : les règles de droit commun
Enfin, le droit commun s’applique aux publicités dans la presse et en matière d’affichage.
Dans les deux cas, les autorités de police administrative, le maire et le préfet, peuvent être
habilitées à prendre des mesures restrictives à la liberté de la presse ou de l’affichage pour
assurer le respect ou le maintien de l’ordre public lorsque une diffusion est susceptible de
provoquer des troubles. Ce sont des mesures préventives contrôlées par le juge administratif.
Il vérifie l’exactitude des faits, leur qualification juridique ainsi que leur opportunité. Les
sanctions peuvent aller de l’interdiction de vente ou de distribution à la saisie administrative,
elles obéissent à des conditions strictes notamment la proportionnalité au risque de trouble de
l’ordre public.
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Par ailleurs, l’autorité administrative chargée de la gestion du domaine public est dotée d’un
pouvoir de police spéciale, et peut prendre des mesures en vertu du respect de l’ordre public,
par exemple faire en sorte que les panneaux d’affichage ne mettent pas en péril la circulation
et sa sécurité. Ex : La campagne pour les leçons d’Aubade.
Conclusion :
Dans son rapport annuel de 2004, relatif au respect de l’image de la personne dans la
publicité, le BVP a constaté une amélioration notable dans ce domaine.
Les raisons de cette amélioration :
- une responsabilisation des professionnels : hausse de 20% des consultations
volontaires du BVP par les afficheurs
- mobilisation des professionnels : programme intensif de sensibilisation des
professionnels par le BVP sur les sujets les plus litigieux
- dialogue avec les consommateurs
Les conséquences de cette amélioration :
- diminution du nombre de plaintes des consommateurs ce qui révèle une nette
atténuation du malaise du public. Le nombre des critiques relatives à ce sujet a été divisé par
4 par rapport à 2003, il repasse au troisième rang des motifs de plainte.
- Les problèmes les plus aigus semblent aujourd’hui maîtrisés. Ce que l’on peut
constater avec la disparition du porno chic et de l’indécence liée à des représentations mêlant
hyper sexualisation et nudité excessive. En revanche, persiste le problème lié à la
chosification du corps humain.
Ces efforts se poursuivent via d’une part de nombreux dialogues avec les consommateurs et
d’autre part un renforcement de l’autodiscipline.
Cela laisse présager à une utilisation plus pondérée de l’utilisation de la femme dans la
publicité.
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