DANDIZAN 24 septembre 2008 Rencontre avec Arnaud de

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DANDIZAN 24 septembre 2008 Rencontre avec Arnaud de
DANDIZAN
24 septembre 2008
Rencontre avec Arnaud de Puyfontaine,
Président-directeur général, Mondadori France
A quoi ressemblera la presse dans dix ans ? Sans se hasarder à
bâtir des scénarios complets, qui seraient sans aucun doute
démentis par les faits, on peut du moins recenser un certain
nombre d’évolutions probables :
1. Les frontières vont continuer à s’estomper : d’une part entre les
différents supports de médias (papier, audio, visuel) ; d’autre part
entre les différents maillons, autrefois clairement distincts, de la
chaîne de valeur (ainsi Google est à la fois un support
technologique, une marque, un producteur de contenu et le futur
concurrent de l’iPod) ; enfin entre les différents genres :
information et communication, divertissement et publicité (docufiction, advertainment, ...).
Il en résultera un profond bouleversement de l’environnement
concurrentiel des entreprises de média. Tous les titres ne
survivront pas : il y a aujourd’hui environ 3.500 magazines en
France ; ils ne seront plus que 1.500 à 2.000 dans cinq ans.
Des rapprochements auront lieu, donnant naissance à des champions industriels qui seront
nécessairement multi-média. Pour que des champions français puissent émerger en ce domaine, il
faudra réviser le cadre légal auquel sont aujourd’hui soumises les entreprises de presse, notamment
en matière de concentrations, d’organisation de la distribution et de droit d’auteur.
2. Il y aura toujours des journaux en papier dans dix ans, mais leur contenu sera accessible sur une
grande diversité de plates-formes de distribution, pas seulement le papier. Ils ne se définiront plus
seulement comme producteurs/diffuseurs d’information, mais comme fournisseurs à la fois
d’information, de divertissement et de service. Cet élargissement de leur définition
s’accompagnera d’une diversification de leurs sources de revenus. En particulier, la valeur d’un
groupe de média viendra de plus en plus de son accès direct aux consommateurs, i.e. de la
valorisation de sa base d’abonnés. La valeur ajoutée va migrer des revenus publicitaires
traditionnels vers la qualification des bases de données d’abonnés et la transformation des sites
médias internet en plates-formes marchandes.
3. La presse gratuite ne fera pas disparaître la presse payante. Le modèle économique des gratuits
est très sensible aux effets de cycle. C’est une économie de coûts fixes, difficilement compressibles
en cas de retournement de conjoncture car déjà établis au plus bas, dont le succès repose sur une
diffusion la plus large possible, drainant des revenus publicitaires. Or les revenus publicitaires sont,
pour leur part, très sensibles aux cycles conjoncturels. Il restera donc des gratuits, mais moins
nombreux.
4. Dans dix ans, le métier de journaliste aura profondément
évolué. Les différents aspects de la fonction seront segmentés : le
sourcing de l’information ne sera plus l’exclusivité des
professionnels, il viendra pour une part croissante d’individus
mettant en circulation des photographies ou vidéos amateur sur le
web ; le commentaire de l’information sera, plus encore
qu’aujourd’hui, réalisé sur d’innombrables blogs ; la médiation et
la diffusion se feront de plus en plus via des réseaux sociaux, le
peer-to-peer, les listes de diffusion ; enfin la sélection et la
hiérarchisation de l’information pourront être structurées par
chacun à sa guise, via les aggrégateurs de flux RSS auquel il
choisira de souscrire. Face à cette fragmentation de la chaîne de
valeur de l’information, le rôle du journaliste restera de deux
ordres : vérifier, recouper, assurer la crédibilité de l’information
d’une part ; établir, via la sélection des « gros titres » un socle
commun d’information fédératrice d’autre part. Les meilleurs
journalistes auront un nom qui aura la force d’une marque.

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