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L’Encéphale (2009) 35, 429—435
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
CLINIQUE
Transplantation rénale, troubles anxiodépressifs et
qualité de vie
Renal transplantation, anxiety and depressive
disorders and quality of life
A. Baguelin-Pinaud a,b,∗, D. Moinier c, G. Fouldrin a, F. Le Roy d,
I. Etienne d, M. Godin d, F. Thibaut a
a
Service universitaire de psychiatrie, CHU Charles-Nicolle, 76000 Rouen, France
Inserm U614, UFR de médecine, centre hospitalier de Rouvray, Rouen, France
c
Service de psychiatrie, CHG de Dieppe, Dieppe, France
d
Service universitaire de néphrologie, CHU Bois-Guillaume, Rouen, France
b
Reçu le 6 août 2007 ; accepté le 6 juin 2008
Disponible sur Internet le 31 octobre 2008
MOTS CLÉS
Greffe rénale ;
Transplantation ;
Anxiété ;
Dépression ;
Qualité de vie ;
HAD ;
MINI ;
SF-36
KEYWORDS
Renal
transplantation;
∗
Résumé Il existe, à ce jour, peu de données dans la littérature décrivant les comorbidités psychiatriques associées au processus de greffe rénale. C’est pourquoi nous avons mené une étude
transversale évaluant la prévalence des troubles anxieux et dépressifs à l’aide d’instruments
standardisés pour trois populations : un groupe de 20 patients dialysés en attente de greffe,
un groupe de 20 transplantés rénaux à six mois de la greffe et un groupe de 20 transplantés
rénaux à un an de la greffe. Il s’agissait, de plus, d’estimer l’impact d’une telle transplantation
sur la qualité de vie des insuffisants rénaux chroniques. Cette étude a montré que les scores
moyens d’anxiété sont comparables en pré-greffe et à un an post-greffe. Les scores moyens de
dépression s’améliorent quant à eux de manière significative à un an de la greffe. Elle suggère
également que la greffe rénale a un impact positif sur la perception de l’état de santé par les
patients eux-mêmes. Or la qualité de vie des patients dialysés ou transplantés est fortement
corrélée aux scores des troubles anxieux et dépressifs, ce qui souligne l’importance d’une prise
en charge conjointe des patients : néphrologique, psychologique et psychiatrique.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Summary Until now there are few data in the literature describing psychiatric comorbidity in
patients waiting for renal transplantation. We have conducted a cross sectional study estimating
the prevalence of anxiety and depressive disorders in three groups of renal transplant patients,
before transplantation, six months and one year after. The MINI was used to estimate the
prevalence of anxiety and depressive disorders. Anxiety and depressive symptoms were assessed
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Baguelin-Pinaud).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2008.06.011
430
Anxiety;
Depression;
Quality of life;
HAD;
MINI;
SF-36
A. Baguelin-Pinaud et al.
using the HAD. Patients’ quality of life was also assessed using the SF-36. This study did not
find any major impact of renal transplantation on the prevalence of structured psychiatric
disorders. Indeed, the prevalence of depressive and anxiety disorders did not differ significantly
between the three groups. The mean scores of anxiety did not differ significantly between the
three groups in contrast to the mean scores of depression, which differed significantly between
the group ‘‘before transplantation’’ and the group ‘‘one year after transplantation’’. We did
not find any significant difference concerning the scores of patient’s quality of life between
the three groups, except for the item ‘‘health perceived by the patients themselves’’. Health
perceived by the patients was greater in the group ‘‘after transplantation’’. The quality of life
of dialysed or transplant patients was strongly correlated with anxiety and depressive symptoms
scores, emphasizing the major interest of a multidisciplinary approach for these patients.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Introduction
L’activité de transplantation rénale ne cesse de croître en
France avec 2421 patients greffés recensés en 2004 par
l’Établissement français des greffes. La liste d’attente pour
une greffe rénale des patients insuffisants rénaux chroniques
suit la même évolution.
Les réactions psychiques observées au cours des différentes phases de la transplantation d’organe, quel que
soit l’organe considéré, sont actuellement mieux connues
[24,9,17,22,18,6,8,7,20,26,2,14,29].
Il existe néanmoins des spécificités psychopathologiques
liées plus particulièrement à la transplantation rénale,
décrites par Brochier et al. en 1990 [4] et par Aussenac
et Parry-Pousse et al. en 1994 [2,26]. En effet, les taux
de réussite de la transplantation rénale font que certains
patients revendiquent leur vœu de greffe, rejetant la dialyse, avant même que le travail d’adaptation psychique n’ait
eu lieu. Lors du bilan pré-greffe apparaît la crise adaptative avec, pour le patient, de nombreux questionnements.
Une fois inscrit sur la liste d’attente, le patient connaît une
période de relative accalmie suivie de doutes quant à la
réalité de l’inscription avec un vécu persécutoire que le
médecin doit encadrer. Après la greffe, certains patients
ont des attitudes de surprotection du greffon, d’autres vont
connaître un état de détresse lié à la dépossession de la
maîtrise des événements qu’ils conservaient sous dialyse.
Ces « interférences psychologiques » complexifient la prise
en charge des patients par l’équipe soignante.
Quelques études s’intéressent à la prévalence des
troubles psychiatriques comme la dépression, les troubles
anxieux et les conduites addictives, chez les patients en
attente de greffe [28,5,3,23,15]. Les prévalences retrouvées pour l’anxiété sont comprises entre 10,4 et 23 %, celles
pour la dépression se situent entre 7,8 et 31,4 %. La fréquence des dépendances à l’alcool est estimée entre 5 et
26 %. Ces chiffres sont comparables aux moyennes des prévalences des troubles psychiatriques observés en psychiatrie
de liaison, bien que les patients en attente de greffe aient
tendance à minimiser leurs symptômes pour ne pas réduire
leurs chances d’accession à la transplantation.
Néanmoins peu d’études évaluent la prévalence de ces
mêmes troubles après la greffe [16,10—12].
C’est pourquoi nous avons mené une étude transversale
évaluant, à l’aide d’échelles validées, la prévalence de ces
troubles chez des patients transplantés rénaux en comparant des groupes de patients transplantés depuis six mois ou
un an à des patients en attente de greffe rénale. Il s’agissait
de bien différencier ces troubles des remaniements psychosociaux et des réactions psychopathologiques aux greffes
d’organe. L’objectif était également de vérifier s’il existe
une amélioration de la qualité de vie et une diminution de
la prévalence des troubles psychiatriques après une transplantation rénale.
Méthode
Nous avons comparé la prévalence des troubles anxieux
et dépressifs ainsi que la qualité de vie de trois groupes
indépendants de patients insuffisants rénaux, en attente de
greffe ou greffés, recrutés dans le service de néphrologie du
CHU de Rouen :
• un premier groupe de patients dialysés (hémodialyse ou
dialyse péritonéale) inscrits sur la liste d’attente de greffe
rénale ;
• un deuxième groupe de patients ayant bénéficié d’une
greffe rénale au CHU de Rouen évalués à six mois
(± 2 mois) de la transplantation, sans complication postchirurgicale ni signe clinique ou biologique de rejet du
greffon ;
• un troisième groupe de patients répondant aux mêmes critères d’inclusion que le précédent mais dont l’évaluation
a été réalisée un an (± 2 mois) après la transplantation ;
• chacun de ces patients a été inclus après avoir été informé
des objectifs de l’étude et après le recueil écrit de son
consentement.
Plusieurs critères ont été analysés : données sociodémographiques, étiologie de l’insuffisance rénale chronique,
âge de début de la maladie, nombre d’années et type de
dialyse, délai d’attente de la greffe, âge au moment de
la greffe, nombre de rejets et d’échecs de greffe avant
la greffe, traitement en cours, fonction rénale lors de
l’évaluation, antécédents psychiatriques personnels antérieurs à la greffe.
La prévalence des troubles anxieux et dépressifs ainsi
que l’importance des symptômes anxieux et dépressifs et
la qualité de vie ont été évalués à l’aide de trois échelles
d’autoévaluation :
Transplantation rénale, troubles anxiodépressifs et qualité de vie
431
Tableau 1 Comparaison de la prescription de psychotropes et de corticoïdes entre les groupes « pré-greffe », « six mois postgreffe » et « un an post-greffe ».
Pré-greffe (n = 20)
Six mois post-greffe (n = 20)
Un an post-greffe (n = 20)
pa
Psychotropes
prescrits
non prescrits
10
10
7
13
2
18
p = 0,014b
Corticoïdes
prescrits
non prescrits
0
20
7
13
3
17
p = 0,008c
a
b
c
test du ␹2 à 2 degrés de liberté.
p calculé par un test exact de Fisher entre les groupes « pré-greffe » et « un an post-greffe ».
p calculé par un test exact de Fisher entre les groupes « pré-greffe » et « six mois post-greffe ».
• le mini international neuropsychiatric interview (MINI)
[19]. C’est un entretien diagnostique explorant de façon
standardisée les principaux troubles psychiatriques de
l’axe I du DSM IV ;
• la hospital anxiety and depression scale (HAD), autoquestionnaire d’évaluation clinique [31] dont la version
française a été validée par Lépine et al. en 1985 [21]. Il
permet de dépister les troubles anxieux et dépressifs ;
• le questionnaire Medical outcome study 36- item short
form health survey (SF-36), auto-questionnaire [30] dont
la version française a été validée par Aaronson et al. en
1992 [1]. Il mesure la qualité de vie liée à la santé du point
de vue du patient. Deux scores résumés sont utilisés : le
physical composite score ou score résumé physique (PCS)
et le mental composite score ou score résumé psychique
(MCS).
L’analyse statistique a fait appel à l’analyse de variance
(Anova) permettant de comparer les différentes variables
quantitatives de nos trois populations ainsi que les scores
aux échelles HAD et SF-36. Les variables qualitatives (sexe,
travail, statut marital, type de dialyse, prescription d’un
traitement par psychotropes et par corticoïdes) ont été
comparées à l’aide du test de Khi deux. La recherche de
corrélations entre les scores obtenus aux échelles d’anxiété
et de dépression et les scores de qualité de vie a été réalisée
grâce au test non paramétrique de Spearman.
Résultats
Tous les patients ayant bénéficié d’une greffe rénale au CHU
de Rouen entre les mois de juin 2001 et janvier 2002 ont été
évalués afin de constituer le groupe « un an post-greffe ».
Dans ce groupe, un patient avait refusé de participer à
l’étude, portant le nombre de sujets inclus à 20. De la même
façon, tous les patients ayant bénéficié d’une greffe rénale
au CHU de Rouen entre les mois de février 2002 et septembre
2002 ont été évalués pour constituer le groupe « six mois
post-greffe ». Dans ce groupe, deux patients avaient refusé,
20 sujets ont ainsi été inclus. Le groupe « pré-greffe » est
constitué de 20 patients tirés au sort parmi les 80 patients
inscrits sur la liste d’attente de greffe rénale, au moment
de l’étude. Il n’y a pas eu de refus pour ce groupe.
Soixante patients ont ainsi été inclus dans l’étude, 20
dans chacun des trois sous-groupes.
Il n’y a pas de différence significative entre les trois
groupes en ce qui concerne la situation familiale, professionnelle, le sex-ratio, l’âge moyen des sujets, l’âge lors du
diagnostic et lors de la greffe, le type de dialyse, la durée
de la dialyse et d’attente de la greffe et la fonction rénale.
Les patients transplantés bénéficient de deux
types de traitement immunosuppresseur : association
tacrolimus—mycophénolate mofédil ou cyclosporine
micro-émulsion-mycophénolate mofédil. La cyclosporine
micro-émulsion est le traitement immunosuppresseur de
première intention. Le tacrolimus est employé en cas
d’antécédent de microangiopathie thrombotique sous
cyclosporine lors d’une précédente greffe.
Il existe une différence significative de la prescription de
psychotropes (la diversité des classes de psychotropes et des
produits prescrits ne permet pas une étude plus détaillée
de la posologie ni de la fréquence de prescription) entre
le groupe « pré-greffe » et le groupe « un an post-greffe », le
deuxième groupe ayant une consommation significativement
moindre ; la différence n’est par contre pas significative
entre le groupe « pré-greffe » et le groupe « six mois postgreffe ». La prescription de corticoïdes, quant à elle, est
Tableau 2 Comparaison des scores moyens d’anxiété et de dépression mesurés par la HAD entre les groupes « pré-greffe »,
« six mois post-greffe » et « un an post-greffe ».
HAD-A (m ± DS)
HAD-D (m ± DS)
Pré-greffe
Six mois post-greffe
1 an post-greffe
pa
7,3 ± 3,1
6,05 ± 3,55
5,85 ± 3,48
3,65 ± 2,76
6,5 ± 3,99
3,1 ± 2,95
NS
p = 0,012b (comparaison des groupes
pré-greffe et un an post-greffe)
HAD-A : dimension « anxiété » du HAD ; HAD-D : dimension « dépression » du HAD ; m : moyenne ; DS : écart-type.
a analyse de variance (Anova).
b test post-hoc de Kruskal-Wallis.
432
A. Baguelin-Pinaud et al.
Tableau 3 Comparaison des résultats obtenus à l’échelle de qualité de vie SF-36 entre les groupes « pré-greffe », « six mois
post-greffe » et « un an post-greffe ».
Capacité physique
Limitations dues à l’état physique
Douleur physique
Santé perçue
Vitalité
Vie et relations avec les autres
Limitations dues à l’état psychique
Santé psychique
Score résumé physique
>Score résumé psychique
a
b
PF (m ± DS)
RP (m ± DS)
BP (m ± DS)
GH (m ± DS)
VT (m ± DS)
SF (m ± DS)
RE (m ± DS)
MH (m ± DS)
PCS (m ± DS)
MCS (m ± DS)
Pré-greffe
(n = 20)
Six mois post-greffe
(n = 20)
Un an postgreffe(n = 20)
pa
73 ± 19,63
68,75 ± 35,24
71 ± 27,63
51,75 ± 15,93
53,25 ± 16,16
77,5 ± 20,92
68,33 ± 38,2
65,8 ± 19,0
45,39 ± 7,03
46,2 ± 9,9
77,5 ± 20,74
68,75 ± 34,29
79,3 ± 26,39
67,15 ± 20,80
57,5 ± 18,53
86,87 ± 14,32
86,67 ± 29,41
72 ± 15,25
47,17 ± 8,88
50,97 ± 6,85
83 ± 13,9
73,75 ± 33,91
70,1 ± 30,15
67,1 ± 25,96
58,75 ± 18,84
79,37 ± 24,43
76,67 ± 37,61
69 ± 17,98
48,68 ± 8,04
47,74 ± 10,81
NS
NS
NS
p = 0,014b
NS
NS
NS
NS
NS
NS
analyse de variance (Anova).
test de Kruskal-Wallis.
significativement différente entre les groupes « pré-greffe »
et « six mois post-greffe » avec une augmentation du nombre
de patients recevant ce traitement, cette tendance n’est
cependant pas confirmée dans le groupe un an (Tableau 1).
La prévalence des troubles anxieux, dépressifs et des
conduites addictives évaluée par le MINI ne diffère pas significativement entre les trois groupes.
Les scores moyens d’anxiété de la HAD ne diffèrent pas
significativement entre les trois groupes. Ils sont inférieurs
à huit (valeur du seuil pathologique de dépistage).
Les scores moyens de dépression de la HAD diffèrent
significativement entre les groupes « pré-greffe » et « un an
post-greffe », une différence non significative est également
observée entre les groupes « pré-greffe » et « six mois postgreffe » (Tableau 2).
Concernant les résultats au SF-36, les scores résumés
physique et psychique ne diffèrent pas significativement
entre les trois groupes. Seule la sous échelle GH (auto-
perception subjective de l’état de santé général) montre
une différence significative entre le groupe « pré-greffe »,
le groupe « six mois post-greffe » et le groupe « un an postgreffe », suggérant une amélioration de la perception de
l’état de santé par les patients eux-mêmes. Cependant les
groupes de six mois et un an ne diffèrent pas significativement entre eux (Tableau 3).
Les
facteurs
sociodémographiques
susceptibles
d’influencer la prévalence de symptômes anxiodépressifs, ne montrent pas d’interaction avec les scores obtenus
aux échelles HAD et SF-36 dans aucun des trois groupes
(sexe, vie maritale ou non, activité professionnelle ou
non, âge de début de la maladie [cut off 20 ans afin
d’individualiser deux groupes : enfant et adolescent/âge
adulte], fonction rénale évaluée par la formule de Cokcroft
[cut off à 60 ml/min Cokcroft supérieur à la moyenne des
Cokcroft], type de dialyse, délai d’attente de greffe [cut
off à 14 mois, délai moyen d’attente pour une greffe rénale
Tableau 4 Comparaison de la prévalence des symptômes anxiodépressifs et des conduites addictives entre les groupes « prégreffe », « six mois post-greffe » et « un an post-greffe ».
Troubles anxieux
absence
présence
Troubles dépressifs
absence
présence
Conduites addictives
absence
présence
Pré-greffe (n = 20)
Six mois post-greffe
(n = 20)
Un an post-greffe
(n = 20)
15
5 (25 %) agoraphobie :
4, phobie sociale : 1
17
4 (20 %) TP + A : 1,
agoraphobie : 1, TAG :2
17
3 (15 %), TP sans A : 1,
agoraphobie : 1, TAG : 1
17
3 (15 %) EDM :3
17
3 (15 %), EDM :2,
dysthymie : 1
16
4 (20 %), EDM : 3,
Dysthymie : 1
18
2 (10 %) abus d’alcool
sans dépendance : 2
18
2 (10 %) abus d’alcool
sans dépendance : 2
20
0 (0 %)
pa
NS
NS
NS
TP sans A : trouble panique sans agoraphobie ; TP + A : trouble panique avec agoraphobie ; TAG : trouble anxieux généralisé ; EDM : épisode
dépressif majeur actuel.
a test du ␥2 à 2ddl.
Transplantation rénale, troubles anxiodépressifs et qualité de vie
433
Tableau 5 Corrélations entre les scores à l’échelle HAD et les sous-scores à l’échelle SF-36 entre les groupes « pré-greffe »,
« six mois post-greffe » et « un an post-greffe ».
Corrélations étudiées
r* , p**
Corrélations
étudiées
r a , pb
HAD-A/PF (capacités physiques)
HAD-A/RP (limitations dues à l’état
physique)
HAD-A/BP (douleurs physiques)
HAD-A/GH (santé perçue)
HAD-A/VT (vitalité)
HAD-A/SF (vie et relations avec les
autres)
HAD-A/RE (limitations dues à l’état
psychique)
HAD-A/MH (santé psychique)
HAD-A/PCS (score résumé physique)
HAD-A/MCS (score résumé psychique)
r = −0,483239, p = 0,000092
r = −0,494219, p = 0,00006
HAD-D/PF
HAD-D/RP
r = −0,481261, p = 0,000099
r = −0,544195, p = 0,000007
r = −0,356998,
r = −0,428613,
r = −0,541334,
r = −0,485817,
p = 0,00511
p = 0,000634
p = 0,000008
p = 0,000083
HAD-D/BP
HAD-D/GH
HAD-D/VT
HAD-D/S F
r = −0,41972, p = 0,000843
r = −0,637878, p = 0,000001
r = −0,651081, p = 0,000001
r = −0,488929, p = 0,000074
r = −0,634426, p = 0,000001
HAD-D/RE
r = −0,5996, p = 0,000001
r = −0,690428, p = 0,000001
r = −0,351015, p = 0,005962
r = −0,723923, p = 0,000001
HAD-D/MH
HAD-D/PCS
HAD-D/MCS
r = −0,601863, p = 0,000001
r = −0.509234, p = 0,000033
r = −0,642152, p = 0,000001
HAD-A : dimension « anxiété » du IIAD ; HAD-D : dimension « depression » du HAD.
a r : coefficient de corrélation.
b test de corrélation non paramétrique de Spearman
au CHU de Rouen]). Néanmoins, au MINI, le nombre de cas
de troubles anxieux est plus important chez les femmes
(Tableau 4).
Les sous scores de l’échelle de qualité de vie sont tous
fortement et inversement corrélés aux scores des deux
dimensions de l’échelle HAD (Tableau 5).
Discussion
Il s’agit d’une étude transversale comparative de trois
groupes de patients pré-et post-greffe avec respectivement
six mois et un an de recul après la greffe. Dans cette étude,
les données sociodémographiques et l’évolution globale de
l’insuffisance rénale chronique ne différent pas significativement entre les trois groupes de patients.
Cette étude ne retrouve pas d’impact majeur de la
greffe rénale sur la prévalence des pathologies psychiatriques structurées comme cela est parfois mentionné dans
la littérature psychopathologique.
La prévalence des troubles anxieux et dépressifs évalués
par le MINI ne diffère pas significativement entre les trois
groupes de patients.
Les scores moyens d’anxiété de la HAD ne diffèrent pas
significativement entre les trois groupes et sont en moyenne
inférieurs aux valeurs seuils pathologiques fixées à huit en
dépistage.
La littérature décrit la cinétique suivante : niveau
d’anxiété élevé avant la greffe lié à l’attente, suivi d’une
amélioration, d’un soulagement, en post-greffe immédiat
puis d’un retour à un niveau important d’anxiété à distance
de la greffe, en rapport avec les nombreuses contraintes
postopératoires et la crainte de rejet du greffon. Cette évolution est suggérée par le processus d’internalisation du
greffon [9,12]. Notons que l’étude de Fukunishi et al.en
2001, montrant une diminution de la prévalence de la
dépression après la greffe, était réalisée à partir de don-
neurs apparentés vivants et son outil d’évaluation n’était
pas standardisé.
La répartition des patients dans les trois groupes de
notre étude suit cette cinétique du niveau d’angoisse sans
atteindre la significativité. Un manque de puissance du test
par faiblesse des effectifs ou un manque de sensibilité de
l’échelle HAD peuvent avoir joué un rôle dans la négativité
des résultats.
Les scores moyens de dépression de la HAD diffèrent
significativement entre le groupe « pré-greffe » et « un an
post-greffe », avec une tendance à la significativité à six
mois. La greffe rénale pourrait donc améliorer les troubles
dépressifs des insuffisants rénaux comme le suggère indirectement la diminution significative de la consommation
de psychotropes dans notre étude. Cependant, notre étude
porte sur trois groupes différents analysés de façon transversale sans étude de l’évolution de chacun des trois groupes.
Seule une étude longitudinale avec des évaluations répétées chez les mêmes sujets permettrait d’apprécier l’impact
de la transplantation en terme d’amélioration ou de détérioration des scores moyens de dépression et de qualité de
vie. D’autres études de la littérature confirment ces hypothèses [9] suggérant notamment qu’après une période d’un
an, l’incorporation complète du greffon diminue le risque
de décompensation psychique [12].
Notons que l’augmentation de la prescription de corticoïdes entre le groupe « pré-greffe » et le groupe « six
mois post-greffe » concorde avec le schéma thérapeutique
classique. Elle pourrait participer à une amélioration de
l’humeur en post-greffe, mais la faiblesse de l’effectif de
patients traités ainsi que la disparité des doses prescrites
ne nous permet pas de conclure quant à l’influence des
corticoïdes sur les troubles dépressifs.
Concernant l’évolution des scores globaux de l’échelle de
qualité de vie SF-36, notre étude ne retrouve pas de différence significative entre les trois populations pour les scores
résumés psychique et physique. Cette absence de significa-
434
tivité peut s’expliquer par le fait que l’effectif de notre
étude est réduit. Nous ne pouvons constater qu’une tendance à une différence de ces scores résumés de qualité de
vie entre les trois groupes. Seul l’item GH (santé perçue)
de l’échelle de qualité de vie montre un score significativement meilleur en post-greffe suggérant que la greffe
rénale aurait un impact positif sur l’état de santé que les
patients perçoivent d’eux-mêmes. De nombreuses études
se sont intéressées à la qualité de vie chez les greffés et
vont également dans le sens d’une amélioration de celle-ci
après la transplantation [25,27,13]. Elles ajoutent que par
la suite, cette qualité de vie s’altère à nouveau tout en restant meilleure qu’avant la greffe. La santé des transplantés
demeure en effet précaire, impose un suivi strict, avec le
risque de rejet du greffon et le retour en dialyse ; enfin, les
patients souffrent des effets indésirables des immunosuppresseurs.
Dans notre étude, les sous scores à l’échelle de qualité
de vie sont fortement et inversement corrélés aux scores
des dimensions d’anxiété et de dépression de l’échelle HAD.
À notre connaissance, aucune étude à ce jour n’a démontré une telle corrélation entre qualité de vie et troubles
psychiatriques dans ce type de population.
Conclusion
Cette étude n’a pas retrouvé d’impact négatif majeur de la
greffe rénale sur la prévalence des troubles psychiatriques.
La qualité de vie et l’état de santé perçu des patients dialysés ou transplantés sont fortement corrélés aux troubles
anxieux et dépressifs. Un suivi conjoint néphrologique et
psychiatrique est tout à fait important chez ces patients
dialysés ou transplantés rénaux dont la qualité de vie est
fortement corrélée aux troubles anxieux et dépressifs.
La réalisation d’une étude prospective à partir de plus
grands effectifs devrait permettre de préciser les tendances
retrouvées dans cette étude.
Remerciements
Les auteurs remercient le Pr J P Lépine (CHU Lariboisière-F
Widal, Inserm U705, Paris) pour son aide méthodologique et
le Dr J F Ménard (unité de biostatistiques, CHU de Rouen)
pour l’analyse statistique.
Références
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