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L’Encéphale (2009) 35, 429—435 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep CLINIQUE Transplantation rénale, troubles anxiodépressifs et qualité de vie Renal transplantation, anxiety and depressive disorders and quality of life A. Baguelin-Pinaud a,b,∗, D. Moinier c, G. Fouldrin a, F. Le Roy d, I. Etienne d, M. Godin d, F. Thibaut a a Service universitaire de psychiatrie, CHU Charles-Nicolle, 76000 Rouen, France Inserm U614, UFR de médecine, centre hospitalier de Rouvray, Rouen, France c Service de psychiatrie, CHG de Dieppe, Dieppe, France d Service universitaire de néphrologie, CHU Bois-Guillaume, Rouen, France b Reçu le 6 août 2007 ; accepté le 6 juin 2008 Disponible sur Internet le 31 octobre 2008 MOTS CLÉS Greffe rénale ; Transplantation ; Anxiété ; Dépression ; Qualité de vie ; HAD ; MINI ; SF-36 KEYWORDS Renal transplantation; ∗ Résumé Il existe, à ce jour, peu de données dans la littérature décrivant les comorbidités psychiatriques associées au processus de greffe rénale. C’est pourquoi nous avons mené une étude transversale évaluant la prévalence des troubles anxieux et dépressifs à l’aide d’instruments standardisés pour trois populations : un groupe de 20 patients dialysés en attente de greffe, un groupe de 20 transplantés rénaux à six mois de la greffe et un groupe de 20 transplantés rénaux à un an de la greffe. Il s’agissait, de plus, d’estimer l’impact d’une telle transplantation sur la qualité de vie des insuffisants rénaux chroniques. Cette étude a montré que les scores moyens d’anxiété sont comparables en pré-greffe et à un an post-greffe. Les scores moyens de dépression s’améliorent quant à eux de manière significative à un an de la greffe. Elle suggère également que la greffe rénale a un impact positif sur la perception de l’état de santé par les patients eux-mêmes. Or la qualité de vie des patients dialysés ou transplantés est fortement corrélée aux scores des troubles anxieux et dépressifs, ce qui souligne l’importance d’une prise en charge conjointe des patients : néphrologique, psychologique et psychiatrique. © L’Encéphale, Paris, 2008. Summary Until now there are few data in the literature describing psychiatric comorbidity in patients waiting for renal transplantation. We have conducted a cross sectional study estimating the prevalence of anxiety and depressive disorders in three groups of renal transplant patients, before transplantation, six months and one year after. The MINI was used to estimate the prevalence of anxiety and depressive disorders. Anxiety and depressive symptoms were assessed Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Baguelin-Pinaud). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008. doi:10.1016/j.encep.2008.06.011 430 Anxiety; Depression; Quality of life; HAD; MINI; SF-36 A. Baguelin-Pinaud et al. using the HAD. Patients’ quality of life was also assessed using the SF-36. This study did not find any major impact of renal transplantation on the prevalence of structured psychiatric disorders. Indeed, the prevalence of depressive and anxiety disorders did not differ significantly between the three groups. The mean scores of anxiety did not differ significantly between the three groups in contrast to the mean scores of depression, which differed significantly between the group ‘‘before transplantation’’ and the group ‘‘one year after transplantation’’. We did not find any significant difference concerning the scores of patient’s quality of life between the three groups, except for the item ‘‘health perceived by the patients themselves’’. Health perceived by the patients was greater in the group ‘‘after transplantation’’. The quality of life of dialysed or transplant patients was strongly correlated with anxiety and depressive symptoms scores, emphasizing the major interest of a multidisciplinary approach for these patients. © L’Encéphale, Paris, 2008. Introduction L’activité de transplantation rénale ne cesse de croître en France avec 2421 patients greffés recensés en 2004 par l’Établissement français des greffes. La liste d’attente pour une greffe rénale des patients insuffisants rénaux chroniques suit la même évolution. Les réactions psychiques observées au cours des différentes phases de la transplantation d’organe, quel que soit l’organe considéré, sont actuellement mieux connues [24,9,17,22,18,6,8,7,20,26,2,14,29]. Il existe néanmoins des spécificités psychopathologiques liées plus particulièrement à la transplantation rénale, décrites par Brochier et al. en 1990 [4] et par Aussenac et Parry-Pousse et al. en 1994 [2,26]. En effet, les taux de réussite de la transplantation rénale font que certains patients revendiquent leur vœu de greffe, rejetant la dialyse, avant même que le travail d’adaptation psychique n’ait eu lieu. Lors du bilan pré-greffe apparaît la crise adaptative avec, pour le patient, de nombreux questionnements. Une fois inscrit sur la liste d’attente, le patient connaît une période de relative accalmie suivie de doutes quant à la réalité de l’inscription avec un vécu persécutoire que le médecin doit encadrer. Après la greffe, certains patients ont des attitudes de surprotection du greffon, d’autres vont connaître un état de détresse lié à la dépossession de la maîtrise des événements qu’ils conservaient sous dialyse. Ces « interférences psychologiques » complexifient la prise en charge des patients par l’équipe soignante. Quelques études s’intéressent à la prévalence des troubles psychiatriques comme la dépression, les troubles anxieux et les conduites addictives, chez les patients en attente de greffe [28,5,3,23,15]. Les prévalences retrouvées pour l’anxiété sont comprises entre 10,4 et 23 %, celles pour la dépression se situent entre 7,8 et 31,4 %. La fréquence des dépendances à l’alcool est estimée entre 5 et 26 %. Ces chiffres sont comparables aux moyennes des prévalences des troubles psychiatriques observés en psychiatrie de liaison, bien que les patients en attente de greffe aient tendance à minimiser leurs symptômes pour ne pas réduire leurs chances d’accession à la transplantation. Néanmoins peu d’études évaluent la prévalence de ces mêmes troubles après la greffe [16,10—12]. C’est pourquoi nous avons mené une étude transversale évaluant, à l’aide d’échelles validées, la prévalence de ces troubles chez des patients transplantés rénaux en comparant des groupes de patients transplantés depuis six mois ou un an à des patients en attente de greffe rénale. Il s’agissait de bien différencier ces troubles des remaniements psychosociaux et des réactions psychopathologiques aux greffes d’organe. L’objectif était également de vérifier s’il existe une amélioration de la qualité de vie et une diminution de la prévalence des troubles psychiatriques après une transplantation rénale. Méthode Nous avons comparé la prévalence des troubles anxieux et dépressifs ainsi que la qualité de vie de trois groupes indépendants de patients insuffisants rénaux, en attente de greffe ou greffés, recrutés dans le service de néphrologie du CHU de Rouen : • un premier groupe de patients dialysés (hémodialyse ou dialyse péritonéale) inscrits sur la liste d’attente de greffe rénale ; • un deuxième groupe de patients ayant bénéficié d’une greffe rénale au CHU de Rouen évalués à six mois (± 2 mois) de la transplantation, sans complication postchirurgicale ni signe clinique ou biologique de rejet du greffon ; • un troisième groupe de patients répondant aux mêmes critères d’inclusion que le précédent mais dont l’évaluation a été réalisée un an (± 2 mois) après la transplantation ; • chacun de ces patients a été inclus après avoir été informé des objectifs de l’étude et après le recueil écrit de son consentement. Plusieurs critères ont été analysés : données sociodémographiques, étiologie de l’insuffisance rénale chronique, âge de début de la maladie, nombre d’années et type de dialyse, délai d’attente de la greffe, âge au moment de la greffe, nombre de rejets et d’échecs de greffe avant la greffe, traitement en cours, fonction rénale lors de l’évaluation, antécédents psychiatriques personnels antérieurs à la greffe. La prévalence des troubles anxieux et dépressifs ainsi que l’importance des symptômes anxieux et dépressifs et la qualité de vie ont été évalués à l’aide de trois échelles d’autoévaluation : Transplantation rénale, troubles anxiodépressifs et qualité de vie 431 Tableau 1 Comparaison de la prescription de psychotropes et de corticoïdes entre les groupes « pré-greffe », « six mois postgreffe » et « un an post-greffe ». Pré-greffe (n = 20) Six mois post-greffe (n = 20) Un an post-greffe (n = 20) pa Psychotropes prescrits non prescrits 10 10 7 13 2 18 p = 0,014b Corticoïdes prescrits non prescrits 0 20 7 13 3 17 p = 0,008c a b c test du 2 à 2 degrés de liberté. p calculé par un test exact de Fisher entre les groupes « pré-greffe » et « un an post-greffe ». p calculé par un test exact de Fisher entre les groupes « pré-greffe » et « six mois post-greffe ». • le mini international neuropsychiatric interview (MINI) [19]. C’est un entretien diagnostique explorant de façon standardisée les principaux troubles psychiatriques de l’axe I du DSM IV ; • la hospital anxiety and depression scale (HAD), autoquestionnaire d’évaluation clinique [31] dont la version française a été validée par Lépine et al. en 1985 [21]. Il permet de dépister les troubles anxieux et dépressifs ; • le questionnaire Medical outcome study 36- item short form health survey (SF-36), auto-questionnaire [30] dont la version française a été validée par Aaronson et al. en 1992 [1]. Il mesure la qualité de vie liée à la santé du point de vue du patient. Deux scores résumés sont utilisés : le physical composite score ou score résumé physique (PCS) et le mental composite score ou score résumé psychique (MCS). L’analyse statistique a fait appel à l’analyse de variance (Anova) permettant de comparer les différentes variables quantitatives de nos trois populations ainsi que les scores aux échelles HAD et SF-36. Les variables qualitatives (sexe, travail, statut marital, type de dialyse, prescription d’un traitement par psychotropes et par corticoïdes) ont été comparées à l’aide du test de Khi deux. La recherche de corrélations entre les scores obtenus aux échelles d’anxiété et de dépression et les scores de qualité de vie a été réalisée grâce au test non paramétrique de Spearman. Résultats Tous les patients ayant bénéficié d’une greffe rénale au CHU de Rouen entre les mois de juin 2001 et janvier 2002 ont été évalués afin de constituer le groupe « un an post-greffe ». Dans ce groupe, un patient avait refusé de participer à l’étude, portant le nombre de sujets inclus à 20. De la même façon, tous les patients ayant bénéficié d’une greffe rénale au CHU de Rouen entre les mois de février 2002 et septembre 2002 ont été évalués pour constituer le groupe « six mois post-greffe ». Dans ce groupe, deux patients avaient refusé, 20 sujets ont ainsi été inclus. Le groupe « pré-greffe » est constitué de 20 patients tirés au sort parmi les 80 patients inscrits sur la liste d’attente de greffe rénale, au moment de l’étude. Il n’y a pas eu de refus pour ce groupe. Soixante patients ont ainsi été inclus dans l’étude, 20 dans chacun des trois sous-groupes. Il n’y a pas de différence significative entre les trois groupes en ce qui concerne la situation familiale, professionnelle, le sex-ratio, l’âge moyen des sujets, l’âge lors du diagnostic et lors de la greffe, le type de dialyse, la durée de la dialyse et d’attente de la greffe et la fonction rénale. Les patients transplantés bénéficient de deux types de traitement immunosuppresseur : association tacrolimus—mycophénolate mofédil ou cyclosporine micro-émulsion-mycophénolate mofédil. La cyclosporine micro-émulsion est le traitement immunosuppresseur de première intention. Le tacrolimus est employé en cas d’antécédent de microangiopathie thrombotique sous cyclosporine lors d’une précédente greffe. Il existe une différence significative de la prescription de psychotropes (la diversité des classes de psychotropes et des produits prescrits ne permet pas une étude plus détaillée de la posologie ni de la fréquence de prescription) entre le groupe « pré-greffe » et le groupe « un an post-greffe », le deuxième groupe ayant une consommation significativement moindre ; la différence n’est par contre pas significative entre le groupe « pré-greffe » et le groupe « six mois postgreffe ». La prescription de corticoïdes, quant à elle, est Tableau 2 Comparaison des scores moyens d’anxiété et de dépression mesurés par la HAD entre les groupes « pré-greffe », « six mois post-greffe » et « un an post-greffe ». HAD-A (m ± DS) HAD-D (m ± DS) Pré-greffe Six mois post-greffe 1 an post-greffe pa 7,3 ± 3,1 6,05 ± 3,55 5,85 ± 3,48 3,65 ± 2,76 6,5 ± 3,99 3,1 ± 2,95 NS p = 0,012b (comparaison des groupes pré-greffe et un an post-greffe) HAD-A : dimension « anxiété » du HAD ; HAD-D : dimension « dépression » du HAD ; m : moyenne ; DS : écart-type. a analyse de variance (Anova). b test post-hoc de Kruskal-Wallis. 432 A. Baguelin-Pinaud et al. Tableau 3 Comparaison des résultats obtenus à l’échelle de qualité de vie SF-36 entre les groupes « pré-greffe », « six mois post-greffe » et « un an post-greffe ». Capacité physique Limitations dues à l’état physique Douleur physique Santé perçue Vitalité Vie et relations avec les autres Limitations dues à l’état psychique Santé psychique Score résumé physique >Score résumé psychique a b PF (m ± DS) RP (m ± DS) BP (m ± DS) GH (m ± DS) VT (m ± DS) SF (m ± DS) RE (m ± DS) MH (m ± DS) PCS (m ± DS) MCS (m ± DS) Pré-greffe (n = 20) Six mois post-greffe (n = 20) Un an postgreffe(n = 20) pa 73 ± 19,63 68,75 ± 35,24 71 ± 27,63 51,75 ± 15,93 53,25 ± 16,16 77,5 ± 20,92 68,33 ± 38,2 65,8 ± 19,0 45,39 ± 7,03 46,2 ± 9,9 77,5 ± 20,74 68,75 ± 34,29 79,3 ± 26,39 67,15 ± 20,80 57,5 ± 18,53 86,87 ± 14,32 86,67 ± 29,41 72 ± 15,25 47,17 ± 8,88 50,97 ± 6,85 83 ± 13,9 73,75 ± 33,91 70,1 ± 30,15 67,1 ± 25,96 58,75 ± 18,84 79,37 ± 24,43 76,67 ± 37,61 69 ± 17,98 48,68 ± 8,04 47,74 ± 10,81 NS NS NS p = 0,014b NS NS NS NS NS NS analyse de variance (Anova). test de Kruskal-Wallis. significativement différente entre les groupes « pré-greffe » et « six mois post-greffe » avec une augmentation du nombre de patients recevant ce traitement, cette tendance n’est cependant pas confirmée dans le groupe un an (Tableau 1). La prévalence des troubles anxieux, dépressifs et des conduites addictives évaluée par le MINI ne diffère pas significativement entre les trois groupes. Les scores moyens d’anxiété de la HAD ne diffèrent pas significativement entre les trois groupes. Ils sont inférieurs à huit (valeur du seuil pathologique de dépistage). Les scores moyens de dépression de la HAD diffèrent significativement entre les groupes « pré-greffe » et « un an post-greffe », une différence non significative est également observée entre les groupes « pré-greffe » et « six mois postgreffe » (Tableau 2). Concernant les résultats au SF-36, les scores résumés physique et psychique ne diffèrent pas significativement entre les trois groupes. Seule la sous échelle GH (auto- perception subjective de l’état de santé général) montre une différence significative entre le groupe « pré-greffe », le groupe « six mois post-greffe » et le groupe « un an postgreffe », suggérant une amélioration de la perception de l’état de santé par les patients eux-mêmes. Cependant les groupes de six mois et un an ne diffèrent pas significativement entre eux (Tableau 3). Les facteurs sociodémographiques susceptibles d’influencer la prévalence de symptômes anxiodépressifs, ne montrent pas d’interaction avec les scores obtenus aux échelles HAD et SF-36 dans aucun des trois groupes (sexe, vie maritale ou non, activité professionnelle ou non, âge de début de la maladie [cut off 20 ans afin d’individualiser deux groupes : enfant et adolescent/âge adulte], fonction rénale évaluée par la formule de Cokcroft [cut off à 60 ml/min Cokcroft supérieur à la moyenne des Cokcroft], type de dialyse, délai d’attente de greffe [cut off à 14 mois, délai moyen d’attente pour une greffe rénale Tableau 4 Comparaison de la prévalence des symptômes anxiodépressifs et des conduites addictives entre les groupes « prégreffe », « six mois post-greffe » et « un an post-greffe ». Troubles anxieux absence présence Troubles dépressifs absence présence Conduites addictives absence présence Pré-greffe (n = 20) Six mois post-greffe (n = 20) Un an post-greffe (n = 20) 15 5 (25 %) agoraphobie : 4, phobie sociale : 1 17 4 (20 %) TP + A : 1, agoraphobie : 1, TAG :2 17 3 (15 %), TP sans A : 1, agoraphobie : 1, TAG : 1 17 3 (15 %) EDM :3 17 3 (15 %), EDM :2, dysthymie : 1 16 4 (20 %), EDM : 3, Dysthymie : 1 18 2 (10 %) abus d’alcool sans dépendance : 2 18 2 (10 %) abus d’alcool sans dépendance : 2 20 0 (0 %) pa NS NS NS TP sans A : trouble panique sans agoraphobie ; TP + A : trouble panique avec agoraphobie ; TAG : trouble anxieux généralisé ; EDM : épisode dépressif majeur actuel. a test du ␥2 à 2ddl. Transplantation rénale, troubles anxiodépressifs et qualité de vie 433 Tableau 5 Corrélations entre les scores à l’échelle HAD et les sous-scores à l’échelle SF-36 entre les groupes « pré-greffe », « six mois post-greffe » et « un an post-greffe ». Corrélations étudiées r* , p** Corrélations étudiées r a , pb HAD-A/PF (capacités physiques) HAD-A/RP (limitations dues à l’état physique) HAD-A/BP (douleurs physiques) HAD-A/GH (santé perçue) HAD-A/VT (vitalité) HAD-A/SF (vie et relations avec les autres) HAD-A/RE (limitations dues à l’état psychique) HAD-A/MH (santé psychique) HAD-A/PCS (score résumé physique) HAD-A/MCS (score résumé psychique) r = −0,483239, p = 0,000092 r = −0,494219, p = 0,00006 HAD-D/PF HAD-D/RP r = −0,481261, p = 0,000099 r = −0,544195, p = 0,000007 r = −0,356998, r = −0,428613, r = −0,541334, r = −0,485817, p = 0,00511 p = 0,000634 p = 0,000008 p = 0,000083 HAD-D/BP HAD-D/GH HAD-D/VT HAD-D/S F r = −0,41972, p = 0,000843 r = −0,637878, p = 0,000001 r = −0,651081, p = 0,000001 r = −0,488929, p = 0,000074 r = −0,634426, p = 0,000001 HAD-D/RE r = −0,5996, p = 0,000001 r = −0,690428, p = 0,000001 r = −0,351015, p = 0,005962 r = −0,723923, p = 0,000001 HAD-D/MH HAD-D/PCS HAD-D/MCS r = −0,601863, p = 0,000001 r = −0.509234, p = 0,000033 r = −0,642152, p = 0,000001 HAD-A : dimension « anxiété » du IIAD ; HAD-D : dimension « depression » du HAD. a r : coefficient de corrélation. b test de corrélation non paramétrique de Spearman au CHU de Rouen]). Néanmoins, au MINI, le nombre de cas de troubles anxieux est plus important chez les femmes (Tableau 4). Les sous scores de l’échelle de qualité de vie sont tous fortement et inversement corrélés aux scores des deux dimensions de l’échelle HAD (Tableau 5). Discussion Il s’agit d’une étude transversale comparative de trois groupes de patients pré-et post-greffe avec respectivement six mois et un an de recul après la greffe. Dans cette étude, les données sociodémographiques et l’évolution globale de l’insuffisance rénale chronique ne différent pas significativement entre les trois groupes de patients. Cette étude ne retrouve pas d’impact majeur de la greffe rénale sur la prévalence des pathologies psychiatriques structurées comme cela est parfois mentionné dans la littérature psychopathologique. La prévalence des troubles anxieux et dépressifs évalués par le MINI ne diffère pas significativement entre les trois groupes de patients. Les scores moyens d’anxiété de la HAD ne diffèrent pas significativement entre les trois groupes et sont en moyenne inférieurs aux valeurs seuils pathologiques fixées à huit en dépistage. La littérature décrit la cinétique suivante : niveau d’anxiété élevé avant la greffe lié à l’attente, suivi d’une amélioration, d’un soulagement, en post-greffe immédiat puis d’un retour à un niveau important d’anxiété à distance de la greffe, en rapport avec les nombreuses contraintes postopératoires et la crainte de rejet du greffon. Cette évolution est suggérée par le processus d’internalisation du greffon [9,12]. Notons que l’étude de Fukunishi et al.en 2001, montrant une diminution de la prévalence de la dépression après la greffe, était réalisée à partir de don- neurs apparentés vivants et son outil d’évaluation n’était pas standardisé. La répartition des patients dans les trois groupes de notre étude suit cette cinétique du niveau d’angoisse sans atteindre la significativité. Un manque de puissance du test par faiblesse des effectifs ou un manque de sensibilité de l’échelle HAD peuvent avoir joué un rôle dans la négativité des résultats. Les scores moyens de dépression de la HAD diffèrent significativement entre le groupe « pré-greffe » et « un an post-greffe », avec une tendance à la significativité à six mois. La greffe rénale pourrait donc améliorer les troubles dépressifs des insuffisants rénaux comme le suggère indirectement la diminution significative de la consommation de psychotropes dans notre étude. Cependant, notre étude porte sur trois groupes différents analysés de façon transversale sans étude de l’évolution de chacun des trois groupes. Seule une étude longitudinale avec des évaluations répétées chez les mêmes sujets permettrait d’apprécier l’impact de la transplantation en terme d’amélioration ou de détérioration des scores moyens de dépression et de qualité de vie. D’autres études de la littérature confirment ces hypothèses [9] suggérant notamment qu’après une période d’un an, l’incorporation complète du greffon diminue le risque de décompensation psychique [12]. Notons que l’augmentation de la prescription de corticoïdes entre le groupe « pré-greffe » et le groupe « six mois post-greffe » concorde avec le schéma thérapeutique classique. Elle pourrait participer à une amélioration de l’humeur en post-greffe, mais la faiblesse de l’effectif de patients traités ainsi que la disparité des doses prescrites ne nous permet pas de conclure quant à l’influence des corticoïdes sur les troubles dépressifs. Concernant l’évolution des scores globaux de l’échelle de qualité de vie SF-36, notre étude ne retrouve pas de différence significative entre les trois populations pour les scores résumés psychique et physique. Cette absence de significa- 434 tivité peut s’expliquer par le fait que l’effectif de notre étude est réduit. Nous ne pouvons constater qu’une tendance à une différence de ces scores résumés de qualité de vie entre les trois groupes. Seul l’item GH (santé perçue) de l’échelle de qualité de vie montre un score significativement meilleur en post-greffe suggérant que la greffe rénale aurait un impact positif sur l’état de santé que les patients perçoivent d’eux-mêmes. De nombreuses études se sont intéressées à la qualité de vie chez les greffés et vont également dans le sens d’une amélioration de celle-ci après la transplantation [25,27,13]. Elles ajoutent que par la suite, cette qualité de vie s’altère à nouveau tout en restant meilleure qu’avant la greffe. La santé des transplantés demeure en effet précaire, impose un suivi strict, avec le risque de rejet du greffon et le retour en dialyse ; enfin, les patients souffrent des effets indésirables des immunosuppresseurs. Dans notre étude, les sous scores à l’échelle de qualité de vie sont fortement et inversement corrélés aux scores des dimensions d’anxiété et de dépression de l’échelle HAD. À notre connaissance, aucune étude à ce jour n’a démontré une telle corrélation entre qualité de vie et troubles psychiatriques dans ce type de population. Conclusion Cette étude n’a pas retrouvé d’impact négatif majeur de la greffe rénale sur la prévalence des troubles psychiatriques. La qualité de vie et l’état de santé perçu des patients dialysés ou transplantés sont fortement corrélés aux troubles anxieux et dépressifs. Un suivi conjoint néphrologique et psychiatrique est tout à fait important chez ces patients dialysés ou transplantés rénaux dont la qualité de vie est fortement corrélée aux troubles anxieux et dépressifs. La réalisation d’une étude prospective à partir de plus grands effectifs devrait permettre de préciser les tendances retrouvées dans cette étude. Remerciements Les auteurs remercient le Pr J P Lépine (CHU Lariboisière-F Widal, Inserm U705, Paris) pour son aide méthodologique et le Dr J F Ménard (unité de biostatistiques, CHU de Rouen) pour l’analyse statistique. Références [1] Aaronson NK, Acquadro C, Alonso J. International quality of life assessment (IQOLA) project. Quality Life Res 1992;I: 349—51. [2] Aussenac C. Réflexions cliniques sur les implications psychologiques de la transplantation rénale. Psychol Med 1994;26(S2):130—4. [3] Beausang P, Syyed R. Screening for anxiety and depression in adult general medical patients in a Scottish District General Hospital. Scott Med J 1998;43(6):177—80. [4] Brochier T, Chanard J, Pascalis JG. Problèmes psychologiques et psychiatriques des transplantations rénales. Ann Med Psychol 1990;148(1):85—8. [5] Carr VJ, Lemin TJ, Walton JM, et al. Consultationliaison psychiatry in general practice. Aust NZ J Psychiatry 1997;31(1):85—94. A. Baguelin-Pinaud et al. [6] Consoli SM. 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