la poste - Service de listes de diffusion

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la poste - Service de listes de diffusion
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Grosses délivrées
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 13 AVRIL 2016
(n°
, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 13/24840
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2013 -Tribunal de Commerce de
PARIS - RG n° 2012009948
APPELANTES
SARL IMPERIAL PUB
ayant son siège social 12-14 avenue François Sommer
92160 ANTONY
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Alain NOSTEN de la SCP GROC - NOSTEN, avocat au barreau
de PARIS, toque : E1624
SARL GPS
ayant son siège social 2 rue Edouard Vasseur
94200 IVRY SUR SEINE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Alain NOSTEN de la SCP GROC - NOSTEN, avocat au barreau
de PARIS, toque : E1624
INTIMÉES
SA LA POSTE
ayant son siège social 44 boulevard de Vaugirard
75015 PARIS
N° SIRET : 356 000 000
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Maître Romain FERLA du LLP WEIL GOTSHAL &
MANGES LLP- WGM, avocat au barreau de PARIS, toque : L0132
SAS MEDIAPOST
ayant son siège social 19 rue de la Villette
69003 LYON
N° SIRET : 331 648 014
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Maître Romain FERLA du LLP WEIL GOTSHAL &
MANGES LLP- WGM, avocat au barreau de PARIS, toque : L0132
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 Février 2016, en audience publique, devant la Cour
composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, rédacteur
Monsieur François THOMAS, Conseiller
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT
ARRÊT :
- Contradictoire,
- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du
code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Monsieur
Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La Sa Mediapost, créée en 1987, est une filiale à 95 % de la société Sofipost, ellemême filiale à 95 % de la Sa La Poste; elle exerce sur le marché national une activité de
distribution de prospectus publicitaires en boîtes à lettres.
La Sarl Imperial Pub et la Sarl Gps qui entretiennent d'étroites relations
commerciales, exercent en Ile de France la même activité que la Sa Mediapost.
En 2001, la société Mediapost s'est rapprochée de la société Delta Diffusion qui
exerce également dans le secteur de la publicité non adressée (PNA). Le projet de
concentration a été soumis au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie qui par
lettre du 14 août 2001, a considéré qu’il n’y avait pas lieu de saisir le Conseil de la
concurrence. En 2003, la société Mediapost a racheté la société Delta Diffusion.
Soutenant que depuis 2010, elles déploraient la perte de clients importants,
notamment dans le secteur de la grande distribution, au profit de la société Mediapost,
pertes qu’elles attribuent au fait que cette dernière profite des avantages que confère à la
Poste sa qualité de prestataire du service universel postal, les sociétés Imperial Pub et Gps
ont, par exploit daté du 16 février 2012, assigné les sociétés La Poste et Mediapost devant
le tribunal de commerce de Paris en indemnisation pour abus de position dominante par la
pratique de prix prédateurs.
Par jugement du 22 novembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a débouté
les sociétés Imperial Pub et Gps de l’ensemble de leurs demandes.
Vu l'appel interjeté le 24 décembre 2013 et les dernières conclusions signifiées le
30 juin 2014 par lesquelles la Sarl Imperial Pub et la Sarl Gps demandent à la cour de :
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 22 novembre 2012 en toutes
ses dispositions
- débouter La Poste et Mediapost de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions
- constater que les agissements des sociétés La Poste et Mediapost sont constitutifs d'abus
de position dominante
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en conséquence,
à titre principal,
- condamner les sociétés La Poste et Mediapost à payer aux sociétés Imperial Pub et Gps
la somme de 1.800.000 euros à titre de dommages et intérêts
subsidiairement,
- solliciter l’avis du Conseil de la concurrence
- désigner tel expert afin d'évaluer le dédommagement dû par La Poste et Mediapost aux
sociétés Imperial Pub et Gps en application de la directive 2008/6/CE
dans tous les cas,
- condamner les sociétés La Poste et Mediapost au paiement de la somme de 10.000 euros
au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile dont distraction au
profit de Maître Jean-Loup PEYTAVI
- condamner les sociétés La Poste et Mediapost aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 mai 2014 par lesquelles la Sa La Poste
et la Sa Mediapost demandent à la cour de :
Vu la directive 2008/6/CE
Constater que cette directive ne prévoit aucun dédommagement au bénéfice des sociétés
Imperial Pub et Gps ;
Vu l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu l’article L.420-2 du Code de commerce
- constater qu’Imperial Pub et Gps n’apportent pas la preuve d’un quelconque abus de
position dominante ;
Vu les articles L.462-3 et R.462-3 du Code de commerce,
- à titre principal, rejeter la demande de Saisine de l’Autorité de la concurrence pour avis ;
ou
- à titre subsidiaire, circonscrire toute éventuelle demande d’avis à l’Autorité de la
concurrence que la Cour jugerait utile de formuler à la seule question de Savoir si les prix
pratiqués par Mediapost lors de l’appel d’offres de Casino « Distribution boîtes aux lettres
décentralisée Hypers/Supers 2011 » peuvent être considérés comme entrant dans le cadre
d’une stratégie de prédation ;
En conséquence,
- à titre principal, débouter Imperial Pub et Gps de leurs demandes sur le fondement de la
directive 2008/6/CE, de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne, de l’article L.420-2 du Code de commerce et des articles L.462-3 et R.462-3
du Code de commerce ;
ou
- à titre subsidiaire, dans l’éventualité où la Cour jugerait utile, avant dire droit, de formuler
une demande d’avis à l’Autorité de la concurrence sur le fondement des articles L.462-3
et R.462-3 du Code de commerce, circonscrire une telle demande d’avis à la seule question
de Savoir si les prix pratiqués par Mediapost lors de l’appel d’offres de Casino
«Distribution boîtes aux lettres décentralisée Hypers/Supers 2011 » peuvent être considérés
comme entrant dans le cadre d’une stratégie de prédation ;
en tout état de cause,
- condamner les sociétés Imperial Pub et Gps à verser aux sociétés La Poste et Mediapost
la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de
procédure civile ;
- condamner les sociétés Imperial Pub et Gps aux entiers dépens dont distraction au profit
de Maître TEYTAUD, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de
procédure civile ;
SUR CE,
Considérant que le tribunal de commerce a débouté les demanderesses de
l’ensemble de leurs demandes aux motifs que les points identifiés par l’étude Wik Consult
(exonération de TVA, prépaiement des frais de port, faibles coûts de transaction) comme
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étant susceptibles de donner lieu à des avantages immatériels, constituaient des économies
permettant de pratiquer des meilleurs prix pour les consommateurs et ne présentaient pas
de difficultés au regard du droit de la concurrence, qu’en ce qui concerne la TVA, la société
La Poste n’en est exonérée que pour les seuls produits du service universel, que les
prestations offertes par Mediapost n’en sont pas exonérées, que la mutualisation de la main
d’oeuvre n’est pas démontrée, que l’utilisation croisée de bases de données n’est pas non
plus prouvée et que les demanderesses ne rapportaient pas de preuves des prix soit disant
prédateurs de Mediapost ;
Considérant que pour solliciter l’infirmation de ce jugement, les sociétés appelantes
indiquent en préambule que depuis deux ans, elles déplorent la perte de clients importants
au profit de la société Mediapost qui profite, en tant que filiale, de la position dominante
de La Poste et de sa qualité de prestataire du service universel pour pratiquer des prix
prédateurs ; qu’elle rappellent fonder leurs demandes de dédommagement sur les
dispositions des articles 82 CE et L 420-2 du code de commerce et non sur la directive
2008/6/CE ; qu’elles insistent sur l'opacité des comptes de La Poste qui n’aurait pas permis
de mettre à jour les pratiques répréhensibles ; qu’elles se réfèrent aux avis de l’Arcep et au
rapport du cabinet Wik-Consult mandaté par l’Arcep, publié en mai 2010 intitulé
“L’évaluation des avantages immatériels dans le cadre du service universel postal” ;
qu’elles font valoir en substance que la société Mediapost utilise les avantages immatériels
de la société La Poste pour développer son activité faussant ainsi le jeu de la concurrence
en proposant des prix très bas empêchant ses concurrents de s’aligner sur les prix qu’elle
pratique et d’utiliser les mêmes méthodes de distribution ; qu’elles précisent que l’utilisation
de la technique de la “distribution par poignée”permet à Mediapost de réduire ses coûts de
distribution ; qu’elles estiment démontrer de façon incontestable par les pièces qu’elles
versent aux débats (constat par les syndicats CGT et SUD dans un article du journal
l’Union Champagne Ardennes Picardie, le forum des postiers, le rapport Wik, un article du
Point relatant la plainte de salariés de Mediapost pour travail dissimulé) la mutualisation de
la main d’oeuvre des intimées ; qu’elles ajoutent que l’exonération de TVA dont bénéficie
La Poste en sa qualité de prestataire du service universel constitue un avantage, que La
Poste bénéficie de la base de données de l’ensemble des bénéficiaires du service universel
permettant d’offrir un service présenté comme exclusif, “la gamme select” qui permet un
“ciblage à l’adresse”que les autres concurrents ne peuvent proposer ; qu’elles en déduisent
que La Poste utilise plusieurs de ses ressources et avantages pour permettre à la société
Mediapost de pratiquer des tarifs très bas ; qu’elles précisent avoir été informées des
pratiques déloyales en matière tarifaire lors de la perte du client Casino ; qu’en tant que de
besoin, elles invitent la cour à solliciter, en application des dispositions de l’article L 462-3
du code de commerce, l’avis de l’Autorité de la concurrence concernant la pratique de prix
prédateurs ; qu’enfin, s’agissant de l’évaluation du dédommagement auquel elles peuvent
prétendre, elles se prévalent d’un rapport du Cabinet d’expertise Gmba ;
Considérant qu’en réplique, les sociétés intimées rappellent que le
dédommagement prévu par la directive européenne 2008/6/CE est prévu au seul bénéfice
du prestataire de service universel, et non au bénéfice des prestataires de services
concurrents ; qu’elles soutiennent, en substance, que les demandes des sociétés appelantes
se résument à des allégations non fondées et insuffisantes en droit pour caractériser un
quelconque abus de position dominante ; qu’elles affirment que l'opacité des comptes
alléguée n'est pas démontrée car l'Arcep et les audits ont constaté la conformité des
comptes de La Poste ; qu’à cet égard, elles relèvent que les avis de l'Arcep visés par les
appelantes ne visent pas le marché de la PNA ; qu’elles considèrent que La Poste n’a fait
bénéficier Mediapost d’aucun des prétendus avantages ou ressources tirés de sa qualité de
prestataire de service universel, que les avantages immatériels allégués ne sont pas certains
et doivent, en tout état de cause, être nuancés compte tenu des coûts induits par les
prestations de service universel ; qu’elles ajoutent qu’il ne peut être reproché à la Poste de
bénéficier d’une bonne image ou d’une bonne réputation ou encore d’économies d'échelle,
économies qui ne sont pas problématiques au regard du droit de la concurrence et
permettent de pratiquer des meilleurs prix aux consommateurs ; qu’elles font observer,
concernant la TVA, que les prestations offertes par Mediapost n’en sont pas exonérées et
qu’en outre l’avantage que le groupe La Poste tirerait d’une exonération de TVA sur ses
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prestations de service universel n’est pas démontré ; que s’agissant d’une mutualisation de
la main d'oeuvre, elles estiment qu’elle n’est pas prouvée et serait, en tout état de cause,
insuffisante à constituer un abus de position dominante dès lors que la pratique de prix
prédateurs n'est pas démontrée ; qu’elles considèrent également que la preuve d’une
utilisation croisée de bases de données n’est pas rapportée ; qu’enfin, elles affirment que
l’existence de prix prédateurs n’est pas avérée dès lors que les sociétés appelantes ne
démontrent pas que les prix soient inférieurs à la moyenne des coûts variables ou qu’ils
seraient inférieurs à la moyenne des coûts totaux mais supérieurs à la moyenne des coûts
variables ; qu’elles ajoutent que Mediapost pratique des prix supérieurs à ceux des
concurrents, qu’elle est bénéficiaire sur son activité d’imprimés sans adresse de sorte qu’elle
ne consent aucun sacrifice à court terme dans le but d’évincer ses concurrents et que par
ailleurs, elle perd régulièrement un nombre important de clients ; qu’elles relèvent que les
pratiques tarifaires déloyales invoquées pour la perte du client Casino ne sont nullement
étayées ; qu’elles concluent donc à l’absence d’abus de position dominante et s’opposent
à la demande d’avis de l’Autorité de la concurrence qu’elles estiment irrecevable et en tout
état de cause, inutile à la solution du litige, la cour disposant de tous les éléments de fait et
de droit lui permettant de juger la présente affaire ; qu’enfin, s’agissant de l’évaluation du
préjudice prétendument subi par les appelantes, elles considèrent qu’elles se fondent sur des
prémisses erronées et se réfèrent à des agissements non prouvés et, de surcroît, ne
présentant aucun lien de causalité avec les pertes qu’elles auraient subies ;
Considérant que l’article 82 du traité CE devenu l’article 102 TFUE interdit
l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie
substantielle de celui-ci ; que selon l'article 420-2 du code de commerce, « Est prohibée,
dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise
ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie
substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en
ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de
relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à
des conditions commerciales injustifiées. Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est
susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation
abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique
dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent
notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées
au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme » ;
Sur les pratiques imputées à Mediapost :
Considérant que les sociétés appelantes soutiennent que Mediapost pratique des
prix prédateurs, ce qui serait constitutif d’un abus de position dominante ;
Considérant que les parties ne contestent pas l'existence d'un marché de la publicité
non adressée en Ile de France sur lequel elles sont en concurrence ; qu'elles ne contestent
pas le caractère substituable de leurs services ; que la position dominante qu’occuperait sur
ce marché la société Mediapost, filiale du groupe La Poste, ne fait l’objet d’aucun débat
entre elles ;
Considérant qu’il appartient aux sociétés Imperial Pub et Gps qui invoquent un
abus de position dominante par une pratique de prix prédateurs, d’en rapporter la preuve ;
qu’un tel abus ne saurait se déduire de la seule existence d’une position dominante et/ou
d’avantages immatériels dont Mediapost serait bénéficiaire par l’intermédiaire de La Poste
dans le cadre du service universel postal ; qu’il sera rappelé que la pratique de prédation
consiste pour une entreprise en position dominante à fixer ses prix à un niveau tel qu’elle
supporte des pertes ou renonce à des bénéfices à court terme, et ce, délibérément, de façon
à évincer ou à discipliner un ou plusieurs de ses concurrents en vue de remonter
ultérieurement ses prix afin de récupérer ses pertes, portant de ce fait préjudice aux
consommateurs ; que la preuve de la prédation ne sera établie que si les sociétés appelantes
démontrent que le comportement adopté par Mediapost en matière de prix s'inscrit dans une
stratégie de prédation, c'est-à-dire une stratégie visant le découragement de ses concurrents
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et la récupération ultérieure des pertes initialement subies ; qu’il leur appartient, à tout le
moins, de démontrer l’existence d’un ensemble d’indices laissant présumer la commission
d’une prédation ;
Considérant qu’il doit être d’ores et déjà constaté que la Sarl Imperial Pub et la
Sarl Gps qui soutiennent que Mediapost propose des prix très bas par rapport à ceux
pratiqués par ses concurrents, ne produisent aucun élément à cet égard ; qu’elles déduisent
de la perte de clients importants -qu’elles s’abstiennent, au demeurant, d’identifier à
l’exception du client Casino- au profit de Mediapost, une pratique par celle-ci de prix
prédateurs ; qu’elles présument l’existence de rabais qu’elle consentirait, du fait des
avantages immatériels dont sa maison mère lui ferait profiter à seule fin d’évincer ses
concurrents ;
Considérant que la Sarl Imperial Pub et la Sarl Gps ne justifient aucunement que
la perte du client Casino soit intervenue en suite d’une pratique tarifaire déloyale ; que les
documents relatifs à l’appel d’offres concernant le marché avec le groupe Casino qu’elles
produisent aux débats ne constituent pas un élément de preuve ni même un commencement
de preuve ; qu’en toute hypothèse, il est constant que comme l’a souligné l’Autorité de la
concurrence, pour être abusive, une pratique de prix bas doit revêtir un caractère
suffisamment permanent et étendu de sorte que l’on puisse en déduire qu’elle fait partie
d’une stratégie de détournement de clientèle d’un concurrent et d’éviction de celui-ci ; que
la seule perte d’un client ne caractérise pas une telle pratique ;
Sur les pratiques imputées à La Poste :
Considérant que les sociétés appelantes soutiennent que les avantages consentis
par La Poste à sa filiale constituent un abus de position dominante de La Poste ; qu’elle
aurait permis à Mediapost de pratiquer des prix prédateurs en lui faisant profiter de son
image de marque et des avantages immatériels dont elle bénéficie dans le cadre du service
universel ;
Considérant que si les pratiques de diversification des opérateurs historiques , et
notamment la création de filiales opérant en dehors du coeur de l’ancien monopole, ne sont
pas anticoncurrentielles en soi, c'est à la condition que les conditions de la concurrence ne
soient pas faussées ; que si l’opérateur historique permet à sa filiale de pratiquer des prix
bas sur un marché concurrentiel grâce à des subventions croisées, sous forme d'avantages
matériels divers provenant de ses activités exercées en monopole ou sous le régime du
service public, conduisant à affecter la concurrence sur ce marché connexe, ou entretient
la confusion entre leurs activités respectives, faisant indûment bénéficier la filiale de l’image
du service public, celui-ci peut être convaincu d’abus de position dominante ;
Mais considérant, en premier lieu, que les appelantes ne démontrent pas en l'espèce
sur quel marché La Poste serait en position dominante ;
Considérant, en second lieu, qu’il est constant, comme l’a relevé l’étude réalisée
par le cabinet WIk Consult en mai 2010, que La Poste dispose d’une bonne image de
marque et de réputation acquise depuis de nombreuses années et qu’elle a une connaissance
détaillée du marché français du courrier et des colis ; qu’elle bénéficie en tant que
prestataire désigné tenu à une obligation de service universel d’un certain nombre
d’avantages immatériels (économies d’envergure et d’échelle, coûts partagés de
distribution, exonération de TVA) ;
Considérant que la Sarl Imperial Pub et la Sarl Gps soutiennent que les sociétés
intimées pratiquent une mutualisation de la main d’oeuvre qui permettrait à Mediapost de
bénéficier d’économies d’envergure en ce que, notamment, les facteurs distribueraient les
prospectus publicitaires au cours de leurs tournées ;
Mais considérant que les seules pièces versées aux débats à cet égard, soit un
article du journal l’Union Champagne Ardennes Picardie, un extrait du forum des postiers,
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des tracts des syndicats CNT PTT, SUD PTT et CFDT et un article du Point relatant la
plainte de salariés de Mediapost pour travail dissimulé, ne concernent aucunement le
marché pertinent, soit celui de la région Ile de France et qu’en outre, elles ne relatent que
des interrogations et des inquiétudes ; qu’elles sont donc inopérantes à établir l’existence
d’une mutualisation par les sociétés intimées sur le marché en cause ; que l’interview du
directeur des ressources humaines de Mediapost que les sociétés appelantes se contentent
de produire sans, au demeurant, procéder à une quelconque analyse des termes, et qui fait
seulement état de l’existence de 15.000 salariés dont 90 % sont des distributeurs
professionnels, est inopérant à démontrer la mise en oeuvre d’une mutualisation ; qu’en
outre, la Sarl Imperial Pub et la Sarl Gps se gardent de rappeler qu’il existe un régime
dérogatoire en zone rurale où La Poste ouvre son réseau de distribution à tout opérateur
de publicité non adressée qui en ferait la demande ;
Considérant qu’à cet égard, la Sarl Imperial Pub et la Sarl Gps ne peuvent pas plus
utilement se prévaloir de l’étude Wik Consult laquelle, si elle relève que des économies
d’échelle et d’envergure apparaissent dans et entre les produits relevant de l’obligation de
service universel (OSU), ne considère toutefois pas, contrairement à ce que soutiennent les
sociétés appelantes, que ces économies bénéficient, par principe, aux produits non-OSU
mais envisage seulement une telle éventualité lorsque la fabrication des produits OSU
diminue le coût de unitaire de fabrication des produits non-OSU ;
Considérant par ailleurs que si La Poste est exonérée de TVA, elle ne l’est que
pour les seuls produits du service universel ; que l’activité de distribution d’imprimés
publicitaires par Mediapost est assujettie à la TVA ; que les sociétés appelantes se
contentent d’affirmer péremptoirement que “ la Poste et Mediapost peuvent jouer sur les
deux tableaux et cumuler ainsi les avantages puisque l’activité de l’une est assujettie et
pas celle de l’autre.” alors qu’il ne ressort d’aucun élément que l’exonération de TVA pour
les produits du service universel distribués par La Poste ait un quelconque impact sur le
coût des produits de Mediapost et partant sur les prix pratiqués par celle-ci ; qu’à titre
surabondant, il sera relevé que l’exonération de TVA dont bénéfice La Poste ne constitue
pas toujours un avantage ; qu’ainsi, lorsque le client est récupérateur de TVA, l’Arcep a
considéré que La Poste était désavantagée par rapport à un concurrent aussi efficace en ce
qu’elle supportait la TVA cachée sur les achats intermédiaires et la taxe sur les Salaires, ce
qui constitue un surcoût fiscal ;
Considérant en outre qu’il ne ressort d’aucun élément que Mediapost utilise la base
de données de l’ensemble des bénéficiaires du service universel que lui communiquerait La
Poste ; qu’il n’est notamment pas établi que le ciblage à l’adresse revendiqué par Mediapost
le serait à partir des données communiquées par La Poste ; que la Sarl Imperial Pub et la
Sarl Gps procèdent, là encore, par voie d’affirmation ;
Considérant qu’en définitive, les sociétés appelantes ne rapportent pas la preuve
de la prédation ; qu’à tout le moins, elles ne justifient d’aucun indice laissant présumer
l’existence d’une pratique de prix prédateurs ; qu’en conséquence, aucun élément ne justifie
de la nécessité de solliciter l’avis de l’Autorité de la concurrence ; qu’aucun abus n’est
démontré ni du chef de La Poste ni du chef de Mediapost ; que le jugement entrepris sera
donc confirmé en ce qu’il a débouté la Sarl Imperial Pub et la Sarl Gps de l’intégralité de
leurs demandes ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
ET y ajoutant,
CONDAMNE in solidum la Sarl Imperial Pub et la Sarl Gps aux dépens de l’appel,
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ARRÊT DU 13 AVRIL 2016
RG n° 13/24840- 7ème page
AUTORISE Maître Teytaud, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions
de l’article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum la Sarl Imperial Pub et la Sarl Gps à verser à la société
la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier
La Présidente
Vincent BRÉANT
Françoise COCCHIELLO
Cour d’Appel de Paris
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 13 AVRIL 2016
RG n° 13/24840- 8ème page