Jean-Luc Godard

Transcription

Jean-Luc Godard
L’Adrc,
Ciné Classic,
A BOUT DE SOUFFLE
UNE FEMME EST UNE FEMME
LE MÉPRIS
présentent
Jean-Luc
Godard
1959 – 1963
1959, France, 1h30, 35 mm, NB
Scénario : Jean-Luc Godard,
d’après une histoire originale
de François Truffaut
Images : Raoul Coutard
Conseiller technique :
Claude Chabrol
Musique : Martial Solal,
Concerto pour clarinette
et orchestre K.622 de Mozart
Montage : Cécile Décugis
Interprétation :
Jean-Paul Belmondo
(Michel Poiccard), Jean Seberg
(Patricia Franchini),
Daniel Boulanger (l’inspecteur),
Jean-Pierre Melville (Parvulesco),
Liliane David (Liliane),
Henri-Jacques Huet (Berrutti),
Van Doude (le journaliste),
Jean-Luc Godard (mouchard),
Roger Hanin, Gérard Brach,
André S. Labarthe, Jean Douchet,
Jean Domarchi, Jean Herman
Production : Georges de
Beauregard, SNC, Imperia film
Prix Jean Vigo 1960
1961, France, 1h24, 35 mm, couleur
Scénario : Jean-Luc Godard,
d’après une idée
de Geneviève Cluny
Images : Raoul Coutard
(Franscope et Eastmancolor).
Décors : Bernard Evein
Script : Suzanne Schiffmann
Musique : Michel Legrand
Son : Guy Vilette
Montage : Agnès Guillemot,
Lila Herman
Interprétation :
Anna Karina (Angela),
Jean-Claude Brialy (Émile),
Jean-Paul Belmondo (Alfred),
Nicole Paquin (Suzanne), Ernest
Menzer (le patron du cabaret),
Marie Dubois, Jeanne Moreau,
Marion Sarrault
Production : Rome Paris Films
(Georges de Beauregard)
Prix Spécial du jury,
Prix d’interprétation féminine
à Anna Karina, Berlin 1961
1963, France/Italie, 1h43,
35 mm, couleur
Scénario : Jean-Luc Godard
d’après le roman d’Alberto Moravia
Images : Raoul Coutard
(Franscope et Eastmancolor)
Script : Suzanne Schiffmann
Musique : Georges Delerue
Son : William Sivel
Interprétation :
Brigitte Bardot (Camille Javal),
Jack Palance (Jeremiah Prokosch),
Fritz Lang (lui même,
réalisateur de l’Odyssée),
Michel Piccoli (Paul Javal),
Georgia Moll (Francesca Vanini),
Jean-Luc Godard (assistant
de Fritz Lang pour l’Odyssée)
et quelques statues
Production : Rome Paris Films
(Carlo Ponti, Georges de
Beauregard), Films Concordia,
Paris, Compagnie Cinematografica
Champion, Rome.
Brigitte Bardot, Le Mépris
A BOUT DE SOUFFLE
Michel Poiccard, voleur d'autos, tue un motard lancé à sa poursuite.
Il retrouve à Paris son amie américaine Patricia Franchini, dont il
devient l'amant. Il la convainc de partir en Italie avec lui. Mais la
police retrouve l'identité du meurtrier et le traque. Patricia, malgré
son amour pour Michel, le dénonce à la police.
“Si vous n’aimez pas la mer, si vous
n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez
pas la ville… allez vous faire foutre!”
“Mes premiers courts métrages étaient très préparés et tournés très vite.
A bout de souffle a été commencé ainsi. J’avais écrit la première scène
(Jean Seberg sur les Champs-Elysées) et, pour le reste, j’avais énormément
de notes correspondant à chaque scène. Je me suis dit : c’est affolant !
J’ai tout arrêté. Puis j’ai réfléchi : en un jour si on sait s’y prendre, on doit
arriver à tourner une dizaine de plans. Seulement au lieu de trouver
longtemps avant, je trouverai juste avant. Quand on sait où l’on va, ce doit
être possible. Ce n’est pas de l’improvisation, c’est de la mise au point de
dernière minute. Evidemment il faut garder la vue d’ensemble, on peut la
modifier pendant un certain temps, mais à partir du tournage, elle doit
changer le moins possible, sinon c’est catastrophique. J’ai lu dans une revue
anglaise que je faisais une improvisation dans le style Actor’s studio, avec
des acteurs à qui l’on dit : tu es untel donc tu agis à partir de ça. Mais
jamais le dialogue de Belmondo n’a été inventé par lui. Il était écrit ;
seulement les acteurs ne l’apprenaient pas, le film était tourné en muet et je
soufflais les répliques.” Jean-Luc Godard Les Cahiers du cinéma, décembre 1962
UNE FEMME EST UNE FEMME
Angela Récamier (Anna Karina), strip-teaseuse dans le faubourg
Saint-Denis, veut un enfant. Son mari Emile (Jean-Claude Brialy)
ne veut pas. Elle parviendra à ses fins en lui annonçant qu’elle a
couché avec Alfred Lubitsch (Jean-Paul Belmondo) et qu’il faut bien
endosser la paternité. Le jeu c'est la vie et Angela joue avec l'amour
d'Alfred, la jalousie d'Emile et avec ses propres désirs...
“Je ne suis pas infâme,
je suis une femme.”
“Si le cinéma selon Godard se caractérise par une valorisation du présent
(et le monde selon Godard par une attention exclusive portée aux valeurs
du présent), ce ne peut être que par fidélité au cinéma. A vrai dire,
Godard se soucie peu de savoir si la marquise est sortie et à quelle heure.
Ce qui l’intéresse, c’est la voir sortir. Le reste n’est que de la ficelle :
on en faisait autrefois des romans, on en fait encore aujourd’hui des films.
Montrer la marquise en train de sortir : ce pourrait être le mot d’ordre de
tout le cinéma moderne. Godard ne faisait pas autre chose lorsqu’il
supprimait d’un coup, dans son premier film, tous ces moments morts,
transitifs, uniquement destinés (dans les films comme dans les livres) à lier
dans notre savoir toutes les péripéties de l’action. Une femme est une
femme pousse encore plus loin l’élimination des éléments proprement
syntaxiques du cinéma. Godard supprime ici tout ce qui n’est pas l’essentiel,
ne retenant souvent d’une séquence que le minimum de plans : par exemple
dans la scène où Anna Karina parodie la comédie américaine. Plus encore
qu’A bout de souffle, Une femme est une femme est une succession de
plans privilégiés et autonomes.” André S. Labarthe Les Cahiers du cinéma,
novembre 1961
LE MÉPRIS
Paul Javal, auteur dramatique, a perdu toute confiance en ses
capacités. Il accepte de réécrire les scènes pour l'Odyssée que
tourne Fritz Lang. Sans raison apparente, un certain malaise
s'installe entre Paul et sa femme Camille. Petit à petit, Camille se
met à mépriser Paul.
“Le cinéma substitue à notre regard un
monde qui s’acorde à nos désirs.
Le mépris est l’histoire de ce monde.”
“Quand j’y réfléchis bien, outre l’histoire psychologique d’une femme qui
méprise son mari, Le Mépris m’apparaît comme l’histoire de naufragés du
monde occidental, des rescapés du naufrage de la modernité, qui abordent
un jour, à l’image des héros de Verne et de Stevenson, sur une île déserte et
mystérieuse, dont le mystère est inexorablement l’absence de mystère, c’està-dire la vérité. Alors que l’Odyssée d’Ulysse était un phénomène physique,
j’ai tourné une odyssée morale. Le Mépris prouve en 149 plans que dans le
cinéma comme dans la vie, il n'y a rien de secret, rien à élucider, il n'y a
qu'à vivre et à filmer.” Jean-Luc Godard Les Cahiers du cinéma, août 1963
Jean-Luc Godard réalise six longs
métrages en rupture totale avec
les formes du cinéma traditionnel.
Après le “manifeste” d’A bout de
souffle (1959), Une femme est une
femme (1961) marque également une
étape importante du cinéma moderne;
et une nouvelle collaboration (après
Le Petit Soldat) du couple GodardKarina. En 1963, lorsqu’il réalise
Le Mépris avec Brigitte Bardot
dans le rôle principal, il est alors
sans conteste par son radicalisme
l’emblème le plus éclatant de la
Nouvelle Vague.
Jean-Luc Godard et Anna Karina, au moment de leur mariage
A bout de souffle
Jamais un film-manifeste ne connut une
telle audience. Le seul événement comparable
dans l’histoire du cinéma fut Citizen Kane mais
les points communs (effets de signature, “coup
d’essai, coup de maître”) ne peuvent pas faire
oublier la solitude de Welles dans le cinéma
américain : l’homme de troupe ne se confond pas
avec l’homme de groupe. L’accès au cinéma était
très réglementé dans les années cinquante et l’un
des principaux chevaux de bataille de la Nouvelle
Vague consista dans la libération de la voie,
fut-elle par la bande, à tous les sens du terme.
Au moment d’A bout de souffle Chabrol avait déjà
réalisé trois films (Le Beau Serge, Les Cousins
et A double tour) et il apparaît au générique du
film de Godard car la caution d’un “conseiller
technique” était requise pour les films de
débutants… Truffaut eut un rôle plus important
dans la concrétisation du projet. Principalement
il présenta Godard à Georges de Beauregard,
producteur en quête de jeunes cinéastes.
Accessoirement, il écrivit le scénario d’A bout de
souffle, mais le nom de l’auteur des Quatre cents
coups au générique de son film servit plus Godard
que la vingtaine de pages qu’il avait pu écrire.
Le film coûtera quarante millions de l’époque,
c’est à dire moins de la moitié d’une production
moyenne. Cette austérité financière stimulera les
imaginations : Godard inaugurera avec Raoul
Coutard les pratiques de la caméra portée et le film
sera enregistré sur une pellicule photographique,
l’HP5 d’Ilford ! Le rythme des prises des plans
séquences et la courte durée de certaines prises
de vues s’expliquent ainsi. Il en ira de même pour
certaines figures de montage et pour le cadrage de
scènes d’intérieurs. Le manque d’argent ne touche
pas seulement la technique, mais aussi le choix
des lieux de tournage : peu importe, car il s’agit
de filmer la vie “Là où elle est” et non dans les
studios. Là où elle est : à la ville ou à la campagne,
dans les rues, les chambres, les bureaux. Telle est
la valeur manifeste du film. A bout de souffle
n’est pourtant pas le premier film de fiction tourné
hors des studios, mais il est le seul à inscrire cette
sortie à son programme. Dès le début du film,
Belmondo s’adresse directement au spectateur :
“Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la
montagne, si vous n’aimez pas la ville … allez vous
faire foutre”. Le regard caméra est le premier
indice stylistique du manifeste, genre qui se
conjugue au futur. Les citations cinéphiliques
circonscriront son univers culturel – celui de la
critique – et ces traces du passé n’auront de cesse
que de marquer la provenance et l’originalité de
ceux qui représentent l’avenir du cinéma, les
cinéastes-cinéphiles. Le problème est de mener
de front la représentation de la vie et le discours
du manifeste. La solution de Godard passe par le
recours au genre policier. A bout de souffle est
la seule fiction cinématographique fondée sur la
coprésence d’un grand genre du cinéma américain.
D’autres films peuvent se référer, citer, emprunter,
plagier, commenter une source de cette ampleur ;
elle ne conditionne pas pour autant leur existence.
Chez Godard (par exemple) Une femme est une
femme ne sera (selon l’expression de son auteur)
Photos : Photos : DR/BIFI - Réalisation despixelsetdeshommes
que la nostalgie de la comédie musicale ;
Le Mépris abordera frontalement le cinéma dans
une tout autre perspective.
Une femme est une femme
Avec ce film, Godard découvre à la fois
la couleur, le studio, le son direct et le Scope.
La distribution est déjà typiquement godardienne
puisqu’elle réunit le Brialy des courts-métrages,
l’inévitable Belmondo et Anna Karina que le
cinéaste vient d’épouser. Le film se présente
comme une comédie. Il est aussi un commentaire
sur la comédie, une réflexion sur le théâtre, et la
“nostalgie de la comédie musicale”. Une femme
est une femme pose les premiers jalons d’une
pensée sur les rapports entre le théâtre et le
cinéma. “Dans les comédies, comme dans les
tragédies, à la fin du troisième acte, l’héroïne
hésite car son dessein se joue. C’est ce que le
vieux Corneille ou le jeune Molière appellent la
suspension”. Les paroles d’Angela sont évidemment
en situation. Malgré la réussite de la comédie et la
permanente drôlerie de son œuvre, Godard semble
savoir déjà que son genre est la tragédie (avec la
mort pour attribut) et que la réflexion sur le
théâtre passe par le documentaire.
Le mépris
Le cinéma a souvent donné des images
de lui-même. En 1963, Godard va réaliser pour la
première fois un film dont le sujet est le cinéma.
1963. La date est idéale pour un état des choses.
La chute des studios est à son terme, l’ère des
productions indépendantes s’est ouverte ;
l’industrie fonctionne au coup par coup, en fondant
les productions sur les vedettes et les adaptations
de best-sellers. La crise est mondiale, mais
parallèlement la Nouvelle Vague s’est affirmée, son
économie et son esthétique ont commencé à faire
des émules partout dans le monde et le jeune
cinéma connaît un essor qui atteindra son apogée
dans les années 1965-1967. D’autre part, cette
évolution ne va pas sans prise de conscience pour
les anciens critiques des Cahiers. Mis à part leurs
maîtres européens, le cinéma américain qui
s’effondre était pour eux le cinéma. La résonance
de l'œuvre de Godard, la signature du cinéaste,
son amour critique du cinéma et sa lucidité sur son
état le désignait tout particulièrement pour
réaliser le plus bel essai sur la question.
Marc Cerisuelo
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
Jean-Luc Godard, Marc Cerisuelo - Paris,
Lherminier-Editions des Quatre-vents, 1989 - Coll. :
Spectacle/Poche. Diffusion : L’Avant Scène Théâtre.
Jean-Luc Godard, Jean-Luc Douin - Paris : Rivages,
1989 - Coll. : Rivages-Cinéma.
Le mépris de Jean-Luc Godard : étude critique, Michel Marie - Paris :
Nathan, 1990 - Coll. : Synopsis.
Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, tome 1, 1950-1984 de JeanLuc Godard ; éd. établie par Alain Bergala - Paris : Cahiers du cinéma,
1998
A bout de souffle de Jean-Luc Godard : étude critique, Michel Marie Paris : Nathan, 1999 - Coll. : Synopsis.
La Nouvelle Vague, Claude Chabrol, Jean-Luc Godard, Jacques Rivette,
Eric Rohmer, François Truffaut : textes et entretiens parus dans les
Cahiers du cinéma, réunis par Antoine de Baecque et Charles Tesson;
précédé d'un entretien avec André S. Labarthe. - Paris : Cahiers du cinéma, 1999 - Coll. : Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma.
Godard et la société française des années 1960, Jean-Pierre Esquenazi
- Paris Armand Collin, 2004
Godard simple comme bonjour, Jean-Louis Leutrat, Suzanne LiandratGuigue - Paris : L’Harmattan, 2005
Jean- Luc Godard
Entre 1959 et 1963,
Repères
bio-filmographiques
1930. Naissance à Paris le 3 décembre
dans une famille franco- suisse.
1952. C’est à la Cinémathèque
française d’Henri Langlois qu’il fait
la rencontre de François Truffaut,
Jacques Rivette et d'Eric Rohmer
avec lesquels il s’impose aux Cahiers
du Cinéma.
1954. Jean-Luc Godard tourne en
Suisse son premier court métrage
(Opération Béton) puis Tous les
garçons s’appellent Patrick
et Charlotte et son Jules avec
Jean-Paul Belmondo.
1959. Il réalise A bout de souffle
qui en fait l’un des porte-drapeaux
de la Nouvelle Vague.
1960. Le Petit Soldat. Première
collaboration avec Anna Karina qui
devient son épouse. De cette collaboration découleront successivement
Une femme est une femme (1961),
Vivre sa vie (1962), Bande à part
(1963), Alphaville (1965), Pierrot le
fou (1965), Made in U.S.A. (1966)
1963. Le Mépris (d’après le roman
de Moravia)
1967. Jean-Luc Godard réalise
La Chinoise avec Anne Wiazemsky.
Il se marient à Paris la même année.
1968. Godard s’engage jusqu’en 1972
dans la voie d’un cinéma politique
et militant. C’est la période du groupe
“Dziga Vertov”.
1973. Début de la collaboration
avec Anne-Marie Miéville qui devient
sa compagne
1975 à 1979. Il tourne pour
l’essentiel en vidéo, depuis son
laboratoire à Grenoble et en Suisse
où il conçoit Numéro deux (1975).
1979. Sauve qui peut (la vie)
marque son retour au cinéma.
1981-1984. Passion, Prénom Carmen
et Je vous salue Marie composent
un ensemble filmique singulièrement
tourmenté par la question de la beauté
et de son impossible représentation.
1984. Détective.
1990. Il réalise Nouvelle Vague
avec Alain Delon
1988-1998. Histoire(s) du cinéma
2001. Eloge de l’amour avec Bruno
Putzulu
2004. Notre musique
Créée par le Ministère de la culture en 1983,
l’Agence pour le développement régional
du cinéma (ADRC) intervient sur l’ensemble
du territoire pour maintenir et développer les
salles de cinéma et améliorer leur accès aux
films, à tous les films. En ce qui concerne
l’action de l’ADRC en faveur du patrimoine
cinématographique en salles, ses interventions vont bien au-delà de l’édition et circulation de copies neuves, mais comprennent
également l’édition de documents d’accompagnement sur les films pour les salles et les
publics, le déplacement d’intervenants, et
enfin une fonction de centre ressource au
bénéfice des professionnels.
Les autres films de la rétrospective
Jean-Luc Godard disponibles
auprès de CINE CLASSIC :
Le petit soldat (1960),
Les carabiniers (1963),
Pierrot le fou (1965).
Distribution :
CINE CLASSIC
6, rue de l'Ecole de Médecine
75006 PARIS
[email protected]
www.cineclassic.com
Cette plaquette est éditée par l'Agence
pour le développement régional du cinéma
(01 56 89 20 30 - www.adrc-asso.org),
avec le soutien du Centre National de la
Cinématographie.

Documents pareils