L`affiche de la CGT répand la colère « Les gars sont au bout du

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L`affiche de la CGT répand la colère « Les gars sont au bout du
L ’ E S T R É P U B L I C A I N | M E R C R E D I 2 0 AV R I L 2 0 1 6
FRANCE MONDE
Aujourd’hui
En vue
L
a présentation d’une proposition de loi
visant à abolir la violence faite aux enfants
aura lieu cet après­midi à l’Assemblée
nationale.
à retenir aussi
A suivre
Julien Lepers rejoint Cyril Hanouna
« Marseille », la série de Netflix, sur TF1
Limogé avec pertes et fracas de France Télévisions et de
l’émission Questions pour un champion qu’il animait
depuis des lustres (27 ans), le présentateur Julien Lepers
sera dès demain un membre officiel de la bande de Cyril
Hanounan de Touche pas à mon Poste, sur D8.
TF1 diffusera le 12 mai les premiers épisodes de
« Marseille », la première série française du géant Netflix,
une semaine après leur sortie sur Internet. Les huit
épisodes de cette série avec Gérard Depardieu seront
disponibles sur la plateforme Netflix à partir du 5 mai.
Sécurité Sept nouvelles antennes GIGN et Raid sont créées sur le territoire
Les unités d’élite vers… l’unité
de démissionner.
Photo AFP
France
Télévisions
Défiance contre
Michel Field
À la question, « Faites­
vous confiance à Michel
Field pour diriger
l’information de France
Télévisions ? », les
journalistes de la TV
publique ont répondu à
65 % par la négative, hier,
lors du vote de la motion
de défiance lancée à son
égard. Les sociétés des
journalistes ont décidé
d’organiser ce vote pour
protester contre « le
mépris, la désinvolture et
parfois la grossièreté
affichés par le directeur de
l’info ». Ce dernier a déjà
exclu de démissionner.
Transports
Grève chez l’ex
Dentressangle
L’activité de la branche
logistique de XPO Logistics
France (ex­Norbert
Dentressangle) est affectée
par une grève
intersyndicale (CGT­CFDT­
FO). La mobilisation,
entamée vendredi en Ile­
de­France, s’étendait hier à
toute la France (avec 50 %
à 80 % de grévistes selon
les sites) et devrait
durer. Quelque 5 000
salariés s’inquiètent de
possibles suppressions
d’emploi dans le Vaucluse
et dans l’Oise.
Ille­et­Vilaine
Essai clinique :
la molécule visée
L’accident survenu en
janvier lors de l’essai
clinique de Rennes est
« clairement lié » à la
toxicité de la molécule du
laboratoire portugais Bial
qui était testée, confirment
dans leur rapport final les
experts, déplorant aussi
l’oubli de certaines règles
« de bon sens ». Six
volontaires, participant à
l’essai clinique de Phase 1
de cette molécule, avaient
été hospitalisés en janvier
à Rennes et l’un d’eux était
décédé. Quatre des
survivants présentaient
des lésions cérébrales et
un autre aucune.
Finances
Un coup de
pouce à la Corse
Une aide de 104 millions
d’euros sera versée à la
Collectivité territoriale de
Corse (CTC) pour l’aider à
régler des emprunts
toxiques souscrits en
2011. La somme sera
prélevée sur le fonds doté
de 3 milliards d’euros qui a
été créé par l’État en
faveur des collectivités qui
souhaitent sortir de leurs
emprunts à risques. Le
dispositif est opérationnel
depuis septembre 2015 et
la CTC souhaitait en
bénéficier.
Rail
Deux erreurs
d’aiguillage
Un TGV Paris­Tours et un
train TER Lyon­Valence ont
fait récemment fausse
route sur quelques
dizaines de kilomètres du
fait d’erreurs d’aiguillage.
La SNCF doit procéder à
des enquêtes internes sur
ces deux incidents,
survenus la semaine
dernière, qui ont entraîné
des retards mais pas
d’accidents. La SNCF fait
circuler 15 000 trains par
jour.
Enterrée, la guerre des
polices ? Le ministre de
l’Intérieur a annoncé hier des
mesures pour plus d’efficacité
des unités d’intervention de la
gendarmerie et de la police
lors d’un attentat de masse.
Les principales
mesures
«L’
heure n’est pas à
la concurrence
des forces, mais à
l’unité », a dégai­
né hier le premier
flic de France, Bernard Cazeneuve,
devant un parterre de troupes issues
des trois unités d’élite (GIGN, Raid,
BRI). Après une année 2015 mar­
quée par une vague d’attentats
meurtrière (plus de 150 morts) sur le
territoire français, le ministre de
l’Intérieur a dévoilé un « schéma na­
tional d’intervention ». Il s’agit, tout en ménageant les sus­
ceptibilités de chacun des corps
d’élite, dont le professionnalisme est
unanimement reconnu, de leur ap­
prendre à travailler de concert, avec
la prime aux « primo­intervenants ».
Pas de chasse gardée, ni de frontiè­
res entre zones rurales et milieux
urbains. La nouvelle règle ? La pre­
mière équipe sur place intervient.
Histoire d’éviter des situations
ubuesques, voire des dysfonctionne­
ments. « Avant ce plan, pour une
action terroriste à Versailles, le
GIGN, unité d’élite de la gendarme­
rie installée à Versailles, n’aurait
pas pu intervenir puisque c’est une
zone police… », décrit cet ancien
membre du GIGN, « ce n’est plus
possible : attendre l’arrivée de quel­
qu’un, c’est additionner un nombre
de morts ». Avec la menace terroriste
18.000
c’est le nombre de policiers et
gendarmes blessés durant
l’année 2015, selon les chiffres
communiqués par le ministère
de l’Intérieur.
K Le ministre de l’Intérieur a présenté hier le « schéma national d’intervention » en présence des hommes du GIGN, du RAID, de la
BRI.
Photo AFP
qui a muté et a grandi, « on n’a plus
le droit de montrer aux Français
qu’on traîne des pieds parce que
deux chefs au mauvais caractère ne
veulent plus travailler ensemble »,
appuie le ministre qui a vécu de
l’Intérieur cette guerre des polices
en coordonnant les attentats.
La guerre du temps
et de l’image
Un temps d’adaptation sera évi­
demment nécessaire pour affiner ce
« décloisonnement » entre les uni­
tés, mais le ministre a posé « la rè­
gle » et « c’est une vraie avancée ».
Est­ce la mort programmée de la
guerre des polices ? « Pas sûr, car
certains en font leur fonds de com­
merce », s’exaspère l’ex­gendarme
d’intervention. Sur les 20 minutes,
délai maximum pour une interven­
tion et leitmotiv de Bernard Caze­
neuve, le défi est grand, notamment
en milieu rural, mais « on va s’en
approcher progressivement » positi­
ve­t­on chez les gendarmes.
Cette « guerre du temps » qu’im­
plique désormais toute riposte anti­
terroriste se double ces derniers
jours d’une guerre… d’image. Les
forces de l’ordre ont été acclamées,
les policiers érigés en héros le
11 janvier 2015 après l’intervention
à l’Hyper Cacher. Le 13 novembre,
un commissaire de la BAC est inter­
venu avec courage au Bataclan.
Même Renaud, l’ancien anar, cas­
seur de flics et lanceur de pavés dans
L’affiche de la CGT répand la colère
Une matraque sur l’insigne
des CRS et une flaque de
sang. L’image choc de la sec­
tion Information­Communi­
cation de la CGT, publiée le
16 avril sur son site web pour
« dénoncer les violences po­
licières », a vivement fait
réagir hier les syndicats de
policiers, qui veulent porter
plainte, et même le ministè­
re de l’Intérieur. Dans une
lettre ouverte à Philippe
Martinez, secrétaire natio­
nal de la CGT Bernard Caze­
neuve estime que cette affi­
che « met gravement en
cause la police nationale »,
dénonçant la « violence
d’une campagne choquan­
te ». Des voix de droite, et
aussi de gauche comme celle
de Jean­Christophe Camba­
délis (PS), se sont élevées
contre le message de cette
affiche.
« On demande à Philippe
Martinez de se désengager
publiquement de cette cam­
pagne de communication »,
nous a expliqué hier Luc
Larcher (UNSA Officiers),
commandant d’une compa­
gnie de CRS, « il y a une vive
émotion parmi nos policiers,
alors que les difficultés que
traverse le pays méritent
autre chose qu’une affiche
destinée à faire le buzz. En
plein congrès, la CGT n’a­t­
elle trouvé que ça pour re­
mobiliser ses adhérents ?
C’est lamentable, c’est hon­
teux ».
Même la CGT­Police
« s’est sentie insultée »
En fin d’après­midi hier, le
patron de la CGT a estimé
que ce tract n’engageait « ni
la CGT­Police ni la confédé­
les années 80, a retourné sa veste : il
chante maintenant « J’ai embrassé
un flic ». Mais ces derniers jours,
avec les scènes filmées en marge des
manifestations contre la loi travail,
puis à travers l’affiche­choc de la
CGT Infocom’, la vague de sympa­
thie semble avoir pris du plomb dans
l’aile. « Cette campagne, malveillan­
te, de désinformation, est un vrai
sujet de préoccupation pour nous,
même si on est habitués à avoir un
statut populaire fluctuant », remar­
que Céline Berthon (Syndicat des
commissaires), « mais il faut savoir
que les policiers mis en cause injus­
tement ces derniers jours sont ceux
qui sont intervenus en janvier et en
novembre 2015 ».
­ Au Raid (unité d’élite de la
police nationale française) :
trois nouvelles antennes
seront implantées à
Toulouse, Montpellier et
Nancy. Effectifs actuels :
300 hommes. Budget :
2,7 millions d’euros.
Devise : « Servir sans
faillir ».
­ Au GIGN (groupement
d’intervention de la
gendarmerie nationale) :
quatre nouvelles antennes
seront créées à Nantes,
Reims, Tours et Mayotte.
Effectifs actuels : 380
personnes. Budget :
1,4 million d’euros (2009).
Devise : « S’engager pour la
vie ».
­ Les effectifs de la brigade
de recherche et
d’intervention (BRI),
« l’antigang » de la
préfecture de police de
Paris qui compte un peu
plus de 100 hommes
actuellement, seront
doublés.
­ Le GIGN et le Raid
pourront désormais
« intervenir sans délai ».
Les « frontières » du
partage habituel (policiers
en ville, gendarmes en
milieu rural et péri­urbain)
seront suspendues en cas
de crise.
­ En 2015, le GIGN a été
engagé simultanément
pour la première fois avec
le RAID, unité d’élite de la
Police nationale, lors de la
double prise d’otages du
9 janvier, à l’Hyper Cacher
de la Porte de Vincennes,
faisant suite aux attentats
de janvier 2015 en France.
Xavier FRÈRE
Questions à
Photo DR
K Michel Field a déjà exclu
Céline Berthon
Syndicat des commissaires de la police nationale
« 20 minutes pour intervenir : un défi
compliqué à tenir »
Ce « schéma d’interven­
tion » correspond­il à vos
attentes ?
Il se construit sur la base de
textes pré­existants, il n’y a pas
de nouveauté majeure. Mais il
était nécessaire, dans le cadre
de la menace terroriste, d’ac­
tualiser la cartographie d’im­
plantations des unités sur le
territoire national, et de s’assu­
rer de principes d’actions qui
aient pour objectif prioritaire,
déterminant et primordial la
rapidité de l’intervention. Les
faits sont têtus : ce qui a été
déterminant au Bataclan avant
même l’intervention d’unité
spécialisée, c’est la pénétration
d’un élément primo­interve­
nant (un commissaire de la
BAC) qui a neutralisé un des
tireurs a perturbé le schéma
initial des terroristes. En bref, il
faut intervenir au plus vite,
pour limiter le nombre de
victimes.
Quelle que soit l’unité d’in­
tervention, ce qui est nou­
veau…
Ce qui est un peu novateur,
mais qui sera contingenté au
risque terroriste, c’est le fait
que l’unité la plus proche inter­
vient. Une BAC peut intervenir
en zone gendarmerie, et une
unité de gendarmerie peut
intervenir en zone police.
Réciproquement. Et il ne faut
pas résoudre ce schéma à ce
qui a été l’ambiance lancinante
ces derniers temps, c’est­à­dire
la concurrence entre les forces
d’intervention.
La guerre des forces d’inter­
vention et des ego est­elle
enterrée ?
Les tensions ont été exacerbées
par des campagnes médiati­
ques. Il y a eu des tentatives de
certaines unités, ça a généré
des crispations, et ça a pu
rendre confuses les méthodes
d’intervention. Ce schéma doit
participer à cette intervention
complémentaire qui doit n’être
guidée que par l’intérêt général.
Les « 20 minutes » d’inter­
vention, credo du ministre
de l’Intérieur, sont­elles
tenables, notamment en
milieu rural ?
Je ne vous cache pas que pour
nous c’est un véritable ques­
tionnement. La particularité de
la police, c’est d’être présent
« H24 » partout… Ce sera un
enjeu effectivement considéra­
ble dans les zones rurales qui,
par natures, ont une présence
moindre. L’enjeu des 20 minu­
tes risque parfois d’être un défi
compliqué à tenir. Au­delà du
chiffre, le ministre veut sans
doute motiver les troupes par
la rapidité de l’intervention.
Recueilli par X. F.
« Les gars sont au bout du rouleau »
K L’affiche avait été postée samedi sur le site web « Infocom’CGT ».
Capture d’écran
ration », ajoutant : « la CGT­
Police comme tous les collè­
gues qui effectuent leurs
missions au service de la po­
pulation s’est sentie insul­
tée »
« Depuis plusieurs semai­
nes, notamment dans le ca­
dre des manifestations con­
tre la loi El Khomri puis du
mouvement Nuit Debout, les
tensions n’ont cessé de
monter entre forces de l’or­
dre et (jeunes) manifes­
tants. » On ne compte plus
les excès de la police qui
veut mater les jeunes qu’ils
soient lycéens et étudiants »,
a soutenu la section à l’origi­
ne de la polémique qui, en
riposte, a lancé une pétition
contre les brutalités policiè­
res.
X. F.
Attentats de janvier, puis de novembre 2015,
État d’urgence, COP 21, maintien de l’ordre à
Paris, cités sensibles à Marseille, et bientôt
l’Euro 2016. C’est le panel d’intervention
d’une compagnie de CRS basée en région
parisienne, sans compter, depuis novembre,
une période de 15 jours et trois semaines par
mois dans la « jungle » de Calais. « Normale­
ment, on intervient entre 60 et 100 jours par
an », éclaire cet officier de compagnie répu­
blicaine de sécurité (CRS), « en 2015, on a
enregistré 180 jours pour notre unité pari­
sienne, et en 2016, on en est déjà à trois
semaines par mois de déplacement… Jus­
qu’où va­t­on aller ? ». Il décrit des hommes
« crevés, au bout du rouleau », relaie les pro­
pos d’épouses qui s’emportent contre ce train d’enfer de leurs CRS de maris. Il n’est
plus rare, dans le rythme actuel, de cumuler
deux vacations par jour avec rarement huit
heures – la règle – entre les deux. « À mo­
ment donné, ça va exploser », redoute notre
interlocuteur. Pour le commandement aussi,
la gestion des hommes se tend. « Toute la
police est exsangue », dit­il, « moi, j’ai enco­
re de la chance avec 21 % de mon effectif en
repos pour permettre les rotations, je plains
les policiers de sécurité publique, ils sont
dans le chaudron 24 heures sur 24 ». Les
récents incidents mettant en cause les CRS
sur des violences contre des lycéens ou une
femme ? L’officier soutient qu’il faut « com­
prendre sans excuser, et laisser faire les
enquêtes ». Selon lui, « le manque de discer­
nement de certains policiers peut être dû à la
fatigue ».
X.F.
LII01 ­ V1