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Discours de François Bayrou au Zenith de Paris
Mercredi 21 mars
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI
Je pense à chacun d’entre vous, qui êtes venu ce soir à Paris, le jour du printemps, avec au
cœur le souci et l’enthousiasme et la passion de notre pays.
Je pense à chacun d’entre vous, à chacune, avec gratitude, vous qui avez décidé de vous
engager en ce moment où se joue le destin de notre peuple.
Vous, qui êtes la France. Vous qui savez ce que, depuis des années, la France a subi de
découragement, de promesses non tenues. De manque de reconnaissance.
Je me souviens de 2002. De ce grand mouvement républicain. Du peuple français qui allait
mettre dans l’urne un bulletin Chirac, et qu’importe le passé. Chacun avec son histoire. Et
derrière, le gouvernement Raffarin, le gouvernement racorni du premier tour à 19 %. J’ai de
l’admiration pour le Chirac de la guerre en Irak, parce qu’il a su dire non. Je n’ai pas aimé le
Chirac de 2002 parce qu’il n’a pas su dire oui.
Je me souviens de 1995. Ce grand mouvement de surprise qui emportait toutes les puissances
établies, parce que ce mouvement s’appuyait simplement sur le peuple français, sur le peuple
des villes et le peuple des champs, sur le peuple des villes et le peuple des banlieues. Ce grand
mouvement qui disait aux puissants : vous n’êtes pas les patrons de la France. Et derrière,
retour à la politique comme avant.
Je me souviens de 1988. La promesse de la France unie, la condamnation du pouvoir des
bandes et des clans. Et derrière : la fermeture, le retour aux bandes et aux clans.
1988, 1995, 2002, mais c’est la même France, plus jeune, plus diverse, plus libre, qui attend
toujours la même chose : qu’on en sorte, qu’on tourne le dos au pouvoir de connivence, au
pouvoir qui s’arrange entre soi, entre le parti dominant, les puissances politiques, les
puissances médiatiques, les puissances d’argent.
Après ces présidents de la République arrangeants, il y a besoin d’un président de la
République dérangeant. Notre pays n’en peut plus que chaque fois qu’il y a une alternance
entre ces deux équipes, entre ces deux appareils, on retrouve les mêmes habitudes.
La France a besoin qu’on retrouve la démocratie et qu’on retrouve la République.
La France a besoin que les citoyens, que le droit, que les droits soient respectés. La France a
besoin de savoir, d’être assurée, qu’on n’est pas davantage citoyen parce qu’on a de l’argent
ou des relations.
La France a besoin que ces deux partis au pouvoir depuis vingt-cinq ans, on les sorte du
pouvoir, du confort du pouvoir ou du confort de l’opposition, c’est la même chose. Ceux qui
sont au pouvoir, avec leurs barons, qui disent toujours oui. Et ceux qui sont dans l’opposition,
avec leurs éléphants, qui disent toujours non.
Regardez le peuple français. C’est un peuple lassé. Et il n’y a pas loin d’un peuple lassé à un
peuple en colère.
La France a besoin d’une révolution pacifique. La France a besoin de remettre à leur place ces
puissants assurés de leur puissance. La France a besoin de rappeler à elle-même et au monde
qu’elle est toujours là.
Entre celui qui voudrait que la France soit l’Amérique et celle qui voudrait que la France soit
la Scandinavie, il est temps de montrer que la France veut être la France, que la République
veut être la République.
Depuis des années, nous avons laissé caricaturer le projet républicain.
Nous avons laissé croire, par manque de réflexion, par manque de temps, que le projet
républicain de la France était un projet de retour en arrière. Or c’est un projet de marche en
avant. Nous avons laissé croire que c’était un projet de fermeture. Or c’est un projet
d’ouverture. Nous avons laissé croire que c’était un projet de réaction. Or c’est un projet de
résistance.
Ils s’entendent : avez-vous observé ceci : j’ai posé dès le début dans la campagne électorale la
question des liens entre les grands groupes de médias, de grands groupes industriels, et l’État.
C’est une grande question démocratique. Si l’État, ses gouvernants, ses majorités, trouvent en
face d’eux de très puissants groupes de presse, dans un moment difficile, comment
résisteraient-ils, aujourd’hui ou demain à des demandes pressantes ? C’est une partie de
l’histoire d’Airbus, n’est-ce pas ? La guerre civile interne au sein des dirigeants industriels,
sur fond de guerre de clan au sein du pouvoir. La guerre civile qui a accaparé toutes les
forces, toutes les énergies, au point de faire passer au second plan des décisions industrielles
indispensables. Et peu après, le désengagement des actionnaires pourtant investis du
monopole de la gestion, la vente de milliards d’euros d’actions avant que le cours ne
s’effondre, auprès de grands investisseurs qui sont l’Etat, la Caisse des dépôts et
consignations, ou proches de lui, les caisses d’Epargne. Et qui a payé l’addition, six cents
millions d’euros partis en fumée, et des milliers d’emplois et des sites menacés ? Au fond, la
France dans sa capacité d’action. Et les salariés, et notre territoire national. Vous n’avez pas
été surpris d’entendre sur ce sujet le silence assidu du candidat de l’UMP… C’est son clan.
Mais n’avez-vous pas été surpris du silence de la candidate socialiste et de l’appareil
socialiste. Il faut épargner les puissants…
Si je me suis engagé dans cette campagne, c’est pour obtenir le changement que tout le monde
fuit et que la France attend. C’est pour que la société de connivence appartienne au passé, et
que les principes républicains élémentaires, démocratiques élémentaires, libéraux
élémentaires, retrouvent droit de cité dans notre pays.
Le PS et l’UMP, c’est la certitude que rien ne changera vraiment. Ne changera sur le fond.
Je veux que la démocratie change et que les Français retrouvent confiance.
Je veux que les deux appareils qui ont plongé la France dans la crise et les Français dans le
découragement perdent le pouvoir absolu qu’ils exercent depuis 25 ans.
Et je veux que les Français de base aient la certitude et la garantie que la République est la
leur.
Je veux qu’ils aient la certitude et la garantie que le pouvoir n’est pas en haut, qu’il est avec
eux. Que le président n’hésitera pas à mettre sur le devant de la scène, les familles, y compris
les familles monoparentales, les fins de mois, les plus faibles, les petites retraites, les revenus
moyens.
Je veux qu’ils sachent tous que leur président sait ce que c’est que de vivre avec 640 € par
mois : c’est la retraite de ma mère. Qu’ils sache ce que c’est que de vivre avec un salaire
d’ouvrier. Qu’il sait ce que c’est que d’élever un enfant, seule avec 1200 € par mois, plus une
petite pension alimentaire 250 € par mois, plus une petite allocation logement 130 €, plus
l’allocation de rentrée scolaire… pile au début de cette vaste classe moyenne qui n’a pas
d’aides, et que si l’on additionne le loyer 550 €, la nourriture, les produits de toilette et
d’entretien, 350 € par mois, une voiture parce qu’on est en province 150 € plus l’essence 80 €
l’assurance 80 €, les crédits pour l’électroménager 100 €, plus la mutuelle, le téléphone,
l’électricité, sans la moindre sortie, sans extras, il reste à la fin du mois un trou de 120 € ! Et
qu’ils sachent que je n’ai pas de baguette magique, que j’assume n’avoir pas de baguette
magique.
Je veux qu’ils sachent que leur président sait ce que c’est que d’être une minorité. Qu’il
comprend ce que c’est que d’être de peau noire, que d’avoir un nom arabe ou africain, d’être
musulman, ou juif…
Je veux qu’ils sachent que leur président fera tout, non pas pour les opposer, mais pour les
faire vivre ensemble.
Non pas pour opposer ceux de gauche à ceux de droite, mais pour les faire vivre et travailler
ensemble.
Non pas pour opposer les Français issus de l’immigration aux Français de souche, mais pour
les faire vivre ensemble. Car nous nous en sortirons ensemble, ou bien, si on continue à
dresser les Français les uns contre les autres, nous continuerons à décliner ensemble.
La division, c’est le déclin !
Voyez-vous, pour mois, la mission de rassemblement du peuple français, de respect, de
compréhension et de rassemblement, c’est la première mission du président de la République.
Le président de la République, c’est l’homme qui permet au pays de vivre ensemble. De
vivre, de travailler, de se respecter, de se rassembler pour se redresser.
Le redressement impose le changement.
Je suis candidat pour changer l’exercice du pouvoir en France. Je veux vous dire en quoi mon
élection changera l’exercice de la fonction présidentielle.
J’ai salué la personne de Jacques Chirac au moment de son départ. J’ai le sens de ce qui doit
unir les responsables d’un grand pays au-delà des oppositions. J’ai salué son action au
moment de la guerre en Irak. Il a à cet instant bien servi la France.
Mais je suis en désaccord radical avec la manière dont la France a été gouvernée depuis douze
ans. Je suis en désaccord radical avec la conception qui a été la sienne du pouvoir, le pouvoir
qui nomme ses séides à tous les postes, le pouvoir qui n’assume pas les changements
nécessaires. Je suis en désaccord radical avec la conception même de l’UMP qu’il a voulue.
C’est parce que je suis en désaccord radical que je suis devant vous.
Et je veux faire le contraire sur ces points de ce qui a été fait depuis douze ans, et même
depuis 25 ans. Je veux que le nouveau président de la République assure l’État juste et
impartial. Je veux que les fonctions dans notre République soient accessibles en raison de la
compétence et non pas en raison de l’allégeance. Je veux restaurer l’esprit public qui a été
dévalué et corrodé. Je veux qu’une jeune fille ou un jeune homme qui décide de se dévouer au
bien public et de faire carrière dans l’État pense à la manière d’exercer son métier et pas à la
manière de chercher un protecteur puissant.
Parce que l’État, ce n’est pas le service de la puissance, c’est la protection des faibles.
Et je veux assumer devant les Français, et avec eux, les grands choix qui sont les nôtres.
Je prends l’exact contre-pied de la manière dont les réformes ont été faites, ou plutôt n’ont pas
été faites par le passé.
Par le passé, on considérait que l’élection faisant entrer le pays dans un état de grâce, comme
on disait, qui était aussi un état de sidération, il convenait de matraquer à toute force pendant
ces quelques semaines d’insensibilité, les réformes les plus dures…
C’est ainsi qu’est née la fameuse théorie des « cent jours », ou l’on affirmait que tout ce qui
n’avait pas était fait les cent premiers jours ne le serait jamais.
C’est ainsi que le peuple français se réveilla régulièrement en constatant que des réformes
avaient été faites, généralement par ordonnance, sans discussion au parlement, c’est à dire
dans son dos. Il en vint à être saisi de crainte et à considérer que la loi de cette étrange
démocratie, c’était le soupçon et que le seul recours, c’était le blocage du pays. Et il a pratiqué
cette réticence et ce blocage, et rien de ce qui avait été promis, en-dehors d’un tiers de
réforme des retraites n’a pu être mené à bien.
Je ne serai jamais le président qui permettra ainsi que l’on prenne les décisions importantes
dans le dos des Français. Mon élection signifiera au contraire la garantie que les Français
auront toute l’information, en temps réel, le temps de réfléchir, le temps de mûrir une
décision. Et que pour les sujets les plus importants, l’Europe par exemple, ou la réforme des
retraites, ils auront le dernier mot, puisque ces réformes sont conduites pour eux et non pas
contre eux.
C’est une autre idée de la démocratie, et une haute idée de la démocratie. Cela signifie que
l’on prend le peuple des citoyens au sérieux. Beaucoup me disent : « mais vous n’y pensez
pas : vous savez que les Français sont rebelles aux réformes, ils les bloqueront ! » Les
réformes sont bloquées parce qu’on ne laisse qu’une place aux Français dans les réformes, la
protestation. Les réformes avanceront le jour où les Français se verront reconnaître le rôle de
citoyens et non pas la condition de sujets qui n’ont qu’à supporter des décisions prises sans
eux.
Bien sûr, en défendant cette idée, nous sommes des précurseurs. Mais le mouvement est
irrésistible, impossible à retourner, en particulier parce que le peuple des citoyens a rencontré
le peuple d’Internet. Quand les grandes révolutions interviennent, il faut les voir et les
comprendre. Internet est un point d’inflexion de la démocratie parce que les citoyens qui
recevaient passivement l’information, la recevront désormais activement, pourront l’analyser,
la juger et l’enrichir. Le peuple des citoyens est désormais le peuple souverain.
C’est ainsi qu’un pays endolori et anesthésié va se redresser pour devenir un pays debout.
Je ne ferai donc, pour être en cohérence avec cette volonté, aucune promesse que je ne sois
sûr de pouvoir tenir.
Je concentrerai notre action sur des points clés dont notre pays a besoin. Je ne me tromperai
pas d’adversaires. J’aurai des ennemis et je les nommerai. Et mes ennemis, ce ne seront pas
mes opposants : mes ennemis, c’est le chômage, c’est l’exclusion, c’est la pauvreté, c’est la
dette, c’est la lâcheté et la démagogie qui empêchent la France de se dire la vérité et de se
mettre debout, comme un grand pays, qui regarde ses atouts, qui corrige ses faiblesses et qui
regagne son rang parmi les nations.
Je veux que la France s’occupe de la planète et du climat. Je le dis en commençant parce
qu’on en fait d’habitude un sujet supplémentaire, ou complémentaire. Ce soir je veux en faire
un sujet principal. Nous tous, humanité, nous sommes maintenant devant une menace dont la
quasi-unanimité des savants dit que nous l’avons nous-même créée, par nos activités, par la
consommation accélérée de toutes les réserves de charbon, de gaz, de pétrole que la planète
avait emmagasinées depuis des centaines de millions d’années…
Il est juste que la France dise et montre qu’elle veut se saisir de cette question, non pas
comme un chapitre de son action, mais comme un cadre de son action future. J’ai signé le
pacte de Nicolas Hulot. Il m’a gentiment reproché hier de ne pas avoir inscrit de sujet à
l’ordre du jour de la session extraordinaire. Ce n’est pas pour moi un sujet de session
extraordinaire. Ce doit, au contraire devenir comme il l’a souhaité en demandant un n° 2 du
gouvernement chargé du long terme un sujet de session ordinaire, puisque tous les textes
doivent être examinés à l’aune de cette grande question. Je veux un pays qui saisisse
l’occasion de se transformer et de transformer sa société en devenant plus sobre, plus inventif,
avec des énergies renouvelables, du ferroutage, du fluvial, avec un transfert programmé des
charges sociales sur les carburants, avec une éducation non pas seulement scolaire, mais
civique et populaire à tous ces sujets. Je veux que la France devienne un grand pays dans
l’industrie des énergies nouvelles, comme l’a proposé Corinne Lepage. Ce n’est pas
seulement une politique, c’est un projet de société.
Je veux libérer les sources de l’emploi, parce que s’il n’y a pas d’emploi, toute politique
sociale est vouée à l’échec. C’est pourquoi le chômage sera mon ennemi. Toutes les
entreprises françaises, quelle que soit leur taille, pourront créer deux emplois sans avoir à
payer de charges sociales, sauf dix pour cent pour les retraites, pendant cinq ans. Et ainsi on
commencera à poser de manière différente, grandeur nature, la question des charges sociales
qui sont dans notre pays concentrées sur le travail.
Je veux que nous commencions la guerre contre l’exclusion. Parce que notre société se détruit
en laissant deux millions de personnes sur le bord de la route, pour beaucoup d’entre elles
sans recours. L’exclusion sera mon ennemi et l’ennemi public. Pour lutter contre l’exclusion
les associations et les collectivités locales offriront aux Rmistes une activité, indemnisée, au
service de la société.
Je veux que la France soit un pays de solidarité. Je n’accepte pas qu’après une vie de travail,
on soit réduit à une retraite de 630 € par mois. Après une vie de travail. Je le sais : la retraite
de ma mère, c’est 641 €. Alors quand Ségolène Royal propose une augmentation de 5 %, c’est
1 € par jour. Nous augmenterons le minimum vieillesse et les petites retraites, notamment les
retraites de réversion des veuves, pour les porter en cinq ans à 90 % du Smic. Et ainsi
« social » ne sera pas une étiquette, mais une politique.
Je veux que la France soit le pays du monde où l’éducation est la plus respectée, la plus
considérée, la plus estimée, la mieux soutenue. Je veux que la France soit le pays du monde
qui se fixe l’objectif le plus simple et le plus ambitieux. Faire des jeunes Français les jeunes
les mieux formés du monde. Retrouver notre rang, car nous avons eu ce rang. Et c’est d’abord
le combat de l’école primaire. J’ai la volonté, j’ai l’obsession que tous les enfants sachent lire,
lire vraiment, et écrire avant d’entrer en sixième. Et que tout soit ordonné pour que ce
minimum là soit garanti quel que soit le quartier, le village, le milieu social de son origine.
C’est un droit de savoir lire, de savoir bien lire. À l’école primaire, au collège, au lycée, à
l’université, malgré les temps difficiles, je garantirai les moyens. Et en échange, tous
ensemble, contractuellement, nous garantirons les résultats.
Je veux que la France soit le pays de la création, la création de savoir, c’est la recherche, la
création d’entreprises, et je n’hésite pas à mettre au même rang que l’entreprise et la
recherche, la création artistique. Tout se tient, tout va ensemble, tout avance ensemble. Nous
avons la vocation d’un pays qui montre le chemin.
Je veux que la France soit le pays de la recherche, de la recherche fondamentale et de la
recherche appliquée. Je proposerai une loi de programmation qui garantira une augmentation
des moyens de la recherche résolue et régulière. Je proposerai une politique de relocalisation
des chercheurs, au lieu de la politique de délocalisation que nous subissons depuis des années.
Nous éduquons, nous formons, nous assurons la capacité de centaines et milliers de jeunes
scientifiques, et ensuite ils vont apporter leurs connaissances et leur inventivité dans les
laboratoires américains ou britanniques. Le tour du monde, c’est bien. L’expérience c’est
bien, mais il faut tout faire pour qu’ils reviennent et non pas pour qu’ils se déracinent et
aillent faire souche ailleurs.
Je veux que la France soit un pays vivant, où l’activité se répand. Notamment dans les
quartiers ou les régions difficiles, souvent désertées. Je veux que l’entreprise, notamment la
petite entreprise, artisanale, industrielle, commerciale, soit protégée et soutenue. Je ferai
adopter un « small business act » à la Française, une loi de protection et de soutien de la petite
entreprise, qui assurera la simplification, la garantie des droits, une part des marchés publics.
Je veux que la France soit un pays industriel. Je n’hésite pas à prononcer le mot « industrie ».
C’est bien d’être un pays de services. Mais à mes yeux, l’industrie, ce n’est pas démodé, cela
n’appartient pas au passé. L’industrie, c’est une part essentielle de l’exportation. L’industrie
française mérite d’être soutenue, libérée de charges indues et exige qu’on lui garantisse non
pas des avantages, mais à coup sûr la loyauté et l’équité dans les échanges. L’Europe a été
construite pour être notre garant. Nous ne pouvons pas imposer à nos industries des
contraintes, justifiées, en matière d’environnement, par exemple, et considérer qu’il n’est rien
de plus normal que de voir affluer sur nos marchés des produits venus d’ailleurs qui ne
respectent aucune de ces contraintes. Nous avons une gestion saine et rigoureuse de notre
monnaie. Nous ne pouvons pas considérer qu’il est normal que d’autres grandes puissances
acceptent une sous-évaluation permanente de leur monnaie, en faisant une arme offensive
dans la conquête de marchés. L’Europe n’est pas protectionniste, mais elle doit être
protectrice de la loyauté, de l’équité et de la justice.
Je veux que les paysans se voient reconnaître leur place dans notre destin national. J’ai bien
entendu Nicolas Sarkozy se moquer du tracteur qui a été en effet une part si importante de ma
jeunesse… Il a dit : « tout de même, la cinquième puissance mondiale cela mérite autre chose
qu’un sourire, (ça c’est pour Ségolène Royal) ou qu’un tracteur »... J’ai bien entendu ce
mépris. Il est des gens pour lesquels en effet les paysans et les ouvriers, et les professeurs sans
doute, et au fond tous ceux qui font vivre la France, ne méritent que condescendance et petit
sourire. Il n’aurait pas dit la même chose si j’avais commencé dans la vie non pas en
travaillant de mes mains, mais en héritant d’un grand groupe multimilliardaire. Je veux qu’il
sache ceci : contrairement à ce qu’il croit, je suis fier d’avoir travaillé de mes mains et je vais
lui faire une confidence : c’est plus formateur, en particulier pour assumer le destin, comme il
dit de la cinquième puissance mondiale, de savoir ce que c’est que marner, de savoir comme il
est difficile d’assumer les fins de mois, de savoir comme on peut parfois être découragé, et
même de rencontrer en sortant de chez soi autre chose que les milliardaires du CAC 40 et les
vedettes du show-bizz… Et je vais même lui apprendre quelque chose : il arrive que ceux qui
travaillent de leurs mains pensent, tout en travaillant, et qu’ils soient généreux, et qu’ils aient
envie de changer le monde. Et je vais tout lui dire : si je dois choisir entre être le président du
Cac 40 et celui des ouvriers et des paysans, et des artisans, et des enseignants, et des
médecins, et des infirmières, mon choix est tout fait. Il n’y a de président que président du
peuple.
Je veux que la France soit un pays de culture. Un pays qui prend soin de son patrimoine,
mieux que nous ne le faisons aujourd’hui. Un pays qui soutient la création, parce que la
création mérite d’être soutenue. Un pays qui défende la diversité culturelle. Je me prononce
pour que la culture demeure du domaine de l’unanimité en Europe. Et je sais bien que nous
devons traiter deux questions difficiles : la question des droits d’auteur sur Internet, grande
question industrielle, grande question de liberté. S’il n’y a plus de droits de l’auteur sur son
œuvre, il n’y a plus de création. Et c’est pourquoi la licence globale n’était pas la bonne
réponse. En même temps, on ne peut pas laisser menacer le logiciel libre par exemple par des
mesures de contrôle qui permettraient à certains très grands groupes de prendre le contrôle de
toute la chaîne, de l’enregistrement à l’écoute. Vaste chantier, que nous aurions peut-être pu
conduire à son terme, si comme toujours le gouvernement n’avait pas voulu passer en force.
Et puis il faut traiter la question des intermittents du spectacle, pour aider la vraie
intermittence et proscrire une situation où l’intermittence sert en fait à subventionner des
entreprises de production. La vocation de l’ANPE, c’est la solidarité, pas le mécénat. Et je
suis sûr que les intermittents ont leur place, pendant les périodes où ils se trouvent sans
emploi, dans d’autres activités scolaires ou associatives, où ils pourront transmettre quelque
chose de leur passion.
Ceci est un projet de société. Tous les moyens concentrés, et non pas dispersés. La recherche
de l’équilibre des finances publiques non pas accessoire, mais principale. Et d’abord le refus
des promesses que l’on n’assumera pas. J’ai fait de la dette un sujet de campagne, parce que je
veux être le candidat non pas seulement des jeunes, mais de ceux qui n’ont pas encore l’âge
de voter…
Une vision pour la nation. Non pas une vision pour un parti.
Et en énonçant cela, nous retrouvons une longue chaîne. J’assume de dire que c’est la trace du
général de Gaulle, c’est la trace de Pierre Mendès-France.
Chaque fois, dans l’histoire, que notre pays s’est trouvé en difficulté, comme aujourd’hui,
pour remonter de son délabrement ou de son enlisement, chaque fois il a suivi le même
chemin : une vision qui dépasse l’affrontement des partis, la volonté d’un rassemblement, la
mobilisation des énergies, la fixation d’objectifs compréhensibles par tous les citoyens, le
choix d’une méthode nouvelle, l’invitation au dépassement.
Alors les deux partis qui ont exercé le monopole du pouvoir depuis 25 ans se tournent vers
nous, qui voulons leur arracher ce monopole, avec des attaques en vrille, et en piqué, de toute
nature, généralement d’une grande élégance et d’un grand raffinement, d’une grande finesse.
Ils affirment ne pouvoir s’entendre sur rien, mais ils ont bel et bien un programme commun,
s’entendre pour être bien sûrs d’être l’un contre l’autre au deuxième tour. Surtout, conjurer les
surprises. Au fond qu’importe le gagnant, on verra ça plus tard, pourvu que la finale reste à
jamais la même. On sort de 25 ans de UMP-PS, s’ils passent ce tour-là, tranquilles pour 10
ans au moins, sûrs d’avoir conjuré le dérangement et de pouvoir reprendre les jeux
interrompus.
Et nous, nous sommes là, et parce que nous sommes là, déterminés, durs aux coups de toute
nature, comme il va falloir l’être, ensemble, et n’hésitant pas à éclater de rire, parce que
quelquefois le rire est plus éloquent que les mots, parce que nous sommes là, que nous nous
sommes trouvés tout peut changer, tout va changer, tout a déjà changé.
Regardez, par exemple, la question de la majorité.
Ils nous disent : avec qui gouvernerez-vous ? Et ils sont là bien contents, là on lui a balancé
une patate chaude. Et il suffit de leur dire : et vous avec qui gouvernerez vous ? Au premier
tour, les plus hauts scores seront entre 20 et 25 %, au mieux (je rappelle que la dernière fois,
c’était 19 %). Avec qui ferez-vous alliance, Sarkozy avec Villiers, ou faudra-t-il embaucher le
Pen, Ségolène Royal avec Marie-Georges Buffet, ou aller jusqu’à Besancenot.
C’est vous qui n’avez pas de majorité mes chers camarades ! La seule majorité possible pour
la France, la seule majorité stable, la seule majorité constructive, c’est la majorité centrale,
celle qui permet de faire travailler ensemble les reconstructeurs de gauche, les reconstructeurs
de droite et les reconstructeurs du centre : cela, oui, fait une majorité, et une belle, et les
Français la choisiront.
Et après les plus savants, les professeurs de science politique, les doctes docteurs, eux disent
gravement : mais si on choisit cette majorité centrale, le recours ce seront les extrêmes. Mes
chers docteurs, mes chers camarades docteurs, excellences, n’avez pas regardé les résultats
des dernières élections, c’est grâce à votre chère bipolarisation, grâce à votre chère
impuissance, grâce au camp contre camp qu’aux dernières élections la France a battu le record
des votes extrêmes de tous les pays développés : 40 % des voix, 20 % à l’extrême droite et
presque autant à l’extrême gauche !
Et je dois vous rassurer : je puis vous assurer, vous donner la garantie, qu’il restera une
opposition de droite et j’ai même une petite idée de qui sera son leader… Et il restera une
opposition de gauche et j’ai même l’impression que quelqu’un a décidé de préempter cette
opposition de gauche toute, un ancien jeune premier ministre? Et aux prochaines élections,
chacun se présentera avec son projet, l’un proposera une majorité de gauche, l’autre une
majorité de droite, et nous, qui aurons je l’espère bien œuvré pour le pays, nous aurons un
candidat ou une candidate pour équilibrer le pays en son centre. Et le pays choisira, de
manière cohérente.
Nous ne voulons pas tout le pouvoir entre les mêmes mains. Nous le disons haut et fort, nous
pouvons travailler avec d’autres.
Plus encore, j’ai la conviction que pour réformer la France, il faut absolument que nous
sortions de cette hantise du droite contre gauche : il faut que des femmes et des hommes
courageux et compétents, venus de camps différents choisissent de travailler ensemble.
Il le faut pour deux raisons : il faut le soutien des Français. Et il faut offrir aux Français la
garantie que la réforme ne se fait pas par idéologie, dans l’intérêt des uns ou dans l’intérêt des
autres…
Il faut que chacun ait des défenseurs dans le gouvernement.
Par exemple, quand on définira les nouvelles institutions, avec des idées aussi simples qu’une
réhabilitation du parlement, dont je prends l’engagement devant vous, dans ses fonctions de
législateur et dans ses fonctions de contrôle ; d’une loi électorale plus juste, dont je prends
l’engagement devant vous, qui assurera la représentation de tous les courants d’opinion et de
tous les territoires de la France ; d’un exercice plus transparent, dont je prends l’engagement
devant vous, par exemple en garantissant qu’on ne pourra plus voter au parlement si l’on n’est
pas tout simplement présent ; du choix de l’impartialité dans la désignation des grands corps
de contrôle de la République et non plus des récompenses pour amis, dont je prends
l’engagement devant vous, par l’investiture de ces corps de contrôle à une super-majorité qui
obligera à la confiance de tous les grands courants ; lorsqu’il s’agira d’écrire ces nouvelles
règles que je défends depuis des années et auxquelles je me réjouis de découvrir des
conversions tardives, alors il faudra que tous aient la certitude que ce sont des règles honnêtes
et pas des règles partisanes.
De même pour l’économique, de même pour le social. L’esprit partisan, l’idéologie, nous ont
fait beaucoup de mal.
Je vous le dis : il est temps de tourner la page. La crise que nous vivons est exceptionnelle : il
est temps d’apporter à une crise exceptionnelle une réponse exceptionnelle.
65 % des Français le disent avec nous : ils n’ont plus confiance dans la gauche et dans la
droite pour relever le pays. Ils veulent une démarche nouvelle, ils veulent que les politiques
détournent un instant les yeux de leur querelle pour s’occuper d’eux, puisqu’ils sentent bien
que le temps des grands affrontements idéologiques est fini, qu’il est derrière nous, même si
personne ne l’avoue. Et que dans la plupart des pays d’Europe qui nous entourent, ces
rassemblements, souples, flexibles, sont déjà au travail. Et réussissent… Car ils réussissent !
Or beaucoup dépend du redressement de la France. Car ce n’est pas seulement de notre avenir
qu’il s’agit.
Si la France se retrouve, l’Europe retrouvera son principal appui, son principal ami.
Il a fallu beaucoup de persévérance, beaucoup de négligence, beaucoup de désinvolture pour
fâcher le peuple français avec l’idée européenne. Cette idée, c’est la nôtre ! C’est nous, la
France, qui l’avons imposée et proposée. Nous l’avons fait avec lucidité, les yeux ouverts,
sachant que dans le monde qui vient, le monde des géants, aucune grande question ne pourra
se résoudre dans le sens que nous souhaitons si notre continent n’est représenté autour de la
table que par des états séparés et divisés.
Nous évoquions hier soir à la Mutualité la tragédie du Darfour. Imaginez ce que pourrait au
Darfour une action concertés, volontaire, des pays européens et particulièrement de la France
et de la Grande-Bretagne. Aux confins du Tchad et du Darfour soudanais, nos deux pays ont
connu pendant des décennies, toutes les tribus, tous les groupes, toutes les influences. Et nous
assistons impuissants à l’installation de la grande puissance chinoise comme protecteur des
complices de ce génocide. Et tout cela, ne nous payons pas de mots, appelons un chat un chat,
tout cela pour le pétrole et les matières premières. Et nous ne pouvons pas laisser faire.
Et je pourrais en dire autant, au moins autant, du Proche Orient, du Moyen Orient, de ce qui
s’agite et se trame comme menace, comme déstabilisation dans cette si sensible partie du
monde. Le proche orient, le moyen orient ont besoin de l’Europe et nous avons besoin et le
monde a besoin que nous Européens apparaissions comme garants, alors que les Etats Unis
ont perdu la capacité de l’être.
J’invite au retour de l’Europe. J’invite au retour de l’Europe sur les sujets essentiels, pas à
l’obsession de l’Europe sur des sujets secondaires, contingents et parfois pénalisants.
Je suis au regret de dire que nous n’avons rien gagné, au contraire, en suivant l’Europe dans
son obsession de concurrence, par exemple en matière de renseignements téléphoniques. Je le
dis comme je le pense et je peux le dire parce que je suis un Européen assumé. Nous avions le
12, et ça marchait très bien. On nous a obligés à retenir des numéros impossibles à retenir,
nous ne savons pas qui est au bout du fil, ça ne marche pas mieux, on a perdu des centaines
d’emplois en France. Nous n’y avons rien gagné, nous y avons perdu, sauf que maintenant,
tous ceux qui le peuvent vont chercher leur renseignement sur Internet…
Je trouve qu’il faut savoir résister à l’Europe quand cela s’impose. Par exemple, j’ai tout à fait
l’intention de résister à Bruxelles en matière de défense des services publics, par exemple en
matière de défense de la poste. La poste, c’est notre lien social de tous les jours, c’est vrai au
Val Fourré, six heures pour un mandat, et c’est vrai dans nos vallées pyrénéennes… Alors, je
ne craindrai pas une seconde de dire, au nom de la France, qu’il y a pour nous des choses plus
importantes que la théorie de la concurrence en matière postale, par exemple le sentiment
d’une personne âgée qui a bien besoin parfois de rencontrer quelqu’un et de se faire livrer un
mandat dans une maison isolée, ou de pouvoir recevoir un papier à Mantes La Jolie…
Mais j’invite au retour de l’Europe sur tous les grands sujets dont vont dépendre la paix et la
guerre, l’emploi, la science, l’avenir des peuples.
Je suis pour que l’Europe s’occupe de défense et que nous mutualisions nos forces…
Je suis pour que l’Europe s’occupe de recherche et que nous adoptions de grands
programmes…
Je suis pour que l’Europe s’occupe d’environnement, qu’elle s’occupe de climat, qu’elle
considère que l’équilibre de la planète, c’est notre affaire à tous. Je le dis avec gravité : j’ai
signé le pacte de Nicolas Hulot, et je l’ai fait en conscience. Il a raison de vouloir que la
France soit la première, qu’elle soit exemplaire. C’est une politique de longue haleine que je
veux installer et défendre, et soutenir. Mais ce ne peut pas être une politique seulement
nationale. Il faut que cela soit une politique de l’Europe tout entière, pour qu’elle s’impose le
plus vite possible au monde.
C’est pourquoi je veux que l’Europe sorte de la crise institutionnelle dans laquelle elle est
enlisée.
Je veux qu’à l’issue de cette crise, un texte, court, lisible, compréhensible par tous, simple,
direct, traite la question non seulement des institutions, mais des droits des citoyens européens
dans la préparation et la prise de décisions qui concernent au premier chef leur avenir.
Et ce texte, parce que je serai, comme président de la République, le défenseur des droits des
citoyens français, ce texte je ne le ferai pas adopter en catimini, je le soumettrai au
référendum, parce que mon objectif, ce n’est pas d’éluder le peuple français, c’est de
réconcilier les Français avec l’Europe et l’Europe avec la France.
Je veux que la France et l’Europe portent ensemble l’exigence d’un monde multipolaire, d’un
monde qui n’acceptera pas d’être dominé, ni par une seule grande puissance, ni par une
tension et au fond un condominium entre plusieurs grandes puissances, le centre du monde
s’étant déplacé de l’Atlantique au Pacifique. Je veux un monde où chacun, d’Amérique du
Sud ou d’Afrique, d’Europe ou d’Extrême-Orient aura sa part de responsabilité. Je veux un
monde soutenu par de puissants piliers, qui s’organisent, et se parlent et se respectent, pour
lutter contre les ennemis de l’ombre et pour conjurer le chaos.
Tel sera le message de la France si les Français me choisissent pour être leur président.
Une telle phrase n’est pas rien dans une vie. Quelque part, dans cette salle, il y a certains de
mes enfants… Derrière l’écran, tout près, dans les Pyrénées, il y a ma femme, et quelque part
il y aussi ma mère. Il y a tous les miens, toutes celles et tous ceux qui ont partagé avec moi ce
long combat. Je sais que je prononce cette phrase pour eux. Je veux leur dire ceci : si je suis
élu président de la République, je ne changerai pas. Je serai président avec ce bagage de
tendresse, d’amitié, de paternité, de culture de mon pays, de sens de notre histoire, de goût de
changer les choses qu’ils m’ont donné ou qu’ils ont partagé avec moi. Je n’abandonnerai rien.
Ce sera très exigeant, je le sais, parfois dur et je sais quelle charge je leur impose. Mais il faut
le faire parce qu’il faut montrer à tout un peuple qu’il n’y a pas de fatalité, que les seules
Bastille qui nous menacent, ce sont celles que l’on n’essaie pas de prendre, que c’est
l’impossible qu’il faut rendre possible.
Je sais ce que c’est que la France, je sais quelles ressources de vie, de renaissance, de
confiance, elle porte en elle.
C’est la vocation de la France que de s’étonner elle-même et d’étonner le monde.
C’est à cela que l’on reconnaît qu’un pays est vivant, et Dieu sait que la France est vivante. Et
il n’y avait pas de meilleur jour pour le dire que le jour du printemps.
Vive la France, et vive la vie.

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