Déséquilibre microbiologique de la flore vaginale chez la femme
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Déséquilibre microbiologique de la flore vaginale chez la femme
Déséquilibre microbiologique de la flore vaginale chez la femme enceinte. Controverse sur le dépistage de la vaginose bactérienne asymptomatique Dossier D ossier Microbiologic imbalance of vaginal flora in pregnancy. Controversy about screening for asymptomatic bacterial vaginosis J.P. Menard, F. Bretelle* L a cavité vaginale est colonisée à l’état naturel par des bactéries. Les lactobacilles (Lactobacillus crispatus, L. jensenii, L. iners, L. gasseri) sont les bactéries prédominantes de la flore vaginale dite normale (figure 1). Ils assurent le maintien de l’écologie vaginale par la production de peroxyde d’hydrogène, d’acide lactique et de substances inhibant la croissance bactérienne (bactériocines), par leur adhérence aux parois vaginales (biofilm) et par le contrôle du pH vaginal entre 3,8 et 4,5 (1). Ces mécanismes inhibent la multiplication d’autres bactéries dont la présence est possible à l’état normal (Corynebacterium spp, Streptococcus spp, Enterococcus, Gardnerella vaginalis, Mobiluncus spp, Candida albicans). La rupture de cet équilibre conduit à la vaginose bactérienne. Cette dernière se définit comme un déséquilibre de la flore vaginale, caractérisé par le remplacement des lactobacilles par une flore polymicrobienne comprenant Gardnerella vaginalis, Mycoplasma hominis, Atopobium vaginae, Mobiluncus spp et d’autres bactéries anaérobies. ÉPIDÉMIOLOGIE La vaginose bactérienne est une pathologie fréquente, première cause de vaginite, avant même les infections vaginales à Candida (2, 3). La prévalence de la vaginose bactérienne n’est pas uniforme, elle varie de 10 à 65 % selon le type de population étudiée. La prévalence est plus élevée chez les femmes d’origine africaine, les femmes à risque d’infections sexuellement transmissibles (IST), les populations féminines homosexuelles, les groupes ayant un bas niveau socio-économique et les femmes aux antécédents d’accouchement prématuré. Pendant la grossesse, la prévalence varie de 5 à 55 %, elle est voisine de 10 % en France (4). Les études épidémiologiques ont permis d’isoler certains facteurs de risque associés à la vaginose bactérienne : origine ethnique (africaine plus que caucasienne), existence d’une intoxication tabagique, type de contraception (absence d’utilisation de préservatifs), hygiène vaginale (pratique de toilettes vaginales) et activité sexuelle (changement récent de partenaire sexuel, nombre croissant de partenaires sexuels, rapports homosexuels) [3, 5, 6]. * Service de gynécologie obstétrique (L. Boubli), hôpital Nord, chemin des Bourrelys, 13915 Marseille Cedex 20. La Lettre du Gynécologue - n° 334 - septembre 2008 Figure 1. Flore vaginale normale. ÉTIOLOGIE Si le déséquilibre de la flore vaginale est la caractéristique de la vaginose bactérienne, il est insuffisant pour expliquer le mécanisme causal. L’étiologie est pour le moment loin d’être clairement définie, même si quelques hypothèses ont été évoquées sur la base des études épidémiologiques (3, 6). La pratique régulière de douches vaginales conduirait à la rupture de l’équilibre de la flore vaginale par la raréfaction des lactobacilles producteurs de peroxyde d’hydrogène. Certains auteurs ont évoqué l’hypothèse d’une IST sans connaître à l’heure actuelle l’agent infectieux causal. Certaines pratiques sexuelles seraient un argument expliquant la contagiosité de la vaginose bactérienne, notamment chez les couples homosexuels. Enfin, il pourrait s’agir d’une altération endogène de la flore vaginale favorisée par les variations hormonales et le cycle menstruel. MANIFESTATIONS CLINIQUES Des leucorrhées, un prurit, mais surtout une mauvaise odeur vaginale peuvent conduire la patiente à consulter (2, 3). Ces symptômes ne sont pas spécifiques de la vaginose bactérienne 17 Dossier D ossier et peuvent être présents en cas d’infection cervicovaginale comme la candidose vulvo-vaginale, l’infection à Trichomonas vaginalis ou d’autres IST (2, 3). Deux symptômes sont plus fréquemment associés à la vaginose bactérienne : des pertes vaginales abondantes et la mauvaise odeur vaginale (classiquement odeur de poisson avarié). Toutefois, la moitié des femmes dont la flore vaginale est déséquilibrée est asymptomatique. Tableau I. Calcul du score de Nugent après coloration de Gram (objectif à immersion à huile 1 000 X). Étape 1 : attribuer un sous-score en fonction de la quantification de trois morphotypes bactériens. Étape 2 : classer la flore étudiée selon la valeur du score de Nugent définie par l’addition des trois sous-scores précédents. Score inférieur ou égal à 3 : flore normale. Score entre 4 et 6 : flore intermédiaire. Score supérieur ou égal à 7 : vaginose bactérienne. Sous-score Lactobacillus spp Nombre de gros bacilles Gram + par champ Gardnerella vaginalis Nombre de petits bacilles Gram - ou Gram variable par champ Mobiluncus spp Nombre de bacilles Gram - incurvés par champ 0 > 30 0 0 1 5-30 <1 1-5 2 1-4 1-4 >5 3 <1 5-30 4 0 > 30 COMPLICATIONS Un intérêt grandissant s’est porté sur la vaginose bactérienne depuis la mise en évidence d’une association entre ce déséquilibre de la flore vaginale et l’acquisition de certaines IST (gonocoque, Chlamydia trachomatis, HSV, VIH) et d’infections génitales hautes, mais surtout de l’association à la prématurité, source de mortalité et de morbidité néonatale. Durant la grossesse, la vaginose bactérienne est liée statistiquement à un risque accru d’accoucher prématurément. Ce risque est deux fois plus élevé chez les femmes développant une vaginose bactérienne pendant la grossesse par rapport à celles n’ayant aucun déséquilibre de la flore vaginale. Le risque de prématurité est d’autant plus élevé que la vaginose bactérienne est dépistée en début de grossesse. La vaginose bactérienne est également associée à un surrisque de rupture prématurée des membranes, de naissance d’enfant de petit poids (< 2 500 g), de chorio-amniotite et d’endométrite du post-partum (7-9). S’il existe un lien statistique entre vaginose bactérienne et complications obstétricales, le lien de causalité n’a pas pu être clairement établi. L’hypothèse actuelle est multifactorielle. Elle fait intervenir le déséquilibre de la flore vaginale, une ascension des micro-organismes de la vaginose bactérienne dans la filière génitale conduisant à la chorio-amniotite, dont les conséquences sur le déroulement de la grossesse semblent modulées par une dérégulation de la réponse immunitaire pro-inflammatoire au déséquilibre de la flore vaginale et une probable susceptibilité génétique de l’individu à l’infection (10). Le caractère subjectif et fastidieux de cette méthode limite son application en pratique courante. Par conséquent, c’est la méthode microbiologique qui est la méthode de choix. À partir d’un prélèvement vaginal réalisé en consultation ou au laboratoire, un étalement sur lame est réalisé. La lame est colorée selon la technique de Gram et examinée au microscope optique. Plusieurs méthodes d’interprétation de la coloration de Gram existent. C’est la méthode décrite par Nugent en 1991 qui est celle de référence (12). Elle consiste à évaluer de façon semi-quantitative l’équilibre de la flore vaginale en fonction de trois morphotypes bactériens : Lactobacillus spp, Gardnerella vaginalis, Mobiluncus spp. Un score supérieur à 7 définit la vaginose bactérienne (tableau I). Ce test diagnostique reste imparfait, car il existe une variabilité inter- et intra-opérateur dans l’interprétation du score de Nugent, liée à la difficulté de lecture de la coloration de Gram. De plus, la constitution d’un groupe intermédiaire pose question aux cliniciens. Correspond-elle à une flore de transition entre flore DIAGNOSTIC La vaginose bactérienne peut être mise en évidence par l’examen clinique ou par microbiologie. Les critères cliniques permettant de porter le diagnostic de vaginose bactérienne ont été regroupés par Amsel en 1983 (score d’Amsel) [11]. Le diagnostic est porté si trois des quatre critères suivants sont présents : – pertes vaginales fluides et adhérentes aux parois vaginales ; – pH vaginal alcalin (> 4,5) ; – mauvaise odeur vaginale ou odeur de poisson avarié spontanée, ou après addition de potasse à 10 % (snif-test) ; – clue cells à l’examen au microscope (présence de bactéries adhérentes à la surface des cellules épithéliales vaginales) (figure 2). 18 Figure 2. Vaginose bactérienne et clue cell (cellule épithéliale recouverte de bactéries). La Lettre du Gynécologue - n° 334 - septembre 2008 normale et vaginose bactérienne ? Ou correspond-elle à un groupe artificiel n’ayant aucune réalité microbiologique mais lié à l’imperfection du test diagnostic ? TRAITEMENT Le traitement de la vaginose bactérienne a deux objectifs. Le premier est la correction des signes fonctionnels (odeur, pertes abondantes) par un retour à une flore normale ; le traitement s’adresse alors à la vaginose bactérienne symptomatique. Le second est de prévenir les complications obstétricales liées à la vaginose bactérienne ; il implique un dépistage de la vaginose bactérienne asymptomatique durant la grossesse. Traitement de la vaginose bactérienne symptomatique Une résolution spontanée de la vaginose bactérienne est possible en dehors de tout traitement. Une résolution plus rapide est obtenue après traitement antibiotique. Quel que soit l’antibiotique utilisé (métronidazole, secnidazole, clindamycine) et le mode d’administration (voie vaginale ou orale), le taux de résolution est de 70 à 90 %. Cependant, la récurrence après traitement est fréquente. Elle est de 30 % à 1 mois et de 50 % à 6 mois (13). Des alternatives à l’antibiothérapie sont possibles. Les probiotiques utilisant des lactobacilles peuvent être utilisés par voie orale ou vaginale (14, 15). L’objectif est la colonisation du vagin et la prévention des récidives, même si peu d’études ont évalué leur efficacité. Les acidifiants (acide ascorbique) et l’acide lactique sont également utilisés. Pendant la grossesse, seul le traitement antibiotique par métronidazole per os est recommandé en France (16). La clindamycine est utilisée dans les pays anglophones (6). Le traitement de la vaginose bactérienne est recommandé pour les patientes présentant une vaginose bactérienne symptomatique pendant ou en dehors de la grossesse, afin d’obtenir le contrôle des symptômes par un retour à une flore vaginale normale. Prévention des complications obstétricales liées à la vaginose bactérienne Le traitement d’une vaginose bactérienne asymptomatique n’a d’intérêt que s’il permet une diminution significative des complications obstétricales. Dans les premières études publiées en 1995-1997, seul le métronidazole par voie orale avait montré une efficacité pour réduire le taux de prématurité chez les patientes dépistées et traitées pour une vaginose bactérienne en début de grossesse (17-19). Les conclusions des premières métaanalyses (20) ont semblé plus réservées sur le bénéfice du dépistage et du traitement de la vaginose bactérienne au début de la grossesse. Aussi, la distinction des patientes à haut risque en fonction de l’existence d’antécédent de prématurité a permis d’établir, en 2001, les recommandations de l’Anaes (tableau II). Les dernières métaanalyses ont mis en échec cette dichotomie, en montrant que les arguments étaient insuffisants pour recommander un dépistage et un traitement de la vaginose La Lettre du Gynécologue - n° 334 - septembre 2008 bactérienne chez les patientes à haut risque d’accouchement prématuré (21, 22). La principale limite de ces métaanalyses est l’hétérogénéité des études retenues au sujet des groupes ethniques, du taux de prématurité des populations considérées, des modalités de dépistage, de la définition de la vaginose bactérienne et de son traitement. Les données de la littérature sont donc contradictoires sur l’éventuel bénéfice des stratégies de dépistage-traitement de la vaginose bactérienne asymptomatique au cours de la grossesse. Des investigations supplémentaires doivent prouver le bénéfice d’une politique de dépistage, définir un outil de diagnostic et un traitement optimal de la vaginose bactérienne. Dossier D ossier Tableau II. Recommandations Anaes 2001 sur vaginose bactérienne et grossesse. Pas de dépistage systématique de la vaginose bactérienne pendant la grossesse. Dépistage de la vaginose bactérienne asymptomatique recommandé en début de grossesse en cas d’antécédent de prématurité. Dépistage par prélèvement vaginal et interprétation de la coloration de Gram selon le score de Nugent. Traitement de la vaginose bactérienne par métronidazole (2 g en prise unique ou 1 g par jour pendant 7 jours). Prélèvement de contrôle à chaque trimestre (risque de récidive). LES AVANCÉES Les avancées viennent actuellement d’une meilleure compréhension de la notion d’équilibre de la flore vaginale et de son déséquilibre grâce à l’application des techniques de biologie moléculaire. Elles ont permis d’identifier différentes espèces de lactobacilles de la flore vaginale et de réaliser une description moléculaire du profil microbiologique de la vaginose bactérienne. La vaginose bactérienne apparaît effectivement comme un déséquilibre de la flore vaginale, avec une inversion quantitative du rapport entre lactobacilles et les autres microorganismes de la flore vaginale (23). Les techniques moléculaires ont révélé une grande diversité des micro-organismes rencontrés dans la flore de la vaginose bactérienne. Plus de neuf micro-organismes différents ont été retrouvés dans la vaginose bactérienne, contre trois en moyenne dans la flore normale. De nouvelles bactéries jusque-là inconnues ont été identifiées, comme Atopobium vaginae. Ces nouvelles cibles moléculaires offrent un réel intérêt pour une meilleure identification de la vaginose (23, 24). CONCLUSION Malgré l’existence d’un lien statistique prouvé entre vaginose bactérienne et accouchement prématuré, les données de la littérature sont contradictoires sur le bénéfice d’une politique de dépistage-traitement de la vaginose bactérienne asymptomatique au cours de la grossesse, afin de réduire le risque de pré19 Dossier D ossier maturité. Des investigations supplémentaires sont nécessaires afin de prouver le bénéfice de cette politique, qui passent inévitablement par l’application à la flore vaginale des techniques récentes de biologie moléculaire. ■ 12. Nugent RP, Krohn MA, Hillier SL. Reliability of diagnosing bacterial vagi- Références bibliographiques 14. Falagas ME, Betsi GI, Athanasiou S. Probiotics for the treatment of women 1. Lepargneur JP, Rousseau V. Protective role of the Doderleïn flora. J Gynecol 15. Othman M, Neilson JP, Alfirevic Z. 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E-mail : sylvie.lequerre@ atlantia.tm.fr tidisciplinaire sur le thème : Infection à papillomavirus et prévention du cancer du col : actualités et mise en œuvre. 13-14 novembre 2008 – Nice – PROGIN 2008 – Congrès national. Renseignements : Eurogin, 174, rue de Courcelles, 75017 Paris. Tél. : 01 44 40 01 20. Fax : 01 47 66 74 70. E-mail : [email protected]. Internet : www.eurogin.com/2008 12-15 novembre 2008 – Nice – EUROGIN 2008 – 8e Congrès international mulLa Lettre du Gynécologue - n° 334 - septembre 2008