formation et conditions de travail des enseignants

Transcription

formation et conditions de travail des enseignants
FORMATION ET CONDITIONS DE
TRAVAIL DES ENSEIGNANTS
État des lieux en Suisse romande
Sur mandat de l’Association valaisanne des professeurs de l’enseignement secondaire.
Mars 2006.
SOMMAIRE
1. Contexte
1.1 La révolution des Hautes Écoles Pédagogiques
1.2 Bref survol international
2. La situation en Suisse romande
2.1 Tour d’horizon
2.2 Le pourquoi de la réforme
2.3 Professionnel ou académique?
2.4 La qualité en question
2.5 HEP uniformisées à l’horizon 2010?
3. Les HEP romandes sous la loupe
BEJUNE
Fribourg
Genève
Vaud
1
2
3-9
5
5
6
7-8
9 - 10
11 - 19
12 - 13
14 - 15
16 - 17
18 - 19
4. Le cycle initial: quelles conséquences sur les enseignants? 20 – 21
5. La démographie, une donnée clé
21
6. Le temps de travail des enseignants en Suisse romande
22
7. Salaires: comparaison intercantonale
23 - 24
2
1. CONTEXTE
1.1
La révolution des Hautes Écoles Pédagogiques
«Un tournant historique», voilà comment l’Institut pédagogique de
l’Université de Zurich1 qualifiait la naissance des Hautes Écoles
Pédagogiques au début des années 2000. Historique, c’est le mot. La
création des seize HEP suisses traduit la plus profonde refonte
institutionnelle de la formation des enseignants depuis l’introduction des
écoles normales durant la première moitié du dix-neuvième siècle. Avant
leur entrée en scène, le cursus d’un instituteur pouvait durer entre un et
quatre ans selon le canton et la formation préalable. Et on comptait
quelque cent cinquante écoles en Suisse. Chacun répondait à ses
besoins spécifiques avec ses moyens et ses outils.
La révolution «HEP» s’est accompagnée d’un changement d’échelle.
D’une référence cantonale, on a passé à une dimension nationale et, de
plus en plus, internationale. Une évolution nécessaire, à en croire le
même Institut: en tertiarisant la formation des enseignants, la Suisse
passerait une étape que la plupart des pays européens ont déjà franchie
voici plus de vingt ans. Cet effet d’entraînement aurait beaucoup
contribué à faire avancer la réforme en Suisse.
L’ensemble des Hautes Écoles Pédagogiques sont aujourd’hui marquées
par l’adaptation au processus de Bologne.
Formation des enseignants en 20042
Préscolaire/Primaire
Secondaire I
Secondaire II
Total
HEP
Universités
Séminaires
Total
4526
1355
---
1004
1446
---
861
129
---
6391
2930
---
16% des futurs enseignants de préscolaire et de primaire suivent leurs cours à
l’université. La proportion est logiquement plus élevée pour le secondaire I:
1
Étude réalisée par le pédagogue Lucien Criblez avec le soutien du Fonds national de
la recherche scientifique. Septembre 2002.
2
«La Formation des futurs enseignants en Suisse.» OFS, 2005. Des lacunes
statistiques empêchent pour l’heure tout recensement des étudiants pour
l’enseignement au secondaire II.
3
50% des étudiants suivent cette filière à l’université. Selon l’OFS, cette
proportion devrait diminuer. De plus en plus de HEP offrent ce cursus. En 2004,
les femmes représentaient 85% des étudiants inscrits dans la filière
préscolaire/primaire et 59% de ceux inscrits dans la filière secondaire I.
1.2
Bref survol international
La formation des enseignants a suivi plusieurs directions dans les
dernières décennies. Entre 1975 et 1989, de nombreux pays ont
3
prolongé sa durée. On a assisté à une inversion de tendance dès 1989.
Deux raisons majeures l’expliquent: les soucis d’assainissements
budgétaires communs à la plupart des pays européens, et la tentative de
trouver une réponse à la pénurie d’enseignants.
En France, la formation des enseignants est confiée aux Instituts
Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM). L’entrée à l’Institut
s’effectue sur concours. Peuvent s’y présenter les titulaires d’un
diplôme universitaire, qui couronne une formation minimale de trois ans
après la fin de l’école secondaire. Les IUFM durent deux ans. La moitié
de la première année est consacrée à la préparation du concours. Les
lauréats entament ensuite une formation essentiellement pratique, qu’ils
suivent avec un statut de stagiaire rémunéré.
La durée totale de la formation atteint donc cinq ans, que ce soit pour
les futurs enseignants du primaire, du secondaire I ou du secondaire II.
La différence entre les degrés s’opère dans le contenu des
programmes. Les IUFM seront bientôt intégrées aux universités. On ne
connaît pas encore les modalités de ce rattachement.
L’Italie a aussi choisi de confier ses futurs enseignants à l’université. La
loi de 1990 prévoit une formation de quatre ans pour le niveau primaire,
et une spécialisation de deux ans supplémentaires pour le secondaire.
Particularité: les deux premières années du cursus s’effectuent en tronc
commun.
Les conditions d’admission rejoignent celles de l’université. Soit, sans
entrer dans le détail, un diplôme de fin de secondaire II.
En Belgique, les écoles normales ont été complètement absorbées par
les départements pédagogiques des Hautes Écoles à partir de la rentrée
1996/1997. La durée de la formation a passé de deux à trois
3
«Les réformes de la profession enseignante en Europe: aperçu historiqu 1975-2002».
Euridyce, réseau d’information sur l’éducation en Europe.
4
ans en 1985. Les velléités de rallonger la durée du cursus à quatre ans
n’ont pas abouti pour des raisons budgétaires. De même, le
rattachement des filières de formation des enseignants aux universités,
qui avait été évoqué lors de la réforme, a été abandonné.
Pour les futurs enseignants du primaire comme du secondaire, la
formation dure trois ans et se déroule dans les Hautes Écoles.
Conditions d’admission: pour le primaire et le secondaire, un certificat
d’enseignement secondaire supérieur, soit l’équivalent du baccalauréat
français.
En Allemagne, les enseignants suivent leur formation dans des Hautes
Écoles. Trois filières principales se détachent: celle du primaire et du
secondaire I (7-9 semestres), celle spécifique au secondaire I (7-9
semestres) et une formation séparée pour le secondaire II (9
4
semestres). L’Allemagne s’adapte depuis 2002 au modèle de Bologne.
2. LA SITUATION EN SUISSE ROMANDE
2.1
Tour d’horizon
Le profil des Hautes Écoles Pédagogiques a été ébauché en 1992. Trois
ans plus tard, la CDIP édictait ses «recommandations relatives à la
formation des enseignants et aux hautes écoles pédagogiques.» La
tradition de l’école normale, vieille de 150 ans, ne lui a opposé que très
peu de résistance.
BEJUNE a fait œuvre de pionnier. En décembre 2000, les cantons de
Berne, du Jura et de Neuchâtel apposaient le sceau final de leur union
par la signature d’un concordat intercantonal. La Haute École
Pédagogique commune était sous toit. L’école elle-même accueillait ses
premiers étudiants en août 2001. Le Valais a rejoint le train de la HEP
en octobre de la même année. Le canton de Vaud a ouvert la sienne au
printemps 2002, comme une cerise sur le gâteau de la réforme École
vaudoise en mutation (EVM). Quelques années plus tard, la cerise a un
goût acide. Faute de reconnaissance par la CDIP, la Haute école
vaudoise se trouve en pleine mue. Le canton de Fribourg fut le dernier à
se convertir. La HEP fribourgeoise a accueilli ses premiers étudiants en
automne 2002.
Genève pour sa part n’a pas attendu les HEP pour inclure la formation
des enseignants dans le tertiaire. L’université diplôme les enseignants
4
Ce sont des moyennes. La durée des études varie beaucoup selon les Länder.
5
depuis plusieurs décennies. Particularité: les filières conduisant à
l’enseignement secondaire sont délivrées dans un établissement séparé.
2.2
Le pourquoi de la réforme
La qualité. Officiellement, les HEP visaient à une meilleure formation,
et à une valorisation de la profession d’enseignant. Rien d’étonnant à
cela. La qualité a toujours donné un argument justificateur aux réformes
scolaires. Le passé institutionnel glorieux des écoles normales ne
suffisait plus à excuser leur relative inertie face à des changements
sociaux de plus en plus rapides. Basculons l’école des maîtres au niveau
tertiaire, intégrons-la dans l’univers des Hautes Écoles, et le tour sera
joué.
L’harmonisation. On doit encore reparler d’elle. Elle figure parmi les
moteurs de l’introduction des HEP. Son objectif est presque banal tant il
s’applique à toutes les autres réformes scolaires en Suisse, quel que
soit le degré: favoriser la mobilité des élèves et des enseignants, grâce à
des diplômes reconnus partout dans le pays et, on l’espère, en Europe.
Bologne a donné un puissant coup d’accélérateur à l’ensemble du
processus. L’harmonisation et l’eurocompatibilité prennent aujourd’hui le
dessus. On entend moins parler de qualité. Et c’est bien ce qui inquiète
non seulement les enseignants, mais aussi les observateurs de l’école.
2.3
Professionnel ou académique?
BEJUNE ouvrira en été 2006 une nouvelle filière. Ses diplômés
obtiendront un titre académique qui leur permettra à la fois d’enseigner
au secondaire I et au secondaire II. Dans le canton de Genève, la
formation est identique pour les deux niveaux, avec là aussi un diplôme
académique. Les enseignants du secondaire I et II sont mis sur le même
pied, que ce soit dans le statut ou la formation. Vaud enfin propose
depuis peu un cursus commun qui ouvre les portes de l’enseignement
supérieur, du secondaire I et du cycle de transition. Le titre obtenu en fin
d’études est ici encore universitaire. A Fribourg enfin, l’université
couronne les étudiants du cursus secondaire I par un titre académique,
contrairement à l’ancien DES, qui restait purement professionnel.
En résumé, tous les cantons romands sauf le Valais offrent la possibilité
d’une formation commune pour les futurs enseignants du secondaire I et
II. Sauf Genève, tous proposent également un cursus destiné
uniquement au secondaire I, qui débouche sur un master professionnel.
6
Le rapprochement des formations pour le secondaire I et II serait de plus
en plus sensible en Suisse romande. «C’est une tendance lourde»,
résume Guillaume Vanhulst, directeur de la section française de
formation des enseignants à l’université de Fribourg. «On veut mettre
les qualifications des enseignants du secondaire I et du secondaire II sur
le même pied.» Le phénomène est beaucoup moins perceptible en
Suisse alémanique. La différenciation entre les deux niveaux y reste très
profonde, ancrée dans la tradition et les habitudes.
Pour Vanhulst, on assiste à une évolution marquée, en Suisse comme
dans toute l’Europe: la formation des enseignants s’approcherait de plus
en plus des systèmes universitaires. «On considère de plus en plus
l’enseignant comme un producteur de savoir et connaissance, et pas
seulement comme un instrument de formation.» Quant à savoir qui, des
HEP ou des universités, se chargerait d’incarner cet élan académique, la
question est loin d’être tranchée.
2.4
La qualité en question
Tout le monde reconnaît que la révolution des HEP était indispensable.
Qu’elle donnait l’occasion d’améliorer la formation des enseignants et de
l’adapter aux nouveaux défis sociaux: «Le rôle confié aux enseignants
est considérable dans tout un éventail de questions économiques,
sociales et culturelles, dont les racines se situent souvent bien au-delà
du champ d’action de l’école. En raison de migrations nationales et
internationales, les enseignants doivent faire face à un public d’élèves
dont la diversité est marquante.5» PISA a également mis le doigt sur les
difficultés des élèves suisses, et donc sur la qualité de l’enseignement
qu’ils reçoivent. On espérait que cette réforme corrige le tir. Occasion
saisie ou perdue? Les réponses divergent.
Le Syndicat des Enseignants Romands (SER) a lancé à l’automne 2005
une pétition pour protester contre le nivellement par le bas provoqué par
l’adaptation des HEP au processus de Bologne. Pour lui, il s’agit
clairement d’une occasion manquée. Il aurait souhaité qu’on la saisisse
pour mettre les enseignants primaires sur le même pied que leurs
collègues du secondaire I, en exigeant un diplôme master de niveau
universitaire. Or, c’est le bachelor en trois ans, une norme héritée de la
Suisse alémanique, qu’on dessine comme standard, qui plus est un
bachelor non reconnu par les universités.
On travaille à cette
reconnaissance, certes, mais les progrès sont très lents, voire invisibles
5
Soledad Perez, Université de Genève, in «Les nouvelles structures de la formation
des enseignants en Europe : une approche comparative». Septembre 2002.
7
pour l’instant. Les HEP sont jeunes. Les universités ont des siècles
d’histoire. Elles ont modelé et occupé un paysage où les places libres
sont rares, et attendent que les petits derniers fassent leurs preuves.
Autre déception ressentie par les milieux enseignants, les conditions
d’admission. Les recommandations de la CDIP de l’automne 2005
prévoient que l’accès à la filière de l’enseignement primaire soit aussi
ouvert aux titulaires d’une maturité professionnelle ou d’une formation
équivalente. La maturité gymnasiale n’est plus la voie royale. Le fait est
loin d’être anecdotique. Au cours de l’année scolaire 2004-2005, 36%
des étudiants inscrits dans la filière préscolaire/primaire ne possédaient
pas de maturité gymnasiale, avec de grandes variations d’une école à
l’autre. Pour la filière secondaire I, 14% des étudiants n’affichaient dans
leur curriculum ni maturité gymnasiale, ni diplôme d’enseignement. Au
surplus, ces mêmes recommandations de la CDIP prévoient d’ouvrir la
formation à l’enseignement préscolaire à toutes les personnes titulaires
d’un certificat de culture générale. Or, le préscolaire deviendra sous peu
plus exigeant pour les enseignants, avec son entrée dans le sein de
l’école obligatoire, et surtout la réorganisation du cycle initial (-2/+2).
Ceci conduit le SER à écrire: «Le minimum commun adopté par la CDIP
pourrait laisser supposer qu’il suffit d’aimer les enfants pour devenir
enseignant.»
Dans les faits, rien n’oblige les cantons à suivre les recommandations
minimales de la CDIP. Les cantons sont autonomes en matière de HEP.
Ce qui est normal, puisque ce sont eux qui les paient. Mais la
probabilité que le bachelor devienne le diplôme standard vers
l’enseignement primaire est plus que forte. Le fait apparaît inéluctable,
un adjectif qui adhère comme une colle au processus de Bologne et à la
globalisation qu’il entraîne. Non seulement l’introduction du master pour
l’enseignement primaire coûterait beaucoup trop cher à des cantons qui
se serrent la ceinture. Mais il est aujourd’hui l’exception: en Suisse, seul
Genève l’a adopté comme standard. Et quand on veut harmoniser, c’est
rarement la règle qui s’adapte à l’exception.
Quant aux conditions d’admission, elles devraient elles aussi être
harmonisées au niveau national. Compte tenu du souhait stratégique de
placer les maturités professionnelles sur le même plan que les maturités
académiques, elles devraient rejoindre les critères minimaux actuels de
la CDIP.
Compte tenu de ce contexte, la pétition lancée par le SER à la fin 2005
pour une formation universitaire pour tous les enseignants paraît avoir
8
très peu de chance d’inverser le courant. Elle a récolté pour l’instant
quelque 2’600 signatures6.
Du côté des instances dirigeantes des HEP, on ne craint pas une
uniformisation par le bas. On estime que le bachelor suffira en terme de
qualité de formation pour les enseignants primaires: «La revendication
d’un master est exagérée. Nous proposons déjà trois ans, ce qui est
équivalent, voire supérieur aux modèles internationaux», affirme le
recteur de BEJUNE Maurice Tardif. Tout dépend des modèles. Nous
avons vu que l’Italie, la France et l’Allemagne, formaient les enseignants
primaires à l’université, dans des cursus supérieurs à trois ans. «Je
comprends les souhaits des enseignants», renchérit le doyen de la
formation initiale à la HEP de Fribourg Alexandre Etienne. «Mais exiger
pour exiger ne sert à rien. Les revendications salariales ne suffisent pas
à justifier l’introduction d’un master.» Selon lui, il serait par contre
adapté à des profils spécifiques, comme le conseil pédagogique.
Bref, pour le courant dominant, les HEP actuelles suffisent à former de
bons enseignants. Notamment en leur proposant un choix de
programmes plus large et mieux adapté à leur futur métier.
D’autres ne voient pas pourquoi on contraindrait les cantons à
uniformiser par le bas. Philippe Perrenoud, président de la section des
sciences et de l’éducation de la Faculté de Psychologie et des Sciences
de l’Éducation de l’Université de Genève, affirme: «Si l’université a
accepté en 1994, bien avant les HEP, d’ouvrir dès 1996 une formation
des enseignants primaires au niveau d’une licence en sciences de
l’éducation, ce n’est pas pour en faire un baccalauréat dix ans plus tard.»
Côté syndical, on semble déjà résigné. «Le modèle adopté par BEJUNE
semble le plus réaliste tant dans la durée des cursus que dans les
conditions d’admission, dans le cadre de l’harmonisation nationale »,
commente le président du syndicat des enseignants jurassiens Rémy
Meury.
2.5
HEP uniformisées à l’horizon 2010 ?
Mêmes conditions d’admission, durée du cursus identique dans toute la
Suisse... C’est loin d’être un scénario de fiction. Avec le processus de
Bologne, la pression à l’uniformisation des HEP est forte.
Dans le cadre du «Paysage des Hautes Écoles suisses», elles devraient
être soumises à la loi qui pilotera l’ensemble du tertiaire en Suisse.
«Piloter» et non «régir», le terme est choisi pour ne pas froisser les
autonomies cantonales. Mais personne ne sait avec quelles commandes
6
Donnée établie le 15 mars 2006.
9
le pilote – en l’occurrence un groupe mixte Confédération/cantons,
guidera son bateau. Aura-t-il les pouvoirs d’un pilote, d’un copilote, ou
de l’assistant météo? On connaît par contre sa destination:
harmonisation encore et toujours, que ce soit au niveau primaire,
secondaire ou tertiaire, et centralisation. En conséquence, pour des
raisons de rationalisation financière et de taille critique, on devrait
assister à court terme à un regroupement des HEP. Les cantons de
Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Argovie et Soleure l’ont fait sous la bannière
7
de la HEP du Nord-Ouest. Ceux de Lucerne, Nidwald, Obwald, Schwyz,
Uri et Zoug sont réunis au sein de la HEP Zentralschweiz. Quant au
canton de St-Gall, il prévoit de fusionner ses deux Hautes Écoles
Pédagogiques.
Le rattachement des HEP aux Hautes Écoles Spécialisées est déjà
réalisé dans le texte, on voudrait qu’il le soit aussi dans les faits. Mais le
mariage est difficile et les fiancés ne se ressemblent guère. Au contraire
des HES et de HEU, les HEP dépendent des cantons. Et leurs statuts
juridiques sont très différents d’un canton à l’autre. Le rattachement
concret au HES, et surtout son modus financier, restent pour l’heure
flous.
7
FHNW: Fachschule Nordwestschweiz, fusion des HES et HEP, création 1er janvier 2006.
10
3. LES HEP ROMANDES SOUS LA LOUPE
11
BEJUNE
(Berne francophone, Jura, Neuchâtel)
Fin 2000, l’ensemble des partenaires paraphait le concordat intercantonal de la
Haute École Pédagogique des cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel. Quelques
mois plus tard, les premiers étudiants passaient les portes de la nouvelle institution.
Et fin 2004, BEJUNE obtenait la reconnaissance de la CDIP. Trois sites de
formation, à Bienne, Porrentruy et la Chaux-de-Fonds, accueillent 400 étudiants
(dont près de 300 pour la formation primaire et préscolaire).
> L’offre de formation.
BEJUNE est la seule Haute école pédagogique de Suisse romande à offrir des
filières de formation aussi complètes: une pour le primaire, une pour le secondaire I,
une troisième qui couvre le secondaire I et le secondaire II. Ce dernier cursus
s’effectue en collaboration avec l’université de Neuchâtel, qui dispense une
formation préparatoire de trente crédits.
> Les particularités.
BEJUNE a signé quatre conventions de partenariat avec l’Université de Neuchâtel et
l’Institut de Recherche et de Documentation Pédagogique (IRDP). La première
concerne la formation dans la filière Secondaire I et II. La seconde définit les
modalités d’une formation académique complémentaire. La troisième cadre les
passerelles entre université et HEP en termes de reconnaissance d’acquis. La
quatrième enfin, avec l’IRDP, formalise les coopérations en matière de recherche en
éducation.
> L’analyse. «Un pôle d’excellence en émergence dans l’espace romand (...) Il
n’existe pas à ma connaissance, dans tous les pays que j’ai visités, une communauté
éducative qui a su se doter en si peu de temps d’une institution de l’ampleur et de la
qualité de la HEP-BEJUNE.» Le recteur Maurice Tardif ne cache pas les objectifs
ambitieux de l’école intercantonale: devenir une référence romande en matière de
formation des enseignants.
BEJUNE n’en a pas moins fait l’objet de critiques virulentes. Gigantesque échec
pédagogique, problèmes administratifs, infantilisation des étudiants,8 les flèches
qu’on lui a décochées étaient acérées. En novembre 2005, socialistes et libéraux ont
déposé une motion urgente, acceptée par le Parlement. Elle demandait un audit sur
le fonctionnement de la HEP. Selon le recteur Maurice Tardif, la tempête s’est
aujourd’hui calmée.
*La «passerelle Dubs» est une formation de transition entre la maturité
professionnelle et l’université. Elle se compose de 35 semaines de cours (5 matins
par semaine) et se termine par un examen.
8
Le Temps, 30 septembre 2005.
12
BEJUNE
(Berne, Jura, Neuchâtel)
Primaire
Secondai
re I
(ouverture
filière
août
2006)
Conditions
d’admission à la
HEP
Durée de la
formation en
HEP
Durée
totale
Lieu de
formation
Diplôme délivré
Maturité gymnasiale.
Maturité professionnelle avec passerelle Dubs* (voir cicontre). Pour les
diplômés ECG, ESC
ou titulaires d’un
CFC, réussite de
l’examen d’entrée
combinée avec 3
ans au moins
d’expérience
professionnelle,
associative ou
ménagère.
3 ans
180 crédits.
3 ans
HEP.
Bachelor of Arts in
Pre-Primary and
Primary Education.
Conditions
d’admission à la
HEP
Durée de la
formation en
HEP
Durée
totale
Lieu de
formation
Diplôme délivré
Bachelor
universitaire dans
au moins deux
disciplines
enseignables.
2 ans
120 crédits.
5 ans
Université et
HEP.
Master of Art ou of
Science in
Secondary
Education
Secondaire I
et II
(ouverture de
la filière en
août 2007)
Primaire, préscolaire
+ section
préprofessionnelle
de l’école
secondaire.
30 crédits: Base
académique
complémentaire.
Université,
HES ou HEP.
90 crédits.
HEP
uniquement.
Conditions
d’admission à la
HEP
Durée de la
formation
en HEP
Durée totale
Lieu de
formation
Diplôme délivré
Master
universitaire dans
au moins une
discipline
enseignable au
secondaire II.
Certificat
préparatoire de
30 crédits à
l’université de
Neuchâtel.
1 an
60 crédits.
6 ans
(270 + 30 +
60 crédits).
Université,
HEP.
Master in Advanced
Studies in
Secondary
Education.
13
FRIBOURG
La HEP fribourgeoise a ouvert ses portes en septembre 2002. Quelque 300
étudiants la fréquentent. En 2005, elle accueillait 110 candidats à l’enseignement au
préscolaire et au primaire (75 dans la filière francophone, 35 dans la filière
alémanique). Elle a obtenu sa reconnaissance par la CDIP en juin 2005.
> L’offre de formation.
Elle est partagée entre la HEP, pour les degrés préscolaires et primaires, et
l’université, pour le secondaire I et le secondaire II. Les derniers étudiants du
Diplôme d’Enseignement Secondaire (DES) arrivent en fin de parcours, tout comme
ceux du diplôme de gymnase (DMG). Deux filières compatibles avec Bologne lui
succèdent: le DAES I et le DAES II , respectivement pour les futurs enseignants du
secondaire I et du secondaire II. Alors que le DES était un diplôme complètement
séparé, ceux-ci intègrent la famille des diplômes de Bologne.
> Particularités.
La HEP Fribourg offre une formation bilingue. Après avoir initialement prévu un accès
relativement large pour les non titulaires d’une maturité académique, elle a resserré
ses conditions d’admission. Les non titulaires d’une maturité gymnasiale doivent
désormais suivre un cours préparatoire d’un an avant d’entrer en HEP (voir cicontre.) Depuis 2003, il inclut lui aussi une classe bilingue.
Ces conditions d’admission demeurent malgré tout plus souples que celles de
BEJUNE pour les candidats qui n’ont pas de maturité. Alors que BEJUNE prévoit
une expérience professionnelle de trois ans au moins, associée à la réussite d’un
examen d’entrée, Fribourg ne demande qu’un an de préparation, sauf aux titulaires
d’un CFC. Résultat, on peut gagner deux ans sur le cursus. Des élèves jurassiens
ont vite compris l’avantage qu’ils pouvaient retirer de ces différences. Ils bouclent
leur certificat préparatoire à Fribourg, suivent la première année de HEP dans la
même ville, puis bifurquent vers BEJUNE.
> L’analyse.
La formation universitaire des enseignants du secondaire I et II est implantée depuis
longtemps à Fribourg. L’ensemble de la structure est stable.
14
FRIBOURG
Primaire
Conditions
d’admission à la HEP
Durée de la
formation
Lieu de
formation
Diplôme délivré
Maturité gymnasiale.
Pour les titulaires d’une
maturité professionnelle,
les diplômés ECG, ESC
ou école de degré
diplôme, réussite du
certificat préparatoire
d’une durée d’un an.
Pour être admis au
certificat, les titulaires
d’un CFC doivent
justifier d’une expérience
professionnelle de trois
ans au moins.
3 ans
180 crédits.
HEP.
Bachelor of Arts
in Pre-Primary
and Primary
Education.
Note: en 2004/2005,
nombre d’admissions
limité à 75 en section
francophone. Formation
bilingue, au moins 15%
dans l’autre langue.
1ere année: tronc
commun.
2eme année:
spécialisation 1 pour l’école
enfantine, la
première et la
deuxième
primaire.
2eme année:
spécialisation 2 Pour les degrés
de la troisième à
la sixième
primaire.
Conditions
d’admission
Durée de la
formation
Lieu de
formation
Diplôme délivré
Rejoignent les
conditions d’admission
à l’université.
4 ans et demi
270 crédits.
Université.
DAES I, Master of
Art en Sciences
de l’Education.
Secondaire I
La première volée
commencera le
Master à
l’automne 2006.
Secondaire
II
Conditions
d’admission
Durée de la
formation
Lieu de
formation
Diplôme délivré
Rejoignent les
conditions d’admission
à l’université.
5 ans et demi à 6
ans.
330 à 360 crédits.
(3 ans bachelor,
1an ½ master, 1
an de
spécialisation en
DAES II)
Université.
DAES II, Master
of Art en
Sciences de
l’Education.
15
GENEVE
La licence en Sciences de l’Education mention Enseignement fut l’une des premières
à avoir été reconnue par la CDIP. Et «de manière élogieuse», selon les termes du
président de la section des Sciences Humaines de l’université de Genève Philippe
Perrenoud.
> L’offre de formation.
Comme partout, Genève s’est adapté au processus de Bologne. Mais le canton
souhaite le faire par le haut. Le projet genevois est de passer à la rentrée 2006 à un
parcours bachelor-master universitaire de 270 crédits, soit 30 de plus qu’aujourd’hui.
Le débat politique le remettra peut-être en question. Il devrait avoir lieu en automne
2006.
> Les particularités.
Genève condense de nombreuses exceptions en Suisse romande. Il est le seul
canton suisse à exiger un master pour ses enseignants primaires. On en a discuté à
Zurich. Le rectorat de la HEP y était favorable : «C’est ainsi dans tous les pays qui
nous entourent», souligne le Dr Walter Bircher, prorecteur de la HEP zurichoise.
Mais, pour des raisons budgétaires, le Gouvernement zurichois a refusé.
La formation universitaire des enseignants primaires a débuté en 1996 à Genève.
Mais la tradition d’un cursus de haut niveau appartient quasiment au patrimoine
historique du canton. Depuis des décennies, la formation primaire inclut une forte
composante universitaire. Bien avant les HEP, Genève avait fait basculer la formation
de ses enseignants dans l’enseignement supérieur. C’est aussi le seul canton à
proposer un cursus combiné secondaire I et II dans une institution complètement
séparée: l’Institut de formation des maîtresses et des maîtres de l’enseignement
secondaire (IFMES). Les études, qui durent deux ans, se déroulent exclusivement
en cours d’emploi. A terme, l’IFMES devrait disparaître. Le Conseil d’État préconise
sa transformation et son intégration dans un centre universitaire interfacultaire. La
mise en place du nouveau système est prévue à la rentrée 2008.
> L’analyse.
La formation universitaire des enseignants primaires est menacée. Les partis de
droite ont déposé au printemps 2005 un projet de loi visant à créer un bachelor ès
sciences de l’éducation de trois ans, dispensé par l’université. En résumé, le cursus
de formation passerait de cinq ans et demi à trois ans. Arguments: augmenter
l’attrait de la profession, réduire la pénurie d’enseignants, et ménager les dépenses
publiques.
Le Département de l’Instruction publique, l’Université et la Société pédagogique
genevoise soutiennent la variante du master. Le Gouvernement présentera un projet
de loi au début 2007.
16
GENEVE
Primaire
Maturité gymnasiale.
Pour les candidats
sans certificat de
maturité: expérience
professionnelle à
plein temps pendant
trois ans au moins.
Au moins trois mois
d’une activité dans le
champ de
l’éducation et de
l’enseignement.
4 ans et demi.
270 crédits.
4 ans et
demi.
Université,
faculté de
psychologie et
des sciences
de l’éducation.
Maîtrise en
enseignement
primaire.
Durée
totale
Lieu de
formation
Diplôme délivré
6 ans et
demi.
Université.
Certificat
d’aptitude à
l’enseignement
secondaire. (En
voie de
changement
d’appellation).
1 an, 60
crédits: Cycle
commun.
2 ans, 120
crédits:
Bachelor en
sciences de
l’éducation,
orientation
Education et
scolarisation.
1 an et demi,
90 crédits:
Master
Conditions
d’admission
Secondaire
I et II
Pour l’entrée à
l’Université
comme cidessus.
Pour être admis à
l’IFMES, Master
universitaire.
Durée de
formation en
IFMES
2 ans.
Institut de
formation des
maîtresses et
des maîtres de
l’enseignement
secondaire.
17
VAUD
Ouverte en 2002, La HEP vaudoise accueille 800 étudiants, encadrés par 180
formateurs.
> L’offre de formation.
La HEP vaudoise vit sous un régime transitoire, conforme aux réformes de Bologne,
avec un cursus différencié pour les enseignants du primaire et du secondaire.
L’offre de formation est complète, avec toutes les filières, du primaire au secondaire
II. Elle inclut également un cursus pour les enseignants d’une discipline spéciale, en
arts visuels ou en musique.
> Particularités.
2004. Coup de tonnerre sur la Haute École Pédagogique vaudoise. La CDIP refuse
de reconnaître ses diplômes. Branle-bas de combat dans le landernau politique. Il
faut agir dans l’urgence. En juin 2005, le Parlement accepte un projet transitoire qui
devrait tenir debout la HEP vaudoise pendant trois ans. Au mois de décembre de la
même année, le Conseil d’État présente un nouveau dossier de reconnaissance à la
CDIP. Une décision est attendue en juillet 2006.
> L’analyse.
L’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la HEP est prévue pendant l’été 2008,
après un an de procédure de consultation. En attendant, la Conseillère d’État AnneCatherine Lyon a lancé un large processus de réflexion. Il s’est concrétisé à la fin
janvier 2006 par les Assises sur la formation des enseignants. Elles n’ont abouti à
aucun consensus. Principal enjeu: l’éventuel rattachement à l’université. Les
réticences du rectorat rendent ce scénario peu probable. L’Université de Lausanne
n’a pas de faculté de pédagogie. Il faudrait d’énormes efforts de mise en place.
Quant aux syndicats, ils ont plaidé pour une formation universitaire pour tous les
enseignants. Nous avons vu plus haut dans ce rapport que cette option péchait par
manque de réalisme.
Au final, on pourrait aboutir à un système qui ressemble beaucoup à la structure
transitoire actuelle, compatible avec Bologne. Soit un cursus différencié, avec
renforcement de la collaboration avec l’université pour l’enseignement au secondaire
II. Mais rien n’est dit. Un avant-projet de loi cadre est prévu après Pâques 2006.
Comme si tout cela ne suffisait pas, la HEP fait l’objet d’attaques de la part de la
droite. Selon elle, le coût moyen d’un étudiant y est près de trois fois supérieur à
celui d’un étudiant en sciences humaines à l’université (respectivement 40'000.pour un maître semi-généraliste, et 15'000.- )
18
VAUD
Conditions
d’admission à la HEP
Préscolaire
Primaire
Maturité gymnasiale.
Maturité spécialisée,
orientation pédagogie.
Maturité professionnelle
avec passerelle Dubs.
Conditions
d’admission
Secondaire I
Maturité gymnasiale.
Maturité professionnelle
avec orientation
pédagogique. Maturité
professionnelle avec
passerelle Dubs.
Conditions
d’admission
Secondaire
I et II
Master universitaire
comprenant au moins
deux branches
correspondant à des
disciplines enseignées.
Durée de la
formation en
HEP
3 ans.
Lieu de
formation
Diplôme délivré
HEP.
Bachelor of arts
en enseignement
aux degrés
préscolaire et
primaire. mention
CIN-CYP1 ou
CYP2-CYT.
Durée de la
formation en
HEP
4 ans.
Lieu de
formation
Diplôme délivré
HEP.
Diplôme
d’enseignant
secondaire semigénéraliste. Pour
le cycle de
transition et dans
les degrés 7 à 9
des voies
secondaires
générales et des
voies secondaires
à options.
Durée de la
formation en
HEP
1 an et demi ou
2 ans.
Durée
totale
Lieu de
formation
Diplôme
délivré
6 ans ou
6 ans et
demi.
Université.
Diplôme
d’enseignant
secondaire
spécialiste
pour le cycle
de transition,
dans les
degrés 7à 9,
les VSO,
VSG, et VSB
et l’enseignement supérieur
HEP.
19
4. LE CYCLE INITIAL, CONSEQUENCES SUR LES
ENSEIGNANTS
En l’an 2000, la CDIP édictait ses premières recommandations pour l’éducation et
la formation des enfants de quatre à huit ans en Suisse. Le projet de concordat
HarmoS a confirmé les orientations prises à cette date. L’école deviendrait
obligatoire dès quatre ans. PISA aurait montré qu’une prise en charge plus hâtive
favorisait l’égalité des chances. Autrement dit, plus vite on s’attaque aux
différences, plus on a de chance de les gommer. Le deuxième point de la réforme
s’attaque à un aspect plus pédagogique: l’organisation du primaire en cycles.
Ce découpage intéresse tout particulièrement la formation des enseignants. De
très nombreux cantons suisses alémaniques expérimentent déjà le cycle initial.
Les cantons de Suisse centrale, Fribourg et le Valais (parties germanophones) se
sont lancés ensemble dans l’aventure. Au courant de l’année scolaire 2004-2005,
Nidwald a ouvert six écoles pilote, Fribourg et Lucerne ont suivi en 2005-2006
avec respectivement deux et onze écoles. Dans le Haut-Valais, seules quelques
communes ont rejoint le navire.
L’expérience se déroule selon deux modèles.
Le premier (-2/ +1) mêle les enfants de quatre à sept ans sur les trois premières
années de la scolarité obligatoire.
Le second (-2/+2) mélange les enfants de quatre à huit ans sur les quatre
premières années de la scolarité obligatoire.
L’enseignement est organisé en team, avec un enseignant du Kindergarten, et un
autre du primaire.
Ce modèle questionne la formation des maîtresses et maîtres. Les enseignants
devront assumer la lourde tâche de la transition de l’apprentissage par le jeu à
l’acquisition systématique des connaissances. Il s’agirait presque de faire du surmesure, tant le défi de l’hétérogénéité semble grand. La HEP de Suisse centrale
projette ainsi de créer une filière spéciale pour le préscolaire et les premières
années d’école primaire. L’ensemble de la réforme n’ira pas sans mal. Rappelons
que Zurich avait refusé l’introduction du -2/+1 dans le cadre d’un projet de refonte
de l’école obligatoire. Quant aux coûts, les modélisations restent peu nombreuses
et excessivement prudentes à ce stade. On s’entend cependant sur un point: les
anciens enseignants des Kindergarten seront certainement mieux payés, et la
nouvelle formule demandera des classes plus vastes et une révision du matériel
pédagogique. Si on donne à la réforme les moyens de ses ambitions, elle coûtera
plus cher.
La situation en Suisse romande est différente. L’expérience conduite à Berne par
exemple ne va pas aussi loin dans le mélange des âges. On y organise les
20
expériences du cycle initial en deux temps: on regroupe séparément les élèves
des deux premières années enfantines (4-6 ans) et des deux premières années
primaires (6-8). La question de l’hétérogénéité de l’enseignement se pose moins:
le préscolaire reste dans son préau, le primaire dans le sien. Néanmoins,
l’organisation en cycles ne se résumera pas à une cosmétique structurelle. Sinon,
pourquoi changer? Les enseignants des deux niveaux devront forcément se
rapprocher. Le SER demande des séminaires pour assurer une transition
harmonieuse. Une autre interrogation concerne le salaire. Aucune HEP romande
n’offre de filières uniquement réservées au préscolaire, pour lesquelles les
exigences d’admission sont moins élevées. Les huit premières années de l’école
obligatoire verront donc débarquer des enseignants diplômés d’un bachelor (ou
d’un master pour Genève) préscolaire/primaire. Comme le salaire des enseignants
des écoles enfantines est aujourd’hui en moyenne inférieur à celui des maîtres
primaires, il faudra des adaptations, selon les syndicats.
5. LA DEMOGRAPHIE, UNE DONNEE CLE
L’évolution démographique touchera directement une profession qui lui est
étroitement liée, et marquera l’ensemble des systèmes scolaires. Après un pic en
1992, le nombre de naissances n’a fait que reculer (-17% entre 1992 et 2002).
L’enseignement obligatoire, qui a connu une hausse d’effectifs de 100'000 élèves
entre 1998 et 2003, a commencé à sentir les effets du reflux dès 2004. En
Suisse, le nombre d’élèves devrait baisser de 13% d’ici 2004, selon les
prévisions de l’Office fédéral de la statistique. Les disparités cantonales sont
importantes. Des cantons urbains comme Genève ou Zurich verraient les effectifs
augmenter. Le Valais, lui, serait particulièrement touché par le reflux
démographique, avec une baisse de 19.3% du nombre d’élèves en école
obligatoire à l’horizon 2014 (Suisse : -13%)
Le secondaire II subira lui aussi ce recul, avec un peu de retard. On prévoit que
les effectifs augmenteront jusqu’en 2008, avant de se stabiliser, puis de reculer.
Le secondaire II devrait compter environ 127'000 élèves en Suisse en 2008, et
116'000 en 2014. Le cursus vers la maturité académique ne sera pas épargné.
Entre 2008 et 2014, les gymnases des cantons de Genève, de Vaud et du Valais
devraient perdre plus de six cents élèves.
Par effet démographique, le taux de maturités continuera d’augmenter pour les
maturités académiques (de 16’000 en 2004 à 18’000 en 2011), tout comme pour
les maturités professionnelles.
En tenant compte de la nouvelle orientation
santé-social, ces dernières pourraient représenter 44% de toutes les maturités
décernées en 2014.
21
6. LE TEMPS DE TRAVAIL DES ENSEIGNANTS EN
SUISSE ROMANDE
Leçons/Périodes par semaine, sans appui
Primaire et Secondaire I
1
Fribourg
Genève
Jura
Neuchâtel
Valais
Vaud
24 à 26
20
22
21
27.6
26
2
3
4
5
6
24 à 26
28
24
25
27.6
26
28
28
28
26
33
28
28
29
28
28
33
28
28
29
29
28
33
32
28
29
29
30
33
32
7
32.5
32
30 ou 31
31 ou 32
32
32
8
32
32
30 ou 32
31
32
32
9
32
32
33
30 à 34
32
32
Heures d’enseignement par an, sans appui
Primaire et Secondaire I
2
3
4
5
6
8
9
Fribourg
760h à
823h20
1
760h à
823h20
886h40
886h40
886h40
886h40
1029h10
7
1013h20
1013h20
Genève
577h30
808h30
808h30
837h20
837h20
837h20
924h
924h
924h
Jura
643h
702h
819h
819h
848h
848h
Neuchâtel
614h15
731h15
760h30
819h
819h
877h30
877h30
ou
906h45
906h45
ou 936h
Valais
797h
797h
953h
953h
953h
953h
1026h40
1026h40
877h30
ou
906h45
877h30
à
994h30
1026h40
Vaud
741h
741h
798h
798h
912h
912h
912h
912h
912h
877h30
ou
906h45
906h45
Semaines d’enseignement par an et durée des leçons/périodes
Nb.
semaines
Durée des
leçons/périodes
Fribourg
38
50mn
Genève
38 ½
45mn
Jura
39
45mn
Neuchâtel
39
45mn
Valais
38
Vaud
39
45 mn au
primaire
50mn au sec I
45mn
Sources: «Grilles-horaires officielles – Temps scolaire effectif des élèves 2005-2006». IRDP,
Françoise Landry.
22
7. SALAIRES: COMPARAISON INTERCANTONALE
Salaires de l’école primaire bruts mensuels, année scolaire 2004-2005, y compris
le treizième salaire*
Fribourg
Genève
Jura
Neuchâtel
Vaud*
Valais
Primaire, 1ere
année de
service
67'083.77’961
64'810.68'047.58'595.66'988.-
Primaire, 11eme
année de
service
89’895
99’411
85'649.95'910.73'412.83'735.-
Primaire, salaire
maximal après x
années
102'222.28 ans
107'211.22
98'675.15
95'910
11
95'764.24.5
97'133.24
*LCH- Besoldungsstatistik 2004
Salaires de l’école secondaires bruts mensuels, année scolaire 2004-2005, y
compris le treizième salaire*
Fribourg
Genève
Jura
Neuchâtel
Vaud*
Valais
Secondaire,
1ere année de
service
78'501.92'970.77'836.85'550.94'302.voir remarque
81'702.-
Secondaire,
11eme année
de service
104'133.118'545.105'968.113'414.122'165.-
Secondaire, salaire
maximal après x
années
117'668.40 ans
127'845.24
123’552.15
95'910
11
122.165.11
102'127.-
118'468.-
24
*LCH- Besoldungsstatistik 2004
*Vaud: Attention aux chiffres! La situation est très confuse. Certains enseignants
formés pour le primaire se retrouvent au secondaire I, où ils côtoient des titulaires
de diplômes de maîtres semi-généralistes (diplôme standard du secondaire I) et
d’autres en possession d’une licence universitaire. Dans des cas extrêmes, on
peut rencontrer des différences salariales énormes pour la même année et le
même travail: 130'200.- annuels pour un enseignant secondaire spécialiste (dans
des classes de VSB, voie secondaire de baccalauréat) et 95'500.- pour un
enseignant semi-généraliste (Voie secondaire générale et voie secondaire à
options).
23
8. ANNEXES
• Formation des enseignants, l’offre en Suisse (Source: CDIP).
• Minutes d’enseignement par an et par degré. (Enseignantes et enseignants de
Suisse romande et du Tessin. Temps de travail, mandat, statut, formation et
perfectionnement.» IRDP, Françoise Landry, mars 2005).
• Degré secondaire II: «Prévision du nombre d’élèves et de titres décernés par
région.» (OFS, 2005).
• Nombre de maturités et taux de diplômes des Hautes Écoles, scénarios 20052014 (OFS).
• «Perspectives de la formation, évolution prévue de plusieurs composantes du
système de formation.» (OFS, 2005)
• Panorama des salaires des enseignants en Suisse: «LCH-Besoldungsstatistik
2004.»
24