Les réponses aux questions de la section 3 du

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Les réponses aux questions de la section 3 du
« Arts Appliqués dans la Législation sur la Propriété Intellectuelle :
la Frontière Incertaine entre Beauté et Utilité »
PAYS :
CANADA
Les réponses aux questions de la section 3 du questionnaire
portant sur l’impression 3D sont de :
Louis-Pierre Gravelle
avocat, ingénieur et agent de brevets
au Canada et aux États-Unis
(cabinet Robic)
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3) IMPRESSION 3D
Questions :
1) Généralités
a) Y’a-t-il lieu de distinguer, au plan juridique, selon que l’objet
tridimensionnel est reproduit par un procédé de fabrication
additive ou par un procédé de fabrication par enlèvement de
matière ? La fabrication additive vous semble-t-elle requérir un
traitement juridique particulier ?
Il n’y a pas lieu de distinguer, au plan juridique, selon que l’objet
tridimensionnel est reproduit par un procédé de fabrication additive ou
par un procédé de fabrication par enlèvement de matière. Le produit
final demeure un objet réel, qui, une fois produit, se prête au cadre
législatif de propriété intellectuelle qui est couramment en place (Loi sur
les droits d’auteurs, Loi sur les marques de commerce, Loi sur les
brevets, Loi sur les dessins industriels, etc.)
La question qui se pose est par rapport au traitement juridique des
fichiers « Conception assistée par ordinateur » (CAO) qui sont
intangibles et facilement transférables d’un utilisateur à l’autre : retracer
la source de ces fichiers devient une tâche ardue.
Les lois actuelles seront difficilement applicables lors d’une situation
d’infraction par rapport à ces fichiers. Qui sera poursuivi : l’utilisateur qui
a téléchargé le fichier, celui qui l’a mis en ligne ou le site qui a hébergé
les fichiers?
Les notions d’infraction secondaires ou contributoires
trouveront leur place au sein de ces situations. Weinberg dans son
article « What’s the deal with Copyright and 3D printing » suggère ceci:
“[…] they will likely begin to focus on secondary or contributory infringers
with deeper pockets who enable people to reproduce patented work” La
jurisprudence canadienne a jusqu’à maintenant a distingué ces sites
d’hébergement des fournisseurs de services internet pour lequel une
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responsabilité ne peut être retenu car ceux-ci n’agissent que comme des
conduits.
b) Y a-t-il eu, dans votre pays, des initiatives publiques ou privées
visant à accompagner et encadrer juridiquement l’impression
d’objets tridimensionnels ? Si tel est le cas, pouvez-vous en
résumer les axes et conclusions ?
Non, même si la technologie de l’impression tridimensionnelle existe
déjà depuis trois décennies, la popularité et la possibilité que les
consommateurs moyens y aient accès demeure un fait relativement
nouveau. En ce moment, malgré les règles de propriété intellectuelle
déjà mises en place, telles que la Loi sur le droit d’auteur, la Loi sur les
brevets et la Loi sur les dessins industriels, lesquelles sont décrites en
détail dans les questions suivantes, le législateur préfère une approche
« wait and see ».
Le défi pour le législateur dans ce cas relève du fait qu’il y a un désir de
règlementer la fabrication additive de façon équitable sans vouloir mettre
en péril la poussée créative qui pourrait provenir des consommateurs
sans que ceux-ci craignent des représailles légales. Pour le moment, les
normes qu’émettent la communauté d’impression tridimensionnelle
servirait comme un bon point de départ selon Michael Weinberg dans
son article What’s the deal with Copyright and 3D Printing :
Developing a way to recognize and reward true innovators without relying on
costly drawn out legal battles is the most effective way to stave off the creep
of copyright expansion. If there is a system that already works, most people
will not need to grasp for novel copyright theories […]
c) Plusieurs étapes peuvent être distinguées dans la chaîne de
l’impression 3D : la modélisation/numérisation (par dispositif
d’acquisition ou logiciel de CAO), la diffusion numérique des
modèles 3D, l’impression des objets tridimensionnels. Considérez-
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vous qu’il existe d’autres étapes importantes appelant une analyse
juridique spécifique ?
En ce qui concerne l’impression tridimensionnelle en soit, les étapes
décrit ci-haut demeurent les étapes principales importantes. Comme
mentionné dans les questions précédentes, les étapes de la distribution
du produit, et de la création de normes de sécurité seront des éléments
importants à considérer dans un proche avenir lorsque le produit quittera
le cadre privé et se retrouvera dans l’espace commercial.
Présentement, les imprimantes tridimensionnelles demeurent des
produits difficiles d’accès par rapport au coût et à l’expertise technique
requise pour les opérer, malgré l’arrivée sur le marché d’imprimante à
bas coût, et donc qualité d’impression moins intéressante.
2) Modélisation 3D / Réalisation du fichier qui permettra, en aval, la reproduction
d’un objet par impression 3D
a) Dans le cas où un objet préexistant (à deux ou trois dimensions)
est numérisé ou modélisé, faut-il considérer que la personne qui a
procédé à la numérisation ou à la modélisation peut revendiquer
des droits sur le fichier ? Si oui, à quelles conditions ?
Non, la numérisation ou la modélisation d’un objet préexistant ne saurait
conférer des droits à la personne créant un tel fichier. Au Canada, le
seul droit de propriété intellectuelle pouvant être acquis par la simple
création (sans qu’il soit nécessaire d’obtenir un enregistrement ou de
prouver l’usage) est le droit d’auteur. Or, l’un des prérequis pour obtenir
un droit d’auteur est que l’œuvre doit comporter un élément d’originalité,
c’est-à-dire résulter d’un effort créatif indépendant. Ainsi, une simple
reproduction numérique d’un objet préexistant ne pourrait faire naître un
droit d’auteur dans le fichier, de la même façon que numériser un texte
imprimé ne confère pas de droits dans le fichier ainsi créé.
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De plus, il est bon de rappeler que l’objet ainsi reproduit peut être luimême sujet aux droits de propriété intellectuelle de tiers, tels que
brevets, droits d’auteur, marques de commerce ou dessins industriels,
lesquels confèrent généralement à leur titulaire l’exclusivité de la
reproduction de l’objet. Cette exclusivité s’applique, dans certains cas, à
la création de copies électroniques par numérisation ou modélisation. Il
s’agirait donc également d’un contre-sens, dans ces cas particuliers,
d’attribuer des droits dans un fichier qui se trouverait lui-même être une
contrefaçon des droits d’autrui.
Notons toutefois que la personne ayant créé le fichier par la
numérisation ou modélisation d’un objet préexistant pourra tout de
même revendiquer des droits sur le ficher en question si cette personne
est par ailleurs titulaire de droits dans l’objet préexistant, de la même
façon que l’auteur d’une peinture aura des droits dans une éventuelle
version numérisée de son œuvre.
b) La modélisation ou la numérisation tridimensionnelle d’un objet
pour un usage privé est-elle autorisée par la loi de votre pays, et si
oui à quelles conditions ? Distinguer, s’il y a lieu, selon la nature de
l’objet modélisé ou numérisé (oeuvre de l’esprit, modèle, invention,
etc.) ou la source de l’objet utilisé. Qu’en est-il des actes accomplis
pour un usage non privé ?
La modélisation ou la numérisation d’un objet qui n’est protégé par
aucun droit d’un tiers ne pose pas problème, que ce soit pour un usage
privé ou à d’autres fins. Les choses sont différentes lorsque l’objet en
question est couvert par un droit de propriété intellectuelle :
Brevet. Au Canada, l’obtention d’un brevet confère à son titulaire le
droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter
et vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention. La
modélisation et la numérisation tridimensionnelle de l’objet, en tant que
telles, ne sont donc pas couvertes par cette exclusivité, mais l’utilisation
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du fichier ainsi créé pour produire une réplique de l’objet constituerait
alors une contrefaçon du brevet. La modélisation ou la numérisation
sont donc autorisées, mais l’utilisation du ficher résultant ne l’est pas.
Toutefois, la Loi sur les Brevets ménage une exception à cette règle,
dans les cas d’un usage privé non commercial, à des fins
d’expérimentation.
Droit d’auteur. Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif
de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre,
sous une forme matérielle quelconque, mais cette règle n’est pas
absolue. Ainsi, l’« utilisation équitable » permet la reproduction d’une
œuvre pour fins d’étude privée, de critique ou de compte-rendu, etc. De
même, il est permis sous certaines conditions d’effectuer une
reproduction de l’œuvre à des fins privées (il faut notamment qu’elle soit
faite à partir d’une œuvre qui n’est pas elle-même une contrefaçon, et
qui ait été obtenue légalement autrement que par emprunt ou location).
Une autre exception concerne le « contenu non commercial généré par
l’utilisateur », c’est-à-dire l’utilisation d’une œuvre pour créer une autre
œuvre ou un autre objet du droit d’auteur protégé à des fins non
commerciales et sous certaines conditions. Enfin, il est permis au
propriétaire ou au licencié d’une copie d’une œuvre, de reproduire cette
œuvre afin d’en conserver une copie de sauvegarde.
Dessin industriel. La Loi sur les dessins industriels n’empêche pas la
création d’une version modélisée ou numérisée d’un objet protégé, mais
elle ne prévoit pas d’exception au droit exclusif du titulaire du dessin
industriel de fabriquer l’objet.
Marque de commerce. Le droit canadien admet les marques de
commerce en trois dimensions. Toutefois, la loi n’interdit pas la
fabrication d’un objet portant une marque de commerce protégée pour
un usage privé : il faut que la reproduction ait lieu dans un but de vente
pour constituer une violation de la marque. La modélisation ou
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numérisation d’un objet ne pose donc pas de problème en soi, non plus
que la reproduction de l’objet à des fins non commerciales.
c) Lorsque la modélisation ou la numérisation tridimensionnelle à
usage privé est autorisée par la loi (application du droit commun
ou texte spécial), celle-ci est-elle assortie d’un mécanisme de
rémunération au profit des titulaires de droits sur l’objet imprimé ?
Le cas échéant, pouvez-vous en préciser les modalités de
perception et de répartition ?
Non, la modélisation et la numérisation tridimensionnelle à usage privé
d’un objet protégé par un droit de propriété intellectuelle, lorsqu’elles
sont faites dans un cadre permis par le droit canadien, de donnent pas
ouverture à un régime de rémunération des titulaires des droits sur
l’objet imprimé.
3) Diffusion des modèles 3D / Mise à disposition des fichiers permettant la
reproduction 3D
a) Existe-il dans votre pays des sites diffusant légalement des
fichiers 3D, à titre gracieux ou payant ? Si oui, pouvez-vous en
préciser le modèle économique et le modèle juridique (modèles de
licence, responsabilité, etc.) ?
Oui, il existe plusieurs sites web permettant de télécharger des fichiers
3D payants ou à titre gratuit, pas nécessairement localisés au Canada.
Par exemple, le site internet Shapeways offre des modèles ou fichier
3D. Il propose également de créer des modèles ou des fichiers 3D. Le
droit d’auteur protège l’œuvre originale d’un auteur de toute reproduction
faite sans son consentement.
Aucun modèle de licence n’a été trouvé.
b) Existe-il dans votre pays des plateformes permettant à des
utilisateurs de partager des fichiers 3D ? Le cas échéant, ces
plateformes soulèvent-elles des problèmes juridiques (modèles de
licence de diffusion, mise à disposition non autorisée, etc.) ? Y a-t-
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il eu des contentieux ? À votre connaissance, des titulaires de
droits ont-ils conclus des contrats avec ce type de plateformes
Oui, il existe plusieurs sites web permettant de partager des fichiers 3D.
Encore une fois, le site internet Shapeways offre ce type de prestation.
En ce qui concerne la reproduction de l’œuvre, elle est couverte par la
Loi sur les droits d’auteur, avec ses exceptions, tels que l’exception de
copie à des fins privées.
Les tribunaux canadiens ne se sont pas encore prononcés sur le sujet. Il
n’y a aucun modèle de licence qui est disponible.
4) Impression 3D / Reproduction d’une oeuvre, d’un modèle ou tout autre objet
protégé par un droit de propriété intellectuelle
a) L’impression tridimensionnelle d’un objet pour un usage privé
est-elle autorisée par la loi (Texte spécial ou application du droit
commun) de votre pays, et si oui à quelles conditions ? Distinguer,
s’il y a lieu, selon la nature de l’objet modélisé ou numérisé (oeuvre
de l’esprit, modèle, invention, etc.) ou la source du fichier utilisé.
Qu’en est-il des actes accomplis pour un usage non privé ?
Dépendamment de quel régime de droit de propriété intellectuelle
protège l’objet et son fichier CAO correspondant, l’usage pour des fins
privés peut soit être permis ou constituer une infraction. La nature de
l’objet (créé par fabrication additive ou soustractive) importe peu, c’est
plus le fichier CAO qui est nécessaire au processus d’impression
tridimensionnelle qui serait l’objet de contentieux par rapport aux droits
de propriété intellectuelle.
Un fichier CAO peut être protégé par plusieurs types de droit de
propriété intellectuelle dû au fait que le fichier CAO franchit plusieurs
étapes dans la production de l’objet (sa création, sa conservation et sa
distribution par la suite). Comme mentionné dans la question 2, le fichier
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peut être protégé sous la rubrique des droits d’auteurs, des brevets, ou
des dessins industriels.
En droit d’auteur, la reproduction d’un protégé à des fins privées
constitue une exception à la règle et ne constitue pas une infraction par
l’entremise de l’article 29.22 de la Loi sur le droit d’auteur. Il faut les
conditions suivantes soient respectées : la copie n’est pas faite à partir
d’une autre copie enfreignant le droit d’auteur, la copie originale est
légalement détenue par celui qui fait la reproduction, aucune mesure de
protection n’a été contournée, la copie reproduite est seulement utilisée
à des fins particulières, la reproduction n’est donné à personne.
S’il s’agit d’un objet breveté, la Loi sur les brevets n’autorise
généralement pas la reproduction à des fins privées. Les utilisateurs ne
peuvent donc imprimer en 3D des objets protégés par des brevets que
dans quelques situations : en cas d’autorisation par un tribunal (article
42), pour faire des expériences en rapport avec le sujet du brevet (article
55.2). De plus dans l’arrêt MacLennan c. Gilbert Tech Inc, la cour
précise que répare un objet breveté n’est pas en soi une infraction au
brevet. Après une vente, un utilisateur d’un objet breveté peut faire ce
qu’il veut avec cet objet sans avoir peur d’enfreindre le brevet que
détient le vendeur sur cet objet (arrêt Eli Lily c. Novopharm).
En ce qui concerne l’usage commercial des produits d’une impression
tridimensionnelle, il faudrait demeurer dans le cadre juridique de la
protection accordé par les lois de propriété intellectuelle couramment en
place (décrit dans le questionnaire ci-haut).
b) Lorsque l’impression tridimensionnelle à usage privée est
autorisée par la loi, celle-ci est-elle assortie d’un mécanisme de
rémunération au profit des titulaires de droits sur l’objet imprimé
(et si oui, lesquels) ? Le cas échéant, pouvez-vous en préciser les
modalités de perception et de répartition ? De manière générale,
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existe-t-il dans votre législation des mécanismes de licence légale
ou de gestion collective
obligatoire bénéficiant à plusieurs catégories de titulaires de droits
de propriété intellectuelle (par exemple, droit d’auteur et dessins et
modèles) ?
Il ne semble pas qu’il existe une obligation ou un mécanisme de
rémunération prévu par la loi dans le cadre des exceptions permises par
l a Loi sur le droit d’auteur ou par la Loi sur les brevets. Toutefois si
l’auteur pense qu’il y a atteinte à l’un de ses droits, il peut notifier la
personne et le site qui enfreindrait ce droit et celles-ci décideront
d’enlever ou de garder en place l’objet ou fichier selon le cas. Si
l’utilisation est issue de à titre privé et non commercial, relative à une
infraction au droit d’auteur, la personne ne pourra être forcée de faire
quoi que ce soit.
Si l’on sort par contre du cadre de l’usage privé pour atteindre celui de
l’exploitation commerciale ou de la diffusion grand public, il sera par
contre nécessaire d’obtenir une licence auprès du titulaire de droit
d’auteur ou du brevet.
Il existe au Québec une licence globale de reproduction à demander
auprès de Copibec, toutefois il semblerait que les particuliers ne
puissent pas y avoir accès pour leur usage personnel.
Des sites internet tels que Shapeways.com o u MyMiniFactory.com
offrent des plateformes indépendantes sur lesquels les créateurs
indépendants peuvent être rémunérés pour leurs conceptions.
c) Comment votre législation appréhende-t-elle l’activité d’un
prestataire qui imprime en 3D un objet à la demande d’un
particulier, pour l’usage privé de ce dernier ? Ce prestataire est-il
responsable des actes de reproduction accomplis ? Le cas
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échéant, peut-il s’exonérer en tout ou partie de cette responsabilité
?
Au Canada, dans l’arrêt Société canadienne des auteurs, compositeurs
et éditeurs de musique c. Assoc. Canadienne des fournisseurs Internet
est traitée la responsabilité des fournisseurs d’accès internet par rapport
aux infractions du droit d’auteur. Cette décision précise que les
fournisseurs d’accès internet ne peuvent être responsables de ces
infractions s’ils ne servent que de conduit. Toutefois, l’arrêt Grokster a
démontré qu’une compagnie qui possédait la connaissance de cet
infraction (et pour son bénéfice commercial) pourrait être tenu coupable
d’incitation. Dans l’arrêt MacLennan la cour s’est exprimée ainsi :
First, there must be an act of infringement by the direct infringer. Second,
the act must be influence by the seller to the point where, without this
influence, the infringement by the buyer would not otherwhile take place.
[And last] the influence must be knowingly exercised by the seller
En ce qui concerne la fabrication ou construction d’un objet breveté, seul
le titulaire du brevet détient ces droits (article 42 de la loi). Il n’existe pas
en matière de brevet de droit à l’usage équitable toutefois il n’est pas
interdit pour les sites internet d’héberger des fichiers et de permettre leur
téléchargement, même si les objets contenus dans ces fichiers
pourraient enfreindre un brevet une fois imprimés. On peut donc en
déduire que si le prestataire fabrique un objet breveté à l’aide d’une
imprimante 3D il sera responsable de l’infraction au brevet, à moins
d’avoir fait preuve de bonne foi et de diligence en recherchant si l’objet
qu’il avait pour mission d’imprimer était breveté ou non. Toutefois des
sites comme Shapeways se dédouanent de toute responsabilité en
précisant, dans leurs termes et conditions de services, que toute
responsabilité en bout de ligne revient à la personne qui a mis en ligne
sur leurs serveurs le fichier de l’objet breveté. Celle-ci est supposée
dédommager Shapeways des frais légaux que le site pourrait avoir à
débourser en rapport avec l’objet enfreignant les droits d’un brevet.
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Les tribunaux n’ont à ce jour pas eu à répondre de la légalité de ce
transfert de responsabilité du prestataire imprimeur 3D à la personne qui
a mis en ligne le fichier pouvant enfreindre un brevet déjà existant.
Encore faut-il pouvoir prouver la fabrication d’un objet breveté, ce qui est
assez compliqué.
d) Existe-il dans votre pays des sites proposant des services
d’impression 3D à la demande ? Le cas échéant, les utilisateurs
ont-ils la faculté de partager l’objet transmis pour impression ?
Ces sites mettent-ils en oeuvre des mesures de contrôle des objets
transmis ou partagés (contrôle par mots clés, fingerprinting, etc.) ?
Quelle est, au regard de votre législation, le régime de
responsabilité applicable à ces sites (en distinguant, le cas
échéant, selon la nature des prestations) ?
Il existe bel et bien des sites proposant des services d’impression 3D à
la demande. Pour ce faire les utilisateurs du service d’impression à la
demande partagent avec le site internet les fichiers CAD voulus afin que
celui-ci imprime en 3D les objets contenus dans les fichiers.
Soient que ces sites permettent le partage d’une vaste gamme de
fichiers CAO gratuitement à l’aide de différentes licences « Open
source » tel le GNU GPL, ou que ces sites offrent une rémunération
directement à l’artiste lorsqu’un individu
fait l’achat d’une de ses
créations.
Ces sites contiennent souvent de termes et conditions qui interdisent
l’usage ou le partage de fichiers ou objets interdit par la loi ou protégés
par le droit d’auteur, par brevet ou par la loi sur les dessins industriels.
Leur responsabilité, qu’elle soit contributoire ou secondaire à l’infraction,
n’est pas claire.
Toutefois si ces sites font du profit en permettant des violations aux
droits relatifs à des objets ou fichiers protégés par la loi, et en
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l’encourageant, il y a fort à parier que ceux-ci seront en partie
responsables de ces violations (Arrêt MacLennan c. Gilbert Tech Inc).
Il ne semble pas que ces sites mettent en place des mesures de
contrôle des objets transmis ou partagés.
https://www.myminifactory.com/
http://www.shapeways.com/
https://www.thingiverse.com
https://www.sculpteo.com/en/
http://www.3dpro.ca/
5) Mesures techniques de protection et d’information
a) Au vu d’éventuels précédents dans votre pays, l’appréhension
des actes d’impression 3D au sein de la sphère privée au moyen de
mesures techniques de protection implantées sur les dispositifs
matériels ou logiciels d’impression 3D vous paraît-elle opportune
et réalisable ?
Oui. La Loi sur la modernisation du droit d’auteur, sanctionnée le 29 juin
2012, criminalise le fait de contourner les mesures techniques de
protection (MTP). Cette loi décrit les MTP de façon très générale et les
pénalités sont sévères. Elle offre donc une large protection aux MTP de
toutes sortes et permet une diversification de celles-ci qui permettra à
une industrie grandissante comme l’impression 3D d’utiliser les MTP de
son choix pour prévenir la copie
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b) Y a-t-il dans votre pays des précédents règlementaires ou de
soft law visant à imposer à une filière industrielle la mise en oeuvre
de mesures techniques de protection empêchant la copie ?
Non.
c) Y a-t-il dans votre législation nationale des obligations légales de
mise en conformité de certaines catégories de logiciels à des
standards de sécurité ? Si oui, comment ces obligations sont-elles
appliquées dans le domaine du logiciel libre ?
Non.
Les questions b) et c) trouvent réponse dans un commentaire du
ministre James Moore fait lors de la conférence de presse pour
l’annonce des modifications à la Loi sur le droit d’auteur : « [c]e n’est par
le gouvernement qui impose une serrure numérique. L’industrie va
choisir si elle veut mettre une telle serrure » (Volume 375 –
Développements récents en droit de la propriété intellectuelle (2013)). Il
n’y a donc aucun précédent réglementaire ou obligations légales quant à
la mise en place de standards de sécurité ou de mesures de protection,
seulement quant à leur protection légale lorsqu’ils sont mis en place.
d) Les techniques de signature ou de tatouage numériques
(fingerprinting, watermarking, etc.) sont-elles susceptibles d’être
mises en oeuvre pour encadrer et contrôler la diffusion et/ou
l’impression de modèles 3D ? Existe-t-il des dispositifs de ce type
dans votre pays ? Si oui, pouvez-vous le décrire ? Dans le cas où il
est ou serait fait appel à une base de référence des modèles 3D
protégé, quelles sont ou seraient les obligations incombant aux
prestataires techniques ? Et quelle est ou serait la conséquence de
l’absence d’inscription d’un modèle dans une telle base ?
Les techniques de signature ou de tatouages numériques font partie de
« l’information sur le régime des droits » et sont donc également
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protégées sous la Loi sur la modernisation du droit d’auteur (Article
41.22). Il est donc probable qu’elles seront utilisées pour encadrer et
contrôler la diffusion et l’impression des modèles 3D. Des dispositifs de
ce genre existent présentement au Canada, principalement parce que
des compagnies comme Digimarc et Civolution qui se spécialisent dans
ce genre de technologies offrent leurs services mondialement. Des
produits comprenant ce genre de dispositifs sont en distribution au
Canada, puisque de grandes compagnies comme Disney l’utilisent
maintenant sur leurs produits.
Il n’existe à ce jour pas de base de référence de modèles 3D protégés et
ce n’est pas non plus un projet présentement en discussion, il n’y a donc
pas moyen de savoir quel genre d’obligations ce système
imposerait aux utilisateurs.
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