le songe d`une nuit d`été

Transcription

le songe d`une nuit d`été
BENJAMIN BRITTEN
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ
A MIDSUMMER NIGHT’S DREAM
Livret du compositeur et de Peter Pears
d’après la pièce de Shakespeare
Opéra en trois actes
1960
OPERA de LYON
LIVRET
5
10
14
18
66
124
Fiche technique
L’argument
Les personnages
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ
Act I / Acte I
Act II / Acte II
Act III / Acte III
CAHIER de LECTURES
William Shakespeare
175
Titania et Obéron, la querelle
179
Hermia & Démétrius, la loi contre les amants
Jan Kott
181
Bestiaire du désir
William Shakespeare
184
Programme des divertissements...
Peter Brook
187
Les artisans
Jan Kott
188
Puck
Benjamin Britten
189
L’original de Shakespeare survivra
William Shakespeare
193
L’amour-en-attente
Jacques Lonchampt
195
Une rosée lumineuse
William Shakespeare
196
Les ruses d’une puissante imagination
CARNET de NOTES
200
218
219
Benjamain Britten Repères biographiques
& Notice bibliographique
Le Songe d’une nuit d’été
Orientations discographiques
Illustration.
Croquis de l’intérieur du Swan Theatre,
une scène élisabéthaine de Londres, par JOHANNES DE WITT, 1596
LIVRET
C’est en août 1959 qu’est prise la décision de créer un nouvel
opéra de Britten pour l’inauguration du nouveau Jubilee Hall
d’Aldeburgh devant avoir lieu moins d’un an après. Compte
tenu de ce délai relativement court, Britten décide d’utiliser
un texte déjà existant, Le Songe d’une nuit d’été de William
Shakespeare. Britten, avec l’aide de Peter Pears, travaille la
pièce de Shakespeare, en coupe plus de la moitié et déplace
certaines scènes. Les texte restant est de Shakespeare, seul un
vers est inventé pour expliciter une situation. (Voir l’article du
compositeur, page 193.)
PARTITION
La partition est écrite rapidement pour une œuvre du XXe
siècle : Britten indique qu’il s’est mis effectivement au travail
en octobre 1959. La partition, orchestration comprise, est
achevée, ainsi que l’indique une datation à la dernière page,
le 15 avril 1960 à Aldeburgh. Elle est dédiée à Stéphan Reiss,
alors administrateur du festival d’Aldeburgh.
5
PERSONNAGES
6
OBÉRON, roi des fées
TITANIA, reine des fées
PUCK
THÉSÉE, duc d’Athènes
HIPPOLYTA, reine des Amazones,
fiancée de Thésée
LYSANDRE, amoureux d’Hermia
DÉMÉTRIUS, amoureux d’Hermia
HERMIA, amoureuse de Lysandre
HÉLÉNA, amoureuse de Démétrius
BOTTOM, tisserand
QUINCE, charpentier
FLUTE, raccommodeur de soufflets
SNUG, menuisier
SNOUT, chaudronnier
STARVELING, tailleur
Contre-ténor (ou contralto)
Soprano colorature
Acrobate, rôle parlé
Basse
Contralto
Ténor
Baryton
Mezzo-soprano
Soprano
Basse-baryton
Basse
Ténor
Basse
Ténor
Baryton
QUATRE FÉES Voix d’enfants ou sopranos
COBWEB (TOILE D’ARAIGNÉE)
PEASEBLOSSOM (FLEUR DES POIS)
MUSTARDSEED (GRAINE DE MOUTARDE)
MOTH (PHALÈNE)
CHŒUR DES FÉES
Voix d’enfants ou sopranos
ORCHESTRE
2 flûtes (aussi piccolo)
1 hautbois (aussi cor anglais)
2 clarinettes
1 basson
1 cors
1 trompette en ré
1 trombone
2 percussions
2 harpes
Clavecin
Célesta
Cordes
DURÉE MOYENNE
2 heures 30
CRÉATION
11 juin 1960, au Jubilee Hall de Aldeburgh
Direction musicale. Benjamin Britten
Mise en scène. John Cranko
Décor & costumes. John Piper
Avec Alfred Deller (Obéron), Jennifer Vyvyan (Titania),
Leonid Massine II (Puck), Forbes Robinson (Thésée),
J. Peters (Hippolyta), George Maran (Lysandre),
Thomas Hemsley (Démétrius), M. Thomas (Hermia),
Aprile Cantelo (Héléna), Owen Brannigan (Bottom),
Peter Pears (Flute)
CRÉATION en FRANCE
1965. Création au Théâtre municipal de Strasbourg,
dans le cadre du Festival de Strasbourg (juin-juillet)
Version française de Fred Goldbeck
Direction musicale. Frédéric Adam
Mise en scène, décor & costumes
. Jean-Pierre Ponnelle
Avec Michel Sénéchal (Obéron), Jacqueline Silvy
(Titania), Gérard Brillanti (Puck), Jacques Villisech
(Thésée), Jenny Lorentz (Hippolyta), Herbert Handt
11
(Lysandre), Peter Gottlieb (Démétrius), Jane Berbié
(Hermia), Hélia T’Hezan (Héléna),
Derrick Olsen (Bottom)
L’ŒUVRE à LYON
8
1985. Création le 12 novembre
Version française de Moshe Leiser & Patrice Caurier
Direction musicale. Jacek Kasprzyk / Mark Foster
Mise en scène. Moshe Leiser & Patrice Caurier
Décor. Jacques Rapp
Costumes. Jacques Rapp & Christian Rätz
Eclairages. Philippe Arlaud & Frank Evin
Avec Henri Ledroit (Obéron), Liliane Mazeron (Titania),
Evelyne Didi (Puck), Michel Hubert (Thésée),
Anne Salvan (Hippolyta), Christian Jean (Lysandre),
François Le Roux (Démétrius), Bernadette Antoine
(Hermia), Danielle Borst (Héléna), Pierre-Yves Le
Maigat (Bottom), René Schirrer (Quince), Ivan Matiakh
(Flute), Xavier Tamalet (Snug), Antoine David (Snout),
Michel Denonfoux (Starveling)
1994
Direction musicale. Steuart Bedford
Mise en scène. Robert Carsen
Décor & costumes. Michael Levine
Eclairages. Davy Cunningham
Avec James Bowman (Obéron), Lilian Watson (Titania),
Emil Wolk (Puck), Graeme Broadbent (Thésée), Yvonne Lea
(Hippolyta), John Graham-Hall (Lysandre), Gerald Finley
(Démétrius), Eirian James (Hermia), Juliet Booth
(Héléna), Roderick Kennedy (Bottom), Andrew Shore
(Quince), Christopher Gillett (Flute), John Hall (Snug),
Terry Jenkins (Snout), James Meek (Starveling)
1995
Reprise de la production précédente, en français,
dans la version de Moshe Leiser & Patrice Caurier
Direction musicale. Steuart Bedford / Laurent Pillot
Avec Brian Asawa (Obéron), Veronica Cangemi (Titania),
Emil Wolk (Puck), Christophe Lacassagne (Thésée),
Pomone Epoméo (Hippolyta), Benoît Boutet (Lysandre),
Ludovic Tézier (Démétrius), Doris Lamprecht (Hermia),
Audrey Michael (Héléna), Laurent Naouri (Bottom),
Jean-Marie Frémeau (Quince), Jean Delescluse (Flute),
Frédéric Caton (Snug), Jean-Paul Fouchécourt (Snout),
Gérard Theruel (Starveling)
1998
Reprise de la production précédente, en français,
dans la version de Moshe Leiser & Patrice Caurier
Direction musicale. Steuart Bedford
Avec Gérard Lesne (Obéron), Natalie Dessay (Titania),
Emil Wolk (Puck), Jérôme Varnier (Thésée),
Pomone Epoméo (Hippolyta), Etienne Lescroart
(Lysandre), Laurent Alvaro (Démétrius),
Marie-Belle Sandis (Hermia), Maryline Fallot (Héléna),
Laurent Naouri (Bottom), Jean-Marie Frémeau (Quince),
Jean Delescluse (Flute), Frédéric Caton (Snug),
Marc Duguay (Snout), Gérard Theruel (Starveling)
ACTE I
Dans une forêt, près d’Athènes, au crépuscule.
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PUCK, serviteur d’OBÉRON, le roi des fées, et les esprits
accompagnant la reine des fées, TITANIA, assistent à la rencontre orageuse de leurs deux souverains : TITANIA refuse de
céder un jeune garçon de sa suite à OBÉRON, qui voudrait en
faire son page. Pour se venger de la reine, OBÉRON charge PUCK
de lui rapporter une fleur dont le jus versé sur des paupières
endormies rend amoureux du premier être aperçu au réveil :
TITANIA sera condamnée à aimer quelque monstre.
LYSANDRE et HERMIA s’aiment. Il se réfugient dans la forêt,
fuyant Athènes, sa loi et DÉMÉTRIUS qu’on veut imposer à
Hermia comme époux. DÉMÉTRIUS les poursuit, poursuivi luimême par HÉLÉNA qui l’a informé de la fuite des amants – elle
l’aime mais il la repousse violemment. Sans être vu, OBÉRON a
vu ces quatre jeunes gens ; il demande à PUCK de verser du jus
de la fleur magique dans les yeux de DÉMÉTRIUS pour qu’il se
mette à aimer HÉLÉNA. Lui se charge de TITANIA.
Six comédiens amateurs, artisans, espèrent jouer une
pièce devant la cour, à l’occasion des noces du duc d’Athènes,
Thésée, avec Hippolyta. PIERRE QUINCE distribue les rôles que
l’enthousiaste BOTTOM voudrait tous incarner. Puis on se donne
rendez-vous plus tard dans la soirée, au chêne ducal, pour la
première répétition.
Fatigués par leur course, égarés dans la forêt, LYSANDRE et
HERMIA font halte et s’endorment. P UCK arrive, prend
l’Athénien LYSANDRE pour l’Athénien D ÉMÉTRIUS et verse le
suc de la fleur dans les yeux du jeune homme endormi.
DÉMÉTRIUS a réussi à semer HÉLÉNA. Elle arrive, voit LYSANDRE
endormi, l’éveille ; il en tombe amoureux au premier regard
et déclare sa flamme. Croyant à une mauvaise farce, HÉLÉNA
s’enfuit, poursuivie par LYSANDRE qui laisse HERMIA seule au
milieu de la forêt.
Les esprits de la cour de la reine des fées endorment TITANIA
de leurs chants. OBÉRON verse le jus magique dans ses yeux.
ACTE II
Les artisans répètent et cherchent des solutions à
quelques problèmes théâtraux : comment faire entrer la lune
et un mur dans la salle du palais, comment faire pour que les
dames n’aient pas peur du lion... Pendant qu’il prépare son
entrée, BOTTOM est métamorphosé en monstre à tête d’âne par
PUCK, à la grande frayeur de ses camarades. Abandonné par
eux, il chante pour se donner du cœur, et ainsi réveille TITANIA
qui tombe passionnément amoureuse de lui. Comblé de grâces
par la reine et par ses fées, il s’endort.
HERMIA a été rejointe par DÉMÉTRIUS, qu’elle accuse d’avoir
fait disparaître Lysandre avant de s’enfuir. OBÉRON comprend
qu’il y a eu erreur sur la personne et demande à PUCK de
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réparer. DÉMÉTRIUS s’endort et PUCK verse le jus magique sur
ses paupières. A son réveil, c’est sur HÉLÉNA, qui vient d’arriver, suivie par LYSANDRE et HERMIA, que s’ouvrent ses yeux.
Désormais, HÉLÉNA est l’objet de l’amour des deux hommes,
HERMIA est complètement délaissée. Les deux femmes se disputent, les deux hommes s’éloignent pour se battre. Tout le
monde se disperse.
PUCK, imitant la voix tantôt de Lysandre, tantôt de DÉMÉégare si bien les deux rivaux qu’ils s’écroulent tous
deux de fatigue, rejoints par les deux femmes, épuisées elles
aussi. Alors que les quatre Athéniens sont profondément
endormis côte à côte, PUCK arrose LYSANDRE d’un suc magique,
pour qu’il revienne à HERMIA, son premier amour... LES FÉES
bercent le sommeil des quatre amants, leur promettant le
retour de l’harmonie parfaite.
TRIUS ,
12
ACTE III
La forêt, à l’aube.
OBÉRON a profité des égarements de TITANIA pour se faire
remettre le petit garçon. Il peut donc délivrer TITANIA du
charme. Il montre à sa reine, horrifiée, le monstre avec qui
elle a passé la nuit. PUCK enlève à BOTTOM la tête d’âne. Les
Athéniens s’éveillent, deux plus deux...
Avec sa forme humaine, BOTTOM retrouve ses compagnons,
juste à temps pour pouvoir aller jouer devant la cour ducale.
Au palais de Thésée.
LE DUC a agréé l’union solennelle de LYSANDRE avec
HERMIA et de DÉMÉTRIUS avec HÉLÉNA.
Pour tromper la longue attente de la nuit nuptiale, les trois
couples assistent à un divertissement. Pyrame et Thisbé, la
pièce que jouent BOTTOM et ses compagnons est diversement
accueillie, avec des commentaires railleurs. Les artisans
jouent avec cœur et terminent par une danse... Minuit sonne,
les couples se retirent.
LES ESPRITS, OBÉRON et TITANIA, avec chants et danse,
viennent donner leur féerique bénédiction au palais et à ses
habitants.
PUCK salue le public.
Deux mondes se partagent la scène du Songe : le monde
des esprits, le monde des mortels. La plus grande partie de
l’opéra se déroule le soir et la nuit, dans une forêt, royaume
des esprits et de leur couple de souverains, le roi OBÉRON,
la reine TITANIA. Mais, cette forêt est très fréquentée par
les humains.
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Il y a le groupe des artisans : BOTTOM le tisserand –
QUINCE le charpentier – FLUTE le raccomodeur de
soufflets – SNUG le menuisier – SNOUT le chaudronnier et
STARVELING le tailleur. Comédiens amateurs, ils préparent
une pièce pour les festivités de mariage du duc d’Athènes.
Leur enthousiasme, leur naïveté, leur diction approximative
peuvent faire sourire et même rire. Mais les artisans donnent
également une magnifique leçon de théâtre anti-naturaliste en
inventant sous nos yeux des moyens très simples de représenter sur la scène un mur en ruines ou la lune. Le mur crevassé ? Un peu de plâtre sur un comédien qui tiendra les doigts
écartés pour figurer les fissures suffira à figurer un mur mieux
qu’un lourd décor. Dans cette petite troupe, c’est BOTTOM qui
joue les premiers rôles : hâbleur, enthousiaste, un peu vantard, il est changé en un monstre mi-homme mi-âne (l’âne
étant aussi symbole de la puissance sexuelle, lire le texte de
Jan Kott page 185), qu’aimera TITANIA.
Dans cette brève nuit au domaine des fées, BOTTOM sera
servi par quatre des suivantes de la reine : TOILE D’ARAIGNÉE, FLEUR DES POIS, GRAINE DE MOUTARDE
et PHALÈNE, petits esprits aux voix enfantines. Toutes les
voix des habitants du pays des fées sont des voix très aiguës :
OBÉRON est une haute-contre, TITANIA un soprano colorature, LE
CHŒUR DES FÉES est formé de voix d’enfants. PUCK, serviteur
d’OBÉRON, est un rôle parlé, comme pour marquer son statut à
part. Esprit malin ou bienveillant – c’est selon – il est mobile et
rapide, fait le tour du monde en quarante minutes. Marqué du
signe de l’air, il est le messager et celui qui tisse les communications. C’est lui qui, à la toute fin de l’opéra, se charge de
l’adresse au public avec énormément d’esprit. OBÉRON et
TITANIA, roi et reine des fées sont, dans ce songe, en pleine dispute au sujet d’un petit garçon que l’une ne veut pas céder à
l’autre... Leur dispute contrepointe celle des couples
d’Athéniens, leur retrouvailles répondent à l’union parfaite, à la
fin de l’opéra, de THÉSÉE, duc d’Athènes et d’HIPPOLYTA,
reine des Amazones, et des deux jeunes couples athéniens.
Ce couple ducal, est en effet accompagné dans ses noces
par ceux de LYSANDRE et HERMIA, et de DÉMÉTRIUS
et HÉLÉNA. Mais avant cette harmonie nouvelle, tout l’opéra a été le récit d’une crise entre ces quatre amants. La dispute d’OBÉRON et de TITANIA a sur la nature et le cycle des saisons des conséquences dévastatrices. Mais leur querelle
influe peut-être aussi sur l’imbroglio amoureux que vont traverser les quatre jeunes Athéniens. HÉLÉNA aime DÉMÉTRIUS
qui aime HERMIA qui aime LYSANDRE et est aimée de lui. Puis
LYSANDRE et DÉMÉTRIUS vont aimer HÉLÉNA. HERMIA sera délaissée. C’est l’erreur de PUCK qui administre, non à DÉMÉTRIUS,
mais à LYSANDRE, amant sincère et comblé, le jus magique de
la fleur qui rend amoureux, qui va mettre le feu aux poudres
et donner libre cours à la violence des désirs et des haines.
Mais le jus magique n’est peut-être qu’un révélateur.
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Jan Kott souligne, dans Shakespeare, notre contemporain,
que « les amoureux sont interchangeables. [...] Toute l’action
de cette chaude nuit, tout ce qui se passe pendant cette party
d’ivresse consiste dans la latitude complète d’interchanger les
partenaires. PUCK arpente le bois pendant la nuit entière et
croise des couples où les partenaires s’échangent dans un
étrange chassé-croisé. [...] Le retournement mécanique des
désirs et cette permutation des amants n’est pas seulement la
donnée de l’intrigue. La réduction du personnage au seul partenaire amoureux semble le caractère le plus typique de ce
rêve cruel. Et sans doute le plus moderne. » Ce qui est vrai du
Songe de Shakespeare l’est aussi de celui de Britten.
BENJAMIN BRITTEN
LE SONGE
D’UNE NUIT D’ÉTÉ
A MIDSUMMER NIGHT’S DREAM
ACT I
18
The wood. Deepening twilight.
Enter fairies, first group with Cobweb and Mustardseed.
FAIRIES (first group), COBWEB AND MUSTARDSEED
Over hill, over dale, thorough bush, through briar,
Over park, over pale, thorough flood, thorough fire,
We do wander everywhere.
Second group of fairies enters with Peaseblossom andMoth.
FAIRIES (second group), PEASEBLOSSOM AND MOTH
Over hill, over dale, thorough bush, through briar,
Over park, over pale, thorough flood, thorough fire,
We do wander everywhere.
FAIRIES (first group)
Swifter than the Moone’s sphere;
ACTE I
La forêt. Un profond crépuscule.
Entrent les Fées, le premier groupe avec Toile d’araignée
et Graine de moutarde.
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LES FÉES (premier groupe)
TOILE D’ARAIGNÉE & GRAINE DE MOUTARDE
Par monts, par vaux, par buissons, par bruyères,
Dans les parcs, les clairières, à travers feu, à travers flots,
Nous voyageons partout.
Un deuxième groupe de Fées entre avec Fleur des pois
et Phalène.
LES FÉES (deuxième groupe)
FLEUR DES POIS & PHALÈNE
Par monts, par vaux, par buissons, par bruyères,
Dans les parcs, les clairières, à travers feu, à travers flots,
Nous voyageons partout
LES FÉES (premier groupe)
Plus rapide que la lune dans sa sphère ;
BENJAMIN BRITTEN
ALL
And we serve the Fairy Queen,
To dew her orbs upon the green.
FOUR SOLO FAIRIES
Cowslips tall, her pensioners be
In their gold coats, spots you see,
Those be rubies, fairy favours,
In those freckles live their savours.
ALL FAIRIES
We must go seek some dewdrops here,
And hang a pearl in every cowslip’s
Ear
Puck appears suddenly.
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PUCK (calling)
How now
Spirits?
FAIRIES (scatter to the side)
Or I mistake your shape and making quite,
Or are you not that shrewd and knavish sprite
Call’d Robin Goodfellow?
Are not you he
That frights the maidens of the villagery,
Skim milk, and sometimes labour in the quern
And bootless make the breathless huswife churn,
And sometime make the drink to bear no barm,
Mislead night-wanderers, laughing at their harm?
You do the work and they shall have good luck,
Those that Hobgoblin call you, and sweet Puck!
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
TOUS
Et nous servons la reine des fées ;
Mouillant de rosée ses cercles sur le gazon.
QUATRE FÉES
Les grandes primevères sont ses gardes du corps
Sur leurs habits d’or, vous voyez des taches,
Ce sont des rubis, bijoux des fées,
Leurs saveurs sont dans ces taches de rousseurs.
TOUTES LES FÉES
Nous devons maintenant chercher des gouttes de rosée
Et suspendre une perle à l’oreille de chaque
Primevère.
Puck apparaît soudain.
PUCK (appelant)
Eh bien
Esprits ?
LES FÉES (s’écartant)
Ou je me trompe sur votre forme et vos façons,
Ou n’êtes-vous pas cet esprit espiègle et malicieux
Appelé Robin Bonenfant ?
N’êtes-vous pas celui qui
Effraye les jeunes villageoises,
Ecrème le lait et parfois dérègle le moulin
Et fait que la ménagère s’essouffle en vain à battre le beurre,
Et empêche la bière de mousser,
Qui égare les voyageurs la nuit, rien de leur détresse ?
Mais pour ceux qui vous appellent Robin le Lutin,
Et gentil Puck !
Vous faites le travail et ils ont bien de la chance.
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BENJAMIN BRITTEN
PUCK
But, room, fairies, here comes Oberon.
FAIRIES
And here our mistress;
COBWEB
Would that he were gone.
Enter slowly Oberon and Tytania with her train,
from opposite sides.
FAIRIES
Oberon is passing fell and wrath,
Because that she, as her attendant hath
A lovely boy, stolen from an Indian King,
And jealous Oberon would have the child.
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OBERON
Ill met by moonlight,
Proud Tytania
TYTANIA
Ill met by moonlight,
Jealous Oberon!
Fairies, skip hence, skip hence:
I have forsworn his bed and company.
All the fairies hide.
OBERON
Therefore the winds, the winds have suck’d up from the sea
Contagious fogs.
TYTANIA
Therefore the ox hath stretched his yoke in vain,
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
PUCK
Mais place, les fées, voici venir Obéron.
LES FÉES
Et voici notre maîtresse.
TOILE D’ARAIGNÉE
Que n’est-il parti.
Entrent lentement Obéron et Titania avec sa suite,
chacun d’un côté.
LES FÉES
Obéron est dans une épouvantable rage
Parce qu’elle a comme suivant
Un charmant garçon, volé à un roi de l’Inde,
Et le jaloux Obéron voudrait avoir l’enfant.
23
OBÉRON
Mauvaise rencontre au clair de lune,
Fière Titania
TITANIA
Mauvaise rencontre au clair de lune,
Jaloux Obéron !
Les Fées, partons d’ici, partons d’ici :
J’ai abjuré son lit et sa compagnie.
Toutes les Fées se cachent.
OBÉRON
C’est pourquoi les vents, les vents ont aspiré de la mer
Des brouillards contagieux.
TITANIA
C’est pourquoi le bœuf a traîné son joug en vain,
BENJAMIN BRITTEN
OBERON
The fold stands empty in the drowned fields,
TYTANIA
The crows are fatted with the murrion flock.
TYTANIA AND OBERON
The seasons alter:
OBERON
The spring,
TYTANIA
The summer,
24
OBERON
The childing autumn, change
Their wonted liv’ries
TYTANIA
The angry winter, change
Their wonted liv’ries,
OBERON
And the mazed world,
TYTANIA
The mazed world,
TYTANIA AND OBERON
By their increase, now knows not which is which;
And this same progeny of evils comes
From our debate, from our dissension.
We are their parents and original, we are.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
OBÉRON
La bergerie reste vide dans les champs noyés,
TITANIA
Les corbeaux s’engraissent du troupeau mort.
TITANIA & OBÉRON
Les saisons se défigurent :
OBÉRON
Le printemps,
TITANIA
L’été,
OBÉRON
L’automne fécond, changent
Leurs livrées coutumières
TITANIA
L’hiver furieux, changent
Leurs livrées coutumières
OBÉRON
Et le monde stupéfait,
TITANIA
Le monde stupéfait,
TITANIA & OBÉRON
De leurs mutations ne sait plus qui est qui ;
Et cette engeance de malheur vient
De notre querelle, de notre discorde.
Nous en sommes les parents, et les modèles.
25
BENJAMIN BRITTEN
OBERON
Do you amend it then, it lies in you:
I do but beg a little changeling boy
To be my henchman.
TYTANIA
Set your heart at rest,
The Fairy land buys not the child of me.
His mother was a votress of my Order,
But she being mortal, of that boy did die,
And for her sake I will not
Part with him.
26
OBERON
Give me that boy
And I will
Go with thee,
Give me that boy and I will go with thee,
I will go with thee,
Go!
TYTANIA
And for her sake I will not part with him.
Not for thy Fairy kingdom,
Fairy kingdom.
Fairies, away, away, away!
Exit Tytania and Fairies.
OBERON
Well, go thy way: thou shalt not from this grove
Till I torment thee for this injury.
My gentle Puck come hither, come hither;
(Puck approaches Oberon.)
Thou rememb’rest
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
OBÉRON
A toi d’y remédier alors, c’est en toi :
Je ne demande qu’un petit garçon volé
Pour qu’il soit mon page.
TITANIA
Calme ton cœur,
Tout l’empire des Fées ne pourrait m’acheter cet enfant.
Sa mère était une adoratrice de mon Ordre,
Mais elle était mortelle et de ce garçon elle mourut,
Et pour l’amour d’elle, je ne me
Séparerai pas de lui.
OBÉRON
Donne moi ce garçon
Et j’irai
Avec toi,
Donne-moi ce garçon et j’irai avec toi,
J’irai avec toi,
Allez !
TITANIA
Et pour l’amour d’elle je ne me séparerai pas de lui.
Par pour tout ton royaume enchanté,
Ton royaume enchanté.
Fées, partons, partons, partons !
Sortent Titania et les Fées.
OBÉRON
Bien, va ton chemin : tu ne sortiras pas de ce bois
Avant que je t’aie tourmenté pour cette blessure.
Mon gentil Puck, viens ici, viens ici.
(Puck s’approche d’Obéron.)
Tu te souviens
27
BENJAMIN BRITTEN
The herb I shew’d thee once,
The juice of it, on sleeping eye-lids laid
Will make or man or woman madly dote
Upon the next live creature that it sees,
– Be it on Lion, Bear, or Wolf, or Bull,
On meddling Monkey or busy Ape.
Fetch me this herb, and be thou here again,
Ere the leviathan can swim a league.
PUCK
I’ll put a girdle round about the earth,
In forty minutes.
(He flies off.)
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OBERON
Having once this juice,
I’ll watch Tytania, when she is asleep,
And drop the liquor of it in her eyes:
And ere I take this charm from off her sight
I’ll make her render up her page to me.
Oberon disappears and the wood is left empty
.
Enter Lysander and Hermia separately and meeting.
LYSANDER
How now, my love?
Why is your cheek so pale?
How chance the roses there do fade so fast?
HERMIA
Belike for want of rain, which I could well
Beteem them from the tempest of my eyes.
LYSANDER
Ay me: ay me: for aught that I could ever read,
Could ever hear by tale or history,
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
De cette plante que je t’ai montrée un jour,
Son jus, versé sur des paupières endormies
Rendra homme ou femme follement épris
De la première créature vivante qu’il verra,
– Lion, ours, loup ou taureau,
Singe curieux ou gorille affairé.
Va me chercher cette plante et reviens ici
Avant que le Léviathan ait pu nager une lieue.
PUCK
Je nouerai une ceinture autour de la terre
En quarante minutes.
(Il s’envole.)
OBÉRON
Une fois que j’aurai ce jus,
Je guetterai le moment où Titania dormira
Et je verserai la liqueur dans ses yeux :
Et avant de délivrer sa vue de ce charme
Je lui ferai me céder son page.
Obéron disparaît et la forêt est vide.
Entrent séparément Lysandreet Hermia qui se retrouvent.
LYSANDRE
Eh bien, mon amour ?
Pourquoi tes joues sont-elles si pâles ?
Pourquoi leurs roses se fanent-elles si vite ?
HERMIA
Peut-être par manque d’une pluie que je pourrais bien
Faire tomber par la tempête de mes yeux.
LYSANDRE
Hélas, hélas : d’après tout ce que j’ai pu lire,
Ou entendre dans les contes ou dans l’histoire,
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BENJAMIN BRITTEN
The course of true love never did run smooth,
But either it was different in blood,
O cross!
HERMIA
O cross!
Too high to be enthrall’d to
Low.
LYSANDER
Or else
Misgraffed in respect of years:
O spite!
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HERMIA
O spite!
Too old to be engag’d
To young.
LYSANDER
Or else
It stood upon the choice of friends.
O hell!
HERMIA
O hell!
To choose love by
Another’s eyes.
If then true lovers ever have been cross’d,
LYSANDER
If then true lovers have been cross’d,
True lovers have been ever cross’d,
HERMIA AND LYSANDER
It stands as an edict in destiny, in destiny:
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
L’amour vrai n’a jamais suivi un cours facile,
Parfois c’était la différence de sang,
Oh malheur !
HERMIA
Oh malheur !
Trop élevé pour s’asservir à ce qui est
Bas.
LYSANDRE
Ou alors
Mal assorti à cause de la différence d’âge :
Oh dépit !
HERMIA
Oh dépit !
Trop vieux pour se lier à qui
Est jeune.
LYSANDRE
Ou alors
Cela reposait sur le choix des amis.
Oh enfer !
HERMIA
Oh enfer !
Choisir son amour par
Les yeux d’autrui.
Si donc les vrais amants ont toujours été contrariés,
LYSANDRE
Si donc les vrais amants ont été contrariés,
Les vrais amants ont toujours été contrariés,
HERMIA & LYSANDRE
C’est que c’est un décret du destin, du destin :
31
BENJAMIN BRITTEN
HERMIA
Then let us teach our trial patience.
LYSANDER
A good persuasion: therefore hear me Hermia:
I have a widow aunt, a dowager
Of great revennew, and she hath no child,
From Athens is her house remote seven leagues,
And she respects me as her only son:
There, gentle Hermia, may I marry thee,
And to that place, the sharp Athenian Law,
– Compelling thee to marry with Demetrius –
Cannot pursue us.
If thou lov’st me, then
There will I go with thee.
32
HERMIA
My good Lysander, (if thou lov’st me)
I swear to thee, by Cupid’s strongest bow,
LYSANDER
I swear to thee,
By his best arrow with the golden head.
HERMIA
I swear to thee,
By the simplicity of Venus’ doves,
LYSANDER
I swear to thee,
By that which knitteth souls, and prospers loves,
HERMIA AND LYSANDER
I swear to thee,
And by that fire which burn’d...
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
HERMIA
Alors, dans l’épreuve, apprenons la patience.
LYSANDRE
Bonne idée : c’est pourquoi, écoute-moi Hermia :
J’ai une tante, veuve, douairière
Avec gros revenus, et sans enfant,
Sa maison est à sept lieues d’Athènes,
Et elle me considère comme son fils unique :
Là-bas, douce Hermia, je pourrais t’épouser
Et là-bas, la dure loi athénienne
– T’obligeant à épouser Démétrius –
Ne peut nous poursuivre.
Si tu m’aimes, alors
J’irai là-bas avec toi.
HERMIA
Mon bon Lysandre – si tu m’aimes –
Je te jure, par l’arc le plus puissant de Cupidon,
LYSANDRE
Je te jure
Par sa meilleure flèche à la pointe dorée
HERMIA
Je te jure,
Par la candeur des colombes de Vénus,
LYSANDRE
Je te jure,
Par ce qui soude les âmes et enrichit les amours,
HERMIA & LYSANDRE
Je te jure,
Par le feu qui brûla...
33
BENJAMIN BRITTEN
... Burn’d the Carthage Queen,
I swear to thee...
When the false Troyan was seen,
Under sail was seen,
I swear to thee, I swear, I swear, I swear, I swear, I swear to thee,
By all the vows...
HERMIA
... That ever men have broke,
LYSANDER
In number more than ever woman spoke.
I swear, I swear...
They slowly go out.
34
HERMIA
I swear to thee,
LYSANDER
I swear to thee,
HERMIA
I swear to thee,
LYSANDER
I swear to thee,
HERMIA AND LYSANDER
I swear, I swear...
The wood is empty. Oberon appears.
OBERON
Be it on Lion, Bear or Wolf or Bull,
On meddling Monkey or on busy Ape...
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
... Brûla la reine de Carthage,
Je te jure...
Quand on vit le perfide Troyen,
Quand on le vit mettre à la voile,
Je te jure, je jure, je jure, je jure, je jure, je jure, je te jure,
Par tous les serments...
HERMIA
... Brisés par les hommes,
LYSANDRE
Plus nombreux que les femmes n’en firent jamais.
Je jure, je jure...
Ils sortent lentement.
HERMIA
Je te jure.
LYSANDRE
Je te jure.
HERMIA
Je te jure.
LYSANDRE
Je te jure.
HERMIA & LYSANDRE
Je jure, je jure...
La forêt est vide. Obéron apparaît.
OBÉRON
Qu’il soit lion, ours ou loup ou taureau,
Singe curieux ou gorille affairé...
35
BENJAMIN BRITTEN
But who comes here?
I am invisible I will overhear their conference.
Enter Demetrius.
DEMETRIUS
I love thee not, therefore pursue me not,
(Enter Helena pursuing him.)
Where is Lysander, and fair Hermia?
The one I’ll slay, the other slayeth me.
Thou told’st me they were stol’n unto this wood;
And here am I, and wode within this wood,
Because I cannot meet my Hermia.
Hence, get thee gone, and follow me no more.
36
HELENA (panting)
You draw me, you hard-hearted... adamant;
Leave you your... power to draw,
And I shall have no... power to follow you.
DEMETRIUS
Do I entice you? Do I speak you fair?
Or, rather, do I not in plainest truth,
Tell you, I do not, nor I cannot love you?
HELENA
Even for... that do I... love you the... more;
I am your spaniel, and Demetrius,
The more you beat me, I will fawn on you.
Use me but as your spaniel, spurn me, strike me,
Neglect me, lose me; only give me leave
(Unworthy as I am) to follow thee.
DEMETRIUS (dark)
Tempt not too much the hatred of my sprite
For I am sick when I do look on thee.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
Mais qui vient ici ?
Je suis invisible, je vais écouter leur conversation.
Entre Démétrius.
DÉMÉTRIUS
Je ne t’aime pas, donc ne me poursuis pas,
(Entre Héléna, le poursuivant.)
Où est Lysandre et la belle Hermia ?
Je vais tuer l’un comme l’autre me tue.
Tu m’as dit qu’ils s’étaient enfuis dans ce bois ;
Et me voici aux abois dans ce bois,
Parce que je n’y puis trouver mon Hermia.
Va-t-en de là, et ne me suis plus.
HÉLÉNA (hors d’haleine)
Vous m’attirez, aimant... au cœur dur... ;
Laissez votre force d’attraction,
Et je n’aurai plus la force de vous suivre.
DÉMÉTRIUS
Est-ce que je vous encourage, vous disant de douces paroles ?
Ou plutôt, n’est pas en pleine franchise que
Je vous dis que je ne vous aime pas ni ne peux vous aimer.
HÉLÉNA
Voilà même pourquoi... je vous aime... davantage ;
Je suis votre épagneul, Démétrius,
Plus vous me battez, plus je rampe à vos pieds,
Traitez-moi comme votre épagneul, repoussez-moi, battez-moi,
Méprisez-moi, perdez-moi ; permettez-moi seulement
– Même si j’en suis indigne – de vous suivre.
DÉMÉTRIUS (sombre)
Ne tente pas trop la haine de mon esprit
Car je suis malade quand je te vois.
37
BENJAMIN BRITTEN
HELENA
And I am sick when I look not on thee.
DEMETRIUS
I’ll run from thee and hide me in the brakes,
And leave thee to the mercy of wild beasts.
(He goes out.)
HELENA
I’ll follow you...
OBERON
Fare thee well, Nymph,
HELENA
And make a...
38
OBERON
Fare thee well,
HELENA
Heav’n of
Hell...
OBERON
Ere
He do leave this grove,
HELENA (running out)
To die upon the hand I love so well.
OBERON
Thou shalt fly him and he shall seek thy love.
(Puck flies in.)
Welcome wanderer!
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
HÉLÉNA
Moi je suis malade quand je ne te vois pas.
DÉMÉTRIUS
Je vais filer d’ici et me cacher dans les fougères,
Et te laisser à la merci des bêtes sauvages.
(Il sort.)
HÉLÉNA
Je vais te suivre...
OBÉRON
Porte-toi bien, nymphe,
HÉLÉNA
Et faire un...
OBÉRON
Porte-toi bien,
HÉLÉNA
Ciel de mon
Enfer...
OBÉRON
Avant
Qu’il ait quitté ce bois,
HÉLÉNA (sort en courant)
En mourant de cette main qui m’est si chère.
OBÉRON
Tu le fuiras et lui recherchera ton amour.
(Puck arrive des airs.)
Bienvenue voyageur !
39
BENJAMIN BRITTEN
Hast thou the flower there?
(Puck gives Oberon the flower and lies at his feet.)
I know a bank where the wild thyme blows,
Where Oxlips and the nodding, nodding Violet grows,
Quite over-canopied with luscious Woodbine,
With sweet musk-roses, and with Eglantine;
There sleeps Tytania, sometime of the night,
Lull’d in these flowers with dances, dances and delight;
And there the snake throws her enammel’d skin,
Weed wide enough, weed wide enough to wrap a Fairy in.
And with the juice of this I’ll streak her eyes,
And make her full of hateful, hateful fantasies, of fantasies.
Take thou some of it, and seek, through this grove;
A sweet Athenian lady is in love
With a disdainful youth: anoint his eyes,
But do it when the next thing he espies
May be the Lady.
Thou shalt know the man,
(They disappear.)
By the Athenian garments he hath on.
40
The Wood is left empty.
The six rustics entercautiously.
QUINCE
Is all our company here?
ALL
Ay, ay, ay, ay.
BOTTOM
You were best to call them generally, man by man, according to the scrip.
FLUTE
First, good Peter Quince, say what the play treats on.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
As-tu la fleur ?
(Puck donne la fleur à Obéron et s’allonge à ses pieds.)
Je connais une rive où fleurit le thym sauvage,
Où poussent les primevères et la violette rêveuse, rêveuse,
Couverte d’un baldaquin de chèvrefeuille luxuriant,
De douces roses musquées et d’églantine ;
C’est là que parfois Titania dort la nuit,
Bercée dans ces fleurs par les danses, les danses et les délices ;
C’est là que le serpent abandonne sa peau d’émail,
Robe assez large, assez grande, pour draper une fée.
Avec le jus de cette fleur je vais teindre ses yeux
Et l’engrosser d’odieuses, d’odieuses fantaisies, de fantaisies.
Prends-en un peu et cherche dans ce bois ;
Une douce Athénienne est amoureuse
D’un jeune dédaigneux : frottes-en ses yeux
Mais fais-le pour que le premier objet qu’il verra
Soit cette dame.
Tu reconnaîtras l’homme
(Ils disparaissent.)
Aux habits d’Athénien qu’il porte.
La forêt est vide.
Les six artisans entrent avec prudence.
QUINCE
Nous sommes tous là ?
TOUS
Oui, oui, oui, oui.
BOTTOM
Vous feriez mieux les appeler ensemble, un par un, suivant
le papier
FLUTE
D’abord, bon Pierre Quince, dites le sujet de la pièce.
41
BENJAMIN BRITTEN
QUINCE
Marry, our play is the most lamentable comedy, and most
cruel death of Pyramus and Thisby.
FLUTE, SNOUT, STARVELING, SNUG
Of Pyramus and Thisby.
BOTTOM
A very good piece of work I assure you, and a merry.
Now, good Peter Quince,
Call forth your actors by the scroll.
Masters, spread yourselves.
QUINCE
Answer as I call you.
Nick Bottom, the weaver.
42
BOTTOM
Ready; name what part I am for, and proceed.
QUINCE
You, Nick Bottom, are set down for Pyramus.
BOTTOM
What is Pyramus, a lover, or a tyrant?
QUINCE
A lover that kills himself most gallant for love.
BOTTOM
My chief humour is for a tyrant.
I could play Ercles rarely,
Or a part to tear a cat in, to make all split the raging rocks;
And shiv’ring shocks shall break the locks of prison gates,
And Phibbus’ car shall shine from far, and make and mar,
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
QUINCE
Eh bien, notre pièce est la très lamentable comédie et très
cruelle mort de Pyrame et Thisbé.
FLUTE, SNOUT, STARVELING, SNUG
De Pyrame et Thisbé.
BOTTOM
Un très bonne pièce je vous assure, et drôle.
Maintenant, bon Pierre Quince,
Appelez vos acteurs selon la liste.
Messieurs, installez-vous.
QUINCE
Répondez quand je vous appelle.
Nick Bottom, tisserand.
BOTTOM
Présent ; dites le rôle que je dois jouer et poursuivez.
QUINCE
Vous, Nick Bottom, vous êtes distribué dans Pyrame.
BOTTOM
C’est quoi Pyrame, un amoureux ou un tyran ?
QUINCE
Un amoureux qui se tue très galamment par amour.
BOTTOM
Ma spécialité, c’est le tyran.
Je jouerais un Hercu étonnant,
Un rôle à crever un chat, à tout casser ; les furieux rocs
De leurs frissonnants chocs briseront d’un seul bloc les
prisons humides
Et les brillants rayons du char d’Apollon feront et déferont
43
BENJAMIN BRITTEN
And make and mar, and Phibbus’s car shall shine from far
And make and mar the Foolish fates.
This was lofty.
Now name the rest of the players.
QUINCE
Francis Flute.
BOTTOM
This is Ercle’s vein, Ercle’s vein, a tyrant’s vein, a tyrant’s
vein:
QUINCE
Francis Flute...
BOTTOM
A lover is more condoling.
44
QUINCE
... Bellows-mender.
FLUTE
Here Peter Quince.
QUINCE
Flute, you must take Thisby on you.
FLUTE
What is Thisby? a wandering knight?
QUINCE
It is the lady that Pyramus must love.
FLUTE
Nay faith, nay faith, let not me play a woman,
Let not me play a woman, I have a beard coming.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
Feront et déferont, et les brillants rayons du char d’Apollon
Feront et déferont les destinées stupides.
C’était sublime.
Maintenant appelez les autres acteurs.
QUINCE
Francis Flute.
BOTTOM
Ça c’est le ton d’Hercu, le ton d’Hercu, le ton d’un tyran,
d’un tyran :
QUINCE
Francis Flute...
BOTTOM
Un amant, c’est plus plaintif.
45
QUINCE
... Raccommodeur de soufflets.
FLUTE
Présent Pierre Quince.
QUINCE
Flute, vous devez jouer Thisbé.
FLUTE
Qu’est-ce que Thisbé ? un chevalier errant ?
QUINCE
C’est la dame qu’aime Pyrame.
FLUTE
Non vraiment, vraiment, ne me faites pas jouer une femme,
Ne me faites pas jouer une femme, j’ai la barbe qui me vient.
BENJAMIN BRITTEN
QUINCE
That’s all one, you shall play it in a mask,
And you may speak as small as you will.
BOTTOM
And I may hide my face, let me play Thisby too:
I’ll speak in a monstrous little voice;
“Thisne, Thisne:”
“Ah, Pyramus my lover dear, thy Thisby dear, and lady dear!”
QUINCE
No, no, you must play Pyramus, and, Flute, you Thisby.
BOTTOM
Well, proceed.
46
FLUTE (practising to himself)
“Ah Pyramus, my
Lover dear, thy Thisby...
QUINCE
Robin Starveling the tailor.
FLUTE
... Dear, and...”
STARVELING
Here, Peter Quince.
FLUTE
“Ah Pyramus my lover dear, thy Thisby dear, and...”
QUINCE
Robin Starveling, you must play Thisby’s mother.
Tom Snout, the Tinker.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
QUINCE
Si ce n’est que ça, vous jouerez avec un masque,
Et vous pourrez prendre une voix aussi petite que vous voudrez.
BOTTOM
Si je peux cacher ma figure, laissez-moi aussi jouer Thisbé :
Je parlerai avec une voix monstrueusement petite ;
« Thisné, Thisné : »
« Ah, Pyrame, mon amant chéri, je suis ta Thisbé chérie,
ta dame chérie ! »
QUINCE
Non, non, vous devez jouer Pyrame et Flute, vous, Thisbé.
BOTTOM
Bien, continuez.
FLUTE (à part, s’exerçant)
« Ah Pyrame, mon
Amant chéri, ta Thisbée...
QUINCE
Robin Starveling, tailleur.
FLUTE
... Chérie, et... »
STARVELING
Présent, Pierre Quince.
FLUTE
« Ah Pyrame, mon amant chéri, ta Thisbé chérie, et... »
QUINCE
Robin Starveling, vous devez jouer la mère de Thisbé.
Tom Snout, chaudronnier.
47
BENJAMIN BRITTEN
SNOUT
Here, Peter Quince.
FLUTE
“Ah Pyramus my lover dear, thy Thisby dear...”
QUINCE
You, Pyramus’ father; myself, Thisby’s father;
Snug, the joiner;
FLUTE
“... Thy Thisby
Dear...
QUINCE
You...
48
FLUTE
... and Lady...”
QUINCE
... The Lion’s part:
And, I hope, here is a play fitted.
SNUG
Have you the Lion’s part written? pray you if be,
Give it me, for I am slow of study, study
QUINCE
You may do it extempore, for it is nothing but roaring.
BOTTOM
Let me play the Lion too,
I will roar, that I will do any man’s heart good to hear me.
I will roar that I will make the Duke say
Let him roar again, let him roar again.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
SNOUT
Présent, Peter Quince.
FLUTE
« Ah Pyrame, mon amant chéri, ta Thisbé chérie... »
QUINCE
Vous le père de Pyrame, moi-même le père de Thisbé.
Snug, menuisier
FLUTE
« ... Ta Thisbé
Chérie...
QUINCE
Vous...
FLUTE
... ta dame... »
QUINCE
... Jouez le rôle du lion :
Et voilà, j’espère, une pièce bien distribuée.
SNUG
Avez-vous le rôle du lion par écrit ? si oui, je vous prie
De me le donner, car je suis lent à apprendre, à apprendre.
QUINCE
Vous pourrez l’improviser, il n’y a que des rugissements.
BOTTOM
Laissez-moi jouer aussi le lion,
Je rugirai si bien que ce sera un délice de m’entendre.
Je rugirai si bien que le duc dira
Qu’il rugisse encore, qu’il rugisse encore.
49
BENJAMIN BRITTEN
FLUTE
An you should do it too terribly,
You would fright the Duchess and the ladies,
That they would shriek, they would shriek
And that were enough to hang us all.
QUINCE, STARVELING, SNOUT, SNUG
That would hang us, that would hang us
Ev’ry mother’s
Son.
FLUTE
Ev’ry mother’s son!
50
BOTTOM
But I will aggravate my voice so, that I will roar you
As gently as any sucking dove;
I will roar you and t’were any nightingale.
QUINCE
You can play no part but Pyramus, for Pyramus is a sweetfac’d man;
A proper man, a most lovely gentleman-like man,
Therefore you must needs play Pyramus.
BOTTOM
Well I will undertake it.
General satisfaction.
QUINCE
But masters here are your parts,
And I am to entreat you, request you and desire you,
To conthem by tonight;
Here will we rehearse anon.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
FLUTE
Et vous pourriez le faire si terriblement
Que vous feriez peur à la duchesse et aux dames,
Elles crieraient, elles crieraient
Et cela suffirait à nous faire tous pendre.
QUINCE, STARVELING, SNOUT, SNUG
A nous faire pendre, à nous faire pendre
Tous et
Chacun.
FLUTE
Tous et chacun !
BOTTOM
Mais j’adoucirai tant ma voix que je rugirai
Aussi gentiment qu’une colombe qui tète ;
Je rugirai comme si c’était un rossignol.
QUINCE
Vous ne pouvez jouer que le rôle de Pyrame, car Pyrame
est un bel homme,
Un homme convenable, un très aimable gentilhomme.
Donc vous devez absolument jouer Pyrame.
BOTTOM
Bon, je m’en chargerai.
Soulagement général.
QUINCE
Messieurs, voici vos rôles,
Et je vous demande, je vous recommande, je vous supplie,
De les savoir pour ce soir ;
Nous répéterons ici bientôt.
51
BENJAMIN BRITTEN
BOTTOM
We will meet and here we may rehearse
Most obscenely and courageously.
Take pains, be perfect,
Adieu.
FLUTE, SNOUT, STARVELING, SNUG
Adieu
QUINCE
Adieu, at the Duke’s oak we meet.
ALL
Adieu, adieu, adieu, adieu.
They go off. The wood is left empty.
Enter Lysander and Hermia.
52
LYSANDER
Fair love, you faint with wand’ring in the wood,
And to speak troth I have forgot our way.
We’ll rest us, Hermia, if you think it good,
And tarry for the comfort of the day.
HERMIA
Be it so, Lysander, find you out a bed,
For I upon this bank will rest my head.
LYSANDER
One turf shall serve as pillow for us both;
One heart, one bed, two bosoms, and one troth.
HERMIA
Nay good Lysander, for my sake my dear,
Lie further off yet, do not lie so near.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
BOTTOM
Nous nous retrouverons et répéterons ici
Avec obscénation et courage.
Donnez-vous du mal, soyez parfaits,
Adieu.
FLUTE, SNOUT, STARVELING, SNUG
Adieu
QUINCE
Adieu, retrouvons-nous au chêne ducal.
TOUS
Adieu, adieu, adieu, adieu.
Ils sortent. La forêt est vide.
Entrent Lysandre et Hermia.
53
LYSANDRE
Bel amour, tu n’en peux plus d’errer dans ce bois,
Et, ma foi, j’ai oublié notre chemin.
Reposons-nous Hermia, si vous le jugez bon,
Et attendons le réconfort du jour.
HERMIA
Qu’il en soit ainsi, Lysandre, trouve-toi un lit,
Moi, je vais reposer ma tête sur ce banc de gazon.
LYSANDRE
Le gazon nous servira d’oreiller à tous les deux ;
Un seul cœur, un seul lit, deux âmes et une seule foi.
HERMIA
Non bon Lysandre, pour l’amour de moi, chéri,
Couche-toi plus loin, ne t’allonge pas si près.
BENJAMIN BRITTEN
So far be distant, and, good night sweet friend;
Thy love ne’er alter till thy sweet life end.
LYSANDER
Amen, amen
To that fair prayer, say I.
And then end life, when I end loyalty.
Amen, amen, amen, amen
HERMIA
Amen, amen, amen, say I.
And then end life, when I end loyalty.
Amen, amen, amen, amen
They go to sleep. Enter Puck.
54
PUCK
Through the forest have I gone,
But Athenian found I none,
On whose eyes I might approve
This flower’s force in stirring love.
(He hunts about.)
Night and silence, night and silence;
(He discovers Lysander.)
Who is here? Who is here?
Weeds of Athens he doth wear;
This is he (my master said)
Despised the Athenian maid:
(He squeezes the juice on Lysander’seyes.)
Churl, upon thine eyes I throw
All the power this charm doth owe:
So awake when I am gone:
For I must now to Oberon.
(Exit.)
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
Garde tes distance et bonne nuit, doux ami ;
Que ton amour ne s’altère pas de toute ta douce vie.
LYSANDRE
Amen, amen
Je le dis à cette belle prière,
Et que ma vie s’achève quand s’achèvera ma fidélité.
Amen, amen, amen, amen
HERMIA
Amen, amen, amen, je dis
Et que ma vie s’achève quand s’achèvera ma fidélité.
Amen, amen, amen, amen
Ils s’endorment. Puck entre.
PUCK
J’ai parcouru toute la forêt,
Mais je n’ai pas trouvé d’Athénien,
Pour éprouver sur ses yeux
Le pouvoir qu’a cette fleur d’inspirer l’amour.
(Il scrute autour de lui.)
Nuit et silence, nuit et silence.
(Il découvre Lysandre.)
Qui est là ? Qui est là ?
Il porte bien un costume d’Athénien ;
A ce qu’a dit mon maître, c’est lui
Qui méprisait la jeune Athénienne :
(Il exprime le jus sur les yeux de Lysandre.)
Goujat, je répands sur tes yeux
Toute la puissance de ce charme;
Dès mon départ, réveille-toi,
Je dois maintenant rejoindre mon roi.
(Il sort.)
55
BENJAMIN BRITTEN
HERMIA (in her sleep)
Amen, amen to that fair prayer, say I.
HELENA (approaching)
Stay, tho’ thou kill me, sweet Demetrius.
DEMETRIUS (running in)
I charge thee hence, and do not haunt me thus.
HELENA (Demetrius following)
O, wilt thou darkling leave me? do not so.
DEMETRIUS
Stay, on thy peril,
(Running out)
I alone will go.
56
HELENA (following)
O I am out of breath, in this fond chase!
(Sinking exhausted)
The more my... prayer, the... lesser is my... grace.
Happy is Hermia, wheresoe’er she lies;
For she hath blessed and attractive eyes.
Happy is Hermia.
Alas, alas, I am as ugly as a bear;
For beasts that meet me, run away for fear;
(She sees Lysander.)
But who is here?
Lysander on the ground;
Dead or asleep?
I see no blood, no wound,
Lysander, if you live, good sire awake.
LYSANDER (awake)
And run through fire
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
HERMIA (dans son sommeil)
Amen, je dis amen à cette belle prière.
HÉLÉNA (approchant)
Arrête, même pour me tuer, beau Démétrius.
DÉMÉTRIUS (entre ne courant)
Je t’ordonne de décamper, ne me pourchasse plus.
HÉLÉNA (suivant Démétrius)
Oh, tu veux m’abandonner dans le noir ? Ne fais pas ça.
DÉMÉTRIUS
Arrête ou malheur à toi.
(Il sort en courant.)
Je vais partir seul.
HÉLÉNA (le suivant)
Oh, cette course folle me met hors d’haleine !
(Elle s’effondre, épuisée.)
Plus je... supplie, et moins... il me fait... grâce.
Hermia est heureuse, où qu’elle soit ;
Car elle a des yeux bénis et attirants.
Hermia est heureuse.
Hélas, hélas, je suis affreuse comme un ours ;
Et les bêtes qui me croisent s’enfuient de peur.
(Elle voit Lysandre.)
Mais qui est là ?
Lysandre sur le sol ;
Mort ou endormi ?
Je ne vois pas de sang, pas de blessure,
Lysandre, si vous vivez, bon seigneur, réveillez-vous.
LYSANDRE (s’éveillant)
Et je traverserai le feu
57
BENJAMIN BRITTEN
I will for thy sweet sake.
Transparent Helena,
Nature shows her art,
That through thy bosom makes me see thy heart.
Where is Demetrius?
O how fit a word
Is that vile name, to perish on my sword!
HELENA
Do not say so, Lysander, say not so:
What though he love your Hermia?
Lord, what though?
Yet Hermia still loves you; then be content.
58
LYSANDER
Content with Hermia?
No, I do repent
The tedious minutes I with her have spent.
Not Hermia but Helena I love;
Who will not change a raven for a dove?
HELENA (furious)
Wherefore was I to this keen mockery born?
When at your hands did I deserve this scorn?
Good troth you do me wrong, (good sooth, you do)
In such disdainful manner me to woo
But fare you well; perforce I must confess
(Running out)
I thought you Lord of more true gentleness.
LYSANDER
She sees not Hermia:
Hermia, sleep thou there,
And never mayst thou come Lysander near;
Sleep thou there,
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
Pour l’amour de toi.
Transparente Héléna,
La nature montre son art
En me faisant voir ton cœur à travers ton sein.
Où est Démétrius ?
Ô combien ce mot
Est un nom infâme, digne de périr sous mon épée !
HÉLÉNA
Ne dites pas ça, Lysandre, ne dites pas ça :
Qu’importe qu’il aime votre Hermia ?
Seigneur, qu’importe ?
Hermia vous aime encore ; alors soyez satisfait.
LYSANDRE
Satisfait avec Hermia ?
Non, je regrette
Les minutes ennuyeuses que j’ai passées avec elle.
Ce n’est pas Hermia mais Héléna que j’aime ;
Qui ne changerait pas un corbeau pour une colombe ?
HÉLÉNA (furieuse)
Pourquoi suis-je née pour subir ces amères railleries ?
Quand ai-je mérité de vous ce mépris ?
Sur ma foi vous m’outragez – oui en vérité –
En me faisant la cour avec une telle dérision
Mais adieu : je dois avouer que
(Elle sort en courant.)
Je vous croyais un seigneur d’une plus authentique courtoisie.
LYSANDRE
Elle n’a pas vu Hermia :
Hermia, reste ici à dormir,
Et puisses-tu ne jamais approcher Lysandre,
Dors ici,
59
BENJAMIN BRITTEN
And all my powers, address your love and might,
To honour Helen,
To honour Helen, and to be her knight!
(Running out.)
Hermia wakes up.
60
HERMIA (calling)
Lysander,
Help me Lysander, what a dream was here,
Lysander look, Lysander, how I do quake with fear.
Methought a serpent eat my heart away,
And you sat smiling at his cruel, cruel prey.
(Looking around)
Lysander, what, remov’d?
Lysander, Lord,
What, out of hearing, gone?
No sound, no word?
Alack, where are you?
Speak, and if you hear;
Speak of all loves; Lysander
I swoon almost with fear.
(Going)
Lysander, Lysander, Lysander, Lord...
TYTANIA (distant)
Come, come, now a roundel and a fairy song;
Then for the third part of a minute, hence,
Some to kill cankers in the musk-rose buds,
Some war with reremice for their leathern wings,
(She enters with Cobweb,Peaseblossom, Mustardseed,
Moth and Fairies.)
To make my small elves coats, and some keep back
The clam’rous owl that nightly hoots and wonders, wonders,
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
Et toi mon être, destine ton amour et ta puissance
A honorer Hélène,
A honorer Hélène et à être son chevalier.
(Il sort en courant.)
Hermia se réveille.
HERMIA (appelant)
Lysandre,
Au secours Lysandre, quel rêve j’ai fait,
Lysandre, regarde, comme je tremble de peur.
Il me semblait qu’un serpent me dévorait le cœur,
Et tu restais assis en souriant à ce cruel, cruel supplice.
(Elle regarde autour d’elle.)
Lysandre, quoi, parti ?
Lysandre, seigneur,
Quoi, il ne m’entend pas, parti ?
Pas un bruit, pas un mot ?
Hélas, où êtes-vous ?
Parlez, si vous m’entendez,
Parlez, au nom de l’amour ; Lysandre
Je suis presque évanouie de peur.
(Partant) Lysandre, Lysandre, Lysandre, seigneur...
TITANIA (au lointain)
Venez, venez, à présent une ronde et une chanson de fée ;
Puis allez-vous en pendant le tiers d’une minute,
Certaines pour tuer les vers dans les boutons des roses musquées,
Certaines pour combattre les chauves-souris, prendre leurs
ailes de cuir,
(Elle entre avec Toile d’araignée,Fleur des pois,
Graine de moutarde, Phalène et les Fées.)
Et en faire des manteaux à mes petits elfes, et que d’autres
pourchassent
Le hibou criard qui ulule la nuit, effaré, effaré
61
BENJAMIN BRITTEN
At our quaint spirits, our quaint spirits: sing me now asleep;
Then to your offices, and let me rest.
Sing me now asleep, sing me now asleep,
Then to yours offices, and let me rest.
(She lies down with the fairies around her.)
SOLO FAIRIES
You spotted snakes with double tongue,
Thorny hedgehogs be not seen,
Newts and blind-worms do no wrong,
Come not near our Fairy Queen.
Philomel, Philomel with melody,
Sing in our sweet lulla, lulla, lullaby...
62
ALL FAIRIES
Lullaby lullaby lullaby lullaby lullaby lullaby,
Never harm, nor spell, nor charm,
Come our lovely Lady nigh.
So good night with lullaby.
Lulla, lulla, lullaby lulla, lulla, lullaby
SOLO FAIRIES
Weaving spiders come not here
Hence you long-legg’d spinners, hence.
Beetles black approach not near,
Worm nor snail do no offence.
Philomel, Philomel with melody,
Sing in our sweet lulla, lulla, lullaby
Lullaby, lullaby, lullaby,
Lullaby, lullaby, lullaby.
Never harm, nor spell, nor charm,
Come our lovely Lady nigh.
So good night with lullaby.
Lulla, lulla, lullaby lulla, lulla, lullaby.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
Par nos esprits gracieux ;
Maintenant chantez pour m’endormir ;
Puis allez à vos travaux et laissez-moi reposer.
Maintenant chantez pour m’endormir ;
Puis allez à vos travaux et laissez-moi reposer.
(Elle s’allonge, entourée par les Fées.)
LES FÉES SOLISTES
Vous, serpents mouchetés à la langue fourchue,
Hérissons épineux ne vous montrez pas,
Tritons et orvets, ne vous égarez pas,
N’approchez pas de notre reine des fées,
Philomèle, Philomèle, la mélodieuse,
Accompagne notre douce berceuse...
TOUTES LES FÉES
Berce dort, berce dort, berce dort, berce dort,
Que jamais le mal, ni le sort, ni le charme
N’approche notre délicieuse dame.
Berce, berce, berce dort, berce, berce, berce dort
LES FÉES SOLISTES
Araignées qui tissez, ne venez pas ici
Filez, fileuses aux longues pattes, filez,
Scarabées noirs, ne vous approchez pas,
Vermisseaux, escargots, ne l’offensez pas.
Philomèle, Philomèle la mélodieuse
Accompagne notre douce berce, berce, berceuse,
Berce dort, berce dort, berce dort,
Berce dort, berce dort, berce dort,
Que jamais le mal, ni le sort, ni le charme
N’approche notre délicieuse dame.
Bonne nuit alors, berce dort.
Berce, berce, berce dort, berce, berce dort.
63
BENJAMIN BRITTEN
COBWEB (whispered)
Hence away, now all is well;
One aloof stand sentinel.
The Fairies (exceptone standing sentry) slip out.
Oberon appears. He squeezes the juice onto Tytania’s eyes.
OBERON
What thou seest when thou dost wake,
Do it for thy true Love take;
Love and languish for his sake.
Be it ounce, or cat, or bear,
Pard, or boar with bristled hair,
In thine eye that shall appear
When thou wak’st, it is thy dear.
Wake when some vile thing is near,
Wake when some vile thing is near.
64
Oberon slowly disappears and the lights fade
on the sleeping Tytania.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE I
TOILE D’ARAIGNÉE (chuchoté)
Partons, tout va bien maintenant ;
Qu’une sentinelle reste en veillant.
Les Fées (sauf une qui monte la garde) se glissent dehors.
Obéron apparaît. Il exprime le jus dans les yeux de Titania.
OBÉRON
Ce que tu verras en t’éveillant,
Qu’il devienne ton vrai amant ;
Aime-le, désire-le.
Qu’il soit lynx, chat, ours,
Léopard, sanglier au poil hérissé,
Ce que ton œil à ton réveil verra,
Tu l’aimeras, le chériras.
Éveille-toi quand un monstre approchera,
Éveille-toi quand un monstre approchera.
65
Obéron disparaît lentement et la lumière s’efface
sur Titania endormie.
ACT II
The wood. Tytania lying asleep.
Enter the six rustics.
66
BOTTOM
Are we all met?
THE OTHERS
Pat, pat, pat.
QUINCE
And here’s a marvellous convenient place for our
Rehearsal.
FLUTE, SNOUT, STARVELING, SNUG
For our rehearsal.
BOTTOM
Peter Quince?
QUINCE
What sayst thou, Bully Bottom?
ACTE II
La forêt. Titania est allongée, endormie.
Entrent les six artisans.
BOTTOM
Nous sommes tous là ?
LES AUTRES
Prêts, prêts, prêts.
QUINCE
Et voici un endroit qui convient à merveille pour notre
Répétition.
FLUTE, SNOUT, STARVELING, S NUG
Pour notre répétition.
BOTTOM
Pierre Quince ?
QUINCE
Que dis-tu mon vieux Bottom ?
67
BENJAMIN BRITTEN
BOTTOM
There are things in this comedy that will never please.
First, Pyramus must draw a sword to kill himself;
Which the Ladies cannot abide.
THE OTHERS
By’r lakin, a parlous fear, a parlous fear.
FLUTE
I believe we must leave the killing out, when all is done.
BOTTOM
Not a whit, not a whit.
I have a device to make all well.
Write me a Prologue; tell them that
I, Pyramus am not Pyramus but Bottom the weaver;
This will put them out of fear.
68
SNUG
Will not the Ladies be afeard of the lion?
SNOUT, STARVELING, QUINCE
The Lion.
FLUTE
I fear it, I promise you.
BOTTOM
Therefore another Prologue must tell them plainly
He is not a lion but Snug the joiner.
QUINCE
But there is two hard things, that is,
To bring the moonlight into a chamber;
For you know Pyramus and Thisby meet by moonlight.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
BOTTOM
Il y a des choses dans cette comédie qui plairont jamais.
D’abord, Pyrame doit tirer son épée pour se tuer ;
Les dames le supporteront pas.
LES AUTRES
Bon Dieu, ça leur fera une peur terrible, terrible.
FLUTE
Au bout du compte, il faut renoncer à ce qu’il se tue .
BOTTOM
Pas du tout, pas du tout.
J’ai un moyen de tout arranger.
Ecrivez-moi un prologue ; dites-leur que
Moi, Pyrame, je suis pas Pyrame mais Bottom le tisserand ;
Ça leur ôtera toute crainte.
69
SNUG
Est-ce que les dames n’auront pas peur du lion ?
SNOUT, S TARVELING, QUINCE
Le lion.
FLUTE
Je le crains, je vous le jure.
BOTTOM
Alors il faut un autre prologue, pour leur dire franchement
Qu’il est pas un lion mais Snug le menuisier.
QUINCE
Il y a encore deux difficultés à savoir ;
Faire venir le clair de lune dans une salle ;
Car vous savez que Pyrame et Thisbé se rencontrent au
clair de lune.
BENJAMIN BRITTEN
STARVELING
Doth the moon shine that night we play our play?
BOTTOM
A calendar, a calendar,
Look in the Almanac,
Find out moonshine, find out moonshine.
THE OTHERS
Moonshine, moonshine.
BOTTOM
Or else one must come in
With a bush of thorns and a lanthorn and say
He comes to present the person of Moonshine.
70
THE OTHERS
Moonshine.
QUINCE
Then, there is another thing,
We must have a wall in the great chamber.
SNOUT
You can never bring in a wall.
ALL
What say you, Bottom?
BOTTOM
Some man or other must present wall,
And let him hold his fingers thus, thus,
And through that cranny shall Pyramus and Thisby whisper.
QUINCE
Then all is well.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
STARVELING
Y aura-t-il de la lune le soir où nous jouerons notre pièce ?
BOTTOM
Un calendrier, un calendrier,
Regardez dans l’almanach,
Trouvez le clair de lune, trouvez le clair de lune.
LES AUTRES
Le clair de lune, le clair de lune.
BOTTOM
Ou bien quelqu’un pourrait venir
Avec un fagot d’épines et une lanterne et dire
Qu’il vient pour représenter le personnage du clair de lune.
LES AUTRES
Le clair de lune.
QUINCE
Et puis, il y autre chose,
Il nous faut un mur dans la grande salle.
SNOUT
On pourra jamais apporter un mur.
TOUS
Qu’en dis-tu Bottom ?
BOTTOM
Il faut que l’un ou l’autre représente le mur
Et qu’il tienne ses doigts comme ça, écartés,
Et par cette fente Pyrame et Thisbé pourront murmurer.
QUINCE
Alors tout va bien.
71
BENJAMIN BRITTEN
THE OTHERS
Then all is well.
QUINCE
Come, sit down ev’ry mother’s son,
And rehearse your parts,
Ev’ry man according to his cue.
Pyramus, you begin.
Puck flies in.
PUCK
What hempen homespuns have we swaggering here,
So near the cradle of our Fairy Queen?
QUINCE
Speak, Pyramus: Thisby, stand forth.
72
BOTTOM
Thisby, the flowers of odious savours sweet.
QUINCE
Odours, odourous.
BOTTOM
Odours savours sweet,
So hath thy breath, my dearest Thisby dear.
But hark, a voice: stay thou but here a while,
And by and by I will to thee appear.
(Exit.)
PUCK
I’ll follow you, I’ll lead you about a round.
(He follows Bottom)
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
LES AUTRES
Alors tout va bien.
QUINCE
Venez, asseyez-vous tous tant que vous êtes,
Et révisez vos rôles
Chacun selon sa réplique.
Pyrame, commencez.
Puck arrive des airs.
PUCK
Qui sont ces gros lourdauds qui crânent ici
Si près du berceau de notre reine des fées ?
QUINCE
A vous, Pyrame : Thisbé, avancez.
73
BOTTOM
Thisbé, les fleurs exhalent leurs parfums odieux
QUINCE
Odeurs, odorants.
BOTTOM
Exhalent leurs parfums odorants,
Ainsi ton haleine, ma très chère Thisbé chérie.
Mais écoute, une voix : reste là un moment
Et tout à l’heure je vais t’apparaître.
(Il sort.)
PUCK
Je vais te suivre, et te mener une de ces danses.
(Il suit Bottom.)
BENJAMIN BRITTEN
Flute comes nervously forward.
FLUTE
Must I speak now?
QUINCE
Ay marry, must you.
For you must understand he goes but to see a noise
He heard and is to come again.
FLUTE (timidly at first)
Most radiant Pyramus, most lily-white of hue,
Of colour like the red rose on triumphant brier,
Most briskly juvenal and eke most lovely Jew,
As true as truest horse, that never yet would tire,
I’ll meet thee Pyramus, at Ninny’s tomb.
74
QUINCE
Why, you must not speak that yet;
That you answer to Pyramus:
You speak all your part at once, cues and all.
Pyramus enter, your cue is past, it is,
“Never tire”.
FLUTE
O
As true as truest horse that never yet would tire.
Enter Puck and Bottom with the ass-head.
BOTTOM
If I were fair, Thisby, I were only thine.
THE OTHERS
O monstrous,
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
Flute s’avance, nerveux.
FLUTE
Dois-je parler maintenant ?
QUINCE
Oui bon Dieu, c’est à vous.
Car vous devez comprendre qu’il n’est sorti que pour voir
un bruit
Qu’il a entendu et qu’il va revenir.
FLUTE (d’abord timidement)
Très radieux Pyrame, au teint très blanc comme le lis,
Coloré comme la rose rouge sur l’églantier triomphant,
Très gaillard jouvenceau qui est toute ma Juive... ma joie...
Plus fidèle que le plus fidèle coursier, qui ne se fatigue jamais,
Je te verrai Pyrame, au tombeau de Nini.
75
QUINCE
Mais vous ne devez par encore dire ça,
C’est votre réponse à Pyrame :
Vous dites tout votre rôle d’un trait, toutes vos répliques.
Pyrame entre, votre réplique est passée, c’est
« Ne se fatigue jamais ».
FLUTE
Ô
Plus fidèle que le plus fidèle coursier, qui ne se fatigue jamais,
Entrent Puck et Bottom avec une tête d’âne.
BOTTOM
Si je suis beau, Thisbé, je ne suis qu’à toi.
LES
AUTRES
Oh, monstrueux
BENJAMIN BRITTEN
(Puck flies off.)
O strange.
We are haunted; we are haunted; were are haunted;
Pray masters, fly, masters,
Help, help, help, help!
(Exeunt. As they disappear:)
Help.
BOTTOM
Why do they run away, run away?
This is a knavery to make me afeard.
Flute reappears.
76
FLUTE
O Bottom, Bottom, thou art chang’d, chang’d;
What do I see on thee?
(Exit.)
BOTTOM
What do you see? What do you see?
You see an ass-head of your own, do you? Do you?
The rustics reappear from behindthe trees.
QUINCE
Bless thee Bottom
Bottom, bless thee, Bottom, Bottom,
Bless thee
THE OTHERS
Bless thee, Bottom, Bottom, bless thee;
ALL
Thou art translated, thou art translated.
(They disappear.)
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
(Puck s’envole.)
Oh étrange chose.
Nous sommes ensorcelés ; nous sommes ensorcelés.
Prions messieurs, fuyons messieurs,
Au secours, au secours !
(Ils sortent. Pendant qu’ils disparaissent :)
Au secours.
BOTTOM
Pourquoi se sauvent-ils, se sauvent-ils ?
C’est une mauvaise blague pour me faire peur
Flute réapparaît.
FLUTE
Ô Bottom, Bottom, tu es changé, changé ;
Qu’est-ce que je vois sur toi ?
(Il sort.)
BOTTOM
Qu’est-ce que tu vois ? Qu’est-ce que tu vois ?
Tu vois une tête d’âne comme la tienne, non ? Non ?
Les artisans réapparaissent derrière les arbres.
QUINCE
Sois béni, Bottom
Bottom, sois béni, Bottom, Bottom,
Sois béni
LES AUTRES
Sois béni, Bottom, Bottom, sois béni ;
TOUS
Tu es transfiguré, tu es transfiguré.
(Ils disparaissent.)
77
BENJAMIN BRITTEN
BOTTOM
I see their knavery;
This is to make an ass of me,
To fright me, if they could, if they could;
But I will not stir from this place, and I will sing,
That they shall hear I am not afraid.
(Very loudly)
The woosell cock, so black of hue,
With orange-tawny bill,
The throstle with his note so true,
The wren with little quill.
TYTANIA (awaking )
What angel wakes me from my flow’ry bed?
78
BOTTOM
The finch, the sparrow, and the lark,
The plain-song cuckoo, grey,
Whose note full many a man doth mark,
And dares not answer, nay.
TYTANIA
I pray thee gentle mortal, sing again;
Mine ear is much enamour’d of thy note;
So is mine eye enthralled to thy shape,
Thou art as wise as thou art beautiful.
BOTTOM
Not so neither, but if I had wit enough to get out of this
wood...
TYTANIA
Out of this wood do not desire to go,
Thou shalt remain here, whether thou wilt or no.
I am a spirit of no common rate:
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
BOTTOM
Je vois leur jeu ;
C’est pour me faire tourner en bourrique,
Pour me faire peur, s’ils le pouvaient, s’ils le pouvaient ;
Mais je ne bougerai pas d’ici, et je vais chanter.
Ils pourront entendre que je n’ai pas peur.
(Très fort)
Le merle si noir de couleur,
Avec son bec jaune orangé,
La grive au chant séducteur,
Et le petit roitelet.
TITANIA (s’éveillant)
Quel ange me réveille sur mon lit de fleurs ?
BOTTOM
Le pinson, le moineau, l’alouette,
Le triste chant du coucou,
Que beaucoup d’hommes écoutent
Sans oser la démentir.
TITANIA
Je t’en prie gentil mortel, chante encore ;
Mon oreille est amoureuse de ton chant ;
Et mon regard captivé par ton image,
Tu es aussi sage que beau.
BOTTOM
Ni l’un ni l’autre, mais si j’avais assez d’esprit pour sortir
de ce bois...
TITANIA
Ne désire pas quitter ce bois.
Tu demeureras ici que tu le veuilles ou non.
Je suis un esprit peu ordinaire :
79
BENJAMIN BRITTEN
I’ll give thee fairies to attend on thee;
Peaseblossom,
Enter Peaseblossom.
PEASEBLOSSOM
Ready.
TYTANIA
Cobweb,
Enter Cobweb.
COBWEB
And I.
80
TYTANIA
Moth,
Enter Moth.
MOTH
And I.
TYTANIA
Mustardseed.
Enter Mustardseed.
MUSTARDSEED
And I.
ALL FOUR FAIRIES
Where shall we go?
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
Je te donnerai des fées pour te servir ;
Fleur des pois,
Entre Fleur des pois.
FLEUR DES POIS
Présente.
TITANIA
Toile d’araignée,
Entre Toile d’araignée.
TOILE D’ARAIGNÉE
Moi aussi.
TITANIA
Phalène,
Entre Phalène.
PHALÈNE
Moi aussi
TITANIA
Graine de moutarde.
Entre Graine de moutarde.
GRAINE DE MOUTARDE
Moi aussi.
LES QUATRE FÉES
Où devons-nous aller ?
81
BENJAMIN BRITTEN
TYTANIA
Be kind and courteous to this gentleman,
Hop in his walks and gambol in his eyes,
Feed him with apricocks, and dewberries,
With purple grapes, green figs, and mulberries,
And mulberries.
The honey-bags steal from the humble-bees,
And for night-tapers crop their waxen thighs,
And light them at the fiery glow-worm’s eyes,
To have my love to bed, and to arise, arise, arise:
Nod to him, elves, and do him courtesies.
The fairies bow deeply to Bottom.
THE FOUR FAIRIES
Hail, hail, hail, mortal,
Hail mortal, hail, hail.
82
BOTTOM
I cry your worship’s mercy, your mercy, heartily;
THE FOUR FAIRIES
Hail, hail, mortal, hail
Mortal, mortal, hail, hail.
BOTTOM
I cry your worship’s mercy,
I beseech your worship’s name.
COBWEB
Cobweb,
Hail, mortal, hail, mortal, hail!
BOTTOM
I shall desire you of more acquaintance, good master Cobweb.
Your name, honest gentleman?
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
TITANIA
Soyez aimables et courtoises pour ce gentilhomme,
Sautillez devant ses pas et gambadez devant ses yeux,
Nourrissez-le d’abricots et de myrtilles,
De raisins pourpres, de figues vertes et de mûres, de mûres.
Dérobez aux bourdons leurs sacs de miel
Et pour flambeaux de nuit, coupez leurs cuisses pleines de cire,
Et allumez-les aux yeux ardents des vers luisants,
Pour amener mon amour au lit et à l’éveil :
Inclinez-vous devant lui, elfes, et rendez-lui hommage.
Les Fées s’inclinent profondément devant Bottom.
LES QUATRE FÉES
Salut, salut, salut, mortel,
Salut mortel, salut, salut.
BOTTOM
Du fond du cœur, j’implore la grâce de votre Honneur,
votre grâce ;
LES QUATRE FÉES
Salut, salut, mortel, salut
Mortel, mortel, salut, salut.
BOTTOM
J’implore votre grâce, votre Honneur,
Puis-je savoir le nom de votre Honneur.
TOILE D’ARAIGNÉE
Toile d’araignée,
Salut, mortel, salut, mortel, salut !
BOTTOM
Je serai heureux de mieux vous connaître,
Cher Toile d’araignée. Votre nom, aimable gentilhomme ?
83
BENJAMIN BRITTEN
PEASEBLOSSOM
Peaseblossom.
Hail, mortal, hail,
Hail, hail!
BOTTOM
I pray you,
Commend me to Mistress Squash, your mother,
And to master Peascod, your father.
Your name, I beseech you, sir?
MUSTARDSEED
Mustardseed. Hail, mortal, hail,
Hail, hail, mortal
hail, hail, mortal, hail mortal hail,
Hail, hail, hail, hail,
Hail, hail, hail, mortal, hail.
84
COBWEB
Hail, hail mortal, hail, hail
Mortal hail, mortal hail,
Hail, hail, hail, hail,
Hail, hail, hail, mortal, hail.
PEASEBLOSSOM
Hail mortal, hail mortal hail,
Hail, hail, hail, hail,
Hail, hail, hail, mortal, hail.
BOTTOM
Your kindred hath made my eyes water ere now,
Good master Mustardseed.
I desire you more acquaintance.
Your name, sir?
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
FLEUR DES POIS
Fleur des pois.
Salut, mortel, salut,
Salut, salut!
BOTTOM
Je vous prie
De me recommander à Madame Gousse votre mère,
Et à maître Cosse votre père.
Votre nom, je vous prie, monsieur ?
GRAINE DE MOUTARDE
Graine de moutarde. Salut, mortel, salut,
Salut, salut, mortel
Salut, salut, mortel, salut mortel salut,
Salut, salut, salut, salut,
Salut, salut, salut, mortel, salut.
85
TOILE D’ARAIGNÉE
Salut, salut mortel, salut, salut
Mortel salut, mortel salut,
Salut, salut, salut, salut,
Salut, salut, salut, mortel, salut.
FLEUR DES POIS
Salut mortel, salut mortel salut,
Salut, salut, salut, salut,
Salut, salut, salut, mortel, salut.
BOTTOM
Votre famille m’a souvent fait venir les larmes aux yeux,
Cher maître Graine de moutarde.
Je serai heureux de mieux vous connaître.
Votre nom, monsieur ?
BENJAMIN BRITTEN
MOTH
M...
TYTANIA (interrupting)
Come, sit thee down upon this flowery bed,
While I thy amiable cheeks do coy,
And stick musk-roses in thy sleek smooth head,
And kiss thy fair large ears, thy fair large ears,
My gentle joy, my gentle joy.
Tytania and Bottom settle down on the bank.
BOTTOM
Where’s Peaseblossom?
86
PEASEBLOSSOM
Ready.
(He goes to Bottom.)
BOTTOM
Scratch my head, Peaseblossom.
(Peaseblossom scratches Bottom’shead.)
Mounsieur Cobweb?
COBWEB
Ready.
(He goes to Bottom.)
BOTTOM
Mounsieur Cobweb, get you your weapons in your hand,
And kill me a red-hipped humble-bee, and good
Mounsieur,
Bring me the honey-bag.
(Cobweb finds a bee, catches it
and takes the honey to Bottom.)
Where’s Mounsieur Mustardseed?
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
PHALÈNE
Pha...
TITANIA (l’interrompant)
Viens, assieds-toi sur ce lit de fleurs,
Pendant que je caresse tes joues charmantes,
Et que je plante des roses musquées
Sur ta tête douce et soyeuse,
Et que je baise tes belles et grandes oreilles,
Ma douce joie, ma douce joie.
Titania et Bottom s’installent sur le banc de gazon.
BOTTOM
Où est Fleur des pois ?
FLEUR DES POIS
Présente.
(Il va vers Bottom.)
BOTTOM
Gratte ma tête, Fleur des pois.
(Fleur des pois gratte la tête de Bottom.)
Monsieur Toile d’araignée?
TOILE D’ARAIGNÉE
Présent.
(Il va près de Bottom.)
BOTTOM
Monsieur Toile d’araignée, prenez vos armes,
Et tuez-moi un bourdon au cuisses rouge et, cher Monsieur,
Apportez-moi son sac de miel.
(Toile d’araignée trouve un bourdon, l’attrape,
et apporte le miel à Bottom.)
Où est Monsieur Graine de moutarde ?
87
BENJAMIN BRITTEN
MUSTARDSEED
Ready.
BOTTOM
Give me your neaf, Mounsieur Mustardseed.
(Mustardseed shakes his handviolently.)
Pray you leave your courtesy good Mounsieur.
MUSTARDSEED
What’s your will?
88
BOTTOM
Nothing good Mounsieur,
But to help Cavalery Cobweb to scratch.
I am such a tender ass, if my hair do but tickle me,
I must scratch.
(Mustardseed helps Cobweb toscratch Bottom’s head.)
Where’s Mounsieur Moth?
MOTH
H...
TYTANIA (interrupting)
What, wilt thou hear some music, my sweet love?
BOTTOM
I have a reas’nable good ear in music.
La la la la la la la la.
Let’s have the tongs and the bones.
(The fairies take their instrumentsand start to play.)
Ah, ah, I have a reas’nable good ear in music.
(Bottom gets up and begins to dance.)
La la la la la la la la la la...
La la la la la la la la la
(Yawning)
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
GRAINE DE MOUTARDE
Présent.
BOTTOM
Donnez-moi votre main, Monsieur Graine de moutarde.
(Graine de moutarde lui serre la main avec force.)
Je vous en prie, pas de cérémonies, mon bon Monsieur.
GRAINE DE MOUTARDE
Que souhaitez-vous ?
BOTTOM
Rien mon bon Monsieur, si ce n’est que vous aidiez
Le chevalier Toile d’araignée à me gratter.
Je suis un âne si délicat que pour peu qu’un poil
Me démange, je dois me gratter.
(Graine de moutarde aide Toile d’araignée à gratter la tête
de Bottom.)
Où est Monsieur Phalène ?
PHALÈNE
Je...
TITANIA (l’interrompant)
Veux-tu entendre un peu de musique, mon doux amour ?
BOTTOM
J’ai l’oreille musicale plutôt bonne.
La la la la la la la la.
Faites venir les pincettes et les castagnettes.
(Les Fées prennent leurs instruments et commencent à jouer
.)
Ah, ah, j’ai l’oreille musicale plutôt bonne.
(Bottom se lève et commence à danser.)
La la la la la la la la la la...
La la la la la la la la la
(Baillant)
89
BENJAMIN BRITTEN
La......ya.
But, I pray you let none of your people stir me:
I have an exposition of sleep come upon me.
TYTANIA
Sleep thou, and I will wind thee in my arms.
Fairies begone, and be all ways away.
(The Fairies disappear.)
So doth the woodbine, the sweet honeysuckle
Gently, gently entwist; the female ivy so
Enrings the barky fingers of the elm.
O how I love thee! O how I love thee!
How I dote on thee!
BOTTOM
Ah!
90
They sleep, and it grows dark.
Enter Puck, then Oberon.
OBERON
How now mad spirit,
What night-rule now about this haunted grove?
PUCK
See, see, my Mistress with a monster is in love,
My Mistress with a monster is in love.
OBERON
This falls out better than I could devise.
But hast thou yet latch’d the Athenian’s eyes
With a love-juice, as I did bid thee do?
(Enter Demetrius and Hermia.)
Stand close:
This is the same Athenian.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
La......ya.
Mais je vous prie, ne laissez personne me déranger :
Je me sens exposé au sommeil.
TITANIA
Dors et je t’enlacerai de mes bras.
Les Fées partez, dispersez-vous.
(Les Fées disparaissent.)
Ainsi la vigne vierge enlace le doux chèvrefeuille
Tendrement, tendrement ; le lierre femelle ainsi
Passe ses anneaux aux doigts noueux de l’orme.
Ô que je t’aime ! Ô que je t’aime !
Que je suis folle de toi !
BOTTOM
Ah !
Ils s’endorment et l’obscurité se fait.
Entre Puck, puis Obéron.
OBÉRON
Eh bien esprit fou,
Quelles fantaisies nocturnes en ce bois enchanté ?
PUCK
Voyez, voyez, ma maîtresse aime un monstre
Ma maîtresse aime un monstre.
OBÉRON
Cela tombe mieux que je ne pouvais l’inventer.
Mais as-tu mouillé les yeux de l’Athénien
Avec le jus d’amour, ainsi que je t’en avais prié ?
(Entrent Démétrius and Hermia.)
Ne bouge pas :
Voici l’Athénien.
91
BENJAMIN BRITTEN
PUCK
This is the woman, but not this the man.
Oberon and Puck listen.
DEMETRIUS
O, why rebuke you him that loves you so?
HERMIA
If thou hast slain Lysander in his sleep,
Plunge in the deep, and kill me too:
Ah good Demetrius, wilt thou give
Him me?
DEMETRIUS
I had rather
Give his carcass to my hounds.
92
HERMIA
Out, dog, out cur, oh hast thou slain him then?
DEMETRIUS
I am not guilty of Lysander’s blood.
HERMIA
I pray thee tell me then that he is well.
DEMETRIUS
An if I could, what should I get therefore?
HERMIA
A privilege never to see me more;
And from thy hated presence part I so;
(Furious)
See me no more whether he be dead or no.
(Exit.)
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
PUCK
C’est la femme, mais ce n’est pas l’homme.
Obéron et Puck écoutent.
DÉMÉTRIUS
Ô, pourquoi repousses-tu celui qui t’aime tant ?
HERMIA
Si tu as tué Lysandre dans son sommeil,
Va plus loin et tue moi aussi :
Ah bon Démétrius, vas-tu me
Le rendre ?
DÉMÉTRIUS
J’aimerais mieux
Donner sa carcasse à mes chiens.
93
HERMIA
Dehors, chien, dehors monstre, oh, alors tu l’as tué.
DÉMÉTRIUS
Je n’ai pas répandu le sang de Lysandre.
HERMIA
Je t’en prie, dis-moi alors qu’il va bien.
DÉMÉTRIUS
Et si je le pouvais, qu’aurais-je en échange ?
HERMIA
Le privilège de ne plus jamais me voir ;
Et ainsi je fuis ta présence détestée ;
(Furieuse)
Tu ne me verras plus qu’il soit mort ou pas.
(Elle sort.)
BENJAMIN BRITTEN
DEMETRIUS
There is no following her in this fierce vein,
Here therefore for a while I will remain.
So sorrow’s heaviness doth heavier grow.
(He lies down.)
OBERON
What hast thou done?
Thou hast mistaken quite
And laid the love-juice on some true-love’s sight:
About the wood go swifter than the wind,
And Helena of Athens look thou find.
PUCK
I go, I go look how I go,
Swifter than arrow from the Tartar’s bow.
(He flies off.)
94
OBERON (squeezing the flower onto Demetrius’ eyes)
Flower of this purple dye,
Hit with Cupid’s archery,
Sink in apple of his eye,
When his love he doth espy,
Let her shine as gloriously
As the Venus of the sky.
When thou wak’st, if she be by,
Beg of her for remedy.
Puck flies in.
PUCK
Captain of our Fairy band,
Helena is here at hand,
And the youth, mistook by me,
Shall we their fond pageant see?
Lord, what fools these mortals be!
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
DÉMÉTRIUS
Pas la peine de la suivre en cette humeur furieuse,
Je vais donc demeurer un moment ici.
Ainsi le poids du chagrin s’alourdit encore.
(Il s’allonge.)
OBÉRON
Qu’as-tu fait ?
Tu t’es complètement trompé
Et tu as mis le jus d’amour dans les yeux d’un amant sincère :
Dans le bois va plus vite que le vent
Et trouve Héléna d’Athènes.
PUCK
Je vais, voyez comme je vais, je pars
Plus rapide que la flèche de l’arc du Tartare.
(Il s’envole.)
95
OBÉRON (pressant la fleur sur les yeux de Démétrius)
Fleur à la couleur pourprée
Par l’arc de Cupidon marquée,
Coule en la prunelle de ses yeux,
Quand il discernera son amour,
Fait la briller aussi bellement
Que Vénus dans le firmament.
A ton réveil, si elle est là,
Pour te guérir implore-la.
Puck arrive des airs.
PUCK
Capitaine de notre troupe de fées,
Héléna est à deux pas d’ici,
Avec le jeune homme que j’ai égaré,
A leur folle comédie assisterons-nous ?
Seigneur, que ces mortels sont fous !
BENJAMIN BRITTEN
Enter Helena, Lysander following.
Oberon and Puck stand aside.
LYSANDER
Why should you think that I should woo in scorn?
HELENA
These vows are Hermia’s.
Will you give her o’er?
LYSANDER
I had no judgment when to her I swore.
HELENA
Nor none, in my mind, now you give her o’er.
96
LYSANDER
Demetrius loves her, and he loves not you.
Demetrius awakes.
DEMETRIUS
O Helen, goddess, nymph, perfect, divine,
To what, my love, shall I compare thine eyne?
Crystal is muddy,
O, how ripe in show
Thy lips, these kissing cherries, tempting grow!
That pure congealed white, high Taurus’ snow,
Fann’d with the eastern wind, turns to a crow
When thou hold’st up thy hand.
O let me kiss
This princess of pure white, this seal of bliss.
O Helen!
HELENA
O spite!
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
Entrent Héléna et Lysandre, qui la suit
Obéron et Puck se mettent à l’écart.
LYSANDRE
Pourquoi pensez-vous que je vous fais la cour par dérision ?
HÉLÉNA
Vos serments sont à Hermia.
Allez-vous l’abandonner ?
LYSANDRE
Je lui ai fait des serments sans discernement.
HÉLÉNA
Pas plus, je crois, que maintenant où vous l’abandonnez.
LYSANDRE
Démétrius l’aime, et il ne vous aime pas.
Démétrius se réveille.
DÉMÉTRIUS
Ô Hélène, déesse, nymphe, parfaite, divine,
A quoi, mon amour, comparerai-je tes yeux ?
Le cristal est trop terne,
Ô comme elles sont rouges,
Tes lèvres, ces cerises à baisers, tentatrices !
La neige blanche et glacée des cimes du Taurus
Balayée par le vent d’est semble noire comme le corbeau
Quand tu lèves ta main.
Ô laisse-moi baiser
Cette princesse immaculée, ce sceau de félicité.
Ô Hélène !
HÉLÉNA
Ô rage !
97
BENJAMIN BRITTEN
DEMETRIUS
Goddess, nymph, perfect, divine.
HELENA
O hell! O spite! O hell!
HELENA
I see you all are bent
To set against me for your merriment.
LYSANDER
You are unkind,
Demetrius,
Be not so, no so
For you love Hermia...
98
DEMETRIUS
Look, where thy love comes,
LYSANDER
... This you know I know.
DEMETRIUS
Yonder is
Thy dear.
HERMIA (entering)
Ah
Lysander, why unkindly didst
Thou leave me so?
HELENA
Injurious
Hermia, most ungrateful maid,
Have you conspir’d, have you with these contriv’d
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
DÉMÉTRIUS
Déesse, nymphe, parfaite, divine.
HÉLÉNA
Ô enfer ! Ô rage ! Ô enfer !
HÉLÉNA
Je vois que vous vous êtes tous ligués
Pour vous moquer de moi.
LYSANDRE
Tu es méchant,
Démétrius,
Ne sois pas ainsi, non
Car tu aimes Hermia...
DÉMÉTRIUS
Regarde, ton amour arrive,
LYSANDRE
... Tu sais que je le sais.
DÉMÉTRIUS
Elle est là
Ta chérie.
HERMIA (entrant)
Ah
Lysandre, pourquoi cruellement
M’as-tu abandonnée ainsi ?
HÉLÉNA
Injurieuse
Hermia, fille très ingrate,
Avez-vous conspiré, comploté avec eux,
99
BENJAMIN BRITTEN
To bait me with this foul derision?
Is all the counsel that we two have shared,
The sisters’ vows, the hours that we have spent,
When we have chid the hasty-footed time
For parting us;
O is it all forgot?
All school-days’ friendship, childhood innocence?
We, Hermia, like two artificial gods,
Have with our needles, created one flower,
Both on one sampler, sitting on one cushion,
Both warbling of one song, both in one key;
Two lovely berries moulded on one stem,
So with two seeming bodies, but one heart,
And will you rent our ancient love asunder,
To join with men in scorning your poor friend?
It is not friendly, ’tis not maidenly.
100
HERMIA
I am amazed at your passionate words,
I scorn you not: it seems that you scorn me.
HELENA
Ay do persever, counterfeit sad looks,
Make mouths upon me when I turn my back,
Wink each at other, hold the sweet jest up.
(As if going)
But fare ye well, ’tis partly my own fault,
Which death or absence soon shall remedy.
LYSANDER
Stay, gentle Helena, hear my excuse,
My love, my life my soul, fair Helena!
HELENA
O excellent!
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
Pour me harceler de cette odieuse dérision ?
Les confidences que nous avons toutes deux partagées,
Les serments fraternels, les heures passées ensemble
A maudire le temps trop rapide à
Nous séparer ;
Ô, tout cela est oublié ?
L’amitié des jours d’école, l’innocence de l’enfance ?
Nous avons, Hermia, comme deux déesses artistes
Créé avec nos aiguilles une seule fleur,
Deux sur un seul canevas, assises sur un seul coussin,
Gazouillant la même chanson, à l’unisson ;
Deux baies adorables poussées sur la même tige,
Deux corps apparemment, mais un seul cœur,
Et vous voulez déchirez notre vieil amour,
Et rejoindre ces hommes pour narguer votre pauvre amie ?
C’est indigne d’une amie, indigne d’une fille.
HERMIA
Je suis stupéfaite de vos discours passionnés,
Je ne vous nargue pas ; vous me narguez semble-t-il.
HÉLÉNA
Mais oui, continuez, feignez la tristesse,
Faites des grimaces derrière mon dos,
Echangez vos clins d’œil, menez au bout cette jolie farce.
(Comme si elle voulait partir)
Mais adieu, cela est en partie de ma faute,
La mort ou l’absence y remédieront bientôt.
LYSANDRE
Reste, gentille Héléna, entends ma défense,
Mon amour, ma vie, mon âme, belle Héléna !
HÉLÉNA
Oh parfait !
101
BENJAMIN BRITTEN
HERMIA (to Lysander)
Sweet, do not
Scorn her so.
DEMETRIUS
If she cannot entreat, I can compel.
LYSANDER
Thou canst compel no more than she entreat.
DEMETRIUS
I say I love thee more than he can do.
LYSANDER
If thou say so, withdraw and prove it too.
102
DEMETRIUS
Quick, come.
HERMIA (holds Lysander)
Lysander, whereto tends
All this?
LYSANDER
Away,
You Ethiope.
DEMETRIUS
No, no, sir, seems to break loose:
You are a tame man, go.
LYSANDER (shaking off Hermia)
Hang off, thou cat, thou burr; vile thing, let loose.
Or I will shake thee from me
Like a serpent!
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
HERMIA (à Lysandre)
Mon doux, ne
La nargue pas ainsi.
DÉMÉTRIUS
Si elle ne peut te fléchir, je peux t’y contraindre.
LYSANDRE
Tu ne peux pas plus me contraindre qu’elle ne peut me fléchir.
DÉMÉTRIUS
Je te dis que je l’aime plus qu’il ne peut t’aimer.
LYSANDRE
Si tu parles ainsi, retirons-nous et prouve-le.
DÉMÉTRIUS
Vite, viens.
HERMIA (agrippe Lysandre)
Lysandre, à quoi rime
Tout ça ?
LYSANDRE
Arrière,
Ethiopienne.
DÉMÉTRIUS
Non, non, monsieur, il fait semblant de se dégager :
Vous êtes bien gentil, allez.
LYSANDRE (secouant Hermia)
Lâche-moi, chatte, crampon, saleté, laisse-moi.
Où je vais te balancer loin de moi
Comme un serpent !
103
BENJAMIN BRITTEN
HERMIA
Why are you grown
So rude?
What change is this sweet love, sweet love?
DEMETRIUS
Seems to break loose, take on as you would follow.
LYSANDER
Thy love? Out, tawny tartar, out;
HERMIA
Sweet love?
DEMETRIUS
You are a
Tame man go.
104
LYSANDER
Out loathed medicine; hated potion, hence!
HERMIA
Do you not jest?
HELENA
Yes sooth,
And so do you...
LYSANDER
Demetrius, I will keep my word with thee.
DEMETRIUS
I would I had your bond:
I’ll not trust your word.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
HERMIA
Pourquoi es-tu devenu
Si brutal ?
Quel est ce changement, doux amour ?
DÉMÉTRIUS
Fait semblant de se dégager, comme si tu allais me suivre.
LYSANDRE
Ton amour ? Va-t-en, noiraude, tartare, va-t-en ;
HERMIA
Doux amour ?
DÉMÉTRIUS
Vous êtes
Bien gentil, allez.
105
LYSANDRE
Va-t-en médecine dégoûtante, purge, va-t-en !
HERMIA
Tu ne plaisantes pas ?
HÉLÉNA
Mais si bien sûr
Et toi aussi...
LYSANDRE
Démétrius, je tiendrai ma parole.
DÉMÉTRIUS
J’aimerais l’avoir par écrit :
Je n’ai pas confiance en ta parole.
BENJAMIN BRITTEN
HELENA
... And so do you.
LYSANDER
What, should I hurt her, strike her, kill her dead?
Although I hate her, hate her, I’ll not harm her so.
HERMIA
What, can you do me
Greater harm than hate?
Am not I Hermia? Are not you Lysander?
What, can you do me greater harm than hate?
(To Helena)
O me, you juggler, you canker-blossom,
You canker-blossom
You thief of love!
106
DEMETRIUS
Lysander keep thy Hermia, I will none.
If e’er I lov’d her, all that love is gone.
Lysander keep thy Hermia, I will none.
If e’er I lov’d her, all that love is gone, is gone.
LYSANDER
Ay, by my life be certain ‘tis no jest,
That I do hate thee and love Helena.
Ay, by my life be certain ‘tis no jest,
That I love Helena, love Helena.
HELENA
You both are rivals and love Hermia,
And now are rivals to mock Helena.
(To Hermia)
Fie, fie, you counterfeit, you puppet, you.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
HÉLÉNA
... Et toi aussi.
LYSANDRE
Quoi, dois-je la blesser, la frapper, la tuer ?
Malgré ma haine, ma haine, je ne lui ferai pas tant de mal.
HERMIA
Quoi, peux-tu me faire
Plus grand mal que me haïr ?
Ne suis-je pas Hermia ? N’es-tu pas Lysandre ?
Quoi, peux-tu me faire plus grand mal que me haïr ?
(A Héléna)
Hélas, jongleuse, chancre de fleur,
Chancre de fleur
Voleuse d’amour !
DÉMÉTRIUS
Lysandre, garde ton Hermia, je n’en veux plus.
Si jamais je l’ai aimée, tout cet amour est parti.
Lysandre, garde ton Hermia, je n’en veux plus.
Si jamais je l’ai aimée, tout cet amour est parti, parti.
LYSANDRE
Sur ma vie, sois sûre que ce n’est pas une farce,
Que je te hais et que j’aime Héléna.
Sur ma vie, sois sûre que ce n’est pas une farce,
Que j’aime Héléna, j’aime Héléna.
HÉLÉNA
Rivaux tous deux pour aimer Hermia,
Vous l’êtes maintenant pour railler Héléna.
(A Hermia)
Allez, allez, hypocrite, marionnette.
107
BENJAMIN BRITTEN
HERMIA
Puppet? why so? ay, that way goes the game.
Now I perceive that she hath made compare
Between our statures, she hath urg’d her height,
She hath urg’d her height,
And with her personage, her tall personage,
Her height (forsooth) she hath prevail’d with him.
And are you grown so high in his esteem,
Because I am so dwarfish and so low?
How low am I? thou painted maypole? Speak,
How low am I? I am not yet so low
But that my nails can reach unto thine eyes.
108
HELENA
I pray you, though you mock me, gentlemen,
Let her not hurt me; you may perhaps think,
Because she is something lower than myself, that I can
Match her.
Hermia
Lower?
Lower? hark, again!
HELENA
O, when she’s angry she is keen and shrewd,
She was a vixen, a vixen, vixen, when she went to school
And though she be but little,
She is fierce.
HERMIA
Little again?
Nothing but low and little?
HELENA
Get you gone you dwarf.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
HERMIA
Marionnette ? Pourquoi ça ? Oui, je vois son jeu.
Je comprends qu’elle a fait une comparaison
Entre nos tailles, elle a fait valoir sa hauteur
Elle a fait valoir sa hauteur,
Et par son personnage, son grand personnage,
Par sa hauteur, ma foi, elle a fait sa conquête.
Êtes-vous montée si haut dans son estime
Parce que je suis si petite et si ratatinée ?
Suis-je si petite ? grande asperge barbouillée ? Dis,
Suis-je si petite ? Je ne suis pas si petite
Que mes ongles ne puissent atteindre tes yeux.
HÉLÉNA
Je vous en prie, malgré vos railleries, messieurs,
Ne la laissez pas me blesser ; vous croyez peut-être,
Parce qu’elle est plus petite que moi, que je peux
Avoir le dessus.
HERMIA
Plus petite ?
Plus petite ? vous entendez, encore !
HÉLÉNA
Oh, quand elle est en colère, elle est rusée et hargneuse,
A l’école, c’était une furie, une furie, une furie,
Et toute petite qu’elle est
Elle est féroce.
HERMIA
Encore petite ?
Toujours petite et ratatinée ?
HÉLÉNA
Va-t-en, naine.
109
BENJAMIN BRITTEN
HERMIA
Hark again!
HELENA
You minimus of
Hind’ring knot-grass made,
HERMIA
Why will you suffer her to flout
Me thus?
HELENA
You bead,
HERMIA
Hark again.
110
HELENA
You acorn,
HERMIA
Let me
Come to her!
HELENA
You bead.
HERMIA
Why will you suffer her to flout me?
HELENA
Get you gone, you dwarf.
LYSANDER
Be not afraid, she shall not harm thee,
Helena.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
HERMIA
Vous entendez, encore !
HÉLÉNA
Petit
Nœud de chiendent,
HERMIA
Souffrirez-vous qu’elle me défie
Ainsi ?
HÉLÉNA
Petit grain,
HERMIA
Encore.
HÉLÉNA
Gland,
HERMIA
Laissez-moi
L’approcher !
HÉLÉNA
Petit grain.
HERMIA
Souffrirez-vous qu’elle me défie ainsi ?
HÉLÉNA
Va-t-en, naine.
LYSANDRE
N’ayez pas peur, elle ne vous fera pas de mal
Héléna.
111
BENJAMIN BRITTEN
DEMETRIUS
No, sir,
She shall not, though you take her part.
LYSANDER
You are too officious
In her behalf that scorns your services.
DEMETRIUS
Let her alone. Speak not of Helena.
LYSANDER
Now follow, if thou dar’st.
DEMETRIUS
Nay I’ll go with thee, cheek by jowl,
112
LYSANDER AND DEMETRIUS
... To try whose right,
Or thine or mine is most in Helena.
(Exeunt.)
HELENA AND HERMIA
You, mistress, all this coil is ’long of you.
HERMIA
Nay, go not back.
HELENA
I will not trust you, I,
HELENA AND HERMIA
... Nor longer stay in your curst company.
HERMIA
Nay, go not back.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
DÉMÉTRIUS
Non, monsieur, elle n’en fera pas,
Bien que vous soyez de son côté.
LYSANDRE
Vous êtes trop empressé
Pour celle qui dédaigne vos services.
DÉMÉTRIUS
Laissez-la tranquille. Ne parlez pas d’Héléna.
LYSANDRE
Maintenant suis-moi, si tu l’oses.
DÉMÉTRIUS
Je viens avec toi, joue contre joue.
LYSANDRE & DÉMÉTRIUS
... Pour voir qui a le plus de droits,
Ou toi, ou moi, sur Héléna.
(Ils sortent.)
HÉLÉNA & HERMIA
Madame, vous êtes la cause de ce tohu-bohu.
HERMIA
Non, ne partez pas.
HÉLÉNA
Je ne vous fais pas confiance, je
HÉLÉNA & HERMIA
... Ne resterai pas plus longtemps en votre maudite compagnie.
HERMIA
Non, ne partez pas.
113
BENJAMIN BRITTEN
HELENA
Your hands than mine are quicker for a fray,
My legs are longer though to run away.
Helena goes out, followed byHermia.
Oberon comes forward in a rage, dragging Puck.
OBERON
This is thy negligence, still thou mistak’st, still,
Or else commit’st thy knav’ries wilfully.
PUCK
Believe me, king of shadows, I mistook,
(Oberon shakes him.)
I mistook. Ah!
114
OBERON
Thou see’st these lovers seek a place to fight:
Hie therefore, Robin, overcast the night;
And lead these testy rivals so astray,
As one come not within another’s way.
Till o’er their brows, death-counterfeiting sleep,
Sleep with leaden legs and batty wings doth creep:
Then crush this herb into Lysander’s eye,
When they next wake, all this derision
Shall seem a dream and fruitless vision.
Haste, Robin, hast, make no delay:
We may effect this business yet ere day.
(He vanishes.)
PUCK
Up and down, up and down;
I will lead them up and down:
I am fear’d in field and town:
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
HÉLÉNA
Vos mains sont plus rapides pour la bagarre,
Mais mes jambes sont plus longues pour la fuite.
Héléna sort, suivie par Hermia.
Obéron s’avance, en colère, traînant Puck derrière lui.
OBÉRON
Voilà bien ta négligence, tu te trompes tout le temps
Ou alors, tes friponneries, tu les fais exprès.
PUCK
Croyez-moi, roi des ombres, j’ai fait erreur,
(Obéron le secoue.)
J’ai fait erreur. Ah !
OBÉRON
Tu vois que ces amants cherchent un endroit pour se battre :
Donc dépêche-toi, Robin, assombris la nuit ;
Et égare ces rivaux furieux si bien
Que l’un ne rencontre jamais le chemin de l’autre.
Jusqu’à ce que, sur leur front, le sommeil se glisse,
Contrefaçon de la mort, avec ses pieds de plombs et ses
ailes de chauve-souris :
Puis écrase cette herbe sur les yeux de Lysandre,
Quand il se réveillera, toute cette fantasmagorie
Semblera rêve et vision stérile.
Hâte-toi Robin, vite, ne tarde pas :
Nous devons réaliser cette affaire avant le jour.
(Il disparaît.)
PUCK
Par monts et par vaux, par monts et par vaux,
Je vais les mener par monts et par vaux :
On me craint dans les villes et dans les hameaux :
115
BENJAMIN BRITTEN
Goblin, lead them up and down.
Up and down, up and down, up and down.
Here comes one.
LYSANDER ( calling)
Where art thou, proud Demetrius? Speak thou now.
PUCK (imitating Demetrius)
Here, villain! Drawn and ready.
Where art thou?
(In his own voice)
Follow me, then to plainer ground.
DEMETRIUS (calling)
Lysander! Speak again.
Thou runaway, thou coward, art thou fled?
116
PUCK (imitating Lysander)
Art bragging to the stars, and wilt not come?
DEMETRIUS
Yea, art thou there?
PUCK (in his own voice)
Follow my voice, we’ll try no manhood here.
(Exit.)
Enter Lysander.
LYSANDER
He goes before me and still dares me on:
PUCK (distant, in Demetrius’ voice)
Lysander.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
Goblin, mène-les par monts et par vaux.
Par monts et par vaux, par monts et par vaux.
En voici un.
LYSANDRE (appelant)
Où es-tu, orgueilleux Démétrius ? Parle donc.
PUCK (imitant Démétrius)
Ici, scélérat ! L’épée au poing, prêt.
Où es-tu ?
(Avec sa propre voix)
Suis-moi alors, sur un terrain plus plat.
DÉMÉTRIUS (appelant)
Lysandre ! Parle encore.
Tu as fui, couard, tu t’es enfui ?
PUCK (imitant Lysandre)
Tu crânes devant les étoiles et tu ne viens pas ?
DÉMÉTRIUS
Si, es-tu là ?
PUCK (avec sa propre voix)
Suis ma voix, nous verrons si tu es un homme.
(Il sort.)
Entre Lysandre.
LYSANDRE
Il va devant moi et me défie encore :
PUCK (au lointain, avec la voix de Démétrius)
Lysandre.
117
BENJAMIN BRITTEN
LYSANDER
When I come where he calls, then he is gone.
And I am fall’n in dark uneven way,
And here will rest me.
(He lies down.)
Come, thou gentle day!
For if but once thou show me thy grey light,
I’ll find Demetrius, and revenge this spite.
(He sleeps.)
Enter Puck.
PUCK (in his own voice)
Ho! ho! Coward, why com’st thou not?
DEMETRIUS (distant, calling)
Abide me, if thou dar’st. Where art thou now?
118
Exit Puck.
PUCK (distant, imitating Lysander)
Come hither: I am here.
Enter Demetrius.
DEMETRIUS
Nay, then, thou mock’st me.
Thou shalt buy this dear,
If ever I thy face by daylight see.
Now, go thy way:
Faintness constraineth me
(He lies down.)
To measure out my length on this cold bed.
By day’s approach look to be visited.
(He sleeps.)
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
LYSANDRE
Quand j’arrive là où il appelle, il n’y est plus.
Et me voilà tombé dans un chemin sombre et périlleux,
Je vais me reposer ici.
(Il s’allonge.)
Viens gentil jour !
Car dès que tu m’auras montré ta grise lumière,
Je trouverai Démétrius et vengerai cet affront.
(Il s’endort.)
Entre Puck.
PUCK (avec sa propre voix)
Ho ! Ho ! Couard, pourquoi ne viens-tu pas ?
DÉMÉTRIUS (au lointain, appelant)
Attends-moi si tu l’oses. Où es-tu maintenant ?
119
Sort Puck.
PUCK (au lointain, imitant Lysandre)
Viens ici : je suis là.
Entre Démétrius.
DÉMÉTRIUS
Non, tu te moques de moi.
Tu le paieras cher,
Si jamais je vois ta figure à la lumière du jour.
A présent, va ton chemin :
La lassitude me contraint
(Il s’allonge.)
A mesurer de ma longueur ce lit glacé.
Dès l’approche du jour, attends-toi à une visite.
(Il s’endort.)
BENJAMIN BRITTEN
Enter Puck, followed by Helena.
HELENA
O weary night!
O long and tedious night,
Abate thy hours, shine comforts from the east!
And sleep, that sometimes shuts up sorrow’s eye,
Steal me awhile from mine own company.
(She sleeps.)
PUCK
Yet but three? Come one more;
Two of both kinds make up four.
Here she comes, curst and sad:
(Enter Hermia.)
Cupid is a knavish lad,
Thus to make poor females mad.
120
HERMIA
Never so weary, never so in woe,
Bedabbled with the dew and torn with briers,
I can no further crawl, no further go;
My legs can keep no pace with my desires.
Here will I rest me till the break of day.
Heaven shield Lysander if they mean a fray.
(She sleeps.)
The Fairies come invery stealthily.
FAIRIES
On the ground,
Sleep sound:
He’ll apply
To your eye,
Gentle lover, remedy.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
Entre Puck, suivi par Héléna.
HÉLÉNA
Ô nuit épuisante !
Ô nuit longue et lassante,
Abrège tes heures. Brille, consolation se levant à l’est !
Et toi sommeil, qui parfois ferme l’œil du chagrin,
Dérobe-moi à ma propre compagnie.
(Elle s’endort.)
PUCK
Trois seulement ? Allons, une de plus.
Deux de chaque espèce en font quatre.
La voici, triste et affligée :
(Entre Hermia.)
Cupidon est un mauvais garçon
De priver les pauvres femmes de leur raison.
121
HERMIA
Jamais si accablée, jamais si malheureuse,
Trempée par la rosée, déchirée par les ronces,
Je ne puis plus me traîner, ni aller plus loin ;
Mes jambes ne peuvent plus marcher au pas de mes désirs.
Je vais reposer là, jusqu’au lever du jour.
S’ils se battent, que le ciel protège Lysandre.
(Elle s’endort.)
Les Fées entrent à pas de loup.
LES FÉES
Sur le sol,
Dors bien :
Il va appliquer
Sur tes yeux,
Un remède, bel amoureux.
BENJAMIN BRITTEN
When thou wak’st,
Thou tak’st
True delight
In the sight
Of thy former lady’s eye:
And the country proverb known,
In your waking shall be shown:
Jack shall have Jill;
Nought shall go ill;
The man shall have his mare again,
And all shall be well, all shall be well, all shall be well,
shall be well.
(Exeunt.)
Puck squeezes thejuice on Lysander’s eyes and goesout.
122
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE II
A ton réveil
Tu prendras
Un vrai plaisir
A revoir
Les yeux de ta première amante.
Et le proverbe réputé
A ton réveil sera montré :
Jeannot aura sa Jeannette
L’entente sera parfaite,
Chacun retrouvera sa jument.
Et tout ira bien, tout ira bien, tout ira bien, ira bien.
(Elles sortent.)
Puck presse le jus sur les yeux de Lysandre et sort.
123
ACT III
124
The wood – early next morning. Tytania with Bottom,
and the four lovers lie asleep.
Puck and Oberon appear.
OBERON (observing Tytania)
My gentle Robin;
See’st thou this sweet sight?
Her dotage now I do begin to pity.
And now I have the boy, I will undo
This hateful imperfection of her eyes:
Be as thou wast wont to be;
See as thou wast wont to see:
Dian’s bud o’er Cupid’s flower
Hath such force and blessed power.
Be as thou wast wont to be.
Now, my Tytania,
Wake you, my sweet queen.
Tytania wakes.
ACTE III
La forêt, à l’aube du matin suivant. Titania et Bottom,
ainsi que les quatre amants sont endormis.
Puck et Obéron apparaissent.
OBÉRON (contemplant Titania)
Mon bon Robin,
Vois-tu ce doux spectacle ?
Je commence à avoir pitié de sa folie.
Et maintenant que j’ai le garçon, je vais défaire
Ses yeux de cette détestable aberration :
Sois comme tu étais,
Vois comme tu voyais :
Le blason de Diane sur la fleur de Cupidon
A cette force et ce pouvoir sacré.
Sois comme tu étais.
A présent, ma Titania,
Réveille-toi, ma douce reine.
Titania se réveille.
125
BENJAMIN BRITTEN
TYTANIA
My Oberon! what visions have I seen!
Methought I was enamour’d of an ass.
OBERON
There lies your love.
TYTANIA
How came these things to pass?
O! how mine eyes do loathe his visage now!
OBERON
Silence awhile.
Robin, take off this head.
(Puck removes the ass’s head.)
Tytania, music call; and strike more dead
Than common sleep of all these five the sense.
126
TYTANIA
Music, ho,
(Enter some fairies.)
Ho music...
OBERON
Sound music;
TYTANIA
... Such as charmeth sleep!
OBERON
Come, my queen, take hands with me,
(They dance.)
And rock the ground whereon these sleepers be.
Now thou and I are new in amity,
And will this very midnight solemnly
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
TITANIA
Mon Obéron ! quelles visions j’ai eues !
Il me semblait être amoureuse d’un âne !
OBÉRON
Votre amour est couché là.
TITANIA
Comment ces choses sont-elles arrivées ?
Oh, comme mes yeux détestent son visage à présent !
OBÉRON
Silence un moment.
Robin, enlève cette tête.
(Puck ôte la tête d’âne.)
Titania, appelez votre musique ; qu’elle frappe les sens
De ces cinq mortels d’une mort plus profonde
Que le simple sommeil.
TITANIA
Musique, holà,
(Quelques Fées entrent.)
Holà musique...
OBÉRON
Joue, musique ;
TITANIA
... à ensorceler le sommeil !
OBÉRON
Viens, ma reine, donne-moi la main,
(Ils dansent.)
Et berce le sol où sont couchés ces dormeurs.
Maintenant, toi et moi, sommes neufs en amitié,
Et ce soir à minuit, solennellement, triomphalement,
127
BENJAMIN BRITTEN
Dance in Duke Theseus’house triumphantly,
And bless it to all fair prosperity.
There shall the pairs of faithful lovers be
Wedded, with Theseus, all in jollity.
PUCK
Fairy King, attend, and mark,
I do hear the morning lark.
(He disappears.)
Oberon, Tytania and the fairies disappear, stilldancing.
DEMETRIUS (waking)
Helena!
LYSANDER (waking)
Hermia!
128
HELENA (waking)
Demetrius!
HERMIA (waking)
Lysander!
LYSANDER
Are you sure that we are awake?
It seems to me
That we yet sleep, we dream.
HERMIA
Methinks I see these things with parted eyes,
When ev’rything seems double.
DEMETRIUS
These things seems small and undistinguishable,
Like far off mountains turned into clouds.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
Nous danserons dans la maison du duc Thésée,
Et nous le bénirons pour toute belle prospérité.
Là, les deux couples d’amants fidèles seront
Mariés, comme Thésée, tous dans la félicité.
PUCK
Roi des Fées, écoute, remarque bien
J’entends chanter l’alouette du matin.
(Il disparaît.)
Obéron, Titania et les Fées disparaissent en dansant encore.
DÉMÉTRIUS (s’éveillant)
Héléna !
LYSANDRE (s’éveillant)
Hermia !
129
HÉLÉNA (s’éveillant)
Démétrius !
HERMIA (s’éveillant)
Lysandre !
LYSANDRE
Vous êtes sûrs que nous sommes réveillés ?
Il me semble
Que nous dormons encore, que nous rêvons.
HERMIA
Je crois les voir avec des yeux qui louchent,
Quand tout apparaît double.
DÉMÉTRIUS
Ces choses semblent minuscules et imperceptibles,
Comme les montagnes lointaines se perdant dans les nuages.
BENJAMIN BRITTEN
HELENA
So methinks;
And I have found Demetrius like a jewel,
Mine own, and not mine own
...
Mine own, and not my own.
DEMETRIUS
And I have found fair Helen like a jewel,
Mine own and not mine own
...
Mine own, and not my own.
130
HERMIA
And I have found Lysander like a jewel,
Mine own and not mine own
...
Mine own, and not my own.
LYSANDER
And I have found sweet Hermia like a jewel,
Mine own, and not mine own
...
Mine own, and not my own.
ALL FOUR
Why then we are awake; let’s go,
(The lovers go out.)
And by the way
(All off stage)
Let us recount our dreams,
Let us recount our dreams.
BOTTOM (slowly waking)
When my cue comes, call me, and I will answer.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
HÉLÉNA
Je le pense aussi ;
Et j’ai trouvé Démétrius comme on trouve un bijou,
Il est à moi et pas à moi
...
Il est à moi et pas à moi.
DÉMÉTRIUS
Et j’ai trouvé la belle Hélène comme on trouve un bijou,
Elle est à moi et pas à moi
...
A moi et pas à moi.
HERMIA
Et j’ai trouvé Lysandre comme on trouve un bijou,
Il est à moi et pas à moi
...
A moi et pas à moi.
LYSANDRE
Et j’ai trouvé la douce Hermia comme on trouve un bijou,
Elle est à moi et pas à moi
...
A moi et pas à moi.
TOUS LES QUATRE
Puisque nous sommes éveillés, allons,
(Les amants sortent.)
Et en chemin
(Hors scène)
Nous nous raconterons nos rêves,
Nous nous raconterons nos rêves.
BOTTOM (se réveillant lentement)
Quand ce sera mon tour, appelez-moi, je répondrai.
131
BENJAMIN BRITTEN
132
My next is,
Most fair Pyramus, fair Pyramus,
Heigh-ho, heigh-ho. Peter Quince?
Flute the bellows-mender?
Snout the tinker? Starveling?
(He hunts around.)
God’s my life!
Stolen hence and left me asleep;
I have had a dream, past the wit of man
To say what dream it was.
Methought I was, there is no man can tell what.
Methought I was, and methought I had.
But man is but an ass if he can offer to say
What methought I had.
The eye of man hath not heard,
The ear of man hath not seen,
Man’s hand is not able to taste,
His tongue to conceive nor his heart to report,
What my dream was, what my dream was, my dream!
(Excited)
I will get Peter Quince the carpenter
To write a ballad of this dream,
And it shall be called Bottom’s dream,
Bottom’s dream because it hath no bottom;
(Musing)
And I will sing it in the latter end of the play, before the Duke.
(Going)
Peradventure to make it the more gracious,
I shall sing it at her death.
Enter Quince, Flute, Snout and Starveling, gloomily.
QUINCE
Have you sent to Bottom’s house?
Is he come home yet?
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
Ma prochaine réplique est après
Très beau Pyrame, beau Pyrame,
Hé ho, hé ho. Pierre Quince ?
Flute, raccommodeur de soufflets ?
Snout, chaudronnier ? Starveling ?
(Il scrute les alentours.)
Bon Dieu !
Ils se sont sauvés et m’ont laissé endormi ;
J’ai eu un songe, c’est au-delà de l’intelligence humaine
De dire ce qu’était ce songe.
Il me semblait que j’étais, personne ne saurait le dire.
Il me semblait que j’étais, il me semblait que j’avais.
Mais l’homme n’est qu’un âne s’il peut dire
Ce qu’il me semblait que j’avais.
L’œil de l’homme n’a jamais entendu,
L’oreille de l’homme n’a jamais vu,
La main de l’homme ne peut pas goûter
Ni sa langue penser ni son cœur raconter
Ce qu’était mon songe, ce qu’était mon songe !
(Excité)
Je demanderai à Pierre Quince le charpentier
D’écrire une ballade sur ce songe,
Et on l’appellera le songe de Bottom,
Le songe de Bottom parce, c’est un songe sans fond.
(Songeur)
Et je la chanterai à la fin de la pièce, devant le duc
(Partant)
Peut-être même, pour que ce soit plus émouvant,
Je le chanterai après la mort.
Quince, Flute, Snout et Starveling entrent tristement.
QUINCE
Avez-vous envoyé quelqu’un chez Bottom ?
Est-il rentré à la maison ?
133
BENJAMIN BRITTEN
STARVELING
He cannot be heard of.
Out of doubt he is transported.
FLUTE
If he come not, then the play is marr’d:
It goes not forward, doth it?
STARVELING
It is not possible: you have not a man
In all Athens able to discharge Pyramus but
He.
SNOUT
No,
He hath simply the best wit of any handicraft man in
Athens.
134
QUINCE
Yea,
And the best person too.
(Enter Snug.)
SNUG
Masters, the Duke is coming from the Temple.
If our sport had gone forward, we had all been made men.
FLUTE
O sweet bully Bottom: thus hath he lost sixpence,
Sixpence a day during his life;
And the Duke had not given him sixpence a day
For playing Pyramus, I’ll be hang’d.
He would have deserved it. Sixpence a day
Sixpence in Pyramus or nothing.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
STARVELING
Aucune nouvelle.
Il a sans doute été ravi.
FLUTE
S’il ne revient pas, alors la pièce est fichue.
On ne pourra pas continuer, n’est-ce pas ?
STARVELING
Impossible : il n’y a pas un homme
Dans tout Athènes pour jouer Pyrame, sauf
Lui.
SNOUT
Non,
Il est simplement le plus intelligent de tous les artisans à
Athènes.
135
QUINCE
Ouais,
Et le meilleur aussi.
Entre Snug.
SNUG
Messieurs, le Duc revient du temple.
Si notre pièce avait marché, notre fortune était faite.
FLUTE
Ô cher bon Bottom : il a perdu ainsi six sous,
Six sous par jour pendant toute sa vie ;
Si le duc ne lui avait pas donné six sous par jour
Pour jouer Pyrame, je veux bien être pendu.
Il les aurait mérités. Six sous par jour
Six sous par jour pour Pyrame ou rien.
BENJAMIN BRITTEN
SNOUT
He could not have scaped it.
QUINCE
Sixpence.
STARVELING
He could not have
Scaped it.
Sixpence
SNOUT
Sixpence or nothing?
QUINCE
Sixpence a day.
136
SNUG
He could not have scaped it.
BOTTOM (off)
Where are these lads?
THE OTHERS
Bottom,
BOTTOM (nearer)
Where are these hearts?
THE OTHERS
O most courageous day!
BOTTOM (entering)
Masters,
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
SNOUT
Il ne pouvait pas les manquer.
QUINCE
Six sous.
STARVELING
Il ne pouvait pas
Les manquer.
Six sous
SNOUT
Six sous ou rien ?
QUINCE
Six sous par jour.
SNUG
Il ne pouvait pas les manquer.
BOTTOM (en coulisse)
Où sont-ils ces gars-là ?
LES
AUTRES
Bottom,
BOTTOM (plus proche)
Où sont-ils ces chers cœurs ?
LES AUTRES
Ô jour très valeureux !
BOTTOM (entrant)
Messieurs,
137
BENJAMIN BRITTEN
THE OTHERS
Bottom!
BOTTOM
I am to discourse wonders; but ask me not what.
THE OTHERS
Let us hear, sweet Bottom.
BOTTOM
Not a word of me: all that I will tell you,
Is that the Duke hath dined and our play is preferred.
138
THE OTHERS
Our play is preferred, our play is preferred.
Most dear actors, most dear actors,
Get your apparel together,
Good strings to your beards,
New ribbons to your pumps;
And ev’ry man look o’er his part.
Let Thisby have clean linen;
Let not the Lion pare his nails;
Eat no onions, no garlic, no onions,
That all may say: it is a sweet Comedy.
BOTTOM
No more words, no more words;
THE OTHERS
It is a sweet Comedy
It is a sweet Comedy.
BOTTOM
To the palace, go away, away,
Go, go away, go, go, go.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
LES AUTRES
Bottom !
BOTTOM
J’ai des merveilles à vous dire ; mais ne me demandez pas quoi.
LES
AUTRES
Dites-nous, doux Bottom.
BOTTOM
Pas un mot : tout ce que je vous dirai,
C’est que le duc a dîné et que notre pièce est choisie.
LES AUTRES
Notre pièce est choisie, notre pièce est choisie.
Très chers acteurs, très chers acteurs,
Rassemblez vos costumes,
Bonnes ficelles à vos barbes,
Rubans neuf à vos souliers ;
Et que chacun repasse son rôle.
Que Thisbé ait du linge propre ;
Que le lion ne coupe pas ses ongles ;
Ne mangez pas d’oignons, ni d’ail, pas d’oignons,
Que tous puissent dire : c’est une douce comédie.
BOTTOM
Assez parlé, assez parlé ;
LES
AUTRES
C’est une douce comédie
C’est une douce comédie.
BOTTOM
Au palais, partons, partons,
Allons, partons, allons, allons, allons.
139
BENJAMIN BRITTEN
(He pushes them out.)
They all leave excitedly.
The lights go down on the wood.
Orchestral march
By now the lights are up in Theseus’ palace.
Theseus and Hippolyta enter with their court.
THESEUS
Now fair Hippolyta, our nuptial hour
Draws on apace: this happy day brings in
Another moon: but, oh, methinks, how slow
This old moon wanes; she lingers my desires,
Like to a step-dame or a dowager
Long withering out a young man’s revenewe.
140
HIPPOLYTA
This day will quickly steep itself in night
This night will quickly dream away the time:
And then the Moon, like to a silver bow
Now bent in heaven, shall behold the night
Of our solemnities.
THESEUS
Hippolyta, I woo’d thee with my sword,
And won thy love doing thee injuries:
But I wed thee in another key,
With pomp, with triumph and with revelling.
Enter Helena, Hermia, Lysander and Demetrius.
They kneel to Theseus.
ALL FOUR
Pardon, my Lord.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
(Il les pousse dehors.)
Ils sortent tous avec excitation.
La lumière s’éteint sur la fôret.
Marche orchestrale
Maintenant, les lumières illuminent le palais de Thésée.
Thésée et Hippolyta entrent avec leur suite.
THÉSÉE
Belle Hippolyta, notre heure nuptiale
Approche à grands pas ; ce jour heureux amène
Une lune nouvelle : oh, mais que l’ancienne me semble
Lente à décroître ; elle fait languir mes désirs
Comme une marâtre ou une douairière
Qui épuise lentement le revenu d’un jeune homme.
141
HIPPOLYTA
Ce jour sera vite englouti dans la nuit
Cette nuit se dissipera vite dans le rêve :
Et alors la lune, comme un arc d’argent
Nouvellement bandé dans le ciel contemplera la nuit
De notre union solennelle.
THÉSÉE
Hippolyta, je t’ai courtisée avec mon épée,
Et conquis ton amour en te faisant violence :
Mais je t’épouse dans une autre tonalité,
Dans la pompe, la joie et les plaisirs.
Entrent Héléna, Hermia, Lysandre et Démétrius.
Ils mettent genoux en terre devant Thésée.
TOUS LES QUATRE
Pardon, monseigneur.
BENJAMIN BRITTEN
THESEUS
I pray you all stand up.
(They rise.)
I know you two were rival enemies.
How comes this gentle concord in the world?
LYSANDER
My Lord, I shall reply amazedly;
I went with Hermia thither:
Our intent was to be gone from Athens, where we might,
Without the peril of the Athenian law...
DEMETRIUS
My Lord, fair Helen told me of their stealth,
And I in fury thither follow’d them;
Fair Helena in fancy following me.
But, my good Lord...
142
THESEUS
Fair lovers,
Of this discourse we more will hear anon.
Hermia, I will o’erbear your father’s will;
For in the temple, by and by with us,
These couples shall eternally be knit.
THESEUS AND HIPPOLYTA
Joy gentle friends,
Joy and fresh days of love,
Accompany your hearts!
The lovers embrace.
THESEUS
Come now; what masques, what dances shall we have,
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
THÉSÉE
Je vous en prie, relevez-vous.
(Ils se relèvent.)
Je sais que vous étiez tous deux rivaux et ennemis.
D’où vient cette aimable concorde dans le monde ?
LYSANDRE
Monseigneur, je répondrai avec étonnement ;
Je suis allé là-bas avec Hermia :
Notre intention était de quitter Athènes, pour aller où,
Hors du péril de la loi athénienne...
DÉMÉTRIUS
Monseigneur, la belle Hélène m’a raconté leur fuite,
Et, furieux, je les ai suivis là-bas,
Poursuivi par la belle Héléna amoureuse.
Mais, mon bon seigneur...
143
THÉSÉE
Beaux amants,
Nous entendrons la suite de cette histoire plus tard.
Hermia, j’irai au-delà de la volonté de votre père ;
Car dans le temple, côte à côte avec nous,
Ces couples seront liés pour l’éternité.
THÉSÉE & HIPPOLYTA
Joie, gentils amis
Que la joie et les fraîches journées d’amour
Accompagnent vos cœurs !
Les amants s’enlacent.
THÉSÉE
Voyons maintenant ; quels divertissements, quelles danses
aurons-nous
BENJAMIN BRITTEN
To while away this long age of three hours,
Between our after-supper and bed time?
Enter Quince with play bill.
He hands it to Hippolyta and bows.
HIPPOLYTA (reading)
A tedious brief scene of young Pyramus,
And his love Thisby; very tragical mirth.
DEMETRIUS
Merry and tragical?
Tedious and brief?
LYSANDER
That is, hot ice, and wondrous strange snow.
144
THESEUS
What are they that do play it?
HIPPOLYTA
Hard-handed men
That work in Athens here,
Which never labour’d in their minds till now;
THESEUS
I will hear that play.
(Exit Quince.)
For never anything can be amiss,
When simpleness and duty tender it.
Take your places, Ladies.
Enter the Prologue (all Rustics).
Theseus, Hippolyta and the Court take their places.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
Pour user ce long siècle de trois heures,
Entre l’après-souper et l’heure du lit ?
Entre Quince, avec le programme de la pièce.
Il le tend à Hippolyta et s’incline.
HIPPOLYTA (lisant)
Une fastidieuse et brève scène du jeune Pyrame
Et de son amante Thisbé ; très tragique divertissement.
DÉMÉTRIUS
Joyeux et tragique ?
Fastidieux et bref ?
LYSANDRE
C’est glace chaude et neige très étrange.
THÉSÉE
Quels sont ceux qui jouent la pièce ?
HIPPOLYTA
Des hommes aux mains calleuses
Qui travaillent ici à Athènes,
Qui n’ont jamais fait marcher leur esprit jusqu’ici ;
THÉSÉE
Je vais entendre cette pièce.
(Quince sort.)
Car rien ne peut jamais être manqué
Quand la simplicité et la loyauté l’offrent.
Prenez place, Mesdames.
Le Prologue (tous les artisans) entre.
Thésée, Hippolyta et la cour prennent place.
145
BENJAMIN BRITTEN
RUSTICS
If we offend, it is with our good will.
That you should think, we come not to offend,
But with good will.
To show our simple skill,
That is the true beginning of our end.
Consider then, we come but in despite.
We do not come, as minding to content you,
Our true intent is.
All for your delight,
We are not here...
That you should here repent you,
The actors are at hand: and by their show,
You shall know all, that you are like to know.
146
THESEUS
This fellow
Doth not stand upon points.
HIPPOLYTA
Their speech was like a tangled chain:
Nothing impaired but all disordered.
LYSANDER
They have rid their Prologue like a rough colt:
They know not the stop.
DEMETRIUS
Indeed they have played on their Prologue
Like a child on a recorder.
HELENA
A sound but not in government.
HERMIA
It is not enough to speak but to speak true.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
LES ARTISANS
Si nous vous offensons c’est notre intention.
Que vous pensiez que nous ne venons pas vous offenser,
Mais avec bonne intention.
De montrer notre simple savoir-faire,
Voilà le vrai commencement de notre fin.
Considérez donc que nous venons à contrecœur.
Nous ne venons pas avec l’idée de vous satisfaire,
C’est notre intention véritable.
Afin de vous charmer,
Nous ne sommes pas ici...
Pour vous donner des regrets,
Les acteurs sont prêts et par leur pièce,
Vous saurez tout ce que vous voulez savoir.
THÉSÉE
Ces garçons
N’ont pas peur de la ponctuation.
HIPPOLYTA
Leur discours était comme une chaîne embrouillée :
Rien n’y manque, tout y est en désordre.
LYSANDRE
Ils ont chevauché leur prologue comme un poulain sauvage :
Ils ne savent pas comment s’arrêter.
DÉMÉTRIUS
En effet, ils joué leur prologue
Comme un enfant du pipeau.
HÉLÉNA
Du son mais pas de mesure.
HERMIA
Il ne suffit pas de parler, il faut parler juste.
147
BENJAMIN BRITTEN
PROLOGUE (QUINCE)
Gentles, Gentles,
THESEUS
Who is next?
148
PROLOGUE
Gentles, perchance you wonder at this show,
But wonder on, till truth make all things plain.
This man is Pyramus, if you would know;
This beauteous lady Thisby is certain.
This man, with lime and rough-cast, doth present Wall,
That vile Wall which did these lovers sunder;
This man, with lanthorn, dog, and bush of thorn,
Presenteth Moonshine.
This grisly beast is Lion hight by name.
For all the rest,
Let Lion, Moonshine, Wall,
And Lovers twain
At large discourse,
While here they do remain,
Remain, remain, remain, remain,
(He pushes out the Rustics xcept
e
Wall.)
Remain, remain, remain, remain...
HELENA
I wonder if the Lion be to speak.
DEMETRIUS
No wonder, fair Lady:
One Lion may, when many asses do.
WALL (SNOUT)
In this same interlude, it doth befall
That I, one Snout (by name) present a wall:
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
PROLOGUE (QUINCE)
Altesses, altesses,
THÉSÉE
Qui vient après ?
PROLOGUE
Altesses, peut-être ce spectacle vous étonne
Continuez à être étonnés jusqu’à ce que la vérité vienne
tout expliquer.
C’est homme est Pyrame, si vous voulez le savoir ;
Cette belle dame est Thisbé, c’est certain.
Cet homme, avec la chaux et le crépi, représente le Mur,
Le méchant Mur qui séparait ces deux amants ;
Cet homme, avec la lanterne, le chien et le fagot d’épines,
Représente le Clair de lune.
Cette affreuse bête a pour nom Lion.
Pour tout le reste,
Laissons Lion, Clair de lune, Mur
Et les deux Amants
Vous le dire,
Dès qu’ils seront là,
Seront là, seront là, seront là, seront là,
(Il pousse dehors tous les artisans xcepté
e
le Mur.)
Seront là, seront là, seront là, seront là...
HÉLÉNA
Je me demande si le Lion va parler.
DÉMÉTRIUS
Sans doute, belle dame :
Un lion peut parler quand tant d’ânes le font.
LE MUR (SNOUT)
Dans ce même intermède, il arrive
Que moi, dénommé Snout, je représente un mur :
149
BENJAMIN BRITTEN
And such a wall, as I would have you think,
That had in it a crannied hole or chink:
(He holds up his fingers.)
And this the cranny is, right and sinister,
Through which the fearful Lovers are to whisper.
HERMIA
Would you desire lime and hair to sing better?
LYSANDER
It is the wittiest partition that ever I heard discourse.
Enter Pyramus.
THESEUS
Pyramus draws near the Wall, silence.
150
PYRAMUS (BOTTOM)
O grim-look’d night,
O night with hue so black,
O night, which ever art when day is not:
O night,
O night, alack, alack, alack,
I fear my Thisby’s promise is forgot.
And thou, O wall, O sweet, O lovely wall,
That stand’st between her father’s ground and mine,
Thou wall, O wall, O sweet and lovely wall,
Show me thy chink to blink through with mine eyne!
Thanks courteous wall, Jove shield thee well for this!
But what see I? No Thisby do I see.
O wicked wall, through whom I see no bliss,
Curs’d be thy stones for thus deceiving me!
THESEUS
The wall methinks being sensible, should curse again.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
Et un mur, comme je vous prie de le croire,
Qui est percé d’une crevasse ou d’une fente :
(Il écarte ses doigts.)
Et ceci est la fente, à dextre et à senestre,
Par laquelle les amants craintifs vont chuchoter.
HERMIA
Voudriez-vous que chaux et cheveux chantent mieux que ça ?
LYSANDRE
C’est la cloison la plus fine que j’ai jamais entendue.
Entre Pyrame.
THÉSÉE
Pyrame s’approche du mur, silence.
PYRAME (BOTTOM)
Ô nuit sinistre,
Ô nuit au teint si noir,
Ô nuit, qui y est toujours quand le jour n’y est pas :
Ô nuit,
Ô nuit, hélas, hélas, hélas,
Je crains que ma Thisbé n’ait oublié sa promesse.
Et toi, ô mur, ô doux, ô tendre mur,
Qui te tiens entre les terres de son père et du mien,
Toi, mur, ô mur, ô doux et tendre mur,
Montre-moi ta fente pour que j’y regarde avec mon œil !
Merci gentil mur, que Jupiter te protège pour ça !
Mais que vois-je ? Je vois pas de Thisbé.
Ô méchant mur, par qui je ne vois pas mon bonheur,
Maudits soient tes cailloux de me décevoir ainsi !
THÉSÉE
Il me semble que le mur, étant sensible, devrait répliquer.
151
BENJAMIN BRITTEN
BOTTOM (to Theseus)
No in truth, sir, he should not.
“Deceiving me” is Thisby’s cue;
Yonder she comes.
Enter Thisby
THISBY (FLUTE)
Wall, full often hast thou heard my moans,
For parting my fair Pyramus and me?
My cherry lips have often kiss’d thy stones:
Thy stones with lime and hair knit up in thee.
PYRAMUS
I see a voice: now will I to the chink,
To spy an I can hear my Thisbe’s face. Thisby?
152
THISBY
My Love thou art, my Love I think.
PYRAMUS
Think what thou wilt, I am thy Lover’s grace.
THISBY
My Love thou art, my Love I think.
PYRAMUS
Think what thou wilt,
O, kiss me,
Kiss me through the hole of this vile wall.
O kiss me.
THISBY
My Love thou, my Love I, my Love thou,
My Love I, my Love I, Love I, Love I...
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
BOTTOM (à Thésée)
Non en vérité seigneur, il ne doit pas.
« Me décevoir ainsi » appelle la réplique de Thisbé ;
Elle va venir.
Thisbé entre.
THISBÉ (FLUTE)
Mur, tu m’as souvent entendue gémir,
De ce que tu séparais mon beau Pyrame et moi.
Mes lèvres de cerise ont souvent baisé tes cailloux :
Tes cailloux cimentés de chaux et de poils.
PYRAME
Je vois une voix : allons à la fente,
Pour voir si je peux entendre le visage de ma Thisbé.
Thisbé ?
153
THISBÉ
C’est toi mon amour, mon amour je crois.
PYRAME
Crois ce que tu veux, je suis ton gracieux amant.
THISBÉ
C’est toi mon amour, mon amour je crois.
PYRAME
Pense ce que tu veux,
Oh, baise-moi,
Baise-moi par le trou de ce méchant mur
Oh baise-moi.
THISBÉ
Toi mon amour, mon amour, toi mon amour,
Mon amour je, mon amour je, mon amour je...
BENJAMIN BRITTEN
They kiss.
THISBY
I kiss the wall’s hole, not your lips at all.
PYRAMUS
Wilt thou at Ninny’s tomb meet me straightway?
THISBY
Tide life, tide death,
(Exit Pyramus.)
I come without, Tide life I come,
I come without, I come without,
Delay, delay.
(Exit.)
154
WALL
Thus have I, Wall, my part discharged so:
And being done, thus Wall away doth go,
Away, away, away, away, doth go.
(Exit Wall.)
HIPPOLYTA
This is the silliest stuff that ever I heard.
THESEUS
The best in this kind are but shadows,
And the worst are no worse, if imagination amend them.
(Enter Lion and Moonshine.)
Here come two noble beasts in, a man and a lion.
LION (SNUG)
You, ladies, you (whose gentle hearts do fear,
The smallest monstrous mouse that creeps on floor)
Should know that I, one Snug the joiner, am
A Lion fell, nor else no Lion’s dam.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
Ils s’embrassent.
THISBÉ
Je ne baise que son trou, et non tes lèvres.
PYRAME
Veux-tu sur l’heure me retrouver au tombeau de Nini ?
THISBÉ
Vive ou morte,
(Sort Pyrame.)
J’y vais sans, vive j’y vais
J’y vais sans, j’y vais sans,
Délai, délai.
(Il sort.)
LE MUR
Ainsi moi, le Mur, j’ai tenu mon rôle :
Et cela fait, le Mur s’en va.
S’en va, s’en va, s’en va, s’en va.
(Il sort.)
HIPPOLYTA
Je n’ai jamais entendu tel tissu d’inepties.
THÉSÉE
Les meilleurs en l’espèce ne sont que des ombres,
Et les pires ne sont pas mauvais quand l’imagination y supplée.
(Entrent le Lion et le Clair de lune.)
Voici venir deux nobles bêtes, un homme et un lion.
LE LION (SNUG)
Mesdames, vous – dont les tendres cœurs s’effrayent
De la moindre monstrueuse petite souris qui court sur le sol –
Sachez que moi, Snug le menuisier, je
Ne suis pas un lion féroce, ni une lionne.
155
BENJAMIN BRITTEN
HERMIA
A very gentle beast and of a good conscience.
DEMETRIUS
The very best at a beast that ere I saw.
THESEUS
But let us listen to the moon.
MOON (STARVELING)
This lanthorn doth the hornéd Moon present.
LYSANDER
He should have worn the horns on his head.
MOON
I, myself the man i’ th’ Moon do seem to be.
156
DEMETRIUS
The man should be put into the lanthorn.
How is it else the man i’th’ Moon?
MOON
This lanthorn doth the horn...
LYSANDER
He dares not come there for the candle.
THESEUS
Proceed Moon.
MOONSHINE
All I have to tell you is that this lanthorn is the Moon;
I, the man i’th’ moon; this thorn-bush, my thorn-bush;
And this dog, my dog.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
HERMIA
Une très gentille bête et une bonne âme.
DÉMÉTRIUS
La meilleure jamais vue chez une bête.
THÉSÉE
Mais écoutons la lune.
LA LUNE (STARVELING)
Cette lanterne représente la lune et ses cornes.
LYSANDRE
Il aurait dû porter les cornes sur sa tête.
LA LUNE
Moi, je suis l’homme qui semble être dans la lune.
157
DÉMÉTRIUS
On devrait mettre l’homme dans la lanterne.
Sinon, comment peut-il être l’homme dans la lune ?
LA LUNE
Cette lanterne représente le croissant...
LYSANDRE
Il n’ose pas y entrer à cause de la chandelle.
THÉSÉE
Continue Lune.
LA LUNE
Tout ce que j’ai à vous dire est que cette lanterne est la lune :
Moi, l’homme dans la lune ; ce fagot d’épines mon fagot d’épines ;
Et ce chien mon chien.
BENJAMIN BRITTEN
HIPPOLYTA
I am weary of this Moon: would he would change.
HELENA, HERMIA, LYSANDER, DEMETRIUS AND THESEUS
But silence; here comes Thisby.
(Enter Thisby.)
THISBY
This is old Ninny’s tomb. Where is my love?
Where is my love? Where is my love?
LION
Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh...
Lion chases Thisby out. She dropsher mantle.
158
DEMETRIUS
Well roared, Lion.
THESEUS
Well run, Thisby.
LYSANDER
Well mous’d, lion.
HERMIA
Well run, Thisby.
HIPPOLYTA
Well shone, Moon.
HELENA
Truly the Moon shines with a good grace.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
HIPPOLYTA
Je suis lasse de cette lune : si elle pouvait changer.
HÉLÉNA, HERMIA, LYSANDRE, D ÉMÉTRIUS & THÉSÉE
Mais silence ; voici venir Thisbé.
(Thisbé rentre.)
THISBÉ
Voici la tombe du vieux Nini. Où est mon amour ?
Où est mon amour ? Où est mon amour ?
LION
Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh...
Le lion chasse Thisbé. Elle laisse tomber son manteau.
DÉMÉTRIUS
Bien rugi, Lion.
THÉSÉE
Bien couru, Thisbé.
LYSANDRE
Bien griffé, Lion.
HERMIA
Bien couru, Thisbé.
HIPPOLYTA
Bien brillé, Lune.
HÉLÉNA
Vraiment, la lune brille avec beaucoup de grâce.
159
BENJAMIN BRITTEN
Enter Pyramus.
PYRAMUS
Sweet Moon, I thank thee for thy sunny beams,
I thank thee, Moon, for shining now so bright;
But stay; O spite! but mark, poor Knight,
What dreadful dole is here? Eyes, do you see?
How can it be! Dainty duck:
O dear! Thy mantle good; what, stain’d with blood!
Approach, ye Furies fell!
O Fates! come, come, cut thread and thrum,
Quail, crush, conclude, and quell!
HIPPOLYTA
Beshrew my heart, but I pity the man.
160
PYRAMUS
O wherefore Nature didst thou Lions frame?
Since Lion vile hath here deflower’d my dear:
Which is: no, no, which was the fairest Dame.
Come, tears, confound; out, sword, and wound
The pap of Pyramus:
(He stabs himself.)
Thus die I, thus, thus, thus, thus, thus.
(Pyramus dies.)
(Raising himself:)
Now am I dead,
Now am I fled,
My soul is in the sky,
Tongue, lose thy light!
Moon take thy flight!
Now die, die, die, die, die.
Exit Moon.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
Entre Pyrame.
PYRAME
Douce Lune, je te remercie pour tes rayons solaires,
Je te remercie, Lune, de briller si brillamment ;
Mais attends ; ô douleur, mais regarde, pauvre chevalier,
Quelle affreuse douleur que voici ?
Mes yeux, voyez-vous ?
Comment cela peut-il être ! Gentil canard :
Ô chérie ! Ton beau manteau ; quoi, tâché de sang !
Venez, féroces Furies !
Ô Parques ! venez, venez, coupez le fil et la filasse,
Tremblez, écrasez, achevez et étouffez !
HIPPOLYTA
Maudit soit mon cœur, mais j’ai pitié de cette homme.
PYRAME
Ô Nature, pourquoi créas-tu des lions ?
Puisqu’un méchant lion a défloré mon adorée :
Qui est, non, non, qui était la plus belle dame.
Venez, pleurs, anéantissez ; viens mon épée et perce
Le téton de Pyrame :
(Il se transperce.)
Ainsi je meurs, ainsi, ainsi, ainsi, ainsi.
(Pyrame meurt.)
(Se relevant :)
Maintenant je suis mort,
Maintenant je suis parti,
Mon âme est au ciel,
Ma langue, perds ta lumière !
Lune, prends la fuite !
Maintenant meurs, meurs, meurs, meurs.
La Lune sort.
161
BENJAMIN BRITTEN
DEMETRIUS
With the help of a surgeon, he might yet recover, and prove
an ass.
THESEUS
Here Thisby comes, and her passion ends the play.
HIPPOLYTA
I hope she will be brief.
Enter Thisby.
162
THISBY
Asleep, my Love? What, dead, my dove?
O Pyramus, arise.
Speak, speak. Quite dumb?
Speak, speak. Quite dumb?
Dead, dead? A tomb
Must cover thy sweet eyes.
These lily lips, this cherry nose,
These yellow cowslip cheeks,
Are gone, are gone: lovers make moan:
His eyes were green as leeks.
Tongue, not a word:
Come, trusty sword.
Come blade, my breast imbrue:
And farewell friends;
(She prepares to stab herself.)
Thus Thisby ends:
(She stabs herself.)
Adieu, adieu, adieu.
THESEUS
Moonshine and Lion are left to bury the dead.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
DÉMÉTRIUS
Avec l’aide d’un chirurgien, il se peut qu’il guérisse et
continue à faire l’âne.
THÉSÉE
Voici venir Thisbé et sa douleur achève la pièce.
HIPPOLYTA
J’espère qu’elle sera brève.
Thisbé rentre.
THISBÉ
Endormi, mon amour ? Quoi, mort ma colombe ?
Ô Pyrame, lève-toi ?
Parle, parle. Tout à fait muet ?
Parle, parle. Tout à fait muet ?
Mort, mort ? Une tombe
Va couvrir tes jolis yeux.
Ces lèvres de lis, ce nez de cerise,
Ces joues de jaune primevère,
Ne sont plus, ne sont plus : gémissez amants :
Ses yeux étaient verts comme des poireaux.
Ma langue, pas un mot :
Viens, fidèle épée,
Viens lame et rougis mon sein :
Et adieu, amis ;
(Elle s’apprête à se transpercer.)
Ainsi finit Thisbé :
(Elle se transperce.)
Adieu, adieu, adieu.
THÉSÉE
Le Clair de Lune et le Lion restent pour enterrer les morts.
163
BENJAMIN BRITTEN
LYSANDER
Ay, and Wall too.
BOTTOM (from the ground)
No, I assure you, the wall is down that parted their fathers.
(Bottom and Flute get up.)
Will it please you to see the Epilogue,
Or to hear a Bergomask dance?
THESEUS
No Epilogue, I pray you;
For your play needs no excuse.
Come, your Bergomask:
164
The other rustics come in andarrange themselves
for the dance. They dance.
Midnight sounds. The rustics stop dancing, bow deeply
to the Duke, Hippolyta and the court,and leave.
The others rise.
THESEUS
The iron tongue of midnight hath told twelve.
Lovers to bed, ’tis almost fairy time.
I fear we shall out-sleep the coming morn
As much as we this night have overwatch’d.
Sweet friends to bed.
HIPPOLYTA
Sweet friends to bed.
HELENA, HERMIA, LYSANDER AND DEMETRIUS
Sweet friends
To bed.
HIPPOLYTA AND THESEUS
To bed.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
LYSANDRE
Oui, et le Mur aussi.
BOTTOM (allongé sur le sol)
Non, je vous assure, le mur est tombé, qui séparait leurs pères.
(Bottom et Flute se relèvent.)
Vous plairait-il de voir la moralité,
Où d’entendre une danse bergamasque ?
THÉSÉE
Pas de moralité, je vous prie ;
Car votre pièce n’a pas besoin d’excuse.
Allez, votre bergamasque :
Les autres artisans entrent et se disposent pour la danse.
Ils dansent. Minuit sonne. Les artisans arrêtent de danser
,
s’inclinent profondément devant le duc, Hippolyta
et la cour, et sortent Les autres se lèvent.
THÉSÉE
La langue de fer de minuit a prononcé douze.
Amants, au lit, c’est presque l’heure des fées.
Je crains que nous dormions au-delà du matin qui vient
Tant nous avons veillé cette nuit.
Doux amis, au lit.
HIPPOLYTA
Doux amis, au lit.
HÉLÉNA, HERMIA, LYSANDRE & DÉMÉTRIUS
Doux amis,
Au lit.
HIPPOLYTA & THÉSÉE
Au lit.
165
BENJAMIN BRITTEN
Enter Cobweb, Mustardseed,Peaseblossom and Moth.
COBWEB AND MUSTARDSEED
Now, now the hungry lion roars,
And the wolf behowls the Moon:
Whilst the heavy ploughman snores,
All with weary task fordone.
PEASEBLOSSOM AND MOTH
Now, now the wasted brands do glow,
Whilst the screech-owl screeching loud,
Puts the wretch that lies in woe
In remembrance of a shroud.
166
COBWEB AND MUSTARDSEED
Now it is the time of night
That the graves, all gaping wide,
Ev’ry one lets forth his sprite.
In the church-way paths to glide.
THE FOUR FAIRIES
And we Fairies, that do run
By the triple Hecate’s team,
From the presence of the Sun,
Following darkness like a dream,
Now are frolic;
Now, not a mouse, not a mouse...
COBWEB AND MUSTARDSEED
... Shall disturb this hallow’d house.
PEASEBLOSSOM AND MOTH
... Shall disturb this hallow’d house.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
Entrent Toile d’araignée, Graine de moutarde,
Fleur des pois et Phalène.
TOILE D’ARAIGNÉE & GRAINE DE MOUTARDE
Maintenant, maintenant le lion affamé rugit,
Et le loup hurle à la lune :
Tandis que ronfle le lourd laboureur,
Epuisé par sa tache accablante.
FLEUR DES POIS & PHALÈNE
Maintenant, maintenant, les braises rougeoient
Tandis que le chat-huant au cri perçant
Rappelle à l’infortuné dans le malheur
Le souvenir du linceul.
TOILE D’ARAIGNÉE & GRAINE DE MOUTARDE
Maintenant c’est l’heure de la nuit
Où les tombes s’ouvrent toutes en grand
Laissant chacune les esprits
Se glisser sur les sentiers de l’église.
LES QUATRE FÉES
Et nous les Fées, qui courons
Près du char de la triple Hécate,
Fuyant la présence du Soleil,
Suivant l’ombre comme un rêve,
Nous voici en liesse ;
A présent, nulle souris, nulle souris...
TOILE D’ARAIGNÉE & GRAINE DE MOUTARDE
... Ne troublera cette maison bénie.
FLEUR DES POIS & PHALÈNE
... Ne troublera cette maison bénie.
167
BENJAMIN BRITTEN
THE FOUR FAIRIES
This hallow’d house, this hallow’d house.
PUCK (from above)
I am sent with broom before,
To sweep the dust behind the door.
Puck arrives with a broom and chases the fairies.
Oberon and Tytania and the other fairies appear.
OBERON
Through the house give glimm’ring light,
Ev’ry elf and fairy sprite,
Sing this ditty after me,
Sing and dance it trippingly.
168
TYTANIA
First, rehearse your song by rote
To each word a warbling note.
OBERON AND TYTANIA
Hand in hand, with fairy grace,
Will we sing, and bless this place.
OBERON, T YTANIA AND FAIRIES
Now, until the break of day,
Through this house each Fairy stray.
To the best bride-bed will we,
Which by us shall blessed be;
And the issue there create
Ever shall be fortunate.
So shall all the couples three,
Ever true in loving be.
With this field-dew consecrate,
Ev’ry Fairy take his gait,
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
LES QUATRE FÉES
Cette maison bénie, cette maison bénie.
PUCK (d’en haut)
En avant-garde, je suis envoyé avec un balai,
Pour chasser la poussière derrière la porte du palais.
Puck arrive avec un balai et chasse les Fées.
Obéron et Titania et les autres Fées apparaissent.
OBÉRON
A toute la maison donnez la lumière fragile et belle,
Que chaque elfe et que chaque fée,
Chante après moi cette ritournelle,
La chante et la danse d’un pas léger.
TITANIA
D’abord, répétez votre chant par cœur
A chaque mot sa résonance.
OBÉRON & TITANIA
Main dans la main, avec la grâce des fées,
Nous chanterons et bénirons ce palais.
OBÉRON, TITANIA & LES FÉES
Maintenant, jusqu’au point du jour,
Que chaque fée erre à travers cette maison.
Nous irons au plus beau lit nuptial
Que nous bénirons.
Et la lignée engendrée là
Sera heureuse, pour l’éternité.
Ainsi ces trois couples toujours
Seront fidèles à leur amour.
Avec la rosée sacrée des prés,
Fée, en marche,
169
BENJAMIN BRITTEN
And each sev’ral chamber bless,
Through this Palace, with sweet peace,
Ever shall in safety rest,
And the owner of it blest.
OBERON
Trip away, make no stay;
Meet me all by break of day.
Exeunt all but Puck.
170
PUCK
If we shadows have offended,
Think but this (and all is mended)
That you have but slumber’d here
While these visions did appear.
Gentles, do not reprehend.
If you pardon, we will mend;
Else the Puck a liar call.
So, good night unto you all.
Give me your hands, if we be friends,
And Robin shall restore amends.
He claps his hands.
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ACTE III
Et bénissez les chambres du palais
D’une douce paix,
Dans une tranquillité infinie,
Que son maître soit béni.
OBÉRON
Envolez-vous, ne tardez pas ;
Au point du jour retrouvez-moi.
Tous sortent sauf Puck.
PUCK
Si nous avons déplu, ombres que nous sommes,
Pensez seulement – et tout sera arrangé –
Que vous n’avez fait que sommeiller ici
Pendant que ces visions vous apparaissaient.
Gentils spectateurs, pas de reproches.
Si vous nous pardonnez, nous ferons mieux ;
Sinon, tenez le Puck pour un menteur.
Sur ce, bonne nuit à tous.
Donnez-moi vos mains si nous sommes amis,
Et Robin sera bien plus gentil.
Il applaudit.
171
CAHIER de LECTURES
William Shakespeare
Titania et Obéron, la querelle
Hermia & Démétrius, la loi contre les amants
Jan Kott
Bestiaire du désir
William Shakespeare
Programme des divertissements...
Peter Brook
Les artisans
Jan Kott
Puck
—
Benjamin Britten
L’original de Shakespeare survivra
William Shakespeare
L’amour-en-attente
Jacques Lonchampt
Une rosée lumineuse
William Shakespeare
Les ruses d’une puissante imagination
WILLIAM SHAKESPEARE
TITANIA & OBÉRON, LA QUERELLE
OBÉRON
Mauvaise rencontre au clair de lune, fière Titania
TITANIA
Quoi, jaloux Obéron. Mes fées, envolons-nous d’ici.
J’ai abjuré son lit et sa compagnie.
OBÉRON
Arrête, lascive libertine. Ne suis-je pas ton seigneur ?
TITANIA
Alors je devrais être ta dame, mais je n’oublie pas
Que tu t’es enfui du pays des fées,
Pour passer des jours entiers sous la forme du berger Corin,
Jouant sur des pipeaux d’avoine et faisant des vers d’amour
A la tendre Philida. Pourquoi es-tu ici,
Revenu des lointaines steppes de l’Inde,
175
WILLIAM SHAKESPEARE
Si ce n’est que cette Amazone bondissante,
Votre maîtresse bottée, votre amante guerrière
Doit épouser Thésée, et que vous venez pour
Apporter à leur lit joie et prospérité.
OBÉRON
As-tu le front Titania de me reprocher
Mon crédit auprès d’Hippolyta
Sachant que je sais ton amour pour Thésée ?
Ne l’as-tu pas, à la faveur de la nuit, emmené
Des bras de Périgénie qu’il avait ravie ?
Ne lui as-tu pas fait rompre sa foi envers la belle Eglé,
Envers Ariane et Antiope ?
TITANIA
Ce sont les inventions de ta jalousie :
Et jamais, depuis l’éclosion de la mi-été,
Nous ne pouvons nous réunir sur la colline, dans la vallée,
la forêt ou les champs,
Près d’une source caillouteuse ou d’un ruisseau bordé de joncs
Ou sur les plages sablonneuses qui longent la mer,
Pour danser nos rondes au sifflement des vents,
Sans que tu ne viennes troubler nos plaisirs par tes envies
de colère.
Et c’est pourquoi les vents, lassés de nous jouer leur musique,
Se sont vengés en aspirant sur la terre
Des brouillards contagieux ; qui, retombant sur la terre,
Ont gonflé d’orgueil les plus chétives rivières
A tel point qu’elles ont débordé de leurs digues.
Le bœuf a donc traîné son joug en vain,
Le laboureur a gaspillé sa sueur, et le blé vert
A pourri dans sa jeunesse imberbe.
La bergerie reste vide dans le champ noyé
Et les corbeaux se sont engraissés du troupeau mort.
Le jeu de marelle est recouvert de boue,
176
TITANIA & OBÉRON, LA QUERELLE
Et le labyrinthe délaissé sur le gazon touffu
N’est plus reconnaissable car nul pied ne le foule.
Les mortels humains sont privés de leurs fêtes d’hiver :
Il n’y a plus d’hymnes, plus de noëls, pour bénir la nuit.
Et c’est pourquoi la lune, souveraine des eaux,
Pâle de colère, a noyé l’atmosphère,
Si bien que les pleurésies abondent.
Et au milieu de ce désordre, nous voyons les saisons
Se défigurer : le givre au front hérissé
S’accroche au sein de la rose cramoisie,
Et sur le crâne chauve et glacé du vieil hiver
Se pose, comme par dérision, un odorant chapelet
De bourgeons d’été. Le printemps, l’été,
L’automne fécond, l’hiver furieux, échangent
Leurs livrées coutumières ; et le monde stupéfait
Ne sait plus les distinguer l’un de l’autre.
Et cette engeance de malheur vient
De notre querelle, de notre discorde.
Nous en sommes les parents et les auteurs.
OBÉRON
A vous d’y remédier alors. C’est en vous.
Pourquoi Titania voudrait-elle contrarier son Obéron ?
Je ne demande qu’un petit garçon
Pour en faire mon page.
TITANIA
Calmez votre cœur.
Je ne vendrai pas cet enfant pour tout l’empire des fées.
Sa mère était une des fidèles de mon ordre.
Que de fois, la nuit, dans l’air épicé de l’Inde,
Nous avons bavardé ensemble.
Assises côte à côte sur les sables jaunes de Neptune,
Nous regardions les navires marchands glisser sur la mer,
Riant de voir leurs voiles s’engrosser
179
WILLIAM SHAKESPEARE
Sous les caresses lascives du vent.
Et elle, le ventre déjà lourd de mon jeune écuyer,
Les singeait de sa jolie marche ondulante,
Et naviguait sur la terre
Pour me chercher des cadeaux, puis s’en revenait
Comme après un long voyage, riche de marchandise.
Mais elle était mortelle, et de cet enfant elle est morte.
Et pour l’amour d’elle j’élève son petit garçon.
Et pour l’amour d’elle je refuse de m’en séparer.
Le Songe d’une nuit d’été. Acte II, scène 1
Traduction : Stuart Seide
© Editions Théâtre national de Chaillot, 1982
WILLIAM SHAKESPEARE
HERMIA & DÉMÉTRIUS
LA LOI CONTRE LES AMANTS
EGÉE (au duc Thésée)
Insulté et meurtri, je viens porter plainte
Contre mon enfant, ma fille Hermia.
Avancez Démétrius. Mon noble seigneur,
Cet homme a mon consentement pour l’épouser.
Avancez Lysandre. Et celui-ci, mon gracieux duc,
A ensorcelé le cœur de mon enfant.
Toi, toi Lysandre, tu lui as envoyé des poèmes
Et tu as échangé des gages d’amour avec mon enfant.
Au clair de lune, sous sa fenêtre, tu as chanté
D’une voix mensongère des vers d’amour menteurs.
Tu es emparé de son imagination
Avec des bracelets de cheveux, des bagues, des babioles,
des bijoux chétifs
Des breloques, des bouquets, des bonbons ; tout ce qu’il faut
Pour saper la résistance de la tendre jeunesse.
179
WILLIAM SHAKESPEARE
Par la ruse tu as dérobé le cœur de ma fille
Et tu as changé l’obéissance qu’elle me doit
En révolte têtue. Ainsi, mon gracieux duc,
Si elle refuse ici, devant Votre Grâce,
De consentir à épouser Démétrius,
Je fais appel à l’ancien privilège d’Athènes :
Comme elle est à moi, je puis disposer d’elle.
Je la donnerai soit à ce gentilhomme,
Soit à la mort,
En vertu de notre loi
Qui a formellement prévu ce cas.
Le Songe d’une nuit d’été. Acte I, scène 1
Traduction : Stuart Seide
© Editions Théâtre national de Chaillot,1982
JAN KOTT
BESTIAIRE DU DÉSIR
Le Songe d’une nuit d’été, ou du moins ce qui pour nous y
semble le plus contemporain et le plus révélateur, est le passage par la bestialité. Tel est le thème principal qui unit les
trois intrigues indépendantes que Shakespeare mène parallèlement. Cet érotisme animal, Titania et Bottom le vivront au
sens le plus littéral, visuel même. Mais le quatuor enamouré
des amants pénètre également dans la zone sombre de l’érotisme animal :
HÉLÉNA
Je suis votre épagneul, Démétrius,
Plus vous me battez, plus je rampe à vos pieds,
Traitez-moi comme votre épagneul, repoussez-moi, battez-moi,
Les lévriers, tenus bride serrée, prêts à s’élancer sur les
traces du gibier, ou encore flagornant leur maître, figurent souvent sur les tapisseries des Flandres représentant des scènes
de chasse. C’était la façon de décorer les murs des palais des
rois et des princes. Mais ici, c’est la jeune fille qui se qualifie
de lévrier se roulant aux pieds de son maître. La métaphore
est brutale, presque masochiste.
181
JAN KOTT
Il serait bon, du reste, d’examiner de près tout le bestiaire
auquel Shakespeare fait appel dans cette pièce. [...]
Vous, serpents mouchetés à la langue fourchue,
Hérissons épineux ne vous montrez pas,
Tritons et orvets, ne vous égarez pas,
N’approchez pas de notre reine des fées,
Pour dormir, Titania s’installe au milieu de roses sauvages,
de clématites, de violettes et de marguerites. Mais la berceuse que lui chantent ses compagnes avant qu’elle s’endorme
semble plutôt effrayante et n’annonce pas de rêves particulièrement suaves : après les serpents, les hérissons, les tritons et
les orvets, sont cités, tour à tour, les araignées venimeuses à
longues pattes, les scarabées et les limaces.
Le bestiaire du Songe n’est pas laissé au hasard. La peau
de vipère séchée, les araignées écrasées et réduites en poudre,
les cartilages de chauve-souris se retrouvent dans toutes les
pharmacopées du Moyen Age et de la Renaissance à titre de
remèdes contre l’impuissance sexuelle et les diverses maladies de femme. Tous ces animaux sont gluants, visqueux ou
velus, d’un contact répugnant. Ils provoquent presque toujours un dégoût immédiat. Dégoût que les manuels de psychanalyse définissent comme étant une névrose d’origine
sexuelle. Les serpents, les escargots, les chauves-souris et les
araignées figurent également dans le bestiaire favori de la clef
des songes freudienne. C’est un rêve de ce genre qu’Obéron
demande à Puck d’envoyer aux amants :
Jusqu’à ce que, sur leur front, le sommeil se glisse,
Contrefaçon de la mort, avec ses pieds de plombs et ses ailes
de chauve-souris.
*
* *
182
BESTIAIRE DU DÉSIR
Ce que tu verras en t’éveillant,
Qu’il devienne ton vrai amant ;
Aime-le, désire-le.
Qu’il soit lynx, chat, ours,
Léopard, sanglier au poil hérissé,
Ce que ton œil à ton réveil verra,
Tu l’aimeras, le chériras.
Obéron prédit nettement que la punition de Titania sera de
coucher avec une bête. [...] Bottom, en définitive, est transformé en âne. Mais dans le cauchemar de cette nuit d’été, l’âne
n’est nullement symbole de la bêtise. Depuis l’antiquité jusqu’à la Renaissance, on a toujours attribué à l’âne une exceptionnelle vigueur sexuelle et on lui a prêté le plus gros et le
plus long phallus de tous les quadrupèdes. [...]
La frêle, la sensible, la lyrique Titania désire un amour
bestial. Puck et Obéron ont qualifié Bottom métamorphosé de
monstre. C’est ce monstre que la fragile et douce Titania attire,
presque de force, presque par violence, sur sa couche. C’était
l’amant qu’elle voulait. Elle en avait rêvé. Mais jamais auparavant, même en son for intérieur, elle n’avait jamais voulu le
reconnaître. Le rêve la libère des interdits. L’âne monstrueux
est violé par la poétique Titania qui ne cesse de babiller à propos de fleurs. [...] Titania, de tous les personnages de la pièce,
est celui qui pénètre le plus loin dans la sphère sombre du
sexe où il n’y a plus beauté ni laideur, mais seulement fascination et libération.
Extrait de Shakespeare, notre contemporain
Traduit du polonais par Anna Posner
© Payot, 1978
WILLIAM SHAKESPEARE
PROGRAMME DES DIVERTISSEMENTS
POUR LES NOCES
D’HIPPOLYTA & DE THÉSEE
PHILOSTRATE
Voici le programme des divertissements qui sont à point.
Choisissez celui que Votre Altesse voudra voir d’abord.
THÉSÉE
« La Bataille des Centaures,
chantée sur la harpe par un eunuque athénien. »
Nous ne voulons pas de ça.
Je l’ai déjà racontée à ma bien-aimée
Pour la gloire de mon cousin Hercule.
« L’émeute des Bacchantes ivres
Déchirant dans leur rage le chantre de Thrace. »
C’est un vieux sujet ; je l’ai vu jouer
La dernière fois quand je revins victorieux de Thèbes.
« Les trois fois trois muses, se lamentant sur la mort
184
PROGRAMME DES DIVERTISSEMENTS
Du Savoir, récemment décédé dans la misère. »
Sans doute quelque satire mordante et critique
Qui ne convient pas à une cérémonie nuptiale.
« La courte et fastidieuse histoire de Pyrame et Thisbé ;
Une comédie très tragique. »
Comique et tragique ? Fastidieuse et courte ?
Autant dire de la glace chaude ou de la neige noire.
Comment trouverons-nous l’accord de ce désaccord ?
PHILOSTRATE
C’est une pièce, monseigneur, longue d’une dizaine de mots :
Je n’en connais pas de plus courte.
Pourtant, monseigneur, elle est de dix mots trop longue ;
Ce qui la rend fastidieuse, car dans toute la pièce
Il n’y a pas un mot juste, ni un acteur dans son rôle.
Et pourtant elle est tragique, mon noble seigneur,
Puisque Pyrame s’y donne la mort :
Ce qui, à la répétition, je dois l’avouer,
M’a fait venir les larmes aux yeux ; mais le plus bruyant
accès de rire
N’a jamais fait couler autant de larmes de joie.
[...]
THÉSÉE
Nous allons l’entendre
PHILOSTRATE
Non, mon noble seigneur,
Elle n’est pas pour vous. Je l’ai entendue d’un bout à l’autre
Et elle ne vaut rien, rien du tout.
A moins que vous ne preniez du plaisir dans leurs intentions
Qui sont tendues à l’extrême et exécutées avec un acharnement cruel,
Pour vous plaire.
185
WILLIAM SHAKESPEARE
[...]
HIPPOLYTA
Je n’aime pas voir l’impuissance accablée
Ni le respect succomber dans ses effort pour plaire.
THÉSÉE
Mais, cher amour, vous ne verrez rien de tel.
HIPPOLYTA
Il dit qu’ils n’y connaissent rien.
THÉSEE
Nous n’en n’aurons que meilleure grâce à les remercier de
ce rien.
Notre plaisir sera de bien prendre ce qu’ils auront pris de
travers ;
Et là où le pauvre labeur échoue, une noble bienveillance
Doit considérer l’effort et la réussite.
Le Songe d’une nuit d’été. Acte V, scène 1
Traduction : Stuart Seide
© Editions Théâtre national de Chaillot, 1982
PETER BROOK
LES ARTISANS
Nous voyons avec quel art Shakespeare a tout situé.
L’Athènes du Songe ressemble à notre Athènes des années
soixante : les ouvriers, comme ils le disent dans la première
scène, ont très peur des autorités. S’ils commettent la moindre
erreur, ils seront pendus, et cela n’a rien de comique. Ils risquent
la pendaison dès qu’ils abandonnent l’anonymat. En même
temps, ils sont irrésistiblement attirés par la carotte des « six
sous par jours » qui leur permettront d’échapper à la pauvreté.
Toutefois, leur véritable motivation n’est pas la gloire, ni
l’aventure, ni l’argent. Ces hommes simples qui ont toujours travaillé de leurs mains, éprouvent dans l’usage qu’ils font de leur
imagination, exactement la même qualité d’amour que celle qui
habituellement sous-tend la relation entre un artisan et ses
outils. C’est ce qui donne à ces scènes à la fois leur force et leur
aspect comique. Ces artisans font des efforts, grotesques en un
sens, car ils poussent la gaucherie à l’extrême, mais à un autre
niveau ils se mettent à leur tâche avec tant d’amour que le sens
de leurs efforts maladroits se transforme sous nos yeux. [...]
Peu à peu, nous en venons à réaliser que les artisans, qui
agissent sans bien comprendre, mais qui se mettent à leur
nouveau travail avec amour, sont en train de découvrir le
théâtre – un monde imaginaire pour eux qu’ils respectent
énormément, instinctivement.
Extrait de Points de suspension. 44 ans d’exploration théâtrale. 1946-1990
Traduction de l’anglais par Jean-Claude Carrière et Sophie Reboud
© Le Seuil, 1992
187
JAN KOTT
PUCK
Les philologues ont depuis longtemps déjà découvert l’origine diabolique de Puck. C’était tout simplement l’un des
noms du diable, dont on se servait – comme du loup-garou ou
des incubes – pour effrayer femmes et enfants. [...]
Puck est le diable et il lui est, à lui aussi, facile de se multiplier. Puck est rapide comme la pensée :
Je puis faire une ceinture autour de la terre
en quarante minutes.
(Acte II, scène 1)
Shakespeare ne s’est pas trompé de beaucoup : le premier
spoutnik soviétique a fait le tour de la terre en quarante-sept
minutes. Pour Puck, le temps et l’espace n’existent pas. Puck
est un illusionniste et un prestidigitateur, tel un Arlequin de la
commedia dell’arte.
Extrait de Shakespeare, notre contemporain
Traduit du polonais par Anna Posner
© Payot, 1978
188
BENJAMIN BRITTEN
L’original de Shakespeare survivra
Il fut décidé en août dernier que j’écrirais l’opéra inaugurant
la reconstruction du Jubilee Hall lors du prochain festival
d’Aldeburgh. Décision relativement subite qui me fit opter pour
un livret déjà existant, le délai étant trop court pour en rédiger un.
Très souvent, les jeunes compositeurs m’écrivent pour me
demander comment utiliser leurs talents : je leur conseille
toujours de saisir les occasions qui se présentent. Ce fut le cas
avec mon nouvel opéra, bon exemple de l’influence des circonstances sur le choix personnel.
Ils se révèle que, plus je vieillis, plus mes préférences vont
aux ouvrages d’auteurs soit très jeunes, soit très âgés. De fait,
j’ai toujours beaucoup aimé Le Songe d’une nuit d’été, et l’ai
toujours appréhendé comme l’œuvre d’un homme très jeune –
peu importe quel âge avait effectivement Shakespeare en l’écrivant. Au plan du théâtre d’opéra, la présence de trois groupes
de personnages – les amoureux, les artisans, les fées – bien distincts mais néanmoins interactifs, rend Le Songe particulièrement stimulant. Cela m’a poussé à varier les textures et les couleurs instrumentales (harpes et percussions accompagnent par
exemple les fées) ; la formation orchestrale réduite ne permet
cependant pas de créer des entités totalement distinctes.
189
BENJAMIN BRITTEN
J’ai toujours jugé périlleux d’aborder le travail musical
d’un opéra avant que le texte n’en soit peu ou prou fixé. Le
compositeur doit discuter avec l’éventuel librettiste pour
qu’ensemble ils décident de la forme à donner au sujet, de la
manière de le traiter. [...] Dans le cas du Songe, transformer la
pièce en livret signifiait pour l’essentiel simplifier et abréger
une histoire particulièrement complexe (chanter un texte est
toujours plus long que le parler et Le Songe intégral aurait eu
la durée de La Tétralogie de Wagner). Avec l’espoir de n’en
pas perdre trop au passage. De fait, les rapports internes et
l’équilibre des proportions ont été une source permanente de
problèmes pour Peter Pears et moi. Nous nous en sommes
tenus rigoureusement au texte de Shakespeare – seule addition : Compelling thee to marry with Demetrius/ [T’obligeant
à épouser Démétrius], adressé par Lysandre à Hermia à l’acte
1 – travaillant à partir de plusieurs éditions (principalement
les reproductions en fac-similé des premiers in-folio et inquarto). Je n’ai aucun remords d’avoir coupé la moitié de la
pièce ; l’original de Shakespeare survivra ! Je n’ai pas eu non
plus scrupule à m’attaquer à un chef-d’œuvre dont la musique
des mots est déjà puissante par elle-même : la musique de
Shakespeare et la mienne appartiennent à des domaines différents. Ma musique n’était pas, au départ, le véhicule intentionnel d’une lecture particulière de la pièce, que j’aurais
aussi bien pu exprimer par des mots – mais on a beau vouloir
s’abstenir de toute interprétation précise, on ne peut l’éviter.
On ne trouve pas dans mon Songe la même tension dramatique que dans Le Tour d’écrou ; les scènes y sont plus nombreuses, l’ensemble est moins uniforme, la forme le rapproche
de Peter Grimes. J’ai eu plus de peine à écrire cet opéra que les
deux autres ; d’une part l’œuvre en chantier est toujours plus
difficile, d’autre part aborder Shakespeare est un défi considérable : à chaque instant du travail, on est conscient de l’impossibilité de se permettre la moindre faiblesse de la musique,
appelée qu’elle est à se greffer sur une poésie d’un tel niveau.
190
L’ORIGINAL DE SHAKESPEARE
J’ai commencé le travail effectif sur l’opéra en octobre et
l’ai terminé, je crois, le vendredi saint – soit sept mois plus
tard, orchestration comprise. Rien à voir avec la rapidité de
Mozart ou de Verdi, mais plutôt rare de nos jours où l’écriture
musicale n’emploie plus de voie toute tracée. J’avais écrit
Faisons un opéra en quinze jours mais, pour mes opéras de
grandes dimensions, le Ruban bleu revient au Songe.
Composer un opéra ou composer des airs séparés, c’est
très différent : un opéra comporte certes des airs, mais aussi
d’autres formes musicales et une structure dramatique. Pour
le Songe comme pour mes autres ouvrages lyriques, c’est la
conception musicale générale qui m’a d’abord occupé l’esprit,
mais sans rien de concret : j’aurais pu décrire la musique, pas
en jouer la moindre note. [...] J’ai composé une bonne partie
du troisième acte avec une forte grippe et n’y ai pris aucun
plaisir. Mais j’ai découvert que l’envie ou non de travailler
n’affecte en rien la qualité du travail. Bien souvent, c’est précisément lorsqu’on a le sentiment d’avoir fait du bon travail
qu’il faut prendre garde : l’esprit critique n’était-il pas complètement assoupi ?
Je n’ai pas tenté de donner à mon opéra un parfum élisabéthain : il n’est pas plus élisabéthain que la pièce de
Shakespeare n’est athénienne. Mais il semblera peut-être surprenant en un ou deux points : les fées, par exemple, ont peu
en commun avec ces petites choses innocentes qu’on voit dans
maintes productions. J’ai toujours été frappé par le côté acerbe
des fées de Shakespeare, ainsi que par quelques bizarreries
qu’elles ont à prononcer – telle la tirade débutant par « You
spotted snakes with double tongue /[Vous, serpents mouchetés à
la langue fourchue] ». Ces fées, il est vrai, sont les gardes du
corps de Titania et c’est pourquoi il leur revient parfois une
musique martiale (on trouve le mal comme le bien dans le
monde des esprits, tout autant que dans le monde réel). [...]
Par ailleurs, Puck est un personnage ne ressemblant à
aucun autre dans la pièce. Il me semble être totalement amo191
BENJAMIN BRITTEN
ral, encore qu’innocent. Ce sera dans cette production un
jeune homme de quinze ans (Puck n’a pas à chanter, il se
contente de parler et de gambader). L’idée d’un tel Puck m’est
venue à Stockholm, en voyant des enfants acrobates, aussi
extraordinairement agiles que doués pour le mime.
Conçu pour une salle de 316 places, mon Songe est donc
écrit à petite échelle, sans mobiliser de grandes masses. Ce qui
n’est pas sans avantages : on peut travailler en détail, avec plus
de rigueur. Les chanteurs n’ayant pas à déployer un volume
sonore aussi uniforme, on peut exploiter une large palette de
couleurs vocales. On peut les choisir bons acteurs, ou disposés
à le devenir. Un curieux snobisme inversé, qui dénie tout
sérieux à l’opéra, fait rechercher aujourd’hui dans notre pays
l’interprétation scénique la plus mauvaise possible ; certains
amateurs de lyrique semblent préférer les chanteurs incapables
de jouer, ceux qui, plantés à l’avant-scène sous les projecteurs,
se contentent de hurler. Moi, je veux des chanteurs-acteurs.
Mozart, Gluck ou Verdi ne demandaient pas autre chose.
Extraits d’un article publié dans The Observerle 5 juin 1960
quelques jours avant la création du Songe d’une nuit d’été
WILLIAM SHAKESPEARE
L’AMOUR-EN-ATTENTE
OBÉRON
Mon gentil Puck, viens ici. Te souviens-tu
D’un jour où, du haut d’un promontoire,
J’écoutais une sirène perchée sur le dos d’un dauphin,
Qui chantait un air si doux et si harmonieux,
Que la mer insolente s’adoucit à sa voix.
Et que plusieurs étoiles bondirent
Follement hors de leur sphère
Pour écouter la musique de cette fille des mers ?
PUCK
Je m’en souviens.
OBÉRON
A cet instant même je vis, – mais toi tu n’as pas pu le voir –
Je vis voler entre la froide lune et la terre
Cupidon tout armé. Il visa une belle vestale
193
WILLIAM SHAKESPEARE
Dont le trône est à l’occident,
Et décocha de son arc une flèche d’amour assez violente
Pour percer cent mille cœurs.
Mais le dard brûlant du jeune Cupidon
S’éteignit dans les chastes rayons de la lune humide
Et la prêtresse impériale poursuivit sa route,
Dans une rêverie virginale, libre de toute passion.
Mais j’ai noté l’endroit où tomba le trait de Cupidon.
Il toucha une petite fleur d’occident,
Naguère blanche comme le lait, aujourd’hui empourprée
par cette blessure d’amour.
Les jeunes filles l’appellent « l’amour-en-attente ».
Cherche-moi cette fleur ;
Je t’en ai montré une fois la feuille.
Son jus, versé sur des paupières endormies,
Rendra tout homme ou toute femme follement amoureux
De la première créature vivante qu’il verra.
Le Songe d’une nuit d’été. Acte II, scène 1
Traduction : Stuart Seide
© Editions Théâtre national de Chaillot, 1982
JACQUES LONCHAMPT
UNE ROSÉE LUMINEUSE
Etait-ce le suc de la petite fleur d’Occident, généreusement
dispensé par Puck, je ne sais, mais nous fûmes comme « anesthésiés de bonheur » par cette féerie de clair de lune dès les
premiers soupirs d’aise, les glissandos montant et descendant
aux cordes de l’ouverture. L’étrange et magique voix de hautecontre d’Obéron, si émouvante et humaine, d’un être retenu
dans l’écorce d’un sylvain, symbolisait la profondeur de l’imaginaire shakespearien et de cette musique merveilleusement
propre à une poésie qui ne connaît ni la peine ni le péché.
Britten retrouve ici les accents de son modèle : deux notes de
célesta, quatre gammes montantes, un froissement de harpe, un
grognement de contrebasse, quelques coups de baguette légère
sur un gong, ouvrent les plus fraîches sources du rêve, et tout
aussi bien de l’ironie et de la farce légère. Et la musique jaillit
des mots comme s’ils avaient été écrits ensemble. Musique de
songe dont il ne reste au matin qu’une rosée lumineuse comme
le souvenir des elfes enfuis. [...]
Comme un souffle de vent, comme l’odeur des bois,
comme un poème dont chaque mot est une surprise et cependant, à l’évidence, le seul possible...
Extrait d’un article paru dans Le Monde du 19 mai 1967 après la création
du Songe d’une nuit d’été à Paris. Repris dans L’opéra aujourd’hui
© Editions du Seuil, 1970
195
WILLIAM SHAKESPEARE
LES RUSES
D’UNE PUISSANTE IMAGINATION
HIPPOLYTA
C’est bien étrange, mon Thésée, ce que racontent ces amants.
THÉSÉE
Plus étrange que vrai. Jamais je ne pourrais croire
A ces vieilles fables, à ces contes de fées.
Les amoureux et les fous ont un cerveau si bouillant
Et une fantaisie si fertile qu’ils conçoivent plus de choses
Que la raison froide n’en comprendra jamais.
Le fou, l’amant et le poète
Sont faits d’imagination totalement.
L’un voit plus de démons que le vaste enfer n’en peut contenir,
C’est le fou. L’amant, tout aussi extravagant,
Voit la beauté d’Hélène sur un front égyptien.
L’œil du poète, roulant dans un beau délire,
Voyage du ciel à la terre, de la terre au ciel,
Et de même que l’imagination donne un corps
196
LES RUSES D’UNE PUISSANTE IMAGINATION
Aux choses inconnues, la plume du poète
Leur donne un visage et accorde un nom
Et un lieu dans l’espace à ce qui n’est qu’un rien dans l’air.
Telles sont les ruses d’une puissante imagination :
Si elle conçoit une joie,
Elle invente aussi le porteur de cette joie.
Ou, la nuit, si elle imagine quelque peur,
Le buisson devient facilement un ours.
HIPPOLYTA
Oui, mais toute l’histoire de la nuit qu’ils nous ont racontée
Et tous leurs esprit hallucinés en même temps,
Ce sont plus que les images de la fantaisie.
C’est quelque chose d’une grande signification.
De toute façon, c’est étrange et admirable.
Le Songe d’une nuit d’été. Acte V, scène 1
Traduction : Stuart Seide
© Editions Théâtre national de Chaillot, 1982
CARNET de NOTES
Benjamin Britten
Repères biographiques
& Notice bibliographique
—
Le Songe d’une nuit d’été
Orientations discographiques
BENJAMIN BRITTEN REPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
1914.
Début de la Première Guerre
mondiale. La Grande-Bretagne
déclare la guerre à l’Allemagne
le 4 août.
BRITTEN
1913.
Naissance le 22 novembre
à Lowestoft (Suffolk).
1916.
Autriche-Hongrie : mort de
l’empereur François-Joseph.
1917.
Révolution d’Octobre
en Russie.
1918.
Fin de la Première Guerre
mondiale.
1918-1920.
Guerre civile en Russie,
victoire des bolcheviks.
1919.
Traité de Versailles.
En Allemagne, naissance
de la République de Weimar.
1921.
Partition de l’Irlande
et indépendance de l’Irlande
du sud (Eire).
200
1919.
Premières leçons de musique et
premiers essais de composition
« d’ambitieux poèmes
symphoniques pour le piano.
Ils duraient quelques 20
secondes et étaient inspirés
par de grands événements
familiaux. » (Britten)
Exemple : Savez-vous que mon
Papa est allé à Londres
aujourd’hui ?
BRITTEN & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCES & ARTS
1913.
1913.
Naissance de Lutoslawski.
Thomas Mann, La Mort
Stravinsky, Le Sacre du printemps. à Venise.
1915.
Malevitch, Carré noir
sur fond blanc.
1916
Freud, Introduction à
la psychanalyse.
Henry James, Le Tour d’écrou.
1918.
Mort de Debussy.
Bartók, Le Château
de Barbe-Bleue.
1919.
1919.
Elgar, Concerto pour violoncelle. Fondation du Bauhaus
à Weimar.
1921.
Albert Einstein, prix Nobel
de physique.
1922.
Joyce, Ulysse.
201
BENJAMIN BRITTEN REPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
1924.
Dictature de Mussolini
en Italie.
BRITTEN
1923.
Prend des leçons d’alto,
compose des valses pour piano,
commence à composer
pour les cordes.
1926.
Hiro-Hito devient empereur
du Japon.
1929.
Krach boursier à Wall Street et
début d’une crise économique
internationale.
1928.
Rencontre le compositeur
Frank Bridge qui devient
son professeur à Londres.
Compose les Quatre chansons
françaises sur des textes
de Hugo et de Verlaine.
1930.
Entre au Royal College of
Music. Étudie la composition
avec John Ireland et le piano
avec Arthur Benjamin.
1933.
Allemagne : accession au
pouvoir du NSDAP, Hitler
devient chancelier.
202
1933.
Création de la Sinfonietta
pour orchestre à cordes.
BRITTEN & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCES & ARTS
1923.
Naissance de Ligeti.
1924.
Naissance de Luigi Nono.
Mort de Fauré, Busoni, Puccini.
1925.
Alban Berg, Wozzeck.
Naissance de Dietrich FischerDieskau, de Pierre Boulez et
Luciano Berio.
1927.
Berg, Suite lyrique.
Stravinsky, Œdipus Rex.
Varèse, Arcana.
1927.
Arthur Conan Doyle publie la
dernière enquête de Sherlock
Holmes.
1928.
Kurt Weill, Bertolt Brecht :
L’Opéra de quat’sous.
Ravel, Boléro.
Naissance de Stockhausen.
Mort de Janácek.
1928.
Découverte de la pénicilline
par Fleming.
Mort de Thomas Hardy.
1930.
Première anglaise de la 9 e
Symphonie de Mahler.
1933.
Naissance de Penderecki.
1931.
Virginia Woolf, Les Vagues.
1932.
Aldous Huxley, Le Meilleur
des mondes.
203
BENJAMIN BRITTEN REPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BRITTEN
1933.
Rencontre Schoenberg
en février et entend Pierrot
lunaire en novembre.
1934.
A Norwich, dirige la création
de la Simple Symphony, pour
orchestre à cordes.
Mort de son père.
Entend Wozzeckde Berg en
concert. Voyage en Europe
(Florence, Vienne, ...).
Rencontre le ténor Peter Pears
qui deviendra son interprète
d’élection et son compagnon.
1935.
Compose la musique de films
documentaires pour la GPO
Films Units pour qui il travaille
plusieurs années. Dans ce
cadre, il rencontre le poète et
librettiste Wystan Hugh Auden.
1936.
En France, arrivée au pouvoir
du Front populaire de
Léon Blum.
Début de la guerre civile
en Espagne.
1936.
Composition et création, sous
la direction d’Adrian Boult, de
Our Hunting Fathers, pour voix
et orchestre.
1937.
Création, au Festival de
Salzbourg des Variations sur un
thème de Frank Bridge, pour
orchestre à cordes.
204
BRITTEN & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCES & ARTS
1933.
Lubitsch, Sérénade à trois.
1934.
Naissance de Harrison
Birtwistle et de Peter Maxwell
Davies
Mort de Elgar, Holst, Delius.
Chostakovitch, Lady Macbeth
de Mzensk.
1935.
Mort de Berg.
Gershwin, Porgy and Bess.
1935.
Le Songe d’une nuit d’été,
film de Max Reinhardt
et William Dieterle avec Olivia
de Havilland, James Cagney,
Mickey Rooney.
1936.
Naissance de Gilbert Amy.
Prokofiev, Pierre et le loup.
1936.
Mort de Rudyard Kipling.
Graham Greene, Tueur à gages.
1937.
Mort de Ravel, Roussel,
Gershwin.
Bartók, Musique pour cordes,
percussions et célesta.
205
BENJAMIN BRITTEN REPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
1938.
Chamberlain et Daladier
signent les accords de Munich
avec l’Allemagne nazie et
l’Italie fasciste.
BRITTEN
1937.
Mort de sa mère.
1939.
Début de la Deuxième Guerre
mondiale. Le Royaume-Uni et
la France déclarent la guerre à
l’Allemagne le 3 septembre.
1939.
5 avril : départ pour le Canada
et les États-Unis en compagnie
de Peter Pears. Leur séjour se
prolongera jusqu’en 1942.
1940.
Churchill succède à
Chamberlain comme
Premier Ministre.
Le général de Gaulle, réfugié
à Londres, lance l’appel à la
résistance le 18 juin.
Bataille aérienne d’Angleterre
de juillet à novembre perdue
par l’Allemagne.
1940.
Création à Londres des
Illuminations pour voix et
orchestre à cordes, sur un texte
de Rimbaud.
Britten et Pears s’installent
chez Auden à Brooklyn.
1941.
Début de l’opération
Barberousse, offensive
allemande sur l’URSS.
1941.
Création à New York de la
Sinfonia da Requiem sous la
direction de John Barbirolli et
de son premier opéra, Paul
Bunyan sur un livret de Auden.
1942.
Retour en Angleterre.
Comparaît devant le tribunal
de l’objection de conscience et
est exempté du service militaire.
206
BRITTEN & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCES & ARTS
1938.
Hindemith, Mathis le peintre.
1939.
Hitchcock, Rebecca, avec
Laurence Olivier.
Jean Renoir, La Règle du jeu.
1940.
Chaplin, Le Dictateur.
1941.
Mort de Frank Bridge.
1942.
Mort de Zemlinsky.
Strauss, Capriccio.
207
BENJAMIN BRITTEN REPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BRITTEN
1942.
Création de A Ceremony of
Carols pour voix de femmes
et harpe.
1943.
Création de la Sérénade pour
ténor, cor et cordes, avec Peter
Pears et Dennis Brain.
1944.
Débarquement des Alliés
en Normandie.
208
1945.
Conférence de Yalta :
Staline, Churchill, Roosevelt
définissent l’organisation du
monde de l’après-guerre.
8 mai : capitulation de
l’Allemagne.
6 et 9 août : les Etats-Unis
larguent des bombes atomiques
sur Hiroshima et Nagasaki.
1945.
Création de Peter Grimes
le 7 juin au Sadlers Wells
de Londres.
En été, se rend avec Yehudi
Menuhin dans les camps de
concentration récemment libérés.
1946.
Début de la “guerre froide”.
1946.
Création du Viol de Lucrèce,
avec Kathleen Ferrier, sous la
direction d’Ernest Ansermet au
festival de Glyndebourne.
Fonde, avec Peter Pears, le
soprano Joan Cross et l’écrivain
et librettiste Eric Crozier,
l’English Opera Group.
BRITTEN & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCES & ARTS
1943.
Saint-Exupéry, Le Petit Prince.
1944.
Naissance de Peter Eötvös.
Bartók, Concerto pour orchestre.
Michael Tippett, A child
of our time.
1945.
Mort de Webern et de Bartók.
1946.
Pierre Boulez, Sonatine pour
flûte et piano, Première sonate
pour piano.
209
BENJAMIN BRITTEN REPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BRITTEN
1947.
Fin de l’empire britannique
des Indes.
1947.
S’installe à Aldeburgh
avec Peter Pears.
Création de Albert Herring
au festival de Glyndebourne.
1948.
Assassinat de Gandhi.
Naissance de l’état d’Israël.
1948.
Premier festival d’Aldeburgh :
création de Saint Nicolas,
cantate pour ténor, chœur
et orchestre.
1949.
Création de l’Organisation du
Traité de l’Atlantique Nord.
1949.
Création de Faisons un opéra /
Le Petit Ramoneur
à Aldeburgh.
1952.
Mort du roi Georges VI.
1953.
Couronnement de la reine
Elisabeth II.
1951.
Dirige la création de Billy
Budd à Covent Garden.
1953.
Création de Gloriana
à Covent Garden.
1954.
Dirige la création du Tour
d’écrou à Venise.
1955.
Churchill quitte définitivement
le 10 Downing Street.
210
BRITTEN & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCES & ARTS
1949.
Mort de Richard Strauss.
Naissance de Michaël Levinas.
1949.
Orwell, 1984.
1950.
Mort de George Bernard Shaw.
1951.
Mort de Schoenberg.
Stravinsky, The Rake’s Progress. 1952.
Arthur Koestler,
La Corde raide.
1953.
Mort de Prokofiev.
Mort d’Arnold Bax.
1953.
Walt Disney, Peter Pan.
Winston Churchill, prix Nobel
de littérature.
1954.
Walton, Troïlus et Cressida
1954.
William Golding, Sa Majesté
des Mouches.
1955.
Tippett, The Midsummer Marriage.
Naissance de Toshio Hosokawa.
1955.
Ingmar Bergman, Sourires
d’une nuit d’été.
211
BENJAMIN BRITTEN REPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BRITTEN
1956.
Expédition franco-britannique
de Suez contre l’Égypte de
Nasser ; retrait un jour après.
1956.
Voyage à Bali où il découvre
la musique des gamelans,
et au Japon.
1957.
Signature du Traité de Rome
instituant la Communauté
Éonomique Européenne.
1957.
1er janvier : dirige la création
du ballet en 3 actes Le Prince
des pagodes à Covent Garden
dans une chorégraphie
de John Cranko.
1958.
En France, retour de Charles
de Gaulle au pouvoir et début
de la V e République.
1958.
Création de Noye’s Fludde
au festival d’Aldeburgh.
1961.
Construction du mur de Berlin.
212
1960.
Dirige la création du Songe
d’une nuit d’été au festival
d’Aldeburgh.
Première rencontre avec
Chostakovitch et Rostropovitch.
1962.
Indépendance de l’Algérie.
1962.
Dirige la création du War
Requiem à la cathédrale de
Coventry avec Heather Harper,
Peter Pears et Dietrich FischerDieskau.
1963.
Assassinat du président
des USA, John Kennedy.
1963.
Séjourne en URSS à l’occasion
du festival de musique
britannique.
BRITTEN & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCES & ARTS
1956.
Mort de Bertolt Brecht.
1957.
Mort de Sibelius.
Poulenc, Dialogues
des carmélites.
Bernstein, West Side Story.
1958.
Mort de Ralph Vaughan
Williams.
1959.
Beckett, La Dernière Bande.
1960.
Harold Pinter, Le Gardien.
1961.
Mort de Percy Grainger.
Henze, Élégie pour jeunes
amants.
1961.
Youri Gagarine est le premier
homme dans l’espace.
1962.
Tippett, King Priam .
Stravinsky, Le Déluge.
1962.
Peter Brook met en scène
Le Roi Lear au festival de
Stratford.
1963.
Mort de Poulenc.
Mort de Hindemith.
213
BENJAMIN BRITTEN REPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BRITTEN
1964.
Création de La Rivière au
courlis au festival d’Aldeburgh,
église d’Orford.
1965.
Mort de Winston Churchill.
1965.
Voyage en Inde et en Arménie.
1966
Création de La Fournaise
ardente au festival
d’Aldeburgh, église d’Orford.
Passe Noël à Moscou avec
Chostakovitch et Rostropovitch.
1968.
Mouvements étudiants et
sociaux en France et dans
le monde.
Assassinat de Martin
Luther King.
1968.
Création du Fils prodigue,
troisième et dernière des
paraboles d’église, au festival
d’Aldeburgh, église d’Orford.
La Croisade des enfants,
ballade pour chœur d’enfants,
percussions, deux pianos et
orgue de chambre, sur un texte
de Brecht.
1969.
Dirige Peter Grimes
pour la télévision.
214
BRITTEN & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCES & ARTS
1964.
Francis Bacon, Trois figures
dans une pièce.
1965.
Richard Rodney Bennett,
Les Mines de soufre.
Bernd Aloïs Zimmermann,
Les Soldats.
1965.
Mishima, Madame de Sade.
Orson Welles, Falstaff.
1966.
Antoine et Cléopâtrede Samuel
Barber pour l’inauguration du
nouveau Metropolitan Opera
de New York.
1967.
Walton, L’Ours.
1968.
Birtwistle, Punch and Judy.
Berio, Sinfonia
1969.
Chostakovitch, Quatorzième
Symphonie pour soprano, basse
et orchestre, dédiée à Britten.
1967.
Première greffe du cœur
réalisée au Cap par le docteur
Barnard.
1969.
Premiers pas de l’homme
sur la lune.
215
BENJAMIN BRITTEN REPÈRES BIOGRAPHIQUES
HISTOIRE
BRITTEN
1970.
Dirige l’enregistrement télévisé
de Owen Wingrave.
1973.
Entrée de la Grande-Bretagne
dans la Communauté européenne.
1975.
Chute de Saïgon. Fin de la
guerre du Vietnam. Défaite des
États-Unis.
1976.
Le travailliste, James
Callaghan remplace
le travailliste Harold Wilson,
démissionnaire, au 10 Downing
Street.
216
1973.
En mai, il est opéré du cœur
à Londres.
Création de Mort à Veniseau
festival d’Aldeburgh, sous la
direction de Steuart Bedford,
repris peu après à Covent
Garden.
1976.
Création de Phaedra au festival
d’Aldeburgh par Janet Baker,
sa dédicataire.
Meurt le 4 décembre à
Aldeburgh où il est enterré.
BRITTEN & SON TEMPS
MUSIQUE
LITTÉRATURE
SCIENCES & ARTS
1969.
Maxwell Davies, Huit chants
pour un roi fou.
1969.
Jean-Christophe Averty réalise
Le Songe d’une nuit d’été pour
l’ORTF (avec Claude Jade,
Christine Delaroche, Christiane
Minazzoli, Jean-Claude Drouot).
1970.
Walton, Improvisations sur un
impromptu de Benjamin Britten.
Let it be, dernier album
des Beatles.
1970.
Peter Brook monte Le Songe
d’une nuit d’été au Festival
de Stratford.
1971.
Mort de Stravinsky.
1974.
Mort de Darius Milhaud,
Frank Martin.
Olivier Messiaen, Des canyons
aux étoiles.
1972.
Mort d’Ezra Pound.
1973.
Mort de Wystan Hugh Auden.
1975.
Mort d’Arthur Bliss.
Mort de Chostakovitch.
1976.
Pierre Boulez et Patrice
Chéreau dirigent et mettent en
scène La Tétralogie pour le
centenaire du festival
de Bayreuth.
1976.
Mort d’André Malraux.
217
BENJAMIN BRITTEN NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE
Sur le compositeur
MILDRED CLARY. Benjamin Britten ou le mythe de l’enfance,
Buchet-Chastel, 2006.
XAVIER DE GAULLE. Benjamin Britten ou l’impossible quiétude,
Actes Sud, 1996.
Sur Le Songe d’une nuit d’été
Le Songe d’une nuit d’été, L’Avant-Scène / Opéra, no 146, 1992.
218
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ ORIENTATIONS DISCOGRAPHIQUES
BENJAMIN BRITTEN
Orchestre symphonique de Londres. Chœurs de Downside
& Emanuel Schools
Avec Alfred Deller (Obéron), Elisabeth Harwood (Tytania),
Stephen Terry (Puck), John Shirley-Quirk (Thésée),
Helen Watts (Hippolyta), Peter Pears (Lysandre),
Thomas Hemsley (Démétrius), Josephine Veasey (Hermia),
Heather Harper (Héléna), Owen Brannigan (Bottom),
Norman Lumsden (Quince), Kenneth Macdonald (Flute),
David Kelly (Snug), Robert Tear (Snout),
Keith Raggett (Starveling)
1966 – Decca
RICHARD HICKOX
City of London Sinfonia. Trinity Boyschoir
Avec James Bowman (Obéron), Lilian Watson (Tytania),
Dexter Fletcher (Puck), Norman Bailey (Thésée),
Penelope Walker (Hippolyta), John Graham-Hall (Lysandre),
Henry Herford (Démétrius), Della Jones (Hermia), Jill Gomez
(Héléna), Donald Maxwell (Bottom)
1993 – Virgin
COLIN DAVIS
Orchestre symphonique de Londres. New London Children’s Choir
Avec Brian Asawa (Obéron), Sylvia McNair (Tytania),
Carl Ferguson (Puck), Brian Bannatyne-Scott (Thésée),
Hillary Summers (Hippolyta), John Mark Ainsley (Lysandre),
Paul Whelan (Démétrius), Ruby Philogene (Hermia),
Janice Watson (Héléna), Robert Lloyd (Bottom),
Gwynne Howell (Quince), Ian Bostridge (Flute),
Stephen Richardson (Snug), Marc Tucker (Snout),
Neal Davies (Starveling)
1996 – Philips
219
COLLECTION OPÉRA de LYON
BÉLA BARTÓK
Le Château de Barbe-Bleue, 2007
LUDWIG VAN BEETHOVEN
Fidelio, 2003
ALBAN BERG
Wozzeck,2003
GEORGES BIZET
BENJAMIN BRITTEN
EMMANUEL CHABRIER
DIMITRI CHOSTAKOVITCH
CLAUDE DEBUSSY
PASCAL D USAPIN
PETER EÖTVÖS
HANS WERNER HENZE
LEOS JANÁCEK
Djamileh, 2007
Curlew River, 2008
Le Roi malgré lui, 2005
Moscou, quartier des cerises,2004
Pelléas et Mélisande, 2004
Faustus, The last night, 2006
Lady Sarashina, 2008
L’Upupa & le triomphe de l’amour filial, 2005
Jenufa, 2005
Kátia Kabanová, 2005
L’Affaire Makropoulos, 2005
GEORG-FRIEDRICH H AENDEL
Alcina, 2006
TOSHIO HOSOKAWA
Hanjo, 2008
FRANZ LEHÁR
MICHAËL LEVINAS
CLAUDIO M ONTEVERDI
WOLFGANG AMADEUS MOZART
JACQUES OFFENBACH
La Veuve joyeuse, 2006
Les Nègres, 2004
L’Orfeo, 2004
Le Couronnement de Poppée,2005
La Flûte enchantée, 2004
Cosi fan tutte, 2006
Les Noces de Figaro, 2007
Les Contes d’Hoffmann, 2005
La Vie parisienne, 2007
FRANCIS POULENC
La Voix humaine, 2007
GIACOMO PUCCINI
Il Tabarro, 2007
JEAN-PHILIPPE RAMEAU
SALVATORE SCIARRINO
Les Boréades, 2004
Luci mie traditrici, 2007
COLLECTION OPÉRA de LYON
IGOR S TRAVINSKY
RICHARD STRAUSS
TAN DUN
PIOTR ILLITCH TCHAÏKOVSKI
GIUSEPPE VERDI
RICHARD WAGNER
KURT WEILL
ALEXANDER VON ZEMLINSKY
The Rake’s Progress,2007
Ariane à Naxos, 2005
Tea, 2004
Mazeppa, 2006
Eugène Onéguine, 2007
La Dame de pique, 2008
Falstaff, 2004
Lohengrin, 2006
Siegfried, 2007
Le Vol de Lindbergh,
Les Sept Péchés capitaux,2006
Une tragédie florentine, 2007
Chargé d’édition
Jean Spenlehauer
Conception & Réalisation
Brigitte Rax / Clémence Hiver
Impression
Imprimerie Lussaud
Opéra national de Lyon
Saison 2007/08
Directeur général
Serge Dorny
OPÉRA NATIONAL DE LYON
Place de la Comédie
69001 Lyon
Renseignements & Réservation
0.826.305.325 (0,15 e/mn)
www.opera-lyon.com
L’Opéra national de Lyon est conventionné par le ministère de la Culture et
de la Communication, la Ville de Lyon, le conseil régional Rhône-Alpes
et le conseil général du Rhône.
Pour la présente édition
© Opéra national de Lyon, 2008
ACHEVÉ d’IMPRIMER
en ce début de printemps 2008
pour les représentations du
Songe d’une nuit d’été
à l’Opéra national de Lyon
dans une mise en scène de Robert Carsen
réalisée par Emmanuelle Bastet
et sous la direction musicale de
Constantinos Carydis
ISBN 978-2-849560-35-8
Dépôt légal : mars 2008

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