La Chanson De Roland murielle1423 Free Fr

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La Chanson De Roland murielle1423 Free Fr
MOYEN ÂGE
Un roman de chevalerie
La Chanson de Roland
(2151)
I. Pourquoi lire
La Chanson de Roland en cinquième ?
En tout premier lieu, parce que les programmes du
cycle central prescrivent la lecture d’un roman de chevalerie en classe de cinquième et que La Chanson de Roland
en est sans doute l’archétype par excellence en même
temps qu’il est un roman fondateur de la littérature
française.
Ensuite, parce que, bien qu’oublié des manuels qui ne
lui consacrent que peu de pages, ce texte constitue un
lien intéressant entre les épopées antiques lues en classe
de sixième et les romans courtois de la seconde moitié du
XIIe siècle (tel Lancelot ou le Chevalier de la charrette).
Enfin, parce que l’étude de La Chanson de Roland
permet de répondre à un objectif fondamental des programmes du cycle central : « Donner [aux élèves] les
moyens de former leur jugement personnel […]. »
Cette œuvre, presque millénaire, contemporaine de la
première croisade, fait montre d’intolérance et de racisme
dans un monde totalement manichéen. Considérant
qu’il ne sert à rien d’occulter que l’un des textes phares
94
UN ROMAN DE CHEVALERIE
de la littérature française revendique des valeurs contraires à celles qui sont aujourd’hui les nôtres, nous pensons que ce dernier constitue, au contraire, un formidable outil de réflexion sur des valeurs aussi essentielles
que le respect de l’autre. À travers une lecture guidée
par l’enseignant, les élèves sont amenés à réfléchir sur
l’importance du contexte dans lequel une œuvre est
produite, et sur la manière dont elle peut être perçue
selon les époques où elle est lue. Cela permet d’envisager, très modestement, l’approche critique d’un texte.
II. Remarques sur la présente édition
La traduction reprise par notre édition est celle de
Jean Dufournet (GF-Flammarion, 1993), qui respecte les
laisses du manuscrit de Turold sans reproduire le rythme
décasyllabique des vers, ni les rimes et assonances qui les
terminent. (Aussi, la séquence pédagogique ci-dessous
ne propose-t-elle aucune activité spécifique sur la prosodie de La Chanson de Roland.)
Compte tenu de sa longueur, La Chanson de Roland
pouvait difficilement être présentée dans son intégralité
à des élèves de cinquième. Toutefois, les extraits retenus
par notre édition, qui correspondent aux deux tiers de
l’œuvre, s’efforcent d’en donner une idée assez complète
et ne négligent aucune des principales séquences narratives. La numérotation des laisses du texte intégral a par
ailleurs été conservée.
LA CHANSON DE ROLAND
95
III. Proposition de séquence pédagogique
Séance n˚ 1 : une œuvre, un contexte (1 heure)
Objectifs → Différencier temps de l’énonciation et temps
de l’énoncé.
→ Comprendre le contexte historique de production de l’œuvre.
Supports → Chronologie et présentation de La Chanson
de Roland, manuel d’histoire, dictionnaire
ou encyclopédie.
Travail préparatoire : chercher la date de la bataille de
Roncevaux et celle de la première croisade.
Cette séance d’approche s’appuie essentiellement sur
le paratexte qui accompagne notre édition (chronologie
et présentation). Le lien avec le programme d’histoire
de cinquième étant évident, il semble judicieux de ne
pas débuter l’étude de l’œuvre avant que les élèves aient
abordé le Moyen Âge dans ce cours. Le bref travail préparatoire qui leur est demandé doit leur faire prendre
conscience de l’écart de trois siècles qui sépare le
moment de l’écriture des faits relatés. Cet écart peut
être ramené à notre époque : quelles représentations
avons-nous du début du XVIIIe siècle ? Comment pouvons-nous imaginer le XXIVe siècle ?
On peut ainsi définir un moment d’énonciation et
s’intéresser à la fin du XIe siècle en France. À partir de
documents que l’on fournit aux élèves, et éventuellement en liaison avec le professeur d’histoire, on leur
demande de répondre aux questions suivantes :
– Qu’appelle-t-on les croisades ?
– Quels étaient leurs objectifs avoués ?
– Quand eut lieu la première croisade ? Par qui futelle menée ?
– Qui participait aux croisades ?
96
UN ROMAN DE CHEVALERIE
Le lien avec La Chanson de Roland peut ensuite être
établi avec le questionnaire suivant, dont l’objectif est de
préciser le moment de l’énoncé :
– À quelle date La Chanson de Roland fut-elle écrite ?
– Quels événements relate-t-elle ?
– À quelle date ces événements ont-ils eu lieu ?
À partir de ces deux questionnaires peut s’engager
une discussion sur le récit historique : à quels problèmes
un écrivain se heurte-t-il lorsqu’il raconte une histoire
vieille de trois cents ans ? Doit-il se documenter précisément ou laisser libre cours à son imagination ? Peut-il
recréer une époque disparue jusque dans ses croyances
et ses mentalités ? Lui est-il possible de faire abstraction
des connaissances de son époque et de tous les faits qui
la marquent et la bouleversent ? Bien entendu, il ne
s’agit pas d’approfondir ces problèmes en classe de cinquième, mais simplement de faire percevoir aux élèves
que la distance historique séparant le moment de l’écriture de celui des faits racontés renseigne plus sur
l’époque de Turold que sur celle de Charlemagne. Les
conclusions de cette séance seront reprises pour introduire la cinquième séance (« histoire et légende dans La
Chanson de Roland »).
Séance n˚ 2 : travaux de repérage – la structure narrative de
l’œuvre (1 heure)
Objectifs → Se familiariser avec l’œuvre dans son ensemble.
→ Fournir un outil de travail utilisable pour
l’ensemble de la séquence.
→ Mettre en évidence les ressorts dramatiques du récit.
Support → Découpage ci-dessous.
Travail préparatoire : lecture individuelle de l’ensemble de
l’œuvre.
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LA CHANSON DE ROLAND
Laisses
1
Événements principaux
Présentation de Charlemagne et Marsile.
2-3
Le conseil de Marsile.
4-7
Voir résumé de ce passage dans notre édition.
8-10
Ambassade de Blancandrin chez Charlemagne.
11-37
Voir résumé de ce passage dans notre édition.
38-52
Trahison de Ganelon.
53-57
Voir résumé de ce passage dans notre édition.
58-64
Préparatifs de départ de Roland.
66-68
Départ des deux armées.
69-78
Voir résumé de ce passage dans notre édition.
79-82
Olivier découvre la trahison de Ganelon.
83-88
Première dispute entre Roland et Olivier.
89-90
Bénédiction de Turpin.
91-92
Début de la bataille.
93-103
Duels victorieux des pairs francs.
104-111
Victoire des Francs.
112-119
Arrivée de Marsile en renfort.
120-126
Premières victoires des Sarrasins.
127-128
Défaite des Francs.
129-132
Seconde dispute entre Roland et Olivier.
133-136
Roland sonne du cor.
137-139
Charlemagne fait demi-tour.
142
Roland blesse Marsile.
143
Arrivée de nouveaux renforts sarrasins.
144-151
Blessure et mort d’Olivier.
152-154
Ultime résistance des trois derniers Francs.
155
Blessure de Turpin.
156-160
Fuite des Sarrasins devant Roland seul.
161-167
Agonie et mort de Turpin.
98
UN ROMAN DE CHEVALERIE
168-176
Agonie et mort de Roland.
177-186
Voir résumé de ce passage dans notre édition.
187-188
Retour de Marsile à Saragosse.
189-190
Arrivée de l’émir Baligant en renfort de Marsile.
191-203
Voir résumé de ce passage dans notre édition.
204-213
Deuil de Charlemagne.
214-257
Seconde bataille entre Francs et Sarrasins.
258-262
Duel victorieux de Charlemagne face à Baligant.
263-266
Déroute des Sarrasins, mort de Marsile et prise de Saragosse.
268-269
Retour des Francs à Aix et mort d’Aude.
270-279
Procès de Ganelon.
280-286
Jugement de Dieu entre Thierry et Pinabel.
287-289
Mise à mort de Ganelon et des siens.
290-291
Conversion et baptême de la reine.
On propose aux élèves le découpage de l’œuvre réalisé ci-dessus.
On leur demande de répondre aux questions suivantes :
– Quels personnages sont présentés dans la première
laisse ?
– Dans quels lieux successifs l’action se déroule-t-elle ?
– Quel événement « lance » l’action ?
– À quel moment du récit Roland disparaît-il ?
– Quelle péripétie relance l’action à sa mort ?
– Qui devient alors le personnage principal ?
– Quel nouveau rebondissement se produit après la
fuite de Marsile ?
– À son retour, quel dernier problème Charlemagne
doit-il résoudre ? Qu’annonce la dernière laisse ?
LA CHANSON DE ROLAND
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Séance n˚ 3 : travaux de repérage sur les personnages (1 heure)
Objectifs → Étudier le point de vue du narrateur.
→ Aborder le lexique péjoratif et mélioratif.
→ Aborder l’ethnocentrisme du texte.
Travail préparatoire : exercice « Des noms évocateurs »
(dossier à la fin du volume).
À travers cette séance, on se propose d’aborder la difficile notion d’ethnocentrisme. Le texte présente deux
mondes bâtis sur des structures sociales identiques et
peuplés de personnages similaires. Au sommet, les
souverains : si Marsile est un roi faible et veule qui pleurniche auprès de ses conseillers (laisse 2), s’enfuit lors de
la bataille (laisse 143) pour se coucher « misérablement » à terre (laisse 187) et « rendre son âme aux
diables en personne » (laisse 264) à l’annonce de la
défaite finale, il en est tout autrement de Baligant,
l’émir de Babylone qui vient le secourir, et ressemble
ainsi à Charlemagne. Baligant est un « vieillard chargé
d’ans » (laisse 189), qui « a vraiment tout d’un baron. Il
a la barbe aussi blanche que fleur ; en sa religion il est
très savant, et en bataille il est farouche et hardi »
(laisse 229) : ce portrait est à rapprocher de celui de
Charlemagne (laisse 8). Le duel qui l’oppose à l’empereur est long et indécis (laisses 258-262) tant les deux
souverains sont de valeur égale ; l’issue de ce combat
décide du sort de la guerre.
Aux ordres des souverains, la noblesse : de part et
d’autre, les titres sont identiques, la hiérarchie également. À la laisse 2, Marsile « interpelle ses ducs et ses
comtes » et leur demande de le conseiller « en sages
vassaux ». Quand la guerre est décidée, Aelroth, neveu
de Marsile, choisit douze chevaliers pour leurs qualités
guerrières, à l’instar des pairs menés par Roland. Là
encore, Français et Sarrasins diffèrent par leur religion,
100
UN ROMAN DE CHEVALERIE
non par leur valeur : ainsi le portrait de Blancandrin
(laisse 3) est-il des plus flatteurs, le texte original le qualifiant même de « prud’homme ». Cette vision ethnocentrique du monde musulman par un auteur chrétien
ouvre sur une question : s’agit-il d’une méconnaissance
liée à un manque d’informations ou d’un choix de
l’auteur ?
Cette apparente similitude entre les deux « camps »
opposés cache pourtant une fracture irréductible. Cette
cassure s’exprime explicitement à la laisse 79, quand
Roland dit à Olivier : « Les païens sont dans leur tort, les
chrétiens dans leur droit. » Les Sarrasins ont beau posséder une organisation sociale et militaire calquée sur
celle des Francs, leurs noms ressembler à ceux des Français (sur un mode dépréciatif ; voir dossier, « Des noms
évocateurs »), leurs armées en marche offrir un spectacle grandiose (laisse 79), ils demeurent les soldats du
Mal. Leur puissance et leurs préoccupations ne sont que
matérielles ; lors du duel final qui l’oppose à Charlemagne, Baligant propose à ce dernier de lui donner son
pays en fief et de le « servir jusqu’en Orient », ce à quoi
Charlemagne répond : « Reçois […] la foi chrétienne, et
aussitôt je t’aimerai » (laisse 260). Là où l’émir ne
cherche que le pouvoir personnel, l’empereur se présente en simple soldat de Dieu, sacrifiant sa propre tranquillité à la cause qu’il sert, comme le dit la dernière
laisse du texte.
À travers cette opposition, c’est donc le combat entre
le Bien et le Mal que La Chanson de Roland met en scène.
Les Sarrasins y sont présentés comme les doubles diaboliques des Français. Et si le narrateur est omniscient, il
ne manque pas de prendre parti par des interventions
directes (« nos Français », laisse 93) mais aussi par l’utilisation systématique des registres mélioratif pour les
Français et péjoratif pour leurs ennemis. Les exemples
sont nombreux et peuvent aisément être repérés par les
LA CHANSON DE ROLAND
101
élèves : ainsi peuvent-ils relire la laisse 94 (Falsaron tué
par Olivier agissant « en vrai baron »).
Séance n˚ 4 : l’univers des chevaliers
(2 heures : recherches par groupes et synthèses en classe entière)
Objectifs → Acquérir le vocabulaire et les connaissances
nécessaires au travail de rédaction (voir cidessous séance n˚ 6, « Séance d’écriture »).
→ Prendre la parole devant la classe.
Travail préparatoire : constitution de groupes de recherche
dans la classe.
Le thème de cette séance étant assez vaste, il semble
judicieux de répartir les recherches entre différents
groupes qui présenteront leurs résultats à l’ensemble de
la classe. Les sujets abordés peuvent être les suivants
(nous indiquons entre parenthèses les numéros des
laisses à faire relire plus particulièrement aux élèves, et
proposons quelques questions destinées à guider leurs
recherches) :
– Les qualités du parfait chevalier (laisses 83 à 88, 96
à 101, 116 à 121, 129 à 132, 150) : quelles sont les principales qualités de Roland et d’Olivier ? En quoi ces
qualités sont-elles complémentaires ? Pourquoi Roland
refuse-t-il de sonner du cor avant la bataille ? Pourquoi
change-t-il d’avis alors qu’il est trop tard ? Comment réagissent les Français quand ils se voient inférieurs en
nombre ? Comment réagissent-ils quand l’un des leurs
est tué ?
– Armes et rituels de combat (laisses 46, 81, 82, 84, 91,
94, 95, 106, 155, 215, 228) : comment les adversaires
s’abordent-ils lors des duels ? Que se disent-ils ? Quels
sentiments éprouvent-ils ? De quelles armes disposent-ils
(vous pouvez également utiliser le glossaire) ? Comment
se nomment les épées de Roland, Olivier, Turpin, Mar-
102
UN ROMAN DE CHEVALERIE
sile, Charlemagne et Baligant ? Comment se nomment
les chevaux de Roland et de Charlemagne ? Quel est le
cri de guerre des Français ?
– La religion chrétienne (laisses 89-90, 150, 155, 174 à
176, résumé des chapitres 177-186, 261, 264 à 266, 290291) : que font les Français avant la bataille ? Comment
se comportent-ils au moment de mourir ? À quoi pensent-ils ? Quelles interventions surnaturelles se produisent au cours du récit ? Comment appelle-t-on ce genre
d’intervention chez les chrétiens ? Quand les Français
entrent dans Saragosse, que font-ils aux édifices religieux ? Qu’advient-il de la reine Bramidoine (ou
Bramimonde) ?
– Bons et mauvais conseillers (laisses 2-3, 8 à 10, 38 à
52, 62, 134-135) : quelles sont les qualités de Blancandrin ? Pourquoi est-ce un homme dangereux ? Ganelon
dit-il du mal de Charlemagne ? À qui cherche-t-il avant
tout à nuire ? Par quels arguments se laisse-t-il convaincre
de trahir son camp ? Pourquoi Naimes est-il un bon
conseiller ?
– Les manifestations du deuil (laisses 148 à 151, 205 à
213, 268-269) : que font les personnages quand ils sont
tristes ? Jusqu’où leur douleur peut-elle aller ? Quels
hommages sont rendus aux morts (éloges funèbres, rites
funéraires) ?
– Les règles de la justice (laisses 270 à 289) : qui juge
Ganelon ? Pourquoi n’est-il pas immédiatement reconnu
coupable ? Quel rôle jouent Pinabel et Thierry ? Pourquoi leur duel est-il déterminant ? Pourquoi la famille
de Ganelon est-elle exécutée avec lui ?
LA CHANSON DE ROLAND
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Séance n˚ 5 : histoire et légende dans La Chanson de Roland
(1 heure)
Objectif → Distinguer histoire et légende (rechercher
les procédés d’écriture marquant la démesure).
Travail préparatoire : rechercher les exagérations du texte au
sujet de Charlemagne.
La première séance (voir ci-dessus) a permis aux
élèves de percevoir la dimension historique de La
Chanson de Roland. Mais comment passe-t-on de l’histoire
à la légende ?
Une première étape du travail consistera à s’intéresser au personnage de Charlemagne, déjà évoqué lors
de la séance n˚ 3. Roi incontesté, il apparaît dans toute
sa majesté, « la barbe blanche et la tête fleurie, le corps
bien fait et le maintien farouche » (laisse 8). Lorsque ses
ennemis parlent de lui, ils en font une description
hyperbolique : ainsi Blancandrin s’exclame-t-il à trois
reprises que le roi des Francs doit être âgé de plus de
deux cents ans, et qu’il a « réduit à mendier » de nombreux rois à la suite d’innombrables batailles toujours
victorieuses (laisses 40, 41, 42). Ses rêves prémonitoires
permettent par ailleurs à Charlemagne de communiquer avec Dieu, qui arrête pour lui la course du soleil et
lui permet ainsi de rattraper l’armée de Marsile. Enfin,
quand son bras faiblit, c’est saint Gabriel qui, par sa
semonce, lui donne la force de vaincre Baligant
(laisse 261). Roi parfait, que sa nature place au-dessus
des hommes, il est bien « l’empereur à la barbe fleurie »
dont les manuels d’histoire ont colporté la légende des
siècles durant.
L’autre figure légendaire du récit est bien entendu
Roland. En s’appuyant sur le travail effectué lors de la
séance précédente, les élèves pourront mettre en évi-
104
UN ROMAN DE CHEVALERIE
dence la dimension merveilleuse du personnage, dont
« la tempe se rompt » quand il sonne du cor (laisse 134)
et dont les adversaires impuissants admettent « qu’il est
si farouche qu’il ne sera vaincu par aucun mortel »
(laisse 160). Les superlatifs ne manquent pas pour le
décrire au combat ni même lorsqu’il s’agit de l’évoquer
se lamentant sur le corps d’Olivier (« Jamais sur terre
vous n’entendrez homme plus affligé », laisse 150) ou
fait l’apologie de ses soldats, « tels […] que pas un n’est
lâche » (laisse 88). Inébranlable dans sa loyauté comme
dans son courage, invincible à moins d’une trahison,
Roland est donc avant tout un personnage de légende.
Au-delà des figures de l’empereur et de son neveu, La
Chanson de Roland est imprégnée d’exagérations relevant
du merveilleux. Ainsi les nombreux duels sont-ils l’occasion d’échanger des coups si spectaculaires qu’Hollywood en fera sans doute un jour son profit (laisses 104,
106, 107, 124…). Les haines entre adversaires, pour éphémères qu’elles soient, y prennent d’ailleurs des formes
extrêmes, soulignées par l’emploi du superlatif : à la
laisse 95, ayant entendu une remarque désobligeante du
Berbère Corsablis, Turpin considère que « sous le ciel il
n’est homme qu’il haïsse davantage » et se précipite
pour le tuer.
De même, le nombre d’ennemis abattus par les seuls
Roland, Olivier et Turpin – plus de quatre mille, « selon
la Geste » (laisse 127) – relève-t-il de l’hyperbole. Cette
dernière indication est d’autant plus intéressante qu’elle
se place sous le signe du témoignage écrit, puisque la
Geste s’appuie sur « les chartes et les documents ». Histoire et légende semblent ici étroitement mêlées, la
force de l’écrit l’emportant sur la vraisemblance. Il en va
de même pour la laisse 110, qui mêle au fracas des
armes le déchaînement de la nature, avec « une prodigieuse tourmente […] hors de toute mesure » qui s’empare de la France entière et laisse croire à la fin du
LA CHANSON DE ROLAND
105
monde, ainsi que pour la laisse 209, à la fin de laquelle
« cent mille Français s’évanouissent contre terre » pour
s’associer au deuil de leur empereur.
Ces exagérations épiques ont pour effet de donner
une ampleur universelle à la mort de Roland. D’ailleurs,
lorsque celle-ci survient, « des anges du ciel descendent
jusqu’à lui » (175), suprême marque d’honneur.
Séance n° 6 : écriture d’un récit de combat singulier au cours de
la bataille (2 heures)
Objectif → Réinvestir l’acquis des séances précédentes
(procédés d’écriture, vocabulaire, codes
culturels, etc.).
Supports → Travaux effectués depuis le début de la
séquence.
→ Glossaire des termes médiévaux (voir édition).
Ce travail de rédaction permettra de vérifier la
compréhension du travail effectué, en particulier dans
les domaines du vocabulaire (lexique médiéval), des
procédés d’écriture (hyperboles, emplois du superlatif)
et de la civilisation (rituels du duel, règles du combat
chevaleresque).
Séance n° 7 : débat – se connaître mutuellement pour s’accepter
(2 heures : recherche et débat)
Objectifs → Mettre en place un débat à partir de recherches préalables.
→ Définir la notion de tolérance.
Supports → Documents du CDI sur l’histoire des religions, manuel d’histoire, dictionnaire ou
encyclopédie.
106
UN ROMAN DE CHEVALERIE
Travail préparatoire : recherches sur les origines et les dogmes
fondamentaux du christianisme et de l’islam, ainsi que sur la
définition du mot « tolérance ». Ce travail de recherche peut être
effectué en collaboration avec le professeur d’histoire.
Afin de mener à bien le débat, les élèves doivent se
renseigner sur l’islam : il est notamment essentiel qu’ils
entrevoient l’invraisemblance historique de la présentation de cette religion par La Chanson de Roland. On
se référera par exemple aux laisses 68 (« On dresse
Mahomet sur la plus haute tour ») et 187, qui présentent
les musulmans comme des idolâtres vénérant trois dieux
à la fois et les foulant aux pieds lorsque ceux-ci n’ont pas
pu leur apporter la victoire.
Les recherches sur les dogmes chrétien et musulman
permettront de faire ressortir les points communs,
voire les filiations qui existent entre les deux religions,
là où Turold s’ingénie à créer des oppositions irréductibles : monothéisme, reconnaissance de l’Ancien Testament et du statut de prophète de Jésus par l’islam… Ces
points éclaircis, le débat sur la tolérance peut alors
s’engager.
IV. Orientations bibliographiques
A. Sur la littérature médiévale et la chanson de geste
Jean RYCHNER, La Chanson de geste, Droz, 1995.
François SUARD, Chanson de geste, in Dictionnaire universel des
littératures, PUF, 1994.
Michel ZINK, La Littérature française du Moyen Âge, PUF, 1992.
B. Sur La Chanson de Roland
La bibliographie consacrée à La Chanson de Roland est très
importante mais aussi très « savante » et difficilement utilisable dans le cadre d’une préparation de cours. On se
contentera donc de signaler :
LA CHANSON DE ROLAND
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– l’introduction de Jean DUFOURNET à La Chanson de Roland,
GF-Flammarion, 1993 ;
– le parcours de lecture de François-Jérôme BEAUSSARD de La
Chanson de Roland, CRDP de Picardie, 1995.
Patrice KLEFF.