La mémoire des camps annexes de Natzweiler-Struthof

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La mémoire des camps annexes de Natzweiler-Struthof
mémoire
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LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 906 - mars 2016
Après son évacuation en septembre 1944 devant l’avance alliée, le camp de Natzweiler-Struthof en Alsace annexée essaima une multitude de camps
annexes ou Kommandos situés à l’est du Rhin, dans un territoire qui englobe aujourd’hui le Bade-Wurtemberg ; parmi eux, les « camps du Neckar »
où furent détenus de nombreux Français. Après des décennies de refoulement, leur souvenir vit désormais dans plus de 70 mémoriaux, dont la
mission est aussi pédagogique que civique. Lors d’un récent colloque à Paris, la mémoire des camps annexes de Natzweiler a été largement évoquée.
Entre déni et commémoration
La mémoire des camps annexes
de Natzweiler-Struthof
Nous avons rendu compte dans le PR
de janvier 2016 du colloque « Natzweiler
Struthof, un camp sur les deux rives du
Rhin » qui s’est tenu les 2-3 décembre 2015
à l’Institut historique allemand de Paris.
Parmi les thèmes abordés, les quelque 70
camps annexes de Natzweiler créés à l’est
du Rhin, dans une région du sud-ouest
de l’Allemagne englobant aujourd’hui le
Land de Bade-Wurtemberg. Longtemps
occultés par la population, et les pouvoirs
publics, ils font depuis les années 90 l’objet
d’un travail de mémoire constructif,
dans lequel les anciens déportés ont
« Dans les premières années d’après-guerre
la société allemande dans sa majorité ne s’intéressa pas aux anciens camps extérieurs.
Les terrains et bâtiments furent démontés ou affectés à d’autres usages sans que
cela fasse grand bruit », a expliqué au colloque Marco Brenneisen, responsable du
Mémorial de Mannheim-Sandhofen. « La
joué un rôle certain, et qui se poursuit
de nos jours en lien avec le mémorial du
camp souche, de l’autre côté du Rhin.
Nous avons voulu revenir sur l’évolution
méconnue de la mémoire de ces camps
annexes, en présentant une synthèse
des interventions au colloque de trois
représentants du Bade-Wurtemberg :
celles de Marco Brenneisen (Mémorial de
Mannheim-Sandhofen), Dorothee Roos
(Mémorial de Neckarelz) et Sibylle Thelen
(Landeszentrale für politische Bildung,
Centrale pour la formation civique du
Bade-Wurtemberg).
mémoire et le souvenir des victimes furent
laissés principalement aux proches des victimes, aux rescapés et aux Alliés. Si du côté
allemand on mit en place des signes commémoratifs – croix en bois ou petites plaques,
dans des cimetières ou sur des fosses communes, ce ne fut en règle générale qu’à la
demande des autorités d’occupation. Les
inscriptions sur les plaques étaient d’ailleurs très ­vagues, indiquant rarement qu’il
s’agissait de victimes d’un camp de concentration (KZ). C’est pourquoi le cimetière du
KZ de Heilbronn-Neckargartach constitue
une exception notable, puisqu’il fut créé et
aménagé dès 1946 par des habitants – des
sociaux-démocrates, des communistes et le
président de la paroisse évangélique –, qui
notifièrent clairement sur un grand monument l’existence du camp de concentration.
Dans la quasi totalité des autres lieux allemands où fonctionna un camp extérieur de
Natzweiler, l’attitude de la population face
à l’histoire de ces camps de concentration
fut longtemps, parfois même jusqu’aux années 1980, caractérisée par le silence, le refoulement, la banalisation et la négation. »
Marco Brenneisen dégage trois raisons pour
expliquer ce comportement. Il rappelle premièrement que l’idéologie nazie continua
d’imprégner les esprits après le 8 mai 1945 et
que la société allemande n’engendra pas du
jour au lendemain des démocrates ­résolus à
se confronter au passé.
Il souligne ensuite que les victimes étrangères des KZ furent souvent assimilées à
des « victimes de guerre », même par des
Allemands non nazis. « La population allemande était avant tout préoccupée par son
propre sort, souligne le chercheur. Outre la
pénurie matérielle individuelle et la reconstruction des villes bombardées, elle pleurait
surtout la perte de proches ou d’amis pendant
la guerre. De ce fait, la mort des “Häftlinge”
des camps de concentration fut à la fois sortie
du contexte de la répression et de la détention en KZ et les victimes des camps furent
considérées plutôt comme des combattants
à ranger parmi les ­adversaires militaires de
l’Allemagne. Preuve en est notamment le
voca­bulaire utilisé pendant des décennies
dans l’administration, sur les plaques du
souvenir et même dans le langage courant :
“cimetière étranger”, “cimetière des Alliés”,
ou simplement “nécropole” ». lll
Le Mémorial de Neckarelz et la mobilisation citoyenne dans le Land
Dorothee Roos : « Le travail de mémoire dans le BadeWurtemberg est parti des citoyennes et citoyens. Le Land
et quasiment toutes ses villes et districts ne voulaient pas se
souvenir des lieux de répression, de terreur et de résistance,
des synagogues ou des camps de concentration. Dans les années 80-90, des groupes de citoyens se formèrent donc pour
en retrouver les traces localement. La plupart n’étaient pas des
Le nouveau bâtiment du Mémorial de
Neckarzelz inauguré en 2011 dans la
cour de l’école où logèrent les déportés.
­ istoriens professionnels mais des enseignants, des prêtres, des
h
syndicalistes ou tout simplement des gens engagés et intéressés par l’histoire… Ils demandèrent aux politiques locaux la
création de mémoriaux sur les lieux du souvenir. Ce combat
dura longtemps et beaucoup de mémoriaux ne furent créés
que très tard, plus de 50 ans après la fin de la dictature nazie. »
En 1993, une association « KZ-Gedenkstätte Neckarelz » était
constituée qui obtint non sans mal qu’un petit mémorial soit
aménagé dans l’école primaire qui abrita les concentrationnaires. Il fut inauguré en 1998 en présence de survivants de
plusieurs pays. Un an plus tard se concrétisa un autre projet,
© Tim Krieger
D
orothee Roos, présidente de l’Association « KZGedenkstätte Neckarelz » (Mémorial des camps de
Neckarelz), a rappelé dans son exposé que le camp
de Neckarelz fut ouvert en mars 1944 après la délocalisation dans ce village de la vallée du Neckar d’une partie de
l’usine de moteurs d’aviation Daimler-Benz de Genshagen
(Brandebourg). Il s’agissait de mettre la production de guerre
de cette usine à l’abri des bombardements alliés dans les galeries souterraines d’une ancienne mine de gypse. L’opération
reçut le nom de code « Goldfisch ».
Le premier convoi de 500 déportés en provenance de Dachau
arriva le 15 mars 1944. Les détenus furent logés dans l’école
primaire du village qu’ils durent d’abord transformer en
camp de concentration. Puis ils commencèrent à construire
l’usine dans la mine, au prix d’efforts considérables. D’autres
déportés furent amenés en renfort et de nouveaux camps ouvrirent dans les environs : Neckarelz II, Neckargerach, Asbach,
Neckarbischofsheim et Bad Rappenau. Au total, 5 400 détenus (90 % de politiques) d’au moins 22 nations passèrent par
ces six camps jusqu’en mars 1945. Parmi eux 1 871 Polonais,
1 318 Français et 1 203 Soviétiques.
A l’instar de tous les camps annexes de Natzweiler situés
dans le Bade-Wurtemberg, le souvenir effacé de Neckarelz
ne ressurgit que dans les années 1980. Le point de départ,
explique Dorothee Roos, fut la publication de deux ouvrages
universitaires, sur le camp et sur Daimler-Benz qui suscitèrent
un large écho dans la région et amorcèrent une dynamique :
chercheurs et citoyens militants se mirent à creuser cette histoire et à nouer des contacts avec d’anciens détenus, français
en particulier. Dès la fin des années 80, un groupe de travail
était formé dans la ville de Mosbach, à laquelle Neckarelz
était désormais rattaché.
le « Sentier d’apprentissage de l’histoire » (Geschichtslehrpfad
Goldfisch) qui relie et dessert les vestiges extérieurs de l’usine
souterraine de Daimler-Benz.
Entre-temps, l’association avait rejoint le réseau des mémoriaux du Bade-Wurtemberg créé en 1995. Au nombre d’une
vingtaine, les mémoriaux obtinrent un modeste financement
du Land, qui suffit tout juste à produire livres, brochures et
petites expositions.
Mais le travail s’est poursuivi, avec ténacité. De 20 mémoriaux dans les années 1995, on est passé aujourd’hui à un réseau de près de 70 mémoriaux ! Chacun travaillant selon ses
méthodes et en toute autonomie par rapport au Land qui soutient leurs activités. Leurs collaborateurs sont des bénévoles
à une écrasante majorité.
D’une grande variété et décentralisé, le « paysage
­mémoriel » ainsi créé dans le Bade-Wurtemberg en ­l ’espace
de deux décennies n’a pas d’équivalent dans les autres
Länder allemands, nous a confirmé Dorothee Roos : « Là
où existèrent de plus grands camps (Dachau, Flossenbürg,
Ravensbrück, Bergen-Belsen, Neuengamme, etc.), ce sont
souvent les anciens détenus qui firent pression sur les
Länder en demandant que les lieux soient conservés et
que des mémoriaux soient érigés. De ce fait, l’Etat y est
intervenu relativement tôt, le plus souvent dans les années
soixante, et aujourd’hui y travaillent des professionnels historiens, archivistes, pédagogues, etc., souvent appuyés
il est vrai par des bénévoles. »
Avec ses bénévoles, le Mémorial de Neckarelz entend bien
poursuivre son travail en étroite coopération avec le Mémorial
de Dachau, le réseau des camps annexes de Natzweiler a­ insi
qu’avec le Centre européen du résistant déporté, sur l’autre
rive du Rhin. n
mémoire
LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 906 - mars 2016
Belgique
Luxembourg
Reich
allemand
Guttenbach/Binau
France
Natzweiler-Struthof
IIIe Reich
Pays ou régions
annexés par
le IIIe Reich
Suisse
France occupée
Pays neutre
Camp souche
Nouveaux sièges
de la Kommandantur
Camps annexes
Le camp de Natzweiler et tous ses camps annexes
de 1943 à 1945.
Plus des deux-tiers des 52 000 immatriculés à
Natzweiler ne sont jamais passés par le camp souche
et ont été détenus dans les camps annexes.
Carte conçue pour l’exposition bilingue : « Bientôt la liberté nous reviendra :
la double fin du camp de Natzweiler » / Landeszentrale für politische Bildung
Baden-Württemberg.
La troisième raison invoquée par Marco
Brenneisen est à rechercher dans les rapports
qui s’établirent à l’époque entre la population, les camps et leurs gardiens SS. Nombre
de ces camps se trouvaient en effet à proximité ou même à l’intérieur de villes et villages. Les produits alimentaires comme le
pain et les légumes provenaient de fournisseurs locaux, les gardiens passaient leur
temps libre dans les environs, des amitiés
et des liaisons amoureuses se nouèrent aussi entre les uns et les autres. Dans les zones
agricoles, le KZ joua parfois un rôle dans
l’économie locale et une partie des habitants
en profita. C’est ainsi qu’après la guerre « la
peur de poursuites pénales collectives de la
part des Alliés à l’encontre de la population
entraîna une sorte de “solidarité locale”, qui
consista à jeter un voile pudique sur l’histoire du camp ».
Lorsque du fait des autorités d’occupation
(françaises et américaines pour le BadeWurtemberg) ou des survivants des camps,
le silence était rompu, « deux récits principaux déterminèrent le discours des habitants
jusque dans les années 1980 et même 1990,
note Brenneisen : d’abord l’affirmation qu’on
n’avait rien su. Et puis la référence à l’aide que
la population aurait accordée aux concentrationnaires. On trouve rarement un témoignage de civil allemand ne mentionnant pas
que la population aurait souvent fait passer
aux détenus du pain, des aliments et du tabac. Nul doute que cette aide se manifesta
dans presque tous les camps extérieurs, mais
il s’agissait en règle générale de cas individuels et non pas d’une attitude majoritaire
dans la population, comme le suggèrent le
plus souvent les témoignages. »
Enfin, estime Marco Brenneisen, la manière dont on allait aborder officiellement la
question des camps annexes et la mémoire
des victimes – si tant est qu’on le fit – dépendait en grande partie des traces laissées par
des survivants sur les sites des crimes ou des
marques du souvenir érigées près des fosses
lll
communes par les autorités d’occupation. Or
à l’exception du KZ Vaihingen, qui fut libéré
début avril 1945 par l’armée française, tous
les camps annexes de Natzweiler furent évacués dans les jours ou semaines précédant
l’arrivée des Alliés. Si bien que souvent à la
fin de la guerre les traces étaient déjà effacées ou rien n’indiquait plus à l’extérieur
qu’il s’agissait d’un KZ.
A quelques exceptions près, ce sont s­ urtout
des survivants ouest-européens qui attirèrent l’attention des occupants américains
et français sur les anciens camps. Alors que
les rescapés d’Europe de l’Est rentrés chez
eux n’eurent guère la possibilité de se faire
entendre en Allemagne. Par conséquent les
camps, surtout ceux de la zone américaine,
« où furent détenus uniquement ou majoritairement des ressortissants des pays d’Europe de l’Est, disparurent de la conscience
collective et tombèrent dans l’oubli, parfois
pendant des décennies, comme à Francfort,
Mannheim-Sandhofen, Schwäbisch HallHessental ou Walldorf ».
L’identification
des victimes
L’attitude des Américains et des Français
vis-à-vis des camps annexes fut fondamentalement différente. Au premier rang des préoccupations américaines figuraient, outre un
vif intérêt technique pour le matériel militaire allemand, le ravitaillement de millions
de « Displaced Persons » à travers ­l’Europe,
la dénazification, la démocratisation et la
reconstruction de l’Allemagne. Pour les
tombes des déportés et les monuments commémoratifs, les Américains s’en remirent
aux Allemands, qui n’assumèrent que rarement leurs responsabilités dans ce domaine.
Dans la zone française la situation fut tout
autre. Rechercher les Français déportés « était
devenu une mission nationale ». Outre l’orga­
nisation du rapatriement des survivants, il
fallait donner aux compatriotes décédés
une sépulture décente. Peu confiants dans
la bonne volonté des Allemands à cet égard,
les autorités militaires françaises ordonnèrent
dans certains cas aux mairies et sous-préfectures, sous la menace de sanctions, de
prendre les mesures qui s’imposaient.
C’est ainsi que dès l’immédiat après-guerre,
à l’emplacement des camps situés dans la
zone française, on procéda à l’ouverture des
fosses communes, à des exhumations et des
essais complexes pour tenter, sur la base des
listes disponibles, d’identifier les victimes.
Les identifications s’avérant extrêmement
difficiles, les morts durent souvent être réensevelis sur place et de nouveaux cimetières
furent aménagés.
Jusqu’en 1947 les autorités françaises
créèrent trois grands cimetières, à Schömberg,
Schörzingen et Bisingen où furent enterrées les quelque 3 500 victimes de ces trois
camps. D’autres lieux de sépulture furent
créés à Haslach, Tailfingen et Spaichingen.
En outre, les Français s’efforcèrent d’obtenir des Américains la permission d’exhumer
des corps dans leur zone – mais vainement,
« en raison d’obstacles bureaucratiques ».
C’est seulement après la fondation de la RFA
en 1949 que l’on put, sur la base d’un accord
franco-allemand, rechercher dans l’ex-zone
américaine les tombes de concentrationnaires
et aménager des lieux de sépulture décents,
comme à Kochendorf, Leonberg, Vaihingen
et Binau. Jusqu’en 1954 les recherches françaises aboutirent à l’identification de près
de 500 victimes originaires d’Europe occidentale dont les restes purent être rapatriés
dans leurs pays respectifs.
Marco Brenneisen souligne dans ce domaine l’action notable des anciens détenus, et
plus spécifiquement ceux de l’Amicale française de Dachau à laquelle adhéraient les survivants des camps extérieurs de Natzweiler.
Ce sont eux qui prirent souvent l’initiative
des exhumations et installèrent eux-mêmes
plaques et stèles.
Il fallut attendre le début des années 80
pour que la société civile mais aussi la recherche scientifique manifestent un intérêt pour l’histoire des camps annexes de
Natzweiler et la mémoire des victimes. Dès
le début ce travail de documentation et de
sensibilisation sur les crimes commis associa
une réflexion sur la nécessité de la responsabilité individuelle pour éviter la répétition
de telles atrocités.
Ces efforts suscitèrent parfois critiques
voire rejets de la part des habitants, relève
Brenneisen : « L’existence d’un camp de
concentration à proximité fut plus d’une fois
mise en doute ou banalisée par la comparaison avec d’autres dictatures. Les militants
des mémoriaux furent diffamés comme extrémistes de gauche ou accusés de cracher
dans la soupe, de chercher à stigmatiser la
population en créant un mémorial. Mais ce
sont justement ces conflits qui provoquèrent
une évolution dans la connaissance de l’histoire nazie locale, car ils représentaient une
confrontation de la société au sens propre
du terme avec les crimes commis à l’endroit
même, ils ancrèrent les thèmes du travail
forcé et de la détention en camp de concentration dans la conscience collective et encouragèrent la formation de cultures de la
mémoire locales. »
Traduction et synthèse :
Irène Michine
13
Un pont était jeté
par delà la frontière
Sibylle Thelen, de la Landeszentrale für
politische Bildung du Bade-Wurtemberg
(Centrale pour la formation civique),
a d’abord présenté au colloque cette
institution du Land, qui a pour mission
d’encourager la formation civique
des citoyens et leur engagement
démocratique, en particulier auprès
des jeunes et des enseignants. Une telle
institution existe dans pratiquement
chaque Land ainsi qu’au niveau fédéral.
Dans tous ces organismes qui œuvrent
indépendamment des partis politiques,
le travail de mémoire joue un rôle
important et est lié à la lutte contre le
racisme, l’antisémitisme et l’extrémisme.
Il était donc cohérent que la
Landeszentrale se rapproche du réseau
des mémoriaux des camps extérieurs
de Natzweiler et soutienne leurs activités de recherche, de documentation et
­pédagogiques.
Il était tout aussi cohérent qu’ensemble
ils nouent des liens avec le mémorial du
camp central de Natzweiler-Struthof,
en Alsace. Les premiers contacts avec
les Français eurent lieu à la fin des années 1990 seulement, et les rapports
personnels qui s’établirent alors furent
décisifs en la matière, souligne Sibylle
Thelen : « Konrad Pflug, qui avait créé
le service Travail des mémoriaux à la
Landeszentrale, fit la connaissance de
l’historien Maurice Voutey, qui fut luimême déporté dans plusieurs camps
extérieurs de Natzweiler (1). Puis vint la
rencontre avec le journaliste Jean-Pierre
Vittori qui travaillait à la réalisation d’un
« Historial européen » [futur Centre européen du résistant déporté, CERD] sur
le site du Struthof »… Suivirent d’autres
visiteurs français, les échanges s’intensifièrent… « Un pont était jeté par delà
la frontière », se réjouit Sibylle Thelen.
Des réunions plus formelles furent organisées, notamment entre les historiens allemands et leurs homologues
français, tels Pierre Ayçoberry et Robert
Steegmann (auteur d’une thèse sur le
camp et la « nébuleuse » des 70 camps
extérieurs). Des projets communs virent
le jour, qui prirent un nouvel élan après
l’inauguration du CERD en 2005 puis la
signature en 2011 d’une convention de
partenariat scientifique et culturel entre
le CERD, les mémoriaux de Neckarelz et la
Landeszentrale.
Dernière réalisation commune en date
et gros succès depuis 2014, l’exposition
bilingue « Bientôt la liberté nous
­reviendra  », sur la « double fin » du camp
de Natzweiler, a été montrée jusqu’à
présent dans plus de 40 lieux.
Un partenariat et des liens d’amitié qui
se renforcent au profit d’une « culture
européenne de la mémoire », une
culture qui ne va cependant pas de
soi, relève Sibylle Thelen mais qui se
construit par le débat, le travail et des
échanges permanents.
(1) Rappelons que le remarquable
témoignage de Maurice Voutey : Prisonnier
de l’invraisemblable ou l’Extravagance du
rêve. Quatre saisons à Dachau et dans les
camps du Neckar (L’Armançon, 1995),
est en vente à la FNDIRP (19,50 € + port).

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