Juin 1942 France, URSS et USA

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Juin 1942 France, URSS et USA
Juin 1942
11 – Diplomatie et économie
France, URSS et USA
1er juin
Les Roumains sont mécontents
Le Conducator Antonescu, chef suprême de l’Etat et de l’armée roumaine, est mécontent et
envoie à Berlin son vice-premier ministre Mihai Antonescu (sans lien de parenté) pour le faire
savoir. Selon lui, le « Haltbefehl » de von Rundstedt, émis le 29 mai, a ruiné les chances de
l’offensive roumaine, déjà compromise par un lancement trop tardif. Le double
bombardement de Constantza, aérien et naval, que Mihai Antonescu apprend par la radio en
arrivant à Berlin, montre que le Reich n’a pas tenu son engagement de protéger l’espace
aérien roumain.
En fait, l’armée roumaine n’est pas approvisionnée pour une campagne longue et aurait dû
interrompre son mouvement de toute façon. De plus, comme les Allemands, les Roumains ont
massivement sous-estimé la capacité de riposte soviétique.
Le bilan de la bataille des frontières n’est pourtant pas désastreux pour la petite armée
roumaine. Avec un équipement hétéroclite et notoirement insuffisant, elle a repoussé des
forces soviétiques très supérieures. Chernovtsy, capitale de la Bukovine du Nord, est aux trois
quarts encerclée. Plus à l’est, la tête de pont de Briceni forme un coin entre les 12e et 9e
Armées soviétiques, tandis que celle de F!lciu offre une position favorable à une attaque vers
Kishinev. Les rapports du front, notamment ceux du général allemand De Angelis, montrent
un esprit très combatif, au moins chez les unités de montagne : bonne nouvelle pour la
Wehrmacht pour qui la guerre de montagne, depuis la seconde partie de la campagne de
France notamment, est une préoccupation constante. Les troupes roumaines pourraient être
utiles quand les forces de l’Axe atteindront la Crimée et, qui sait, le Caucase.
Autre raison de ménager l’allié roumain : le lancement de Barbarossa a brutalement
interrompu les livraisons de pétrole soviétique. Le bassin de Ploesti est plus que jamais un
fournisseur vital de carburant pour le Reich. Les Roumains en profitent pour revoir leurs prix
à la hausse, ce qui en fait, au moins, des partenaires solvables pour leurs achats d’armement :
les carnets de commandes commencent à se remplir.
C’est pourquoi Mihai Antonescu ne repart pas les mains vides : il obtient la promesse d’un
appui massif en artillerie, DCA et aviation pour protéger le territoire roumain et reprendre
l’initiative sur le front. De plus, von Ribbentrop lui assure que la Kriegsmarine va apporter
aux Roumains une assistance technique pour l’achèvement de leurs unités en construction et
qu’elle va étudier l’envoi d’unités légères allemandes en Mer Noire. En réalité, le ministre des
Affaires Etrangères du Reich s’avance – comme souvent – quelque peu, car le Grand-Amiral
Raeder n’a même pas été consulté à ce sujet. Or, ce dernier doit déjà faire face à une situation
très difficile en Méditerranée et en Mer Baltique.
La Princesse et le policier
Naples – Alors que l’Axe s’est fait un nouvel et immense ennemi avec l’invasion de l’Union
Soviétique, la princesse Marie-José redouble d’efforts pour construire une coalition en vue de
renverser le régime mussolinien. Elle rencontre Carmino Senise, l’ancien chef de la police
secrète, pour sonder la disponibilité de l’armée et de la police en vue d’un renversement du
régime. Senise, qui a couvert discrètement les agissements de la Princesse tant qu’il a été aux
commandes de la police secrète, lui exprime qu’il est fatigué du fascisme et qu’il est bien
temps de passer à autre chose. Au moins Mussolini, les mains pleines en Méditerranée, n’a-til pas commis la folie d’envoyer des troupes italiennes sur le front russe.
2 au 20 juin
21 juin
Un ambassadeur chez les Wallabies
Canberra (Australie) – Le député André Beauguitte est nommé ambassadeur en Australie.
L’administrateur s’est parfaitement mis en valeur lors de la tournée de présentation du projet
Trans-Maghreb et de sa gestion financière. L’Australie étant devenue un partenaire
économique de premier ordre de la France, les Affaires Etrangères ont jugé bon d’avoir là-bas
un véritable ambassadeur, une première dans l’histoire des deux pays. Un spécialiste des
questions économiques est apparu comme un excellent choix – de plus, Beauguitte a quelque
expérience internationale (il a par exemple représenté la France à la conférence de Londres en
1926).
Beauguitte restera ambassadeur jusqu’en 1947 avant de rentrer en France et de jouer un rôle
dans divers gouvernements des années 50.
22 juin
23 juin
France-URSS
Alger – « Le nouvel Ambassadeur d’Union Soviétique auprès du gouvernement français, M.
Alexandre Bogomolov, est arrivé hier à Maison-Blanche, venant de Londres, en compagnie
de l’Ambassadeur d’URSS en Grande-Bretagne, M. Ivan Maisky. Après avoir présenté ses
lettres de créance au Président de la République, M. Bogomolov a rejoint M. Maisky pour un
entretien des plus cordiaux avec M. Paul Reynaud, M. Léon Blum et le général de Gaulle.
Selon le communiqué conjoint publié à l’issue de cette rencontre, le gouvernement français a
chaleureusement accueilli l’arrivée du nouvel ambassadeur et a confirmé que la France
n’épargnerait aucun effort pour soutenir l’effort de guerre du peuple soviétique dans la lutte
contre l’ennemi commun. » (L’Echo d’Alger, le lendemain).
Les Français promettent en effet de tout faire pour assurer l’acheminement des convois PrêtBail en Méditerranée et jusqu’en Mer Noire. Mais De Gaulle et Reynaud soulèvent d’emblée
la question des prisonniers français évadés d’Allemagne et retenus en URSS, en demandant
leur libération immédiate. Bogomolov leur assure qu’il transmettra en urgence cette demande
à son gouvernement.
24-25 juin
26 juin
France-USA
Alger – Le conseiller particulier du Président Roosevelt, M. Harry Hopkins, arrive à Alger,
venant de Washington. Il remet dans la soirée un message personnel de F.D. Roosevelt au
Président du Conseil français. Il est également porteur d’une note de l’amiral King à
l’intention de l’amiral Ollive.
La Princesse et le Président
Rome – La princesse Marie-José, poursuivant ses consultations politiques, rencontre l’ancien
président du Conseil, Ivanoe Bonomi. Celui-ci lui expose comment les événements devraient
se succéder, selon lui : 1) arrestation de Mussolini ; 2) mise sur pied d’un gouvernement de
coalition antifasciste avec l’appui de Badoglio pour la partie militaire ; 3) déclaration du
nouveau chef du gouvernement disant que la guerre a été voulue par le régime et non par le
peuple italien ; 4) demande d’armistice aux Alliés pour ne pas infliger d’humiliation à
l’armée. La Princesse persuade Bonomi de solliciter une audience auprès du Roi pour
l’exhorter à reprendre la situation en main et à former un nouveau gouvernement. Cependant,
Victor-Emmanuel, se doutant peut-être de ce que Bonomi voudrait lui dire, trouvera toujours
un prétexte pour repousser le rendez-vous pris…
27 juin
Des navires français pour le Pacifique
Alger – Le message du Président Roosevelt est discuté par le Conseil de Défense Nationale.
L’idée même d’envoyer les Dunkerque et Strasbourg dans le Pacifique est fraîchement
accueillie par le chef d’état-major de la Marine Nationale et par le ministre d’Etat, ministre de
l’Intérieur, quoique pour des raisons très différentes. Si l’amiral Ollive craint de disperser ses
forces loin du théâtre méditerranéen, Georges Mandel relève les aspects politiques de la
demande américaine : « La mission de M. Hopkins est très gênante. Elle crée en effet un mode
de relation dans lequel le président américain contourne le processus normal de décision des
institutions conjointes alliées pour présenter directement ses desiderata à ses différents
partenaires. Si nous validions un tel mode de relation, nous accepterions par là même que le
gouvernement américain dirige de facto la stratégie alliée dans la guerre. »
Après quelques échanges tendus, le général de Gaulle, ministre de la Guerre, propose de
répondre de façon favorable à la requête américaine, mais en incluant cet accord dans un
accroissement de la participation globale de la France à la guerre sur le théâtre Pacifique des
opérations. Au bout de près de cinq heures de discussion, le Conseil décide d’informer
conjointement le jour suivant M. Hopkins, les ambassadeurs américain, britannique,
hollandais et chinois, ainsi que le représentant du Grand Etat-Major Impérial, que la France
s’apprête à renforcer sa contribution à l’effort de guerre contre le Japon. Cette décision doit
être mise en œuvre par étapes dans les trois mois qui suivent.
(a) Un Régiment Aéroporté (le 1er REP) partira immédiatement pour l’Australie, pour
participer aux opérations en Nouvelle-Guinée et/ou dans l’archipel des Salomon.
(b) L’Armée de l’Air doit renforcer sa présence en Chine (Kunming) et au Tonkin (DienBien-Phu) en y transférant 50 Hawk-87 (P-40E) pour rééquiper la 40e Escadre de Chasse (GC
I/40, II/40 et III/40) et 45 B-25C pour la 62e Escadre de Bombardement (GB I/62, II/62,
III/62), qui ne dispose actuellement que de Martin-167. Ces transferts (que permet le
rééquipement en cours des escadres du théâtre européen) doivent se faire entre fin août et
début octobre.
(c) L’Armée de l’Air doit envoyer fin août en Nouvelle-Calédonie ou en Australie la 52e
Escadre de l’ACCS (Aviation de Coopération, de Combat et de Soutien) (GCA I/52 et II/52),
récemment recréée et dotée de 45 Vultee V-72 Vengeance I. Cette escadre devra opérer avec
les forces de la RAAF, de l’USAAF et de l’Aéronavale déployées dans ce secteur.
(d) L’Escadre du Pacifique, opérant pour l’instant de Nouméa, doit être renforcée par la 3e
Escadre Cuirassée (contre-amiral Jacques Trolley de Prévaux), avec les cuirassés rapides
Dunkerque (C.V. Pierre Tanguy) et Strasbourg (C.V. Gabriel Barois) et les grands torpilleurs
Le Hardi, Le Foudroyant, L’Adroit et Casque. Ces navires doivent quitter mi-septembre les
chantiers navals américains, où ils sont en cours de rééquipement et de modernisation 1.
En présentant d’un bloc ces différentes mesures, dont certaines (les points a et c) avaient été
approuvées bien avant par le Conseil de Défense Nationale, le gouvernement français espère
recueillir un bénéfice politique maximum de ce qui reste un engagement numériquement
assez limité (même s’il est loin d’être négligeable, compte tenu des faibles ressources
françaises). En diluant leur réponse au Président des Etats-Unis au milieu d’autres mesures,
les Français souhaitent la présenter comme un engagement très net en faveur du principe de
décision conjointe, sans risquer un conflit avec le gouvernement des Etats-Unis avant une
opération majeure où la présence et l’engagement des troupes américaines seront décisifs.
28 juin
Entre Alliés
Alger – L’amiral Sir Dudley Pound, Premier Lord de la Mer, arrive de Gibraltar. Le voyage
de Sir Dudley n’a rien à voir avec la mission de Harry Hopkins ; il est motivé par la nécessité
de discuter avec l’état-major de la Marine Nationale d’une réorganisation des flottes alliées en
Méditerranée. Dudley Pound est néanmoins invité au déjeuner offert aux ambassadeurs alliés,
à leurs conseillers militaires et à M. Hopkins par Paul Reynaud, qui dévoile à ce moment les
décisions du Comité de Défense Nationale sur la contribution française à la guerre contre le
Japon.
Le Président du Conseil saisit l’occasion de défendre les résultats de l’opération Périclès
devant les Américains. Il explique que, si les gains territoriaux ne semblent pas énormes, les
forces de l’Axe en Grèce ont été très affaiblies, et de nouvelles offensives sont annoncées.
En fin d’après-midi, le général de Gaulle et l’amiral Ollive retrouvent le Premier Lord de la
Mer pour mettre la dernière main à la nouvelle organisation des forces navales alliées en
Méditerranée, mais aussi pour évoquer la situation en Extrême-Orient.
29 juin
L’Union fait la Force
Londres et Alger – Paul-Henri Spaak rencontre Anthony Eden pour lui demander ses bons
offices pour faciliter la reprise des relations diplomatiques rompues en juillet 1941 entre
Belgique et Union Soviétique. Eden décide de convoquer l’ambassadeur d’URSS, Ivan
Maisky, afin de l’inviter à se mettre en contact avec Spaak dans ce but.
Dans le même temps, Raoul Richard, ambassadeur extraordinaire de Belgique à Alger, est
prié de mettre au courant de cette démarche le gouvernement français, qui vient lui-même de
renforcer ses liens avec Moscou, afin qu’il puisse l’appuyer discrètement.
30 juin
1
La classe Le Hardi sera armée, à la fin de ce rééquipement, de trois tourelles doubles de 5,1 pouces/45 LA, un
affût double et deux simples de 40 mm Bofors, quatre Œrlikon de 20 mm, sept tubes lance-torpilles de 550 mm
(un affût triple et deux doubles), quatre mortiers ASM et deux grenadeurs de sillage avec 40 grenades. Leur
autonomie sera accrue par un réaménagement des espaces intérieurs.

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