« Femme écrite », ode au corps de la femme.

Transcription

« Femme écrite », ode au corps de la femme.
« <i>Femme écrite</i> », ode au corps de la femme.
Chez Lahcen Zinoun, rien n’est fait dans la simplicité. « Femme écrite », son nouveau long
métrage est à la hauteur de son imagination toujours fertile. Avec une approche d’auteur, il
réalise des films, à première vue compliqués à comprendre mais d’une telle poésie que
l’émotion suscitée rend l’histoire plus accessible. A travers son film «Femme écrite »
, le corps de la femme est tantôt beauté et tantôt souffrance.
L’histoire raconte une enquête criminelle autour du mystérieux assassinat d'une jeune fille du
nom d'Adjou, originaire de la région de la Tassaout. La vallée de la Tassouat est connue pour
être le berceau de la légendaire M’ririda, la grande poétesse berbère du Haut Atlas. Dans le
film, le personnage Adjou est présenté comme étant le double de M’ririda. Le commissaire Ziad
est chargé de découvrir l’assassin de la jeune Adjou. Le corps de celle-ci a été retrouvé dans
l'appartement de son amant, Naim, avec des marques d'acide sur le bas ventre à la place d'un
tatouage, comme si on avait voulu effacer celui-ci du corps de la jeune fille. Son amant a été
écarté de la liste des suspects car il se trouvait en voyage quand le crime a eu lieu. Le
commissaire et l'amant se rendent dans le Haut-Atlas, dans le village qui abrite la maison close
où la jeune fille exerçait son métier de prostituée sous la protection d’un souteneur dont on
apprendra qu’il n’était autre que son propre frère.
Le corps et ses raisons.
Le passé de la jeune fille, sa vie dans le village, sa relation avec sa famille sont racontés à
travers des flashbacks. On rencontre dans le film, campant les seconds rôles, des personnages
tels celui de l'imam joué par Omar Sayyed ou encore celui de la tatoueuse du village, en conflit
perpétuel avec l'imam et qui se bat pour sauvegarder la tradition du tatouage. Plus qu'un
symbole, celui-ci véhicule dans la culture berbère l'identité même de la femme. Il exprime
l'affiliation à une tribu spécifique. Grâce aux formes de leurs tatouages, les femmes se
reconnaissaient entre elles.
Le rituel du tatouage était aussi une manière d’achever un cycle de vie, celui de l’enfance et de
débuter un autre, celui de la maturité. Les jeunes filles pubères se tatouaient le visage, les
pieds, les chevilles non seulement pour embellir leurs corps mais aussi pour montrer qu’elles
étaient prêtes à se marier. Une femme assumait la mission du tatouage. Elle dessinait les
motifs d’abord sur la peau de la jeune fille puis repassait sur les dessins avec une aiguille
chaude et de l’encre. Ce rituel du tatouage est posé dans le film comme un acte de liberté, dans
le sens où la femme a la liberté de donner à son corps l’aspect qu’elle désire.
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« <i>Femme écrite</i> », ode au corps de la femme.
Bien que construit sur une enquête criminelle, le film a des résonnances anthropologiques et
militantes. Il est construit comme une partition musicale en cinq parties signalées par des
intertitres : « Bordel mystique », « La tentation de la désobéissance », « La nuit de l’erreur » « Le pacte de la mort
», « L’autre qui est moi
». Des têtes de chapitres qui aident à suivre les étapes de l’enquête criminelle à travers laquelle
les personnages masculins, et surtout celui du commissaire découvrent une nouvelle image du
corps de la femme. Longtemps, un sujet tabou, et caché, celui-ci est dévoilé dans ce film d’une
manière subtile, révélant en chaque homme sa définition intime du corps féminin. En
conclusion, ce que Lahcen Zinoun nous fait comprendre, c’est que, que l’on soit homme ou
femme,
« le corps a ses raisons, que la raison ne connait pas. »
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