Une Lance au Moyen Age

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Une Lance au Moyen Age
Une Lance au Moyen Age
Outre l’arme d’hast bien connue et répandue, une lance est une petite unité de
combattants.
Plusieurs seigneurs d’Allègre, issus de la maison auvergnate des Tourzel, furent
chacun dits capitaines d’un nombre de lances :
En 1470 Jacques de Tourzel dit d’Alegre, baron d’Allègre est fondé à prendre et
choisir 95 lances, dont 15 de sa compagnie.
En 1478, Bertrand de Tourzel dit d’Alegre, baron de Busset, est capitaine de 100
lances.
1493. Yves II de Tourzel d’Allègre dit d’Alegre est dit capitaine des cent
gentilshommes de la maison du roi. En Italie, en 1501 ou 1502, sous Louis XII
en Italie, il est capitaine de 300 lances et 2000 hommes de pied. On sait qu’à
Ravenne il fut à l’origine d’un mouvement de l’artillerie qui aida à la victoire.
1494. Jacques, fils d’Yves II, est capitaine de 40 lances fournies des
ordonnances du roi.
1495. Ce même Jacques est capitaine des cent gentilshommes de la maison du
roi. Il s’en démet en 1500.
Au siège de Padoue, Jean, frère de Jacques, sire de Meilhaud, est à la tête de
bien mille ou douze-cents aventuriers français (soldats volontaires, mercenaires)
tous gens de lice et d’escarmouche.
Le 12 mars 1527, Gabriel de Tourzel dit d’Alegre, baron d’Allègre, est capitaine
de « 32 lances fournies des ordonnances du roi, du nombre des quarante qui
estoient sous sa conduite ». Il en avait renvoyé 8, avec leurs archers, pour
soulager le peuple.
Le 8 avril 1527 ce même Gabriel est dit capitaine de 25 lances.
En juillet 1528, pour le recouvrement du royaume de Naples, il est capitaine de
50 lances (sur un total de 400 envoyées par le roi). Gabriel est le premier
seigneur d’Allègre à arborer le sceau à cinq puis six fleurs-de-lis d’abord en orle
puis en deux pals.
1531. Fille de François de Tourzel dit d’Alegre, comte de Joigny, baron de
Vitteaux, sire de Précy, Avoye d’Alegre est la seconde épouse de Jean de La
Baume comte de Montrevel, capitaine de 50 lances des ordonnances du roi.
1564 et 1567, Yves III de Tourzel d’Allègre dit d’Alegre, baron puis marquis
d’Allègre, sire de Blainville, est dit capitaine d’une compagnie de gens d’armes
des ordonnances du roi.
1575, il est de nouveau dit capitaine de gens d’armes.
1594. Christophe II marquis d’Allègre, après avoir assassiné François de
Montmorency baron de Hallot, fut envoyé en Italie à la tête d’une compagnie de
50 hommes.
1616. Louise de Flaghac, veuve de Christophe II est belle sœur de Christophe
comte d’Apchier, maréchal de camp (…) capitaine de 50 hommes d’armes.
Dague-miséricorde.
Ecu des Tourzel.
Miséricorde à rouelle–perce mailles.
Par la suite les seigneurs d’Allègre seront donnés avec leurs titres,
éventuellement avec le détail de leurs commandements, mais comme on s’en
rend compte, le terme « lances » est tombé en désuétude dès le milieu du XVIe
siècle, après le règne de François Ier.
A partir d’Henri II, puis Charles IX et Henri III, le terme n’est plus employé
couramment et disparait au profit de la composition des compagnies
commandées.
Le terme de compagnie d’ordonnance apparaît sous Charles VII.
Une Lance médiévale.
Nombre de mots médiévaux ont changé de sens en nous parvenant.
En aparté on rappellera que le sens qu’on retient pour le nom Alegre, ne doit
pas être celui de nos jours, mais celui du XIIe siècle, siècle des Croisades, au
cours duquel apparaissent et commencent à être figés les noms des familles. A
cette époque, bien que la famille des d’Alegre ait existé avant le XIIe s et soit
suivie depuis 1122, le sens du mot et nom Alegre désigne l’altitude physique du
bourg, en haut du volcan de Baury (le bourg de Grazac est au pied de Baury, et
qui, à 1100m dépasse du plateau environnant, ainsi que le caractère vif non de
ses seigneurs, mais de son climat sec, ensoleillé, venté, neigeux.
Le chroniqueur Froissart nomme glaive ce que nous appelons actuellement une
lance. Une bataille est un ensemble de compagnies et non pas un combat.
Au sens actuel une lance est une arme d’hast, une hampe plus ou moins longue
munie d’un fer en son extrémité.
Les armes d’hast, fort répandues du Moyen Âge au XVIIe siècle, prennent des
noms différents selon le fer et l’usage d’estoc (de pointe), de taille (en fauchant)
ou en croc retenant l’adversaire.
Au Moyen Âge une lance est un terme militaire collectif.
Une lance désignait une formation minimale de combat au sein d’une bataille
médiévale, féodale.
En 1445 une lance était composée de six hommes, puis en moyenne de cinq à
huit hommes.
Un ensemble de plusieurs lances étaient menées par un seigneur qualifié de
capitaine, titré bachelier, chevalier, chevalier banneret ou baron.
Chevalier.
Chevalier et son page.
Plusieurs lances (100 en 1445) composaient une compagnie.
La création des compagnies d’ordonnance date de 1445, sous Charles VII, à
l’occasion d’une trêve ayant apaisé les guerres de Cent-Ans.
L’ordonnance de 1445 est suivie d’ordonnances de 1446 et 1448.
Comme l’indique leur nom, elles sont créées par ordonnance du roi. Cette
ordonnance vise à organiser une armée professionnelle, permanente, dite
régulière. Les hommes d’armes perçoivent une solde (qui donnera plus tard le
mot soldat) et ne doivent donc commettre ni pillages ni exactions. Lorsque des
lances des ordonnances du roi étaient chargées de garder un château ou une
bourgade, elles ne combattaient pas pendant ce laps de temps mais percevaient
une solde dite morte-paye.
Lors de leur création, les lances ne retinrent que la moitié des aventuriers qui les
précédaient. Comme on le constate les ordonnances eurent l’avantage de
diminuer le nombre des combattants, les coûts afférents, et d’éliminer les
seigneurs en sédition avec le royaume.
Une raison de la création des compagnies régulières fut aussi de mettre fin à
l’individualisme des seigneurs féodaux parfois synonyme de désordres lors des
combats, comme ce fut le cas à Crécy (1346) puis à Azincourt (1415) et de
l’instabilité des mercenaires comme à Marignan (1515).
Dans les coûts d’une lance il ne faut pas oublier des valets supplémentaires,
l’équipement et le ravitaillement.
En 1445 une compagnie est
de six hommes (un page ou
un lancier). Une compagnie
varlets ne combattent pas.
parler.
constituée de 100 lances. Une lance est composée
varlet, un coutilier, trois archers ou arbalétriers et
est donc un ensemble de 600 hommes. Pages et
C’est plutôt de 500 hommes en armes qu’il faut
Archers et arbalétriers.
Charles le Téméraire eut le projet de constituer une armée de 10 compagnies
composées de 1250 lances de 8 hommes combattants (un chevalier ou maître et
sept combattants) plus un page ou valet non combattant. Il ne put jamais
atteindre le chiffre souhaité de 10 000 combattants.
Dans la bataille de Morinot de Tourzel, Robert Grellet arrive à Allègre comme
archer entre 1365 et 1385. Plus tard des fils naturels de seigneurs d’Allègre
seront archers eux-aussi, puis reconnus et légitimés.
Dans une lance, tous chevauchent, mais combattent à pied. Le chevalier combat
à cheval, ainsi éventuellement que le lancier.
Selon les époques la composition des lances a varié. En général une lance a été
composée d’un sergent d’armes ou lancier, de deux ou trois archers ou
arbalétriers, d’un ou deux piquiers ou coutiliers (armés de la coutille et de la
miséricorde pour achever l’ennemi blessé), d’un page ou valet (varlet).
Selon les moyens financiers du seigneur, les hommes d’armes étaient plus ou
moins nombreux, plus ou moins bien armés et protégés, montés ou à pied.
Un chevalier puissant pouvait être capitaine de plusieurs lances de sa propre
compagnie, et, en plus de celles-ci, capitaine de lances dites garnies, des
ordonnances du roi ou d’un seigneur plus puissant, comte, duc, etc.
Nous avons vu au début de cette étude qu’en 1470 Jacques d’Alegre fut appelé à
« prendre et choisir 95 lances, dont 15 de sa compagnie ». En 1527, Gabriel
d’Alegre fut « capitaine de 32 lances fournies des ordonnances du roi, du nombre
des quarante qui estoient sous sa conduite ».
Un seigneur pouvait être capitaine de lances et, en même temps, capitaine
d’autres troupes.
Ainsi, en 1493, Yves II d’Alegre fut « capitaine de 300 lances et 2000 hommes
de pied ».
Les compagnies ainsi constituées, dont unité de base était la lance, étaient
essentiellement composées de cavaliers pour les déplacements mais de piétons
pour le combat.
Les chevaliers dits capitaines n’étaient pas toujours mêlés aux touillis (combats).
Lorsqu’ils l’étaient leur équipement lourd entravait leurs mouvements et les
casques réduisaient leur champ de vision. Un chevalier gardait autour de lui ses
meilleurs sergents et hommes d’armes. Les combattants n’étaient pas revêtus
d’uniformes. Bannières et tabard armoriés aidaient à suivre le chevalier, tandis
que des badges portés sur les gambisons ou les cottes distinguaient les hommes.
Le cri permettait aussi aux hommes de s’identifier. On criait le nom du capitaine
ou celui de la maison noble du chef de la bataille, ou celui des saints protecteurs.
Quelques noms appellent des précisions.
Chevalier Banneret. Le titre de noblesse d’écuyer banneret ou de chevalier
banneret, créé sous Philippe Auguste (1165-1180-1223), n’a plus guère été
attribué à partir du XVe siècle, sous Charles VII (1403-1422-1461).
A sa création, le titre de « banneret » était une distinction militaire. A la guerre,
un chevalier banneret commandait à quelques-uns de ses vassaux avec leurs
troupes, réunis sous sa bannière.
Yves II d’Alegre est qualifié de chevalier banneret.
Dans les chroniques de Jean II un banneret est ainsi qualifié : « puissant de
lainage, de terre et de mise », ce qui montre qu’il s’agit d’une qualification
ajoutée à son titre (écuyer ou chevalier) et non d’un titre en soi.
Par la suite, en France, « chevalier banneret » équivaudra à un titre de noblesse
entre chevalier et baron, justifiant une rétribution (gage).
« Comtes et ducs ne bénéficiaient pas de gages particuliers en France. Ils étaient
payés comme chevaliers bannerets ou écuyers bannerets. En Angleterre il y avait
des gages différents pour les ducs, les comtes et les bannerets. »
Le lancier, souvent appelé maître, commande la lance. En France, il est souvent
un jeune noble, bachelier futur chevalier, cadet de maison noble en quête de
reconnaissance et d’attribution d’un fief. Il est qualifié d’homme d’armes et est le
seul complètement équipé : armure de plates (dite harnois blanc) jambières,
cuissards et brassards, casque à visière (salade), épée et lance. Une armure de
plates était composée de plaques de fer attachées sur des pièces de cuir qui
permettait une articulation.
Mais un tel équipement coûtait très cher. Aussi au XVe siècle n’était-il pas rare
de trouver de jeunes nobles comme archer, moins équipé que le lancier, et
conservant la capacité de devenir homme d’armes.
Les troupes françaises étaient appréciées en raison de la présence de ces jeunes
nobles ambitieux.
Protections. Les archers, arbalétriers, piquiers et coutiliers ne portaient en
général que des protections essentielles, c'est-à-dire aux épaules (spallières),
bras, coudes et avant-bras, genoux et jambes, et un casque. Ils pouvaient porter
des gambisons matelassés et rembourrés.
Reconstitution de la bataille d’Azincourt.
Les combattants portent des cottes de mailles sur des gambisons.
A gauche, cuissards et genouillères. A droite spallière minimaliste.
Homme d'armes. Les hommes d’armes sont des combattants professionnels. Le
terme « armes », qu’on porte, les distingue des « traits » (flèches et carreaux
d’arbalète) qu’on lance. Combattant à pied ou à cheval, ils étaient armés d'armes
d'hast, longues, pour les charges, ou d’armes de combat rapproché, épées,
haches, masses d'arme, etc.
Gens-d’armes. Ils étaient montés, armés et protégés comme les sergents ou
lanciers. Ils commandaient aux cavaliers. Les morphotypes des chevaux
différenciaient cuirassiers, estradiots, argoulets, chasseurs, etc.
Des ordonnances de Louis XII, créèrent des compagnies régulières et soldées de
gens-d’armes qui devaient servir chacun avec plusieurs (six ?) chevaux.
Destrier mené par un jeune écuyer ou un page.
Chevaux. Les hommes qui composaient une lance étaient tous à cheval, animal
très utilisé au Moyen Âge, symbole de puissance, reflet de richesse, mais aussi
animal de travail, de trait comme de charge. Les chevaux étaient classés selon
leurs usages ou leur modèle. Ils n’étaient pas distingués par race, au point que
les spécialistes peinent à identifier les races équines médiévales.
Au Moyen Âge les chevaux étaient plus petits qu’actuellement, y compris le
destrier.
Le destrier, ou « grand cheval » ou « chargeur » était la monture de guerre
type, celle du chevalier pour le tournoi ou le combat. Les légendes en faisaient
un cheval de 1m80. Les découvertes de squelettes montrent qu’un destrier
médiéval mesurait plutôt 1m50 et était comparable à un robuste cheval de selle
capable de porter le chevalier en armure lors des charges. Contrairement à
l’image romantique du chevalier, il est moins recherché et moins coûteux que le
palefroi, moins souvent utilisé que le roncin.
Les chevaux solides mais de petite taille (1m30 à 1m40) auraient été appréciés
des chevaliers car ils pouvaient espérer remonter en selle seuls, après une chute,
sans l’aide de leurs hommes.
Chevaux à l’amble. « Très Riches Heures » du duc de Berry.
Le palefroi ou ambleur, de plus grande valeur que le destrier à usage
spécifique, était plus polyvalent. Son type était le paraveredus romain, c'est-àdire le cheval de poste, comme le cheval de race Auvergne. IL était sélectionné
pour son endurance et sa capacité à courir l’amble, aussi rapide que le trot, plus
économique en énergie et bien plus confortable pour les longs parcours.
Le coursier était un cheval à la fois solide et rapide. Il est souvent désigné
comme monture de guerre monté tant par les chevaliers que par les hommes
d'armes. De ce point de vue il est proche du palefroi. Sa valeur le situe entre ce
dernier et le roncin.
Le roncin ou roussin est le cheval à tout faire, le bât inclus, sauf le trait et
l’attelage. Il est le cheval des hommes de la lance. C’est un cheval de travail,
entier, trapu, de valeur moindre que le palefroi, sélectionné courageux et
volontaire. Il remplaçait le destrier comme monture d’entraînement par les
chevaliers peu fortunés.
Le courtaud était un cheval trapu, musclé, râblé, relativement comparable au
roncin. Il servait aux chevaliers ou aux hommes de sa troupe, de monture pour
les longs déplacements, de façon à moins fatiguer le palefroi et le destrier. En
principe il était reconnaissable à sa queue et parfois à ses oreilles qu’on disait
courtaudées, c'est-à-dire coupées. Le terme courtaud était quelque peu péjoratif.
La haquenée était un cheval ou une jument calme, docile, en général
sélectionnée pour ses aptitudes à aller l’amble, avec légèreté et élégance. C’était
un cheval utilisé par les dames. A noter que la selle à corne pour monte en
amazone est inventée au XVIe siècle, sans doute pour Marie de Médicis, et donc
postérieure au Moyen Âge. Á l’époque médiévale c’était un modèle apprécié en
Angleterre : le Prince de Galles accompagne sur une haquenée (hackney) Jean II
dit le Bon, capturé et conduit à Londres.
La Haquenée dite du gobelet était un cheval ou une jument portant un bât
adapté au portage des provisions alimentaires du chevalier.
Valet sur une haquenée-gobelet et cheval sommier.
Le sommier, aussi appelé cheval de bât, est le cheval qui porte les armes et le
matériel de la lance. Ils étaient des chevaux robustes, d’un modèle courant,
plutôt petits.
A noter que les chevaux sont ferrés depuis les IXe ou Xe siècles, et que le
ferrage est courant aux XIVe et XVe siècles dont nous parlons ici.
L’étrier date de l’Antiquité orientale. Il donne plus de stabilité pour l’archer et
plus de force au porteur de lance.
Les hommes d'armes étaient réputés ne monter que des chevaux mâles entiers.
Coutille, arme principale du coutilier.
Bibliographie.
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La Chevalerie. Léon Gautier (Émile Théodore Léon Gautier, aussi Gauthier).
Nouvelle Édition Sanard et Derangeaon. Paris. 1884 puis vers 1900.
Guerre, état et société à la fin du Moyen Âge. Philippe Contamine. Rééditions de la
bibliothèque de l'école pratique des hautes études. Mouton. La Haye. 1972.
Histoire militaire de la France. André Corvisier et collectifs. Collection sous la
direction de Philippe Contamine. Paris. PUF. 1992-1997.
Armement médiéval. Claude Fagnen. Paris. Desclée de Brouwer-Rempart. 2005.
Pour l’association
des Amis d’Allègre
2015
G. Duflos

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