100 km à pieds, ça use, ça use La course
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100 km à pieds, ça use, ça use La course
100 km à pieds, ça use, ça use Pas encore 8h, dimanche matin, Sebastien et moi sommes attablés devant deux thés délicats dans ce salon de thé où nous étions en 2011, à la même heure. Lumière douce du jour qui pointe, ambiance cosy du salon de thé, musique discrète et de bon goût, parfum des viennoiseries fraiches, et juste nous, le suiveur et le coureur, ensemble pour un régal de petit déjeuner d’après course. La course, justement… Il y a eu ce départ, avec la lente traversée de Millau par deux mille coureurs, pour aller du Parc de la Victoire jusqu’à l’arche de départ que nous atteignons à 9h45. Il y a eu surtout ce bref discours du maire de Millau qui, évoquant la mort tellement douloureuse d’Hervé Gourdel, nous a demandé une minute d’applaudissements. Moment poignant, des frissons pleins les bras et une grosse boule dans la gorge. T0 =10 heures, où l’on commence par marathoner Dix heures. C’est parti pour 42 km de marathon, de Millau à Millau. Seb m’a indiqué au téléphone l’endroit où l’on doit se rejoindre. Les vélos des suiveurs sont en effet répartis sur plus d’un km à partir du km 7, où le cortège des coureurs est déjà bien étiré. On se rate bien entendu et j’appelle Seb, qui finit par me rejoindre vers le km 10. Je me sens mieux avec mon vélo citerne à mes côtés et je profite pleinement d’une longue et belle balade sur les deux rives du Tarn. Ombre et soleil alternent, les paysages sont somptueux, les villages magnifiques, les gens adorables. Tout va bien, mon allure est maîtrisée, sans excès (j’essaye de suivre le précepte du maitre « si tu es facile, c’est que tu vas trop vite »). Mon cardio tombe en carafe dès le départ. Dommage car j’avais prévu de me caler dessus. Pas grave, je connais mon cœur par cœur. La première montée est avalée sans problème à Peyreleau. Tout comme les petites tartines au roquefort et les croquants (de Nathalie). Pas mal de petites bosses ensuite, mais tout s’enchaine bien… 4h30 plus tard, au-delà du marathon (ADDM) Après Millau, changement de décor, la course commence vraiment. Il est presque 15h et on entre dans le dur dès la sortie de la ville, avec une montée de 8% pendant plus d’un kilomètre pour passer sous le viaduc, soleil pleine face. Je suis plutôt bien dans cette montée malgré la chaleur accablante. La moitié de la course est atteinte avec le panneau 50 mais la redescente de l’autre côté me rappelle que j’ai des cuisses et l’inquiétude commence à poindre… Cette descente vers St-Georges est très dure, sur un sol brulant, et l’arrivée dans le village est un soulagement. Le ravito est le premier de cette partie de la course. Des lits de camp y sont déployés ainsi que des tables de massage. Et puis, on peut même y demander l’anti-oxydant préféré des coureurs, la bière ! A la sortie du village, le parcours suit la rive gauche du Tarn pendant 7 longs, très longs kilomètres. La monotonie de ce passage est rompue par le croisement du premier de la course et par un ravito avec grosse ambiance musicale. Je ne m’y arrête pas et je continue, accroché à la cape rouge d’un Superman qui court juste devant moi. Arrivée à Ste-Rome, rapide photo au km 60. A la sortie du village, s’amorce la seconde grosse montée et ses deux lacets. On y croise la première féminine (4 ou 5ème de la course, aux environs du km 80, total respect). Estce l'alternance jus de pomme, jus de raisin, St-Yorre ? Sont-ce les petits carrés au roquefort dont j'ai fait une abondante consommation à chaque ravito ? Toujours-est-il que ma course connait à partir de là, quelques interruptions dont je me serais bien passé… Je débouche sur le plateau, la lumière est belle, l’air est paisible, c’est sans doute un des plus beaux passages, celui où on reprend confiance. Mais il est suivi par une descente lancinante sur SteAffrique, avec le passage du km 70. 8h plus tard, mayday, mayday Je ne suis pas bien du tout, il faut que je m’étende. J’en profite pour me faire masser les cuisses et je rampe péniblement de la table de massage au lit de camp où je reste un bon moment. Le doute s’empare de moi. Sebastien est à côté, sa présence est précieuse. Je repars, douloureusement et en marchant, mais je repars. C’est le même chemin qu’à l’aller mais en sens inverse. Dans la longue montée en sortie de Ste-Affrique, je reprends confiance petit à petit et finis par recourir, presque avec plaisir. Après quelques km, le plateau est atteint. La lumière commence à baisser, c’est d’une grande douceur. En contraste, la descente sur Ste Rome est terrible pour les cuisses. Le doute m’envahit et j’essaye de le repousser. Au ravito du village, je m’arrête quelques instants et je suis incapable d’absorber autre chose que de la soupe. Il nous faut maintenant rejoindre St-Georges. Et l’espoir revient à nouveau le long de ce le long tronçon droit de 7 km où la nuit finit par nous envelopper totalement. Un bol de soupe de plus dans l’estomac et nous laissons les lumières de St-Georges pour la dernière difficulté du parcours, la montée du viaduc. La nuit est bien installée et bientôt le viaduc nous apparaît. Nous éteignons nos lumières et le spectacle est là, avec le viaduc, ses piliers délicatement éclairés et la voute céleste audessus de nos têtes. Nous montons dans le noir, avec juste le bruit des pas, du souffle, du roulement du vélo et quelques paroles échangées. 12h18 plus tard, game is over Le col franchi, les lumières de Millau semblent à portée de main mais la descente est un cauchemar pour les cuisses. Chaque foulée me rapproche de la fin mais je suis cuit. Je me traine dans cette descente interminable, je m’engueule parfois. Les cinq derniers km sont marqués par des panneaux mais dieu qu’ils sont longs. Seb me laisse terminer seul le dernier km et j’avoue que je le savoure. J’aperçois le Parc des Victoires, l’allée toute illuminée, et j’entends des gens restés là malgré le froid, qui m’encouragent. J’entre dans le gymnase et franchis la ligne d’arrivée sur le podium où l’on accueille chaque finisher en donnant son nom. Je titube, épuisé et heureux, récupère mon diplôme (!) et tombe dans les bras de Seb. C’est fini. Un peu groggy, je vais m’affaler dans un coin pour récupérer. Je reprends pied petit à petit. Nous sommes attablés, je suis bien mais je ne mange pas, je flotte un peu. Une heure après mon arrivée, le speaker annonce l’arrivée d’un certain Jean Brengues en 13h23 à la 640ème place. Bon, pas de quoi en faire tout un plat … sauf que le finisher en question a 82 ans et vient de battre le record de France de 100 km sur route de 1h10 ! Alors Seb, je compte sur toi et ton vélo en 2034, on a un défi à relever… Bonus En bonus, quelques flashes parce que Millau, c'est aussi un voyage de trois jours : une sublime tarte au pommes maison à Gannat, le camping au bord de la Dourbie et ses canards si dignes, les ruelles du vieux Millau où la brebis est célébrée partout, les boutiques de livres ancien de la Charité-surLoire, le soleil permanent et chaleureux le jour après des nuits très, très fraiches (5°). Et je m’en voudrais de ne pas mentionner Jiminy Cricket, ce petit couinement de la roue de vélo de Seb, bien pratique, qui me permettait de savoir en permanence que mon suiveur était là, sans avoir à me retourner…