pelvi~ périnéologie - sifud-pp

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pelvi~ périnéologie - sifud-pp
PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
ÉDITORIAL
B O A R D
RÉDACTEUR EN CHEF
G. Amarenco
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
J.-J. Labat
RÉDACTEURS ASSOCIÉS
J.-M. Buzelin, M. Perrigot, B. Jacquetin,
P. Debodinance
SECTION EDITORS
Andrologie-Sexologie : P. Costa
Colo-proctologie : L. Siproudhis, D. Soudan
Infectiologie : J.-M. Bohbot
Neuro-urologie : R. Opsomer, P. Denys
Statique pelvienne : B. Fatton, A. Pigné
Incontinence : Ph. Grise, M. Cosson
Troubles fonctionnels : J.-J. Labat, F. Haab
Basic science : B. Parratte, L. Mazières
Explorations : L. Lenormand
Imagerie : J.-F. Lapray
Sciences paramédicales : G. Valancogne
Revue de la littérature internationale :
B. Deval, J.-F. Hermieu, J.-M. Soler, G. Robain
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Le volume 1 (4 numéros) paraît en 2006,
PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
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Pelvi-périnéologie couvre l’ensemble de la pelvi-périnéologie et s’intéresse particulièrement à
l’incontinence urinaire, aux troubles fonctionnels pelvi-périnéaux, aux explorations
urodynamiques et plus généralement, aux explorations périnéales (imagerie, neurophysiologie, etc.), aux troubles ano-rectaux, et aux troubles génito-sexuels.
Cette revue multidisciplinaire comprend des articles originaux faisant part des différentes
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d’enseignement et de pratique.
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coloproctologues, sexologues, infirmières impliquées dans les explorations périnéales,
kinésithérapeutes, sages-femmes, aux gastro-entérologues et à l’industrie pharmaceutique.
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PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
S O M M A I R E
ÉDITORIAUX
Pelvi-périnéologie...................................1
Exploration électrophysiologique
périnéale : mythes et réalités..................2
G. Amarenco
FORMATION MÉDICALE
FOCUS
REVUE DE PRESSE
B. Deval, G. Amarenco..........................86
Toxine botulique et périnéologie...........41
G. Amarenco
DOSSIER THÉMATIQUE
ARTICLES SCIENTIFIQUES
ARTICLES ORIGINAUX
Validation d’un questionnaire interculturel
de qualité de vie spécifique des troubles
urinaires dans la sclérose en plaques.....6
V. Bonniaud, B. Parratte
Tests cardiovasculaires de la fonction
autonome au cours des dysuries
idiopathiques de la femme.
Mise en évidence d’une dysautonomie
vésicale primaire ..................................12
P. Raibaut, S. Sheikh Ismael, K. Hubeaux,
M. Damphousse, G. Amarenco
Pad test court versus pad test ultracourt.
Étude prospective randomisée .............18
C. Ciofu, P. Levy, S. Léger, B. Gaibisso,
F. Haab, G. Amarenco
MISES AU POINT
Biomatériaux de renfort
pour le traitement
des prolapsus urogénitaux....................23
P. Grise, G. Descargues
CAS CLINIQUES
Incontinence urinaire postmictionnelle
et diverticule urétral.............................36
M. Demesmaeker, C. Ciofu
Pandysautonomie aiguë
pure (syndrome de Young et Adams)
et troubles vésico-sphinctériens ...........38
D. Lagauche, F. Maurier
Troubles du transit et de la défécation
des maladies neurologiques
coordonné par D. Soudan
Troubles digestifs et ano-rectaux
dans la sclérose en plaques .................45
L. Mailhan, A. Fontaine, I. Monteil
Troubles du transit et de la défécation
au cours de la maladie de Parkinson....49
D. Soudan, M. Ziegler
Prise en charge des troubles colorectaux
du blessé medullaire ............................53
J.-M. Soler
Les troubles ano-rectaux
des neuropathies périphériques ...........59
P. Raibaut, K. Hubeaux, M. Damphousse,
M. Jousse, G. Amarenco
Les troubles ano-rectaux
au cours des accidents vasculaires
cérébraux .............................................63
C. Jacq, M. Damphousse, M. Jousse,
P. Raibaut, G. Amarenco
PRATIQUE MÉDICALE
Rétentions urinaires psychogènes ........66
J.-C. Colombel
Traitement médical de l’éjaculation
prématurée...........................................73
P. Lacroix, G. Amarenco
RECOMMANDATIONS
Les vessies neurologiques
et leurs complications
dans la sclérose en plaques :
revue de la littérature ...........................77
M. de Sèze, A. Ruffion, P. Denys,
P.-A. Joseph, B. Perrouin-Verbe
Available
online
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PELVI~
PÉRINÉOLOGIE
INSTRUCTIONS A U X
A U T E U R S
Pelvi-périnéologie est l’organe officiel de la Société interdisciplinaire francophone d’urodynamique et de pelvi-périnéologie (SIFUD PP)
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pour un dossier thématique, des articles originaux, des articles de mises au point, des cas
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qui se réunit régulièrement et regroupe différents professionnels en pelvi-périnéologie.
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Exemple : Le Normand L, Buzelin JM (2006) Anatomie et physiologie du sphincter urétral.
In: Amarenco G, Chantraine A (eds), Les fonctions sphinctériennes. Springer, Paris, pp 7-28
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Exemple : Ciofu C, Levy P, Leger S, et al. (2006) Pad test court versus pad test ultracourt.
Étude prospective randomisée. Pelv perineol 1: 52-93
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Pelvi-périnéologie (2006) 1: 1
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0002-3
ÉDITORIAL / EDITORIAL
Éditorial
G. Amarenco
Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris,
Inserm U731/Université Pierre-et-Marie-Curie ; e-mail : [email protected]
Pelvi-périnéologie… Un titre. Une promesse.
Une nouvelle équipe rédactionnelle. Un nouveau comité éditorial.
Mais aussi une société savante (SIFUD PP) qui s’engage, un nouveau concept, une vraie
discipline, un credo. Un challenge.
Pelvi-périnéologie est donc né et vous avez entre les mains le premier numéro. Nous
sommes heureux et fiers, au comité de rédaction, de vous le présenter. Vous retrouverez, à
chaque parution, naturellement des articles scientifiques, mémoires originaux et mises au
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formation continue avec des dossiers thématiques, des cas cliniques et des fiches pratiques.
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Nous vous souhaitons une très agréable lecture.
Gérard Amarenco
Rédacteur en chef
Pelvi-périnéologie (2006) 1: 2–5
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0003-2
ÉDITORIAL / EDITORIAL
Exploration électrophysiologique périnéale : mythes et réalités
G. Amarenco
Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris,
Inserm U731/Université Pierre-et-Marie-Curie
Les explorations électrophysiologiques périnéales sont régulièrement demandées dans
l’évaluation diagnostique, pronostique, étiopathogénique et parfois physiopathologique de
nombreux troubles vésico-sphinctériens (incontinence et dysurie), ano-rectaux (dyschésie et
incontinence), génito-sexuels (dysérection) et périnéaux divers (névralgies pelvi-périnéales).
Pourtant, leur réel apport dans l’expertise de tels troubles reste encore à démontrer.
En effet, l’objectivité des explorations électrophysiologiques périnéales dans la détermination du diagnostic étiologique neurologique, du niveau lésionnel concerné et du pronostic de la
lésion causale est contrebalancée par le manque de sensibilité et de spécificité de ces techniques.
C’est dire que chaque examen devra être discuté dans son indication, réalisé en fonction de
l’examen neurologique préalable, conduit pour répondre clairement à des questions précises et
enfin, interprété en tenant compte des données anamnestiques, épidémiologiques, cliniques et
des résultats des autres examens complémentaires, morphologiques ou fonctionnels.
L’électromyographie de détection des muscles du plancher périnéal
Si cette technique est la plus ancienne, elle demeure actuellement probablement l’un des
examens les plus utiles. Grâce à l’analyse du recrutement temporel des unités motrices et à leur
typage morphologique, la mise en évidence d’une dénervation peut être objectivement
démontrée. L’accélération du tracé (plus de 20 unités motrices par seconde) est aisément mise en
évidence, de même que la présence d’activités spontanées de dénervation (potentiels lents,
fibrillation, rafales pseudo-myotoniques), tous éléments du syndrome neurogène périphérique.
Ceci semble aisé à mesurer et donc à reproduire. C’est sans compter sur la nécessité de la
contraction volontaire indispensable du patient qui peut être très variable, du bon
positionnement de l’électrode aiguille dans un faisceau musculaire donné, du caractère focal
de l’insertion, de la variabilité des conductions des différentes fibres notamment dénervées.
L’absence d’évaluation objective de la force restituée et la difficulté à grader la contraction sur
des rampes d’activation courtes rendent malaisée la détection des atteintes myogènes. C’est pour
cela que des techniques de quantification de l’étude des unités motrices ont été développées pour
permettre une meilleure objectivité, une meilleure reproductibilité de la mesure et donc des
résultats. Ces nouvelles méthodes d’analyse automatisée du signal, comme l’étude du rapport
turns-amplitude, ont été permises par la puissance de l’informatique embarquée des nouvelles
générations d’appareils d’électromyographie. De même, l’appréciation du caractère polyphasique des unités motrices (UM) est devenue aisée grâce à des logiciels spécifiques d’analyse en
3
temps réel et/ou différé, permettant d’extraire manuellement ou de manière automatisée les UM
et d’en étudier les caractéristiques morpho-temporelles.
Si la mise en évidence d’une altération de type neurogène ne prête souvent guère à confusion
(du moins dans les processus évolués…), la détermination de son caractère pathologique est
beaucoup plus délicate. La répartition du processus neuropathique doit impérativement être
prise en compte : une dénervation diffuse touchant l’ensemble de la musculature périnéale
(muscles antérieurs bulbo-caverneux, muscles postérieurs sphincter anal) chez une femme est
une quasi-certitude physiologique ! En effet, le moindre accouchement par voie basse
(notamment s’il a été quelque peu difficile ou prolongé), les antécédents de constipation, des
éléments de prolapsus même a minima sont autant de facteurs déterminant une banale et ô
combien fréquente neuropathie pudendale d’étirement, dont la présence n’aura aucune
signification dans l’analyse du symptôme considéré. Toutes aussi banales, certaines pathologies
bien fréquentes qui, elles aussi, déterminent un syndrome neurogène frustre compliquant
l’analyse électrophysiologique : arthrose rachidienne, antécédent d’hernie discale, de canal
rachidien rétréci, d’intervention pelvienne antérieure, etc., tous d’une grande banalité surtout à
partir d’un certain âge.
Ce n’est que la répartition de la dénervation qui permettra d’évoquer certains diagnostics.
Ainsi, une franche dénervation unilatérale au cours d’une névralgie périnéale constituera un
argument électrophysiologique pour une atteinte mono-tronculaire distale, focale du nerf
pudendal, évocatrice alors d’un syndrome du canal d’Alcock. Ailleurs, une prépondérance très
marquée de la dénervation dans le sphincter anal au cours des incontinences fécales du postpartum pourra suggérer une participation neurogène à l’hypocontinence.
L’étude des latences sacrées
La stimulation de l’afférent sensitif (nerf dorsal de la verge, nerf clitoridien), avec recueil du
potentiel dans l’un des muscles du plancher périnéal (muscle bulbo-caverneux, par exemple)
permet en théorie de tester l’intégrité de l’arc réflexe sensitivo-moteur nerf pudendalmétamères S2S3S4. Mais, outre son absence de valeur très précise sur le plan topographique
(bien que la latence sacrée soit le plus souvent altérée au cours des lésions proximales, radiculomédullaire ou plexiques sacrées, contrairement aux lésions distales), cet examen souffre d’un
manque de reproductibilité et de sensibilité. La première raison est le fait du stimulus
habituellement utilisé : la stimulation électrique ne permet d’explorer que les grosses fibres
myélinisées, les neuropathies des petites fibres à l’origine des divers symptômes explorés
(incontinence anale, dysérection, troubles urinaires…) restant méconnues. La deuxième raison
est aussi inhérente à la technique et, plus précisément, au mode de recueil à l’aiguille, ce dernier
étant focal et ne pouvant représenter qu’une des modalités de conduction (fibres à conduction
les plus rapides… ou les plus lentes) dans une même structure musculaire, avec ainsi une
dispersion des valeurs. Le recueil en surface ne permet pas de s’affranchir de cet obstacle, en
raison de la contamination par le muscle controlatéral, faussant le résultat. La troisième raison
est d’ordre physiologique : le réflexe bulbo-caverneux est un réflexe polysynaptique et répond
4
donc à un certain nombre de lois précises en termes de modalité d’obtention des réponses
réflexes. Il est bien établi que les latences de ces réflexes, contrairement au réflexes monosynaptiques, varient en fonction de l’intensité de stimulation. On observe ainsi un
raccourcissement de latence lors de l’augmentation de l’intensité du stimulus électrique,
jusqu’à une valeur seuil, mais qu’il est parfois bien difficile de déterminer lors de
l’enregistrement du réflexe bulbo-caverneux en raison de la pénibilité de la stimulation
périnéale. C’est dire qu’il faudra toujours interpréter avec une grande prudence les réponses
réflexes sacrées. Enfin, au-delà de la simple valeur absolue de la latence, il faudra toujours
prendre en compte la comparaison inter-latence en raison de la distribution homolatérale du
réflexe, ce qui permet d’avoir des arguments diagnostiques et topographiques en cas de lésion
unilatérale sur l’hémi-arc réflexe nerf pudendal - S2S3S4 (lésions radiculaires ou plexiques
sacrées). Enfin, si la reproductibilité immédiate des latences réflexes sacrées a été bien évaluée,
qu’il s’agisse de stimulation électrique de l’afférent ou de stimulation mécanique, en revanche,
la reproductibilité à moyen et long terme n’a jamais été démontrée. Elle ne semble pas parfaite
en raison de la possibilité de variation du lieu d’insertion et de localisation exacte de l’électrode
aiguille. La vitesse de conduction de la fibre considérée étant très variable, notamment dans les
cas de dénervation, la latence du réflexe bulbo-caverneux variera dans les mêmes proportions.
L’étude des potentiels évoqués cérébraux par stimulation périnéale
L’analyse des potentiels évoqués somesthésiques par stimulation des dermatomes sacrés
permet en théorie l’analyse de l’ensemble des voies lemniscales à point de départ périnéal. Cet
examen est certes reproductible, mais loin d’être sensible. Perturbé (parfois…) quel que soit le
siège de la lésion (centrale ou périphérique, médullaire ou encéphalique, radiculo-plexique ou
distale), il ne permet de plus aucune analyse discriminative droite-gauche. Son utilité dans
l’évaluation des troubles neuro-périnéaux reste encore bien à démontrer.
L’étude des latences distales du nerf pudendal
Cette technique, initiée dans les années 1960, est largement rapportée dans les publications
comme test de perte axonale dans les insuffisances sphinctériennes anales. La constatation
d’une augmentation de la latence distale motrice du nerf pudendal sur sa branche anale (recueil
dans le sphincter anal externe) ou périnéale (recueil dans le bulbo-caverneux) après stimulation
de celui-ci par une électrode digitale au contact de l’épine sciatique a validé la notion de
neuropathie périnéale d’étirement. Les limites de la méthode concernent l’aspect technique luimême. Lorsque le recueil s’effectue en surface, il est difficile de dissocier avec précision le début
de la réponse de l’artéfact de stimulation quand on sait que les valeurs normales se situent aux
alentours de 2 ms. Lorsque le recueil s’effectue à l’aiguille, le test a une faible valeur prédictive,
toute normalité de la latence n’éliminant en rien la réorganisation d’une unité motrice de
voisinage. Lorsque le seul critère d’analyse est la latence sans prise en compte de l’amplitude ou
de l’aire du potentiel moteur, l’écart du normal au pathologique (quelques ms) n’est pas
suffisant pour expliquer les défauts de recrutement de la musculature striée dans sa composante
5
phasique ni d’une évaluation objective de la perte axonale. Cette dissociation est ainsi illustrée
par la normalité des latences distales avec signes de dénervation en EMG conventionnel dans
plus d’un cas sur deux dans une population d’insuffisance sphinctérienne idiopathique. La mise
en évidence d’une lésion focale tronculaire d’un nerf moteur par comparaison droite/gauche
ne permet ici, compte tenu de l’intrication des territoires d’innervation droit et gauche des
sphincters et des variantes anatomiques fréquentes, aucune conclusion quant à sa responsabilité dans la genèse d’une insuffisance sphinctérienne ou d’une névralgie périnéale.
Conclusion
Malgré leur large utilisation en pratique quotidienne, la reproductibilité, la sensibilité et la
spécificité des explorations électrophysiologiques ne sont pas excellentes. Et pourtant, elles
restent fort demandées dans l’appréciation objective, quantitative, topographique et évolutive
de la dénervation. Mais pour rester utiles, voire dans certains cas, indispensables, elles ne
doivent être analysées puis interprétées qu’avec beaucoup de recul, d’humilité, et en fonction
des indispensables données cliniques, anamnestiques et d’examen. Elles restent un examen
complémentaire, purement descriptif, sans aucune valeur fonctionnelle, contrairement aux
explorations manométriques. Mais elles demeurent d’un incontestable intérêt dans le dépistage
d’un facteur neurogène et dans l’appréciation de l’intégrité réflexe sacrée.
Pelvi-périnéologie (2006) 1: 6–11
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0005-0
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Validation d’un questionnaire interculturel de qualité de vie
spécifique des troubles urinaires dans la sclérose en plaques
V. Bonniaud, B. Parratte
Service de Médecine physique et de Réadaptation, Hôpital Minjoz, 3 boulevard Alexandre-Fleming, 25000 Besançon
Résumé : Introduction : Qualiveen, questionnaire de qualité
de vie (QdV), en langue française, spécifique des troubles
urinaires (TU) a bénéficié d’une procédure rigoureuse de
traduction en langue anglaise. Cependant cette première
étape d’une adaptation culturelle d’un questionnaire ne
garantit pas sa pertinence interculturelle. S’assurer de
l’équivalence du concept mesuré par le questionnaire entre
les cultures concernées est un prérequis nécessaire. Une
adaptation culturelle est ainsi achevée quand les propriétés
de mesures du questionnaire traduit ont été démontrées.
Objectif : Prouver l’équivalence conceptuelle de la
version anglaise de Qualiveen avec la version originale
française, en analysant ses propriétés de mesures (validité de
construction, fiabilité et sensibilité aux changements).
Méthodes : Étude longitudinale chez 55 patients canadiens anglophones, atteints de SEP qui ont rempli à deux
reprises Qualiveen en anglais, le Multiple Sclerosis Quality
Of Life-54 et une auto-évaluation des TU. À l’inclusion,
chaque patient a été inclus soit dans le groupe « stable par
anticipation » (si les troubles urinaires étaient peu gênants,
traités ou non), soit dans le groupe « amélioré par
anticipation » (si un traitement était instauré et que nous
présumions fortement que ce traitement les améliorerait).
Résultats : La validité de construction longitudinale de
Qualiveen repose sur la confirmation de prédictions faites a
priori (Kappa = 0,71) avec des changements observés dans
les scores de Qualiveen corrélés aux changements des autres
questionnaires. Sa fiabilité est élevée (coefficient de corrélation intraclasse = 0,94). Tous les domaines de Qualiveen
sont capables de détecter des changements chez les patients
« améliorés par anticipation » (p < 0,0001) et de différencier
ces patients de ceux restés « stables » (p < 0,0001).
Conclusion : Les propriétés de mesures de Qualiveen en
anglais sont similaires à celles de la version originale. Cette
validation psychométrique permet l’utilisation d’un questionnaire de QdV équivalent dans l’évaluation des TU chez
des patients atteints de SEP, de cultures différentes, au cours
d’études internationales.
Mots clés : Troubles urinaires – Qualité de vie – Questionnaire – Adaptation culturelle – Qualiveen
Correspondance : [email protected]
Validation of an intercultural urinary-disorder
specific instrument in multiple sclerosis
Abstract: The Qualiveen questionnaire is a urinary disorder
(UD)-specific Health Related Quality of Life (HRQL)
instrument. Developed in French, its translation into English
was the first step of a process leading to an HRQL questionnaire that can be used in a different culture. However, the
cultural adaptation of an HRQL questionnaire is only
achieved when the psychometric properties of the translated
questionnaire are documented.
Aim: To develop an equivalent English version of the
Qualiveen questionnaire, and to assess its following measurement properties : construct validity, reliability and
responsiveness.
Methods: A before-after study in which MS completed
questionnaires (Qualiveen, MSQOL-54, urinary function
assessment) twice at an interval of two to ten weeks.
The study included 55 Canadian out-patients who, at
enrollment, were classified as ‘‘stable’’ group if they had
no troubling UD or ‘‘expected to improve’’ if they had
troubling UD that mandated intensified treatment.
Results: Consistent with a priori predictions (weighted
kappa = 0.71), changes in Qualiveen score correlated with
changes in other outcomes. Qualiveen proved test-retest
reliable (intraclass correlation coefficient = 0.94). All Qualiveen domains detected changes in patients ‘‘expected to
improve’’ (p < 0.001) and differentiated these patients from
‘‘stable’’ patients (p < 0.001).
Conclusions: Valid, reliable, and responsive, both
English and French versions are useful for MS studies
addressing UD.
Keywords: Urinary disorders – Cultural adaptation – Questionnaire – Quality of life – Qualiveen
Introduction
L’évaluation de la qualité de vie est difficile à appréhender,
mais devient une nécessité dans la prise en charge des troubles vésico-sphinctériens des patients atteints de sclérose
7
en plaques (SEP) [1-3]. Un traitement est habituellement
instauré après avoir exploré ces troubles urinaires au cours
d’un bilan clinique et paraclinique relativement standardisé : interrogatoire, calendrier mictionnel, examen clinique
neuro-périnéal et uro-génital, explorations urodynamique et
électrophysiologique. Ces évaluations permettent de guider
la prise en charge thérapeutique, mais ne renseignent pas sur
le vécu des troubles par le patient, sur l’importance de leur
gêne ou de leur amélioration après l’instauration d’un
traitement. Améliorer la qualité de vie des patients atteints
de SEP présentant des problèmes urinaires est devenu un
objectif primordial. Les complications uro-néphrologiques
sont en effet peu fréquentes [4, 5]. De plus, ces troubles
vésico-sphictériens ont un impact psychologique majeur et
représentent un des handicaps de la SEP qui a le plus de
retentissement sur le domaine social [6, 7].
Le vécu des troubles urinaires chez les patients atteints
de SEP n’est pas simple à évaluer, compte tenu de l’ensemble
des symptômes ayant un possible retentissement sur leur vie
quotidienne. Aussi, il doit être mesuré par l’intermédiaire de
questionnaires de QdV spécifiques. Ces derniers permettent
de répondre aux besoinx d’une meilleure approche des
problèmes spécifiquement liés à une population définie. Ces
questionnaires, pour pouvoir être utilisés, doivent avoir
bénéficié d’une validation psychométrique avec analyse de
trois propriétés de mesure clef : validité, fiabilité et sensibilité aux changements [8]. Cette validation permet de
s’assurer que le questionnaire fonctionne comme attendu et
apporte ainsi une garantie scientifique [9].
Aucun des questionnaires existants de QdV spécifiques
de la SEP ou spécifiques des troubles urinaires développés
pour la population générale ne sont appropriés à cette
population [10, 11]. Les premiers, quand ils évaluent ce
problème, ne comportent qu’un ou deux items. Les seconds
sont généralement développés soit chez l’homme, soit chez
la femme pour cibler un type de symptômes donné. Ils sont
donc trop restrictifs, les troubles urinaires dans la SEP étant
variés, souvent représentés par l’association de signes
obstructifs et de signes irritatifs chez un même patient,
majorés ou non par une incontinence. Le questionnaire
Qualiveen est un instrument de QdV spécifique des troubles
urinaires initialement développés chez les patients blessés
médullaires [12]. Sa validation psychométrique a été ensuite
étendue aux patients atteints de SEP [10].
Utiliser le même questionnaire, quel que soit le pays,
représente des intérêts majeurs que la création d’un nouvel
instrument n’aurait pas. Nous nous sommes ainsi intéressés
à l’adaptation culturelle de Qualiveen en langue anglaise
dans la population SEP. Ceci rend, en effet, possibles la
comparaison de résultats et une interprétation commune à
travers des langues et des cultures différentes. La réalisation
d’études cliniques à une plus grande échelle est également
facilitée par une participation internationale possible.
Cependant, l’utilisation de questionnaire de QdV dans
d’autres langues et cultures impose leur traduction puis la
validation psychométrique de la version traduite afin de
s’assurer de la pertinence interculturelle et de l’équivalence
conceptuelle avec le questionnaire original [13, 14].
L’objectif de ce travail est de présenter la validation
de la version anglaise de Qualiveen (analyse de la validité
de construction longitudinale, fiabilité et sensibilité aux
changements), ce qui a permis d’achever son adaptation
culturelle en langue anglaise.
Le questionnaire Qualiveen
Qualiveen est un auto-questionnaire de QVLS spécifique.
Il est composé de 30 items, qui mesurent le retentissement
des troubles urinaires sur 4 domaines spécifiques de la
qualité de vie : la gêne (9 items), les contraintes (8 items), la
peur (8 items), et le vécu (5 items). Chaque item a une échelle
de réponse en cinq points avec 0 indiquant l’absence
d’impact des troubles urinaires sur la QVLS et 4 témoignant
d’un retentissement très sévère. Le score de chaque domaine
de Qualiveen correspond à la moyenne des scores pour
chacun des items composant le domaine. Le score total
représente la moyenne des scores des 4 domaines. Il était
valide et fiable, sa sensibilité aux changements n’avait pas été
analysée chez les blessés médullaires [12].
Chez les patients atteints de SEP, sa validité de
construction discriminative reposait sur la confirmation
d’hypothèses a priori, faites avant analyse, préjugeant de
corrélations fortes avec le type de symptômes, le degré
d’incontinence urinaire, de corrélations modérées avec le
nombre de symptômes, de corrélations faibles avec le
mode mictionnel, de corrélations faibles ou absentes
avec la plupart des dimensions du questionnaire SEP-59
(questionnaire de QdV spécifique de la SEP) [10]. Sa
validité de construction longitudinale a été établie sur la
confirmation d’hypothèses a priori concernant des
corrélations entre le changement des scores de Qualiveen
et les changements observés pour les autres mesures
(symptômes, mode mictionnel, questionnaire SEP-59)
[2]. La fiabilité (test-retest) de Qualiveen était excellente
pour tous les domaines et le score global de qualité de vie
avec des coefficients de corrélation intraclasse compris
entre 0,85 et 0,96 (résultats non publiés). La sensibilité
aux changements a été étudiée en regroupant les patients
canadiens anglophones et les patients français.
Il a été traduit en anglais britannique par le groupe Mapi
Value. Sa traduction, première étape de l’adaptation
culturelle du questionnaire, répondait à une méthodologie
bien définie en trois phases : traduction forward, traduction
backward, étape pretest [15]. La seconde étape de l’adaptation culturelle de Qualiveen en langue anglaise n’avait pas
été réalisée. Il s’agissait de validation des propriétés de
mesure de la version anglaise de Qualiveen.
Validation de la version anglaise de Qualiveen
L’objectif de cette seconde étape de l’adaptation culturelle
d’un questionnaire a été de s’assurer de l’équivalence du
8
concept mesuré et de la pertinence interculturelle entre la
version anglaise de Qualiveen et sa version originale
française. La population choisie fut celle de la SEP. Nous
avons ainsi analysé la validité de construction longitudinale,
la fiabilité et la sensibilité aux changements de la version
anglaise de Qualiveen.
Patients
Entre janvier et juillet 2003, 78 patients canadiens anglophones, (Hamilton, Ontario), atteints d’une SEP, ont été
impliqués dans une étude longitudinale pour la validation
de Qualiveen. Ils bénéficiaient d’une consultation auprès
d’un neurologue dans une clinique de la SEP à l’université
de McMaster ou auprès d’un médecin de Médecine
physique et de Réadaptation dans un centre de rééducation à l’hôpital Chedoke. Tous les patients avaient une
SEP, définie selon les critères de Poser [16], et connaissaient leur diagnostic. Tous ont signé un consentement
éclairé après approbation du protocole d’étude par le
comité d’éthique des Sciences et de la Santé de l’université
de McMaster.
Ces patients anglais étaient soit « stables », soit
« à améliorer ». Ils étaient considérés comme « stables » si
leurs troubles urinaires n’entraı̂naient pas de gêne imposant
un nouveau traitement. Les patients « à améliorer » avaient
des symptômes urinaires gênants. Ils étaient inclus si nous
prévoyions fortement que l’introduction d’un nouveau
traitement les améliorerait. En effet, ces signes urinaires
gênants avaient suffisamment d’impact sur la qualité de vie
des patients pour leur permettre de souhaiter essayer un
nouveau traitement, malgré la contrainte et le risque d’effets
secondaires. Ainsi à l’inclusion, chaque patient a été inclus
soit dans le groupe « stable par anticipation », soit dans le
groupe « amélioré par anticipation ». La même étude fut
menée chez des patients français afin d’augmenter le
nombre de patients pour l’étude de la sensibilité aux
changements.
Auto-évaluation du statut urinaire
Un auto-questionnaire pour collecter les informations
concernant les symptômes urinaires, le mode mictionnel
et le degré d’incontinence : incontinence légère (moins de
quatre épisodes de fuites par mois) ; modérée (plusieurs
épisodes par semaine) ; sévère (plusieurs épisodes par
jour).
Administration des questionnaires
Les patients souhaitant participer à l’étude ont rempli chez
eux les auto-questionnaires (Qualiveen, MSQOL-54, statut
urinaire) à deux reprises, à quatre semaines d’intervalle.
Tous les patients ont eu deux visites cliniques, la première se
faisant à l’inclusion, c’est-à-dire juste avant la mise en
route d’un traitement s’il était nécessaire, et la seconde 4 à
8 semaines plus tard.
Méthode et résultats
Parmi les 78 patients de l’étude, 19 ont refusé de participer
et 4 autres n’ont renvoyé aucun de leurs questionnaires. 55
patients ont donc complété 2 fois l’ensemble des
questionnaires. 51 patients avaient été inclus dans le
groupe « stable » et 4 dans le groupe « amélioré par
anticipation ». Parmi ces 55 patients, 86 % rapportaient
des symptômes urinaires : symptômes obstructifs (58 %),
symptômes irritatifs (78 %) et incontinence par impériosité (61 %). Parmi les 14 % sans plainte urinaire,
seulement un des patients n’avait pas de sonde à demeure.
Parmi l’ensemble des 55 patients, 46 % urinaient normalement, 22 % utilisaient des poussées abdominales ou des
pressions manuelles sus-pubiennes, 14 % vidaient leur
vessie par sondages intermittents, 13 % portaient une
sonde à demeure et 5 % avaient une perte du contrôle
vésical avec des mictions par fuites.
Validité de construction longitudinale
Autres questionnaires utilisés
D’autres questionnaires ont été utilisés pour explorer la
validité de construction évaluative de Qualiveen.
MSQOL-54
Le MSQOL-54 (Multiple Sclerosis Quality Of Life-54 questionnaire [17]), questionnaire de QVLS spécifique de la
sclérose en plaques, comportait 36 items provenant du SF-36
et 18 items supplémentaires spécifiques à la SEP, répartis en
14 domaines. Sa validité de construction et sa fiabilité ont
bien été démontrées [17]. Sa sensibilité aux changements était
faible (effect size < 0,50 pour chacun des domaines), testée
chez des patients hospitalisés bénéficiant d’un programme
de rééducation [18]. Il a bénéficié d’une adaptation culturelle
en langue française, le questionnaire SEP-59 [19].
La validité examine l’aptitude d’un questionnaire à
mesurer ce qu’il est supposé mesurer.
Il existe plusieurs approches pour démontrer la
validité d’un instrument [9].
L’approche la plus rigoureuse en l’absence de gold
standard est appelée validité de construction (construct
validity) [20]. Pour les questionnaires discriminatifs
(conçus pour mesurer une différence de QdV entre
patients), elle consiste à étudier les corrélations entre
les scores du questionnaire étudié et d’autres mesures à
un moment donné dans le temps (validité de construction discriminative) [9]. Pour les questionnaires évaluatifs (conçus pour détecter un changement de QDV
chez un même patient), il s’agit d’analyser les corrélations entre les changements dans les scores du questionnaire étudié et les changements dans d’autres mesures
9
utilisées à travers le temps (validité de construction
longitudinale) [9].
La validité de construction est de loin la plus forte, si les
investigateurs établissent au préalable des hypothèses
concernant les corrélations attendues entre le questionnaire
testé et les autres mesures utilisées [8]. Cette validité est
renforcée ou affaiblie, selon l’importance de la confirmation
ou non des prédictions.
Les validités de construction discriminative et longitudinale de la version anglaise de Qualiveen ont été examinées
[2, 21]. Seule la validité de construction longitudinale est
présentée ici. Ainsi, 85 hypothèses a priori ont été établies
concernant les corrélations attendues entre les changements
pour chacun des scores de Qualiveen (scores des quatre
domaines et le score global) et les changements pour les
autres questionnaires (nombres de symptômes, mode
mictionnel, degré d’incontinence, et chacun des domaines
du questionnaire MSQOL-54) [2]. Quatre niveaux statistiques de corrélation ont été établis : forte, r > 0,5 ; modérée,
r = 0,36 à 0,5 ; pauvre, r = 0,20 à 0,35 ; absente, r < 0,2. Pour
évaluer la force des associations, le coefficient de corrélation
de Pearson fut utilisé pour les variables continues et le
coefficient de Spearman pour les données ordinales.
Un coefficient kappa de concordance a permis de
mesurer l’ampleur de l’agrément entre les corrélations
prédites et les corrélations observées après analyse [22].
Parmi les 85 hypothèses a priori, celles qui concernent
le statut urinaire étaient les suivantes :
Les changements dans le nombre de symptômes
urinaires devraient être :
– fortement corrélés avec les changements dans les
domaines gêne et contrainte,
– modérément corrélés avec les changements dans le
score global,
– pauvrement corrélés avec les changements dans les
domaines peur et vécu.
Les changements dans le degré d’incontinence
urinaire devraient être
– fortement corrélés avec les changements dans les
domaines gêne et contrainte et dans le score global,
– modérément corrélés avec les changements dans
les domaines peur et vécu.
Les changements dans le mode mictionnel devraient
être :
– modérément corrélés avec les changements dans
les domaines gêne et contrainte,
– pauvrement corrélés avec les changements dans les
domaines peur et vécu et dans le score global.
La validité de construction longitudinale de Qualiveen reposait sur la confirmation des prédictions faites
a priori (Kappa = 0,71) [2]. Ainsi, les résultats ont confirmé qu’il existait :
– de fortes corrélations entre les changements de
score global de Qualiveen et les changements dans le
nombre de symptômes (0,53, p < 0,001), les changements
dans le degré d’incontinence (0,59, p < 0,0001),
– des corrélations faibles entre les changements de
score global de Qualiveen et les changements de mode
mictionnel (0,29, p < 0,001),
– des corrélations faibles ou absentes entre les
changements de score global de Qualiveen et les
changements dans les domaines du MSQOL-54.
Fiabilité (test-retest)
La fiabilité (reliability) examine ainsi la capacité d’un
questionnaire à obtenir des résultats similaires quand la
présence ou l’ampleur d’une caractéristique stable est
déterminée de façon répétée, soit dans le temps [9].
La fiabilité test/retest consiste à faire remplir le questionnaire par des patients stables à deux reprises. La
concordance des réponses est mesurée par un coefficient
de corrélation intraclasse.
La fiabilité (test-retest) de Qualiveen a été examinée
chez les patients stables. Elle était excellente pour tous les
domaines et le score global de qualité de vie avec des
coefficients de corrélation intraclasse compris entre
0,80 et 0,92 (intervalle de confiance 95 %) [21].
Sensibilité aux changements
La sensibilité aux changements (responsiveness) est l’aptitude d’un instrument à détecter tout changement important dans l’état de santé d’un patient, même si ces
changements sont petits [23]. En pratique clinique ou dans
des essais thérapeutiques, si l’objectif est de détecter un
changement à travers le temps, le questionnaire doit avoir
été démontré sensible aux changements.
Il n’existe pas de consensus pour étudier la sensibilité
aux changements d’un questionnaire. Son analyse consiste à rechercher des changements résultant d’une action
thérapeutique sur une période donnée. De nombreuses
approches sont proposées. Le plus souvent, plusieurs
d’entre elles sont utilisées au cours d’une même étude [9].
La sensibilité aux changements de Qualiveen a été récemment étudiée au cours d’une étude longitudinale
chez des patients atteints de SEP français et canadiens
anglophones [2]. Elle a été étudiée de trois manières
différentes :
– en analysant son aptitude à détecter des changements
statistiquement significatifs survenus chez les patients pour
lesquels avaient été prédit qu’ils auraient un changement
(groupe « amélioré par anticipation ») en utilisant un test t
pair (paired t test) ;
– en testant sa capacité à mesurer des différences
significatives dans le changement de la qualité de vie entre
le groupe « stable par anticipation » et le groupe « amélioré
par anticipation » sur une période de 2 mois en utilisant un
test t impair (unpaired t test) ;
– en calculant la réponse moyenne standardisée (standardized response mean), soit la moyenne des changements dans les scores entre la visite de suivi et la visite
d’inclusion divisée par l’écart-type des changements
10
individuels dans les scores dans le groupe « amélioré par
anticipation ».
La sensibilité aux changements de Qualiveen était très
bonne, quelle que soit la méthode utilisée pour les 4
domaines et le score global. Les réponses standardisées
moyennes s’élevaient de 0,76 à 1,44. Qualiveen a détecté
des changements significatifs dans le groupe « amélioré
par anticipation » (paired t test). Il a aussi montré des
différences significatives entres les deux groupes « stable
par anticipation » et « amélioré par anticipation »
(unpaired t test) [2].
Discussion
Si la traduction d’un questionnaire de QVLS nécessite une
méthodologie rigoureuse, elle ne garantit pas l’équivalence
et la pertinence interculturelle, sur le plan conceptuel, par
rapport à la version originale. L’adaptation d’un questionnaire de QVLS dans une autre langue et une autre culture
a comme objectif de produire un instrument avec des
propriétés de mesure similaires voire supérieures à celles du
questionnaire d’origine.
La traduction en langue anglaise de Qualiveen, initialement développé en langue française, a été produite selon une
méthodologie recommandée, rigoureuse et bien codifiée
(forward-translation/back-translation). L’utilisation d’une
traduction britannique chez une population canadienne
aurait pu être un problème, puisque la langue anglaise parlée
au Royaume-Uni est légèrement différente de celle parlée
dans d’autres pays anglophones. Ce point a déjà été soulevé
dans d’autres langues, notamment pour l’espagnol [24, 25].
Les Canadiens n’ont eu aucune difficulté avec la version
britannique de Qualiveen, qui a montré des propriétés de
mesure très satisfaisantes non seulement pour le questionnaire dans son ensemble, mais aussi pour chacun de ses items.
Les résultats de cette étude montrent que la version
anglaise de Qualiveen est aussi fiable et valide que sa
version originale française. La validation de la version
anglaise permet ainsi d’affirmer qu’il existe une équivalence satisfaisante de mesure de la santé perçue chez les
patients atteints de SEP avec des troubles urinaires, qu’ils
soient francophones ou anglophones.
La validation psychométrique des versions française et
anglaise de Qualiveen comme questionnaire évaluatif
(conçu pour détecter un changement de QDV chez un
même patient) n’avait pas été réaliseé dans la population
blessée médullaire. Pour des objectifs évaluatifs, la
validité de construction longitudinale reposait sur des
corrélations significatives entre les changements dans le
statut urinaire (nombre de symptômes urinaires, degré
d’incontinence urinaire, mode mictionnel), sur des
corrélations faibles ou absentes avec les changements
dans les scores des dimensions du MSQOL-54 et les
changements dans les scores de Qualiveen. Nos résultats
ont montré une concordance élevée entre les corrélations
prédites et les corrélations observées (kappa = 0,71).
Lors d’essais thérapeutiques ou d’une utilisation en pratique clinique quotidienne, la sensibilité aux changements
de Qualiveen, comme sa validité de construction longitudinale, nécessitait d’être démontrée. Elle a été analysée par
plusieurs approches qui ont montré des résultats similaires
et satisfaisants. La sensibilité aux changements pour tous les
domaines était très bonne (réponse moyenne standardisée :
SRM = 0,76 à 1,44). Qualiveen était capable de détecter des
changements chez les patients « améliorés par anticipation » (p < 0,001) et de différencier ces patients de ceux
restés « stables » (p < 0,001).
Une limite de ce travail est le faible nombre de patients
de langue anglaise pour lesquels nous avions anticipé une
amélioration. Nous recommandons d’effectuer des études
supplémentaires pour tester la sensibilité aux changements de la version anglaise afin de renforcer nos
résultats. Cependant, nous retrouvons des performances
identiques de façon constante entre les deux versions tout
au long de ces études, ce qui laisse fortement présager que
d’autres évaluations seront similaires avec nos données
[2, 10, 21].
Ce travail s’intègre bien aux recommandations de la
seconde Consultation internationale sur l’incontinence, qui
préconise d’inclure des questionnaires de QVLS spécifiques
des troubles urinaires dans tout essai clinique [26]. Plusieurs
travaux ont en effet démontré l’existence de faibles
corrélations entre le retentissement de l’incontinence
urinaire dans la vie quotidienne vécue par le patient et les
évaluations symptomatiques, cliniques et paracliniques
habituellement utilisées pour évaluer ces troubles urinaires
(calendrier mictionnel, pad test, échelles de symptômes,
paramètres urodynamiques) [27-31].
Conclusion
Cette étude démontre que la traduction anglaise de
Qualiveen est hautement acceptable, compréhensible,
facile à remplir par les patients canadiens. La validation
des propriétés de mesure de la version anglaise certifie
qu’elle est similaire à la version originale française.
Qualiveen, questionnaire valide et fiable, peut donc être
utilisé dans l’une ou l’autre langue pour mesurer l’impact
des troubles vésico-sphinctériens sur la QVLS des
patients atteints de SEP. Sa sensibilité aux changements,
ayant été démontrée, autorise son utilisation au cours
d’essais cliniques multicentriques et internationaux. Un
travail est en cours pour la réduction d’items de
Qualiveen, afin de permettre l’intégration de l’évaluation
de la qualité de vie en pratique clinique quotidienne dans
le suivi des patients.
Remerciements
Ce travail a reçu le soutien la Fondation Coloplast
française (Bourse de la miction). Les auteurs remercient
l’Institut de recherche MAPI pour la direction des
11
procédures d’Harmonisation internationale de la traduction anglaise de Qualiveen.
Les versions française et anglaise de Qualiveen sont
disponibles auprès des Laboratoires Coloplast.
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DOI 10.1007/s11608-006-0015-y
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Tests cardiovasculaires de la fonction autonome au cours des
dysuries idiopathiques de la femme. Mise en évidence d’une
dysautonomie vésicale primaire
P. Raibaut, S. Sheikh Ismael, K. Hubeaux, M. Damphousse, G. Amarenco
Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,
Inserm U731/ Université Pierre-et-Marie-Curie
Résumé : Les étiologies des dysuries chez la femme sont
nombreuses (obstruction mécanique, postchirurgicale,
neurogène, claquage détrusorien, iatrogénique, psychogène, comportementale, syndrome de Clare Fowler).
Souvent le diagnostic reste inconnu. Nous avons voulu
vérifier dans cette population s’il pouvait exister une
altération du système nerveux autonome au moyen de
tests cardiovasculaires de la fonction autonome.
Matériel et Méthodes : Nous avons étudié 27 patientes
présentant une dysurie associée ou non à une rétention
urinaire incomplète sans que le bilan urologique (cystoscopie) ni neurologique (urodynamique, EMG périnéal, IRM
encéphalique et médullaire) ne mettent en évidence de cause
connue de dysurie. Chaque patiente a réalisé une batterie de
tests végétatifs comprenant une recherche d’hypotension
orthostatique, un test au froid, une analyse de la variabilité
de l’espace RR lors de la manœuvre de Valsalva et lors de
ventilations amples dirigées, et enfin un enregistrement des
réflexes cutanéosympathiques.
Résultats : La moyenne d’âge était de 46,2 ans avec une
durée des symptômes de huit ans. Trois patientes étaient en
rétention urinaire complète, 12 en rétention urinaire
incomplète et 12 autres se plaignaient simplement de dysurie
caractérisée par une dysurie d’attente, un jet diminué ou
haché. Quatorze patientes pratiquaient le sondage intermittent. Parmi les 27 patientes, 18 avaient au moins deux
tests végétatifs perturbés permettant d’affirmer l’existence
d’une dysautonomie. Pour les 27 patientes les examens
cliniques, neurologiques et urologiques étaient normaux et
elles ne présentaient pas de symptôme évocateur d’une
dysautonomie déclarée (pas de flou visuel, pas d’anomalie
pupillaire, pas de manifestation d’hypotension orthostatique
ni de trouble digestif). Les IRM cérébrales et médullaires, la
cystoscopie, les échographies vésicorénales, l’électrophysiologie périnéale (latences sacrées et potentiels évoqués
somesthésiques du nerf pudendal) étaient normales.
Conclusion : Cette étude permet d’évoquer l’existence
d’une dysautonomie à expression purement vésicale sous la
forme d’une dysurie : dysautonomie vésicale primaire. Une
telle anomalie du système nerveux autonome pourrait être
recherché dans d’autres cadres syndromiques (syndrome de
Clare Fowler, mégavessie congénitale…) ou d’autres troubles fonctionnels mictionnels (syndrome d’hyperactivité
vésicale…).
Mots clés : Dysurie – Dysautonomie vésicale primaire –
Tests végétatifs cardiovasculaires
Cardiovascular autonomic function test in female
voiding phase dysfunction. Primary bladder
dysautonomia revealed
Abstract: We postulated that among the various causes of
female voiding phase dysfunction (FVPD), (bladder
outlet obstruction, post surgical conditions, neurological
disorders, overdistension, pharmacological, psychogenic
causes, learned voiding dysfunction, Fowler syndrome),
a specific and limited impairment of the autonomic
nervous system can be demonstrated and constitutes
another possible etiology of FVPD.
Material and Method: We prospectively investigated
27 women with voiding phase dysfunction, (straining to
void, complete or incomplete retention) without any known
etiologies, by means of urodynamic investigation, electromyographic examination, cystoscopy, brain and spinal cord
MRI and cardiovascular autonomic function tests (heart rate
variability to deep breathing, cold pressor test, Valsalva
ratio, blood pressure response to standing and sympathetic
skin responses) and by testing parasympathetic and sympathetic pathways.
Results: The mean age was 46.2 years, the mean duration of symptoms was 8 years. Complete urinary retention
Correspondance : Pr G. Amarenco, Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild,
33 boulevard de Picpus, 75571 Paris Cedex 12; [email protected]
13
was noted in 3 patients, incomplete retention in 12 and the
other 12 complained of straining to void, diminished
stream and hesitancy. 14 patients were under intermittent
self-catheterization. Among the 27 patients, 18 had two or
more positive cardiovascular autonomic function tests
and were considered as suffering from dysautonomia.
In all the 27 cases, clinical neurologic and urologic
examinations were normal and no clinical symptoms of
dysautonomia were observed (blurred vision, pupil
abnormalities, clinical manifestation of postural hypotension, gastro intestinal symptoms). Brain and spinal
cord MRI, cystoscopy, bladder and kidney ultrasounds,
electromyography, sacral evoked latencies and cortical
evoked responses following pudendal nerve stimulation
were normal.
Conclusion: Our study clearly demonstrates a new
possible etiology of FVPD: a localized dysautonomia with
a pure, isolated bladder expression with only urinary
manifestations as clinical symptom. We would call this
syndrome ‘‘primary bladder dysautonomia’’ (PBD). Cardiovascular autonomic function tests are very useful to track
down this syndrome. Overlaps can be imagined with other
pathologies (Fowler syndrome, lazy bladder) and such a
focal dysautonomia could possibly be present in other
etiologies of various urinary symptoms (overactive bladder).
Keywords: Female voiding phase dysfunction – Primary
bladder dysautonomia – Cardiovascular autonomic
function test
Motif fréquent de consultation, la dysurie de la femme reste
parfois de physiopathologie obscure. Sa sémiologie est
protéiforme : dysurie d’attente, miction en plusieurs jets, jet
haché ou diminué, sensation de vidange vésicale incomplète
voire rétention urinaire [1, 2]. Les mécanismes élémentaires
sont bien connus, la dysurie pouvant répondre à une
obstruction urétrovésicale ou à un trouble de la contraction
détrusorienne. Les étiologies en sont multiples : causes
obstructives, dysurie postchirurgicale, atteinte neurologique, claquage vésical, myopathie du détrusor, étiologie
iatrogène médicamenteuse, troubles comportementaux ou
psychogènes. Fowler et al. ont décrit un syndrome de rétention urinaire chez la femme jeune associée à une
hypertonie urétrale, des kystes ovariens et des rafales
pseudomyotoniques à l’enregistrement électromyographique du sphincter strié urétral [3]. Nous avons voulu
vérifier dans une population de femmes dysuriques sans
étiologie retrouvée s’il pouvait exister une altération du
système nerveux autonome au moyen de tests cardiovasculaires de la fonction autonome.
Matériels et méthodes
Vingt-sept patientes adressées pour dysurie ont été incluses
dans cette étude. Les patientes présentaient toutes des
troubles de la vidange vésicale avec dysurie d’attente, jet
haché, diminution de la force du jet, sensation de résidu
postmictionnel.
Le trouble de la vidange vésicale était défini par un
débit maximal urinaire inférieur à 15 ml/s à plusieurs
reprises ou par la constatation d’un résidu postmictionnel d’au moins 150 ml [4].
L’interrogatoire a éliminé les prises médicamenteuses
dysuriantes (médication atropinique, par exemple antidépresseur tricyclique) et ces patientes n’avaient pas
d’antécédent de chirurgie pelvienne ni de trouble majeur
de la statique pelvienne (exclusion des recto-cystocèles de
grade supérieur ou égal à II). L’examen neurologique
était également normal sans signe de neuropathie périphérique ni de syndrome pyramidal. Il n’y avait pas chez ces
patientes d’antécédent de diabète, d’éthylisme ou d’autre
pathologie classiquement en cause dans les neuropathies
périphériques (amylose…).
Une évaluation psychologique avec test de personnalité (MMPI et Rorschach) a été pratiquée afin d’éliminer
les patientes présentant des troubles de la personnalité
pouvant rendre compte d’une cause psychogène à leurs
troubles mictionnels.
Les explorations réalisées chez ces patientes étaient
les suivantes : bilan urodynamique selon les recommandations de l’ICS [5] comprenant une débimétrie simple,
une cystomanométrie à eau à 50 ml/mn avec enregistrement de la pression intrarectale et de l’électromyographie (EMG) périnéale, une profilométrie urétrale ; EMG
périnéal de détection dans les muscles bulbocaverneux
et électrostimulation (étude des latences sacrées et des
potentiels évoqués somesthésiques à point de départ
périnéal) ; cystoscopie et urétrocystographie permictionnelle ; échographie vésicorénale et manométrie
anorectale (8 cas).
Les tests végétatifs (Tableau I) ont été réalisés chez
des sujets au repos depuis au moins ¼ d’heure et aucune
patiente ne prenait de médicament susceptible d’interférer avec l’enregistrement des paramètres végétatifs :
anticholinergiques, antidépresseurs tricycliques, cholinomimétiques, bétabloqueurs, alphastimulants, alpha
1 bloqueurs, alpha 2 agonistes (clonidine, prazosine,
yohimbine). Les mesures de tension artérielle et d’électrocardiogramme (ECG) ont été enregistrées sur un
logiciel BIOPAC MP30®.
Le premier des tests végétatifs utilisés est une recherche
d’hypotension orthostatique définie par une chute de la
tension artérielle systolique au moins 20 mmHg et/ou de la
diastolique d’au moins 10 mmHg à 1 minute, 3 minutes et
5 minutes après une mise en orthostatisme [6].
Le deuxième test réalisé est le test au froid et il explore
également le système nerveux somatique. Il consiste à
plonger la main du sujet pendant une minute dans une eau à
4˚C et à observer les réponses tensionnelles sur le bras
controlatéral. En situation physiologique, il y a mise en jeu
du système nerveux sympathique et réponse vasopressive.
14
Tableau I. Tests végétatifs cardiovasculaires utilisés
Test
Exploration du SNA
Valeurs anormales
Ventilation ample dirigée
Parasympathique
Test au froid
Sympathique
Manœuvre de Valsalva
Sympathique et parasympathique
Hypotension orthostatique
Sympathique et parasympathique
Réflexes cutanéo-sympathiques
Sympathique
Positif si la moyenne des espaces RR pendant
l’expiration divisée par la moyenne des espaces
RR pendant l’inspiration est inférieure à 1,20 (E/I ratio)
Positif si la tension artérielle n’augmente pas après
immersion de la main controlatérale dans de l’eau à
4˚C pendant 1 minute
Positif si le rapport « RR le plus long après sur RR le
plus court pendant » est inférieur à 1,10
Positif si 3 minutes après l’orthostatisme, la TA
systolique décroı̂t de plus de 20 mmHg ou si la
diastolique décroı̂t de plus de 10 mmHg
Positif si la réponse cutanée est absente après 10 essais
L’absence d’augmentation de la tension artérielle systolique
sur le bras controlatéral après une minute d’immersion de la
main dans l’eau froide est considérée comme anormale [7].
La variabilité de l’espace RR a été étudiée par enregistrement ECG continu au décours de deux manœuvres
différentes :
– la manœuvre de Valsalva, au décours de laquelle on
demande au patient d’exsuffler dans une seringue reliée à un
sphigomanomètre. L’exsufflation doit être suffisamment
importante pour que l’aiguille du sphigomanomètre soit
bloquée sur la valeur de 40 mmHg. L’enregistrement
électrocardiographique continu, permet de déterminer la
fréquence cardiaque et les espaces RR pendant toute la
manœuvre. Le ratio Valsalva (RR le plus long après
la manœuvre sur RR le plus court pendant la manœuvre)
doit être supérieur à 1,10 [8],
– lors de la manœuvre de ventilations amples dirigées,
on demande à la patiente de réaliser une succession
d’inspirations et d’expirations profondes de 5 secondes
chacune et ce pendant une minute. L’ECG permet de
déterminer les fréquences cardiaques et l’espace RR avec un
ratio RR (moyenne des espaces RR expiratoires sur
moyenne des espaces RR inspiratoires : rapport E/I) qui
doit être supérieur à 1,2 [8].
Les potentiels évoqués cutanés sympathiques ont été
enregistrés sur la paume de la main, la plante du pied, et
au niveau périnéal [9].
Selon les critères d’Ewing [10] nous avons retenu le
diagnostic de dysautonomie si deux tests cardiovasculaires
de la fonction autonome étaient perturbés. Toutes les
patientes ont été informées des objectifs de la recherche et
ont donné leur consentement de participation par écrit.
L’étude a été approuvée par le Comité d’éthique. Les tests du
Chi2 est le T de Student ont été utilisés pour l’analyse
statistique.
Résultats
La population comportait 27 patientes. Trois patientes
avaient une rétention complète, 12 une rétention urinaire
incomplète et les 12 restantes une dysurie sans résidu
postmictionnel associant une dysurie d’attente, miction
en plusieurs jets, diminution de la force du jet. Quatorze
patientes pratiquaient le sondage intermittent. Huit
patientes avaient une constipation associée (Tableau II).
Dans tous les cas, aucune anomalie n’était notée lors de
l’examen neurologique, ou urologique. À ce titre, les
patientes n’avaient pas de signe d’irritation pyramidale ni
d’anomalie des réflexes ostéotendineux ni de trouble
sensitif et notamment la sensibilité périnéale était
normale. Le tonus anal était préservé. Aucune n’avait de
signe évocateur d’une altération du système nerveux
autonome (anomalie des réflexes pupillaires, flou visuel,
syndrome sec oculobuccal, hypotension orthostatique
symptomatique, dysphagie, trouble digestif hormis
constipation).
Sur les 27 patientes, 18 avaient au moins deux
tests végétatifs perturbés et ont été considérées comme
Tableau II. Caractéristiques cliniques des 27 patientes dysuriques
N˚patients
Âge
Durée moy. des symptômes
Rétention complète
Rétention incomplete
Dysurie
Sondage intermittent
Constipation
Patients avec dysautonomie
Patients sans dysautonomie
Total
18
46,5 (± 13,5)
8,4 (± 8,5)
2
6
10
7
7
9
45,5 (± 12,5)
7,2 (± 7,9)
1
6
2
7
1
27
46,2 (± 13)
8 (± 8,2)
3
12
12
14
8
P values
0,85
0,73
0,21
0,20
15
atteintes d’une dysautonomie selon les critères d’Ewing [10].
Dans ce groupe, la moyenne d’âge était de 46,5 ans et la
durée moyenne des symptômes au moment du diagnostique
de 8,4 ans (Tableau II). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre l’âge et la durée des symptômes
entre ce sous-groupe et les patientes présentant une dysurie
sans perturbation des tests végétatifs. Dans le groupe des
patientes présentant une perturbation des tests végétatifs,
deux patientes étaient en rétention complète, 6 en rétention
incomplète et 10 avaient une dysurie sans rétention, 7 des 18
patientes de ce sous-groupe étaient constipé.
Les 18 patientes avec tests végétatifs perturbés avaient la
répartition suivante d’anomalies végétatives (Tableau III) :
18/18 avaient un ratio RR infraphysiologique lors de
l’épreuve de ventilation ample dirigée ; 12/18 patientes
n’avaient pas de réponse vasopressive lors du cold pressor
test ; 6/18 patientes avaient des réflexes cutanéosympathiques abolis ; une hypotension orthostatique était décelée
chez 2/18 patientes ; les ratio Valsalva étaient physiologiques
chez les 18 patientes.
Les 27 patientes avaient un examen clinique neurologique normal et l’imagerie (IRM encéphalique et
médullaire) ne mettait pas en évidence de lésion du
système nerveux. Les explorations urologiques (UCRM,
cystoscopie) ne montraient pas d’obstacle. Les bilans
urodynamiques retrouvaient des vessies stables. La
débimétrie a été enregistrée simplement chez 16 patientes
puisque dans les 11 autres cas, la faiblesse du jet
mictionnel et le faible volume uriné n’a pas permis
d’enregistrer le flux mictionnel. Le débit urinaire
maximum moyen était de 12,9 ml/s (plus ou moins 5,9)
et la pression détrusorienne permictionnelle maximale
moyenne était de 65,8 cm d’eau (plus ou moins 34,2). Les
manométries ano-rectales ont retrouvé 4 anismes et une
hypertonie du sphincter anal dans 3 cas sur 8.
Il n’y avait pas de processus neurogène périphérique
ni de signe de dénervation périnéale en électrophysiologie, aucune rafale pseudomyotonique n’a été mise en
évidence. En examen de stimulodétection, les latences
sacrées et les potentiels évoqués somesthésiques à point
de départ périnéal étaient tous préservés.
Discussion
Parmi les symptômes de dysfonctionnement du bas appareil
urinaire, les symptômes concernant la phase de vidange
vésicale sont moins connus, moins explorés et moins traités
que ceux de la phase de remplissage (urgenturie, pollakiurie
ou syndrome d’hyperactivité vésicale).
La dysurie peut avoir plusieurs expressions : retard à
l’initiation de la miction, jet haché, faiblesse du jet,
sensation de résidu postmictionnel. La rétention urinaire
complète ou incomplète en est au stade ultime [1, 2].
La qualité de la vidange vésicale dépend non seulement
de l’ouverture de l’appareil sphinctérien urétral, mais
nécessite aussi une contractilité détrusorienne de bonne
qualité [11]. Les causes les plus fréquentes de dysurie sont
l’hypoactivité détrusorienne neurogène et les obstructions
sous-cervicales. Les causes neurologiques concernent les
atteintes du système nerveux périphérique (neuropathies
périphériques, lésion des racines sacrées, plexopathie sacrée,
syndrome de la queue de cheval) ayant comme conséquence
une hypoactivité détrusorienne. Les lésions du système
nerveux central, par exemple les lésions médullaires hautes,
peuvent également se compliquer de rétention urinaire par
dyssynergie vésicosphinctérienne. Chez la femme, l’obstruction sous-cervicale peut être représentée soit par des
sténoses urétrales, soit par des troubles de la statique
pelvienne (prolapsus). Les causes neurogènes et obstructives
sont faciles à mettre en évidence lorsque la pathologie est
connue (sclérose en plaques, lésions médullaires, prolapsus
de grade II ou III) ou s’il existe à l’examen clinique des
anomalies évocatrices (signe d’irritation pyramidale, hyporéflexie ou aréflexie, trouble de la sensibilité périnéale,
trouble de la statique pelvienne à l’examen gynécologique).
La cystoscopie est réalisée de principe afin d’éliminer une
lésion organique obstructive. Une chirurgie abdopelvienne
récente, une cause iatrogène (médication anticholinergique,
antidépresseurs tricycliques) sont systématiquement
recherchés à l’interrogatoire [12].
Lorsque le bilan étiologique ne retrouve ni cause
médicamenteuse, ni obstacle urologique, ni pathologie du
système nerveux somatique, d’autres causes plus rares sont
évoquées comme la dyssynergie vésicosphinctérienne fonctionnelle, dont la plus connue est le syndrome d’Hinman
d’origine comportementale lors de l’acquisition de la
propreté [13]. Des éléments peuvent suggérer cette dysfonction mictionnelle acquise : long passé de dysurie (retard à
l’initiation de la miction, faible débit, sensation de résidu
postmictionnel, rétention urinaire plus ou moins complète)
contrastant avec des moments où le débit urinaire est décrit
comme normal, absence d’obstacle urologique et négativité
Tableau III. Résultats des tests végétatifs cardiovasculaires chez les 27 patientes présentant une dysurie sans étiologie retrouvée
Test
Ventilation ample dirigée
Test au froid
Manœuvre de Valsalva
Hypotension orthostatique
Réflexes cutanéo-sympathiques
2 tests positifs au moins
Patients avec dysautonomie
18
12
0
2
6
18
(100 %)
(66 %)
(0 %)
(11 %)
(33 %)
(100 %)
Patients sans dysautonomie
5
4
0
0
0
0
(55 %)
(44 %)
(0 %)
(0 %)
(0 %)
(0 %)
Total (n = 27)
23
16
0
2
6
18
16
du bilan neurologique [14]. Le syndrome d’Hinman peut
être responsable de complications infectieuses et d’altérations morphologiques à type d’urétéro-uronéphrose [15, 16].
Ce syndrome est observé chez les enfants et les adultes.
Un diagnostique de certitude peut être apporté par la
visualisation d’une contraction du sphincter strié urétral
lors de la miction en vidéo urodynamique [17]. Les
mécanismes physiopathologiques de la dyssynergie vésicosphinctérienne fonctionnelle restent sujet à discussion [18].
La dyssynergie vésicosphinctérienne peut être de nature
comportementale en réponse à une inflammation, une
infection (urétrite, cystite, vaginite…), une pathologie anorectale ou un traumatisme [19, 20]. Les efforts de retenue
volontaire et répétés de mictions, la contraction volontaire
du sphincter strié pour éviter une fuite en cas de vessie
hyperactive avec impossibilité secondaire d’obtenir un
relâchemen!t suffisant de la musculature pelvienne pour la
miction, sont d’autres mécanismes possibles. Carlson et al.
évoquent l’hypothèse d’une neuropathie occulte pour
expliquer de telles dyssynergies [21]. Dans notre étude,
aucune patiente n’avait des arguments pour un syndrome
d’Hinman.
En 1993, Fowler et al. ont décrit un nouveau syndrome
chez la femme jeune associant une rétention urinaire, des
rafales pseudomyotoniques à l’étude électromyographique
analytique du sphincter strié urétral [3, 22, 23]. Ce syndrome
pourrait être en rapport avec une incapacité au relâchement
du sphincter urétral. Dans notre étude, le syndrome de Clare
Fowler a été éliminé par l’absence de rafale pseudomyotonique du sphincter urétral ainsi que l’absence d’ovaire
polykystique à l’échographie pelvienne.
Ainsi dans certains cas lorsque l’exploration a permis
d’éliminer une pathologie du système nerveux somatique, une obstruction, une pathologie psychiatrique, une
origine iatrogène, un syndrome d’Hinman ou un
syndrome de Clare Fowler, la dysurie reste inexpliquée.
L’appareil vésicosphinctérien étant essentiellement sous
le contrôle du système nerveux autonome, nous avons émis
l’hypothèse qu’une atteinte spécifique de ce système pouvait
s’exprimer de manière isolée par une dysurie.
En effet, les perturbations du fonctionnement vésicosphinctérien lors des dysautonomies sont connues. Par
exemple, la maladie de Parkinson ou les atrophies multisystématisées (syndrome de Shy-drager) s’accompagnent
fréquemment de troubles mictionnels (incontinence urinaire, dysurie avec rétention urinaire plus ou moins complètes). De même, les neuropathies périphériques végétatives
peuvent entraı̂ner des troubles urinaires. Ces neuropathies
végétatives peuvent avoir différentes causes : diabète, éthylisme, amylose, syndrome d’Adie, syndrome de Sjögren,
lupus érythémateux disséminé, connectivite et collagénose.
Certaines neuropathies végétatives peuvent être évoquées :
syndrome de Guillain-Barré, botulisme, porphyrie, dysautonomie transitoire, syndrome paranéoplasique, neuropathie toxique. Aucune de nos patientes n’avait d’argument en
faveur de ces étiologies.
Notre étude soutient l’existence d’un syndrome
dysautonomique primaire s’exprimant cliniquement sur
la sphère urinaire chez ces patientes présentant une
dysurie avec bilan étiologique négatif hormis la perturbation de tests végétatifs (dysautonomie vésicale
primaire). En effet, aucune de nos patientes n’avait de
signe clinique ou radiologique d’une affection neurologique ni centrale ni périphérique. Nos patientes n’avaient
pas non plus de manifestation clinique d’une dysautonomie diffuse (pas de trouble de l’accommodation, pas
de syndrome sec oculobuccal, pas de trouble de la
sudation ni de symptôme d’hypotension orthostatique.
Nos patientes n’avaient pas non plus de pathologie
s’accompagnant classiquement d’une dysautonomie
(diabète sucré, amylose, atrophie multisystématisée,
maladie de Parkinson…). Ainsi, chez nos patientes, la
perturbation des tests cardiovasculaires de la fonction
autonome est le témoin d’une altération du système
nerveux autonome à expression purement vésicosphinctérienne. Ces manifestations infracliniques dépistées
uniquement sur les tests végétatifs permettent d’envisager un continuum entre une dysautonomie vésicale
primaire et d’autres altérations spécifiques du système
nerveux autonome. Ce concept de dysautonomie localisée avec un organe cible spécifique (la vessie) pourrait
être comparé avec d’autres syndromes dysautonomiques
primitifs (hypotension orthostatique idiopathique, par
exemple). D’autres dysautonomies primitives ont été
décrites (pandysautonomie aiguë pure, dysautonomie
cholinergique). Dans ces affections, le système nerveux
somatique, central et périphérique, est préservé. Une
cause inflammatoire limitée au système nerveux autonome a été envisagée.
Ainsi, la proportion de dysurie essentielle chez la
femme jeune se réduit d’autant plus que la recherche
étiologique est complète. Néanmoins, dans cette étude en
accord avec les critères d’Ewing, nous avons considéré
qu’au moins deux tests végétatifs devaient être perturbés
pour envisager le diagnostique de dysautonomie. Neuf de
nos patientes présentaient seulement un test végétatif
perturbé sur 5 et dans ce groupe de dysurie idiopathique,
une dysautonomie vésicale débutante pourrait être
discutée. Il pourrait être intéressant de réaliser d’autres
études à la recherche d’altération infraclinique du
système nerveux autonome dans d’autres symptomatologies périnéales qualifiées d’idiopathiques (syndrome
pelvien douloureux chronique, syndrome d’hyperactivité vésicale, cystite interstitielle, syndrome de ClareFowler).
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© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0013-0
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Pad test court versus pad test ultracourt. Étude prospective
randomisée
C. Ciofu 1 , P. Levy 2 , S. Léger 1 , B. Gaibisso 3 , F. Haab 1 , G. Amarenco 3
1
Department d’Urologie ; 2 Unité Biostatistique, Hôpital Tenon, 4 rue de la Chine, 75020 Paris
Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris,
Inserm U731/Université Pierre-et-Marie-Curie
3
Résumé : But : Le pad test court validé par l’ICS est comparé
à un pad test rapide chez des patientes présentant une
incontinence urinaire d’effort.
Matériel et méthode : 36 patientes ont été incluses dans
l’étude, de manière prospective. Elles avaient toutes un
examen clinique non-concordant avec la symptomatologie :
fuites non-constatées à l’examen clinique alors que la patiente
s’en plaignait ou fuites de trop faible volume par rapport à
l’anamnèse. Certaines patientes (groupe A) ont eu le pad test
court (ICS) après remplissage de la vessie à un volume
standardisé (300 ml). Puis, après vidange de la vessie un
deuxième pad test (ultracourt). D’autres patientes (groupe B)
ont subi les deux pad tests dans l’ordre inverse. L’attribution
des patientes dans les groupes à été randomisée. Toutes les
patientes ont rempli les questionnaires UDI et MHU.
Résultats : Les deux groupes ont été comparables
(17 patientes en groupe A et 19 en groupe B). Chez 24
patientes, les résultats des deux tests ont été qualitativement
concordants (tous positifs chez 15 et tous négatifs chez 9),
alors qu’ils ne l’ont pas été chez 11 d’entre elles (pad test
court positif et ultracourt négatif chez 6 et l’inverse chez 5).
Les volumes vésicaux comparés pour les deux tests ont
été égaux, suggérant des conditions d’examen comparables.
Il n’y a pas eu de corrélation entre les pertes objectivées par
pad test et les questionnaires UDI ou MHU. Par ailleurs, sur
le plan quantitatif, il existe une corrélation entre les deux pad
tests, mais qui diminue quand le volume de la fuite est
important.
Discussion : L’absence de corrélation entre les différents
types de pad tests et la variabilité du volume des fuites d’un
examen à l’autre suggère l’absence de fiabilité du pad test en
tant qu’outil d’évaluation, notamment dans le cadre de
protocoles d’études thérapeutiques.
Mots clés : Pad test – Incontinence urinaire d’effort
Short pad test and ultra-short pad test. A prospective
randomised study
Abstract: The short 1-hour pad test (ICS) is compared to
the ultra-short pad test (Persson-2001) in women with
stress urinary incontinence (SUI) and having an indication for the test in our alldaypractice (result of clinical
examination and/or urodynamics non concording with
patients’ complaints).
Patients and methods: 36 female patients were included
in a prospective study. Every patient had both pad tests,
their order being randomly selected. Group A had first the
short then the ultra-short pad test, group B had first the
ultra-short, then the short pad test. Each patient had to fill in
an UDI and a MHU symptoms and quality of life
questionnaire.
Results: The patients and conditions (age, BMI, final
bladder volume, time of the test) in both groups were similar
thus making comparison possible. Seventeen patients were
in group A and 19 were in group B. Tests were concording in
24 patients (both positive: 15; both negative: 9). Tests were
not concording in 11 patients (positive short and negative
ultra-short in 6 patients and the opposite in the other five).
If the pad test were considered as a quantitative examination, a significant statistical correlation is found between the
two tests for small leakage volumes. When there is
considerable leakage the two tests no longer correlate,
demonstrating that neither of them is ‘‘superior’’.
Discussion: The two tests have different exercises and
length. In patients with considerable leakages, the pad
test (short or ultra-short) cannot be used in order to
compare the volume of leakage.
Conclusions: The two tests could be considered
complementary in every day practice. In clinical trials
the pad test is a poor indicator of leakage volume.
Keywords: Pad test – Stress urinary incontinence
Introduction
La quantification de l’incontinence urinaire reste très
difficile en pratique quotidienne.
Parmi les méthodes d’évaluation proposées, le pad test
permet d’une part une évaluation quantitative en mesurant
le volume des fuites lors de certains exercices physiques
standardisés et d’autre part une évaluation qualitative avec
19
mise en évidence d’une incontinence qui n’est parfois pas
objectivée par l’examen clinique. De par son intérêt
quantitatif, le pad test a été largement utilisé dans les
protocoles pharmacocliniques en tant que critère objectif
des résultats. De nombreux pad tests ont ainsi pu être
proposés. Les conditions d’examen peuvent en effet varier
(secteur hospitalier ou ambulatoire au domicile du patient) ;
le volume de réplétion vésicale est parfois codifié ; la durée
du test lui même, le type et l’intensité des exercices
physiques peuvent être variables d’un test à l’autre. On
distingue ainsi les pad tests en fonction de leur durée avec
des tests ultracourts (20 minutes), courts (1 ou 2 heures) et
longs (24 et 48 heures).
Le but de cette étude a été de comparer sur le plan
qualitatif et quantitatif deux pad tests : un pad test court
et un pad test ultracourt.
Patients et méthodes
Trente six patientes ont été incluses dans l’étude et ce d’une
manière prospective. Elles se plaignaient d’une incontinence
urinaire d’effort ou mixte avec prédominance de fuites à
l’effort. Toutes étaient adressées pour bilan urodynamique
et il existait une indication de réaliser un pad test dans la
mesure où les fuites rapportées par la patiente n’étaient pas
constatées à l’examen clinique ou apparaissaient trop faibles
par rapport à l’importance de la symptomatologie décrite.
Ont été exclues de l’étude les patientes avec une hyperactivité détrusorienne dépistée par le bilan cystomanométrique ; les patientes avec résidu postmictionnel supérieur à
150 ml ; les patientes ne pouvant pas, en raison d’une altération physique, effectuer les exercices ; enfin, les patientes
avec prolapsus de grade 3. Le protocole a reçu l’approbation
du Comité d’éthique. Les patientes ont eu deux pad tests
successifs dans un ordre randomisé.
Le pad test court, tel que proposé par l’ICS dure
environ 1 heure [1, 2] et comporte les temps suivants :
1. remplissage de la vessie à 300 ml, puis installation
de la protection préalablement pesée ;
2. se promener activement pendant 30 minutes en
incluant montée et descente de 100 marches ;
3. passer de la station assise à la station debout, 10 fois,
4. tousser 10 fois ;
5. courir sur place pendant 1 minute ;
6. se pencher (comme pour ramasser quelque chose
par terre) 5 fois ;
7. se laver les mains dans l’eau froide pendant 1
minute ;
8. récupération et pesage de la protection ;
9. la patiente urine au niveau du débitmètre ;
10. mesure du résidu postmictionnel.
Le pad test ultracourt tel que proposé par Persson [3]
dure uniquement 20 minutes et consiste en moins
d’exercices (Fig. 1) :
1. remplissage de la vessie à 300 ml, ablation de la sonde,
puis installation de la protection préalablement pesée ;
2. sauter sur place, alternativement jambes jointes
puis jambes écartées, pendant 20 secondes ;
3. courir sur place pendant 20 secondes ;
4. sauter sur place jambes jointes pendant 20
secondes ;
5. répéter les mêmes exercices au bout de 5-10 minutes ;
6. récupération et pesage de la protection.
À la fin de chaque test, la patiente réalisait une
débimétrie et le volume uriné était noté, ainsi que le résidu
postmictionnel apprécié par sondage. Toutes les patientes
ont eu un bilan urodynamique avec exploration cystomanométrique, profilométrie et une évaluation de leur
symptôme par deux questionnaires (Urinary Distress
Inventory – UDI, mesure du handicap urinaire – MHU).
Sur le plan statistique, la comparaison des deux tests
a été effectuée par la méthode des séries appariées.
Résultats
Trente-six patientes ont été incluses, 17 dans le groupe A
et 19 dans le groupe B.
L’âge moyen des patientes était de 55 ans (53 ans dans
le premier groupe, 58 ans dans le deuxième groupe).
L’indice de masse corporelle moyen était de 26,6 (26,9
versus 26,3).
L’ordre des examens n’a pas eu d’influence sur le volume
de la fuite quantifié par le pad test. Les fuites dépistées lors
du premier test (quel que soit le type de pad test, court ou
ultracourt) ont été globalement aussi importantes que celles
retrouvées lors du deuxième pad test.
Fig. 1. Les exercices du pad test ultracourt tels que proposés par Persson [3]
20
350
delta-pad test ultra-court
400
Volume total.2
350
300
250
200
150
100
50
0
-50
-100
0
100 200 300 400 500 600 700 800
Volume total
Fig. 2. Corrélation entre le volume total (volume uriné + résidu
postmictionnel) en fin du premier test et volume total en fin du deuxième
Pad test court
Pad test ultracourt
Nombre de patientes
+
+
–
–
+
–
+
–
15
6
6
9
Fig. 3. Pad test considéré en tant que test qualitatif : étude de 36 patientes
L’heure à laquelle ont été effectués les tests n’a pas
influé sur le volume des fuites.
L’état de réplétion vésicale lors de la réalisation des
pad tests ultracourts et courts était strictement identique
dans les deux groupes témoignant ainsi de conditions
d’examen comparables (Fig. 2).
Sur le paramètre purement qualitatif, cette étude démontre qu’il n’existe pas une stricte corrélation entre le pad test
court et le pad test ultracourt (Fig. 3). Ainsi, en prenant
comme seuil de positivité 2 grammes pour chacun des tests,
on constate que chez 6 patientes le pad test court a été
négatif alors que le pad test ultracourt était positif. Chez
6 autres patientes, le résultat était inverse. Deux tiers
seulement des patientes ont eu des tests cohérents entre eux
(soit tous les deux positifs, soit tous les deux négatifs).
Sur le plan quantitatif, il existe une corrélation significative (0,76 avec p < 0,0001). Néanmoins, cette
corrélation est moins bonne lorsque l’on considère les
grands volumes de fuites avec une variabilité beaucoup
plus importante (Fig. 4).
Nous n’avons pas retrouvé de corrélation entre la
symptomatologie rapportée par la patiente et analysée par
les questionnaires UDI et MHU et la positivité des pad tests,
corroborant ainsi les données de la littérature [4, 5].
Discussion
Le pad test (littéralement « test de pesée de la couche »),
ou test d’incontinence, permet une mesure objective,
qualitative et quantitative de la perte d’urines au cours
300
250
200
150
100
50
0
-50
-50
0
50
100 150 200 250
delta-pad test court
300
350
Fig. 4. Corrélation entre volume de la fuite par le pad test court et
volume de la fuite par le pad test ultracourt
d’une épreuve normalisée. Ce test comporte : une limite
temporelle (test de 20 minutes, de 1 heure, de 24 heures
par exemple) ; une épreuve normalisée de génération des
fuites (exercices déterminés ou activités libres de la vie
quotidienne) ; une caractérisation du degré de remplissage vésical (libre après une ingestion précise en termes
de volume et de délai, ou forcée par remplissage
rétrograde codifié de la vessie (en valeur absolue ou en
pourcentage de la capacité maximale cystomanométrique). La réalisation de ce test implique de peser des
garnitures avant et après les exercices imposés. La
réponse est double : qualitative avec démonstration
d’une incontinence (avec des limites de significativité,
par exemple fuites supérieures à 1 gramme) ; quantitative avec mesure des fuites sur une échelle nominale (par
exemple incontinence modérée quand les pertes sont
comprises entre 11 et 50 grammes). Cette estimation
quantitative de l’incontinence urinaire par des garnitures
périnéales a été introduite par Sutherst en 1981 [6] et par
Walsh et Mills [7]. Les tests n’étaient alors cependant pas
standardisés. L’International Continence Society adopte
en 1988 le test standardisé sur 1 heure.
Ces tests, s’ils apportent a priori des éléments
objectifs, posent en fait le problème de leur reproductibilité, cette dernière étant très dépendante du volume
vésical et de l’importance (et parfois de la répétition) des
efforts fournis. Deux améliorations ont pu être proposées, à savoir d’une part la sensibilisation qualitative
par l’absorption de bleu de méthylène et d’autre part
l’analyse de la variation de la conductance électrique,
permettant un meilleur dépistage de la fuite.
Plusieurs éléments peuvent influencer les résultats du
pad test. Le type d’exercices (violents ou modérés) est bien
évidemment un facteur important dans la mesure où
l’augmentation de l’effort physique induit une hyperpression intravésicale plus importante, d’autant plus difficile à
supporter par les résistances urétrales actives ou passives.
La durée des exercices n’est pas non plus neutre, la
répétition des efforts étant un facteur de fuites (fatigabilité
21
urétrale par exemple). Le volume intravésical est un
indiscutable facteur, facteur de modification de la réflexologie urétrosphinctérienne, les mécanismes de clôture étant
d’autant plus facilement débordés que la réplétion vésicale
augmente. La diurèse pour les mêmes raisons intervient
dans l’importance des fuites, le meilleur exemple étant
donné par les femmes incontinentes qui volontairement
restreignent leurs boissons pour tenter de diminuer la
fréquence des pertes d’urine.
Le problème du pad test n’est pas tant celui de l’existence
de faux positif (sueurs et pertes vaginales étant reconnaissables et peu significatives), sauf en cas de trouble du comportement mictionnel ou de troubles psychiatriques
(simulation, urination), que celui des faux négatifs, et c’est
pour cela que plusieurs tests ont pu être décrits.
Jakobsen décrit, en 1993, un test court durant 40 minutes,
comportant un remplissage vésical initial à 75 % de la
capacité cystomanométrique maximale [8]. Les efforts
demandés à la patiente sont similaires à ceux décrits plus
loin dans le test codifié de 1 heure. Quantitativement, les
pertes d’urines s’avèrent plus importantes que lors du test
d’1 heure, différence attribuée à un plus grand volume
vésical pendant les activités physiques. Kinn, en 1987, décrit
un pad test plus court (10 minutes), avec toujours un volume
vésical fixe [9]. Hahn, en 1991, décrit un test durant
20 minutes, effectué avec un remplissage vésical à la moitié
de la capacité cystomanométrique, test évitant les faux
négatifs. Le facteur de corrélation entre deux tests s’avère
être dans cette étude de 0,94 (P < 0,001). Le facteur de
corrélation entre deux tests s’avère être dans cette étude de
0,94 (P < 0,001) [10]. En revanche, Kinn signale que le test de
10 minutes est peu reproductible (R = 0,74).
Le test d’incontinence codifié sur 1 heure est le test
habituellement recommandé de l’ICS.
Il consiste à faire boire 500 ml à la patiente 15 minutes
avant le test ; puis d’effectuer les exercices suivants : marcher et monter des escaliers pendant 30 minutes ; se mettre
debout dix fois ; tousser dix fois; courir 1 minute ; se laver
les mains 1 minute ; et enfin s’accroupir cinq fois.
Ce test a pu être utilisé dans de nombreuses études. Chez
les patients porteurs d’un sphincter artificiel urinaire il a été
démontré que le test codifié de 1 heure n’était pas corrélé
avec l’impression subjective de satisfaction du patient. Sur le
plan purement qualitatif, dans une population gériatrique, le
pad test de 1 heure se révèle insuffisant pour démontrer une
incontinence chez près de 2/3 des patients qui se plaignent
spontanément de fuites, insuffisance qui n’est pas retrouvée
pour le test de 24 heures réalisé à domicile. Ce test codifié de
1 heure permet en fait de mettre en évidence une incontinence quotidienne chez seulement 48 % des patientes,
chiffre à comparer aux 81 % de la population dépistée lors
d’un pad test de longue durée (48 heures). En terme de
faisabilité, Jorgensen note que 10 % des patients n’arrive pas
à assurer les exercices demandés, et que 69 % seulement de
la population exprime le fait que le test réalisé corrobore les
fuites urinaires habituellement éprouvées dans la vie
quotidienne [2]. Il a été démontré que le test devient plus
sensible lorsque le volume vésical est fixé, avec un
remplissage à 250 ml. Mouritsen et al. ont démontré que le
pad test de 1 heure ne détectait pas les incontinences
urinaires à l’effort de grade I dans près de 50 % des cas, celles
de grade II dans 30 % des cas et enfin les incontinences de
grade III dans 70 % des cas [11, 12]. Thind et Gerstenberg,
comparant le pad test codifié de 1 heure et le pad test de
24 heures effectué à domicile, démontre que le premier a
36 % de faux négatif en comparaison avec le deuxième [13].
Le volume de la perte urinaire est significativement plus
important au cours de l’instabilité détrusorienne que lors de
l’incontinence urinaire à l’effort pure [14]. Cependant,
l’importance des écarts types rend inutilisable ce test
comme outil diagnostic dans l’incontinence par urgence
mictionnelle.
Un pad test de 2 heures a pu être proposé par Han et
Haylen [15]. Le seul avantage est d’augmenter de manière
assez significative le volume vésical et donc d’être un peu
plus sensible. Jorgensen a démontré que le pad test de
24 heures, effectué pendant les activités de la vie quotidienne, était beaucoup plus sensible que le pad test codifié
une heure, habituellement utilisé et standardisé par l’ICS. Ce
test a été démontré aussi efficace que le pad test de 48 heures
pour dépister et quantifier l’incontinence. Giffiths et al.
ne trouve que 10 % de taux de faux négatif [16]. Il existe
une différence significative avec le pad test de 1 heure.
L’augmentation de la diurèse n’augmente pas le taux de
sensibilité.
Ce pad test de 24 heures est en fait le standard des tests
d’incontinence, et ce pour plusieurs raisons : il est le plus
reproductible ; il teste les vraies activités de la vie quotidienne de la femme ; il est indépendant de la mobilité de la
patiente ; il n’est pas consommateur de temps médical ou
paramédical ; et sa durée permet de dépister des épisodes
d’incontinence ne se révélant que dans des moments
particuliers de la journée (par exemple, nombre de femmes
perdent à la fatigue, en fin d’après-midi). Il reste de plus
indépendant du type d’activité (activités importantes versus
activités modérées ou faibles), et n’est pas moins sensible ou
reproductible que les tests de plus longue durée (48 ou
72 heures). Ses seuils de significativité sont bien établis (0-5 g :
pas d’incontinence/5-40 g: incontinence légère/40-80 g :
incontinence modérée/> 80 g incontinence sévère). Les
seuls faux négatifs sont constitués par les événements
circonstanciels non dépistés (comme des épisodes d’éternuement en période d’allergie non présente pendant le test,
ou des fuites à des moments particuliers du cycle menstruel).
Les résultats de notre étude confirment une corrélation entre les deux tests. Cependant, le faible degré de
cette corrélation empêche l’utilisation indifférente de ces
deux tests en pratique quotidienne. La définition d’une
valeur seuil pourrait néanmoins être utile dans l’étude de
l’efficacité d’un traitement, bien que la corrélation entre
les deux tests diminue pour les grandes fuites. La nonconcordance parfaite pourrait être expliquée par le fait
22
que les exercices proposés par le pad test ultracourt
paraissent plus sollicitants pour le périnée, et durent en
revanche moins longtemps que ceux du pad test court.
De plus, le pad test court présente un temps où la
patiente doit se laver les mains sous l’eau froide pendant
1 minute, test non-représentatif de l’effort, mais de
l’instabilité vésicale. Si on considère de plus le pad test
comme un examen qualitatif dont on attend uniquement
une réponse binaire (fuite – non fuite), on constate que
les deux pad tests ne sont pas concordants, surtout pour
les petits volumes. En effet, une différence d’un gramme
transforme un pad test positif en négatif ou l’inverse.
L’absence de corrélation entre score de symptômes et
pad tests est aussi à souligner.
Ceci rejoint les résultats de la littérature, car si pour le
pad test ultracourt il existe une seule publication initiale qui
démontre une corrélation test-retest significative [3], pour le
pad test de 1 heure les avis sont plus partagés. Certains
auteurs trouvent une corrélation test-retest significative
[9, 14, 17], alors que d’autres ne le confirment pas [18–22].
En définitive, le seul vrai avantage du pad test ultracourt
est sa durée, ce qui est important dans les études cliniques
puisque la réalisation d’un pad test est une des raisons des
patientes de refuser d’y participer [23].
Conclusion
Bien que statistiquement corrélés, les résultats du pad
test court et ceux du pad test ultracourt ne sont pas
superposables. Le test d’incontinence demeure néanmoins un outil utile dans l’évaluation de routine de
l’incontinence urinaire. Il se révèle fondamental dans les
études cliniques et dans les protocoles de recherche.
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Biomatériaux de renfort pour le traitement des prolapsus urogénitaux
P. Grise, G. Descargues
Service d’Urologie, Rouen University Hospital, CHU Charles-Nicolle, rue de Germont, 76031 Rouen Cedex, France
Résumé : Objet : Malgré la fréquence des prolapsus urogénitaux et la multiplicité des traitements proposés, le choix du
traitement et l’utilisation de biomatériaux de renfort restent
controversés. L’objet de l’étude est d’apporter le rationnel
justifiant l’usage et le choix d’un biomatériau dans le
traitement des prolapsus urogénitaux, de guider les indications selon le type de prolapsus et la voie d’abord. Le but
est l’efficacité clinique avec une faible morbidité dans cette
chirurgie fonctionnelle.
Méthodes : Les données des études cliniques et expérimentales ont été analysées pour justifier l’utilisation d’un
biomatériau de renfort, et le type de biomatériau idéal et disponible. Les critères de choix ont été argumentés selon leurs
natures physique, biologique, clinique. L’indication thérapeutique a pris en compte la stratégie opératoire du traitement
du prolapsus et les critères de sélection du biomatériau.
Résultats : La diminution des récidives et la médiocrité
des tissus natifs plaident pour l’usage des biomatériaux. La
voie abdominale et la voie vaginale sont possibles. La voie
vaginale a l’avantage de la rapidité et d’un geste souspéritonéal, mais ceci doit être mis en balance avec une augmentation des risques septiques et d’érosion. La connaissance
des propriétés des biomatériaux amène un choix plus
critique et oriente entre les biomatériaux synthétiques et les
biomatériaux naturels type collagène. L’usage d’un biomatériau dans le traitement des prolapsus urogénitaux doit être
argumenté, ainsi que le type de prothèse et de voie d’abord.
La malade doit toujours être informée des avantages et
conséquences possibles de ce type de chirurgie et de
l’utilisation d’un biomatériau. Une évaluation des résultats
et de la morbidité par des registres prospectifs de suivi
devrait idéalement être systématique.
Mots clés : Biomatériaux – Prolapsus pelviens – Cystocèle –
Chirurgie pelvienne – Prothèses
Reinforcement biomaterials in the treatment of the
urogenital prolapses
Abstract: Purpose: Urogenital prolapse is frequent and many
treatments are carried out. Nevertheless the choice of a
Correspondance : [email protected]
reinforcement material and when to use it is controversial.
The purpose of the study is to present the rational for using a
biomaterial and to discuss the indications related to the type
of prolapse and the route of the surgery. The aim of this
functional surgery is to achieve a clinical efficacy with a low
morbidity.
Methods: Clinical and experimental data were analysed
to justify the use of a reinforcement biomaterial and the
available biomaterials. Physical, biological, clinical criteria
were discussed. The basis for choosing a biomaterial was
discussed according to the type of surgery planned and to
specific criteria of the biomaterial.
Results: A lower recurrence rate of prolapse treated with
biomaterials and the weakness of patient tissues advocate
for the use of biomaterials in pelvic floor repair. Advantages
of the vaginal route are a lower operative time duration and
an extraperitoneal route, however the risks of infection or
erosion are majored. Collagen meshes or synthetic meshes
have respective advantages to be selected and argumented.
The patient must be informed of the advantages and
disadvantages of biomaterials and of the prolapse surgery.
Prospective tracker study evaluations for results and
morbidity are recommended.
Keywords: Biomaterial – Pelvic prolapse – Cystocele –
Pelvic surgery – Prostheses
Introduction
Les prolapsus urogénitaux sont une pathologie fréquente de
la femme. La gêne directement occasionnée ou l’association
à des symptômes urogénitaux ou fécaux conduisent à
proposer le traitement chirurgical. De nombreuses techniques ont été utilisées, que ce soit par voie haute abdominale
ou par voie basse vaginale, mais l’altération des tissus
pelviens explique le risque de récidive. Le but des
biomatériaux de renfort est de diminuer la fréquence des
récidives.
L’utilisation de biomatériaux sous forme de treillis
date des années 1970 lors de la chirurgie du prolapsus par
voie abdominale. Il s’agissait de tissus de suspension
24
U
V
R
V
ligaments utérosacrés
muscle releveur doublé du fascia pelvien
biomatériaux de renforcement d’un prolapsus antérieur
et d’un prolapsus postérieur.
Fig. 1. Vue schématique des organes pelviens avec la suspension du fond
vaginal par les ligaments utérosacrés, le soutien et les angles des organes
pelviens assurés par les muscles levator ani doublés du fascia pelvis. La
faiblesse de la statique vaginale qui concourt aux prolapsus antérieur et/ou
postérieur peut être renforcée par des biomatériaux représentés en pointillés
pour l’intervention appelée promontofixation, rétablissant la suspension déficiente des ligaments utérosacrés et
ramenant dans le pelvis les organes prolabés. Des
prothèses de soutien sous forme de hamac plus ou
moins étendues ont été progressivement associées. Ce
n’est que depuis seulement à peine dix ans [2] que la voie
vaginale est utilisée pour introduire des biomatériaux de
renfort (Fig. 1). Cet essor est allé de pair avec un
développement des techniques mini-invasives pour
l’incontinence urinaire d’effort qui font appel à des
bandelettes synthétique, type TVT. Toutefois, la problématique des biomatériaux dans le prolapsus est
différente de celle de l’incontinence. En effet, les déficits
sont multiples, touchant plusieurs organes pelviens, de
plus le volume de matériel synthétique est beaucoup plus
important que pour l’incontinence, et les contraintes
physiques sont différentes. Une morbidité significative
est apparue de pair avec l’usage de certains biomatériaux
alors que le risque de récidive est pourtant diminué. Sans
remettre en cause l’apport des biomatériaux dans les
prolapsus urogénitaux, il importe que leur usage soit
mieux évalué, ainsi que les effets secondaires. Le but de
cette revue est d’apporter le rationnel justifiant leur
usage et le choix du biomatériau, de guider les
indications selon le type de prolapsus et la voie d’abord.
Problématique du traitement des prolapsus
Le prolapsus urogénital est une anomalie anatomique
fréquente chez la femme, caractérisée par une dégradation de la statique et de la dynamique pelvienne.
Les raisons en sont multiples, mais la physiopathologie
est une pression excessive et répétée sur un périnée affaibli.
Les raisons qui concourent à cette dégradation sont triples :
– une modification de la pression abdominale (augmentation lors des efforts et orientation plus verticale des
forces) ;
– des lésions du plancher périnéal portant sur les tissus
fibreux (hamac sous-vésical, fascia pelvis, ligaments utérosacrés) et les muscles (levator ani principalement avec
lésions directes et indirectes par dénervation) ;
– une fragilisation tissulaire (constitutionnelle, vieillissement, chirurgie).
Une prévention ou une diminution des facteurs de
dégradation sont possibles pour certains : surveillance de
l’accouchement, amaigrissement, traitement d’une toux
chronique, faire certaines phases de sport avec verrouillage
périnéal. Dans la majorité des cas, une fois le dégât
anatomique constitué, il sera irréversible et s’aggravera
avec le temps de façon variable selon les facteurs de
dégradation. Peu de données concernent la physiopathologie du prolapsus, encore moins son histoire naturelle, les
moyens de sa détection à un stade infrapathologique et de sa
prévention. La majorité des publications concernent la
réparation du désordre anatomique instauré.
L’incitation à sa correction peut être posée par
l’inquiétude ou la gêne de la malade, ou en raison de
symptômes pelviens non reliés au prolapsus, ou encore
parce qu’une chirurgie concomitante pelvienne est
envisagée. Les symptômes spécifiques du prolapsus
sont souvent vagues (pesanteur, sensation de boule
gênante, gêne urinaire obstructive ou irritative, constipation, gêne sexuelle) et il peut être difficile de les
corréler avec le type de lésion anatomique et sa sévérité.
Le traitement chirurgical du prolapsus fait partie des
opérations pratiquées depuis des décennies, c’est une
opération de pratique courante et fréquente. Pourtant
le niveau d’évidence que la chirurgie améliore les
symptômes est globalement faible, au moins pour les
prolapsus qui ne sont pas franchement extériorisés.
L’amélioration anatomique impose un consensus d’évaluation, la classification de Baden et Walker [3] reste
encore fréquemment utilisée en pratique clinique, mais
son imprécision incite fortement à adopter la classification [4] internationale POP-Q de l’International Continence Society, qui est maintenant recommandée pour les
publications. L’évaluation postchirurgicale doit aussi
prendre en compte l’analyse des symptômes et l’évaluation de la qualité de vie en utilisant des questionnaires
validés, le PFDI et le PFIQ dont une traduction française
[5] a été validée.
La chirurgie du prolapsus est fréquente. Olsen [6]
rapporte que l’éventualité d’avoir été opérée d’un prolapsus
ou d’incontinence urinaire est de 11,1 % à 80 ans, la chirurgie
du prolapsus seul intervient dans 41 % du total des
interventions, associé à une cure d’incontinence dans
22 %. Plus de la moitié des interventions sur un prolapsus
ont un autre geste (hystérectomie, cure d’incontinence) au
cours de la même séance opératoire. L’estimation du
nombre de femmes opérées pour prolapsus aux USA [7]
25
est entre 205 000 et 226 000 pour l’année 1997, dont plus de
80 % par voie vaginale.
Bien que les données économiques soient rares, le coût
direct de cette chirurgie est estimé à 1 012 millions de dollars
aux États-Unis [8]. Toutefois il conviendrait d’ajouter à ces
données actualisées, les coûts du traitement des récidives et
les coûts induits par le développement de l’utilisation des
biomatériaux.
Les interventions sont très nombreuses, aussi nous ne
mentionnerons que les plus couramment pratiquées dans
leur principe sans détailler la technique chirurgicale.
– Le compartiment antérieur constitué de la vessie et
de la paroi vaginale antérieure peut être traité par voie
vaginale (ou basse) avec repositionnement anatomique
directe selon la technique de colporraphie qui consiste à
inciser le vagin, à disséquer la vessie pour la refouler
derrière la symphyse pubienne puis refermer la paroi
vaginale antérieure en supprimant l’excès de tissus.
Il peut être aussi traité par voie abdominale (ou haute)
par la technique de promontofixation (sacrocolpopexie
pour les Anglo-Saxons). C’est est un moyen indirect de
remonter la vessie en retendant la paroi vaginale antérieure
qui soutient la vessie et en fixant le fond vaginal au ligament
lombosacré antérieur par des points ou une bandelette. Cette
intervention peut être faite par voie ouverte ou par
coelioscopie, les gestes restant identiques.
Un biomatériau de renfort peut être placé en complément entre la paroi vaginale antérieure et la vessie (sa
fixation latérale est réalisée sur le fascia pelvis, ou maintenant lors d’une voie basse par 2 à 4 bandelettes
transobturatrices).
– Le compartiment médian, fond vaginal ou utérus,
peut être non seulement détendu, mais aussi prolabé.
Le traitement est une suspension en arrière et en haut.
Elle peut être réalisée par promontofixation abdominale
(voie haute) c’est-à-dire fixation au fascia prévertébral
lombosacré de la partie postérieure du promontoire.
Elle peut aussi être réalisée par spinofixation (voie
vaginale ou basse) c’est-à-dire fixation au ligament sacrospinal à proximité de l’épine sacrée.
– Le compartiment postérieur ano-rectal sera vu
ultérieurement.
Pourquoi utiliser un biomatériau de renfort ?
Fréquence des récidives
Les séries rétrospectives des traitements des prolapsus
antérieurs par voie basse seule (colporraphie) ont un
taux proche de 60 % à 5 ans. Deux séries randomisées
prospectives viennent à l’appui de cette estimation avec
des taux de succès respectifs de 57 % pour Sand [10] à
1 an et de 37 % pour Weber [9] à 2 ans.
À l’inverse, les taux de succès à 1 an pour les prolapsus
traités avec prothèses de renfort non résorbables [11, 12]
dépasse 90 %.
La comparaison avec la voie abdominale
Deux études [13, 14] randomisées versus voie vaginale
révèlent que la voie abdominale donne un meilleur résultat
anatomique à 2, 5 ans de recul par rapport à la voie vaginale.
La correction est estimée comme optimale ou satisfaisante
respectivement dans 84 % versus 67 % des cas pour Benson,
mais toutefois la différence n’est pas si marquée car elle n’est
pas significative ; de plus le groupe des voies vaginales est
hétérogène avec des interventions abandonnées comme les
suspensions à l’aiguille. Le choix de la voie d’abord doit aussi
considérer la morbidité périopératoire, qui est inférieure par
voie vaginale, ainsi que la rapidité du geste opératoire et la
reprise d’activité qui sont meilleures. À l’inverse, les
dyspareunies sont possibles par voie basse et un biomatériau
ne devra pas aggraver ce risque. Le choix de la voie n’est pas
que la préférence du malade ou du chirurgien, mais peut être
imposé par les antécédents (ventre multiopéré) ou une
chirurgie concomitante.
Au total, la voie basse a l’avantage de la moindre morbidité et de la rapidité par rapport à la voie abdominale, mais
il est souhaitable d’améliorer les résultats anatomiques des
séries sans prothèse, argument pour un biomatériau de
renfort.
Médiocrité des tissus natifs
L’altération des tissus natifs peut être constitutionnelle.
Les sujets avec syndrome d’hyperlaxité ligamentaire
familiale sont exposés aux cystocèles [15] avec un taux
estimé de 89 % versus 58 % pour une population témoin ;
l’augmentation porte aussi sur les taux de rectocèles et de
prolapsus de fond vaginal.
De façon individuelle, des femmes primipares sans
prolapsus apparent peuvent avoir un défect paravaginal
objectivé en IRM. Ce défect est plus fréquent après les
grossesses.
Des lésions musculaires, dénervations et une diminution du nombre des fibres musculaires ont été mises en
évidence chez les sujets âgés et après les grossesses.
Une diminution de la concentration en collagène du tissu
para-urétral de 30 % chez des femmes avec prolapsus par
rapport à un groupe témoin, a été mise en évidence [16],
mais ceci n’est observé que chez la femme jeune de moins de
53 ans. Au-delà de 53 ans, la diminution du taux de collagène
existe, mais sans différence avec ou sans prolapsus.
La carence hormonale favorise les prolapsus vaginaux. Le traitement hormonal substitutif [17] évalué à
6 mois versus un groupe témoin stimule la dégradation du
collagène mature et favorise la synthèse d’un collagène
immature dont la valeur mécanique n’est pas connue.
Ainsi, le renforcement des tissus peut être nécessaire,
il ne peut être obtenu médicalement, il implique l’usage
de biomatériaux.
La cicatrisation au décours d’une intervention chirurgicale induit aussi une faiblesse en résistance tissulaire. Dans
26
les tissus riches en collagène comme le vagin et les fascias,
elle diminue [18] à 50 à 60 % de la résistance des tissus
normaux à un mois postopératoire. La chirurgie est en ellemême un facteur de faiblesse vaginale.
L’appréhension des facteurs de risque d’apparition d’un
prolapsus est mal connue, autant que l’appréciation des
risques multiples qui prédisposent à une récidive. L’idée que
les tissus des femmes âgées donnent un risque majoré de
récidive ne se retrouve pas dans les études épidémiologiques. C’est un âge avant 60 ans [7] qui augmente le risque à
1 an de récidive postcorrection par voie vaginale. Parallèlement, la durée de vie et les contraintes pelviennes chez la
femme jeune incitent à une correction solide au long terme.
Il s’ajoute la persistance des facteurs de risque liés au terrain
(intoxication tabagique, obésité) et au mode de vie que la
femme ne veut pas changer. À ce titre, l’image sociétale de la
femme active, sportive, avec un corps parfait, lui fait refuser
de garder un prolapsus, mais impose la solidité de la
réparation pour garder son mode de vie actif. La chirurgie
doit s’adapter à la demande de la patiente en lui donnant la
solidité sans la morbidité, elle ne souhaite pas adapter son
mode de vie en le restreignant.
Association de plusieurs lésions
Pour le compartiment antérieur, une cystocèle peut être
cliniquement médiane ou latérale ou mixte. En fait, la
corrélation avec les dégâts anatomiques constatés lors de
l’intervention, et surtout avec l’aspect IRM de défect
latéral ou médian est imparfaite et peut expliquer les
récidives d’interventions trop sélectives. Ceci incite à un
renforcement large du compartiment antérieur.
Un autre point clé est l’appréciation de la bonne tenue
du fond vaginal (col utérin et ligaments utérosacrés), qui
conditionne le maintien de la base vésicale. Une simple
colporraphie peut être insuffisante, mais le complément
de spinofixation n’est pas fait par certains, arguant de la
difficulté et de la profondeur du geste.
À l’inverse, le geste de fixation peut avoir été fait
isolément, par promontofixation (sacrocolpopexie voie
haute, ou par voie vaginale, spinofixation). Ceci induit un
risque d’apparition secondaire de cystocèle qui aurait mérité
d’associer un plus large renfort de la paroi vaginale
antérieure. Ce risque de cystocèle secondaire est estimé à
20 % [19] pour la promontofixation et à 37 % [20] pour la
spinofixation vaginale.
Quel type de biomatériau ?
Le cahier des charges
Il est double, il porte sur le biomatériau en tant que
renfort, mais aussi sur l’insertion du biomatériau dans
son environnement pelvien.
Il doit renforcer la paroi vaginale antérieure doublée
de son fascia, y compris les zones paravaginales.
Résorbtion rapide, faiblesse
Intégration, tissu remodelé
souple avec solidité renforcée
Capsulation fine
Encapsulation d’exclusion
rigidité
Fig. 2. Objectif du biomatériau de renfort pour les prolapsus
Les forces transmises au périnée ne s’exercent pas sur un
système rigide, mais au contraire il existe un effet
d’amortisseur dû à la souplesse des tissus et leur déformation, dû aussi aux modifications d’angulation des organes
qui se déplacent et peuvent venir s’appuyer entre eux et
s’occlure.
Il faut garder la dualité de souplesse et de résistance,
aller au large des zones de pression directe à renforcer,
individualiser les zones d’amarrage pour les rétablir,
rétablir les angles favorisant la dynamique des appuis.
La souplesse, l’absence de douleur vaginale conditionne la tolérance sexuelle.
La septicité du vagin et du périnée impose une bonne
résistance à l’infection.
L’intégration du biomatériau aux tissus à renforcer, la
tolérance de l’hôte face à ce matériel étranger déterminent
l’acceptation, la solidité dans le temps, les effets adverses.
Ces dernières données sont étudiées in vivo en expérimentation animale, les données concernant les propriétés
physiques sont issues de mesures et tests in vitro.
La prothèse idéale de renforcement des prolapsus reste
encore à trouver, bien que de nombreux travaux aient
permis de préciser les écueils et les objectifs. Elle doit éviter
la faiblesse mécanique d’une résorption rapide ; à l’inverse,
elle ne doit pas perdurer au prix d’une encapsulation
d’exclusion des tissus de voisinage car c’est un risque
septique et d’érosion.
Le point important est une bonne incorporation au sein
des tissus avec néovascularisation et formation de néocollagène (Fig. 2). La réaction collagénique au sein de la
prothèse et en périphérie contribue à la solidité et doit se
combiner avec l’évolution de la résistance du biomatériau
dans le temps pour réaliser l’objectif de solidité fixé. La
souplesse est un élément de tolérance, souplesse directement
due aux caractéristiques du biomatériau d’emblée lors de la
pose, mais aussi indirectement par la réaction inflammatoire
et fibroblastique propre à chaque matériau.
La résistance tissulaire
L’objectif de solidité du vagin opéré par plaque de
renforcement est d’être au moins égal ou supérieur à la
solidité d’un vagin de trophicité normale et de toute façon
plus solide que le vagin non renforcé.
27
Newton
140
120
100
mini
moyenne
max
80
60
40
20
0
Traction
Il n’existe pas de données pour le vagin concernant les
sujets sains. Les résistances maximales étudiées sur différents tissus de l’organisme [22] varient avec l’âge à partir
de 20 ans (Tableau I) et donc raisonnablement aussi celle du
vagin.
Les résistances à la rupture des ligaments pelviens
[21] sont aussi très variables selon les individus, avec des
valeurs allant de 22 à 200 N, le ligament prévertébral a
une valeur moyenne plus forte que celle du sacroépineux,
respectivement 113 et 57 N.
Les biomatériaux disponibles
Flexion
Fig. 3. Résistance du tissu vaginal. D’après Cosson [23], étude de prélèvements vaginaux de 2 cm sur 2, prélevés chez 20 femmes ménopausées, lors
d’une intervention vaginale pour prolapsus extériorisé
Les protéines de collagène, agencées en réseau, sont
l’élément majeur de la constitution et de la solidité des tissus
mous. La structure en réseau et l’association à des fibres
d’élastine permet une certaine souplesse et élasticité.
Les forces d’amarrage et les forces de rupture des
ligaments doivent aussi être prises en compte dans la
technique chirurgicale. D’un point de vue biomécanique,
leur analyse doit en être séparée.
Résistance du tissu vaginal
Il existe peu de données dans la littérature. Cosson [21] a
étudié des prélèvements vaginaux de 2 cm sur 2, prélevés
chez 20 femmes ménopausées lors d’une intervention
vaginale pour prolapsus extériorisé. Sur un prélèvement,
était mesurée une force de traction progressive par un fil
passé à 1 cm du bord de l’échantillon, de façon à évaluer
la résistance à la rupture des fibres constitutives de la
paroi. Sur un autre prélèvement, était mesurée une force
de flexion progressive par un piston de 1 cm de diamètre
appuyant sur la plaque, de façon à évaluer l’étirement des
fibres entre elles. Les valeurs étaient enregistrées
jusqu’au seuil de rupture du prélèvement. Il existe de
grandes variations individuelles, la valeur (Fig. 3)
moyenne de résistance à la traction est de 44,3 N (12 à 76),
celle à la flexion est un peu plus élevée, soit 59 N (6 à 20).
La traction par un fil offre donc une moindre résistance que
la résistance à la poussée, ceci incite à des réparations
couvrant largement le défect, de préférence à une réparation
de surface limitée avec des fils en tension.
Un bref historique révèle que les tissus de renfort ont été
d’abord utilisés pour la réparation de la paroi abdominale et les cures de hernie. Un filet à mailles d’argent a
été utilisé par Phels dès 1894, mais une corrosion
survenait ; puis une plaque métallique de Tantale, mais
apparurent des fragmentations, enfin de l’acier inoxidable par Babcock en 1952. Les premiers biomatériaux
non métalliques n’ont pas été plus heureux, cellulose
(Fortisan®) responsable d’infections et fistules, éponge
de polyvinyl (Ivalon®) responsable de fragmentations et
d’infections.
Les biomatériaux utilisés pour la chirurgie du
prolapsus sont apparus dans une période récente,mais
rapidement deux types de biomatériaux ont été utilisés
puis abandonnés.
– Polytetrafluoroéthylène expansé PTFE (Gore-Tex®)
sous forme de plaque non résorbable, pleine, non
perforée. Il est responsable de réaction fibreuse, d’infections et surtout d’érosion des tissus de voisinage dans
près de 30 % des cas lorsqu’il a été placé en sous-urétral.
– Acide polyglycolique (Dexon®) sous forme de
treillis à résorption rapide en 4 à 6 semaines. Le tissu
cicatriciel fibrocollagène qui apparaı̂t pendant le temps
de cicatrisation n’est pas assez solide pour pallier la
disparition rapide du treillis. Il en résulte une faiblesse
pariétale retrouvée lorsqu’il est utilisé pour les cures
d’éventration adominale et pour les cures de cystocèle.
Dans une série de cure de cystocèle par voie vaginale,
Sand [10] rapporte un taux de récidives avec et sans
prothèse, à 1 an, de respectivement 25 % et 43 % pour 161
patientes. Avec un recul de 2 ans, Weber [9] arrive à la même
conclusion d’absence de bénéfice, ainsi pour 106 patientes
les taux de récidives des 3 groupes : sans prothèse, avec
prothèse, avec paletot des tissus propres, sont respectivement de 42 %, 30 %, 46 % de récidives.
Tableau I. Variation de résistance des tissus par rapport à un âge de 20 ans (Duck 1990)
Tissu/Âge
30-39 ans
40-49
50-59
60-69
70-79
Vessie
Peau
Tendons
–17 %
+26 %
–1 %
–17 %
+26 %
–1 %
–30 %
+8 %
–1 %
–30 %
–4 %
–6 %
–30 %
–23 %
–18 %
28
Les biomatériaux d’utilisation actuelle
On différencie deux types de biomatériaux :
– les synthétiques non résorbables : polypropylène
(PP), polyéthilène térephtalate (PET), polyester (PE) ;
– les naturels résorbables, principalement le collagène dermique porcin.
Les synthétiques (ou alloplastiques) purs, non résorbables, utilisés récemment dans le traitement des
prolapsus ou de l’incontinence urinaire, sont à base de :
– polypropylène (PP) : Marlex®, Atrium®, Biogyn®,
Gynemesh®, Prolène®, Soft Prolène®, Ugytex®, Surgipro® ;
– ou de polyéthylène téréphtalate (PET) : Parietex®,
Swing®, et plus rarement de polyester (PE) : Mersilène®.
La structure linéaire du fil est monofilament
(Gynemesh®, Prolène®, Ugytex®) ou multifilament (Surgipro®, Pariétex®, Swing®).
La majorité sont délivrés sous forme de treillis qui
peut être réalisé soit par tricotage (avec des points
différents selon les tissus), ce qui confère une bonne
flexibilité et une élasticité variable, soit par tissage, ce qui
optimise la stabilité mais manque d’élasticité.
Les treillis de multifilaments ont plus de souplesse,
moins de rigidité.
Bien qu’il n’existe pas d’étude comparative randomisée, le polyester et le polypropylène sont des matériaux
largement validés depuis des décennies comme implants
pariétaux abdominaux.
Plus que la nature des matériaux constitutifs, la porosité
des treillis constitués, leur densité et leur souplesse sont des
paramètres clefs dans l’appréciation des renforts de parois.
Les mixtes ou composites : faits d’un synthétique et
d’un enduit (coating) :
– soit résorbable à type de : collagène (Parietex®
composite), glucagon (Glucamesh®) pour isoler la cicatrisation des viscères,polyglactine (Vypro®) associant résorbable
rapide et non-résorbable ;
– soit enduit non-résorbable anti-adhérent : silicone
(Europlak®), polyuréthane (Contex®) ;
– soit enduit antiseptique type chlorhehidine (Mycromesh®, mais avec matériau synthétique Goretex® abandonné pour les prolapsus).
Les naturels à base de collagène d’origine animale.
À la différence des bandelettes pour l’incontinence
urinaire, le choix des plaques de renfort a été d’emblée
limité. Il n’y a pas de matériau autologue (derme ou
fascia cadavérique sont interdits actuellement pour
risque de transmission virale ou prion). Les seuls produits sont xénogéniques acellulaires venant de derme de
porc. Il est à remarquer que des bandelettes utilisées
pour l’incontinence urinaire peuvent provenir de la
sous-muqueuse de porc, le SIS®, mais sont limitées à cet
usage.
Un traitement chimique et enzymatique, commun aux
différents collagènes, permet de les rendre acellulaires sans
agent transmissible. Leur mise en forme de plaque leur
confère une meilleure architecture et surtout une solidité
mécanique que n’a pas le collagène sous forme soluble.
Par la suite, des traitements supplémentaires agissant
sur les propriétés mécaniques les différencient :
– procédé de réticulation par l’hexaméthylène diisocyanate qui crée des ponts disulfures entre les fibres de
collagène (Pelvicol®) et renforce la solidité ;
– procédé de création de macropores par multiples
orifices de 2 mm de diamètre (Pelvisoft®) pour renforcer
l’intégration tissulaire ;
– absence de réticulation et d’orifices macroporeux
(InteXen®).
Comment orienter son choix ?
Critères physiques
Les caractéristiques principales sont la souplesse, l’élasticité, la résistance mécanique, la stabilité dans le temps,
la porosité.
Pour les tissus synthétiques
– La souplesse est fonction de la fibre, du nombre de
filaments, du grammage, de l’épaisseur de la plaque.
Entre deux matériaux, les variations peuvent être
notables, elles sont figurées sur le tableau II.
Plus de souplesse diminue le risque d’érosion, mais la
tenue est isolément moins bonne, ceci implique une fixation
en complément. Une grande souplesse sans fixation
explique les déplacements (risque de récidive latéralement),
mais aussi les plissements (paquet fibreux palpable dans le
vagin ou refoulant en saillie le trigone vésical).
– L’élasticité complique le réglage de position et de
tension qui est déjà une adaptation empirique aux
contraintes individuelles. Elle peut ne pas être la même
dans le sens longitudinal et dans le sens transversal, mais
cela n’a pas d’incidence dans le cas des prolapsus, ainsi
pour le Prolène®, elle est respectivement de 4,4 % et
5,6 % et pour le Vypro® de 3 % et 1 %.
Au-delà de la phase initiale d’élasticité, l’allongement
avant la rupture est proche de 80 % pour le Prolène® et le
Vipro®.
– Les résistances maximales sont globalement suffisantes pour leur utilisation en chirurgie de renfort de la statique
pelvienne. Les variations peuvent toutefois être importantes
Tableau II. Comparatif de poids au mètre carré et d’épaisseur de
différents matériaux synthétiques
Surgipro 3
Prolène 2 (Gynemesh)
New Prolène
Parietex
Ugytex
Gynemesh Soft
Poids (g/m2)
Épaisseur (mm)
97,6
96,6
77
60
38
42
0,59
0,64
0,53
0,40
0,4
0,42
29
selon les matériaux [23], ainsi dans le sens longitudinal puis
transversal, elles sont respectivement pour le Prolène® de 78
N et 102 N, et pour le Vipro® de 67 N et 15 N.
– La conformité tissulaire est meilleure pour les tricotés
que les tissés.
– La stabilité dans le temps en implantation humaine
est malheureusement mal connue à long terme au niveau
pelvien, toutefois les données concernant les réparations
par plaque pour les hernies font état d’une très bonne
solidité initiale et tardive.
– Porosité d’un treillis
Il faut différencier :
– la microporosité, espace les plus petits entre les
filaments. Elle doit être supérieure à 10 microns pour une
réponse cellulaire à l’intérieur du biomatériau.
Elle permet le passage des macrophages et contribue à
lutter contre l’infection prothétique. La microporosité est
évaluée selon la classification d’Amid (1997). Les matériaux
synthétiques actuels de renfort sont de type I (treillis avec
larges pores, pores > 75 microns) pour le Prolène® et
Gynemesh®, ou type III (treillis avec larges pores mais
multifilaments ou composante faiblement poreuse) pour
Mersilène®, Surgipro®.
– la macroporosité, espace entre les mailles. Elle doit
être supérieure à 1,5 mm pour permettre une bonne
intégration tissulaire. La porosité est de 87 à 89 % avec
les matériaux actuels (Gynemesh®, Parietex®).
D’autres caractéristiques physiques sont probablement
utiles à prendre en compte pour l’intégration tissulaires et la
colonisation bactérienne, mais peu de données sont
disponibles. Ce sont : les charges électriques de surface, les
forces électromagnétiques, l’hydrophobie, l’interaction
collagène-récepteurs des bactéries.
Pour le collagène
– Souplesse et glisse : ces tissus sont très souples, glissants,
sous forme de plaque d’environ 1 mm d’épaisseur.
20
Il y a très peu d’élasticité pour les formes macroporeuses
(Pelvicol® et InteXen®). Pour Cosson [23], le Pelvicol®
s’allonge moitié moins avant rupture que le Prolène®. La
forme macroporeuse (Pelvisoft®) présente une meilleure
résistance à l’étirement que la forme non macroporeuse.
– Macroporosité
En test ex vivo au laboratoire [24], l’augmentation
progressive de la taille des orifices (0/0,7/1,2/2/2,5 mm de
diamètre) montre que la résistance à l’étirement reste
autour de 80 N/cm en augmentant la taille jusqu’à 2 mm,
puis baisse de moitié à 2,5 mm. La taille retenue pour le
meilleur compromis résistance/porosité est donc 2 mm.
La résistance étudiée in vivo, en remplacement d’un
fragment de paroi abdominale du rat, révèle à 30 et 90
jours une augmentation significative uniquement pour
les trous de 2 mm. Plus intéressant est qu’à 30 jours de
l’implantation (Fig. 4), les échantillons montrent que la
forme macroporeuse a une résistance supérieure à la
forme non poreuse et identique à celle du Prolène®. À 90
jours, les 3 formes ont une résistance identique.
Il n’y a pas de données de résistance publiées pour
InteXen®, mais les caractéristiques physiques et chimiques laissent penser qu’elle est inférieure au collagène
réticulé.
Critères de réaction cellulaire et tissulaire
La réaction inflammatoire est un phénomène inévitable.
On distingue (Fig. 5) une réponse inflammatoire (polynucléaires neutrophiles puis macrophages) prédominante du 2e au 21e jour suivie de peu d’une réaction
fibroblastique jusqu’au 30e jour. Une réaction capillaire
et collagénique apparaı̂t à partir du 5e jour et se poursuit
sur plusieurs semaines.
Le polyester est hydrophile et a une meilleure
précocité de l’adhésion cellulaire que le polypropylène,
qui est hydrophobe.
La réaction inflammatoire initiale, de type cellulaire
et antigénique, est un tiers à deux tiers plus faible pour le
* P = 0.01
* P = 0.014
Collagène
15
Poly neutro
non-pored
10
2.0 mm
macrophages
fibroblastes
Prolene
5
fibrine
capillaires
0
30
90
Days after implantation
Fig. 4. Résistance à l’étirement (N/cm) d’un fragment de paroi abdominale
chez le rat comparant 3 biomatériaux : Pelvicol®, Pelvisoft®, Prolène®.
D’après Zheng [24], à 30 jours de l’implantation, les échantillons montrent
que la forme macroporeuse a une résistance supérieure à la forme non
poreuse et identique à celle du Prolène®, à 90 jours, les 3 formes ont une
résistance identique 2 mm
1
2
5
10
Jours
Fig. 5. Réponse inflammatoire à l’implantation d’un biomatériau. Elle est
inévitable, participe à l’incorporation, mais ne doit pas être exagérée, en
particulier pendant la phase initiale puis fibroblastique
30
Pelvicol® [25], que le Prolène® et décline pour devenir
négligeable vers le 90e jour.
Le marquage antigénique et leucocytaire révèle un
effet de régulation inhibitrice pour le Pelvicol® alors que
l’effet est pro-inflammatoire pour le Prolène®.
Au total, la réaction inflammatoire initiale est moins
marquée pour le Pelvicol®, ceci contribue à une meilleure
acceptation prothétique et clinique initiale.
L’intégration tissulaire versus l’encapsulation
Les fibroblastes, les fibres de collagène, les néovaisseaux
vont coloniser la prothèse. L’intégration de celle-ci avec
les structures avoisinantes est favorisée par la circulation
et la réhabitation au sein des orifices macroporeux. Le
néocollagène participe à la solidité tissulaire.
Toutefois, un espace macroporeux minimum de
75 microns est nécessaire à cette intégration. En deçà
elle n’a pas lieu et le biomatériau reste au sein d’une
coque d’encapsulation épaisse (cas du GoreTex® ou du
silicone plein) l’excluant des tissus de voisinage.
Les biomatériaux synthétiques actuels à base polypropylène ou de polyesther sont tous macroporeux, ainsi
que le Pelvisoft®. Le Pelvicol® ne l’est pas, mais il existe
une réaction d’encapsulation périphérique fine explicable probablement par la faible activité pro-inflammatoire de ce matériau.
La résorption des matériaux synthétiques actuellement
utilisés n’existe pas, compte tenu de leur nature.
La résorption du Pelvicol® est mal connue, mais le
matériau a été retrouvé dans des biopsies de prothèse
implantées 1 an avant en prérectal [26], et Salomon [27]
cite un cas de plaque vaginale retrouvée lors d’une
explantation à 1 an pour intolérance sur le fil de fixation.
À distance de l’implantation, chez l’homme, les propriétés mécaniques tenant compte de l’intégration tissulaire
et de la réaction collagénique ne sont pas connues in vivo.
Valeur de la correction anatomique
Les critères de bon résultat anatomique ne sont pas
homogènes, en particulier, la persistance d’une cystocèle
de faible importance est parfois incluse dans les bons
résultats. Ceci est logique d’un point de vue symptomatique mais non rigoureux pour l’évaluation objective
anatomique qui est au mieux appréciée par la classification ICS, malheureusement peu mentionnée.
Plus souvent, les séries font état du taux de récidive
sans précision supplémentaire et le recul excède rarement 1 à 2 ans.
– Matériaux synthétiques
Par voie vaginale, la réparation du compartiment
antérieur avec renforcement par plaque donne 2 % [28,
29] à 5 % [30] de récidives, voire jusqu’à 10 % [11], avec un
recul de 1 à 2 ans.
La réparation par voie haute est souvent limitée à une
suspension du fond vaginal avec une prothèse qui ne
double que la partie vaginale haute et médiane. Le chiffre
de récidive de cystocèle est voisin de 20 % [19]. Le
renforcement large du compartiment antérieur est
rarement réalisé par voie haute, certains associent la
suture des déchirures latérales du fascia pelvis.
– Collagène
Par voie vaginale, le taux de récidives de réparation
du compartiment antérieur avec renforcement par plaque de Pelvicol® est de 6 % [31] à 19 % [27] en incluant
les grade 1 à 2 asymptomatique, et avec 1 an de recul
moyen. Une série avec 2 ans de recul moyen [32] de
réparation par voie vaginale pure (20/70 cas) et de réparation associée à une promontofixation abdominale
(50/70 cas) donne au total 19 % de récidive de cystocèles
(grade III : 4,3 %, grade II : 8,6 %).
Les données préliminaires avec le collagène réticulé
macroporeux confirment les arguments expérimentaux
de solidité, mais des publications avec un recul suffisant
sont nécessaires.
Rétraction fibroblastique
Elle est fonction du matériau, du maillage, de l’importance
de la réaction inflammatoire. Elle est surtout présente avec
les synthétiques, très variable pouvant atteindre 20 % de la
surface de la prothèse. Il est important d’en tenir compte lors
de la pose, notamment de ne pas mettre la prothèse en forte
traction.
Données cliniques
La majorité des études des biomatériaux implantés dans le
pelvis se rapportent à l’incontinence urinaire. Celles concernant les prolapsus concernent en majorité les techniques de
fixation du fond vaginal. Peu d’études concernent spécifiquement le renforcement des parois vaginales et plusieurs
séries avec un recul court présentées en communications de
congrès ne sont pas publiées par la suite.
Impact sur les symptômes urinaires, fe´caux, sexuels
L’impact sur les symptômes urinaires doit tenir compte
des troubles préopératoires et des gestes associés
sousurétraux. Les impériosités de novo sont améliorées,
plus rarement des impériosités de novo peuvent survenir.
Les résultats sur la continence d’effort sont plus
contradictoires. Il existe des améliorations de la continence (en particulier avec la technique de fixation
latérale par bandelette transobturatrice) et des aggravations (incontinence potentielle surtout après fixation du
fond vaginal), cependant un traitement préventif n’est
pas recommandé.
L’impact sur symptômes fécaux n’est pas mentionné
dans les réparations antérieures mais intervient dans les
suspensions du fond vaginal et surtout lors d’association
à une myorraphie des releveurs.
31
L’impact sexuel : la dyspareunie
L’évaluation par une question globale ou une échelle globale
n’est pas suffisante, il importe d’évaluer par des questionnaires validés le désir, l’excitation, la lubrification, l’orgasme, la satisfaction, la douleur. Une douleur du partenaire
fait rechercher une érosion avec matériel exposé.
– Les données concernant les bandelettes synthétiques pour l’incontinence montrent qu’elles n’altèrent pas
la fonction sexuelle [33] et peuvent l’améliorer. De façon
anatomique, la cure d’un prolapsus extériorisé peut
permettre la reprise des rapports.
Lors d’une série spécifique de prolapsus avec renfort
par treillis de polypropylène [34] par voie vaginale, il est
observé que le taux global de femmes sexuellement
actives ne se modifie pas, que les femmes améliorées
compensent les dyspareunies de novo. Bien que le taux
de femmes sexuellement actives ne bouge pas, d’autres
constatent une majoration du taux de dyspareunie [35].
– Dans la seule étude documentée avec collagène
réticulé pour prolapsus antérieur par voie vaginale [27],
il n’y a pas eu de modification de la sensibilité sexuelle ni
dyspareunie pour les 14/66 femmes sexuellement actives.
Cette série courte demande à être confirmée bien que la
souplesse du matériau et la faible réaction inflammatoire
rendent cohérents ces résultats.
Tolérance clinique des matériaux synthétiques et
complications
La tolérance clinique des plaques synthétiques a permis leur
utilisation par voie abdominale puis vaginale, toutefois le
taux de complications est trop élevé dans certaines séries.
Une meilleure compréhension et analyse prospective de ces
complications et de leur cause a permis de nettement
diminuer ce taux. L’information préalable des malades doit
les mentionner.
Les complications suivantes peuvent s’observer :
antérieur et postérieur. La majorité des signes surviennent dans l’année de l’implantation.
La réduction de la longueur de l’incision, l’usage d’un
matériau de large macroporosité et faible grammage
(Gynemesh Soft®) ont permis à Berocal et al. de descendre
à un taux de 2,7 %.
En cela, ils sont même en deçà des chiffres de 8,3 % de
De Tayrac [29], 5 % d’Eglin [28] et Dwyer [34], 3,8 % de
Adhoute [30] pour les cures de cystocèles seules.
La physiopathologie concourant à l’érosion fait intervenir des phénomènes cellulaires, mécaniques, mais l’infection y participe aussi comme cofacteur causal ou d’entretien.
Sur le plan clinique, elle peut être asymptomatique ou
cause de douleur, de dyspareunie, de saignement et
pertes. Une réaction septique généralisée est rare, mais
les amarrages transobturateurs peut induire des complications septiques obturatrices [37] et de la racine
de la cuisse à type de myosites et fascéites. Localement,
la plaque est exposée avec parfois une réaction inflammatoire pseudopolypoı̈de de voisinage. Certains
parlent d’extrusion vaginale en présence de phénomènes
inflammatoires, et d’érosion vaginale en leur absence,
mais il n’existe pas de consensus actuel sur la terminologie.
Le traitement optimal est une ablation partielle, limitée à
la zone exposée et sa périphérie, associée aux soins locaux de
propreté. L’ablation complète est devenue rare depuis les
treillis macroporeux par voie vaginale, toutefois une plaque
abdominale érodée et infectée doit être retirée complètement avec reprise de la voie abdominale.
L’intérêt de la voie vaginale sur la voie abdominale est
que cette excision limitée est une intervention peu morbide.
Elle est moins risquée et plus simple pour le compartiment
antérieur, en revanche l’ablation d’un treillis postérieur peut
se révéler une entreprise difficile sans plan de clivage et sans
limite nette au sein de la paroi rectale.
Infection aiguë
Douleurs
Elles sont attribuées précocement à la réaction inflammatoire, plus tardivement elles doivent faire rechercher
une érosion et/ou une infection chronique.
Rare, elle est prévenue par une préparation vaginale
préopératoire systématique et un ECBU, par les règles de
désinfection et aseptie peropératoire de toute prothèse, par
une antibioprophylaxie peropératoire systématique.
Érosions
Infection chronique
Elles sont favorisées par la faible porosité, la rigidité,
l’épaisseur, l’étendue de la surface implantée, la longueur
de la voie d’abord, les gestes associés (hystérectomie).
Elle varie de 2 à 25 % avec une valeur moyenne que
l’on peut estimer à 9 %.
Les chiffres les plus élevés, respectivement 25 % et
17,5 %, ont été rapportés par Julian [2] avec une prothèse
de Marlex® de renfort vaginal antérieur, et par Berrocal
et al. [36] avec une prothèse de Prolène® standard implantée par une longue colpotomie en renforcement
Elle est entretenue par un biofilm de glycocalyx (polysaccharide sécrété par bactéries) qui génère une gangue
périprothétique et un exsudat « slime like » empêchant la
pénétration des antibiotiques.
La meilleure prévention est une colonisation tissulaire rapide et complète du biomatériau.
Elle se manifeste par l’association à des degrés divers :
douleurs, écoulement vaginal, saignement, défaut de cicatrisation, extériorisation de la prothèse, fistule. Le traitement est l’ablation partielle en cas d’érosion vaginale avec
32
infection localisée, ou l’ablation complète si la totalité de la
plaque est intéressée par le processus.
Fibrose vaginale
L’aspect vaginal peut être la palpation d’une corde, la saillie
d’un granulome, un bourrelet par une plaque partiellement
roulée sur elle-même. Généralement asymptomatique, elle
peut donner des douleurs et nécessite rarement une reprise
par voie vaginale, sauf en cas de dyspareunie.
Une rétraction vaginale interdisant les rapports a été
observée avec les plaques totales visant à corriger les
3 compartiments par une incision vaginale large ; ce type
d’intervention n’est pas à conseiller chez une femme
jeune désirant des rapports et son consentement éclairé
est indispensable.
Certaines cordes vaginales à type de simple bride ne sont
pas dues au matériel, mais à la cicatrisation vaginale seule.
Tolérance clinique des biomatériaux de collagène
L’utilisation humaine du Pelvicol® date de 1998 ; depuis
aucun signe de rejet ni de réaction auto-immune n’ont
été décrits.
Le taux d’érosion est faible. Ceci est en concordance avec
les autres matériaux biologiques en particulier dermiques.
Une déhiscence de l’incision vaginale a été rapporté dans
17 % (21/127 cas) par Dell [38]. Un défaut d’incorporation
peut être incriminé, car les mêmes auteurs rapportent une
diminution du taux à 7 % (5/71 cas) avec le collagène
macroporeux, qui doit être préféré pour cette raison.
La très bonne tolérance à l’infection doit être soulignée,
la cicatrisation dirigée de seconde intention est obtenue par
des soins locaux sans ablation du matériel.
Les prolapsus postérieurs
Ils font l’objet d’une mise au point courte car n’intéressent pas directement l’appareil urogénital mais leur
association possible mérite de les mentionner. Les
données concernant leur analyse clinique sont multiples
et souvent contradictoires.
Les prolapsus suslévatoriens sont réparés préférentiellement par voie abdominale, avec un temps de promontofixation et de cloisonnement du cul-de-sac de Douglas.
L’utilisation de prothèse [39] de renfort prérectal est
proposée pour minimiser le risque de récidive sous forme
de rectocèle basse. D’autres auteurs [40] insistent sur la
nécessité de descendre cette prothèse jusqu’au périnée.
Une rectocèle basse souslévatorienne isolée est
préférentiellement réparée par voie basse et la conférence
ICI 2005 établit (niveau d’évidence 1) que la voie vaginale
apparaı̂t avoir un plus faible taux de récidive que la voie
transanale.
La technique de bandelette postérieure (introduite par
Petros) latérorectale translévatorienne pour renforcer les
ligaments utérosacrés a ouvert la voie aux biomatériaux par
voie vaginale postérieure. L’association à une prothèse
prérectale est le complément de renforcement de l’espace
rectovaginal.
Toutefois les données concernant ces prothèses sont
récentes et ne permettent pas d’établir le bénéfice anatomique sur une durée suffisante ni surtout l’innocuité dans
une région exposée aux complications septiques (infection
de la prothèse, abcès pelvien). Le taux d’érosion semble
plus important, 6 % à 9 % [34, 35] par voie vaginale pour
le compartiment postérieur que pour l’antérieur. La voie
mixte [42] abdominale et périnéale n’est pas recommandée
en raison du risque élevé d’érosions.
Au décours d’un renforcement par prothèse postérieure,
l’évolution sur les symptômes retrouve globalement une
amélioration des constipations et des incontinences anorectales. Le taux de dyspareunie préopératoire s’améliore
[34] dans certaines séries, mais il est aggravé [35] dans
d’autres ce qui fait suspecter le rôle néfaste de certaines
prothèses et de la modalité chirurgicale.
Les données sur les caractéristiques des biomatériaux,
ex vivo et in vivo, s’appliquent de façon identique à celles
exposées pour le compartiment antérieur et moyen. Les
matériaux composites, collagène réticulé macroporeux et
polypropylène/polyester, treillis synthétique avec un film
de collagène, devraient trouvent un intérêt particulier
dans les prolapsus postérieurs.
Indications des biomatériaux de renfort et choix
du biomatériau
Stratégie opératoire
L’indication est indissociable de l’indication de la voie
d’abord et de la technique de réparation envisagée, de
l’association à la correction d’autres désordres comme une
incontinence urinaire. Une analyse clinique préopératoire
est indispensable, ainsi que les informations recueillies
auprès de la malade concernant ses objectifs de vie sexuelle.
Malgré tout, le réexamen du trouble de la statique pelvienne
sous anesthésie avant le temps opératoire peut révéler une
faiblesse plus importante de certains composants. Il faudra
en tenir compte pour la réparation et l’indication de
biomatériau peut s’en trouver renforcée. La malade doit
toujours être prévenue d’une utilisation possible ou
probable de biomatériau lorsque l’indication de correction
rend possible leur usage.
La correction par voie mini-invasive doit se rapprocher
de la qualité de ce que l’on obtient par les techniques
classiques. Elle peut donner un avantage en permettant de
corriger plus facilement une anomalie, donc d’étendre la
correction à des anomalies moins graves mais identifiées.
Ainsi pour la fixation du fond vaginal : elle est plus simple et
rapide par bandelette par ponction périnéale postérieure
que la spinofixation de Richter, elle pourra être plus
facilement proposée. La correction d’anomalie potentielles
33
Tableau III. Les arguments physiques et biologiques pour
orienter le choix du biomatériau de renfort pour un prolapsus
Biomat. synthétique
Biomat. naturel
Polypropylène
Collagène rét. expansé
Réponse
inflammatoire
Colonisationintégration
Remodelage
Résistance
Souplesse
Risque érosion
Risque infection
Agent non
identifié
Coût
++
+
+
+
0
+
+/–
+
+
0
+
+/–
+
–
–
–
<
>
doit être parfaitement documentée et utilisée avec prudence
pour ne pas induire plus de morbidité que de bénéfice.
Quelques règles générales
Quel que soit le matériau, il faut se mettre dans les
meilleures conditions pour éviter les hématomes, les
désunions, les tissus fibreux mal vascularisés.
À ce titre, il est préférable d’éviter une hystérectomie
non indispensable, il faut limiter la longueur des
incisions. En cas de chirurgie secondaire, il est préférable
de réaliser une voie d’abord différente, voie vaginale si
échec de voie abdominale et inversement.
Critères de sélection du biomate´riau
Il vont dépendre de facteurs multiples : expérience de
l’opérateur avec un type de biomatériau, considérations
économiques (taux de prise en charge), étendue de la
réparation, risque septique, information de la malade.
Les arguments mécaniques et biologiques ont été
développés précédemment et sont résumés dans le
Tableau III.
Actuellement, il est licite d’utiliser :
– un treillis de polypropylène ou de polyester, de
préférence monofilament, de faible grammage et épaisseur, macroporeux, résistant ;
– du collagène, à condition qu’il soit réticulé et macroporeux.
Les données concernant les autres biomatériaux, en
particulier les matériaux composites sont insuffisantes pour
leur utilisation en dehors de protocoles d’évaluation.
Quelle indication d’utilisation ?
Les recommandations de la Consultation internationale
sur l’incontinence de juin 2004 [43] ne plaident pas pour
une utilisation large et systémique des biomatériaux de
renfort dans le traitement des prolapsus.
Les niveaux d’évidence de cette conférence sont, par
importance décroissante :
– Niveau d’évidence I (le plus fort) : la voie abdominale a une morbidité supérieure, au moins à court
terme. La voie abdominale et la voie vaginale sont
relativement équivalentes pour le suivi évolutif.
– Niveau d’évidence II : les données actuelles plaident
en faveur d’un avantage théorique pour l’utilisation des
biomatériaux, mais ceci doit être mis en balance avec la
morbidité potentielle (taux de complication inacceptable
incluant érosion, infection, dyspareunie) et les coûts.
– Niveau d’évidence III : il n’y a pas d’argument
suffisant que le taux de récidive des prolapsus postérieurs soit réduit par les biomatériaux naturels mis par
voie vaginale.
Les recommandations de cette conférence sont :
– Grade B : la mise en place par voie vaginale des
prothèses permanentes pour la réparation des prolapsus a
un faible rapport bénéfice/risque et donc l’utilisation de ces
biomatériaux devrait seulement avoir lieu dans le cadre
d’études cliniques avec approbation de comité d’éthique.
– Grade D : l’usage en routine des biomatériaux
synthétiques ou biologiques pour la réparation vaginale
des prolapsus n’est pas suffisamment établi.
Il faut comprendre que ces recommandations ne sont
pas contre les biomatériaux de renfort, mais plaident pour
une démarche scientifique et éthique. Il est regrettable de
savoir que des femmes aient pu subir des complications sans
être informées qu’elles faisaient l’objet de techniques non
validées, sans évaluation préalable ni rigueur méthodologique. Ceci concerne autant les leaders débridés que les
bricoleurs amateurs. Loin de freiner l’innovation, qui est un
moteur fort en chirurgie, celle-ci devra avoir une démarche
plus documentée, plus professionnelle. Une page nouvelle
s’est ouverte dans le traitement des prolapsus par les
biomatériaux, il faut y participer, mais correctement.
Les indications préférentielles
– Le renforcement tissulaire est préférentiel si les facteurs
de pression vont persister (toux chronique, efforts sportifs,
constipation opiniâtre) et/ou si la qualité tissulaire apparaı̂t
déficiente (laxité et finesse vaginale de certains prolapsus
largement extériorisés, récidive de cure sans renforcement,
atrophie tissulaire de la sénescence).
– La femme jeune est plus volontiers opérée par voie
haute afin d’éviter une cicatrice vaginale mais les
avantages de la voie vaginale doivent aussi être exposés.
– Pour une cystocèle isolée voie basse: quel que soit le
matériau, il doit recouvrir largement la paroi vaginale
antérieure pour aller latéralement jusqu’au fascia pelvien, et
au niveau médian aller de la région sous-cervicale au fond
vaginal. Le maintien latéral doit être souple et orienté dans le
plan du fascia, la voie transobturatrice est bien adaptée. Les
arguments médicaux pour choisir entre un matériel
synthétique ou biologique ne sont pas suffisamment établis,
34
les considérations économiques pèsent dans la décision.
Toutefois, en cas de terrain exposé à des complications
septiques, ou d’antécédent d’érosion ou d’infection vaginale,
il est préférable d’opter pour le collagène.
– Pour une correction large de plusieurs compartiments par voie basse : une grande plaque synthétique
monobloc ou fragmentée a un coût nettement inférieur à
celui d’un matériel biologique. La malade doit être
informée du risque de rétraction fibreuse et d’érosion.
– Pour la promontofixation voie haute, le risque
septique et d’érosion est limité, le synthétique est le plus
employé. Les arguments théoriques plaident autant pour le
collagène que pour le synthétique.
Perspectives
Il est nécessaire d’obtenir des données sur l’efficacité et la
morbidité avec un recul suffisant, si possible plus de 5 ans,
idéalement sous forme d’études randomisées avec groupe
contrôle, et sous forme d’évaluation suivie (registre d’une
technique identique ou registre d’une technique évolutive
type Tracker study).
Bien que de réalisation difficile, il serait souhaitable
de disposer aussi de données concernant le rapport
coût/efficacité, y compris concernant la gestion des
complications et récidives.
La standardisation de la cotation anatomoclinique, un
consensus sur les items d’évaluation des symptômes
cliniques, sur les outils pour apprécier le retentissement
fonctionnel et la qualité de vie doivent être développés.
Il est souhaitable de déterminer la sélection la plus
appropriée de patients et quel type de biomatériau utiliser.
Pour cela les études doivent avoir une standardisation du
geste chirurgical, dont les multiples variations nuisent à
l’analyse de ce qui revient au biomatériau lui-même.
En amont, une meilleure connaissance de la physiopathologie, des facteurs prédictifs de dégradation aiderait à
élaborer un arbre de décision et à mieux informer les patients.
La recherche de nouveaux biomatériaux dans le
cahier des charges de la spécificité des prolapsus pelviens
doit se poursuivre, ainsi que les travaux expérimentaux.
Conclusion
L’apport des biomatériaux de renfort pour le traitement des
prolapsus urogénitaux est une possibilité pour diminuer la
fréquence des récidives, mais son usage ne doit pas être
systématique compte tenu de la morbidité à court terme de
certains matériaux et de certaines voies d’abord. Des
arguments permettent d’orienter les indications, mais la
malade doit toujours être informée des avantages et
conséquences possibles de ce type de chirurgie fonctionnelle. Il est important d’évaluer prospectivement le suivi des
biomatériaux implantés et d’inciter au développement des
registres qui idéalement devraient être systématiques. Une
meilleure connaissance des facteurs prédictifs liés au malade
et liés au matériau doit se poursuivre tout comme la
recherche de nouveaux biomatériaux adaptés à la problématique du prolapsus.
Références
1. Inglesia CB, Fenner DE, Brubacker L (1997) The use of
mesh in gynecologic surgery. IntUrogynecol J 8: 105-15
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CAS CLINIQUE / CLINICAL CASE
Incontinence urinaire postmictionnelle et diverticule urétral
M. Demesmaeker, C. Ciofu
Service d’Urologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris
Résumé : Un cas de diverticule urétral révélé par une
incontinence urinaire postmictionnelle est rapporté. L’échographie vaginale, la cystographie et l’IRM permettent de
préciser le diagnostic.
Mot clé : diverticule urétral
Urethral diverticulum revealed by postmicturition
incontinence
Abstract: A case of urethral diverticulum revealed by postmicturition incontinence is reported. Transvaginal ultrasonography, cystography and pelvic MRI precise the diagnosis.
Keyword: Urethral diverticulum
Introduction
Le diverticule de l’urètre est une pathologie rare de l’appareil
urinaire féminin. Sa symptomatologie est polymorphe :
incontinence urinaire, douleur périnéale, infections chroniques, dyspareunie ou signes urinaires irritatifs. Son diagnostic n’est donc pas toujours aisé et il y a souvent une
longue errance diagnostique entre le début des troubles et le
traitement du diverticule de l’urètre [1]. Beaucoup d’examens complémentaires peuvent aider le clinicien, mais
tous n’ont pas la même rentabilité. Cette observation
cherche à illustrer la difficulté du diagnostic du diverticule
de l’urètre et à mettre en avant l’intérêt de l’IRM pelvienne
dans le bilan de cette pathologie.
Une bandelette sous-urétrale de type TVT a alors été
mise en place.
Dans les suites, aucune amélioration des symptômes,
ce qui a amené la patiente a reconsulter sept mois plus
tard.
L’interrogatoire a alors retrouvé la présence des
même fuites qu’avant l’intervention, qui semblent plutôt
insensibles et prédominante en postmictionnel.
L’examen clinique ne retrouve pas de défaut de la
statique pelvienne, pas d’érosion de la bandelette mais la
pression de l’urètre entraı̂ne une fuite d’urine.
Le diagnostic évoqué est alors celui d’un diverticule
de l’urètre.
L’urétrocystoscopie est normale (pas d’érosion de la
bandelette, pas de collet diverticulaire).
L’échographie endovaginale montre une bandelette
de TVT en place avec une image hydrique cloisonnée
periurétrale.
L’urètrocystographie rétrograde et mictionnelle montre la présence d’un diverticule postérieur de l’urètre
dans sa partie moyenne (Fig. 1).
Enfin, l’IRM pelvienne montre une formation kystique multicloisonnée de 21 mm siégeant sur la face postérieure de l’urètre confirmant ainsi le diagnostic de
diverticule (Fig. 2-4).
Présentation du cas
Mme A, âgée de 56 ans, a consulté pour des fuites urinaires.
Elle n’a pas d’antécédent particulier hormis deux accouchements par voie basse sans complication. Elle décrivait
une incontinence urinaire d’effort survenant au décours des
mictions. L’examen clinique a retrouvé une hyper mobilité
cervico-urétrale avec une manœuvre d’Ulmsten positive et
une manœuvre de Bonney négative.
Le bilan urodynamique a montré une pression de
clôture de 30 cm H2O, sans contraction détrusorienne désinhibée.
Fig. 1. UCRM cliché postmictionnel
37
Discussion
Fig. 2. IRM pelvienne. Coupe transversale pondérée en T2
Tout d’abord, on peut souligner ici l’intérêt de l’examen
clinique et en particulier la palpation de l’urètre à la
recherche d’une fuite d’urine pour le diagnostic positif
de diverticule urétral.
D’une part, on remarquera l’intérêt de l’imagerie et en
particulier de l’IRM dans le diagnostic des pathologies urétrales et en particulier dans le diverticule de l’urètre [2, 4-6].
L’urétrocystographie rétrograde et mictionnelle sous-estime
la taille ou la complexité des diverticules de l’urètre dans
52 % des cas. D’autre part, elle nécessite des manipulations
qui peuvent être source de traumatisme urétral ou d’infection [2]. L’échographie transvaginale peut aussi être un
examen rentable dans le diagnostic de pathologie urétrale
[3]. L’IRM pelvienne est beaucoup plus performante pour
définir l’anatomie et la complexité du diverticule, elle permet
de préparer l’intervention chirurgicale d’autant plus que la
reconstruction urétrale peut être difficile, en particulier en
cas de diverticule circonférentiel [4]. L’IRM avec antenne
endorectale ou endovaginale est plus performante en termes
de détail que l’antenne externe [5] et doit être préférée.
Conclusion
Fig. 3. IRM pelvienne. Coupe transversale pondérée en T1
Le diverticule de l’urètre est une pathologie dont le
diagnostic n’est pas simple. Méconnaı̂tre un diverticule
de l’urètre chez une patiente se plaignant de fuite d’urine
à l’effort peut conduire à réaliser des interventions
chirurgicales inutiles voire dangereuses pour la patiente.
Un bon examen clinique associé en cas de suspicion de
diverticule à l’utilisation d’examens d’imagerie comme
l’IRM pelvienne permettent de poser formellement le
diagnostic et de préparer l’intervention chirurgicale avec
tous les renseignements nécessaires.
Références
Fig. 4. IRM pelvienne. Coupe sagittale pondérée en T2
La patiente a ainsi pu bénéficier d’une résection de son
diverticule postérieur de l’urètre, la bandelette sous-urétrale
a été sectionnée lors de l’intervention. Les suites opératoires
ont été sans problème.
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© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0004-1
CAS CLINIQUE / CLINICAL CASE
Pandysautonomie aiguë pure (syndrome de Young et Adams) et
troubles vésico-sphinctériens
D. Lagauche 1 , F. Maurier 2
1
2
Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rotschild, 33, boulevard de Picpus, 75571 Paris cedex 12
Hôpital Sainte-Blandine, 3, rue Cambou, 57000 Metz
Résumé : Nous rapportons le cas d’une jeune femme dont
les troubles cardiovasculaires et urinaires font porter le diagnostic de pandysautonomie aiguë pure. Ceci est l’occasion
de faire le point quant à la démarche diagnostique de cette
pathologie et d’en décrire la symptomatologie urinaire.
Mots clés : Dysautonomie – troubles vésico-sphinctériens
Pure acute pandysautonomia and urinary
symptomatology
Abstract: We report the case of a young woman of which
cardiovascular disorders and urinary makes carry the
diagnosis of pure acute pandysautonomia. This is the
occasion to take stock as for the diagnostic step of this
pathology and to describe urinary symptomatology of it.
Keywords: Pandysautonomy – urinary symptomatology
Observation
La patiente est âgée de 36 ans, enseignante ; elle a des
antécédents : migraine, chirurgie de canal carpien et sur
le plan familial, un frère schizophrène décédé brutalement en milieu hospitalier. Elle souffre depuis janvier
2005 d’une asthénie la confinant au lit. Le 24 mai 2005,
elle est hospitalisée pour un tableau de tachycardie
mesurée à 150 battements par minute avec discrète chute
tensionnelle (100 mm/50 mm) de 15 mm par rapport à ses
chiffres tensionnels habituels. L’examen clinique est sans
anomalie tant sur le plan neurologique que cardiaque,
digestif ou ORL à la recherche d’une compression du nerf
vague.
Le bilan biologique ne met en évidence aucun syndrome
inflammatoire, aucune anomalie hépatique, rénale ou
thyroı̈dienne. Le cortisol est mesuré dans les limites de la
normale.
L’imagerie cervico-thoracique, cérébrale ou abdominale est sans anomalie.
Correspondance : [email protected]
Un test d’inclinaison fait état d’une grande variabilité du
rythme cardiaque qui passe de 80 à 162 battements par
minute associée à une discrète chute tensionnelle, une
asthénie intense et une sensation de froid (la température
corporelle ne se modifie pas). Le test au froid met en
évidence une inadaptation cardiovasculaire avec une baisse
tensionnelle.
La recherche de troubles vésico-sphinctériens met en
évidence, chez cette patiente qui ne s’en plaignait pas,
mais qui l’avait notée depuis quelques semaines, une
dysurie majeure avec rétention incomplète bien confirmée par l’examen urodébimétrique (Fig. 1).
L’exploration urodynamique réalisée sous monitoring
tensionnel et rythmique ne met en évidence aucune
modification cardiovasculaire tout au long du remplissage, aucune hyperactivité détrusorienne. Le besoin
d’uriner est conservé (rapporté comme habituel pour
330 ml de remplissage) et la pression urétrale de clôture
mesurée à 40 cm avec une grande variabilité lors de
l’étude en capteur bloqué témoin d’une instabilité urétrale
(Fig. 2).
La recherche de xérophtalmie et xérostomie est positive. Une biopsie des glandes salivaires accessoires ne
révèle aucune anomalie histologique.
Le diagnostic de pandysautonomie aiguë pure ou
syndrome de Young et Adams [1] est retenu. Aucun
épisode viral précessif n’est retrouvé chez cette patiente
où l’évolution semble plus subaiguë qu’aiguë. Le dosage
des anticorps antirécepteurs nicotiniques ganglionnaires
d’acétylcholine est négatif (positif dans 50 % des cas,
surtout chez les patients souffrant d’une dysautonomie à
médiation cholinergique prédominante [2]).
Un traitement associant fludrocortisone, bétabloquant et tricyclique est débuté puis rapidement interrompu en raison d’une évolution favorable sur le plan
cardiologique dès lors que seront pratiqués des autosondages urinaires. À quatre mois de cette hospitalisation, persiste un certain degré d’asthénie, une xérophtalmie
et une dysurie (Fig. 3).
39
Débitmétrie Initiale#2
400
300
Vura
ml
200
100
0
25
20
Qura
ml/s
15
10
7,0
5
0
ST
DM
25 s
01:15
QM
FM
02:05
02:55
03:45
04:35
05:25
06:15
Fig. 1. Débimétrie urinaire chez une femme de 36 ans atteinte de dysautonomie aiguë
Profilométrie
Vessie 100
Pleine#2 80
Pura diff 60
cmH2O
40
20
0
80
60
Pura
cmH2O
40
20
0
80
60
Pves
cmH2O
40
20
0
40 mm
ST
Fig. 2. Étude sphinctérométrique urinaire chez une femme de 36 ans atteinte
de dysautonomie aiguë. Instabilité urétrale lors de l’étude en capteur bloqué
Discussion
Les troubles vésico-sphinctériens sont connus au cours
des dysautonomies, y compris au cours de la pandysautonomie aiguë pure ou syndrome de Young et Adams [1].
Ce sont le plus souvent des dysuries ou rétentions [3],
comme ce que nous avons constaté chez notre patiente.
Si la dysurie chez la femme pose toujours des problèmes
diagnostiques étiologiques, dans cette observation, l’association de signes cardiovasculaires (tensionnels et rythmiques) et de signes ophtalmologiques (xérophtalmie) à une
dysurie de survenue brutale évoque d’emblée une atteinte du
système nerveux autonome.
Dans ce cadre, chez une patiente jeune, l’apparition d’une
dysautonomie subaiguë doit faire discuter plusieurs diagnostics. Une cause toxique médicamenteuse doit toujours
être évoquée (cisplatine, vincristine, amiodarone, maléate de
perhexiline) ou par des poisons industriels (thallium,
mercure, hexacarbone). Le botulisme reste d’actualité, mais
le mode de début subaigu, l’absence d’atteinte digestive ou de
trouble de l’accommodation ne nous ont pas fait retenir ce
diagnostic dans notre observation. La porphyrie aiguë peut
être éliminée par le dosage de l’acide delta-aminolévulinique
dans les urines. Une neuropathie autonome paranéoplasique
(liée le plus souvent à un cancer bronchique à petites cellules)
a pu être discutée chez notre patiente, mais la négativité de
l’anticorps anti-Hu permet de ne pas retenir ce diagnostic.
Enfin, un syndrome de Guillain-Barré n’a pas été retenu
devant l’absence totale de signe neurologique périphérique.
Sur le plan viral, les sérologies des mycoplasmes, chlamydiae,
campylobacter, cytomégalovirus, mononucléose infectieuse
étaient négatives. Seule est à noter une sérologie positive en
IgG du virus Epstein Barr.
Outre l’hypoactivité vésicale secondaire à une atteinte
parasympathique, notre observation souligne l’implication du système nerveux autonome dans la régulation
des pressions urétrales avec une instabilité manifeste du
tonus sphinctérien. Ceci est à rapprocher de l’observation rapportée par Kirby [4], qui décrit une incompétence de l’urètre proximal chez un patient souffrant de
pandysautonomie, alors qu’un patient souffrant de
dysautonomie cholinergique pure en est indemne, faisant
ainsi souligner aux auteurs l’influence sympathique dans
le tonus urétral.
Conclusion
L’importance du système nerveux autonome dans le
fonctionnement vésico-sphinctérien est bien souligné par
cette observation où seul est impliqué le dysfonctionnement végétatif dans la genèse du trouble urinaire. Ces
lésions végétatives pures responsables d’un dysfonctionnement urinaire (parfois méconnu par le patient, tel qu’une
dysurie) demeurent rares. Le bilan en est nécessairement
40
Débitmétrie Initiale#2
600
500
400
Vura
ml
300
200
100
0
25
20
Qura
ml/s
16,3
15
10
5
0
7s
ST
DM
00:35
QM
00:49
01:03
01:17
FM
01:31
01:45
Fig. 3. Débimétrie urinaire chez une femme de 36 ans atteinte de dysautonomie aiguë, à 4 mois d’évolution
complexe : bilans cardiovasculaire, ophtalmologique, neurologique, urologique et biologique. Les tests cardiovasculaires de la fonction autonome sont indispensables, de
même que les explorations urodynamiques.
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FOCUS / FOCUS
Toxine botulique et périnéologie
G. Amarenco
Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,
Unité Inserm U731/Université Pierre-et-Marie-Curie, 33 boulevard de Picpus, 75571 Paris Cedex 12
Résumé : La toxine botulique (TB) est une nouvelle et
prometteuse technique de traitement d’une grande variété
de troubles du bas appareil urinaire et du périnée. La TB a
été initialement proposée dans le traitement des hyperactivités détrusoriennes neurologiques et des dyssynergies
vésico-sphinctériennes. Désormais, elle est essayée dans
d’autres troubles urologiques (instabilité vésicale idiopathique, dyssynergie fonctionnelle, hypertrophie bénigne de
la prostate, cystite interstitielle) et périnéaux (anisme,
vaginisme).
Mots clés : Toxine botulique – Hyperactivité vésicale –
Dyssynergie – Anisme
Botulinum toxin and perineal disorders
Abstract: Botulinum toxin (BT) is a novel and promising
treatment for a variety of lower urinary tract dysfunctions
and perineal disorders. Botulinum toxin was initially applied
in the bladder of patients with spinal neurogenic detrusor
overactivity and in cases of detrusor external sphincter
dyssynergia. Now, application of botulinum toxin is extended to the treatment of other urological disorders including non-neurogenic detrusor overactivity, non-relaxing
urethral sphincter, detrusor underactivity, benign prostatic
hyperplasia, interstitial cystitis and other perineal disorders
(anismus, vaginismus).
Keywords: Botulinum toxin – Overactive bladder –
Dyssynergia – Anismus
Neurotoxines bactériennes produites par différentes
espèces de bactéries anaérobies, le Clostridium, les
toxines botuliques (TB) sont utilisées à des fins thérapeutiques depuis plusieurs années en tant que myorelaxants périphériques pour traiter de nombreuses affections
liées à une hyperactivité musculaire (strabisme, blépharospasme, hémispasme facial, dystonie cervicale, spasticité, rides, hypersudation, bruxisme…). Leur utilisation
est beaucoup plus récente en neuro-urologie, périnéologie et urologie : traitement des dyssynergies vésicosphinctériennes, désactivation des vessies hyperactives,
traitement des fissures anales et de certaines dyschésies, vaginisme, hypertrophie bénigne prostatique, cystite
interstitielle.
TB et dyssynergies vesico-sphinctériennes
La dyssynergie vésico-sphinctérienne (DVS) est un des
troubles majeurs observés au cours des vessies neurogènes.
Responsable d’un défaut de vidange vésicale, elle est définie
comme une contraction involontaire (continue ou intermittente) du sphincter strié de l’urètre pendant la contraction du détrusor. La présence d’une DVS témoigne le plus
souvent de lésions du système nerveux central de localisation subpontique et suprasacrée. Elle peut ainsi se rencontrer dans la plupart des atteintes médullaires ou du tronc
cérébral. Extrêmement fréquente chez les blessés médullaires, elle est souvent observée dans la sclérose en plaques. Elle
crée un obstacle fonctionnel à l’évacuation de l’urine,
entraı̂nant cliniquement dysurie, rétention partielle ou
totale et travail vésical excessif. L’excès de travail vésical
anormal provoqué par les hyperpressions vésicales sur cet
obstacle est source de complications du haut appareil
urinaire : stases, dilatations urétérales, reflux vésico-rénal,
déformations (trabéculations et diverticules) de la paroi
vésicale. La rétention urinaire induite par cette mauvaise
ouverture sphinctérienne favorise le développement d’infections du bas ou du haut appareil urinaire. Ces conséquences
représentent une des causes importantes de morbidité et de
mortalité chez les blessés médullaires et chez les patients
atteints de sclérose en plaques. Son diagnostic est porté sur
l’exploration urodynamique. Elle est caractérisée par la
persistance ou le renforcement de l’activité électromyographique du sphincter strié de l’urètre lors de la contraction
détrusorienne au cours d’une miction.
Les traitements alpha-bloquants et antispastiques par
voie orale ont souvent un effet modéré et décevant.
L’autosondage intermittent est devenu le traitement de
choix. Cette technique ne peut néanmoins être mise en place
chez tous les patients tétraplégiques et chez certains patients
atteints de sclérose en plaques en raison de l’existence de
troubles moteurs, sensitifs ou de la coordination des
membres supérieurs. Certains patients refusent également
cette option thérapeutique et d’autres développent une
42
intolérance aux sondages à type d’hématurie ou de sténose
urétrale. D’autres solutions ont été proposées : sphinctérotomie chirurgicale ou prothèse intra-urétrale. Plus récemment, une thérapeutique par la toxine botulique a été
proposée [1-7]. L’utilisation princeps revient à Dykstra et al.
[1, 2] qui, en 1988, ont injecté, chez onze patients blessés
médullaires présentant une DVS, de la toxine botulique
dans le sphincter strié urétral pour le dénerver et le relaxer.
Depuis quinze ans, plusieurs travaux ont fait état de son
utilisation et de son efficacité dans la DVS, avec diminution
du résidu postmictionnel, diminution des pressions urétrales en urodynamique, diminution de la sévérité de la
dyssynergie (diminution des pressions permictionelles).
Seule la toxine botulique A a été pour l’instant utilisée.
Le Botox® (Allergan) a été le plus souvent employé
(100 UI Botox® dans 4 ml de solution saline à 0,9 %),
l’injection se faisant préférentiellement sous repérage
électromyographique du sphincter strié urétral. Les effets
apparaissent en règle après quinze jours et durent trois à
quatre mois. Peu d’effets indésirables ont été constatés
(hématurie).
TB et détrusor hyperactif
Si la TB a été largement utilisée dans les muscles striés,
peu d’indications existent concernant la musculature
lisse. La première utilisation de la toxine dans le muscle
lisse a été les achalasies du cardia et l’anisme. L’injection
intradétrusorienne a été proposée par B. Schurch pour
calmer les hyperactivités détrusoriennes rebelles aux
anticholinergiques.
En effet, nombre de vessies neurologiques, et tout
particulièrement celles secondaires à une lésion médullaire
ou à une sclérose en plaques, s’accompagnent d’une telle
hyperactivité, définie par l’existence de contractions anarchiques non inhibées du détrusor pendant le remplissage
vésical. Cette hyperactivité est secondaire d’une part à la
libération de l’automatisme mictionnel par suppression de
la volée inhibitrice encéphalique en raison de la lésion
médullaire, et d’autre part à la réactivation de réflexes
archaı̈ques médiés par des fibres non myélinisées de type C
capsaı̈cine sensibles lors du traumatisme spinal. Caractérisée sur le plan urodynamique par des contractions non
inhibées pendant la cystomanométrie, cette hyperactivité est
souvent accessible à un traitement parasympathicolytique,
les anticholinergiques permettant une stabilisation des
contractions. Mais parfois ce traitement est inefficace ou le
devient au fur et à mesure de l’évolution, faisant alors courir
le risque d’hyperpression intravésicale, de reflux, de
dégradation du haut appareil et, sur le plan fonctionnel,
d’incontinence et de pollakiurie. La seule solution alternative reste alors soit la neuromodulation des racines sacrées,
soit l’entérocystoplastie d’agrandissement.
L’injection intradétrusorienne de toxine botulique
(effectuée sous contrôle cystoscopique) permet de supprimer les contractions vésicales anarchiques, d’obtenir une
désactivation pharmacologique de la vessie et, partant, de
guérir les incontinences urinaires rebelles aux traitements
usuels (anticholinergiques) [8, 9]. Sur le plan urodynamique, les contractions disparaissent, la capacité vésicale
augmente et les pressions détrusoriennes diminuent.
L’injection (3 x 100 UI Botox®) a pour effet d’entraı̂ner
une rétention d’urines gérée alors par les autosondages.
L’effet apparaı̂t en deux à trois semaines et dure de six à
neuf mois.
TB et autres indications périnéales
Les injections de toxine botulique au niveau du périnée
postérieur ont débuté vers la fin des années 1980. La
première indication proposée fut la constipation terminale sévère liée à la contraction paradoxale du muscle
pubo-rectal (anisme) lors des efforts de défécation
[10-13]. Plusieurs autres études ont suivi, souvent ouvertes,
parfois contre placebo, tant chez le malade fonctionnel
que chez le patient porteur d’une sclérose en plaques ou
d’une maladie de Parkinson [14], et récemment chez des
patients combinant anisme et rectocèle [15].
L’efficacité de la toxine botulique dans le traitement
des dyssynergies vésico-sphinctériennes et recto-anales
(anisme) suggère son utilisation dans la prise en charge
du vaginisme.
En effet, celui ci est le fait d’une hypertonie musculaire
rendant difficile ou impossible la pénétration. Récemment,
deux études ont bien démontré l’excès d’activité musculaire
tonique dans cette pathologie [16, 17]. Au cours d’une
pénétration chez la femme atteinte de vaginisme, il existe
une augmentation d’activité électromyographique des
muscles bulbo-caverneux, pubo-rectaux, et des releveurs
de l’anus, alors que chez la femme normale aucune
modification du tonus de base n’est noté [18]. L’injection
de TB dans les muscles bulbo-spongieux de sept femmes
avec vaginisme a pu se montrer efficace.
Désormais, la toxine botulique est aussi essayée dans
le syndrome clinique d’hyperactivité vésicale non neurologique (instabilité vésicale idiopathique) en cas
d’échec ou échappement aux traitements classiques que
sont la rééducation périnéale, les anticholinergiques et la
neuromodulation des racines sacrées. La première étude
a été faite par Borkowski [19], avec de bons résultats
illustrés par une augmentation de la capacité vésicale,
une restauration de la continence et l’absence d’effets
secondaires rapportés. Les études suivantes [20, 21] ont
confirmé l’efficacité de cette technique dans cette
indication, avec des doses moindres que dans les vessies
neurogènes (200 UI Botox® en quarante sites) et avec
environ 60 % d’amélioration (mais 20 % de rétention
transitoire) évaluée sur des échelles de symptômes et de
qualité de vie (UDI/IIQ). D’autres études sont désormais
disponibles [22-25], faisant état de 80 % de succès
clinique et urodynamique pour des doses allant de 100
à 300 UI Botox®, avec des taux de rétention de 5 %.
43
La toxine botulique est aussi utilisée dans les
dyssynergies fonctionnelles [26, 27] avec des résultats
contradictoires, qui témoignent parfois de peu d’efficacité
[26] et d’un risque de fuites dans 50 % des cas, tandis que
d’autres auteurs rapportent des succès [27-29] avec 94 %
d’amélioration des rétentions pour des doses intrasphinctériennes de 80 à 100 UI Botox®. Mais les séries sont
faibles (moins de douze patients) et nécessitent confirmation par de futures études.
La toxine botulique commence aussi à être utilisée
dans les hypertrophies prostatiques [29-32], avec comme
rationnel physiopathologique une atrophie postinjection
démontrée par les études histologiques [31]. En règle, les
injections sont faites à l’aiguille, échoguidées, de 200 UI
Botox® [29]. Les résultats [29] semblent probants, tant
sur les scores cliniques (IPSS diminué de moitié) que sur
les paramètres urodynamiques (augmentation du débit
urinaire de 8,1 à 15,4 ml/s) et cliniques (diminution du
résidu de 126 à 21 ml). Ces résultats ont pu être confirmés
chez des patients résistants aux alpha-bloquants, auxquels ont été injectés 100 UI Botox® [30].
Enfin, un effet antinociceptif de la toxine botulique a
pu être démontré [33], justifiant son essai dans les cas de
cystite interstitielle rebelle aux traitements standard
(hydrodistension). Les résultats sont bons (amélioration
observée chez neuf patients sur treize) pour certains [33],
moins évidents pour d’autres [34]. Chez des patients avec
syndrome douloureux pelvien chronique (« prostatite
chronique »), l’utilisation de toxine a pu déterminer une
amélioration de la douleur et des troubles fonctionnels
urinaires [32]. Sur le plan physiopathologique, le
problème est posé du mécanisme d’action de la toxine,
avec soit diminution d’une hypertonie musculaire
génératrice d’un réflexe algogène, soit action antinociceptive par effet indirect sur les afférents sensitifs [33].
Conclusion
L’utilisation de la toxine botulique a permis de renforcer
l’arsenal thérapeutique en matière de prise en charge des
hyperactivités vésicales rebelles et de traitement des
dyssynergies urinaires ou anales. Reste désormais le
problème de son utilisation à moyen et long terme, tant en
terme d’efficacité que de coût. En dehors de ces indications
princeps, bien reconnues et largement utilisées en pratique,
reste aussi à connaı̂tre la place de la toxine botulique dans la
prise en charge des hyperactivités vésicales idiopathiques,
de l’hypertrophie prostatique et dans les syndromes
douloureux pelviens et autres cystites interstitielles.
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© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0001-4
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Troubles digestifs et ano-rectaux dans la sclérose en plaques
L. Mailhan 1,
1
2
3
2, 3
, A. Fontaine 1 , I. Monteil 1
Service de Médecine Physique et de Réadaptation, Hôpital Bellan, 19-21 rue Vercingétorix, 75014 Paris
Service de Médecine Physique et de Réadaptation, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Fédération de Neurologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris
Résumé : Les troubles digestifs et ano-rectaux sont fréquents
chez les personnes atteintes de sclérose en plaques et probablement sous-estimés. Ils consistent principalement en
un ralentissement du transit ou un défaut d’exonération. Si
l’incontinence permanente, exceptionnelle, ou les fuites de
selles sont les symptômes les plus invalidants pour les
patients, le rétablissement d’un transit régulier permet le
contrôle d’autres symptômes associés (spasticité des membres inférieurs, troubles urinaires). Les traitements sont
symptomatiques, et calqués sur les médications proposées
chez le blessé médullaire. Aucun de ces traitements n’a
fait l’objet d’une étude montrant sa supériorité par rapport
aux autres.
Mots clés : Sclérose en plaques – Troubles du transit –
Traitement
Digestive and anorectal problems in multiple
sclerosis
Abstract: Digestive and anorectal problems are frequent
among people with multiple sclerosis and are often
under-estimated. Generally these problems consist in
a slowing down of the bowel function or a rectal
exoneration dysfunction. Permanent or exceptional
incontinence or stool leakage are the symptoms that
are the most disabling for patients and a recovery of a
regular transit enables the control of other associated
symptoms (urinary problems, spacticity of the lower
limbs). Treatment is symptomatic and modelled on the
proposed medication for medullary injury. None of these
treatments studied have superiority over any other.
Keywords: Multiple sclerosis – Bowel function – Treatment
Les troubles digestifs et ano-rectaux chez les patients
atteints de sclérose en plaques (SEP) n’ont fait l’objet
que de très peu d’études dans la littérature [1-2]. En effet,
leur symptomatologie est souvent non spécifique
Correspondance : [email protected]
(constipation), leurs complications vitales exceptionnelles et leur traitement limité. Leur dépistage est cependant
indispensable car ils sont souvent liés aux troubles
vésico-sphinctériens et ont un retentissement fonctionnel, psychologique et social majeur.
Épidémiologie
Les troubles de la fonction intestinale chez les patients
atteints de SEP sont fréquents dans notre expérience.
Chia et al. (1995) ont cependant rapporté que, parmi
les 80 % de patients atteints de SEP et ayant des
symptômes urinaires, seuls 2/3 présenteraient également
un dysfonctionnement colique [3]. Il s’agissait d’incontinence fécale dans 51 % des cas et de constipation
dans 43 % des cas pour Fowler [4], mais ces symptômes
peuvent coexister [5]. Enfin, aucune corrélation n’était
trouvée dans ces études entre l’existence des troubles
digestifs et l’âge, le sexe ou la durée d’évolution de
la SEP.
Ces chiffres sont probablement sous-estimés, en tout
cas en ce qui concerne la constipation. De nombreux
patients relient en effet le ralentissement de leur transit à
l’alimentation ou à leurs habitudes de vie, sans lien direct
avec la maladie, et la plupart ne considère pas la constipation comme un dysfonctionnement, contrairement
à l’incontinence, car moins gênante socialement. Dans
notre expérience, les troubles digestifs et ano-rectaux ne
sont jamais révélateurs de la SEP, ils sont toujours
associés à une autre symptomatologie (troubles vésicosphinctériens et/ou moteurs) au premier plan. Il est
cependant difficile de dater précisément le début de
troubles digestifs comme la constipation, souvent décrite
comme ancienne, voire « familiale », et dont l’origine
peut être multiple (voir Physiopathologie). La survenue
d’incontinence fécale est plus marquante et plus facile à
dater, mais exceptionnellement rapportée de façon
spontanée par le patient. Comme les troubles urinaires
ou sexuels, les troubles digestifs et ano-rectaux restent
un sujet « tabou » pour les patients comme pour les
46
médecins et seul un interrogatoire systématique peut
éviter de les mésestimer.
Physiopathologie
La constipation peut être d’origine iatrogène, induite par
les traitements symptomatiques de la maladie [6]. Citons,
entre autres, les anticholinergiques pour les troubles urinaires (oxybutinine, chlorure de trospium) et certains antidépresseurs utilisés comme tels ou à visée antalgique
(amitriptyline, clomipramine…).
La restriction des apports hydriques, fréquente du fait
des troubles urinaires associés, et la diminution d’exercice physique chez tous les patients aggravent les
troubles.
Le mécanisme principal est cependant la diminution de la
motricité colique par atteinte du système nerveux autonome,
avec une augmentation du temps de transit intestinal [6]. Elle
peut être associée à des anomalies de la fonction rectale :
troubles sensitifs du canal anal et de l’ampoule rectale,
perturbations du contrôle volontaire de la défécation,
dysfonctionnement par hypertonie des muscles du plancher
pelvien et du sphincter externe [7], prolapsus sigmoı̈dorectal, hémorroı̈des, fissure anale. Enfin, des difficultés de
transferts (passage du fauteuil roulant sur les toilettes) ou la
peur des fuites fécales sous traitement peuvent être à
l’origine d’une constipation « entretenue » par le patient.
L’incontinence se manifeste le plus souvent par des
fuites de selles incontrôlées, épisodiques, en rapport avec
des troubles de l’exonération (défécation) s’apparentant
à une constipation « permanente ». Elle est favorisée par
l’hypoesthésie rectale [8]. L’incontinence fécale permanente n’est observée que chez des patients présentant
une atteinte cognitive sévère, avec un comportement de
type frontal (« urination »), les atteintes médullaires
étant exceptionnellement complètes dans la SEP et
n’occasionnant donc pas la « béance anale » classique
de la paraplégie traumatique. Enfin, une dépendance
importante pour les transferts (tierce personne) peut
être à l’origine d’une incontinence, malgré une sensation
de besoin et des possibilités de défécation volontaire
conservées.
Examen clinique
L’interrogatoire est l’élément le plus important de
l’examen. Il doit faire spécifier : les antécédents généraux
et digestifs en particulier, le nombre de selles par semaine, l’existence d’une sensation de besoin (conservée,
diminuée) et de fuites fécales, le port de couches ou la
limitation des sorties en rapport avec les troubles, la
quantification des apports hydriques journaliers, le
régime alimentaire, les traitements médicamenteux
passés et actuels (et leur échec ou réussite), les troubles
associés (hémorroı̈des, fissures anale, urinaires, spasticité). Les troubles cognitifs, le statut fonctionnel
(marche, verticalisation, transferts) et les conditions de
vie (accessibilité des toilettes, tierce personne, vie en
institution) doivent également être précisés.
L’examen neurologique quantifie la spasticité éventuelle
des membres inférieurs, et plus particulièrement des
muscles adducteurs des cuisses. Les troubles urinaires et
fécaux sont en effet une épine irritative de la spasticité, et
leur traitement permet la plupart du temps le contrôle de la
spasticité en dehors de toute autre prise en charge
spécifique.
La palpation abdominale recherche un météorisme
abdominal, une masse abdominale, une sensibilité en
cadre, une rétention urinaire (globe vésical). L’examen
périnéal recherche des éléments attestant la préservation des
centres sacrés : sensibilité périnéale (S2 : face postérieure de
cuisse, S3 : fesse, S4 : marge anale, S5 : triangle post-anal),
réflexes du cône médullaire (réflexe bulbo-anal, réflexe anal
à la piqûre, à la toux et à l’étirement). Le toucher rectal
précise le tonus anal, la vacuité ou non de l’ampoule rectale,
et vérifie l’absence d’hémorroı̈des, de fissure anale, de
prolapsus.
Examens complémentaires
Ils sont non spécifiques. La radiographie d’abdomen sans
préparation de face et de profil debout (ou en décubitus
latéral couché) est l’examen le plus courant : elle permet de
visualiser un fécalome haut situé et d’éventuels niveaux
hydro-aériques en faveur d’un syndrome occlusif (contreindiquant l’emploi de certains laxatifs).
La manométrie intra-rectale est exceptionnellement
réalisée et plutôt réservée aux troubles du transit
réfractaires aux traitements classiques. De même, la
coloscopie est réalisée en cas de suspicion de pathologie
colique associée (hémorragie digestive, anémie ferriprive
sans point d’appel).
Traitements
Il n’existe aucune étude spécifique publiée sur la prise en
charge des troubles du transit dans la SEP [1-2]. Les
pratiques cliniques habituelles sont symptomatiques,
non spécifiques et limitées [9]. Aucune étude n’ayant
comparé les différents produits disponibles entre eux,
l’utilisation de ces produits reste empirique.
Des apports hydriques minimaux de 1,5 litre par jour
sont recommandés aux patient, associés à des mesures
diététiques simples (verre d’eau glacée le matin à jeun,
jus d’oranges, pruneaux, régime riche en fibres pour
traiter la constipation). La réalisation régulière de
massages en cadre (colon droit/transverse/colon gauche)
permet une régularisation naturelle du transit. Pour les
patients atteints de SEP et ne marchant plus, la
verticalisation sur appareil de verticalisation de façon
pluri-hebdomadaire permet une amélioration du transit
(en plus de ses effets positifs sur les troubles urinaires,
47
l’ostéoporose et son effet psychologique). La régularisation du transit passe par la prise quotidienne de laxatifs :
le lactulose occasionne des flatulences et on lui préfère
les mucilages type laxatif de lest (ispaghul – Spagulax®)
ou laxatif osmotique (macrogol – Forlax®), mais ils nécessitent pour être efficaces une diurèse abondante (sinon
ils occasionnent des fécalomes). Les accélérateurs de
transit type séné (X-prep®) ou cascara (Péristaltine®)
sont réservés à un traitement occasionnel de la constipation opiniâtre et ne peuvent être administrés
qu’après avoir éliminé une contre-indication (syndrome
occlusif, pathologie cardiaque pour le cascara, laxatif
stimulant anthroquinonique). Enfin, le cannabis n’a pas
montré d’efficacité sur la régularisation du transit [10].
Pour éviter les épisodes d’incontinence, l’évacuation
rectale est indispensable. À l’évacuation au doigt
(traumatique, souvent à l’origine de lésions locales), on
préfère l’utilisation d’un suppositoire à dégagement
gazeux (type Eductyl®) à heure fixe, si possible après
un repas (potentialisation de l’effet par le réflexe gastrocolique), qui permet une évacuation « mécanique » dix à
trente minutes après la mise du suppositoire. Les minilavements (Microlax®, Norgalax®, Normacol®) peuvent
également être utilisés, mais ils sont plus agressifs pour
la muqueuse et ils doivent être d’utilisation limitée au
traitement occasionnel d’une constipation opiniâtre. Les
suppositoires de paraffine (et les produits huileux en
général) sont peu utilisés car souvent mal tolérés du fait
des risques de fuites fécales. De façon ponctuelle, la
lopéramide ou les anticholinergiques peuvent être
utilisés [11]. Chez des patients ayant un handicap modéré
et une forme de maladie peu évolutive, Wiesel et al.
(2000) rapportent un bénéfice d’une approche comportementaliste par biofeedback dans un groupe de treize
patients [12]. L’utilisation de tampons obturateurs anaux
doit être réservée à des situations exceptionnelles
(piscine par exemple) et ils sont peu prescrits chez nos
patients SEP ; il est en effet « tentant » de se satisfaire
d’un tel système « anti-fuites » et de négliger la régulation indispensable du transit.
Enfin, il ne faut pas négliger la prise en charge des
hémorroı̈des (traitement local médicamenteux ou chirugical), des fissures anales, d’une éventuelle pathologie colique
(néoplasie, maladie de Crohn) et des troubles vésicosphinctériens associés. L’amélioration des capacités fonctionnelles du patient (transferts autonomes), l’adaptation et
la mise en place d’aides humaines au domicile peuvent
également régler tout ou partie des troubles ano-rectaux et
améliorer la qualité de vie des patients.
Conclusion
Les troubles digestifs et ano-rectaux sont fréquents dans la
sclérose en plaques, mais souvent sous-estimés. Contrairement aux troubles urinaires, ils ont fait l’objet de très peu
d’études, probablement du fait de leur habituelle absence de
complications vitales. Leur impact psychologique, social et
fonctionnel est cependant à prendre en compte par une
écoute plus attentive des professionnels. Les traitements
utilisés sont symptomatiques, empiriques, aucun n’ayant
fait la preuve de sa supériorité par rapport aux autres.
Des études cliniques, détaillant les troubles ano-rectaux
présentés par ces patients, couplées à des explorations
électrophysiologiques (manométrie, électromyogramme)
pourraient permettre de mieux définir la physiologie de
ces troubles et d’envisager de nouvelles approches thérapeutiques (neuro-stimulation).
Références
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Pelvi-périnéologie (2006) 1: 49–51
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0011-2
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Troubles du transit et de la défécation au cours de la maladie de
Parkinson
D. Soudan, M. Ziegler
Résumé : La maladie de Parkinson est une maladie
dégénérative de la voie dopaminergique nigro-striée. Les
troubles du transit intestinal et les difficultés d’évacuation
ont une prévalence pouvant aller jusqu’à 70 ou 80 % dans
certaines séries. Classiquement, ils évoluent parallèlement à
la sévérité du syndrome moteur, mais, longtemps méconnus,
ils peuvent apparaitre précocement dans la maladie. Leur
expression est modulée par le traitement de la maladie de
Parkinson elle-même. La constipation de transit s’explique
par une atteinte des plexus myentériques par le processus
dégénératif (présence de corps de Lewy). Leur prise en
charge fait appel aux modifications diététiques, aux laxatifs
qui doivent être administrés précocement et dont l’usage
améliore l’absorption de la DOPA et le contrôle du syndrome
moteur. Des modificateurs de la motricité digestive ont un
effet documenté de diminution du temps de transit, mais
celui-ci s’estompe avec le temps. Les troubles de la défécation
sont dominés par la dyschésie. Celle-ci s’explique par la
disparition des contractions rectales, une poussée abdominale inefficace et une contraction musculaire sphinctérienne
paradoxale lors de la poussée. La prise en charge de cette
dyschésie est difficile, elle dépend essentiellement du
traitement de fond de la maladie motrice (effet on/off ). Des
succès ont été décrits après injection de toxine botulique
dans le sphincter strié anal.
Mots clés : Maladie de Parkinson – Constipation – Temps
de transit colique – Dyschésie.
Constipation and defecatory dysfunction in
Parkinson’s disease
Abstract: Parkinson’s Disease (PD) is a degeneration of the
nigrostriated pathways. Prevalence of impaired colonic
transit and defecatory dysfunction is as much as 70% in
some surveys. These disorders usually develop parallel to the
motor symptoms. Often misdiagnosed, they can appear
early in the disease. Their clinical manifestations depend on
the treatment of the PD itself. Transit constipation (slow
colonic transit) is due to involvement of the myenteric
plexus by the degenerative process (presence of Loewy
Correspondance : [email protected]
bodies). Dietetic rules and laxatives are to be used early in
the course of PD and their use improves absorption of
L.DOPA and the control of the motor symptoms. Digestive
prokinetics agents have a proven effect on colonic transit
time but their effectiveness decreases with time. Dyschesia is
the most important feature of defecation impairment.
Dyschsia is due to the loss of rectal contraction, impaired
abdominal straining, and paradoxical contraction of the
striated sphincter during straining. It is very difficult to treat
and it depends mainly on the treatment of PD’s ‘‘On-Off’’
periods. An injection of botulinum toxin in the striated
sphincter has been successful.
Keywords: Parkinson’s disease – Constipation – Colonic
transit time – Dyschesia
Dès 1817, Parkinson avait décrit les troubles du transit et de
la défécation dans l’observation princeps de la maladie qui
porte son nom. Cependant, ces symptômes digestifs ne furent l’objet d’études plus précises qu’à partir des années 1980.
Maladie de Parkinson : cadre nosologique
Les signes moteurs caractéristiques de la maladie de
Parkinson idiopathique (MPI), le tremblement, l’akinésie
et l’hypertonie, sont sous la dépendance d’une atteinte
progressive de la voie dopaminergique nigro-striée, située à
la base du cerveau.
Ceci se vérifie surtout au début de la maladie, car, en
évoluant, la maladie de Parkinson s’enrichit de nouveaux
symptômes, moteurs, comme l’instabilité posturale, et non
moteurs. Ces derniers se regroupent en deux familles : des
troubles psychiques (hallucinations, confusion, démence…)
et des troubles neurovégétatifs (urinaires, digestifs, tensionnels, salivaires…).
On explique leur survenue, généralement décalée de
quelques années par rapport au début de la maladie, par la
dissémination des lésions à d’autres structures du système
nerveux central et périphérique (SNA). Des lésions histologiques, avec présence de corps de Lewy (inclusions
intracytoplasmiques qui signent la MPI), sont retrouvées
50
dans l’hypothalamus, le locus coeruleus, le noyau dorsal du
vague, la colonne intermédio-latéralis de la moelle, les
ganglions sympathiques des plexus myentériques et bien
d’autres structures.
Par ailleurs, le déficit en dopamine, s’il prédomine
largement, n’est pas seul en cause, car l’on retrouve dans
certaines structures du système nerveux un déficit en acétylcholine, sérotonine, adrénaline, opioı̈de, vaso-intestinal
peptide (VIP)… Ainsi, la diversité des lésions, dans leur
topographie et leur nature, induit la diversité clinique.
La dysautonomie, qui touche la plupart des patients
parkinsoniens, fait ainsi partie des signes tardifs, comme les
chutes ou les troubles cognitifs, et reste presque toujours au
second plan, après les signes moteurs. Elle contribue plus à
l’inconfort qu’au handicap du patient. Ce n’est pas le cas des
autres syndromes parkinsoniens dégénératifs, en particulier
les multisystem atrophy (MSA), au cours desquelles la dysautonomie est précoce, voire inaugurale, et représente souvent le problème majeur, devançant les difficultés motrices.
Ces syndromes parkinsoniens, qui représentent 20 à 25 %
des patients parkinsoniens, connaissent une évolution plus
rapide, car la sensibilité aux traitements est moindre,
transitoire ou inexistante.
Nous distinguerons les troubles du transit colique et les
troubles de l’exonération, malgré leurs fréquentes association et interrelations : dans une étude prospective, 50 % des
constipés ont des tests d’évacuation perturbés et 60 % des
dyschésiques ont un temps de transit colique allongé [1].
La constipation de transit (< 1 selle tous
les 3 jours)
La première étude portant sur les symptômes digestifs au
cours de la MPI rapporte une prévalence de 29 % pour la
constipation et de 69 % pour les troubles de la défécation [2].
La constipation de transit toucherait jusqu’à 80 % des patients dans certaines séries et serait en règle deux à trois fois
plus fréquente chez les patients que chez les témoins [3].
Les effets secondaires des traitements, les difficultés
de mastication, la réduction de la mobilité ont longtemps
été tenus pour seuls responsables de la constipation dans
la MPI.
La constipation de transit traduit également le dysfonctionnement du SNA, conséquence à la fois d’une atteinte
centrale (hypothalamus, noyau du locus coeruleus, du nerf
dorsal du vague, colonne intermedio-lateralis) et d’une
atteinte périphérique. La présence de corps de Lewy dans le
système nerveux entérique, plus précisément dans les plexus
sous-muqueux, est bien documentée, signant l’atteinte
organique digestive par le processus dégénératif [4]. Des
études en immunohistochimie ont révélé la diminution
importante des neurones dopaminergiques dans les plexus
myentériques en cas de MPI [5].
Le transit colique global et le temps de transit
segmentaire gauche mesurés par marqueurs radio
opaques sont augmentés dans toutes les études [6, 7].
La sévérité de la constipation semble corrélée à la sévérité
et à l’ancienneté de la MP [6]. Cependant, une étude
prospective fait suspecter que la constipation pourrait
précéder de longtemps l’apparition des signes moteurs [8].
Le traitement de la constipation doit commencer par le
respect des principes diététiques. La ration d’eau et de fibres
alimentaires doit être maintenue, malgré la dysphagie et les
troubles de la vidange gastrique [2]. Il existe une relation
entre l’amélioration de la constipation par un régime riche
en fibres et l’augmentation de la biodisponibilité de la
L-Dopa, laquelle améliore les troubles moteurs [9], autorisant ainsi une vidange rectale plus aisée. Le psyllium
permet, sans modifier le TTC, d’augmenter la fréquence et le
poids des selles [10]. Tous les laxatifs peuvent être utilisés, en
particulier les polyéthylène glycols (PEG) [11], de même que
des lavements évacuateurs. Cependant, l’effet de ces
traitements symptomatiques est parfois insuffisant ou mal
supporté s’ils coexistent avec des troubles de la défécation.
Les prokinétiques, largement utilisés dans la gastroparésie de la MP, ont été testés dans la constipation. Le cisapride,
contre-indiqué en cas de troubles du rythme cardiaque,
prescrit à la dose de 5 mg deux fois par jour, permet une
accélération objective du temps de transit colique [12]. Il
optimise également la biodisponibilité des antiparkinsoniens par son action sur la vidange gastrique [13], mais son
efficacité diminue avec le temps [14]. La pyridostigmine
(60 mg : 2 à 3 fois par jour) peut également être utilisée. Plus
récemment, le citrate de mosapride (agoniste 5-HT4 et
antagoniste partiel 5-HT3) s’est révélé efficace dans le
traitement de la constipation du parkinsonien [15]. Malheureusement, cette molécule de la famille du cisapride, comme
le tegaserod, n’est pas disponible en France.
La dyschésie
La défécation est un acte qui fait appel à une activité
volontaire et à une activité automatique. À ce titre, elle
est très souvent perturbée au cours de la MPI.
Les premières études manométriques ano-rectales identifiaient deux éléments différenciant les patients MPI des
constipations idiopathiques et des contrôles : un déficit de
contraction volontaire (qui est phasique, sans possibilité de
maintenir une pression en plateau) et une réponse anormale
à la distension rectale, où le réflexe recto-anal inhibiteur est
remplacé par une contraction phasique du sphincter externe
et/ou du pubo-rectal [16, 17]. Cette dernière anomalie peut
expliquer la dyschésie. Non spécifique de la MPI, elle est
retrouvée selon les études avec une fréquence de 20 % à
60 %. Elle peut être modifiée par les fluctuations d’efficacité
du traitement [18], certains patients ne parvenant à vider
leur rectum qu’en période on. En outre ont été retrouvées, en
plus de la dyssynergie, une moindre efficacité de la
manœuvre de Valsalva et de la toux sur l’augmentation
de la pression rectale et une moindre amplitude des contractions rectales spontanées, avec pour conséquence la
présence d’un résidu stercoral significatif chez tous chez les
51
patients atteints de MPI (vs témoins) [7]. En revanche, il
n’est pas retrouvé de troubles de la sensibilité rectale à la
distension, ni de troubles du tonus, ni de troubles de la
compliance rectale chez les patients atteints de MPI
(vs témoins) [1, 17].
La prise en charge des troubles de la défécation au cours
de la MP est complexe : les laxatifs classiques ne résolvent
pas la dyssynergie, mais ils peuvent en atténuer les
conséquences. La rééducation de la dyssynergie parait ici
illusoire en raison des difficultés de contrôle, cependant elle
n’a jamais été évaluée. La dyssynergie est améliorée, dans
une courte série, par l’injection d’apomorphine (agoniste
dopaminergique) [19]. L’amélioration symptomatique [20]
par une double injection de toxine botulique dans l’appareil
sphinctérien anal est liée à l’ouverture de l’angle ano-rectal
et à la diminution de la pression anale à la poussée [21].
Enfin, les troubles de la défécation, chez la majorité des
patients, sont sensibles aux fluctuations on/off. L’optimisation du traitement des troubles moteurs fait donc partie
du traitement de la dyschésie [18], car elle contribue à
restaurer la qualité de vie.
L’intervention de Malone (appendicostomie et lavements antérogrades) n’est mentionnée dans aucune
publication sur la MPI.
Une seule étude a comparé les performances manométriques des patients souffrant de MPI et de MSA [22] :
il n’a pas été trouvé de différence significative, même si
les signes ano-rectaux sont plus sévères, plus souvent
associés à une incontinence fécale et à des signes
urinaires dans la MSA que dans la MPI.
Conclusion
Les troubles du transit et de la défécation doivent être
recherchés précocement dans la MPI, tant ils affectent la
qualité de vie des patients [23]. Une surveillance clinique
prospective des patients doit permettre, par une attitude
préventive, d’éviter la constitution à bas bruit d’un
mégacôlon ou d’un volvulus. L’utilisation des PEG (efficaces
dans les constipations non organiques) doit être précoce.
Les données de la littérature témoignent de l’efficacité
modérée du psyllium et de l’efficacité temporaire du
cisapride dans la constipation de transit de la MPI. La
régularisation du transit permet en outre l’amélioration de la
disponibilité du traitement de fond de la MPI.
La prise en charge des troubles de la défécation passe
par l’optimisation du traitement de fond de la maladie, la
défécation n’étant possible le plus souvent qu’en période
on. Le recours à la toxine botulique est exceptionnel.
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Parkinson’s disease. Auton Neurosci 92: 76-85
16/02/06
9:43
FORMES et PRÉSENTATIONS : Gélule contenant des microgranules à
libération prolongée. Boîte de 30. COMPOSITION : Métoclopramide (DCI)
chlorhydrate : 15 mg par gélule. Excipient à effet notoire : saccharose.
INDICATIONS : - Manifestations dyspeptiques pouvant être liées à un trouble de la
motricité digestive. - Traitement symptomatique des nausées et vomissements.
- Préparations à certaines explorations du tube digestif. POSOLOGIE et MODE
D’ADMINISTRATION : RÉSERVÉ A L'ADULTE. 2 gélules par jour. Coût du
traitement journalier : 0,295 e. CONTRE-INDICATIONS : Ce médicament
NE DOIT PAS ÊTRE UTILISÉ dans les situations suivantes : - hypersensibilité au
métoclopramide ou à l'un de ses composants, - lorsque la stimulation de la
motricité gastro-intestinale présente un danger : en cas d’hémorragie gastrointestinale, d’obstruction mécanique ou de perforation digestive, - chez les personnes
ayant présenté précédemment une dyskinésie aux neuroleptiques ou au
métoclopramide, - chez les porteurs, connus ou suspectés, de phéochromocytome
(sauf comme test d'épreuve) ; des accidents hypertensifs graves ayant été
signalés chez ces patients avec des médicaments antidopaminergiques dont
certains benzamides, - en association avec les médicaments contenant de la
lévodopa ainsi que les agonistes dopaminergiques (cf. chapitre Interactions
avec d'autres médicaments et autres formes d'interactions). Ce médicament
EST GÉNERALEMENT DÉCONSEILLÉ en association avec l'alcool et
médicaments en contenant (cf. chapitre Interactions avec d'autres
médicaments et autres formes d'interactions). MISES EN GARDE et
PRÉCAUTIONS D'EMPLOI : Des effets indésirables neurologiques
peuvent apparaître. En cas de vomissements, respecter l'intervalle de
prise. En cas de vomissements abondants, il faut prévenir le risque de
déshydratation. Présence de saccharose. Ne pas utiliser ce médicament chez les
sujets épileptiques. En cas d'insuffisance rénale ou hépatique réduire la
posologie. INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES : Associations
contre-indiquées : + Lévodopa ainsi que les agonistes dopaminergiques (amantadine, apomorphine, bromocriptine,
cabergoline, entacapone, lisuride, pergolide, piribédil,
pramipexole, quinagolide, ropinirole). Antagonisme réciproque
de la lévodopa, des agonistes dopaminergiques et des neuroleptiques.
Utiliser un antiémétique dénué d’effets extrapyramidaux. Associations
déconseillées : + Alcool : Majoration par l’alcool de l’effet sédatif
des neuroleptiques. L’altération de la vigilance peut rendre dangereuses la
conduite de véhicules et l’utilisation de machines. Éviter la prise de boissons
alcoolisées et de médicaments contenant de l’alcool. Associations à
prendre en compte : + Antihypertenseurs : Effet antihypertenseur et
risque d’hypotension orthostatique majoré (effet additif). + Autres dépresseurs
du SNC : dérivés morphiniques (analgésiques, antitussifs et
traitements de substitution) ; barbituriques ; benzodiazépines ;
anxiolytiques autres que benzodiazépines ; hypnotiques ;
antidépresseurs sédatifs ; antihistaminiques H1 sédatifs ;
antihypertenseurs centraux ; baclofène ; thalidomide.
Majoration de la dépression centrale. L’altération de la vigilance peut rendre
dangereuses la conduite de véhicules et l’utilisation de machines.
GROSSESSE et ALLAITEMENT : Grossesse : L'utilisation du métoclopramide
ne doit être envisagée au cours de la grossesse que si nécessaire. Limiter les
doses et les durées de prescription pendant la grossesse. En cas de traitement
prolongé et/ou à doses élevées et/ou proche du terme, observer une période
de surveillance des fonctions neurologiques du nouveau-né. Allaitement :
L'allaitement est possible si la prise de ce médicament reste ponctuelle et
que le nouveau-né est à terme et en bonne santé. CONDUITE et UTILISATION
DE MACHINES : Risques de somnolence. EFFETS INDÉSIRABLES :
Somnolence, lassitude, vertiges, plus rarement céphalées, insomnie, diarrhée
et gaz intestinaux, hypotension, sudation modérée. Rares effets endocriniens
(aménorrhée, galactorrhée), observés en traitement prolongé. Quelques
cas de tendance dépressive ont été signalés. Symptômes extrapyramidaux pouvant survenir particulièrement chez l’enfant et l’adulte
jeune : il s'agit de dystonies aiguës pouvant se manifester par des mouvements
anormaux de la tête et du cou (spasmes faciaux, trismus, crises oculogyres,
révulsion oculaire, protrusion de la langue, difficultés de déglutition,
dysarthrie, torticolis), une hypertonie généralisée, voire un opisthotonos.
Ces réactions surviennent, en général, en début de traitement, entre 1 à
3 heures après la dernière prise. Elles peuvent apparaître après une
seule administration. En cas d'apparition de ces symptômes
extrapyramidaux, il convient d'arrêter le métoclopramide.
Ces effets sont, en général, complètement réversibles après l'arrêt du traitement,
mais peuvent nécessiter un traitement symptomatique. Au cours de cures
prolongées, en particulier chez le sujet âgé, des dyskinésies tardives
peuvent être exceptionnellement observées. Chez le nouveau-né, des cas
de méthémoglobinémie ont été signalés pour des posologies supérieures à
0,5 mg/kg/24 heures ou à 0,1 mg/kg/prise (voir Surdosage). SURDOSAGE :
Troubles de conscience modérés ou un syndrome extrapyramidal peuvent
s’observer. Conduite à tenir en cas de symptômes extra-pyramidaux et en cas de
méthémoglobinémie : voir RCP. PHARMACODYNAMIE : Stimulant de la motricité
intestinale. PHARMACOCINETIQUE : Le métoclopramide est largement
distribué dans les tissus. Il se fixe peu aux protéines plasmatiques. Il passe
à travers le placenta et dans le lait. Les microgranules à libération
prolongée permettent par rapport à la forme galénique classique : - d'obtenir
des concentrations maximales plus basses et atteintes en des temps plus
tardifs ; - de maintenir 12 heures après la prise des concentrations plasmatiques
de métoclopramide supérieures à 50 %. Le métoclopramide est peu métabolisé.
Le métoclopramide est principalement éliminé dans les urines. La demi-vie
d'élimination est de 5 à 6 heures. LISTE II. AMM 329 758.4 (1987).
PRIX : 4,43 e. Remb. Séc. Soc. à 35 %. Collect. AUTRES INFORMATIONS :
VOIR RCP. Laboratoires TECHNI-PHARMA, 7 rue de l’Industrie - BP 717 MC 98014 MONACO - Tél. : 00 377 92 05 75 10.
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Prokinyl LP
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Métoclopramide
DYSPEPSIE, NAUSÉES ET VOMISSEMENTS
DIGESTION
PROGRAMMÉE
10/2005 - Crédit photo : GettyImages
AP Prokinyl 210x277 02-06
1 gélule à libération prolongée le matin
1 gélule à libération prolongée le soir
Pelvi-périnéologie (2006) 1: 53–57
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0009-9
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Prise en charge des troubles colorectaux du blessé médullaire
J.M. Soler
Médecine physique et réadaptation, laboratoire d’urodynamique et de sexologie Centre Docteur Bouffard-Vercelli, Cap Peyrefite, 66290 Cerbère
Résumé : Le traumatisme médullaire entraı̂ne inévitablement, à des degrés divers, des dysfonctionnements colorectaux, comme il génère des troubles vésico-sphinctériens
et sexuels. La constipation de transit est fréquente et même
constante pour la majorité des auteurs. Elle serait secondaire
aux lésions neurologiques, à l’alitement prolongé et aux
modifications du rythme de vie. L’incontinence intéresse 13 à
60 % des blessés médullaires selon les études. Les difficultés
d’exonération sont quasiment constantes.
Les dysfonctionnements colorectaux sont à l’origine de
complications locales multiples (ballonnement du cadre
colique, fécalomes, hémorroı̈des, prolapsus rectaux) qui
contribuent à l’altération de la qualité de vie.
L’évaluation des troubles colorectaux, essentiellement
clinique (interrogatoire précis, catalogue d’exonération,
examen neurologique), s’appuie sur deux examens complémentaires simples : l’étude du temps de transit colique et la
manométrie ano-rectale.
L’objectif principal de la prise en charge des troubles
colorectaux est d’obtenir une continence anale fondée sur
un transit colique équilibré et un rythme de défécation
adapté, en évitant l’utilisation de traitements pharmacologiques agressifs. La réorganisation de l’équilibre colorectal
est longue et difficile, les résultats sont cependant très
satisfaisants si on instaure un équilibre du temps de transit
colique et un rythme adapté d’exonération.
Cette prise en charge est souvent longue et difficile, et elle
nécessite une disponibilité, une formation et une information du personnel soignant et du patient.
Mots clés : Blessés médullaires – Constipation de transit –
Incontinence fécale – Difficultés d’exonération
Anorectal disorders in spinal cord injury patients
Abstract: Urinary, colorectal and sexual disorders are
constant symptoms in spinal cord injury (SCI). Transit
constipation is very common and due to specific
neurologic lesion, confinement to bed and way of life
modifications. Fecal incontinence is observed in 13 to
60% of SCI patients and distal constipation is constant.
Correspondance : [email protected]
Anorectal disorders can lead to various complications
(swelling, stool impaction, fecaloma, hemorrhoids, rectal
prolapse), contributing to an alteration of quality of life.
Anorectal evaluation is founded on clinical examination,
anorectal manometry and gastrointestinal transit time.
The goal of anorectal disorders management in SCI
patients is to obtain a complete continence with a wellbalanced gastrointestinal transit, a periodic feces evacuation without agressive drugs. The results of this
treatment are good in many cases but require availability
and specific formation of nursing team.
Keywords: Spinal cord injury – Constipation – Fecal incontinence – Anorectal dyschesia
Le traumatisme médullaire entraı̂ne inévitablement, à des
degrés divers, des dysfonctionnements colorectaux, comme il
génère des troubles vésico-sphinctériens et sexuels. Le fonctionnement de l’appareil colorectal est sous contrôle neurologique : les différents centres de l’organisation sont supraspinaux et spinaux. Les troubles colorectaux constituent une
préoccupation majeure pour les blessés médullaires : ils sont
à l’origine de nombreuses complications et peuvent détériorer considérablement leur qualité de vie. La restitution
d’une continence anale implique le rétablissement de
l’équilibre du transit colique associé à une technique d’exonération adaptée aux possibilités fonctionnelles du patient.
Innervation : rappel (Fig. 1)
L’innervation colique est double : intrinsèque et extrinsèque [22, 37].
L’innervation intrinsèque est constituée de plexus
situés dans les couches musculaires et sous-muqueuses
(Messmer et Auerbach), reliés entre eux par des filets de
fibres sensitives et motrices. Ce système autonome
assure à lui seul une partie de l’activité colique après
section de l’innervation extrinsèque.
L’innervation extrinsèque comprend un système
supraspinal d’organisation et de coordination, localisé
54
essentiellement dans le tronc et le cortex cérébraux,
l’hypothalamus et le système limbique. Les centres
végétatifs et corticospinaux sont répartis dans la moelle
et le tronc cérébral [18, 20, 39, 40].
L’innervation parasympathique est constituée de
fibres afférentes et efférentes issues du noyau dorsal du
vague. Elles assurent l’innervation des colons droit et
transverse. Les fibres afférentes et efférentes issues des
myélomères sacrés S2, S3 et S4 innervent le colon gauche,
le sigmoı̈de et l’ampoule rectale. La stimulation des fibres
parasympathiques entraı̂ne une augmentation de
l’activité des fibres musculaires lisses du colon [15, 22].
L’innervation sympathique est issue des myélomères
D10 à L2. Les fibres afférentes et efférentes innervent les
colons droit, transverse, gauche, le sigmoı̈de et le
sphincter anal interne. La stimulation des fibres sympathiques entraı̂ne une diminution de l’activité colique et
une contraction du sphincter anal.
L’innervation cérébro-spinale est constituée des fibres
motrices et sensitives issues des myélomères S2, S3 et S4,
qui assurent l’innervation du sphincter anal externe et
des muscles du périnée [22].
Physiologie (Fig. 1)
Le colon a un rôle de stockage qui permet la vacuité du rectum
en dehors de la défécation, un rôle de brassage facilitant la
réabsorption et un rôle de propulsion, par des mouvements
péristaltiques et des contractions de masses, aboutissant à
l’accumulation du contenu colique dans le sigmoı̈de.
La ponte sigmoı̈dienne, qui a lieu une ou deux fois par
jour, entraı̂ne une augmentation de la tension pariétale de
l’ampoule rectale à l’origine du besoin de défécation, une
relaxation du sphincter anal lisse et une fermeture réflexe du
sphincter strié anal (le réflexe recto-anal inhibiteur).
Ces différentes informations sont véhiculées jusqu’aux
structures supraspinales. Le renforcement volontaire de
l’activité du sphincter strié externe retarde l’exonération. Sa
relaxation volontaire autorise la réalisation de la défécation.
Fig. 1.
Cette fonction est volontaire, aisée et complète [2, 4, 10, 17,
19, 22].
La section médullaire supprime le contrôle volontaire du
sphincter anal externe et la coordination du fonctionnement
ano-rectal ; elle interrompt également toutes les afférences
d’origine colorectale. Les centres spinaux qui contrôlent
l’activité colique et ano-rectale fonctionnent d’une façon
autonome. La défécation ne sera plus volontaire, aisée et
complète, mais réduite à un simple réflexe médullaire. La
ponte sigmoı̈dienne entraı̂ne une distension du rectum qui
peut entraı̂ner un équivalent de besoin et une contraction du
rectum pour exonération sans relaxation préalable du
sphincter anal. C’est la dyschésie ano-rectale.
La destruction de la moelle sacrée occasionne une
abolition du réflexe d’exonération et une insuffisance du
sphincter externe anale.
Les dysfonctionnements colorectaux du blessé
médullaire
Le traumatisme médullaire entraı̂ne de multiples modifications du fonctionnement colorectal. La constipation de
transit est fréquente et même constante pour la majorité des
auteurs. Pour certains, ce retard de transit intéresse
essentiellement le colon gauche et le sigmoı̈de, et pour la
majorité, il intéresse l’ensemble du cadre colique [3, 5, 6, 13,
16, 21, 23, 24, 28, 29, 31, 33, 34].
Pour certains auteurs, ces dysfonctionnements seraient
liés à l’importance et au niveau de la lésion médullaire. Ils
paraissent plus importants quand le déficit est complet et
quand la lésion est située en dessous du myélomère D9. Il
semble évident que la destruction des centres spinaux
dorso-lombaires et sacrés qui contrôlent l’activité colique et
ano-rectale majore les dysfonctionnements [5, 31, 33].
Les troubles du transit sont cependant indépendants de
l’âge, du sexe et de la durée d’évolution depuis le
traumatisme médullaire [29, 31, 33]. Ces retards de transit
colique seraient secondaires aux lésions neurologiques, à
l’alitement prolongé et aux modifications du rythme de vie.
L’incontinence intéresse 13 à 69 % des blessés médullaires selon les études. L’incidence est liée au mode d’évaluation des fuites fécales, à leur rythme et leur importance
[14, 16, 23, 24, 27, 29, 33].
Les difficultés d’exonération sont reconnues par tous les
auteurs, elles sont dépendantes du niveau lésionnel. Une
lésion médullaire suprasacrée préserve le réflexe de défécation et supprime la synergie et la dyskésie ano-rectales. La
destruction de la moelle sacrée abolit le réflexe de défécation
et entraı̂ne une insuffisance du sphincter anal externe.
La difficulté d’exonération, l’augmentation du temps
de la défécation (plus de 40 % des patients ont une
exonération des selles qui dure plus de trente minutes, et
chez 30 % elle est supérieure à une heure) ainsi que le
retentissement sur la qualité de vie sont signalés par de
nombreux auteurs [16, 21, 23, 24, 29, 33].
55
Les dysfonctionnements colorectaux sont à l’origine
de complications locales multiples, les plus importantes
étant les ballonnements du cadre colique, qui sont à
l’origine de douleurs et même de troubles respiratoires,
de fécalomes entraı̂nant de fausses diarrhées, d’hémorroı̈des et de prolapsus rectaux [14, 16, 29, 33, 34].
Le bilan des troubles colorectaux
L’évaluation des troubles colorectaux est avant tout clinique.
L’interrogatoire permet de mettre en évidence l’existence d’une constipation de transit, d’une constipation
terminale, d’une difficulté d’exonération, de complications. Il permet également d’apprécier la gêne occasionnée par ces dysfonctionnements.
Le catalogue d’exonération utilisé dans de nombreuses unités de paraplégiques précise le rythme d’exonération, la qualité et la quantité des selles, les traitements
utilisés et le mode de déclenchement.
L’examen neurologique permet d’une part de déterminer
le niveau fonctionnel du patient (il peut faire ses transferts,
s’habiller, faire sa toilette, mettre un suppositoire), et d’autre
part de situer la lésion médullaire par rapport aux centres
spinaux qui contrôlent l’activité colique et ano-rectale.
L’évaluation des troubles colorectaux s’appuie sur deux
examens complémentaires en pratique quotidienne :
– le temps de transit colique avec la technique de
Bouchoucha qui est validée et rapide [1, 7, 8, 9] ;
– la manométrie ano-rectale simplifiée, qui permet
d’apprécier la compliance et le fonctionnement de l’ampoule
rectale, la pression des sphincters anal interne et externe,
l’existence d’un réflexe d’exonération et la mise en évidence
d’une dyskésie ano-rectale [5, 33].
La prise en charge des troubles colorectaux
L’objectif principal est d’obtenir une continence anale
fondée sur un transit colique équilibré et un rythme de
défécation adapté.
Le principe est de modifier le volume et la consistance
des selles, et de lubrifier le colon. Les moyens sont
immuables :
Il faut respecter les règles hygiéno-diététiques :
alimentation variée, hydratation suffisante, augmentation
de l’activité physique [3, 13] ;
Il est souvent nécessaire de leur associer un traitement
pharmacologique adapté aux circonstances, en respectant
les modalités d’utilisation. Il est préférable d’utiliser des
laxatifs de lest ou des laxatifs osmotiques, et des lubrifiants.
La posologie doit être adaptée à chaque patient pour obtenir
des selles moulées, éviter les cycles de constipation, les
transits accélérés ou les selles pâteuses ;
Les laxatifs stimulants et péristaltogènes sont réservés
aux épisodes de constipation aiguë, sur une durée limitée, en
raison de leurs nombreux effets secondaires ;
Les traitements favorisant la motricité intestinale
(domperidon et cisapride) sont efficaces, mais leur utilisation prolongée n’est pas recommandée [35] ;
L’équilibre colique est précaire et une adaptation
thérapeutique est souvent nécessaire ;
Parallèlement, il est indispensable d’instaurer une
programmation d’exonération régulière (une selle par
jour ou une selle tous les deux jours), pour éviter les
cycles de constipation, et d’établir les modalités de la
défécation : position du patient de préférence sur les
toilettes, massage abdominal préalable, mode de déclenchement par stimulation périanale, anale ou par toucher
rectal, qui présente l’avantage de faciliter le réflexe de
défécation, mais aussi de permettre l’évacuation totale de
l’ampoule rectale, ce qui minimise le risque d’incontinence anale ;
La défécation est facilitée par l’usage des suppositoires à la glycérine, qui lubrifient l’ampoule rectale et le
canal anal. Les suppositoires d’Eductyl® sont les plus
utilisés, car ils libèrent un gaz carbonique qui majore le
réflexe de défécation ;
Les microlavements, à effets plus rapides, sont
souvent préférés par les patients malgré leurs effets secondaires locaux très gênants. Nous réservons leur
utilisation aux épisodes de constipation aiguë ;
Par sécurité, les palliatifs sont encore largement
utilisés par les blessés médullaires. L’obturateur obtal
proposé par le laboratoire Coloplast a fait la preuve de
son efficacité chez les patients spina-bifida. Il diminue
les fuites fécales et améliore la qualité de vie [32, 41]. Son
utilisation par les blessés médullaires pourrait limiter les
fuites fécales de petite quantité.
Les traitements particuliers : il est rare de proposer
en première intention les lavements antégrades ou
rétrogrades très utilisés dans certains pays du Nord. La
technique de Malone a fait la preuve de son efficacité
essentiellement dans les populations de spina-bifida. Elle
réduit de plus de 80 % l’incontinence anale de ces patients. Elle est cependant peu utilisée par les paraplégiques en France [25, 30] ;
Les kits de lavements rétrogrades sont proposés
actuellement et sont eux aussi très utilisés dans les pays
du Nord. Ils permettent une vidange régulière du colon
gauche et de l’ampoule rectale par un principe simple. Ils
améliorent la continence fécale et le temps de défécation,
et ils ne semblent pas entraı̂ner de complications gênantes [11, 12, 42] ;
Il est décrit par plusieurs auteurs une amélioration
du transit colique et de l’exonération des blessés
médullaires par des modulations des racines S3 ou par
des stimulations type Brindley. Il est certain que ces
différents traitements peuvent être proposés aux patients
en cas d’échec des techniques habituelles [6] ;
Les colostomies sont généralement proposées aux
patients très dépendants. Elle sont très efficaces et améliorent leur qualité de vie [26, 36, 38].
56
L’équilibre colorectal est long et difficile à obtenir, il
requiert du patient une participation dans un but d’autonomie et de réinsertion sociale. Les résultats sont cependant
très satisfaisants quand on a réussi à obtenir un équilibre du
temps de transit colique et un rythme adapté d’exonération.
L’incidence des fuites anales est inférieure à 1 % sur notre
population de blessés médullaires.
Conclusion
Les dysfonctionnements colorectaux sont fréquents, complexes et à l’origine de nombreuses complications locales. Ils
ont un impact important sur la qualité de vie des blessés
médullaires.
L’équilibre du transit colique et un rythme d’exonération adapté aux patients sont les bases du traitement de
l’incontinence anale du blessé médullaire.
Cette prise en charge est difficile et nécessite une
disponibilité, une formation, une information du personnel soignant et du patient. Les résultats sont souvent
aléatoires. Ils dépendent de multiples facteurs externes et
de la compliance des blessés médullaires.
La surveillance des dysfonctionnements colorectaux
est indispensable, même si nos moyens d’action et leur
évaluation sont encore limités. Le traitement de l’incontinence anale reste un préalable à une réinsertion sociale
satisfaisante.
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AP Eductyl Loupe 210x277 02-06
16/02/06
9:36
Page 1
Paris Nord
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Réf. 214/22
région centre
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MEDECIN GENERALISTE
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région sud
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GASTRO-ENTEROLOGUE
Réf. 215/05
éductyl
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COMPOSITION : Adulte : tartrate acide de potassium : 1,150 g, bicarbonate de sodium : 0,700 g, pour un suppositoire de 4 g Enfant : tartrate acide de potassium : 0,575 g, bicarbonate de sodium : 0,350 g, pour un suppositoire de 2 g. Excipients : lécithine de soja,
talc, glycérides hémisynthétiques solides. PROPRIETES PHARMACOLOGIQUES : Les principes actifs en milieu humide libèrent environ
100 ml (adultes) et 50 ml (enfants) de gaz carbonique au niveau du rectum. Le volume de gaz carbonique dégagé augmente la pression
intrarectale sur les muqueuses sensibles et reproduit ainsi le mécanisme de déclenchement du réflexe exonérateur. INDICATIONS
THERAPEUTIQUES : - Traitement symptomatique de la constipation, notamment en cas de dyschésie rectale, - Préparation aux examens
endoscopiques du rectum. CONTRE-INDICATION : aucune. MISES EN GARDE : Une utilisation prolongée doit être déconseillée. Le
traitement médicamenteux de la constipation n'est qu'un adjuvant au traitement hygiéno-diététique : - alimentation enrichie en fibres végétales et
en boissons ; - conseils d'activité physique et de rééducation de l'exonération. PRECAUTIONS D'EMPLOI : Il est préférable de ne
pas utiliser EDUCTYL dans les cas de poussées hémorroïdaires, de fissures anales, de rectocolite hémorragique. EFFETS INDESIRABLES : Un usage
prolongé peut donner lieu à des sensations de brûlures anales et exceptionnellement à des rectites congestives. POSOLOGIE : Un suppositoire
quelques minutes avant le moment choisi pour l'exonération. CONDITIONS PARTICULIERES DE CONSERVATION : A l'abri de la
chaleur et de l'humidité. PRESENTATION ET PRIX : 12 suppositoires sous plaquettes thermoformées. Adultes : A.M.M. 303 484.4 - Prix :
2,17 €. Enfants : A.M.M. 303 486.7 - Prix : 1,98 €. Remb. Séc. Soc. à 35 % et Collect. C.T. J. : 0,165 € (enfant) à 0,181 € (adulte).
Titulaire de l’A.M.M. : Laboratoires TECHNI-PHARMA, 7 rue de l'Industrie - BP 717 - MC 98014 MONACO - Tél. : 00 377 92 05 75 10.
URO 02/2006
Préparation aux examens endoscopiques du rectum
Pelvi-périnéologie (2006) 1: 59–62
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0010-3
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Les troubles ano-rectaux des neuropathies périphériques
P. Raibaut, K. Hubeaux, M. Damphousse, M. Jousse, G. Amarenco
Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,
Inserm U731/Université Pierre-et-Marie-Curie
Résumé : Les troubles ano-rectaux sont fréquemment
rencontrés dans les neuropathies périphériques, quelles
que soient la cause et la distribution de la lésion (méningoradiculaire, plexique, tronculaire, somatique et/ou végétative). Ils restent peu étudiés en dehors du diabète et des
complications obstétricales (neuropathie pudendale et
lésions plexiques). Les plaintes sont dominées par l’incontinence fécale et la dyschésie ano-rectale. Ils n’entraı̂nent pas
de complications médicales graves, mais ils grèvent
considérablement la qualité de vie des patients. L’incontinence fécale est polyfactorielle : trouble de la sensibilité
rectale entraı̂nant des urgences défécatoires, impaction des
selles avec incontinence par « regorgement », défaillance
des mécanismes de continence active volontaire. La
dyschésie peut répondre également à plusieurs mécanismes : trouble de la motricité colorectale, trouble iatrogène,
alimentation inadaptée… La dyschésie ano-rectale doit être
traitée car elle peut s’aggraver, une neuropathie pudendale
d’étirement pouvant compliquer les efforts de poussée et
entraı̂ner une incontinence fécale par constipation terminale. Même si la prise en charge repose sur la clinique, les
examens complémentaires, manométries ano-rectales,
EMG, défécographie, permettent l’évaluation des troubles
et peuvent orienter les choix thérapeutiques.
Mots clés : Neuropathie périphérique – Incontinence fécale –
Dyschésie ano-rectale
fecal impaction, defect of voluntary continence system with
sphincter weakness. Dyschesia may be secondary to
colorectal underactivity, iatrogenic factors, non adapted
alimentation and must be treated because of risk of stretch
pudendal neuropathy. Clinical evaluation is always necessary but anorectal manometry, electrophysiologic study,
and defecography may be helpful.
Keywords: Peripheric neuropathy – Fecal incontinence –
Anorectal dyschesia
La physiologie ano-rectale (besoin d’exonération, discrimination du contenu intrarectal, continence anale, défécation)
nécessite l’intégrité de structures nerveuses complexes et
variées : système nerveux volontaire (arc réflexe nerf
pudendal-métamères sacrés S2, S3, S4), système orthosympathique (nerfs hypogastrique et splanchnique, plexus
hypogastrique supérieur, métamères D10-L1), système
parasympathique (nerf pelvien, plexus hypogastrique inférieur, métamères sacrés S2, S3, S4). Toute lésion du système
nerveux périphérique lombo-sacré, quelle que soit sa nature,
peut entraı̂ner des altérations des propriétés perceptives,
capacitatives et résistives de l’unité ano-rectale. Ces troubles
ano-rectaux des atteintes neurologiques périphériques ont
été bien moins étudiés que les troubles urinaires souvent
associés. Les troubles secondaires à un syndrome de la
queue de cheval, traités dans le chapitre des lésions
médullaires, ne seront pas abordés ici.
Anorectal complications of peripheral neuropathies
Abstract: Fecal incontinence and dyschesia are common
complications in peripheral neuropathies whatever their
etiology and topography (meningo-radiculitis, sacral
plexopathy, pudendal lesion, autonomic alteration).
Only diabete mellitus and obstetrical complications (pudendal neuropathy and lumbosacral plexopathy) are well
documented. No serious medical complications are described, but fecal incontinence can altere quality of life of these
patients. Pathophysiology of fecal incontinence is complex:
sensory lesion of the rectoanal system with fecal urgency,
Correspondance : [email protected]
Physiopathologie
Les troubles de la continence
L’arrivée du bol fécal dans le rectum entraı̂ne un réflexe
recto-anal inhibiteur avec distension rectale. La continence
repose alors sur le réflexe recto-anal excitateur et la mise en
jeu volontaire du sphincter anal externe. La contraction
volontaire du sphincter externe peut élever la pression anale
pendant une durée limitée, pour assurer la continence en
cas de besoin urgent de défécation. Lors des atteintes
60
neurogènes périphériques, les troubles sensitifs entraı̂nent
une altération de la plénitude rectale. Les études manométriques ont montré un seuil élevé de sensibilité rectale [1] en
cas de neuropathies périphériques, pouvant induire une
incontinence par urgence défécatoire, ce d’autant qu’il existe
un défect associé de la commande volontaire du sphincter
externe. Ces patients percevant mal la distension rectale, il se
produit un enclavement des matières responsable d’incontinence par « regorgement ». L’altération des possibilités de
discrimination du contenu intrarectal est aussi source
d’incontinence par surprise du contenu lors de l’émission
volontaire de gaz. Enfin, l’altération de la partie afférente des
réflexes de continence à l’effort ou à la toux, déterminant un
défaut de recrutement strié anal volontaire et/ou réflexe lors
de l’élévation des pressions intrarectales, peut être source
d’incontinence anale lors des efforts.
Les causes de l’incontinence fécale sont multiples :
trouble de la plénitude et des sensations ano-rectales,
défaillance des systèmes sphinctériens ano-rectaux, impaction fécale sur constipation terminale favorisée par les
médicaments (anticalciques, antalgiques opiacés, antidépresseurs…), diarrhée chronique motrice ou induite
par les modifications endocrines de la flore digestive [4].
Les études manométriques chez les patients diabétiques
incontinents, outre les anomalies de pression sphinctériennes, retrouvent d’ailleurs constamment des altérations des
seuils de perception de la distension et du volume maximum
tolérable. La constipation serait plus fréquente dans le
diabète insulinodépendant, et la neuropathie végétative
diabétique (gastroparésie, défect de l’activité électrique
du colon lors de l’ingestion, altération de la motilité anorectale) en serait en partie responsable [5].
Les troubles ano-rectaux en cas de neuropathies éthyliques n’ont fait l’objet d’aucune publication.
Les troubles de l’évacuation
Même si l’interrogatoire des patients présentant une neuropathie retrouve fréquemment des éléments en faveur d’une
dyschésie, le rôle des neuropathies périphériques reste peu
étudié dans les altérations de la motricité rectale. Les
paramètres manométriques altérés sont les pressions
développées par l’appareil sphinctérien anal, tant à l’effort
qu’au repos, ainsi que le réflexe recto-anal excitateur lors
de la progression des selles [2]. Cependant, ces troubles de
l’évacuation peuvent être aggravés par les efforts de
poussée : la détermination d’une neuropathie pudendale
par étirement chronique du nerf, secondaire à une dyschésie
fonctionnelle prolongée ou à un prolapsus rectal, est une
donnée bien validée sur les plans épidémiologique et
physiopathologique.
Description
Neuropathie diabétique
Les troubles ano-rectaux sont fréquents dans le diabète,
particulièrement lors de mauvais équilibres glycémiques et
après dix ans d’évolution, suggérant la participation de la
neuropathie périphérique à la genèse des troubles. En
comparant les données manométriques de trois groupes
(sujets sains, diabétiques de moins de 10 ans et de plus de 10
ans), Epanomeritakis retrouve une altération des paramètres (diminution des pressions anales au repos et à la
contraction volontaire, diminution de l’amplitude des ondes
lentes, diminution des réflexes anaux d’autant plus significative que le diabète est ancien). Dans le groupe de diabétiques depuis 10 ans ou plus, la prévalence de l’incontinence
anale est supérieure à 20 % [3].
La prévalence de l’incontinence anale est variable selon
les études, mais les facteurs de risque semblent être d’une
part la neuropathie périphérique (somatique ou végétative),
d’autre part la diarrhée chronique des diabétiques.
Neuropathie pudendale
Les neuropathies pudendales d’étirement sont observées
dans différentes situations : suite d’accouchement dystocique, périnée descendant, incontinence urinaire à l’effort,
prolapsus génitaux, séquelle de chirurgie pelvienne, dyschésie ano-rectale. Lors de la délivrance, les facteurs de risque
sont bien connus : macrosomie foetale, manœuvres instrumentales, allongement de la deuxième partie du travail.
Dans le post-partum, leurs conséquences sont d’autant plus
importantes qu’elles peuvent s’associer à des ruptures
occultes du sphincter anal ou à des déchirures périnéales.
Ainsi l’incontinence anale est-elle une des complications
possibles des accouchements par voie basse, pouvant
atteindre 10 % des patientes pour l’incontinence fécale et
20 % pour l’incontinence aux gaz [6]. Les neuropathies
pudendales sont responsables d’incontinence fécale soit par
hypotonie anale, soit par trouble sensitif rectal et du canal
anal [7]. Ces symptômes ano-rectaux sont associés à une
incontinence urinaire d’effort par diminution des résistances urétrales, et à des troubles génito-sexuels (hypo ou
anorgasmie, dyspareunie). Le diagnostic est électrophysiologique, montrant des signes de dénervation périnéale à la
détection des muscles du plancher périnéal, et un allongement bilatéral des latences distales du nerf pudendal. La
manométrie ano-rectale montre d’une part des signes
témoignant de la faiblesse du sphincter anal (diminution
des pressions anales de repos et lors d’une contraction
volontaire [8], avec même, pour JV Roig [9], une corrélation
inverse entre les valeurs de la latence distale du nerf
pudendal et la pression anale de repos), et d’autre part une
altération des seuils de perception à la distension.
Les lésions du plexus sacré
Plus graves mais moins fréquentes, les atteintes plexiques sacrées sont en règle unilatérales et là encore
61
favorisées par des manœuvres instrumentales (forceps).
Elles s’accompagnent dans la moitié des cas d’incontinence fécale et parfois de dyschésie. Les autres signes
d’appel sont urinaires (incontinence à l’effort, altération
du besoin mictionnel ou dysurie, voire résidu postmictionnel significatif) et sexuels (dysorgasmie). Cette
présentation est en faveur d’une atteinte des racines S2,
S3 et S4. Des troubles sensitivo-moteurs des membres
inférieurs avec modification des réflexes ostéo-tendineux
liés à l’atteinte des racines plus haut situées sont
classiques, mais non systématiques. L’examen clinique
note une hypoesthésie périnéale uni ou bilatérale, une
hypotonie anale, et l’EMG périnéal confirme le diagnostic
avec un allongement ou une abolition de la latence du
réflexe bulbo-caverneux alors que l’innervation distale
est préservée. La récupération spontanée en six mois est
la règle, mais les troubles peuvent persister à un an [10].
La délivrance n’est bien évidement pas la seule étiologie
des atteintes plexiques : celles-ci peuvent être posttraumatiques (fracture du bassin), postchirurgicales (hystérectomie
élargie par exemple), postradiothérapiques. Dans ce dernier
cas, le délai entre la radiothérapie et l’expression clinique de
la plexopathie peut être de plus de dix ans [11]. Il n’y a pas
d’étude sur les données de manométrie ano-rectale au cours
des lésions plexiques.
Polyradiculone´vrite et syndrome de Guillain-Barré
Les troubles végétatifs cardio-vasculaires et respiratoires
constituent les critères de gravité d’une polyradiculonévrite.
Les troubles mictionnels à type de dysurie-rétention
affecteraient 25 % des patients [12], en relation avec une
hypoactivité détrusorienne. Les troubles digestifs et anorectaux (constipation, dyskésie) sont régulièrement rencontrés chez ces patients en phase de rééducation, suggérant
une altération du système nerveux autonome, mais aucune
étude ne leur a été consacrée.
Méningo-radiculite
Les méningo-radiculites peuvent se présenter par des signes
périnéaux, comme par exemple la maladie de Lyme, ou la
méningo-radiculite sacrée à HSV2 (syndrome d’Elsberg), ou
encore au cours d’infection par le VIH. Les troubles anorectaux (dyschésie ou incontinence) accompagnent les
troubles urinaires (à type de rétention initialement) et
génito-sexuels (impuissance, sécheresse vaginale, dyspareunie). La notion de signes cutanés (rectite herpétique, érythème chronique migrant) et le syndrome infectieux
orientent d’emblée le diagnostic [13].
Neuropathies végétatives
Divers troubles digestifs ont été décrits dans les hypotensions orthostatiques idiopathiques, dont la constipation par
gastroparésie et anomalies de la motilité colique, ainsi que
des incontinences anales pour les gaz et les selles solides
suggérant une atteinte diffuse du tonus orthosympathique.
Les causes exactes de ces troubles digestifs restent largement
méconnues [14]. La pratique clinique amène de manière non
exceptionnelle à la prise en charge de patients atteints de
troubles périnéaux dans le cadre d’une neuropathie
végétative (neuropathies amyloı̈des, neuropathies toxiques :
cisplatine et alcaloı̈des de la pervenche, neuropathies
sensitives des petites fibres, etc.) : seules des études de cas
sont disponibles sur les troubles ano-rectaux de ces patients.
La prise en charge des troubles ano-rectaux en
cas d’atteinte neurogène périphérique
E´valuation
L’anamnèse précisera le rythme des selles à la recherche
d’une constipation ou d’une dyschésie ano-rectale (effort de
poussée, nécessité de manœuvres pour déclencher la
défécation ou d’extraction digitale des selles). L’interrogatoire recherchera une incontinence anale et précisera s’il
s’agit d’une hypocontinence aux gaz ou d’une incontinence
fécale avec émission involontaire de selles précédée ou non
d’une urgence défécatoire. L’importance de l’incontinence
sera évaluée par sa fréquence et le nombre de protections
utilisées. Le retentissement des troubles digestifs sera au
minimum évalué par le patient au moyen d’une échelle
visuelle analogique. On demandera au sujet de préciser ses
habitus digestifs (hydratation, consommation de fibres…)
et de réaliser un catalogue des selles. La recherche de
traitement médicamenteux ainsi que d’autres troubles
neuro-périnéaux (troubles mictionnels et génito-sexuels)
seront systématiques.
L’examen clinique recherchera, à l’inspection de la
marge anale, un prolapsus au repos puis à la poussée. Le
toucher rectal éliminera un fécalome ou une tumeur et
permettra d’apprécier le tonus anal en recherchant une
hypotonie anale au retrait du doigt intrarectal. L’examen
neuroproctologique recherchera une hypoesthésie périnéale et une abolition des réflexes bulbo-anaux et anaux
à la toux, à la piqûre et à l’étirement. Chez la femme,
l’examen urogynécologique systématique précisera les
troubles de la statique pelvienne (rectocèle).
Si l’incontinence fécale est au premier plan, surtout si
elle est récente chez un patient auparavant équilibré,
un examen recto-colonoscopique est souhaitable pour
éliminer une lésion tumorale.
L’EMG périnéal précisera le niveau de l’atteinte et son
importance (uni ou bilatéralité, allongement ou abolition
des latences réflexes). Les examens manométriques rechercheront les éléments sus-cités. Le temps de transit
quantifiera le ralentissement du transit colique, la défécographie détectera des anomalies de la statique rectale, et
notamment des formes mineures de prolapsus muqueux,
afin de mieux apprécier les troubles de la vidange rectale.
L’échographie endoscopique du sphincter anal recherchera,
62
notamment en cas d’antécédents obstétricaux des ruptures
sphinctériennes occultes.
Traitement
Les mesures générales de traitement seront observées : enrichissement en fibres de la ration alimentaire, hydratation
suffisante, mucilage, suppositoire exonérateur, massages
abdominaux, exercice physique en cas de constipation et ou
de dyschésie. On sera vigilant quant à la prescription de
médicaments pouvant retentir sur la motilité ano-rectale :
parasympatholytiques, antidépresseurs, anticalciques, bêtabloqueurs, neuroleptiques. La prévention de l’incontinence
fécale passe souvent, chez les patients neurologiques, par le
traitement de la constipation associée. La rééducation périnéale peut être proposée. Les obturateurs anaux seront
utilisés à la demande.
Conclusion
Les troubles ano-rectaux sont une plainte fréquente des
patients présentant une neuropathie périphérique. Pourtant,
en dehors du diabète et des neuropathies pudendales, elles
restent peu étudiées, tant d’un point de vue descriptif que
physiopathologique.
Références
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© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0008-x
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Les troubles ano-rectaux au cours des accidents vasculaires cérébraux
C. Jacq, M. Damphousse, M. Jousse, P. Raibaut, G. Amarenco
Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild,
Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Inserm U731/Université Pierre-et-Marie-Curie
Résumé : Les troubles ano-rectaux au cours des accidents
vasculaires cérébraux sont fréquents, mais les études épidémiologiques prospectives sont rares. Ces troubles sont
dominés par l’incontinence fécale et la constipation. La
constipation est le plus souvent multifactorielle, d’étiopathogénie non spécifique (sujet alité, médications anticholinergiques, régime peu adapté) ou directement secondaire à
l’AVC (paralysie motrice recto-anale, troubles sensitifs anorectaux, asynchronisme abdomino-pelvien). Son traitement
est toujours nécessaire (régime, mucilages, suppositoires
exonérateurs par distension volumétrique rectale, lavements
évacuateurs, évacuation de fécalome) en raison des risques
potentiels (incontinence fécale de regorgement, décompensation ou pérennisation de troubles vésico-sphinctériens).
L’incontinence anale procède elle aussi de causes
iatrogènes (sédatifs, fécalome…), mais aussi de lésions
secondaires à l’AVC (paralysie sphinctérienne, troubles de la
conscience initiaux, troubles psychocomportementaux
séquellaires). La rééducation périnéale par biofeedback
peut être efficace.
Mots clés : Accident vasculaire cérébral – Incontinence
fécale – Constipation
Fecal incontinence and constipation in stroke
Abstract: Fecal incontinence and constipation are common
complications after stroke yet epidemiological research into
this distressing condition is limited. Pathophysiology of
constipation is complex with non specific (confinement to
one’s bed, anticholinergic drugs, non adapted alimentation)
and specific factors (rectum underactivity, sensory lesion of
the anorectal system, anorectal dyssynergia). Treatment of
constipation is always necessary (dietetic measure, suppository, laxative drugs, enema, digital feces evacuation)
in order to avoid fecal incontinence and persistent urinary disorders (urinary retention or incontinence). Fecal
incontinence may be secondary to constipation but also
anticholinergic and anxiolitic drugs, or directly due to a
specific brain lesion determining sphincter weakness and
awareness alteration. Biofeedback therapy may be helpful.
Keywords: Stroke – Fecal incontinence – Constipation
Si les troubles vésico-sphinctériens ont été largement étudiés
au cours des accidents vasculaires cérébraux (AVC), les
troubles ano-rectaux (TAR) sont moins connus.
Dominés par l’incontinence fécale et la constipation, ils
sont en effet moins souvent au premier plan, contrairement
à l’incontinence et à la rétention urinaires.
Ils posent cependant toujours le problème de leur
mécanisme physiopathologique et de leur traitement, car
ils peuvent retentir sur l’équilibre vésico-sphinctérien à la
phase initiale et sur la qualité de vie et l’état psychologique à
la phase séquellaire.
Physiopathologie des TAR au cours des AVC
La multiplicité des centres régulateurs activateurs ou
inhibiteurs et l’importance des voies de conduction étagées
tout au long du névraxe expliquent la fréquence des troubles
ano-rectaux dans la plupart des maladies du système
nerveux, et tout particulièrement au cours des AVC.
Cependant, ces troubles ano-rectaux (dyschésie, constipation, incontinence fécale) sont souvent au second plan par
rapport aux troubles vésico-sphinctériens, avec lesquels ils
partagent pourtant les mêmes systèmes régulateurs et les
mêmes mécanismes physiopathologiques. Ceci est le fait,
d’une part, de l’absence de complications organiques graves
des troubles ano-rectaux qui, contrairement aux troubles
urinaires, ne grèvent pas le pronostic vital (insuffisance rénale, troubles infectieux divers des vessies neurologiques) ;
d’autre part, d’une physiologie différente. Ainsi, alors que la
rétention d’urine est une urgence médicale en raison du
risque rapide de détrusor claqué, les effets de la dyschésie
ou de la constipation sont moins immédiats. De même,
le défaut d’inhibition suprasacrée est immédiatement
symptomatique sur le versant vésico-sphinctérien avec
Correspondance : Pr G Amarenco ; Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild, 33, bd de
Picpus, 75571 Paris Cedex 12 ; [email protected]
64
apparition d’une hyperactivité vésicale responsable de
mictions impérieuses avec fuites. Ce n’est pas le cas le plus
fréquent en matière de motricité ano-rectale, l’incontinence
fécale étant plus tardive, voire absente, en raison des plus
grandes capacités de compliance du réservoir rectal, les fuites
ne survenant en règle que lors de la défaillance des systèmes
sphinctériens strié et lisse.
L’implication des centres cérébraux dans la régulation
ano-rectale explique donc en partie les troubles ano-rectaux
constatés au cours ou au décours des AVC. Pourtant, la
plupart des travaux effectués sur le contrôle neurologique
supramédullaire des fonctions périnéales concernent
l’appareil vésico-sphinctérien. Néanmoins, il existe des
analogies entre les deux appareils. Comme pour l’appareil
vésico-sphinctérien, le contrôle neurologique de la fonction
ano-rectale présente une certaine organisation spinale
segmentaire. Cette organisation est responsable de
l’émission automatique de selles chez les patients paraplégiques. Cependant, chez le sujet sain, la continence et la
défécation semblent être, comme la miction et la continence
urinaire, sous le contrôle du cortex cérébral. Les différentes
études utilisant le recueil des potentiels évoqués somesthésiques ou l’imagerie fonctionnelle ont montré, après
stimulation de l’anus et du rectum, une activation des aires
somesthésiques primaire et secondaire responsables de la
discrimination spatiale [1, 2]. D’autres aires, telles que
l’insula, le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal,
impliquées dans l’affect et l’attention, sont également
activées, en particulier après stimulation rectale [2].
Comme pour la miction, il semblerait qu’il existe un centre
de la commande supraspinale situé dans le tronc cérébral,
vraisemblablement dans une structure pontique à proximité
du centre de la miction (centre M). Chez le chat, des voies
provenant du cortex cérébral et effectuant un relais au
niveau des zones de la substance réticulée du tronc cérébral
(locus coeruleus), avant de se projeter sur les motoneurones
innervant le sphincter anal externe, ont été identifiées [3]. Il
a ainsi été montré que, dans le locus coeruleus, se trouve un
véritable centre de la commande, capable de moduler le
tonus sphinctérien [3]. Chez l’Homme, des modifications de
la motricité ano-rectale ont été observées chez des patients
présentant une lésion du tronc cérébral [4]. On peut
supposer que ces centres situés dans le tronc cérébral
(probablement le locus coeruleus) pourraient être, comme
pour la miction, responsables de la coordination entre les
systèmes sympathique, parasympathique et somatique
innervant l’appareil ano-rectal. Ils permettraient d’obtenir
une défécation « harmonieuse » (contraction rectale, relaxation des sphincters anaux interne et externe permettant
l’ouverture du canal anal). Le rôle des relations entre le
cortex et les centres protubérantiels impliqués dans le
contrôle de la motricité ano-rectale reste méconnu. Le
fonctionnement ano-rectal pourrait être contrôlé par les
aires corticales du lobe frontal. En effet, des anomalies du
fonctionnement ano-rectal ont été décrites chez des patients
souffrant d’atteintes du lobe frontal [5].
Quoi qu’il en soit, le dépistage et le traitement des
troubles ano-rectaux au cours des AVC sont indispensables, car, d’une part, ils peuvent retentir sur la qualité de
vie du patient et, d’autre part, ils constituent une épine
irritative importante pour les troubles urinaires en
raison d’une innervation réciproque. C’est ainsi que,
bien souvent, la régularisation d’une constipation ou le
traitement d’une incontinence anale permet d’améliorer,
voire de supprimer, les troubles urinaires.
Épidémiologie des TAR au cours des AVC
L’incontinence fécale (IF) est une complication fréquente au
cours des AVC. Elle affecte 40 % des AVC immédiatement
après l’accident, 10 à 19 % 6 mois après, 11 % à 1 an et 15 % à
3 ans [6]. La constipation, l’immobilité, la déshydratation,
ladépendance, l’impossibilité d’utilisation des toilettes,
l’utilisation de drogues anticholinergiques sont autant de
facteurs causaux. Aucune étude n’a été spécifiquement
consacrée aux corrélations éventuelles entre les TAR et la
localisation des AVC. L’IF à 3 mois augmente le risque
d’institutionnalisation à long terme (28 % vs 6 % dans
l’étude de D Harari) et de décès au cours de la première
année (20 % vs 8 %) [6]. Ceci rejoint les données classiques
concernant le mauvais facteur prédictif qu’est l’incontinence
urinaire à la phase initiale des AVC [7].
Les éléments du diagnostic des TAR au cours des AVC
L’examen clinique reste bien évidemment un des éléments
essentiels.
L’interrogatoire précise la symptomatologie lorsque les
troubles cognitifs et l’aphasie éventuelle le permettent :
dyschésie avec difficulté d’expulsion des selles (parfois aidée
par la prise de suppositoire, voire une évacuation au
doigtier) ; constipation de progression avec émission rare
de selles ; incontinence fécale (aux liquides, aux solides),
incontinence aux gaz ; trouble sensitif rectal avec difficulté
ou impossibilité de discriminer le contenu rectal (solide,
liquide ou gaz) ; impériosité fécale avec risque de fuite par
défaut de recrutement strié d’urgence par altération
fonctionnelle du sphincter anal. L’existence de saignements,
d’émissions de glaires, de douleurs, doit toujours faire
suspecter une étiologie digestive associée.
L’examen du périnée recherche un fécalome, une
éventuelle hypertonie sphinctérienne lors de la poussée ou,
à l’inverse, une hypotonie anale pouvant aller jusqu’à la
béance, une insuffisance de contraction du sphincter anal.
Les troubles urinaires associés (rétention, incontinence)
sont systématiquement recherchés, ainsi que toute prise
médicamenteuse susceptible de modifier le transit intestinal
ou la motricité ano-rectale. Le degré de handicap général et
de dépendance (déplacement aux toilettes) est à évaluer, en
raison de son aspect prédictif dans la genèse et la persistance
des troubles. L’état d’hydratation, le régime alimentaire
doivent être contrôlés.
65
Parfois des examens complémentaires peuvent être
utiles. Il s’agit essentiellement du temps de transit des
marqueurs radio-opaques, qui permet de chiffrer le
temps de progression du bol alimentaire et, en cas de
constipation, d’en déterminer le siège lors des contrôles
radiologiques successifs. Les autres examens, et tout
particulièrement la manométrie ano-rectale, n’ont jamais
été évalués dans les TAR des AVC, contrairement aux
autres maladies neurologiques (blessés médullaires,
scléroses en plaques, maladie de Parkinson, neuropathie
périphérique). Pourtant, l’enregistrement des pressions
dans le canal anal et dans le rectum, au repos et après
stimulation, pourrait être utile, de même que l’étude
du réflexe recto-anal inhibiteur (RRAI), de la synergie
ano-rectale, de la contraction volontaire et de la contraction réflexe striée lors du RRAI.
Le traitement de la constipation est classique : hydratation suffisante, régime adapté, mucilage, suppositoire exonérateur, évacuation de fécalome, massages abdominaux
éventuels, mise au fauteuil, verticalisation, défécation
imposée. Le traitement des fuites anales repose tout
d’abord sur celui de la constipation. L’absence de macération périnéale et le traitement des troubles mictionnels
associés sont indispensables. Au décours de la phase aiguë,
éventuellement aidé par des examens complémentaires à la
recherche de facteurs associés (échographie et électromyographie anale chez la femme), le traitement est
conventionnel, reposant sur la rééducation périnéale, les
obturateurs anaux à la demande et les ralentisseurs du
transit (loperamide).
Ce traitement s’avère toujours indispensable en raison de
l’altération de la qualité de vie induite par les TAR, retentissement que l’on estimera par des échelles spécifiques.
La prise en charge des TAR au cours des AVC
L’incidence des TAR atteint près de 40 % lors de l’admission des patients dans les services de neurologie. La
typologie clinique est dominée par la constipation, mais
l’incidence de l’incontinence (par lésion des centres corticaux, protubérantiels et cérébelleux) ou des troubles
mixtes est probablement assez élevée lorsque les troubles
sont analysés de manière systématique.
En raison d’une association fréquente aux troubles
vésico-sphinctériens (de 80 à 98 % des cas) [7], la tenue
d’un catalogue mictionnel par l’équipe soignante
(mesure du volume uriné et du volume résiduel par
sondage ou, mieux, par échographie) est systématique,
de même que l’exclusion par l’examen clinique de tout
problème urologique associé (palpation de la prostate
chez l’homme, examen uro-gynécologique chez la
femme). Pareillement, un catalogue des selles doit être
tenu, et l’élimination de toute pathologie iatrogène (prise
d’anticalciques, de tricycliques, de parasympathicolytiques)
ou d’une infection urinaire est systématique.
Références
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The Copenhagen Stroke Study. Stroke 28 (1): 58-62
Pelvi-périnéologie (2006) 1: 66–72
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0006-z
PRATIQUE MÉDICALE / MEDICAL PRACTICE
Rétentions urinaires psychogènes
J.C. Colombel
Résumé : Les rétentions urinaires psychogènes sont fréquentes. Elles peuvent être secondaires à une anxiété aiguë,
mais peuvent être aussi dues à différentes affections mentales (hystérie, hypocondrie, névroses obsessionnelles, psychoses chroniques). Une pathologie organique (blessés
médullaires) peut aussi révéler des états limites responsables
de rétention. Le diagnostic repose sur une analyse sémiologique soigneuse. Une prise en charge spécifique est
indispensable.
Mots clés : Rétention urinaire – Psychiatrie – Anxiété –
Hypocondrie – Névrose
Psychogenic urinary retention
Abstract: Psychogenic urinary retentions are very common
in clinical practice. They can be secondary to an acute
anxiety state but also due to various mental diseases
(hysteria, hypochondria, obsessive-compulsive personality
disorder, chronic psychosis). Organic pathology such as
spinal cord injury can mask psychogenic retention due to a
borderline personality disorder. In all the cases, diagnosis
based on semiologic analysis allows a specific treatment.
Keywords: Urinary retention – Psychiatry – Anxiety – Hypochondria – Neurosis
Présentation
On connaı̂t la fréquence des situations de rétention urinaire
sans cause organique. Chez un sujet normal, elles font partie
de situations émotionnelles aiguës, et elles cèdent spontanément avec la résolution de la crise.
En revanche, elles peuvent apparaı̂tre au cours de
certaines affections mentales. Se pose alors la question de
les distinguer en tant que symptôme possible d’une névrose
ou d’une psychose d’une part, et d’autre part en tant que
symptôme éventuellement révélateur ou précurseur d’une
maladie neurologique non encore révélée. Cette double
connivence justifie l’intérêt que l’on doit leur porter.
Ainsi, l’hystérie peut trouver son équilibre au moyen
d’épisodes souvent récurrents de type « spasmodique ». De
Correspondance : [email protected]
la crise dite de spasmophilie à tout ce qui peut concerner la
motricité, la sensibilité ou la sensorialité, il y a place pour des
rétentions urinaires paroxystiques, en général accompagnées
d’un arrêt des matières. Mais il convient chaque fois d’être sur
ses gardes, surtout lorsque ces accès surviennent à l’âge où
peut commencer par exemple une sclérose en plaques.
Tout le monde connaı̂t l’hypocondrie, avec ses craintes
et ses plaintes aussi nombreuses que sincères et inépuisables. La peur d’une maladie grave peut très bien entraı̂ner un
blocage sphinctérien de nature psychogène. Mais, une fois
soulagé, le patient pensera que le traitement libérateur est
passé à côté du diagnostic ou, au mieux, que l’on a prolongé
son sursis.
Le problème que pose parfois l’anorexie mentale n’a pas
sa place dans les rétentions psychogènes, car il s’agit en
général d’une anurie par restriction hydrique et alimentaire
volontaire et méthodique. Cependant, il sera évoqué ici
parce qu’il permet de mieux aborder les pathologies de type
obsessionnel. En effet, dans les névroses obsessionnelles,
tout peut aboutir de manière implacable à une rétention
psychogène à la suite d’un faux pas dans le rituel que la
maladie impose au malade.
Dans certaines psychoses, on peut rencontrer aussi une
rétention psychogène, mais elle est intégrée au processus
délirant, dont elle constitue un élément qui soutient la
signification que le malade donne à sa conception du
monde. Tel est en particulier le cas dans les psychoses
chroniques interprétatives. Ainsi, une rétention urinaire
peut prendre place dans un processus délirant de persécution en tant que preuve concrète de la malveillance
intentionnelle dont le patient se dit victime. Il est facile de
constater que la conviction du malade réduit la rétention à
un argument qui décentre son intérêt (et éventuellement son
désir de vengeance) vers ses auteurs présumés.
À côté de ces entités névrotiques ou psychotiques assez
bien discernables, il faut penser aussi à des situations
hybrides où la rétention, incontestablement psychogène, se
développe dans le sillon d’une pathologie organique.
Ainsi, on peut observer une rétention psychogène chez
les personnes âgées, parce que l’éloignement des toilettes
s’ajoute à leur difficulté à se déplacer. Mais le facteur
déclenchant associé peut être aussi banal que la prise
régulière de correcteurs de médicaments psychotropes.
67
De même, on rencontre assez souvent des patients
paraplégiques et dont la personnalité doit être qualifiée
d’état-limite, car leur impulsivité et leur personnalité
instable marquent leurs relations d’une grande inconstance.
Leur « jeu » constitue à retarder l’autosondage suivant
jusqu’à obtenir une crise d’hyperréactivité autonome dont
ils tirent certains avantages.
Enfin, on peut s’interroger sur les significations
affectives qui empêchent certains patients d’apprendre
la technique de l’autosondage, ce qui les condamne à
rester esclaves de l’automatisme médullaire alors que
leurs capacités gestuelles et cognitives sont intactes.
Mais si ces derniers exemples n’offrent guère de
difficultés diagnostiques, le problème général demeure le
plus souvent celui de la recherche de pathologies sousjacentes, puis de leur prise en charge, qui ne peut être
qu’adaptée aux diverses situations que l’on va rencontrer
dans la pratique.
Ces situations peuvent être distribuées en trois groupes,
qui sont les rétentions psychogènes d’origine émotionnelle,
les rétentions qui surviennent dans le cadre de pathologies
psychiatriques et les rétentions de genèse mixte. Mais d’une
façon générale, on notera, dans la genèse de ces rétentions, le
rôle prépondérant que joue l’anxiété, avec ses valeurs
constrictives (du latin angere = serrer), que l’on retrouve
exactement à la jonction du corps et de l’esprit.
Les rétentions urinaires d’origine émotionnelle
Comme avec un négatif photographique, on pourrait définir
les rétentions urinaires psychogènes par ce qu’elles ne sont
pas. Elles ne résultent pas directement de mécanismes
organiques, mais dans certains cas elles peuvent s’y ajouter.
Par contre, les rétentions psychogènes ont à voir avec le
psychisme, c’est-à-dire avec la vie mentale, la vie affective,
qu’elle soit consciente ou inconsciente, et surtout l’anxiété,
qu’elle soit normale ou pathologique. C’est dire qu’elles
peuvent occuper un vaste territoire, et qu’elles peuvent se
rencontrer dans beaucoup de circonstances. Il ne faut pas
oublier en effet que toutes nos émotions passent par le corps,
qui en est l’instrument d’expression privilégié.
Si l’émotion désigne l’ensemble des phénomènes qui
caractérisent une réaction à une situation donnée, ce terme
souligne aussi la simultanéité du vécu (ce qui est purement
ressenti) et la mise en mouvement du système neurovégétatif (les réactions physiologiques). Alors, quoi de plus banal
qu’une rétention urinaire d’origine émotionnelle ? Nous
savons bien qu’un éclat de rire peut forcer le sphincter
urétral dans certaines conditions. De même, une situation de
saisissement émotionnel peut le verrouiller d’une manière
infranchissable. Quelle situation par exemple ? L’attente
difficile d’un résultat d’examen, un bouleversement affectif,
comme celui que provoque une annonce brutale et grave,
mais aussi bien une grande joie. Dans ce cas, l’intensité de
l’état affectif est telle que le sujet peut se trouver incapable de
la moindre réaction. Il est en état de sidération émotionnelle,
il a littéralement « les jambes coupées », selon l’expression
populaire.
Ce qui caractérise ces rétentions urinaires peut se dire
en trois points :
– Elles sont toujours reliées de manière immédiate et
visible à leur cause, et elles peuvent aisément être rattachées
à des états de stress ou de crise psychologique ;
– Leur cause dépasse les capacités de maı̂trise émotionnelle ou de contrôle affectif de celui qui les subit ;
– Elles cèdent spontanément avec la résolution du
problème. Elles sont donc aiguës et réversibles. Il n’y a pas
de rétention d’urines psychogène chronique chez le sujet
normal.
Les rétentions sur fond psychopathologique
Mais dès que l’on s’avance dans le domaine de la psychopathologie, on découvre qu’une rétention urinaire peut être
provoquée ou accompagnée par de multiples affections
mentales, ce qui pourrait donner un ensemble assez
composite, pour ne pas dire hétéroclite.
Sans vouloir en faire une revue exhaustive, il convient
d’abord de signaler les configurations les plus caractéristiques, et ceci pour deux raisons : d’une part, elles sont
celles que l’on risque de rencontrer le plus souvent dans
la pratique clinique, d’autre part, nous savons bien
qu’une rétention d’urines peut facilement nous abuser
dans la mesure où un tel symptôme peut toujours être le
révélateur d’une maladie sous-jacente.
Dans ce domaine, en cas de rétention de cause non
avérée, la première affection à laquelle il faut penser est
l’hystérie, ne serait-ce qu’en raison de l’extraordinaire
plasticité de ses modes d’expression et de la perfection de
ce qui s’offre au clinicien.
Il est vrai que nous ne voyons plus aujourd’hui la
grande crise explosive, qui avait spectaculairement réussi
à prendre Charcot en otage. Pour des raisons sans doute
culturelles, l’hystérie s’est faite plus subtile. Elle mime
volontiers des anomalies lésionnelles du système nerveux. Ces troubles concernent le plus souvent ce que
nous appelons la vie de relation, par opposition aux
fonctions végétatives, qui en général sont respectées.
Pendant de longues années au cours de son existence,
l’hystérique peut trouver son point d’équilibre grâce à
des équivalents mineurs qui émergent de temps en temps
et qui, globalement, ont tendance à s’inscrire dans un
type d’expression relativement homogène. Ainsi, les
accès peuvent être par exemple à dominante « spasmodique », et leur style finit par ne plus surprendre le
médecin traitant.
Bien sûr, nous avons à l’esprit cette jeune femme
emmenée aux urgences avec un globe vésical impressionnant, auquel s’ajoute un arrêt des émissions de selles
et un spasme douloureux du sphincter anal. Il n’est pas
rare qu’elle ait déjà souffert de manifestations paroxystiques, par exemple des spasmes génitaux ou coliques,
68
des accès irrépressibles de hoquet, des crises de
vomissements ou des phénomènes de dysphagie avec
dyspnée aiguë. Mais ce n’est pas la règle. Elle a déjà pu
intéresser les neurologues en raison de paresthésies
transitoires dans les membres inférieurs ou d’une
amaurose passagère. Aujourd’hui encore, si cette rétention d’urines est bien un trouble isolé et réversible, elle
garde pour le moment son mystère étiologique. Les
examens urodynamiques sont normaux, mais ils ne
tarderont pas à montrer les effets destructeurs de ce que les
spécialistes appellent un claquage détrusorien si des
récidives se produisent trop souvent. À moins que l’on ne
découvre, quelques mois ou quelques années plus tard, des
signes d’atteinte médullaire bien plus précis (dans le liquide
céphalo-rachidien, deux ou trois pics oligo-clonaux dans la
bande gamma ; et à l’IRM un hypersignal en T2) à la suite
d’un nouvel épisode atypique, mais qui vont faire évoquer,
cette fois-ci, une atteinte lésionnelle bien réelle.
Rappelons que l’hystérie se voit aussi chez l’homme dont
la biographie mouvementée a généralement l’aspect chaotique du sujet caractériel et impulsif. Chez l’homme
hystérique, la rétention urinaire aiguë n’est pas un
symptôme exceptionnel, surtout pendant la phase active
d’un conflit relationnel. Il faut prendre garde au fait que la
douleur abdominale de la distension vésicale peut rejeter
ce conflit à l’arrière-plan ou le masquer totalement, ce qui
non seulement peut retarder le diagnostic, mais priver le
patient d’une prise en charge qui serait mieux adaptée et
fort utile.
Il faut ajouter que, chez la femme comme chez l’homme,
la crise hystérique n’a rien à voir avec une simulation :
l’hystérie n’est pas « du cinéma ». Quels qu’ils soient, les
troubles provoqués par une névrose hystérique s’imposent
au patient, ils sont subis par lui. Il n’en a ni l’initiative ni la
maı̂trise, même lorsque la conversion en symptômes
somatiques efface toute l’angoisse que ces troubles pourraient engendrer. Rappelons enfin que les symptômes de
conversion sont des manifestations somatiques réversibles.
Les fonctions motrices, sensitives et sensorielles sont les plus
concernées par ces phénomènes, qui sont capables de
reproduire à gros traits une séméiologie lésionnelle du
système nerveux1. Ils demeurent l’expression corporelle
d’un conflit affectif inconscient, mais qui n’a rien d’affecté
ou d’artificiel. Et ce n’est pas l’actuelle définition américaine
de « troubles somatoformes pseudo-neurologiques » qui
évitera de les confondre avec les troubles si maladroitement
1
qualifiés de « factices » dans la même classification des
maladies mentales (DSM IV-RS).
En voici un bref exemple avec ce patient blessé à la région
inguinale par un morceau de ferraille dans l’explosion d’un
silo à grains. Une plaie à l’artère fémorale est rapidement
suturée, et les expertises concluent bientôt à une guérison
sans séquelles. Mais il reste persuadé d’avoir été atteint plus
profondément que ne le pensent les médecins : il dit qu’il a
été « touché dans ses œuvres vives ». Un beau jour, il est
adressé au service des urgences pour une rétention aiguë
d’urines. Il est en arrêt de travail depuis six mois. Il se
déclare incapable de reprendre une quelconque activité
professionnelle. Il est asthénique, tourmenté, insomniaque,
avec des troubles de mémoire, et il a peur d’être impuissant.
Il fait des cauchemars dans lesquels reviennent sans cesse les
images du silo jeté à terre, éventré et « flasque », selon ses
propres termes. S’agit-il de troubles « factices » ? Aucun des
examens ne montre d’anomalie particulière. En fait, il s’agit
d’une névrose posttraumatique de décompensation : sa
seule attente est que la gravité de son état soit enfin reconnue
par une pension d’invalidité, car c’est un accident du travail.
C’est un des éléments de ce que l’on appelle une sinistrose.
On pourrait dire que la rétention d’urines est un équivalent
de l’atteinte de ses œuvres vives, et que la dispersion des
graines dans l’effondrement du silo en est la métaphore
séminale.
De l’hystérie et de la sinistrose à l’hypocondrie, il n’y
a qu’un pas.
Mais c’est un pas essentiel à reconnaı̂tre, parce que si
l’hystérique est souvent décrit comme une personne sereine
et détachée de son mal, tel n’est pas le cas de l’hypocondriaque. L’hypocondriaque est un homme traqué. Il court
d’un cauchemar à l’autre, il vit jour et nuit sous la menace
qui l’assiège, ou plutôt il survit dans la hantise nosophobique d’affections indécelables. Son existence douloureuse
se consume pour déjouer, l’une après l’autre, les attaques
redoublées qu’il subit2. Mais le plus souvent, le moindre
inconfort physique est capable de réactiver instantanément
son angoisse de la maladie et de la mort, et de la porter à son
acmé.
Un paroxysme d’anxiété peut très bien entraı̂ner un
spasme vésico-sphinctérien, et conduire un tel sujet vers un
service d’urgences lorsqu’il ne peut plus uriner depuis deux
jours. Il arrive comme un condamné. Il vient avec des
brassées de radios et des piles d’examens biologiques
soigneusement répertoriés que porte son épouse, souvent
Ce mimétisme fait partie de ce qu’il vaut mieux nommer « conversion somatique », plutôt qu’hystérie ou troubles factices, lorsque
l’on parle avec les patients ou avec leur famille. Les phénomènes de conversion peuvent être des crises dites de lipothymie ou de
spasmophilie (polypnée, hypersudation, tachycardie jusqu’à la perte de conscience), comme on en voit de temps en temps chez des
jeunes filles hyperémotives, ou bien des épisodes d’amnésie, d’aphonie, de surdité, de cécité, de contractures, de paresthésies
diverses, de douleurs paroxystiques, d’anesthésie d’un membre. On peut voir encore, mais plus rarement, une astasie-abasie
soudaine, qui rend impossibles la marche et la station debout.
2
Dans l’hypocondrie, tous les intérêts du malade sont ramassés sur son corps, dans l’angoisse imaginaire d’une maladie qui n’existe
pas. C’est un sujet toujours « égocentrique », pour lequel le monde extérieur est donc de peu d’importance, comme on peut le
constater au cours de l’entretien.
69
entraı̂née elle-même depuis des années dans un marathon
épuisant qui va d’une maladie à l’autre, et donc d’une
urgence à l’autre. Malheureusement, et malgré des investigations attentives, multiples et diverses, son hypocondrie ne
va pas passer aussi vite que sa rétention d’urines. On va
découvrir, à travers les mille reproches qu’il fait aux
médecins dont il est pourtant le très fidèle patient, la terreur
que son corps ne l’ait trahi cette fois, pour sa fin dernière.
L’hypocondrie est une forme de détresse accusatrice où le
corps est toujours le premier inculpé.
Toujours très proche du corps dans sa dimension
psychosomatique, mais aux frontières de la psychose et de
la perversion, l’anorexie mentale comporte, on le sait, un
amaigrissement et une aménorrhée, qui est peut-être liée à la
restriction alimentaire massive que s’impose la jeune
patiente. Ce comportement de restriction alimentaire est
mené avec une minutie rigoureuse et parfaitement organisée. Dans le cadre du désordre biologique qui témoigne de
sa gravité, il peut aller jusqu’à une déshydratation
considérable, pouvant entraı̂ner un arrêt des matières et
une anurie.
Bien sûr, l’anurie n’a de la rétention que les apparences,
et nous sommes, pour ainsi dire, hors sujet. Pourtant, c’est
ce symptôme que la famille va interpréter comme « un
blocage complet » et qui va imposer la consultation d’urgence pour rétention d’urines. Mais, si le résultat est le
même, il est impossible de se laisser abuser par cette pseudorétention. Par ailleurs, il existe un contexte affectif très
caractéristique, profondément mêlé au développement de
l’anorexie mentale et à ses divers épisodes3. Nous constatons
le fonctionnement d’une configuration triangulaire mèrefille-père, dont les relations composent une sorte de trinité
fusionnelle et où la place de chacun est rigoureusement
complémentaire de celle des deux autres. Là aussi, le danger
est l’existence d’une pathologie lésionnelle sous-jacente, ce
qui exige des investigations rigoureuses.
Faire ici mention de l’anorexie mentale avant de parler
de certaines névroses se justifie, parce que leur point commun est précisément la rigueur et la méticulosité. Quoi de
plus commun que le besoin de désordre ou la recherche
d’ordre, qui sont des traits caractéristiques de l’être civilisé
et des diverses formes que peut prendre sa jouissance à en
disposer ?
Mais, dans ces névroses de l’ordre, rien n’est librement
choisi, rien n’est jamais suffisant, et la souffrance atteint une
telle démesure qu’elle pourrait être qualifiée de souffrance
métaphysique. La névrose obsessionnelle est la maladie du
doute, elle s’épanouit dans l’univers de la faute et de la peur.
Elle est l’inverse de la liberté.
Cet univers n’occupe pas qu’un esprit malade. Il s’empare aussi du corps, soit pour le mettre en mouvement,
soit pour le bloquer. La névrose obsessionnelle apparaı̂t
sur un tempérament assez caractéristique. Il s’agit d’un
sujet à l’allure un peu raide, au masque figé, aux gestes
compassés, aux formules empruntées. Il a souvent l’esprit
du collectionneur, obstiné, parcimonieux, craignant les
changements, angoissé devant les pertes et les séparations. Ses déplacements, ses gestes ou ses moindres
pensées l’occupent des heures entières, parfois davantage,
car ils doivent être accomplis avec une perfection sans
faille, comme le seraient des procédés magiques à valeur
conjuratoire4. Naturellement, il retient ses émotions. Mais
comment peut-il en arriver à une rétention urinaire
psychogène ?
Il suffit qu’il trébuche, même de manière infime, dans
l’un des parcours auxquels il est asservi et la sanction est
immédiate : tout le rituel est à reprendre intégralement,
depuis le début, dans le même ordre et dans son entière
complexité, avant que lui soit accordé, peut-être, le droit
d’accomplir quelque chose qui nous paraı̂tra toujours
ordinaire et dérisoire. Ainsi, certains malades sont
contraints à un rituel complexe avant d’avoir le droit
d’ouvrir une lettre, de sortir, de manger, d’aller à la selle ou
d’uriner. Par conséquent, chacun de nous peut se trouver un
jour devant un patient en état de rétention aiguë.
Il faut comprendre que, chez de tels patients, toute
intention de sondage libérateur va déclencher de la panique
et même du désespoir. En effet, l’intervention thérapeutique
est perçue comme une transgression, elle fait figure de
sacrilège, car elle brise l’équation faute = punition, qui est
l’équation à laquelle est soumise son existence entière. Mais
derrière cette recherche désespérée de la perfection formelle,
on trouve sans exception la peur démesurée de la faute, la
peur de la souillure morale, laquelle est capable, on le sait,
d’entraı̂ner des populations entières vers les rituels conjuratoires les plus invraisemblables.
3
Ainsi, on retrouvera l’auto-dénigrement, la dénégation du danger vital, l’agressivité feutrée et le retrait de toute vie sociale, tout
cela contrastant avec un engagement scolaire ou universitaire souvent brillant. On retrouvera aussi une subtile manipulation
d’autrui, à quoi répond une atmosphère familiale dramatique et bien particulière : une mère qui conduit la patiente en consultation
et qui raconte son histoire, une mère intrusive, anxieuse, surprotectrice, mais tellement satisfaite d’avoir fait tout ce qu’il fallait
faire. À côté d’elle et toujours dans l’ombre, un père indécis, ambigu, inquiétant, presque complice de sa fille, dépendant de ses
propres parents, silencieux ou parlant le plus souvent à contretemps.
4
En fait, le doute a littéralement empoisonné ses moindres pensées, ses moindres paroles, ses moindres actes, au point de
contaminer tous ses comportements et de transformer son existence entière en une lutte épuisante sous la menace de l’échec. Et
l’obsédé est parfaitement conscient de la mise en pièces implacable de ses moindres certitudes. Dans certains troubles, que l’on
qualifie d’obsessionnels compulsifs (les célèbres TOC des classifications américaines), les idées obsédantes ont pris une telle force
qu’elles le contraignent à passer minutieusement par une succession de formules labyrinthiques d’autant plus redoutables que
chacune donne seulement accès à la formule suivante.
70
On devine la puissance de destruction que détient cette
névrose sur la vie personnelle, professionnelle, relationnelle et même spirituelle de tels patients. C’est pour cela
que les premières descriptions avaient fait qualifier cette
maladie de folie du doute ou de psychonévrose obsessionnelle, pour indiquer sa proximité avec ce que l’on
appelle des psychoses.
Nous ne sommes pas très loin en effet des ravages
somatiques que l’on peut constater dans certaines psychoses. On qualifie de psychose un état mental caractérisé
par des troubles graves et permanents qui altèrent la
pensée, les réactions émotionnelles et le rapport au monde
extérieur.
Il y a longtemps qu’on ne voit plus cet état dépressif
extrême que l’on qualifiait de mélancolie stuporeuse. Le
malade demeurait silencieux, immobile des jours entiers,
statufié dans son désespoir et, bien entendu, en état de
rétention fécale et urinaire complète.
Par contre, on peut avoir affaire avec les conséquences de
ce que l’on appelle une psychose chronique interprétative.
C’est l’exemple de ce patient, dont l’existence est
apparemment tranquille, mais qui, à l’insu de tous, vit
dans l’enfer, ainsi qu’il le confie. Les preuves ne manquent
pas du harcèlement qu’il subit depuis des années. Ses voisins
se conduisent depuis longtemps d’une manière non
seulement discourtoise, mais malveillante. Ainsi, à intervalles calculés, ils jettent du papier froissé dans sa poubelle,
surtout lorsqu’il vient de la placer devant sa porte, ce qui en
dit long sur leurs intentions de l’éliminer par contamination
microbienne. Malgré toutes ses précautions d’hygiène, un
signe précis vient brusquement de lui faire comprendre
qu’ils ont réussi à lui envoyer la maladie dont il risque de
mourir. Désormais, il ne peut plus accepter les coı̈ncidences
ou le hasard. Tout s’explique, et même ses souvenirs les plus
anciens prennent sens : tout est devenu clair dans sa
conscience. Non seulement il est persuadé que le changement de couleur de ses urines est la preuve irréfutable de la
détermination des voisins, mais, surtout, il a senti le
grouillement des germes à l’assaut de son corps quand il
voulait uriner. Donc, il ne peut plus uriner, parce que ce
serait ouvrir sa porte aux microbes, et nous sommes devant
une rétention d’urines dont la cause est la persécution dont
le patient fait l’objet.
Ainsi, une rétention urinaire peut prendre place dans
un processus délirant de persécution, en tant que preuve
concrète de la malveillance intentionnelle dont un patient se dit victime. Pendant l’examen, il est facile de
constater que la conviction du malade occupe tout le
devant de la scène. La rétention ne le préoccupe pas en
tant que telle. Elle n’est plus qu’un argument qui
décentre tout l’intérêt du patient (et éventuellement son
désir de vengeance) vers ses auteurs présumés. Toutefois, un examen complet s’impose, car un malade psychotique, interprétant sa rétention d’urines comme une
maladie forcément provoquée par un persécuteur,
pourrait entraı̂ner le médecin dans ses déductions
« psychogènes » et le faire passer à côté d’une affection
organique dont la rétention serait l’un des symptômes.
Rétentions urinaires de genèse mixte
Du sujet normal en allant vers les états névrotiques ou
psychotiques, le problème de la rétention psychogène
peut paraı̂tre relativement clair à résoudre, à la condition
d’avoir connaissance de la situation émotionnelle ou de
la pathologie psychiatrique du sujet en état de rétention.
Cependant, certaines pathologies plus ambiguës situent
la rétention urinaire aux confins du somatique et du
psychique. Ces rétentions résultent d’une pathologie
mentale et organique combinées, mais on ne peut les
faire entrer dans les rétentions purement psychogènes.
Dans un contexte psychologique particulier, la rétention « utilise » littéralement une lésion ou un déficit
existant, et la superposition de deux situations différentes ne rend pas toujours les points de jonction faciles à
repérer.
Dans ces combinaisons, on constate que les déficits
organiques font littéralement le lit de la rétention psychogène, ce qui rend la démarche diagnostique plus exigeante
encore.
Un premier exemple se trouve chez des personnes
d’un certain âge qui vivent seules, lorsqu’au vieillissement normal des forces et de l’appareil urinaire
s’ajoutent deux autres facteurs favorisants : l’un est
tout simplement la disposition du logement et l’incommodité ou l’éloignement des toilettes, comme c’est
souvent le cas à la campagne ou dans certains logements
anciens ; l’autre, c’est la prise de traitements à effet
anticholinergique, traitements que l’on donne si volontiers en tant que correcteurs de certains psychotropes
(la liste en serait longue, mais on citera simplement
les antidépresseurs tricycliques, les neuroleptiques en
particulier) ou de certains médicaments de l’incontinence. En dehors de l’existence d’un fécalome, comme
chez plus de 60 % des sujets au-delà de 80 ans, il s’agit
en général de la combinaison d’une rétention et de fuites
par regorgement. On évoque alors l’hypothèse d’une
démence, avec les conséquences qui en résultent. On sait
que l’incontinence urinaire est, aujourd’hui encore, le
premier motif de placement en maison de retraite. Si on
veut lui laisser la chance de rester encore à son domicile,
le seul recours est de compléter les investigations
urodynamiques par une évaluation précise du degré
d’autonomie du patient et par la recherche d’aménagements adaptés.
Chez la personne âgée, on peut aussi rencontrer un
syndrome de rétention en situation postopératoire ou
dans un contexte de troubles du comportement, par
inhibition psychogène du détrusor. Mais nous rejoignons
là toutes les rétentions des situations de crise et le
diagnostic n’est pas trop malaisé, une fois éliminées les
causes mécaniques ou neurologiques.
71
Un autre exemple est celui des syndromes frontaux,
dans lesquels il est courant, comme on le sait, d’observer
ce que l’on appelle une urination, au milieu de bien
d’autres troubles du comportement assez caractéristiques. On discute beaucoup pour savoir si ces émissions
d’urines, toujours inattendues et incongrues, sont volontaires ou si, au contraire, elles résultent de la lésion, à
la face interne du cortex frontal, d’un hypothétique
centre détrusorien, dont l’existence, je crois, est loin
d’être admise par tous.
Il est exceptionnel d’observer une symptomatologie
périodique de dysurie ou même de rétention chez des
traumatisés crâniens avec des localisations préfrontales
au scanner. Mais, dans ce cas, serions-nous en droit de
parler de rétention psychogène plutôt que de rétention
lésionnelle ?
Dans un tout autre domaine, celui de la pathologie
médullaire traumatique, nous rencontrons assez souvent
des sujets jeunes, paraplégiques, et que leur personnalité
particulière fait classer dans ce qu’il est convenu d’appeler
des pathologies narcissiques et plus précisément des étatslimite (ou borderline). Ils ont le goût du risque, ce qui les a
bien souvent conduits à leur paraplégie traumatique. Ils sont
aussi manipulateurs que charmeurs, impulsifs, imprévisibles, inconstants dans leurs relations et chroniquement
incapables de tenir leurs engagements, qu’ils prennent
pourtant avec détermination. Ce sont eux, lorsqu’ils ont
appris la technique de l’autosondage, qui vont décaler le
moment du sondage suivant jusqu’à provoquer une crise
d’hyperréactivité autonome. Bien sûr, grâce à ces paroxysmes dangereux qu’ils poussent jusqu’au bord de la syncope,
leur corps réapparaı̂t dans la douleur, ils connaissent
l’émotion de redonner une silhouette concrète et même
une chair à leur corps. Ils ont pour ainsi dire le pouvoir
extraordinaire de recréer l’image sensible de leur corps.
Retarder le moment du sondage est donc un moyen
d’utiliser l’hypertonie sphinctérienne pour provoquer une
rétention d’urines qui n’a rien de psychogène, mais qui n’en
est pas moins calculée et qui révèle leur refus du handicap.
Par ailleurs, leur état de malaise a tôt fait de les placer au
point de convergence de mouvements de compassion ou de
sympathie, ce qui les rassure quant au risque d’être
abandonnés, qu’ils craignent par-dessus tout.
Enfin, et comme en annexe à cette pathologie hybride,
l’histoire d’une patiente paraplégique incapable d’apprendre
la technique de l’autosondage illustre assez bien l’enchevêtrement de plusieurs facteurs favorisants.
C’est une patiente âgée de 43 ans. Elle parle peu, elle
est triste, elle ne recherche pas la compagnie des autres,
elle sort très peu de sa chambre, dont elle ne veut pas
allumer la lumière. Comme beaucoup de femmes paraplégiques qui cherchent à dissimuler leur culpabilité, elle
nous a dit qu’elle est tombée de sa fenêtre en nettoyant les
vitres.
En fait, elle vient de perdre son mari dans des circonstances particulièrement impressionnantes. Il y a quinze
ans, elle était vendeuse dans un grand magasin parisien
et leurs regards s’étaient croisés alors qu’il était de
passage. Quittant aussitôt son métier, elle l’avait suivi pour
la vie. Il ne travaillait que de nuit, mais il avait droit à de
longues pauses, précise-t-elle. Que faisait-il dans la vie ?
« Braqueur ».
Malheureusement, un braquage tourne mal, et il écope
de dix ans de réclusion. Pour sa sortie, elle a préparé une
grande fête. Trois de ses amis sont allés le chercher en
voiture. Ils l’abattent devant sa porte, de trois balles dans la
tête. Alors elle se jette par la fenêtre, pour le rejoindre, d’où
sa paraplégie. Elle urine par percussion abdominale, mais
pourquoi, maintenant, est-elle incapable d’apprendre l’autosondage ? Parce qu’elle l’aime toujours, et de la même
passion. C’était un vrai homme. Alors, introduire quelque
chose dans son corps, « vous voulez savoir, quelque chose
d’aussi petit, quelque chose d’aussi minable, mais ce serait le
tromper, ce serait le trahir », dit-elle avec une conviction
désespérée.
Il n’y a, dans cette histoire, aucune pathologie mentale
chronique. On ne peut même pas dire que sa défenestration
soit une tentative de suicide. C’est plutôt un passage à l’acte
dont l’intensité a quelque chose de « romantique », tout en
étant le premier signe d’un état dépressif, dans une
personnalité dépendante ou peut-être trop fidèle, comme
on voudra. Mais être en deuil et cultiver sa rétention grâce à
l’automatisme médullaire, n’est-ce pas, dans le secret de son
corps, faire vivre celui qui n’est plus ?
Conclusion
D’une façon générale, presque toutes ces pathologies se
produisent dans des contextes psychopathologiques bien
répertoriés, avec des mécanismes qui leur sont propres, dans
lesquels la rétention d’urines est en quelque sorte un
symptôme de convergence. Il faut insister sur la composante
émotionnelle ou anxieuse qui est présente, on l’a vu, dans la
plupart des situations que nous rencontrons.
Mais nous ne serons en droit de qualifier de psychogène
une rétention qu’après avoir écarté ses possibles effets de
masque. Indépendamment de l’examen clinique, une
anamnèse soigneuse ainsi que les renseignements apportés
par la famille seront toujours de précieux appoints. Il faut se
rappeler que les rétentions urinaires psychogènes se situent
volontiers entre ces deux pôles que sont le corps et l’esprit, et
jusque dans des pathologies parfaitement capables de s’y
dissimuler :
Premièrement, toute rétention urinaire psychogène peut
s’installer en surimpression d’une affection neurologique en
cours de constitution. Deuxièmement, dans sa qualité de
symptôme aigu, même lorsqu’il y a des récidives, la rétention d’urines psychogène peut jouer le rôle de révélateur
d’une pathologie mentale sous-jacente ou assez bien
compensée, jusqu’au moment précis où l’angoisse déborde
le secret de la vie psychique en bloquant un fonctionnement
du corps.
72
On peut interpréter la maladie mentale de plusieurs
manières, bien qu’il soit encore malaisé d’en donner une
explication qui emporte l’adhésion de tout le monde.
Mais il est une chose certaine, c’est que les rétentions
psychogènes nous rappellent l’intimité du lien qui unit
le corps et l’esprit, jusqu’à faire de l’un l’avocat de l’autre,
son porte-parole en quelque sorte. D’où la difficulté
de proposer un traitement qui, tout en ne brisant pas cette
unité somato-psychique, serait capable simultanément
d’atteindre les effets et les causes. Un tel traitement n’existe
pas, sauf dans nos rêves de médecins. Alors, que choisir
pour soulager le patient ? Selon la clarté névrotique ou
psychotique de la pathologie psychiatrique, nous irons, si
besoin, de l’anxiolytique par voie intraveineuse jusqu’à
l’antipsychotique incisif ou sédatif. Nous pourrons aussi
entreprendre avec le patient un parcours psychothérapique
ou une thérapie cognitivo-comportementale conjuguée à la
pharmacothérapie. Mais en aucun cas nous ne soignerons
un patient en état de rétention en lui disant « qu’il n’a rien ».
Il a forcément quelque chose, puisque sa rétention est
qualifiée de psychogène, c’est-à-dire engendrée par l’esprit,
et par l’un de ses innombrables dérapages possibles.
Pelvi-périnéologie (2006) 1: 73–76
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0012-1
PRATIQUE MÉDICALE / MEDICAL PRACTICE
Traitement médical de l’éjaculation prématurée
P. Lacroix, G. Amarenco
Service de Rééducation neurologique et d’Explorations périnéales, Hôpital Rothschild, 33, boulevard de Picpus,
75571 PARIS Cedex 12, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Inserm U731/Université Pierre-et-Marie-Curie
Résumé : L’éjaculation prématurée (EP) est un symptôme
fréquent altérant la qualité de vie des patients qui en
souffrent. L’évaluation clinique de ce symptôme est
indispensable avant toute proposition thérapeutique. Les
techniques comportementales et la psychothérapie ont
été longtemps les seules thérapeutiques proposées, bien
que leur efficacité à court terme soit limitée et que les
études manquent quant à leur efficacité à long terme.
Actuellement, il n’existe pas de médications spécifiquement commercialisées dans cette indication.
L’utilisation hors AMM des anesthésiques locaux, des
inhibiteurs de la phosphodiestérase et des inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine a pu être proposée. Actuellement,
ces derniers sont probablement les plus efficaces.
Mots clés : Éjaculation prématurée – Temps de latence
intravaginal – Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
Medical treatment of premature ejaculation
Abstract: Premature ejaculation (PE) is a common condition
associated with significant adverse effects on the sexual and
overall quality of life of men with this condition. Behavioral
therapies and psychotherapy have been the mainstay of PE
management for many years. However, evidence of their
short-term efficacy is limited while support for their longterm benefit is lacking. There are currently no medications
licensed specifically for the treatment of EP. Current ‘‘offlabel’’ pharmacotherapeutic approaches include topical
anesthetics, phosphodiesterase -5 inhibitors, and serotonin
reuptake inhibitor. Of these, the serotonin reuptake
inhibitors show the greatest efficacy.
Keywords: Premature Ejaculation – Intravaginal ejaculatory
latency time – Serotonine reuptake inhibitors
Introduction
L’éjaculation prématurée constitue le symptôme sexuel le
plus souvent rencontré, avec une fréquence estimée à 30 %
de la population masculine [2]. Son existence a un impact
important sur la qualité de vie en général et sur la qualité de
la vie sexuelle en particulier. De nombreux traitements ont
été essayés pour sa prise en charge, avec des stratégies très
diverses et des résultats pas toujours très bien évalués.
Beaucoup de patients ignorent que l’éjaculation prématurée
peut être traitée, et de nombreux médecins ne connaissent
pas très bien les différentes approches thérapeutiques.
Récemment, l’American Urological Association (AUA) à
publié une guideline [1] de la prise en charge pharmacologique de l’EP. Nous proposons dans cet article une mise au
point du traitement médical de l’EP.
Évaluation de l’éjaculation prématurée
L’évaluation de l’EP a toujours été difficile et le reste
actuellement. Ces difficultés sont liées à l’absence de
définition universellement admise et aux approches très
diversifiées utilisées par les différents spécialistes susceptibles de traiter ce type de symptôme : médecins généralistes,
urologues, psychiatres, sexologues... Certains de ces thérapeutes attendent que le patient se plaigne de la précocité de
son éjaculation, d’autres la recherche systématiquement.
Pour définir l’EP, on a mesuré le délai éjaculatoire, on a
compté le nombre de mouvements intravaginaux possibles,
et on a également étudié la satisfaction de l’homme et de sa
partenaire.
Actuellement la définition la plus utilisée pour l’EP
est un contrôle éjaculatoire inadéquat, problème affectant la satisfaction sexuelle des deux partenaires. Il est
possible de mesurer l’IVELT (intravaginal ejaculatory
latency time), très utile pour évaluer objectivement les
résultats des traitements médicaux. L’EP se définie alors
par l’existence d’un délai éjaculatoire inférieur ou égal à
3 minutes, cette définition permettant de sélectionner les
patients pour participer à des études protocolées.
Cette mesure est néanmoins très réductrice. Elle ne
tient pas compte du caractère primaire ou secondaire, de
l’ancienneté de l’EP, ni de l’histoire sexuelle du patient,
ni du contexte psychosocial dans lequel elle survient. Le
niveau d’anxiété du patient et de sa partenaire, le retentissement psychoaffectif du symptôme chez l’homme et
dans son couple ne sont pas pris en compte dans cette
définition. Tous ces éléments sont pourtant très importants à considérer pour diagnostiquer, évaluer et traiter
une EP.
74
La fiabilité de cette mesure n’est pas absolue, car il
existe des différences significatives entre le temps mesuré
par l’homme et l’estimation faite par sa partenaire.
Lorsque l’on veut évaluer le dysfonctionnent éjaculatoire, il faut aussi le replacer dans son contexte médical
et sexuel. L’EP peut être associée à une dysérection.
Parfois, l’instabilité de l’érection constitue la raison pour
laquelle l’éjaculation devient très rapide. Il a par ailleurs
été établi des liens entre l’EP et certaines pathologies
comme le diabète et d’autres atteintes neurologiques [3].
Enfin, l’existence d’une relation a été reconnue entre
l’abus de drogues et l’EP, tout particulièrement dans la
période de sevrage des opiacés [4].
Approches thérapeutiques de l’éjaculation
prématurée
Les traitements de l’EP peuvent être divisés en deux grandes
catégories : psychocomportementaux et pharmacologiques.
Les techniques de prise en charge comportementales qui ont
été le plus largement utilisées sont le stop-start et le squeeze.
Il n’y a pas actuellement d’agent pharmacologique qui ait
reçu l’AMM dans le traitement de l’EP, mais un certain
nombre de molécules ont été utilisées en dehors de leurs
indications pour traiter ce problème. Il s’agit des anesthésiques locaux, des inhibiteurs de la phosphodiestérase-5
(IPDE5) et des inhibiteurs spécifiques de la recapture de la
sérotonine (ISRS).
Traitements comportementaux et
psychothérapeutiques
Les traitements comportementaux ont été longtemps les
traitements de référence de l’EP, et ils restent, en l’absence de
mieux, l’approche la plus utilisée aujourd’hui.
Semans a été le premier à décrire la technique du squeeze
dans un rapport publié en 1956 [5]. Cette technique a été
largement popularisée dans les années 1970 dans le rapport
de Masters et Johnson [6]. Elle implique le retrait du pénis
pendant le rapport sexuel juste avant la sensation d’imminence éjaculatoire, la partenaire devant réaliser alors une
compression forte du gland pour « inhiber » le réflexe éjaculatoire.
Un certain nombre de praticiens et de patients considèrent que cette technique est infaisable.
La technique du stop-start, qui est utilisée depuis trente
ans, a été particulièrement popularisée par Kaplan en 1983
[7]. Cette méthode demande à l’homme de se concentrer sur
ses sensations préorgasmiques et de faire une pause durant
la stimulation sexuelle juste avant l’éjaculation. Cette pause
permet au patient de prendre conscience de la sensation
prééjaculatoire et de se conditionner pour augmenter son
contrôle de l’éjaculation.
La psychothérapie peut être efficace chez certains
hommes, en association ou non avec la thérapie compor-
tementale, en leur apprenant à moduler leurs réponses psychosexuelles et à acquérir un contrôle conscient de leur
réflexe éjaculatoire.
L’ensemble de ces techniques demande une participation et une attitude compréhensive du conjoint, et elles
donnent de meilleurs résultats quand la relation est
stable. L’apprentissage de ces traitements nécessite du
temps et une motivation particulière du patient et de sa
partenaire. Les résultats sont souvent longs à obtenir, ce
qui peut poser le problème du coût de ces prises en
charges, et les abandons sont fréquents. Les études
réalisées sur l’efficacité de ces techniques rapportent des
résultats nuancés : Clarke et Parry ont montré que 60 %
des patients utilisant le squeeze ont eu un bénéfice à
court terme [8], alors que De Amicis et al. ont trouvé que
les succès obtenus par les thérapies comportementales ne
se prolongeaient pas au-delà d’un délai de trois ans [9].
Traitements pharmacologiques de l’éjaculation
prématurée
De nombreuses études ont montré l’efficacité des anesthésiques locaux dans le traitement de l’EP. Chez le rat,
l’altération des efférences sensitives (chirurgicale ou par
anesthésiant locaux) au niveau du pénis modifie les réponses réflexes, diminue ses capacités à achever une intromission et retarde donc son éjaculation [10]. En 1943,
Schapiro a été le premier à décrire l’utilisation d’une crème
anesthésiante locale pour retarder l’éjaculation. L’application sur le gland d’une association de lidocaı̈ne-prilocaı̈ne
en gel, crème ou spray, ou bien des extraits d’herbes ayant
des vertus anesthésiantes (SS-cream de production
coréenne) permet de diminuer la sensibilité locale et retarde
de façon significative l’éjaculation [11]. Cependant ces
traitements ne constituent pas la solution idéale. Des
irritations locales et une hypoesthésie gênante peuvent
apparaı̂tre après leur utilisation, modifiant voire empêchant
parfois l’orgasme. Par ailleurs, des études ont montré que les
anesthésiques locaux peuvent induire une dysérection et une
diminution de l’excitation sexuelle. L’absorption transvaginale de ses substances peut provoquer un engourdissement de la cavité vaginale et déterminer une hypoorgasmie
chez la partenaire. Cet effet est prévenu par l’utilisation d’un
préservatif.
Les IPDE5 habituellement utilisés dans le traitement des
dysfonctions érectiles ont été testés dans des études cliniques pour le traitement de l’EP. Une augmentation de
l’IVELT a été rapportée avec le sildénafil, mais il s’agissait de
protocoles non contrôlés, sans groupe placebo, avec une
estimation initiale peu fiable de l’IVELT [12]. Une potentialisation des effets des ISRS par le sildénafil sur l’éjaculation a
également été évoquée, mais pas prouvée. En fait, il n’y pas
véritablement d’évidence quant à une éventuelle action
directe des IPDE5 sur le délai éjaculatoire. En revanche, il est
probable que ces médicaments améliorent indirectement le
75
contrôle de l’éjaculation lorsque l’EP est secondaire à une
dysérection. De plus, on peut imaginer que les IPDE5, en
améliorant la réponse érectile et le « confort » sexuel global,
diminuent les facteurs anxiogènes constamment présents en
cas d’EP, et sans doute déterminants dans la genèse de ce
symptôme.
La troisième classe de médicaments très utilisée dans le
traitement de l’EP est celle des inhibiteurs de la recapture de
la sérotonine. Le premier rapport indiquant l’effet de la
clomipramine sur l’éjaculation a été publié en 1973 [13].
L’efficacité des antidépresseurs sur l’EP a ensuite été
suggérée par Ahlenius en 1979, qui montrait que la
clomipramine (inhibiteur non sélectif de la sérotonine)
augmentait la latence éjaculatoire chez le rat en bloquant la
recapture centrale de la sérotonine [14]. L’efficacité de ce
traitement (à une dose variant entre 10 et 50 mg), démontrée
par de nombreuses études cliniques, était contrariée par des
effets secondaires importants (effets anticholinergiques,
réduction du désir sexuel, diminution des sensations
sexuelles...), et actuellement cette molécule est très peu
utilisée. L’arrivée des inhibiteurs spécifiques de la sérotonine (ISRS) dans les années 1980 (citalopram, fluoxétine,
fluvoxamine, paroxétine et sertraline), dont les mécanismes
d’action sont très proches, a complètement modifié
l’approche thérapeutique de l’EP. De nombreuses études
contrôlées effectuées chez l’homme ont démontré la capacité
des ISRS à retarder l’éjaculation [15, 16]. Cependant, cette
action diffère d’une molécule à l’autre. Une étude comparative réalisée par Waldinger et al. en 1998 [17] a montré une
efficacité supérieure de la fluoxétine et de la paroxétine sur la
sertraline, et l’absence d’effet de la fluvoxamine et du
citalopram. L’activité inhibitrice équivalente de ces molécules sur la recapture de la sérotonine ne peut pas expliquer
leurs effets différents pour retarder l’éjaculation. L’effet
retardateur des ISRS sur l’éjaculation pourrait résulter d’un
profil pharmacologique complexe, incluant peut-être une
action directe sur certains sous-types de récepteurs
sérotoninergiques, en plus de l’augmentation globale des
taux extracellulaires de sérotonine. Il faut savoir que si
l’augmentation globale de la transmission sérotoninergique
retarde l’éjaculation, la stimulation spécifique de récepteurs
sérotoninergiques a des effets différents suivant le sous-type
considéré. Par exemple, chez le rat, la stimulation sélective
des récepteurs 5-HT1A accélère la survenue de l’éjaculation,
tandis que la stimulation des récepteurs 5-HT1B la retarde.
La plupart des études sur les ISRS ont été réalisées sur un
traitement journalier pendant plusieurs semaines, avec des
mesures du IVELT faites après 4 ou 6 semaines de traitement
avec des doses variables : 20-40 mg pour la paroxétine,
50-100 mg pour la sertraline et 20-40 mg pour la fluoxétine.
L’étude comparative randomisée en double aveugle contre
placebo de Waldinger montrait que la prise de paroxétine
50 mg par jour faisait passer l’IVELT de 30 secondes à
450 secondes après 6 semaines de traitement. L’utilisation
des ISRS s’accompagne d’effets secondaires, le plus souvent
mineurs et très variables selon les patients, à type de
nausées, somnolence, asthénie, troubles cognitifs retentissant parfois sur la sexualité avec l’apparition d’une
diminution de la libido, voire d’une dysérection. Ces effets
secondaires sont surtout présents la première semaine de
traitement et disparaissent progressivement en 2 à 3 semaines. Pour éviter ces effets, le traitement peut être prescrit
à doses progressives. Par ailleurs, on conseille pour tous les
ISRS sauf la fluoxétine un arrêt progressif du traitement. Si
l’efficacité à court terme de ces médicaments est prouvée sur
l’EP, en revanche, les effets positifs au long cours et après
l’arrêt du traitement n’ont pas été correctement évalués.
L’expérience clinique de ces traitements appelle une certaine
réserve sur leur efficacité au long cours, et, à l’arrêt des
traitements, les rechutes sont fréquentes.
Quelques études ont été réalisées avec les ISRS sur
une prise intermittente (avant un rapport sexuel). Les
résultats obtenus, non contrôlés, ne permettent de dire si
ce mode d’administration donne des résultats équivalents, mais les molécules actuelles ont des délais d’action
assez longs, ce qui limite leur utilisation pour une prise à
la demande.
Récemment, des travaux ont été présentés sur l’action
d’un nouvel ISRS, la dapoxétine [18], dont la rapidité
d’action et l’élimination rapide permettrait une prise à la
demande plus adéquate. L’efficacité de cette molécule est
démontrée, mais reste à connaı̂tre la dose appropriée et
les effets secondaires éventuels.
Conclusion
L’efficacité des traitements médicaux sur l’EP n’est plus à
démontrer. Les résultats, toutes méthodes confondues,
ne sont cependant pas véritablement évalués sur le long
terme, et l’expérience clinique des différents thérapeutes
prenant en charge ce problème met en évidence des
rechutes fréquentes et des échecs des traitements.
Il y a probablement des raisons multiples pour qu’un
homme soit, ou devienne, un éjaculateur précoce, et la
prise en charge doit s’adapter à chaque situation. Si on se
limite aux différents traitements décrits dans cette mise
au point, il est probable que les meilleurs résultats sur
l’EP, au moins à court terme, soient obtenus en associant
les différentes méthodes de traitement. Il faudra sans
doute encore patienter pour qu’un traitement « miracle »,
susceptible de changer pour toujours la vie sexuelle de
tous ces éjaculateurs précoces, soit disponible.
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Pelvi-périnéologie (2006) 1: 77–85
© Springer 2006
DOI 10.1007/s11608-006-0017-9
ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE
Les vessies neurologiques et leurs complications dans la
sclérose en plaques : revue de la littérature
M. de Sèze 1 , A. Ruffion 2 , P. Denys 3 , P.A. Joseph 4 , B. Perrouin-Verbe 5
1
Unité d’Évaluation et de Traitement du handicap urinaire, Service de Médecine physique et de réadaptation, CHU Pellegrin,
33076 Bordeaux Cedex, France
2
Service d’Urologie, Hôpital Henri-Gabriel, CHU Lyon, 69003 Lyon Cedex, France
3
Service de Rééducation neurologique, Hôpital Raymond-Poincaré, 92380 Garches Cedex, France
4
Service de Médecine physique et de réadaptation, CHU Pellegrin, 33076 Bordeaux Cedex, France
5
Service de Médecine physique et de réadaptation, Hôpital Saint-Jacques, CHU de Nantes, 44093 Nantes Cedex, France
Résumé : Les troubles vésico-sphinctériens sont extrêmement fréquents dans la SEP, et ils sont responsables
d’un retentissement fonctionnel lié aux conséquences des
désordres mictionnels sur la qualité de vie quotidienne et
organique, secondaire aux complications des neurovessies sur l’appareil urinaire. Si l’impact fonctionnel et ses
modes de prise en charge sont bien documentés dans la
littérature, l’impact organique reste sous-évalué, et il
n’existe pas de guide consensuel de prise en charge
pratique visant à dépister et à prévenir les complications
uro-néphrologiques des neurovessies de la SEP.
La première partie de notre travail avait pour objectif
d’identifier, par une analyse exhaustive de la littérature, les
facteurs influençant le pronostic des complications uronéphrologiques dans la SEP. La seconde partie, réalisée
conjointement avec le GENULF (Groupe d’étude neurourologique de langue française) et rapportée ultérieurement,
proposera des recommandations éclairées pour la surveillance à moyen et long terme des neurovessies dans la SEP
conformément à la méthodologie préconisée par l’ANAES.
Mots clés : Vessie neurologique – Sclérose en plaques –
Pronostic uro-néphrologique
Neurogenic bladder in Multiple Sclerosis: Review and
proposal of management guidelines
Abstract: Micturitional disorders are very frequent in
multiple sclerosis, leading to functional repercussion on
daily life activity and to morphologic damage on upper
urinary tract. The functional impact of bladder disorders
and its management is widely documented but the organic
consequence remained underestimated and there is none
consensual proposal for practical follow-up. Our purpose
Correspondance : marianne.de-seze@chu-bordeaux-fr
was to perform a detailed review on the literature concerning
the neurogenic bladder in multiple sclerosis, analysing the
risk factor for upper tract deterioration, in order to be
helpfull for the proposal of a documented guidelines for
comprehensive management in the middle and long term.
Keywords: Neurogenic bladder – Multiple sclerosis – Upper
urinary tract abnormalities
Introduction
Si la fréquence des troubles vésico-sphinctériens (TVS) dans
la sclérose en plaques (SEP) est reconnue par tous, leur
morbidité uro-néphrologique est classiquement réputée
modeste, et l’on considère que leur retentissement fonctionnel supplante largement leur retentissement organique.
Cette revue de la littérature, qui s’attache à identifier les
facteurs de risque de complication uro-néphrologique dans
la SEP, a pour objectif de proposer une base de réflexion
éclairée aidant à la définition ultérieure d’un guide de
recommandations pour le suivi des neurovessies dans la
SEP, afin d’en améliorer la prévention et la prise en charge
thérapeutique.
Matériels et méthodes
Notre recherche documentaire a reposé sur une interrogation systématique des banques de données Medline, Embase
et Pascal, dont l’indexation comprenait un ou plusieurs des
mots clefs neurogenic bladder, multiple sclerosis, upper
urinary tract abnormalities, bladder dysfunction. Elle a
été complétée par une analyse de la « littérature grise »,
représentée par les ouvrages et rapports de congrès ou
symposiums spécifiques des neurovessies et les conférences
78
de consensus de l’ANAES sur la SEP et les infections
urinaires nosocomiales.
Conformément au guide d’analyse de la littérature et
de gradation des recommandations de l’ANAES [1], les
publications ont été catégorisées en fonction de leur
niveau de preuve (NP) scientifique :
– le niveau 1, dit de preuve scientifique établie (NP1),
comprenait les essais comparatifs randomisés de grande
puissance, les métaanalyses et les analyses de décisions
fondées sur des études bien menées. Il autorisait la
formulation de recommandations de grade A ;
– le niveau 2, dit de présomption scientifique (NP2),
reposait sur les essais comparatifs randomisés de faible
puissance, les études comparatives non randomisées bien
menées et les études de cohortes. Il autorisait la
formulation de recommandations de grade B ;
– Les niveaux 3 et 4, dits de faibles niveaux de preuves
scientifiques, comprenaient respectivement les études castémoins (NP3), puis les études comparatives comportant des
biais importants, les études rétrospectives, les séries de cas et
les études épidémiologiques descriptives (NP4). Ils autorisaient la formulation de recommandations de grade C.
Analyse de la littérature
Sur les deux cent deux références indexées ces trente
dernières années dans les banques de données et la
littérature grise abordant les neurovessies des SEP,
cinquante-deux ont fourni des informations descriptives
ou analytiques exploitables pour la rédaction du présent
document. Parmi elles, vingt-deux intégraient la classification de l’ANAES de niveau 1, et quinze celle de niveau 2
(Tableaux I-III).
Les troubles vésico-sphinctériens dans la sclérose
en plaques
E´pidémiologie
Les troubles vésico-sphinctériens (TVS) sont quasi inéluctables au cours de l’évolution d’une SEP, et les fluctuations de
leur taux de prévalence, rapportées entre 32 % et 96,8 %,
reflètent davantage une estimation à un temps d’évolution
différent de la maladie qu’une hétérogénéité d’incidence
(Tableau I) [2-20]. Apparaissant en moyenne 6 ans après le
début de la maladie (5 à 9,5 ans) [2, 9, 13, 14, 16, 21, 23], ces
troubles peuvent affecter un patient sur dix dès la première
poussée [24-28]. Ce caractère inaugural a été corrélé avec la
sévérité du tableau clinique et urodynamique vésicosphinctérien ultérieur, et il pourrait majorer la morbidité
vésico-sphinctérienne [29] (NP1).
Typologie clinique et facteur d’influence (Tableau I)
La prédominance des TVS irritatifs, caractérisés par une
impériosité, une pollakiurie et/ou une incontinence par
impériosité, est constamment rapportée avec une prévalence
de 37 à 99 % des patients [2-22]. Les symptômes obstructifs
arrivent en second plan, affectant 34 à 79 % des patients, et
ils mènent dans 25 % des cas à une rétention urinaire
chronique [2-22]. Symptômes irritatifs et obstructifs sont
souvent associés, pouvant affecter conjointement jusqu’à
59 % des hommes et 51 % des femmes [15].
La symptomatologie clinique est polymorphe au
cours du temps, et l’apparition de nouveaux symptômes,
majoritairement irritatifs, peut concerner jusqu’à un
tiers des patients en 42 mois [30]. La typologie clinique
Tableau I. Typologie clinique des symptômes vésico-sphinctériens dans la SEP
Auteur Niveau
preuve (NP)
Amarenco, 1995 NP1
Andersen, 1976 NP2
Awad, 1984 NP2
Bemelmans, 1991 NP2
Betts, 1993 NP1
Bradley, 1978 NP4
De Ridder, 1998 NP2
Eardley, 1991 NP2
Gallien, 1998 NP1
Giannantoni, 1998 NP1
Goldstein, 1983 NP4
Gonor, 1985 NP2
Hennessey, 1999 NP1
Kasabian, 1995 NP2
Koldewijn, 1995 NP1
Philp, 1981 NP2
Porru, 1997 NP1
Nombre de
patients
Durée
moyenne
d’évolution
de la SEP
225
62
47
40
170
90
30
24
149
116
86
64
221
32
211
52
120
13,3 ans
12,2 ans
16 ans
5,4 ans
12 ans
NC
NC
11 ans
13 ans
14,5 ans
NC
13 ans
NC
18 ans
6,5 ans
10 ans
1 à > 109 mois
Délai
Prévalence Prévalence Prévalence Prévalence Prévalence
apparition impériosité pollakiurie incontinence
dysurie
rétention
TVS
/impériosité
urinaire
7,8 ans
4,9 ans
NC
NC
6 ans
NC
NC
NC
6 ans
7,1 ans
NC
4,6 ans
NC
NC
NC
5 ans
NC
72 %
71 %
85 %
85 %
86 %
36,6 %
41,6
69,1 %
32
70
71
44
%
%
%
%
61 %
42
38,5
65
25
82
60
36,6
%
%
%
%
%
%
%
67,7
99
32
48
76
66
38
59
36
%
%
%
%
%
%
%
%
%
63 %
50 %
72 %
63 %
80 %
41,6 %
69,1 %
49
56
19
66
%
%
%
%
46
12
36
17,5
49
28
%
%
%
%
%
%
24 %
32,7 %
25 %
8,3 %
79,5 %
52 %
30
48
6
26
%
%
%
%
34 %
20 %
73,8 %
27 %
47 %
49 %
NP : niveau de preuve ANAES [1], NC : non connu, SEP : sclérose en plaques, TVS : troubles vésico-sphinctériens
49 %
79
Tableau II. Typologie urodynamique des symptômes vésico-sphinctériens dans la SEP
Auteur niveau
de preuve NP
Amarenco, 1995-96 NP1
Anderson, 1976 NP2
Araki, 2003 NP2
Awad, 1984 NP2
Barbalias, 1998 NP2
Bemelmans, 1991 NP2
Betts, 1993 NP1
Blaivas, 1979 NP2
Bradley, 1978 NP4
Cianco, 2001 NP2
De Ridder, 1998 NP2
Eardley, 1991 NP2
Gallien, 1998 NP1
Giannantoni, 1998 NP1
Goldstein, 1982 NP4
Gonor, 1985 NP2
Hinson, 1993 NP2
Kasabian, 1995 NP2
Koldewijn, 1995 (NP1)
Mayo, 1992 NP2
Petersen, 1984 NP2
Philp, 1981 NP2
Piazza, 1979 NP4
Schoenberg, 1979 NP2
Sirls, 1994 NP4
Summers, 1978 NP4
Nombre
de
patients
225
52
32
57
90
40
170
41
302
22
30
24
149
116
86
64
70
32
212
89
88
52
31
39
113
50
Durée
d’évolution
moyenne de
la SEP (et TVS)
13,3
12,2
11,8
16
5
5,4
12
12
11
13
14,5
13
18
6,5
12
15
10
9,9
1-6
ans
ans
ans
ans
ans
ans
ans
ans
(7,8 ans)
(4,9 ans)
(NC)
(NC)
(NC)
(NC)
(6 ans)
(7 ans)
NC (NC)
NC (NC)
ans (NC)
ans (6 ans)
ans (7,1 ans)
NC
ans (4,6 ans)
NC (NC)
ans (NC)
ans (NC)
ans (4 ans)
ans (NC)
ans (5 ans)
NC (NC)
NC (NC)
ans (NC)
ans (NC)
Hyperactivité Hypoactivité Normo-activité Défaut de
du détrusor du détrusor
vésicale
compliance
70
63,5
43,7
66
57,7
22,5
91
56
62
68
43
63
41
81
76
78
63
56
34
78
83
99
74
69
70
52
vésico-sphinctérienne apparaı̂t globalement peu informative
du type et de la sévérité des TVS [2, 9, 20]. Il existe peu de
corrélations entre la symptomatologie clinique et urodynamique, et si une association entre symptômes irritatifs et
hyperactivité du détrusor est parfois rapportée [8-9], elle
n’est pas objectivée par la majorité des études de
méthodologie satisfaisante [2, 13, 21, 25, 30, 31].
Parmi les facteurs susceptibles d’influencer la typologie
clinique des TVS dans la SEP, deux facteurs, dont
l’indépendance n’est pas affirmée, bénéficient d’un niveau
de preuve établie : la durée d’évolution de la SEP et la
sévérité des déficiences et incapacités neurologiques. La
durée d’évolution de la SEP apparaı̂t significativement
corrélée avec la présence et la sévérité des TVS cliniques,
mais pas avec leur type [5, 6, 20, 22, 29, 32]. La prévalence des
TVS cliniques apparaı̂t corrélée avec la sévérité des
déficiences globales (score EDSS, échelle de Kurtzke) [5, 6,
9, 20, 32, 33], et celle des symptômes irritatifs est également
corrélée avec la sévérité de l’atteinte pyramidale (signe de
Babinski, score pyramidal de l’EDSS) [5, 9, 20]. La
corrélation entre la rétention urinaire et le statut neurologique reste débattue [34, 35].
Il n’existe pas de preuve scientifique de l’influence de
la forme évolutive de la SEP sur la typologie clinique VS,
excepté une présomption de preuve entre poussée de SEP
et syndrome obstructif [20].
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
9
32,7
37,5
21
16,6
12,5
0
40
34
14
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
21
3,8
3,1
12
%
%
%
%
32
9
4
24
14
%
%
%
%
%
13
25
24,1
19
20
28
31
8
6
16
0
6
5
15
12
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
25
34
10,3
6
2
9
13
34
12
1
1
9
15
6
18
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
%
2%
3,1 %
5,5 %
Dyssynergie
vésicosphinctérienne
82
30,8
40,6
52
30
%
%
%
%
%
30 %
10,3 %
23 %
36,6 %
27 %
59,7 %
42,2 %
66 %
12 %
21 %
5%
13 %
6%
41 %
37 %
47 %
50 %
28 % (15/54)
12 %
Sur le plan démographique, l’âge n’exerce pas d’influence directe, mais le genre pourrait, comme dans la
population générale, prédisposer les femmes à l’incontinence urinaire et aux symptômes irritatifs, et les hommes
aux symptômes obstructifs [3, 6, 10, 15, 20, 23, 27, 28].
Typologie urodynamique et facteur d’influence [2, 3, 5,
8-17, 19-21, 23, 27, 30-33, 36-38, 41-44]
La faible spécificité des symptômes cliniques dans les TVS
de la SEP justifie de recourir aux explorations urodynamiques pour en satisfaire l’expertise. Le tableau cystomanométrique le plus fréquent est l’hyperactivité du détrusor
(médiane de survenue : 65 % ; extrêmes : 34 à 99 %), suivi
par l’hypoactivité du détrusor (médiane de survenue : 25 % ;
extrêmes : 0 à 40 %) et le défaut de compliance (2 à 10 %)
(Tableau II). La dyssynergie vésico-sphinctérienne (DVS)
est inconstamment et diversement estimée, avec une
prévalence comprise entre 5 et 83 % et une médiane de
35 %. La cystomanométrie peut être considérée comme
normale chez 1 à 34 % des patients symptomatiques
[25-26]. L’association des tableaux urodynamiques est
fréquente : l’hyperactivité du détrusor peut s’associer à une
DVS chez 43 à 80 % [2, 25, 44-45] des patients et à une
acontractilité vésicale chez 5 à 9 % d’entre eux [29-30]. Les
225
13,4 ans
52
12,2 ans
90
5 ans
40
4,6 ans
170
12 (0,5-48)
41
12 (2-39)
149
13 ans
116
14,5 ans
64
13 (0,5-40)
221
NC
32
18 ans
212
6,5 ans
89
12 ans
88
15 ans
120 1 mois à > 9 ans
113
9,9 ans
48
13,4 ans
Amarenco, 1995-96 (NP1)
Andersen, 1976 (NP2)
Barbalias, 1999 (NP2)
Bemelmans, 1991 (NP2)
Betts, 1992 (NP1)
Blaivas, 1979 (NP2)
Gallien, 1994-1998 (NP1)
Giannantoni, 1998 (NP1)
Gonor, 1885 (NP2)
Henessey, 1998 (NP1)
Kasabian, 1995 (NP2)
Koldewijn, 1995 (NP1)
Mayo, 1992 (NP2)
Petersen, 1984 (NP)
Porru, 1997 (NP1)
Sirls, 1994 (NP4)
Sliwa, 1996 (NP1)
Durée
évolution
SEP
N
Auteur (niveau preuve NP)
7,8 ans
4,9 ans
NC
NC
6 ans
7 ans
6 ans
7,1 ans
4,6 ans
NC
NC
NC
4 ans
NC
NC
NC
NC
Durée
évolution
TVS
Tableau III. Complications uro-néphrologiques dans la SEP
NC
3,3 %
4%
21 %
20 %
3,8 % (1/26)
0%
NC
15 %
NC
NC
56 %
0%
36,6 %
17,3 %
13,3 %
0%
NC
NC
32,8 %
NC
74 %
30 %
NC
11,8 %
19 %
27 %
NC
21 %
54 %
49,4 %
NC
16,6 %
NC
NC
NC
NC
30,1 %
75 %
4%
NC
NC
12 %
NC
NC
NC
29 %
Prévalence Infections Détérioration
globale
urinaires bas appareil
basses
Reflux
vésicourétéral
15,5 %
3,3 %
0%
0%
2,2 %
6,6 %
0%
0%
NC
0%
0%
15 % (n = 6)
22,8 %
NC
NC
5,2 %
3 % (n = 2/64) 5 % (1/20)
NC
NC
NC
0%
11 %
3%
NC
3,4 %
9 % (6/66)
14 %(6/57)
NC
NC
NC
1,9 %
NC
4,2 %
Infections
urinaires
hautes
Insuffisance
rénale
Lithiase
urinaire
3,8 %
0%
3,8 %
0%
0%
NC
15,5 %
NC
10 %
0%
0%
0%
3,6 % (2/56)
0%
0%
NC
NC
NC
2 % (3/149) 2 % (3/149)
6%
0%
6%
2,8 % (1/35) 0 % (n = 64)
NC
11 % (6/54)
3%
3%
3,8 % (1/26)
NC
0 % (rénal)
0,9 %
NC
NC
2,2 %
NC
2,2 %
NC
NC
NC
3,3 %
NC
NC
6,6 %
0%
4,7 %
1,8 %
0%
10,8 %
Dilatation
haut
appareil
80
81
tableaux cystomanométriques peuvent se modifier au cours
du temps indépendamment de la stabilité clinique, neurologique et mictionnelle [16, 30, 46]. Dans la série de Cianco, 55 %
des vingt-deux patients évalués par cystomanométries
répétées présentaient des modifications de leur capacité
vésicale, contractilité, pressions ou compliance du détrusor
en 42 mois [30]. Seule la DVS apparaı̂t stable dans le temps, se
maintenant chez 60 % des patients [16, 30, 46]. Il n’existe pas
d’argument suffisant pour retenir une influence directe de
l’âge sur la typologie urodynamique des TVS de la SEP. Le
sexe pourrait en revanche être un facteur indépendant
d’influence avec une augmentation significative de l’amplitude maximum des contractions désinhibées du detrusor
leak point pressure et de la pression maximum du détrusor
chez l’homme par rapport à la femme [15] (NP1).
La durée d’évolution de la SEP n’influence la
typologie urodynamique des TVS que pour la DVS,
dont la prévalence augmente au fil du temps, probablement en raison de son faible taux de régression après
apparition [16, 23, 30, 46] et de son incidence croissante
avec le temps [22]. Présente chez 13 % des patients à 48
mois d’évolution de SEP, une DVS est notée chez 15 %
d’entre eux entre 48 et 109 mois d’évolution et chez 48 %
d’entre eux après 109 mois [22]. Il n’existe pas de
typologie urodynamique spécifique des formes rémittentes ou progressives de SEP, mais un lien a été rapporté
entre l’activité de la SEP (taux de basic protein dans le
LCR) et la présence d’une DVS et/ou d’une hyperactivité
du détrusor [20].
Des corrélations entre les statuts neurologique et
cystomanométrique ont été rapportées : la corrélation
entre l’hyperactivité du détrusor et la sévérité des déficiences
sensitivo-motrices (EDSS) ou de l’atteinte pyramidale
apparaı̂t probable [9, 15, 29] ; celle entre la DVS et l’atteinte
pyramidale ou le degré d’incapacité est possible [11, 15, 29] ;
mais celle entre hypocontractilité du détrusor et statut
neurologique n’est pas définie [20]. Enfin, l’existence de
corrélations entre certains sites lésionnels et les données
cystomanométriques demeure débattue [33, 47, 48] : la
présence de plaques encéphaliques ou suprasacrées pourrait
prédisposer à la DVS, et celles du tronc cérébral à
l’hypocontractilité du détrusor [33, 41, 45].
Les complications uro-néphrologiques des troubles
vésico-sphinctériens dans la sclérose en plaques
E´pidémiologie et typologie
Toutes études confondues, la prévalence globale des
complications uro-néphrologiques dans la SEP est comprise
entre 0 et 40 % dans les dix-huit premières années
d’évolution de la SEP [3, 8-9, 13-15, 17-20, 22-23, 27-29, 3132, 43-44, 50].
Complications du bas appareil urinaire
Les infections urinaires basses, dont la définition (outil
et seuil diagnostiques, caractère symptomatique) n’est pas
systématiquement précisée, sont rapportées chez 30 % des
patients en moyenne (extrêmes : 13 à 80 %) [3, 8-9, 13, 17-18,
27, 31-32, 43-44]. Seule une étude clinique consacrée au
facteur de risque infectieux urinaire bas dans la SEP a été
retrouvée. Elle souligne l’influence délétère du volume du
résidu postmictionnel (180 ml versus 119 ml de résidu moyen
chez les patients présentant ou non des infections urinaires)
et du sexe féminin (42 % d’infection urinaire chez les
femmes versus 17 % chez les hommes) [14]. Il n’a pas été
retrouvé d’étude consacrée aux facteurs de risque potentiels
spécifiques de la population SEP, tels que l’exposition aux
traitements immunosuppresseurs ou cysto-néphrotoxiques.
Par analogie avec les autres pathologies neurologiques, et
notamment médullaires, il est considéré que le port d’une
sonde à demeure, les pressions vésicales élevées et, chez le
patient ne se sondant pas, l’existence d’un résidu postmictionnel supérieur à 300 ml peuvent favoriser leur
occurrence [39-40, 49].
Les altérations morphologiques du bas appareil
urinaire sont rapportées chez 30 % des patients en
moyenne (extrêmes : 4 à 49 %), et elles comprennent des
diverticules vésicaux, des trabéculations et des épaississement pariétaux dont l’importance relative n’est pas
précisée [3, 8-9, 13-15, 17-20, 22-23, 27-29, 31-32, 43-44].
Trois travaux, dont une étude rétrospective de niveau de
preuve 1, suggèrent que le risque de cancer vésical serait plus
important dans la SEP que dans la population générale, et ce
particulièrement pour les patients en sondage chronique
(sonde à demeure SAD ou cathéter sus-pubien KT) ayant été
traités par immunosuppresseurs [51-53]. Outre deux castémoins de condylomes chez deux patientes SEP traitées par
immunosuppresseurs pendant 13 ans [51-52], De Ridder
rapporte la survenue de sept cancers vésicaux, six carcinomes à cellules transitionnelles et un carcinome épidermoı̈de dans une population de 2 351 patients évalués sur une
période de 31 ans [53]. Dans cette série, les 1 271 patients
porteurs d’une SAD ou d’un KT ont bénéficié d’une
surveillance cystoscopique annuelle avec biopsies à la
pince devant tout aspect macroscopique douteux. Six des
sept cancers vésicaux sont survenus chez des patients en
SAD/KT depuis 3,3 ans, et le dernier chez un patient en
autosondage intermittent (ASI) depuis 4 ans. Le principal
signe d’appel était une hématurie. Les sept patients avaient
été préalablement traités par cyclophosphamide (dose
cumulée moyenne de 60,8 g), interrompu depuis 5,8 ans
en moyenne.
L’incidence globale des cancers vésicaux dans cette
population SEP était de 0,29 %, supérieure à celle de la
population générale (0,018 chez l’homme, 0,004 chez la
femme) et proche de celle de la population médullaire
traumatique (0,27 et 9,6 %). Le risque de cancers vésicaux
apparaissait plus important chez les patients en SAD/KT
(incidence de 0,7 %) et chez ceux en ASI (incidence de
0,23 %), avec un risque maximal dans la sous-population de
patients en sondages chroniques ayant été traités par
immunosuppresseurs (incidence de 5,7 %) [53].
82
Nombre cumulé de sujets SEP
1330
1320
1310
1300
1290
1280
14
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
x
Reflux en fonction du début de maladie (ans)
Fig. 1. Incidence cumulée des reflux vésico-urétéraux en fonction de la durée
d’évolution de la SEP (Données de 1 348 sujets issues de 14 études – 60 reflux
identifiés)
,6
,5
,4
Reflux incidents annuels
Dix-sept études cliniques fournissent des données
exploitables sur la prévalence des complications uronéphrologiques dans la SEP [3, 8-9, 13-15, 17-20, 22-23, 2729, 31-32, 43-44, 54]. Il s’agit majoritairement d’études
rétrospectives, précisant les durées moyennes d’évolution de la SEP et de suivi des patients. Le calcul des
incidences cumulées des évènements morbides survenus
au cours du temps dans ces études, exposé dans les
figures 1 à 4, illustre un taux de prévalence croissant des
complications au fil du temps. Ces études ne précisant
pas le délai d’apparition des évènements uro-néphrologiques depuis le début de la maladie, il est difficile de
définir avec précision les périodes à risque de complications
sur le bas et le haut appareil urinaire des TVS dans la SEP. La
1340
lu
ef
Influence de la durée d’évolution de la SEP
1350
2
1
Facteurs de risque des complications uro-néphrologiques
dans la SEP
1360
0 sr
n
Sa
Complications du haut appareil urinaire
Elles sont rapportées chez 12 % des patients en moyenne
(extrêmes de 0 à 25 % ) [3, 8-9, 13-15, 17-20, 22-23, 27-29, 31-32,
43-44, 50]. Elles comprennent, par ordre de fréquence, les
infections urinaires hautes, avec une incidence médiane de
8 % (0 à 23 %), les dilatations du haut appareil urinaire,
objectivées chez 8 % des patients (0 à 25 %) et les reflux
vésico-urétéraux, retrouvés chez 5 % des patients (0 à 15 %).
La prévalence des lithiases urinaires est diversement
appréciée (2 à 11 %), et leur localisation sur l’arbre urinaire
rarement précisée. Enfin, la majorité des études rapporte le
caractère exceptionnel de l’insuffisance rénale dans la SEP
et il n’a pas été mis en évidence d’augmentation de risque
d’insuffisance rénale dans la population SEP par rapport à la
population générale anglaise, à la différence des populations
de patients présentant une lésion médullaire traumatique ou
malformative, chez lesquelles le risque de développement
d’une insuffisance rénale sévère est accru respectivement
d’un facteur 5 et 8 [54].
Mortalité uro-néphrologique
Elle reste sous-évaluée dans la SEP : deux études
mentionnent le taux de décès lié à une cause urologique,
affectant respectivement 55 % de vingt décès pour l’une et
5 % de soixante-quinze décès pour l’autre [55-56]. Une étude
épidémiologique hollandaise évaluant les facteurs influençant la durée de vie de deux cent seize patients SEP
n’objective aucun décès par cause urologique, mais rapporte
un taux de survie après 40 ans d’évolution de SEP
significativement inférieur chez les patients dont les TVS
ont débuté durant les dix premières années d’évolution de la
SEP (6,4 % de survivants), par rapport aux patients dont les
TVS sont apparus après 10 ans (29,2 % de survivants) [24]
(NP1). L’ancienneté des troubles vésico-sphinctériens pourrait ainsi avoir une incidence négative sur la mortalité dans
la SEP, mais l’indépendance de ce facteur n’est pas affirmée,
et l’influence de leur prise en charge n’est pas documentée.
,3
,2
,1
0,0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10 11 12 13 14
Délai début SEP (ans)
Fig. 2. Incidence annuelle cumulée des reflux vésico-urétéraux en fonction
de la durée d’évolution de la SEP (hypothèse linéaire). Données de 1 348
sujets issues de 14 études – 60 reflux identifiés)
pente des incidences cumulées (Figs. 1-4) suggère cependant que le risque de survenue de complications uronéphrologiques s’accentue dès une période comprise entre
la sixième et la huitième année de suivi. Deux études
83
980
Nombre cumulé de sujets SEP
960
940
920
900
880
860
15
14
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
n
io
2
ct
fe
1 s In
n
Sa
Infections haut appareil / début maladie (ans)
Fig. 3. Incidence annuelle cumulée des infections du haut appareil en
fonction de la durée d’évolution de la SEP (hypothèse linéaire). (Données de
961 sujets issues de 9 études – 95 sujets infectés identifiés)
1210
Nombre cumulé de sujets SEP
1200
1190
1180
1170
1160
1150
1140
14
12
11
10
9
8
6
7
4
5
3
2
tio
ta
la
1 di
ns
Sa
n
Dilatation haut appareil / début maladie (ans)
Fig. 4. Incidence annuelle cumulée des dilatations du haut appareil en
fonction de la durée d’évolution de la SEP (hypothèse linéaire). (Données de
1 200 sujets issues de 11 études – 52 sujets avec dilatations identifiés)
prennent en compte la prévalence globale des complications
du haut appareil urinaire en fonction de la durée d’évolution
de la maladie [15, 43] : elles mentionnent que cette dernière
est plus élevée dans les sous-populations de patients
présentant des complications du haut appareil urinaire
que chez les patients indemnes de complications, avec des
valeurs respectives de 15,2 ans versus 11 ans [43] et de 17,8 ans
versus 13,4 ans [15]. Une corrélation entre la durée
d’évolution de la SEP et le risque de pyélonéphrite [13-14]
ou d’altérations du bas appareil urinaire [15] a également été
rapportée.
– Influence du genre : il n’a pas été retrouvé de
corrélation directe entre le sexe et les complications uronéphrologiques [15, 43]. Le genre masculin pourrait
constituer un facteur de risque indirect par la fréquence
accrue chez l’homme de caractéristiques urodynamiques
prédisposant aux altérations du haut appareil urinaire
(pression du détrusor et amplitude des contractions non
inhibées du détrusor) [15] (NP1). Un risque accru de
pyélonéphrite a également été rapporté chez l’homme
souffrant d’infections urinaires basses [13-14].
– Influence de l’âge : deux études de haut niveau de
preuve objectivent un âge moyen plus élevé dans la
population de patients présentant des complications hautes
que dans celle n’en présentant pas (respectivement de 50,6
versus 46 ans [2] et 53,1 ans versus 45,5 ans [15]). L’influence
néfaste de l’âge pourrait cependant traduire celle d’une
durée d’évolution prolongée de la SEP.
– L’influence des formes évolutives de SEP : sur le pronostic uro-néphrologique, elle n’est pas démontrée [9, 15].
– Une corrélation entre la sévérité de l’atteinte pyramidale et la prévalence des complications du haut appareil
urinaire a été rapportée [14-15, 45], avec un score pyramidal
moyen d’EDSS de 4,1 versus 3,1 respectivement chez les
patients présentant ou non une atteinte du haut appareil
urinaire [15]. Cette donnée n’est cependant pas systématiquement rapportée et peut, comme l’âge, refléter un risque
inhérent à la durée d’évolution prolongée de la maladie.
– L’influence du statut clinique vésico-sphinctérien
sur le pronostic uro-néphrologique est modeste [15, 43],
et seule une fréquence accrue de pyélonéphrite chez les
patients présentant un résidu postmictionnel > à 30 % de
la capacité vésicale a pu être rapportée [14]. Sur le plan
urodynamique, des corrélations ont été rapportées entre
la prévalence des complications du haut appareil urinaire
et la forte amplitude des contractions non inhibées du
détrusor [4, 15], ainsi qu’entre les altérations morphologiques du bas appareil urinaire et les pressions vésicales
maximales élevées (corrélation positive) ou l’hypocontractilité du détrusor (corrélation négative) [15].
L’influence de la DVS sur le pronostic uro-néphrologique
dans la SEP est débattue. Plusieurs travaux de bon niveau de
preuve n’objectivent pas de corrélations entre les prévalences de la DVS et des complications urinaires [2, 15, 29, 43],
mais une métaanalyse rapporte que les 7 des 2 076 patients
ayant présenté une complication du haut appareil avaient
une DVS [20], et une corrélation entre présence d’une DVS
et incidence des pyélonéphrites a été soulignée [45]. Des
arguments existent également en faveur d’une influence
indirecte de la DVS sur les complications du haut appareil
84
urinaire, dans la mesure où la présence d’une DVS a été
corrélée avec la sévérité du tableau neurologique, celle-ci
ayant elle-même une influence négative sur le pronostic uronéphrologique [11, 16, 20]. La dangerosité respective des
différents types de DVS reste méconnue [7].
– Influence du mode de drainage urinaire : le port d’une
SAD constitue un facteur de risque reconnu de détérioration
du haut appareil urinaire et d’infection urinaire haute et
basse [10, 13, 15, 25, 39-41, 45], et il favorise le risque de
survenue d’un cancer vésical chez les patients SEP ayant été
traités par immunosuppresseurs [51]. Il n’a pas été trouvé
d’étude spécifique consacrée à l’influence des autres modes
mictionnels sur le pronostic uro-néphrologique dans la SEP.
Par analogie avec les autres pathologies neurologiques,
notamment les affections traumatiques et congénitales de la
moelle épinière, il est considéré que la prévalence des
complications uro-néphrologiques décroı̂t successivement
selon que le mode mictionnel repose sur la sonde à demeure,
l’hétérosondage, le cathéter sus-pubien, l’autosondage
intermittent et la miction volontaire [39-40, 49].
– Enfin, l’influence du type de prise en charge
thérapeutique, pharmacologique, fonctionnelle ou chirurgicale et celle de l’exposition à des traitements cysto
ou néphrotoxiques sur le pronostic uro-néphrologique
dans la SEP ne sont pas documentées.
Synthèse sur les facteurs de risque des
complications uro-néphrologiques dans la SEP
Au total, quatre principaux facteurs de risque d’altération
du haut et du bas appareil urinaire bénéficient d’un niveau
de preuve établi (NP1), car relevant d’études de bonne
qualité métrologique et/ou reconnues par la majorité des
auteurs : la durée d’évolution de la maladie neurologique,
particulièrement au-delà de la quinzième année d’évolution,
le port d’une sonde à demeure, l’amplitude maximale élevée
des contractions non inhibées du détrusor et l’existence de
pressions élevées du détrusor au cours du remplissage
(seuil >40 cmH20 pour [4], NP1).
Trois autres facteurs bénéficient d’une présomption
de preuve (NP2), car ils sont reconnus par au moins une
étude de bonne qualité métrologique mais demeurent
débattus dans la littérature. Il s’agit de : la dyssynergie
vésico-sphinctérienne et l’âge supérieur à 50 ans, dont
l’indépendance avec la durée d’évolution de la maladie
n’est pas établie, et le sexe masculin via la présence
d’indices urodynamiques péjoratifs.
Il semble ainsi possible de concevoir deux types de
situations uro-néphrologiques chez les patients SEP : les
patients sans risque, ne présentant aucun des facteurs de
risques NP1 et pas plus d’un facteur NP2, et les patients à
risques, possédant au moins un facteur de risques NP1 ou
plus d’un facteur NP2. Établies selon les modalités
préconisées par l’ANAES, des recommandations pour le
suivi neuro-urologique à moyen et long terme, qui prennent
en compte les risques spécifiques de ces deux populations,
sont en cours de validation par le Groupe d’étude neurourologique de langue française. Elles feront l’objet d’une
prochaine publication.
Conclusion
Cette revue de littérature suggère qu’il faut reconsidérer le
pronostic uro-néphrologique, communément réputé satisfaisant, des neurovessies dans la sclérose en plaques. Plus
d’un patient sur dix est susceptible de développer une
complication du haut appareil urinaire durant les dix-huit
premières années d’évolution de la maladie. La meilleure
connaissance des facteurs de risques de retentissement uronéphrologique des neurovessies de la SEP et de leur profil
évolutif, conduisant à une utilisation raisonnée et consensuelle des examens de surveillance, pourra favoriser
l’adoption de mesures thérapeutiques préventives et curatives qui amélioreront la qualité de soins et de vie des
patients sclérosés en plaques, et auront un impact socioéconomique favorable pour la santé publique.
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L’obésité féminine est souvent associée à une incontinence urinaire et vessie hyperactive, autrefois facteurs de risques
d’échec de la chirurgie de l’incontinence urinaire d’effort. L’avènement des bandelettes sous-urétrales semble
actuellement être la solution à la prise en charge de ce désordre fonctionnel. À propos d’une série rétrospective cas
contrôle, Kriapas et al. ont comparé les résultats anatomiques et fonctionnels de 31 patientes de BMI > 40 kg/m2 à 52
patientes de BM < 30 kg/m2. Il s’agit de la première publication s’intéressant aux patientes dont l’obésité est classée
morbide et dont l’efficacité après TVT est étudiée à moyen terme (18 mois).
Les deux groupes sont comparés et n’offrent aucune différence en termes de caractéristiques cliniques. Le nombre
de plaies vésicales est plus élevé dans le groupe de poids normal. Le nombre de complications postopératoires
apparaissant plus élevé dans le groupe d’étude (complications thrombo-emboliques (2), défaillances cardio-pulmonaires
(1) et pneumopathies(1)). L’étude des résultats objectifs et subjectifs n’offre aucune différence entre les deux groupes. L’étude
des paramètres urodynamiques met en évidence une augmentation de la LFU et des pressions de clôture urétrale en
postopératoire quel que soit le poids des patientes.
Il s’agit de la cinquième publication concernant l’incontinence de la femme obèse (Mukherjee K, BJU Int 2001 ; Chung,
JLSL Jan 2002 ; Rafii A, Eur Urol 2003 ; Lovatsis D, Am j Obstet Gynecol 2003), mais la première publication individualisant
un groupe d’obèses morbides (BMI > 40 kg/m2), l’étude clinique est limitée par son suivi, sa méthodologie et par le faible
nombre de patientes incluses même s’il nous conforte dans notre impression première : l’incontinence urinaire de l’obèse
semble être résolue par la mise en place de bandelette sous-urétrales par voie rétro-pubienne.
Toutefois, l’obésité est un facteur de surmorbidité postopératoire ; la défaillance cardio-respiratoire semble y être plus
fréquente, les complications thromboemboliques également. De plus, le seul cas publié de cellulite pelvienne deux jours après
la mise en place d’une bandelette de TVT l’a été chez une patiente obèse (Conolly, Obstet Gynecol, 2004). L’obésité ne doit
donc plus être retenue comme facteur d’échec, mais comme facteur nécessitant une attention postopératoire soutenue, au
même titre que le sujet âgé (Gordon D, Urology, 2005). B.D.
Schraffordt Koops S, Bisseling T, Heintz A, Vervest H
Prospective analysis of complications of tension-free vaginal tape from The Netherlands Tension-free
Vaginal Tape study. American Journal of Obstetrics and Gynecology, 193(1): 45-52
Les complications du TVT sont anatomiques (plaies vasculaire, vésicale, digestive, nerveuse) ou fonctionnelles (impériosité,
difficultés mictionnelles). Koops et al., à propos d’une série prospective multicentrique de 806 patientes intéressant 41 centres
(28 centres de formation, 13 centres hospitaliers régionaux), ont étudié la morbidité du TVT sur un suivi de 2 ans.
Les plaies de vessie sont rapportées dans 28 cas (3,5 %) ; aucune complication urétrale, nerveuse ou digestive n’a été
décrite dans cette série ; un saignement supérieur à 300 ml a été rapporté dans 10 cas ainsi qu’un cas de plaie vasculaire (veine
hypogastrique), ayant nécessité une laparoconversion. Sont rapportés des complication à type d’hématome pré ou
rétropubien dans 28 cas (3,4 %), une température supérieure à 38˚ dans 1 cas, 2 cas d’érosion vaginale, 13 cas de difficultés
mictionnelles nécessitant une section de bandelette, l’un de ces cas étant compliqué de fistule urétro-vaginale. Centres de
formation, anesthésies générale et locorégionale, antécédents chirurgicaux, statut ménopausique ont été retrouvés comme
étant facteurs de risque individualisés.
Il s’agit très probablement de la publication référence sur la morbidité du TVT. Du fait de la méthodologie utilisée
et du nombre de centres et de patientes inclus. Antérieurement, A Agostini (Eur J Obstet Gyneco, 2005), Abouassalay
87
(BJU int, 2004), M Karram (Obstet Gynecol, 2003) ont publié sur le sujet, mais les nombres de centres et de patientes
étaient inférieurs. Cette étude, combinée à la publication de Nilsson et al. (Obstet Gynecol, 2004), permet de valider les
indications et les limites du TVT dans la chirurgie de l’incontinence urinaire d’effort de la femme. B.D.
Deval B, Ferchaux J, Berry R, Gambino S, Ciofu C, Rafii A, Haab F
Objective and Subjective Cure Rates after Trans-Obturator Tape (OBTAPE®) Treatment of Female
Urinary Incontinence. European Urology 49(2): 373-7, 2006
Cent vingt-neuf patientes incontinentes ont bénéficié, dans deux centres universitaires, de la mise en place d’une
bandelette de polypropylène thermosoudée sous-urétrale par voie transobturatrice type OBTAPE®. Les résultats
anatomiques et fonctionnels sont revus à moyen terme (17,2 mois) et décrivent un taux de succès respectivement de
89,9 et 77,5 %. Les complications sont essentiellement marquées par le taux d’érosion vaginale de 6,2 % et d’infection
pelvienne profonde de 3,1 %.
Il s’agit de la seconde publication évaluant rétrospectivement les résultats bruts de la bandelette OBTAPE® (la première
étude étant celle de Spinosa et al. (Eur J Obstet Gynecol, 2005) ; les études de Costa et al. (Eur Urol, 2003), de Roumeguere
et al. (Eur Urol, 2003), de Delorme et al. (Eur Urol, 2003), associant dans leurs résultats les bandelettes URATAPE® et
OBTAPE®). Les survenues d’érosion vaginale et d’abcès profonds après URATAPE® et OBTAPE® ont été décrites dans les
publications de Babola et al. (Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct, 2005), Domingo et al. (J Urol, 2005), Mahajan et al. (Int
Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct, 2006), Goldmann et al. ((Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct, 2006), Game et al.
(J Urol, 2004), Caquant et al. (Eur Urol, 2004).
Cette série confirme donc la nécessité d’une surveillance à long terme des patientes ayant bénéficié de la mise en
place de bandelettes sous-urétrales thermosoudées, du fait du risque d’érosion et d’infection profonde. B.D.
Burgio KL, Goode PS, Urban DA, Umlauf MG, Locher JL, Bueschen A, Redden DT
Preoperative biofeedback assisted behavioral training to decrease post-prostatectomy incontinence: a
randomized, controlled trial. J Urol 175(1): 196-201, 2006 Jan
125 patients, âgés de 53 à 68 ans, qui devaient bénéficier d’une prostatectomie radicale pour cancer ont été randomisés
en deux groupes, appareillés selon l’âge et le stade tumoral.
Le premier groupe avait en préopératoire des séances de rééducation périnéale par biofeedback, un
reconditionnement mictionnel et des exercices à domicile ; le second des simples instructions en postopératoire de
stopper le jet pendant la miction. Les critères de jugement étaient le temps pour obtenir une continence, la sévérité de
l’incontinence, l’Incontinence Impact Questionnaire, une échelle de qualité de vie (Medical Outcomes Study Short
Form Health Survey) et de troubles psychologiques (Hopkins Symptom Checklist).
Les résultats sont sans équivoque : le groupe 1 (avec rééducation préopératoire) a un temps plus court de récupération de
la continence (p = 0,03) et une moins grande proportion de patients avec sévère ou permanente incontinence à 6 mois (5,9 %
versus 19,6 %, p = 0,04). Il existe aussi une différence significative entre les groupes, se rapportant à la fréquence des fuites
rapportées en ce qui concerne la toux (22 % versus 51,1 %, p = 0,003), l’éternuement (26 % versus 48,9 %, p = 0,02), la mise
en orthostatisme (14 % versus 31,9 %, p = 0,04). En revanche, aucune différence n’a été mise en évidence pour le retour au
travail, les activité quotidiennes et, très paradoxalement, les échelles de qualité de vie. Ceci peut être dû à la faible sensibilité et
spécificité de l’échelle utilisée. Il est donc intéressant de proposer une rééducation systématique en préopératoire avant une
prostatectomie radicale. Cependant l’inconvénient majeur de cette étude est de ne porter que sur 6 mois. Il est tout à fait
possible, quand on connaı̂t la difficulté et la lenteur de la récupération d’une continence lorsqu’une insuffisance périnéosphinctérienne est en cause, que les chiffres dans les deux groupes soient tout autres (et probablement similaires) 12 à 18 mois
après la chirurgie. Mais au moins, les patients souffrent moins longtemps de leur incontinence… du moins ceux qui en
guérissent. G.A.
pagefontis
22/02/06
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