dé-finir - esad

Transcription

dé-finir - esad
Vous qui m’avez connu [lorsque mon pas [illis.] bleu du
cresson de la nuit] [<lançait son écho → traçait sa fugue>] [dans le chuchotement
de mon insouciance merveilleuse] <<[olive] → grenade dissidente>, point du jour
déployant le plaisir comme exemple>,
votre visage – tel est-il
qu’il soit toujours – si libre, qu’à son contact le cerne
<[soyeux] → [illis.] → infini> de l’air se plissait, s’entrouvant à ma
rencontre me vêtait des beaux quartiers de votre
imagination. Je demeurais là, entièrement inconnu
de moi-même, dans votre moulin à soleil, exultant
à la succession des richesses d’un cœur qui avait
rompu son étau [jusqu’à ce que mes traits aient
<touché → étreint> dans la clarté et l’ombre des vôtres le
rivage et la ferveur de leur condition.] <Sur notre plaisir <[reposait] → s’allongeait>
l’influente
douceur de la grande roue consumable du mouvement
au terme de ses classes>
À ce [nôtre] visage – personne ne l’aperçut jamais –
[dans sa solitude simple fut une suite d’apparitions
qui se brûlèrent jalousement derrière elles le
diamant de leur perfection éphémère. Pourtant
mon front eût mal vécu sous votre main.]
<[Aux yeux de ceux] → À ce visage> simplifier la beauté
n’apparaissait
pas comme une
Vincent
Maillard
atroce
économie. Nous étions [méticuleusement] exacts dans l’exceptionnel
DNAT Design Graphique 2015
qui seul sait se soustraire au caractère alternatif du mystère
ESAD
Grenoble
Valence
de vivre. [Nous n’en avions jamais fini avec le sublime
bien-être
des–très
maigres hirondelles]
<Aujourd’hui → Dès lors> que les <[bèches de la] → routes de la> mémoire [ont l’une
après l’autre <retourné → anéanti ? → supprimé ? les routes qui devaient
nous mener et nous ramener infiniment
l’un vers l’autre, la mer et la forêt forment
le recueil dérisoire <des cris qui ont renoncé
au feu de leur passion → se sont allégés des feux → se sont égarés>
<des feux de notre séparation → de nos feux allégés → des feux mourant de notre
entente dépassée>]
se sont
couvertes de la lèpre infaillible des monstres,
<[je me condamne] → je trouve refuge> dans <[cette]→ une> innocence <[que]→ où>
l’homme qui rêve ne
peut veillir
[Pour durer et se suffire
la tyrannie autour de nous <brûle → fracasse → moleste> ses propres
cerceuils.] Mais ai-je qualité pour [la] <[combattre] → [détruire] → [abattre] → [interdire] → m’imposer de vous survivre> moi
qui dans ce Chant de Vous par exception me
considère comme le plus éloigné de mes sosies ?
dé-finir
J’éprouve un intérêt profond pour l’effort cherchant à fixer
l’idée naissante. Celle qui nous agite, nous anime de sa fragile
spontanéité. Elle est présente dans les brouillons d’écrivains.
Je m’interroge sur les particularités d’une genèse poétique,
notamment autour de l’œuvre de René Char. Sa recherche
poétique, en passant par une élection soignée des termes,
est celle de l’intensité. Je fais alors l’hypothèse qu’une
perspective génétique peut se révéler riche à partir d’une
telle parole poétique.
Le travail sur les mots en poésie est particulier. La métrique
et la prosodie – l’étude du rythme, de l’accent, de l’intonation –
sont à considérer comme des facteurs de choix de termes.
Cependant, la raison de l’émergence d’un mot par rapport à
un autre reste mystérieuse et délicate à expliquer, à rationaliser.
Yves Bonnefoy explique notamment « il y a entre ces mots, à
un niveau inconscient, des liaisons intérieures si irrationnelles
et complexes qu’aucune analyse ne peut en rendre compte. » 1
Ainsi l’écriture poétique oscille entre un programme d’écriture
– un fil directeur – et le processus d’écriture – l’action d’écrire.
« Toute genèse est un cas particulier », c’est ainsi que M
­ ichel
Collot débute son article intitulé « Tendances de la genèse
poétique » 2. À la manière des gènes d’un individu, l’étude de
l’avant-texte s’apparente à l’ADN d’un texte. La critique et
l’édition génétique témoignent plus d’un regard scientifique
sur une œuvre que d’une étude philologique.
Pour les documents autographes, écrits de la main de
l’auteur, l’enjeu de la génétique des textes est la transcription.
Comment alors transcrire un manuscrit, un brouillon,
1. Yves Bonnefoy, « Enchevêtrements d’écriture (Entretien
avec Michel Collot) », Genesis, no2, 1992, p. 123–130.
2. Genesis, n°2, 1992, p. 11–26.
une étape de travail quand chaque genèse est riche de
particularités uniques ? Et pour qui transcrire, dans quel but ?
Afin d’établir la singularité d’une pensée, dans un intérêt
littéraire, un témoignage historique ?
Se confronter à l’œuvre préparatoire, l’avant-texte,
d’un auteur c’est questionner le statut de l’archive. Cette
œuvre se trouve généralement dans des lieux dédiés à leur
conservation. Leur statut change, devenant alors document
d’archive ; soumis à l’autorité du lieu de conservation,
leur accès en est restreint. Pourrait-on redonner à ces
documents leur contexte, leur valeur de trace d’un passage ?
Cette attention portée sur l’avant-texte témoigne d’une
volonté « de dé-finir le fini. » 3
À l’ITEM (Institut des Textes et Manuscrits Modernes),
les chercheurs – des généticiens – se sont dotés d’outils
pour transcrire, de typologie et de codes de transcriptions,
grâce à des collaborations avec des informaticiens. Force est
de constater l’absence de designers graphiques. Et pourtant,
mettre en forme un contenu complexe, se confronter à des
problèmes de visibilité, passer de l’unique au multiple, ces
enjeux ne relèvent–ils pas du design graphique ?
Ainsi, en tant que designer graphique, dans quelle mesure
puis-je me nourrir de ce travail et proposer un autre regard ?
Il s’agit de questionner les médias, les interactions,
la temporalité des éditions génétiques.
3. Raymonde Debray-Genette, « Génétique et poétique :
esquisse d’une méthode », Littérature, no28, 1977, p. 19–39.
BIBLIOGRAPHIE
Brouillons d’écrivains, sous la direction de Marie Odile
Germain et de D
­ anièle Thibault, Bibliothèque nationale
de France, Paris, 2001.
Pierre-Marc de Biasy, Génétique des textes, CNRS éditions,
coll. ­Biblis, Paris, 2011.
Genesis, no2, Jean-Michel Place, Paris, 1992,
Genesis, no30, Jean-Michel Place, Paris, 2010.
Jean-Claude Mathieu, La poésie de René Char ou le sel
de splendeur, José Corti, Paris, 1988.
RADIO
Mydia Portis-Guérin, Actualité philosophique : Jacques
Derrida, des archives en devenir (Les Nouveaux chemins
de la connaissance), 10.10.2014, France Culture.
Antoine Perraud, La critique génétique des textes
(Tire ta langue), 29.01.2012, France Culture.
SITES WEB
Ben Fry, benfry.com
Revue Genesis, genesis.revues.org
Institut des Textes et Manuscrits Modernes, item.ens.fr
RAPPORT DE STAGES
Joel Chevrier
2 mois – Valence / Paris.
Joel Chevrier est un enseignant et chercheur en Sciences
Physiques à Grenoble. Il a choisi de faire entrer le smartphone
dans ces cours, comme outil de mesure et support d’expérience.
Cela manifeste son intérêt pour la transversalité des savoirs.
Il travaille fréquemment au contact des sciences sociales,
des informaticiens et des designers.
Avec quatre camarades, nous avons participé au projet
de recherche DeSciTech (Design Science et Technologie)
auquel prend part Joel Chevrier.
Son regard est celui d’un physicien, le nôtre celui de
designers ; c’est la conversation qui a primé. En effet,
par de nombreux et fréquents échanges, nous avons
questionné notre rapport au smartphone. Joel Chevrier
a apporté une dimension inédite à cet échange : celle des
Sciences Physiques. Ainsi, notre axe de recherche a été
les modalités du geste capté par un smartphone.
Nous nous sommes interrogés sur l’annotation d’un tel
geste, sur la fusion de données entre différentes personnes,
sur une possible conversation par le mouvement. Tout cela
en envisageant des champs d’application et des modes
de fonctionnement.
Ma posture était tournée vers ce mélange de savoirs.
Être au contact de spécialistes, comme ce fut le cas lors
d’une visite au CRI (Centre de Recherches Interdisciplinaires),
est extrêmement enrichissant. Je me suis alors familiarisé
avec la notions des non-savoirs.
Éditions Allia
2 mois – Paris.
Les Éditions Allia sont une maison d’édition créée par
Gérard Berréby en 1982. Leur catalogue est hétéroclite :
il s’étend de la poésie aux essais philosophiques et ce en
publiant des auteurs reconnus comme de nouveaux écrivains.
Les ouvrages se caractérisent par une forte attention à la
qualité de son contenu et un grand soin accordé à la mise
en page.
La petite structure que sont les Éditions Allia m’a permis
d’être rapidement intégré dans le travail de production.
D’autant plus que les stagiaires sont le plus souvent accueillis
au nombre de deux.
Ma tâche principale était de mettre en page les ouvrages en
préparation. J’ai ainsi participé au début d’un projet, comme à
sa conclusion et l’envoi à l’imprimeur. J’ai même eu l’occasion
d’adapter le gabarit des Éditions pour la réédition en fac-similé
d’un manuel de défense civile. J’ai pu également montrer à
l’équipe l’apport de la programmation dans la mise en page.
En effet, beaucoup de leur tâches peuvent être automatisées.
J’avais aussi un rôle administratif : répondre au téléphone,
s’occuper des envois postaux, entre autres.
Les Éditions Allia portent un réel intérêt pour les stagiaires.
De part leur confiance et leur ouverture, l’échange
est réciproque.
SYNTHÈSE
À l’occasion de ces stages, j’ai été confronté à deux
milieux différents : celui de la recherche et celui de la
production. Les temporalités ont été différentes, tout comme
les questionnements et les postures. Loin d’être opposées,
j’estime ces deux expériences complémentaires.
L’échange, quelque soit le contexte, est toujours resté
primordial. J’ai pu ainsi m’enrichir d’expériences très diverses
au contact de personnes extrêmement compétentes dans
leur domaine. Le bon déroulement de ces stages m’a permis
de progresser tant sur le plan d’une efficacité professionnelle
que d’une réflexion personnelle vis-à-vis de mon statut
de designer. De plus, j’ai le sentiment que le partage n’a pas
été à sens unique. Au contraire, ces temps d’échange
ont constitués des moments précieux pour chacun.
D’une certaine manière, c’est en effet ma posture de
designer graphique qui s’est affirmée. Il m’est apparu plus
précisément que j’ai besoin de questionner les outils et notre
façon de produire afin d’améliorer des gestes, des habitudes.
Il m’est aujourd’hui clair que le travail de designer est
indissociable des autres domaines et du travail en équipe.
Vincent Maillard
DNAT Design Graphique 2015
ESAD Grenoble – Valence