Nouvelles stratégies d`éradication de Helicobacter pylori – New

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Nouvelles stratégies d`éradication de Helicobacter pylori – New
Dossier thématique
D ossier thématique
Nouvelles stratégies d’éradication
de Helicobacter pylori
New Helicobacter pylori eradication regimen
쐌쎲 J.D. de Korwin*
왘 POINTS FORTS
왘 En première ligne, le traitement de référence en France
reste la trithérapie IPP + amoxicilline + clarithromycine
pendant 7 jours. Dans les régions où la résistance dépasse
20 % des souches de clarithromycine, le consensus de
Maastricht III propose de commencer par une combinaison
IPP + amoxicilline + métronidazole pendant 14 jours. Une
alternative à ces schémas de traitement pourrait être le traitement séquentiel (IPP + amoxicilline pendant 5 jours, puis
trithérapie classique pendant 5 jours).
왘 En deuxième ligne, le schéma IPP + amoxicilline + métronidazole pendant 14 jours est recommandé en France, avec
le remplacement de l’amoxicilline par une cycline en cas
d’allergie aux céphalosporines.
왘 En troisième ligne, une étude portant sur la sensibilité
bactérienne est nécessaire. Les traitements font alors appel
à de nouveaux antibiotiques (lévofloxacine ou rifabutine)
en association avec l’amoxicilline.
Mots-clés : Helicobacter pylori – Traitements d’éradication –
Antibiotiques – Inhibiteurs de la pompe à protons – Sels de
bismuth.
Keywords: Helicobacter pylori – Eradication therapy – Antibiotics – Proton pump inhibitors – Bismuth salts.
L’
année 2005 a été marquée par l’attribution du prix Nobel
de médecine aux deux Australiens Barry Marshall et
Robin Warren, codécouvreurs de la bactérie H. pylori,
par la mise au point de l’Afssaps sur le traitement de l’infection
(1) et par la troisième édition de la conférence européenne de
Maastricht, qui vient d’être publiée (2). C’est l’occasion de faire
le point sur les nouvelles stratégies d’éradication de H. pylori.
Celles-ci ont été développées en raison des échecs d’éradication
observés depuis la fin des années 1990 (3). Si un défaut d’observance doit être envisagé en premier lieu en cas d’échec thérapeutique, la diminution de la performance des trithérapies est
* Service de médecine interne H, CHU-Hôpital central, Nancy.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 5-6 - mai-juin 2007
surtout liée au développement des résistances bactériennes aux
antibiotiques (1-3). Cela concerne principalement la clarithromycine, antibiotique clé du schéma de première ligne d’une
semaine actuellement recommandé en France (IPP + C + A),
associant la prise, matin et soir, d’un inhibiteur de la pompe à
protons (IPP) à pleine dose, de 500 mg de clarithromycine (C)
et de 1 000 mg d’amoxicilline (A) [1].
TRAITEMENTS DE PREMIÈRE LIGNE
La trithérapie de référence IPP + C + A est la plus utilisée en
France. C’est elle qui donnait, au début des années 1990, des
taux d’éradication de 90 % ou plus, voisins de ceux obtenus par
IPP-clarithromycine-métronidazole (IPP-C-M), mais meilleurs
que ceux relevés avec l’association IPP + amoxicilline + métronidazole (IPP + A + M). Malheureusement, les taux d’éradication
obtenus par les trithérapies d’une semaine à base de clarithromycine plafonnent depuis une dizaine d’années à moins de 80 %,
voire 70 % en France, en raison de la fréquence croissante de la
résistance primaire à la clarithromycine (2, 3). Une amélioration
peut être apportée par un allongement de la durée du traitement
(1, 2), 14 jours d’emblée apportant un bénéfice de 12 % (IC95 :
7-17) [4], mais exposant à un risque supplémentaire d’effets
secondaires et de diminution de l’observance.
La trithérapie IPP + C + A a été préférée à la trithérapie alternative IPP + C + M (métronidazole 2 x 500 mg/j) en raison de
sa meilleure tolérance et de la présence d’un seul antibiotique
inducteur de résistance, la clarithromycine, la résistance de
H. pylori à l’amoxicilline restant négligeable. Cependant, les
taux élevés de 30 à 40 % de résistance primaire aux dérivés
imidazolés (métronidazole, tinidazole) doivent être relativisés
en raison des difficultés de mise en évidence de cette résistance
in vitro, et de la faible influence qu’elle exerce sur l’efficacité in
vivo des trithérapies associant des imidazolés, ceci expliquant
probablement cela (2). De plus, les résultats de la trithérapie
IPP + C + M sont actuellement un peu supérieurs à ceux de la
stratégie IPP + C + A en cas de résistance au métronidazole
inférieure à 40 % (5). La trithérapie IPP + C + M est également
indiquée en cas d’intolérance aux bêtalactamines (1).
Les dernières recommandations européennes (consensus
Maastricht III) proposent de commencer par une combinaison
IPP + A + M lorsque les taux de résistance à la clarithromycine
dépassent 15-20 % (2). Dans ce cas, ou lorsqu’un taux d’échec
élevé des trithérapies associant la clarithromycine est observé en
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pratique clinique dans une région donnée, le meilleur choix en
matière de traitement de première ligne pourrait être IPP + A + M,
de préférence pendant 14 jours (“ceinture et bretelles”).
Les quadrithérapies associant IPP + T + M et sel de bismuth ne
sont pas recommandées en France en raison de l’interdiction des
spécialités à base de bismuth, mais elles sont utilisées ailleurs en
Europe. Cependant, elles ne sont pas supérieures, en traitement de
première ligne, aux trithérapies actuellement recommandées (6).
L’alternative crédible aux trithérapies de première ligne pourrait
être le traitement séquentiel, non référencé dans les conclusions
de Maastricht III, mais prometteur si l’on en juge par les résultats
d’une étude portant sur plus de 1 000 patients et ayant comparé
la trithérapie standard de 7 jours à un traitement “5 + 5” (7).
Ce nouveau schéma combine la prise, matin et soir pendant
5 jours, d’un IPP (pleine dose) et de l’amoxicilline (1 000 mg),
traitement suivi de 5 jours de trithérapie classique matin et
soir : IPP (pleine dose) + clarithromycine (500 mg) + tinidazole
(500 mg). Ce traitement séquentiel était significativement plus
efficace que la trithérapie standard de 7 jours IPP + C + A (92 %
versus 74 %), sans différence en termes d’effets secondaires (taux
inférieur à 10 %) [9]. Cette supériorité était retrouvée dans une
autre étude comparant le traitement séquentiel de 10 jours à la
trithérapie IPP + C + A de même durée (8).
TRAITEMENTS DE DEUXIÈME LIGNE
Les résistances secondaires à la clarithromycine étant très élevées,
il n’est pas souhaitable de reprendre un traitement par IPP + C + A
de durée prolongée à 14 jours, sauf en cas de sensibilité prouvée
aux macrolides (3). L’échec de la trithérapie IPP + C + A en première
ligne conduit logiquement à remplacer la clarithromycine par le
métronidazole et donc de proposer IPP + A + M en deuxième
intention, tout en respectant le principe d’une durée de traitement
de 14 jours (1). Cette recommandation s’appuie sur une étude
multicentrique et randomisée réalisée en France, qui a montré,
après échec initial de IPP + C + A (7 jours), des taux d’éradication
avec IPP + A + M (14 jours) de 63 % sans antibiogramme et de 74 %
en cas de sensibilité au métronidazole (différence non significative)
[9]. En cas d’impossibilité de recourir à l’amoxicilline (allergie,
etc.), on peut remplacer cet antibiotique par une tétracycline,
toujours associée au métronidazole et à l’IPP, bien que les données
probantes soient peu nombreuses (10).
Les recommandations européennes préconisent également la
quadrithérapie lorsque le bismuth est disponible. Précisons que
la prescription magistrale d’un sel de bismuth reste possible en
France, pour une durée limitée à 14 jours, et que quatre prises
par jour sont nécessaires.
TRAITEMENTS DE TROISIÈME LIGNE
Après deux échecs, l’étude de la sensibilité bactérienne devient
indispensable (2, 3). Pour cela, il convient de faire des biopsies
gastriques conservées dans un milieu de transport adapté avant
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réalisation de la culture. Cette technique permet de tester la
sensibilité de H. pylori aux antibiotiques potentiellement utilisables, l’amoxicilline, la tétracycline et surtout la clarithromycine
et les quinolones (induction fréquente de résistances).
Dans la majorité des cas, la bactérie étant devenue résistante à la
clarithromycine et aux imidazolés, il faut recourir à de nouveaux
antibiotiques, éventuellement combinés à l’amoxicilline, surtout
si l’absence de résistance a été confirmée par l’antibiogramme. Les
traitements de troisième ligne font donc appel à de nouvelles trithérapies après échec des combinaisons de référence : IPP + C + A,
IPP + C + M, IPP + A + M (1). Les deux antibiotiques utilisables en
troisième ligne sont la lévofloxacine (L) [250 mg matin et soir]
et la rifabutine (150 mg matin et soir), utilisés conjointement ou
en association avec l’amoxicilline (1 000 mg matin et soir) dans
des trithérapies combinant un IPP double dose et deux antibiotiques (1, 2). La durée du traitement est de 7 à 10 jours. Les taux
d’éradication obtenus avec l’un ou l’autre de ces antibiotiques
en association avec l’amoxicilline et l’IPP sont compris entre
70 et 86 % (3), avec en général une bonne tolérance, celle-ci étant
moindre avec la rifabutine (risque de neutropénie et d’uvéite,
majoré par l’association aux macrolides). Deux méta-analyses
récentes confirment l’intérêt des trithérapies de 10 jours à base
de lévofloxacine (IPP + L + A) en démontrant leur supériorité,
en termes d’éradication et de tolérance, sur les quadrithérapies
de 7 jours à base de bismuth (11, 12). Un traitement d’une durée
de 10 jours semble préférable avec IPP + L + A (12).
CONCLUSION
Le développement des résistances de H. pylori aux antibiotiques, principalement à la clarithromycine, diminue l’efficacité
des trithérapies habituellement recommandées. La stratégie
proposée tient compte des performances actuelles des traitements, celles-ci pouvant se modifier au cours du temps en
fonction de l’évolution des résistances bactériennes aux antibiotiques. Sont toujours recommandées en première intention les
trithérapies IPP + C + A ou IPP + C + M, mais l’allongement de
leur durée de 7 à 14 jours se discute, de même que leur remplacement en première ligne par IPP + A + M pendant 14 jours en
cas de taux d’échec important (inférieur à 70 %) ou de taux
de résistance primaire à la clarithromycine élevé (supérieur
à 20 %). Les traitements séquentiels de 10 jours combinant à
l’IPP l’amoxicilline, puis la clarithromycine et le métronidazole
semblent potentiellement intéressant en première ligne, mais
on ignore l’impact des résistances aux antibiotiques sur leur
efficacité. En France, la trithérapie de 14 jours IPP + A + M est
le traitement de choix après échec des combinaisons à base de
clarithromycine. L’antibiogramme est fortement recommandé en
cas d’échecs successifs pour orienter le choix des antibiotiques
combiné à l’IPP, faisant appel en troisième ligne à l’association
amoxicilline-lévofloxacine (risque de résistance) ou amoxicilline-rifabutine (risque d’intolérance). L’éradication de l’infection
devrait être obtenue dans la quasi-totalité des cas grâce à ces
trois lignes de traitements validées.
■
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 5-6 - mai-juin 2007
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Dossier thématique
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왘
Point de vue
Un avenant gastroentérologicide !
A
u Journal Officiel du 3 mai 2007
est paru l’avenant n° 23 à la
Convention nationale organisant les rapports entre les médecins
libéraux et l’Assurance maladie.
Les syndicats signataires (CSMF, FML) et
l’UNCAM ont fixé dans l’article 2.2 l’objectif de prescription de 75 % des IPP dans
le répertoire des génériques en 2008.
À cette date, l’oméprazole et le lansoprazole seront les deux IPP du répertoire.
Cet avenant revient à donner d’autorité
75 % du marché à ces deux IPP sous la
forme de leurs princeps mais surtout
de leurs génériques. Il restera 25 % du
marché aux trois autres IPP : pantoprazole, rabéprazole et ésoméprazole.
왘 les laboratoires ayant mis au point et
Cette décision ne tient aucun compte du
caractère individualisé des prescriptions,
des AMM et des résultats des différents
IPP variant selon les pathologies.
L’oméprazole et le lansoprazole qui
représentent 50 % du marché, vont
passer à 75 % tandis que les trois autres
IPP vont passer de 50 à 25 %.
Cet avenant pose deux questions
majeures :
왘 l’UNCAM et les syndicats ont-ils
pour mission de répartir les prescriptions des médicaments selon les diverses
molécules,
Qu’en pensent les gastroentérologues
qui risquent de voir disparaître du jour
au lendemain tous les laboratoires d’IPP
de leur environnement ?
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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 5-6 - mai-juin 2007
développé les différents IPP peuvent-ils
encaisser brutalement une perte de plus
de 50 % de leur chiffre d’affaire ?
M.A. Bigard (Nancy)
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