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Table ronde n°2 : QUELLES RESSOURCES POUR UNE EUROPE SOLIDAIRE ? Université d’Automne du Mouvement Européen-France, samedi 22 octobre 2011 Table-ronde avec : • Sophie AUCONIE, Députée européenne • Frédéric BENHAÏM, Vice-président du Mouvement Européen-France, Co-président d’Entreprendre Vert, représentant EELV • Philippe CATTOIR, DG Budget, Commission Européenne • Claude FISCHER, Présidente de Confrontations Europe • Noëlle LENOIR, Ancienne Ministre, Présidente du Cercle des Européens Modération par Lukas MACEK, Membre du ME-F, Directeur du campus européen de Sciences Po Paris à Dijon • Philippe CATTOIR, DG Budget, Commission européenne Le financement est un défi pour l’Union européenne. Il est important de rappeler les faits pour partir sur des bases concrètes. Les ressources traditionnelles de l’Union européenne (UE) sont issues des droits de douanes, des revenus de la PAC et représentent 14,1 % des recettes totales en 2011. A ceci s’ajoute la TVA des Etats membres qui correspond à 11,1 % des recettes. 70 % du budget total correspond au financement à partir du RNB des Etats. Enfin les amendes infligées dans le cadre de la politique de concurrence à des sociétés en infraction font partie des ressources. La Commission a lancé le 29 juin dernier une vaste réforme du financement de l’UE car le système est aujourd’hui opaque et très complexe. Il existe toute une série de mécanismes de correction budgétaire pour certains Etats membres, comme le rabais britannique, mais aussi des « rabais sur le rabais ». Les ressources propres, à l’exception des droits de douane ou de la « cotisation sucre » n’ont actuellement aucun lien avec les politiques menées par l’UE et les Etats membres trouvent le financement inéquitable en raison notamment des mécanismes de correction. Enfin, le financement de l’UE suscite une tension permanente. Les Etats considèrent souvent leur contribution à l’UE comme une perte. Les propositions de la Commission européenne sont donc les suivantes : Il s’agit de simplifier la contribution des Etats, de revoir le financement par les TVA car cela est très complexe et rapporte peu. De plus, la Commission souhaite obtenir de nouvelles ressources propres à travers une taxe sur les transactions financières qui concernerait les institutions financières de taille importante, pas les particuliers ou les PMA. A noter que dix Etats membres (dont le Royaume-Uni) appliquent déjà une telle taxe, même si elle est plus modeste. Enfin, concernant la TVA il faudrait qu’il y ait un lien plus direct entre la TVA versée et le budget UE ; et une harmonisation au sein de l’UE pour éliminer les régimes spéciaux et les nombreuses exceptions. Les corrections doivent être remplacées par des transferts forfaitaires plus transparents. • Noëlle LENOIR, ancienne Ministre, Présidente du Cercle des Européens Selon Mme Lenoir, l’UE doit se diriger vers le fédéralisme : une intégration politique est nécessaire. L’UE a un territoire, une population, il ne lui manque plus que des ressources publiques. Ce dernier point pose problème car les ressources propres de l’UE diminuent et de plus il y a un désintérêt pour cette question, que ce soit dans la presse ou même au sein du Parlement européen. Le principe de juste retour qu’illustre le rabais britannique depuis le sommet de Fontainebleau, s’oppose à l’idée même de solidarité au sein de l’UE. Les propositions de la Commission sont innovantes et audacieuses, mais le contexte de restriction budgétaire obligera l’UE à resserrer ses priorités. Bien que favorable à la taxe sur les transactions financières, il est peut probable que celle-ci soit un jour adoptée. L’UE doit renouer le dialogue avec les citoyens. Une simplification de la fiscalité est indispensable pour plus de démocratisation : il est extrêmement important qu’elle ait des ressources propres pour éviter que les Etats aient le sentiment de lui faire l’aumône. Il faut dès lors qu’il y ait un lien fiscal direct entre les citoyens et l’UE, même si leur contribution est minime. Il est regrettable que le traité de Lisbonne ne mentionne pas la fiscalité directe. Mme Lenoir rappelle que les entreprises sont les premières à bénéficier de l’UE, notamment à travers le marché intérieur, les infrastructures et les différents projets publics. La Commission doit assurer un rôle de contrôle pour la fiscalité, mais aussi pour les différents fonds structurels. Cependant, un des problèmes aujourd’hui est que les élus locaux bénéficiant de subventions de l’UE ne ressentent pas de lien avec l’Europe. A l’origine les Eurobonds, idée de Jacques Delors, devaient être des emprunts pour de grands projets européens. Aujourd’hui, ces eurobonds doivent financer le fonctionnement normal de l’UE. Il faudrait selon elle retrouver leur esprit d’origine. Elle estime nécessaire de retrouver des valeurs et de repenser les dépenses de l’UE. • Sophie AUCONIE, Députée européenne Il est important pour l’UE d’avoir des ressources propres. Une taxe sur les transactions financières et une TVA « anti délocalisation » dans tous les Etats, taxe devant amener à une réflexion pour une plus grande unité fiscale, seraient une très bonne chose. L’UE est davantage malade de sa complexité plutôt que de ses dettes. Une simplification est nécessaire pour l’ensemble des procédures notamment pour les fonds structurels qui ne sont qu’en partie utilisés. Par exemple, alors que nous sommes à cinq ans du programme pluriannuel, en moyenne en France il n’a été consommé que 20% des fonds européens. Cette sous-consommation est probablement dûe à la multiplication de structures administratives pour bénéficier de ces fonds. Il n’y aura pas de croissance sans investissement d’avenir : il faut que l’Europe apprenne à investir au travers des eurobonds. Il faut pour cela que l’Europe ait une ambition forte et un esprit volontariste La crise économique doit être un point de départ pour instituer un véritable budget commun. Il faudrait arriver à utiliser cette crise économique pour structurer l’UE en termes de gouvernance économique. Sans parler de président élu au suffrage universel, il peut s’agir d’un Haut Représentant des Finances qui serait rattaché au Parlement européen et à la Commission et serait le porte-parole de l’UE quant à la politique budgétaire qui s’impose aux gouvernements et dans la Commission. • Claude FISCHER, Présidente de Confrontations Europe Les Etats doivent coopérer pour se sortir de la crise de la dette car en cas de dislocation de l’UE, l’Allemagne serait le seul Etat à s’en sortir. L’UE doit être renforcée, plus unie et plus fédérale pour former un grand ensemble face aux Etats Unis ou encore à la Chine. Un tel espace de cohésion est nécessaire pour que chaque Etat membre retrouve sa compétitivité. Il faut créer un cadre incitatif à l’investissement dans des domaines tels que le numérique, l’agriculture durable… Mme Fischer juge les propositions de la Commission intéressantes. Elle estime nécessaire la création d’un « ministère » de l’économie et des finances pour contrôler l’utilisation faite par les Etats des aides de l’UE. Le budget européen doit être couplé au budget des Etats nationaux pour éviter les « doublons ». Il doit être aussi un levier pour mobiliser l’épargne et le financement des Etats membres. L’UE doit investir dans les régions les plus pauvres afin de favoriser leur développement. Le succès est possible comme l’illustre l’exemple de la Pologne et ses 4 % de croissance aujourd’hui. • Frédéric BENHAÏM, Vice-président du Mouvement Européen-France, Co-président d’Entreprendre Vert, représentant EELV Il pense qu’une augmentation du budget européen est nécessaire, malgré la pression des agences de notation sur le budget des Etats membres. L’UE a une obligation de solidarité envers les Etats en crise. Il est cependant regrettable que le budget de l’UE ne suive pas les enjeux actuels. Les Verts soutiennent l’instauration d’une taxe sur les transactions financières pour permettre d’augmenter le budget propre de l’UE. Néanmoins, cette taxe ayant peu de chances d’être adoptée, il faut aussi trouver d’autres sources de financement. Actuellement le budget de l’UE est en volume risible par rapport à la taille de l’UE si on le compare, par exemple, avec le budget fédéral des Etats Unis. Il estime que les Européens ont une vision biaisée de l’UE, qu’ils n’ont pas une vision assez large et ne mesurent pas tout ce que l’UE leur rapporte. La construction européenne a pourtant favorisé les Trente Glorieuses. Il faut davantage porter le débat sur l’objet des dépenses communautaires et non sur leur volume. Enfin, une réforme de la PAC semble nécessaire. Questions du public, notamment des Jeunes Européens, débat avec la salle Suite aux différentes questions et remarques : Mme LENOIR a déclaré être favorable à un partenariat privilégié avec le Royaume-Uni, mais comme les Britanniques pratiquent selon elle une Europe à la carte, ils n’ont pas leur place dans l’UE. De nombreux intervenants s’interrogeaient sur comment l’UE peut se rapprocher de ses citoyens. Mme LENOIR estime qu’il faut parler de l’UE dès l’école maternelle et ensuite favoriser les échanges au cours des études, mais aussi tout au long de la vie. M. CATTOIR se dit optimiste quant à l’adoption de la taxe sur les transactions financières, dans ce contexte difficile, des choses impossibles deviennent possibles. Cependant il rappelle que la Commission ne peut pas tout faire, la décision finale relève du Conseil et du Parlement. L’Europe ne peut donc pas se faire contre les Etats et les citoyens. Mme FISCHER déclare qu’il faudrait refonder le socle européen, avoir un modèle convergent pour retrouver la solidarité et la compétitivité. La méthode intergouvernementale est dépassée et la Commission serait trop affaiblie alors qu’elle aurait besoin d’une autorité politique. Il faut se méfier des replis nationaux. Mme AUCONIE estime que la cohésion sociale est indispensable. Ainsi le SMIC au Luxembourg est de 1854 euros contre 123 euros en Hongrie. L’Europe n’est pas en crise à cause de l’euro mais des dettes souveraines. Cependant il ne faut pas oublier que l’UE est la première destination des investissements étrangers, le premier marché mondial et au premier rang mondial pour tous les indicateurs de développements humains. Le progrès est encore possible. Mme Auconie se dit non pas optimiste, mais déterminée. Auteur : Anne TISSIER