Cour administrative d`appel de Marseille, n° 10MA01413

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Cour administrative d`appel de Marseille, n° 10MA01413
Cour Administrative d’Appel de Marseille
N° 10MA01413
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre - formation à 3
M. GUERRIVE, président
Mme Micheline LOPA-DUFRENOT, rapporteur
Mme MARKARIAN, rapporteur public
AJC - AVOCATS JURISTES CONSULTANTS, avocat(s)
lecture du mercredi 28 novembre 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2010, au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille, sous le n°
10MA01413, présentée pour Côte d’Azur Habitat, office de l’habitat, représenté par sa directrice générale en exercice, et
dont le siège est 53, boulevard René Cassin à Nice (06282), par la société AJC ;
Côte d’Azur Habitat demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0903035 du 29 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à la demande du
préfet des Alpes-Maritimes, annulé le marché relatif à des travaux de menuiserie et de vitrerie sur les résidences de son
patrimoine qu’il a conclu avec la société Menuiserie Ebénisterie Nice Nord pour le lot n° 4.01, la société Atelier du bois
pour le lot n°4.02 et la société AZ Construction et rénovation pour les lots n°s 4.03 et 4.04 ;
2°) de rejeter le déféré du préfet des Alpes-Maritimes devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des
procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ;
Vu le règlement (CE) n°1564/2005 de la Commission du 7 septembre 2005 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Lopa Dufrénot, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,
- et les observations de Me Barbaro représentant Côte d’Azur Habitat ;
1. Considérant que Côte d’Azur Habitat a décidé de lancer une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la passation
d’un marché à bons de commande pour des travaux de menuiserie et de vitrerie sur les résidences de son patrimoine,
divisé en quatre lots ; que l’avis de marché a été publié au journal officiel de l’Union européenne, au bulletin officiel des
annonces des marchés publics et à la revue Le moniteur ; que la commission d’appel d’offres a attribué, le 9 décembre
2008, le lot n° 4.01 à la société Menuiserie Ebénisterie Nice Nord, le lot n° 4.02 à la société Atelier du bois et les lots
n°s 4.03 et 4.04 à la société AZ Construction et rénovation ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de
Nice a, à la demande du préfet des Alpes-Maritimes, annulé les lots du marché en cause ;
2. Considérant qu’eu égard à son objet, le déféré formé par le préfet, sur le fondement des dispositions des articles L.
2131-2 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, rendues applicables aux établissements publics de
coopération intercommunale par l’article L. 5211-3 de ce code, tendant à l’annulation d’un marché public relève du
contentieux de pleine juridiction ; qu’il appartient au juge, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du
contrat, d’en apprécier les conséquences ; qu’il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité
éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de
décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité
contractante, soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt
général ou aux droits des cocontractants, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le
contrat ;
3. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé, pour annuler le marché en cause, que le défaut
d’insertion par Côte d’Azur Habitat, des mentions exigées par la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la
coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et de son
annexe VII A précitées, pour être conforme au modèle fixé par le règlement (CE) n° 1564 / 2005 de la Commission du 7
septembre 2005, ainsi que le prévoit l’article 40 du code des marchés publics dans l’avis d’appel à la concurrence
constituait un manquement à l’obligation de publicité et de mise en concurrence ;
4. Considérant que les marchés à bons de commande, définis par les dispositions de l’article 77 du code des marchés
publics en vigueur, doivent être regardés comme des accords-cadres au regard du droit communautaire ; qu’aux termes
de l’article 36 relatif à la rédaction et aux modalités de publication des avis d’appel public à la concurrence, de la
directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures
de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services : “ 1. Les avis comportent les informations
mentionnées à l’annexe VII A et, le cas échéant, tout autre renseignement jugé utile par le pouvoir adjudicateur, selon le
format des formulaires standards adoptés par la Commission (...) “ ; qu’à l’annexe VII A, il est écrit à la rubrique 6 a
relative aux marchés publics de travaux : “ (...) dans le cas d’accords-cadres, indiquer également la durée prévue de
l’accord-cadre, la valeur totale des travaux estimée pour toute la durée de l’accord-cadre ainsi que, dans toute la mesure
du possible, la valeur et la fréquence des marchés à passer (...)” ; que le formulaire standard fixé par le règlement CE
n°1564/2005 fait notamment figurer, parmi les mentions que doivent comporter les avis de marchés lorsqu’il s’agit d’un
accord-cadre, au point II.1.4) l’estimation de la valeur totale des acquisitions pour l’ensemble de la durée du contrat ;
5. Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que, alors même que l’article 77 du code des marchés
publics prévoit qu’un marché à bons de commande peut être passé “ sans minimum ni maximum “, Côte d’Azur Habitat,
qui entendait passer un tel marché, était tenue de faire figurer, dans le cadre “ quantité ou étendue globale “ de l’avis
d’appel d’offres, selon le modèle fixé par le règlement communautaire mentionné ci-dessus, à titre indicatif et
prévisionnel, les montants annuels des travaux ou des éléments permettant d’apprécier l’étendue du marché ;
6. Considérant que Côte d’Azur Habitat soutient que la mention de l’objet du marché sur l’avis de publicité et celle du
prix figurant au règlement de consultation permettaient aux entreprises intéressées de connaître l’étendue du marché ;
que, toutefois, si, compte tenu de la nature du marché à bons de commande, sans minimum, ni maximum, en cause, il
n’appartient pas au pouvoir adjudicateur de détailler précisément les prestations à effectuer, la seule description
succincte des travaux en cause et la mention des fourchettes indicatives non contractuelles des montants des lots
prévus à l’article 2.6 du règlement de consultation, lequel ne fait pas l’objet des mêmes mesures de publicité que l’avis
d’appel public à la concurrence et n’a vocation à être remis qu’aux entreprises qui ont manifesté leur intérêt pour le
marché en cause auprès du pouvoir adjudicateur, n’ont pas permis de connaître les besoins de la personne publique et
ainsi l’étendue du marché ; qu’une telle omission a donc entaché d’irrégularité la procédure de passation ; que, alors
même que des entreprises ayant retiré un dossier de consultation ont présenté une offre, ce vice qui, comme il a été dit,
n’a pas permis aux entreprises intéressées de connaître l’étendue du marché, a également porté atteinte au principe de
libre accès à la commande publique ; que ce vice entache la validité du contrat en cause ;
7. Considérant que la nature de ce vice ne justifie pas l’annulation du marché mais la résiliation des lots de ce marché ;
que, toutefois, il résulte de l’instruction que ce marché, n’a pas été reconduit à l’issue de la première année d’exécution ;
qu’ainsi, en ne procédant pas au renouvellement du marché, Côte d’Azur Habitat a tiré des conséquences suffisantes de
l’irrégularité commise ; que, dès lors, c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur ce motif pour annuler le
marché en litige ;
8. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel,
d’examiner l’autre moyen soulevé par le préfet des Alpes-Maritimes devant le tribunal administratif de Nice ;
9. Considérant que le modèle d’avis d’appel public à la concurrence précité comporte une rubrique II.1.4. relative aux
accords cadres, dans laquelle le pouvoir adjudicateur doit indiquer s’il envisage de conclure un tel accord avec un
opérateur unique ou avec des opérateurs multiples ; qu’aux termes de la directive du 31 mars 2004 précité, “ un accord
cadre est un accord conclu entre un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et un ou plusieurs opérateurs économiques
ayant pour objet d’établir les termes régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce
qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées “ ; qu’il résulte de ces dispositions que les marchés à
bons de commande au sens de l’article 77 du code des marchés publics, conclus avec un ou plusieurs opérateurs
économiques et exécutés au fur et à mesure de l’émission de bons de commande sans négociation ni remise en
concurrence, doivent être regardés comme des accords-cadres au sens de la directive ; qu’il en résulte que la rubrique
II.1.4 devait être renseignée en ce sens ;
10. Considérant que, dès lors que l’avis de publicité prévoyait l’établissement d’un accord-cadre au sens de la directive
du 31 mars 2004, le moyen tiré du défaut de la mention d’une telle précision manque en fait ;
11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Côte d’Azur d’Habitat est fondé à soutenir que c’est à tort que,
par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé le marché en cause ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Côte d’Azur
Habitat présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du 29 janvier 2010 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : Le déféré du préfet des Alpes-Maritimes présenté devant le tribunal administratif de Nice est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de Côte d’Azur d’Habitat présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Côte d’Azur Habitat, à la société Menuiserie Ebénisterie Nice Nord, à la société
Atelier du bois, à la société AZ Construction et rénovation et au ministre de l’intérieur.

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