le travail à distance à électricité de france et gaz de france

Transcription

le travail à distance à électricité de france et gaz de france
LE TRAVAIL À DISTANCE
À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
ET GAZ DE FRANCE :
ÉTUDES DE CAS ET ENSEIGNEMENTS
Mars 2001
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Rapport réalisé pour la Mission Télétravail, EDF-Gaz de France
et soumis au Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO)
RÉDACTION
Emmanuelle Frank, Entreprise & Personnel
Patrick Gilbert, Entreprise & Personnel
COORDINATION
Marcel Gilbert, directeur Développement de projets, CEFRIO
Michel Audet, directeur Innovation et transfert, CEFRIO
Pour tout renseignement additionnel,
communiquez avec le CEFRIO.
Bureau à Québec
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Québec (Québec) G1R 2B5 Canada
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Dépôt légal : 1er trimestre 2001
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISBN : 2-921181-80-0
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS ................................................................................................................5
MÉTHODOLOGIE..............................................................................................................7
INTRODUCTION................................................................................................................9
PREMIÈRE PARTIE :
ÉTUDES DE CAS........................................................................................................13
AGELEC PAYS DE LOIRE ................................................................................................15
1.
Le contexte de réorganisation de l’activité
commerciale au niveau national ..................................................................15
2.
La démarche ..................................................................................................17
3.
Le travail à distance dans la pratique..........................................................18
4.
Le bilan de l’expérience à ce stade ..............................................................21
AGENCES COMPTABLES
CHAMPAGNE-ARDENNE ET NORMANDIE ....................................................................23
1.
Le contexte de réorganisation de l’activité
comptable au niveau national ......................................................................23
2.
La démarche ..................................................................................................24
LE CAS DE L’AGENCE COMPTABLE CHAMPAGNE-ARDENNE ................................27
1.
Portrait de l’agence........................................................................................27
2.
Contexte d’implantation de l’agence ..........................................................28
3.
Le travail à distance dans la pratique..........................................................28
4.
Le bilan de l’expérience à ce stade ..............................................................31
LE CAS DE L’AGENCE COMPTABLE NORMANDIE ..................................................32
1.
Portrait de l’agence........................................................................................32
2.
Contexte d’implantation de l’agence ..........................................................33
3.
Le travail à distance dans la pratique..........................................................34
4.
Le bilan de l’expérience à ce stade ..............................................................37
CEOS : CENTRE D’EXPERTISE OPÉRATIONNELLE
ET DE SERVICES À GAZ DE FRANCE..............................................................................39
1.
Le contexte de la réorganisation des activités
gazières au niveau national ..........................................................................39
2.
La démarche ..................................................................................................42
3.
Le travail à distance dans la pratique..........................................................44
4.
Le bilan de l’expérience à ce stade ..............................................................47
DEUXIÈME PARTIE :
QUELQUES ENSEIGNEMENTS TRANSVERSAUX ....................................................51
1.
Points de convergences et de divergences ................................................53
2.
Vers de nouvelles régulations ......................................................................55
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Études de cas et enseignements
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A V A N T- P R O P O S
En appui à une réflexion menée par la Mission Télétravail d’Électricité de
France (EDF) et de Gaz de France sur le développement du travail à distance, l’objectif de la monographie qui suit est de mettre en perspective
les principaux facteurs conditionnant son efficacité. En parallèle, ce
travail s’inscrit dans le cadre d’une coopération entre EDF-Gaz de
France, le Centre francophone d’informatisation des organisations
(CEFRIO) et Entreprise & Personnel. Le CEFRIO a proposé un cadre
méthodologique pour assurer la réalisation de la monographie.
Commanditaire : Mission Télétravail
Objet
EDF et Gaz de France disposent d’une expérience avancée en matière de
travail à distance. La création de la Mission Télétravail, en 1998, correspond à la nécessité de faire du travail à distance un mode d’organisation
connu et reconnu au sein des deux entreprises. La capitalisation
d’expériences est l’un des objectifs de la Mission. À ce stade, elle estime
utile d’élaborer un document synthétisant et valorisant des expériences
significatives.
La présente monographie traite de trois cas, à savoir :
– Le cas « AGELEC Pays de Loire », qui s’inscrit dans le cadre de la
mutualisation des activités commerciales d’EDF;
– Le cas de deux agences comptables (Champagne-Ardenne et
Normandie), qui s’inscrit dans le cadre de la mutualisation des activités
comptables d’EDF;
– Le cas « CEOS » (expert et prestataire de services sur la chaîne gazière
en France et à l’étranger), qui s’inscrit dans le cadre de la création
d’une structure répartie avec des experts proches des clients.
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MÉTHODOLOGIE
Précisions importantes
1) Dans le corps du texte, nous substituons au terme « télétravail » celui
de « travail à distance » dans la mesure où les acteurs de terrain
rencontrés n’emploient pas le terme « télétravail » (usité dans des
entreprises nord-américaines notamment). En France, le terme de
« télétravail » fait spontanément référence à « travail à domicile ». Nous
tenons à préciser que le travail à domicile n’est pas le choix retenu par
la Mission, par la Direction générale et par les organisations syndicales
d’EDF et de Gaz de France. Le travail à distance dans les murs de
l’entreprise est privilégié.
2) En ce qui concerne les cas AGELEC et CEOS, il ne nous a pas été
possible de réaliser des interviews avec des acteurs de terrain, dans la
mesure où ils avaient déjà été sollicités dans le cadre d’enquêtes
récentes. En revanche, pour chacun de ces cas, nous avons rencontré
des chefs de projet de la Mission. Ils nous ont remis une masse documentaire suffisamment conséquente pour que nous puissions
l’exploiter dans la monographie.
3) En ce qui concerne le projet comptable, nous avons pu interviewer
10 acteurs de terrain en suivant la méthodologie du CEFRIO et, en
l’adaptant au contexte EDF-Gaz de France. Pour des raisons logistiques, nous n’avons pas rencontré d’acteurs des niveaux fonctionnels
(RH, syndicats et service informatique). Par ailleurs, les cibles identifiées portent sur la Direction des agences comptables, sur
l’encadrement et sur les personnels à distance.
L’analyse de contenu des documents des projets AGELEC et CEOS et des
entretiens réalisés dans le cadre du projet comptable s’organise autour de
trois axes principaux :
– une introduction présentant EDF et Gaz de France, le développement
du travail à distance dans les deux entreprises et les trois cas;
– une partie consacrée à la mise en perspective détaillée des trois cas;
– une partie conclusive dédiée aux enseignements tirés des expériences
de travail à distance et une analyse comparative des cas sous la forme
d’un tableau synoptique.
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INTRODUCTION
EDF et Gaz de France : deux entreprises en mouvement
Opérateur mondial dans le domaine de l’électricité, Électricité de France
développe une stratégie internationale reposant notamment sur des
investissements et sur de la vente de services. Aujourd’hui avec un effectif
de 115 991 salariés, plus de 30 millions de clients en France, un chiffre
d’affaires de plus de 190 milliards de francs pour une production dépassant 450 milliards de kWh, et plus de 13 millions de clients à
l’international, EDF est l’une des toutes premières entreprises d’électricité au monde.
Comme d’autres entreprises publiques, EDF doit faire face à l’ouverture des
marchés et faire preuve de réactivité et d’adaptabilité. EDF opte pour la
diversification : le but étant d’aller vers d’autres activités que la seule
fourniture d’énergie. L’entreprise s’engage depuis 10 ans sur le marché très
concurrentiel du tertiaire-résidentiel. L’objectif est de fournir un service
plus proche de la clientèle. Elle assure la continuité de sa politique contractuelle avec les pouvoirs publics tout en cherchant à améliorer ses
résultats financiers et à réduire ses tarifs. Ainsi, dans un contexte international, européen en particulier, tiré par la demande, EDF se doit de concilier
sa mission de service public et une exigence accrue de compétitivité.
Opérateur mondial dans
le domaine de l’électricité,
Électricité de France se
doit de concilier sa mission
de service public et une
exigence accrue de
compétitivité.
L’entreprise est constituée de deux grands pôles : Clients et Industrie. En
1998, elle décide de les réorganiser, afin de mieux satisfaire les attentes de
ses clients et de la collectivité. Pour faire face à l’ouverture de son marché,
pour se développer en Europe et dans le monde, EDF a engagé une évolution rapide et profonde de ses organisations et de ses métiers.
Le pôle Clients a adopté une organisation matricielle orientée directement
sur le client. L’organisation repose sur cinq directions de marché et trois
directions de construction d’offre. Au niveau des fonctions centrales, la
direction Marketing est une nouveauté. Elle est chargée d’élaborer la politique de prix de l’entreprise, de définir la segmentation clientèle et de
réaliser les études de marché (le cas AGELEC et le projet comptable sont
impactés par la réorganisation du pôle Clients).
Dans le même temps, l’accord 35 heures sur la réduction et l’aménagement du temps de travail signé en 1999 permet de moderniser les
organisations du travail et de gagner en compétitivité.
Par ailleurs, Gaz de France (groupe à part entière constitué de 24 964
salariés, mais qui partage certaines activités avec EDF : directions mixtes
telles que la Direction du personnel et des relations sociales et la Direction
d’EDF-GDF Services du pôle Clients) connaît le même type d’évolution
qu’EDF.
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En 1998, Gaz de France conquiert 10 millions de clients, entre dans le
capital de Gaz de Strasbourg et met en place une nouvelle organisation
commerciale. Il renforce sa présence sur le territoire français en créant
22 agences commerciales « résidentiel et tertiaire » et 8 agences « industrie ». Au sein même du Groupe, la création d’une entité « Grands
Comptes » révèle une approche dédiée à un marché européen. La nouvelle organisation du Groupe est liée à la directive européenne de
libéralisation du marché du gaz. Cette nouvelle organisation par métier
s’inscrit dans la stratégie d’intégration du Groupe sur toute la chaîne
gazière, de la production aux services énergétiques (le projet CEOS est
une émanation de cette nouvelle organisation).
Enfin, l’accord 35 heures veut inscrire dans une même dynamique les
performances économiques, le progrès social et la création d’emplois,
associer les personnels aux ambitions et aux résultats de l’entreprise et
inciter à un effort national de solidarité. Ces quatre axes structurent la
politique RH de l’entreprise.
Le télétravail à EDF et à Gaz de France
Le télétravail à EDF et à
Gaz de France est une idée
qui fait son chemin depuis
près de 10 ans.
Le télétravail à EDF et à Gaz de France est une idée qui fait son chemin
depuis près de 10 ans. Par télétravail, il faut comprendre qu’il s’agit d’un
mode d’organisation du travail à distance selon trois modalités. La
première fait référence à la notion de télécoopération. Dans ce cas, les
agents contribuent au pilotage d’activités à distance de leur hiérarchie,
tout en restant dans leurs bureaux (cf. projets AGELEC et Comptable). La
deuxième renvoie à une organisation du travail en centre de proximité
(bureau de passage, bureau de proximité). Il s’agit pour les agents
concernés de travailler dans un local distant appartenant à l’entreprise ou
un local loué pour la circonstance ou bien partagé avec d’autres
entreprises (cf. projet CEOS). La troisième vise une organisation du
travail hors des murs de l’entreprise (à domicile ou chez un client). Dans
cette troisième formule, le travail à domicile n’est pas actuellement
encouragé à EDF et à Gaz de France.
En 1998, EDF et Gaz de France décident de développer le travail à
distance en se donnant pour objectif l’amélioration de la compétitivité
doublée d’initiatives sociales. La création d’une Mission Télétravail s’est
révélée opportune dans un contexte d’accélération des changements
organisationnels.
En effet, le développement du travail à distance à EDF et à Gaz de France
correspond à quatre types d’enjeux institutionnels, à savoir :
– l’amélioration des performances et la réduction des coûts
(économies d’échelle et d’infrastructure, réactivité accrue dans le cadre
d’un fonctionnement en réseau);
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
– la création d’atouts concurrentiels (proximité avec le terrain et avec
le client, mode d’organisation du travail asynchrone et télécoopération
entre structures différentes, partage et capitalisation de compétences
dans une organisation en groupware);
– l’accélération de l’évolution des organisations (organisation du travail dans des lieux partagés, fluidité interne du marché de l’emploi);
– la valorisation d’initiatives sociales (amélioration des conditions de
vie des personnels à distance, responsabilisation et autonomie).
Depuis deux ans, la Mission Télétravail participe à la définition de la politique « télétravail » d’EDF-Gaz de France.
Son rôle est :
– d’inciter la réflexion « télétravail » en permettant la diffusion des
« best practices » et en menant des actions de communication;
– d’accompagner des projets pilotes et d’assurer une veille sur
l’usage des NTIC;
– de capitaliser les expériences « télétravail » avec les services
experts internes tout en ayant une fonction appui-conseil à
leur égard;
– de diffuser largement, par l’Intranet télétravail, un ensemble
de textes, de repères, d’outils, de témoignages et de dossiers
thématiques.
Par ailleurs, la Mission vise également à faire le lien avec les partenaires
sociaux au niveau national en leur présentant ses objectifs et ses axes de
développement.
Les réflexions de la Mission et des organisations syndicales portent
en particulier sur :
– la définition des principes généraux du travail à distance;
– l’environnement du personnel à distance (vie professionnelle/vie privée, mise en place d’une convention de télétravail);
– les aspects RH liés à la mise en situation à distance (lettre de
confiance, formalisation des objectifs, gestion des compétences, formation, parcours professionnels, exercice du droit
syndical en structure répartie).
Les organisations syndicales ont bien compris que les réorganisations à
l’œuvre au sein d’EDF et de Gaz de France impliquent le développement du
travail à distance. Elles sont globalement demandeuses de cadrage et de
débat; elles ont le souci d’obtenir un statut particulier pour les agents à distance, alors que cela n’est pas forcément l’objectif visé par les entreprises.
Dans les esprits, le travailleur à distance est un agent comme les autres.
Les organisations
syndicales ont le souci
d’obtenir un statut
particulier pour les
agents à distance.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
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Enfin, le discours de certains acteurs de terrain rencontrés fait état
d’organisations syndicales en « sommeil ». Ils déplorent le manque de
visibilité sur le positionnement des partenaires sociaux en matière de
travail à distance.
Les trois cas
Les trois cas décrits plus loin s’inscrivent dans un contexte de réformes
des activités commerciales, comptables et d’expertise gazière.
La réflexion « télétravail » a eu lieu à des niveaux différents selon les trois
cas :
– le projet AGELEC (qui participe de la réorganisation de l’activité
« marché de clientèle ») a pour objectif l’amélioration des conditions de
management et de fonctionnement en situation de travail à distance. La
mise en œuvre du projet AGELEC a eu pour conséquence une réponse
« télétravail remède ».
– le projet Comptable a pour objectif l’accélération de l’évolution des
organisations dans le cadre d’une réforme de structures, une plus
grande fluidité de la gestion des compétences, la création de réseaux
de coopération étendus et, in fine, la séparation des structures et des
organisations territoriales. La réflexion tactique sur la réforme comptable a abouti à une réponse « télétravail outil ».
– le projet CEOS (Centre d’expertise opérationnelle et de services qui
fonctionne en mode « structure répartie ») a pour objectif l’amélioration des performances et des relations clients, l’innovation et le
développement d’activités, et, in fine, une plus grande réactivité en
mode projet entre experts et exploitants. La réflexion stratégique sur
CEOS a donné lieu à une réponse « télétravail innovation ».
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
PREMIÈRE PARTIE
Études de cas
AGELEC PAYS DE LOIRE
Agence Commerciale Électricité marché PME-PMI
Démarche d’amélioration des conditions de management
et de fonctionnement en situation de travail à distance
La réorganisation de la Direction commerciale a abouti à la mise en place
de 20 agences délocalisées. L’AGELEC Pays de Loire revoit son organisation pour favoriser la proximité avec les clients, valoriser les compétences
métier des commerciaux et fluidifier la gestion des ressources humaines.
1. Le contexte de réorganisation de l’activité commerciale au
niveau national
En 1998, la Direction commerciale d’EDF a pris la décision de séparer les
activités relevant de l’électricité et du gaz. Elle décide de mutualiser son
activité « électricité » en créant des agences par marché de clientèles, à
savoir :
– le marché du résidentiel (les particuliers);
– le marché des professionnels (les artisans);
– le marché des collectivités locales (les communes);
– le marché des gros clients (marché industriel qui touche les grosses
entreprises et les PME-PMI).
Au total, 20 agences regroupent des moyens humains et matériels répartis sur tout le territoire français.
Cette réforme de structure a dû se réaliser sur deux axes :
– une logique d’implantation centralisée (avec création d’une agence
régionale) et le déménagement du personnel « fonctionnel » de
l’agence;
– une logique « proximité du client » qui a conduit à « laisser » sur le site
des centres une partie du personnel commercial (vendeurs, un chef des
ventes, assistants techniques).
Du jour au lendemain, l’ensemble du personnel a donc dû fonctionner à
distance. La Mission Télétravail a accompagné l’agence pendant six mois
pour l’aider à tirer le meilleur parti possible de cette situation de distance.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
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Les objectifs visés au niveau institutionnel
L’enjeu de cette mutualisation est tout à la fois l’augmentation de la
productivité, la réduction des coûts et la flexibilité de l’organisation dans
un environnement concurrentiel.
Si nous devions résumer la réforme commerciale à EDF, nous dirions
qu’il s’agit de «mutualiser» les compétences commerciales internes à EDF
afin de procéder à un changement de maille géographique pour mieux
répondre aux découpages européens (passage du département vers la
région). La maille régionale est la maille géographique de la majorité des
autres pays de la CEE.
Par ailleurs, les nouveaux moyens informatiques permettant de traiter les
opérations commerciales à distance, il a été décidé de ne pas faire déménager tout le personnel, et donc d’étudier les possibilités d’un travail à
distance pour certaines populations.
Désormais, l’activité commerciale de l’électricité n’est plus départementale, mais régionale.
Les personnels concernés en Pays de Loire
L’AGELEC Pays de Loire est constituée d’une trentaine d’agents (3 agents
marketing, 3 agents Experts Produit Électricité, 18 chargés d’affaires, 6
responsables d’affaires et une équipe de management); 12 personnes
travaillent à distance de l’agence. Ces personnels appartiennent aux
collèges cadre et maîtrise.
Le schéma ci-dessous permet de comprendre le choix du type
d’organisation.
AGELEC
basée à Nantes
3 agents
Site de Laval
2 agents
Site d’Angers
3 agents
Site de
La Roche-sur-Yon
2 agents
Site de Laval
2 agents
Au total, 12 agents sont restés dans leur site d’origine, et sont donc à
distance de leur agence de rattachement basée à Nantes.
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
2. La démarche
La conduite du projet
L’expérience de télétravail qui nous intéresse ici a été initiée sur le marché
de clientèle des PME-PMI et, plus précisément, sur l’AGELEC Pays de
Loire. Après la création de l’agence au printemps 1998, l’accent a d’abord
été mis sur le traitement des questions urgentes de logistique et de performance économique.
Le cahier des charges de l’agence prévoyait notamment la consolidation
d’actions en matière de management. Mais, après un an de fonctionnement de l’agence et au regard des contraintes liées à la répartition des
effectifs sur six sites différents, le responsable de l’agence et la Mission
Télétravail ont décidé de mener une enquête pour :
– faire un état des lieux de l’agence sur les situations de travail à distance
aux plans collectif et individuel.
– faire progresser le personnel dans son apprentissage du travail à distance.
Les enjeux
Outre ces objectifs, l’enquête devait également répondre à de multiples
questionnements complémentaires.
Pour l’agence, il s’agissait :
– de fournir à son responsable des éléments de réflexion sur les
forces et faiblesses de l’organisation après une année de
fonctionnement;
– d’identifier les difficultés rencontrées dans le recueil et le traitement des informations nécessaires à son bon fonctionnement;
– de relever les points forts de son mode de fonctionnement;
– de mettre en avant les actions et modes de travail développés
par chacun des acteurs pour répondre à leurs différents besoins;
– de préparer une action de formation et en tester la pertinence
avant de l’inscrire dans une offre globale au sein d’EDF.
Pour la Mission Télétravail, il s’agissait à la fois :
– d’identifier les spécificités EDF en matière de travail à
distance (benchmarking réalisé chez un leader dans le secteur
de l’imprimerie et dont le réseau commercial est composé de
plusieurs dizaines de vendeurs répartis géographiquement);
– d’enrichir le cahier des charges de l’offre de formation « télétravail » dans le domaine commercial à partir de l’expérience
de l’AGELEC Pays de Loire;
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
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– d’approfondir les champs de compétences à renforcer ou à
explorer chez le manager et le travailleur à distance;
– de valider le travail de conception de l’offre de formation
« télétravail ».
L’accompagnement et le soutien
Le « référentiel » de l’enquête s’appuie sur le benchmarking réalisé dans le
secteur d’activité mentionné plus haut. Ce référentiel de compétences a donné
lieu à l’élaboration d’outils d’autodiagnostic destinés aux managers et aux
personnels à distance. Ces outils ont été conçus par la Mission Télétravail.
Six domaines de compétences sont décrits dans ce référentiel,
à savoir :
– deux qui s’adressent aux managers (management individuel,
management collectif);
– deux qui concernent les managers et les travailleurs à distance
(communication interpersonnelle, autonomie dans le travail);
– deux qui s’adressent aux travailleurs à distance (organisation
personnelle, développement personnel et professionnel).
Par ailleurs, les personnes en situation de travail à distance n’ont pas eu
de formation spécifique, préparatoire au télétravail. Néanmoins, elles ont
suivi un stage sur les outils bureautiques.
La technologie utilisée
Les chargés d’affaires sont amenés à utiliser leur voiture de fonction pour
rendre visite à la clientèle. Ils disposent d’un bureau à distance de l’agence,
équipé d’un ordinateur (modem, messagerie et bases Lotus Notes), d’un
téléphone et d’un télécopieur. Ils sont munis de téléphones portables. On
peut les assimiler à des travailleurs nomades. Les autres catégories de personnels disposent d’un bureau; ils sont équipés de l’outil informatique au
même titre que les commerciaux. (Ils sont délocalisés par rapport à l’agence
à laquelle ils sont rattachés administrativement. Il faut avoir présent à
l’esprit que le centre d’origine les héberge et qu’ils n’en dépendent plus
hiérarchiquement, administrativement et fonctionnellement.)
3. Le travail à distance dans la pratique
Missions et rôles des responsables de marché
Les responsables de marché ont chacun une double mission commerciale
et managériale. Ils ont en effet :
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
– une responsabilité de marché avec l’animation de chargés d’affaires à
partir d’un plan d’action annuel;
– une responsabilité managériale (animation d’une équipe de six ou sept
personnes) selon une répartition géographique privilégiant la proximité géographique (et non le marché d’appartenance);
– une activité annexe relative au suivi de dossiers concernant des clients
antérieurs, des clients à fort potentiel ou avec des spécificités marquées.
Les responsables de marché font état de la nécessité de renforcer les
aspects collectifs (esprit de groupe, solidarité entre les membres de
l’équipe, motivation collective et échange d’expériences, de savoir-faire).
Par ailleurs, s’agissant des compétences relatives à la maîtrise, à l’adaptation et à l’optimisation en situation de travail à distance, les responsables
d’affaires se rejoignent pour exprimer :
– leur grande satisfaction à l’égard des moyens déployés pour répondre
au besoin de maîtrise des outils de suivi et de contrôle (plan d’action
commercial du marché, règles commerciales, lettre de mission et objectifs individualisés, suivi d’affaires), des actions collectives (réunions
trimestrielles), des actions individuelles (revue de portefeuille);
Les responsables de
marché font état de la
nécessité de renforcer les
aspects collectifs (esprit
de groupe, solidarité entre
les membres de l’équipe,
motivation collective et
échange d’expériences, de
savoir-faire).
– leur satisfaction au regard des moyens disponibles pour suivre les résultats de chacun (outils et modes de fonctionnement, fonctions supports);
– leur relative satisfaction concernant les solutions apportées au besoin
d’optimisation et de capitalisation (moyens facilitateurs tels que les fiches
de description des compétences, supports informatiques et managériaux
tels que la revue de portefeuille, le suivi d’affaire... pour définir les métiers,
mettre en place des systèmes d’évaluation, capitaliser les connaissances
clés, mettre en place des dispositifs, des actions de partage).
Missions et rôles des collaborateurs
a) Les chargés d’affaires
Voici les missions principales des chargés d’affaires :
– prendre des rendez-vous avec les clients potentiels ou confirmés, construire et négocier l’offre commerciale et assurer le
transfert du dossier aux services techniques et gestionnaires;
– suivre un portefeuille de clients confiés.
L’esprit d’équipe chez les chargés d’affaires apparaît insuffisamment
développé. Les collaborations existantes tiennent davantage à la proximité qu’à l’appartenance à un même marché.
b) Les experts en produits électricité (EPE)
Les EPE ont pour missions principales :
– l’appui technique des chargés d’affaires;
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
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– l’exercice d’une activité propre (animation des partenaires et
d’actions commerciales, conseil, fidélisation de la clientèle, etc.).
c) Les assistants marketing
Les assistants marketing sont responsables :
– de détection et de la qualification des prospects communiqués
aux responsables de marché;
– de l’organisation
commerciales.
et
de
la
mise
en
œuvre
d’actions
Ils travaillent essentiellement seuls (65 %) et avec les chargés d’affaires et
responsables d’affaires (23 %).
Dans l’ensemble, les collaborateurs estiment que les capacités et compétences acquises par certains doivent être développées chez d’autres.
Dans les esprits, les capacités et compétences requises (et développées)
depuis le passage en délocalisé impliquent :
– la maîtrise des NTIC (nouvelles technologies de l’information
et de la communication);
– la gestion du temps, l’organisation personnelle, la priorisation
de ses actions et l’autonomie;
– la capitalisation des expériences, la mise en commun des
savoir-faire, des informations, des réussites et des difficultés;
– la capacité à parler des échecs.
Globalement, les collaborateurs soulignent très largement (respectivement
en termes de communication interpersonnelle, d’autonomie, d’organisation personnelle, de développement personnel et professionnel) :
– l’insuffisance du partage d’informations et d’expériences;
– la nécessité de disposer d’une passerelle informatique avec les
services techniques (en ce qui concerne notamment le suivi
d’affaires et les logiciels des services techniques);
– leur travail en mode autonome facilité par les structures
d’appui proposées par l’entreprise;
– la grande liberté laissée à chacun dans la gestion et la réalisation de ses activités;
– le fait de disposer d’un bureau dans les murs de l’entreprise
facilite grandement la gestion de l’activité vie professionnelle/vie
privée;
– une réelle attente à l’égard de la hiérarchie quant à leur
développement personnel.
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
4. Le bilan de l’expérience à ce stade
Les points clés du diagnostic
L’enquête a mis en évidence trois éléments significatifs. Le premier a trait
à l’insuffisance constatée au regard du travail en équipe, de la capitalisation des expériences et du partage des compétences et des ressources. Le
deuxième concerne la ressemblance des modes de fonctionnement de
l’agence avec ceux de la société « benchmarkée ». Le troisième est relatif
au ciblage de compétences liées aux situations de télétravail.
Parallèlement, le diagnostic met en évidence la concordance étroite qui
existe entre la vision qu’ont les managers et les collaborateurs des capacités nécessaires à l’encadrement. Le manager doit, en effet :
– maîtriser les outils informatiques;
– avoir une bonne écoute de son équipe à distance;
– faire confiance, responsabiliser les travailleurs à distance;
– se rendre disponible physiquement ou téléphoniquement,
s’obliger à rencontrer régulièrement chaque collaborateur;
– être un soutien moral et technique pour le collaborateur à
distance;
– être le lien entre la structure et le travailleur à distance (soit,
aussi, un facilitateur pour les relations internes à l’équipe et à
l’externe);
– définir des règles précises quant aux modalités de contrôle et
de suivi;
– formuler clairement les objectifs individuels;
– individualiser son mode de management en tenant compte le
plus possible des besoins de chaque collaborateur à distance
tout en favorisant le maillage des membres de l’équipe.
Il ressort que l’idée que se font les personnels à distance de l’agence à
propos de leurs propres compétences individuelles est proche de la cible.
Cela étant, les écarts d’appréciation constatés ont fait l’objet, au cours des
entretiens, d’un ajustement entre le chef de l’agence et la personne en
situation de travail à distance. Du point de vue des responsables d’affaires,
il n’y a pas réellement de surprise. Les chargés d’affaires sont autonomes,
ce qui implique des capacités particulièrement utiles en travail distant.
L’état des lieux des compétences
L’enquête réalisée auprès des personnels travaillant à distance de
l’agence, le benchmarking auprès d’un prestataire de service dans le
domaine de l’imprimerie et l’utilisation des outils d’autodiagnostic de la
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
21
Mission Télétravail (support pour les entretiens annuels d’appréciation)
ont permis de cerner les besoins de compétences spécifiques au travail à
distance tant sur le plan individuel que collectif. La réalisation d’un état
précis des compétences individuelles sur le référentiel télétravail visait à
repérer les écarts entre l’existant, l’acquis et le requis (cible de compétences définie sur le référentiel), de sorte à engager des améliorations.
a) Les besoins détectés
Ils sont triples et font référence aux outils liés au travail à distance (Word,
Excel, Powerpoint, Lotus Notes, Intranet, Internet, etc.), au savoir-faire en
matière de contribution au réseau commercial (partage et collecte d’information, capitalisation) et à l’organisation personnelle (l’utilisation des
NTIC, gestion du temps et des priorités).
b) Les actions en cours
S’agissant du perfectionnement individuel et collectif, la Mission
Télétravail joue un rôle important. Les actions de perfectionnement ont
abouti à l’élaboration d’un cahier des charges « Formation au travail à
distance ».
En ce qui concerne la mise en place des bases Lotus Notes, il a été décidé
de créer :
– une base logistique recensant toutes les informations logistiques de
l’agence;
– une base sur les produits, les techniques et les outils qui permet de
trouver des argumentaires sur les produits à vendre;
– une base concernant les projets de la Direction et permettant à l’encadrement de travailler en mode « forum » sur des dossiers d’actualité
à EDF.
Pour chacune de ces trois bases, des animateurs ont été désignés et formés.
La mise à disposition de ces bases est effective depuis fin 1999. D’autres
bases sont en cours de conception et de réalisation avec le niveau national
et l’ensemble des agences. L’objectif visé est la consolidation d’un lien
d’échanges entre le national et le local et entre les agences elles-mêmes.
Enfin, des retours d’expériences sont régulièrement programmés à l’initiative
des responsables d’affaires. L’objectif est d’amener un chargé d’affaires à
témoigner sur une affaire (réussie ou perdue) pour faire profiter les autres de
son expérience. Les affaires retenues sont choisies par le management pour
leur valeur pédagogique et leur intérêt au regard des priorités de l’agence.
À noter que depuis avril 2000, l’organisation des AGELEC a de nouveau
évolué. En effet, le nombre d’agences a été réduit et les gestionnaires de
contrat ont rejoint les agences (en exerçant leur travail à distance depuis
leur centre respectif) accroissant, du coup, la proportion du personnel
géré à distance.
22
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
AGENCES COMPTABLES CHAMPAGNE-ARDENNE
ET NORMANDIE
Démarche d’accélération de l’évolution des organisations
La réorganisation de la Direction d’EDF-GDF Services a abouti à la mise
en place d’une entité nationale et de 17 agences comptables délocalisées.
Les agences comptables de Champagne-Ardenne (siège à Troyes) et de
Normandie (siège au Havre) revoient leur organisation pour permettre
une plus grande proximité avec les clients internes, valoriser les compétences métier des agents et introduire une certaine souplesse dans la
gestion des ressources humaines.
1. Le contexte de réorganisation de l’activité comptable au niveau
national
Le contexte ressemble à celui du projet précédent. Les enjeux institutionnels de ce projet font écho à ceux du projet AGELEC.
En 1998, la direction EDF-GDF Services (DEGS) a pris la décision de réorganiser ses processus de production comptable en les partageant entre :
– les centres qui assurent toujours la responsabilité de la collecte des
faits économiques et de la protection du patrimoine;
– 17 agences comptables qui sont rattachées hiérarchiquement à une
entité appelée UCN (Unité comptable nationale) et qui doivent traduire
ces faits en comptabilité conformément aux normes établies et dans le
cadre d’un contrat de prestation.
Les 17 agences comptables sont rattachées à l’Unité comptable nationale
(UCN) dont le chef et la structure sont à Paris. Les chefs d’agence (qui
sont installés physiquement dans chacune de leur agence) sont en situation de travail à distance par rapport à leur hiérarchie (basée à Paris) et
par rapport aux autres chefs d’agence (basés partout en France).
Depuis le 6 mars 2000, date de la mise en place des agences comptables,
24 % du personnel est en situation de travail à distance du siège de son
agence.
Les activités comptables dites « Fournisseurs » (imputations de factures
aux fournisseurs) et « Immobilisations » (gestion comptable du patrimoine : locaux, mobiliers, voitures de fonction, poteaux électriques,
matériel divers, compteurs, etc.) nous intéressent tout particulièrement
dans le cadre de cette monographie.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
23
Les objectifs visés au niveau institutionnel
L’enjeu de cette
mutualisation concerne
à la fois l’augmentation de
la productivité, la réduction
des coûts, la flexibilité
de l’organisation, dans
un environnement
concurrentiel.
L’enjeu de cette mutualisation concerne à la fois l’augmentation de la productivité, la réduction des coûts, la flexibilité de l’organisation, dans un
environnement concurrentiel.
Si nous devions résumer la réforme comptable à EDF, nous dirions qu’il
s’agit de « mutualiser » les compétences comptables internes à EDF afin
de procéder à un changement de maille géographique pour mieux répondre aux découpages européens (passage du département vers la région).
La maille régionale est la maille géographique de la majorité des autres
pays de la CEE.
Par ailleurs, les nouveaux moyens informatiques permettant de traiter les
opérations comptables à distance, il a été décidé de ne pas faire déménager tout le personnel, et donc d’étudier les possibilités d’un travail à
distance pour certaines populations.
Désormais, l’activité comptable de l’électricité n’est plus départementale,
mais régionale.
Les personnels concernés en Champagne-Ardenne et Normandie
Les observations rapportées concernent plus particulièrement :
– l’agence Normandie, où une expérience de télétravail est menée avec
une équipe d’une dizaine de personnes en charge des « immobilisations ». Le cadre et la moitié des agents travaillent en mode délocalisé
sur les sites des centres;
– l’agence Champagne-Ardenne, où environ 45 % du personnel est délocalisé dans des centres EDF-GDF Services. Un agent par centre
représente le groupe pour le règlement des aspects administratifs et
n’a pas de rôle hiérarchique. L’encadrement est présent sur le site de
l’agence.
Les schémas d’organisation des agences sont fournis plus loin.
2. La démarche
La conduite du projet
La Mission Télétravail accompagne ces deux agences volontaires pour
l’élaboration et la mise en place de solutions en matière de management
à distance (agence comptable de Champagne-Ardenne basée à Troyes) et
d’aspects ressources humaines (agence comptable de Normandie basée
au Havre).
24
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Les enjeux identifiés
En Champagne-Ardenne, la question qui se pose est de savoir comment
manager des personnels à distance de l’agence. La réponse proposée
consiste en un accompagnement, à partir d’entretiens réalisés au sein de
l’équipe de l’agence, sur les thèmes de la communication interpersonnelle, de la connaissance mutuelle, de la vision partagée des enjeux et de
l’établissement de règles communes. Il s’agit plus précisément d’explorer
les différentes composantes du management à distance et de mettre l’accent sur des recommandations, outils et méthodes qui permettent :
– le développement de la cohésion et de l’identité collective de l’équipe;
– la conservation d’un lien social fort avec les personnels à distance.
En ce qui concerne l’agence de Normandie, l’équipe en charge du domaine
immobilisations de l’agence est organisée en mode « travail à distance » avec :
– un agent immobilisations dans cinq centres EDF-GDF Services;
– la responsable du service Dépenses dans un des cinq centres.
Comment un groupe éclaté sur plusieurs sites peut former une équipe de
travail appartenant à une entité centralisatrice?
L’accompagnement et le soutien
Les réponses apportées sont multiples. En Normandie, l'accent est plutôt
mis sur :
– l’élaboration commune et par étapes d’un outil permettant
d’harmoniser les procédures métier et organisationnelles à
partir d’un partage d’expériences sur les manières de faire;
– un plan de formation individualisé a été élaboré à partir de
l’outil d’autodiagnostic des compétences préalablement
évoqué dans le cas AGELEC. L’encadrement et les agents
délocalisés ont suivi des stages en bureautique, dispensés par
le service de la Formation professionnelle;
– la lettre de confiance précisant les modalités de reporting et
d’évaluation entre les agents délocalisés et leur hiérarchie;
– la convention de mise en télétravail précisant les modalités
réglementaires de rattachement administratif au centre
employeur et les modalités pratiques de fonctionnement.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
25
En Champagne-Ardenne, il s’agit d’explorer toutes les composantes du
management à distance et d’en optimiser l’efficacité en :
– élaborant (comme en Normandie) un outil commun de partage
d’information (bases Notes);
– développant des outils et des méthodes pour renforcer l’esprit
d’équipe (cf. enjeux identifiés).
La technologie utilisée
En Normandie, il s’agit de quatre bases Notes réalisées en collaboration
avec le service informatique. La première est une base forum questions/réponses pour assurer une interactivité en temps réel (le temps de
réactivité ne doit pas dépasser deux jours) et permettre des échanges
informels. Cette base est aussi le lieu virtuel de la « pause café ». La
seconde base est documentaire et alimentée par la hiérarchie (information ascendante et descendante à caractère professionnel). La troisième
base fait figure de « voix de la direction » (messages descendants). La quatrième base est utilisée pour la gestion administrative du personnel à
distance.
En Champagne-Ardenne, l’application informatique repose également
sur la technologie Lotus Notes.
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
LE CAS DE L’AGENCE COMPTABLE CHAMPAGNE-ARDENNE
Cette présentation générale du projet comptable étant faite, nous traitons
à présent des agences une à une.
1. Portrait de l’agence
Cette agence est l’une des 17 agences et regroupe les comptabilités
de 6 unités (dont celle de Troyes) en Champagne-Ardenne et Nord
Lorraine; elle a un effectif de 70 personnes.
L’agence est constituée :
– d’un état-major (6 personnes);
– d’un service Qualité comptable (26 personnes);
– d’un service Ressources internes en lien avec les 5 centres DEGS à
distance (38 personnes, dont 28 délocalisées dans les activités
Fournisseurs, Immobilisation, Fiscalité, Coût et prix de revient et
Main-d’œuvre).
Le service Ressources internes est celui qui nous intéresse. Il est placé
sous la responsabilité d’une gestionnaire qui doit encadrer, outre son
équipe physiquement présente à Troyes, 26 agents délocalisés dans 5
centres DEGS, soit 10 agents Fournisseurs et 16 agents Immobilisations.
Le schéma ci-dessous permet de comprendre le choix de l’organisation
retenue.
Responsable RI à Troyes
manage 38 agents dont 6
encadrants de proximité
Champagne
Sud Troyes
9 agents
Ardenne
2 agents
Metz
Lorraine
7 agents
Haute-Marne
Meuse
7 agents
Lorraine
6 agents
Personnel à distance de l’agence de Troyes
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
27
2. Contexte d’implantation de l’agence
Objectifs et décisions
L’agence existe depuis le 1er mars 2000. Le contexte a été évoqué plus haut
(mutualisation de la production comptable). Les objectifs mis en avant par
le chef de l’agence sont essentiellement liés à l’augmentation de la
productivité et à la réduction des coûts. L’objectif de départ est
économique, tout comme celui du projet PME-PMI.
Au niveau des centres DEGS, le personnel a été sollicité pour :
– rejoindre l’agence de Troyes (mobilité géographique en
restant dans le même métier);
– changer de filière métier dans le cadre d’une mobilité fonctionnelle (une partie importante des activités comptables a été
reconvertie dans les agences clientèle [la population « jeune »
est partie] ).
La Mission Télétravail a aidé à replacer cet objectif économique dans la
perspective d’une flexibilité de l’organisation du travail.
La question était de savoir s’il fallait maintenir l’activité comptable sur les
sites délocalisés (les centres d’origine) ou bien rapatrier l’activité sur la
plaque de Troyes. On a résolu de laisser les agents qui le désiraient dans
leur centre d’origine et de leur donner ainsi la possibilité de travailler à
distance de l’agence.
De plus, étant donné que l’activité Fournisseurs sera réorganisée à l’horizon 2002 avec l’introduction du progiciel de gestion SAP, il a été décidé de
ne pas la rapatrier sur la plaque comptable de Troyes.
Les personnes délocalisées sont, en partie, proches de la retraite. En termes
d’enjeux, il est bien évident qu’elles sont « gagnantes » dans cette opération.
Pour maintenir l’activité Fournisseurs, il a fallu décider de la délocaliser.
3. Le travail à distance dans la pratique
Missions et rôles de la responsable du service Ressources internes
La responsable du service Ressources internes a une double responsabilité : comptable et managériale. Au plan comptable, cette personne est
chargée de veiller et de coordonner la production des agents qu’elle
encadre. Elle a notamment à suivre au jour le jour la production de l’activité Fournisseurs. Le suivi de l’activité immobilisation se fait à partir de
la base Notes qui lui est dédiée.
Parallèlement, elle se déplace dans les centres DEGS, organise des réunions, téléphone quasiment tous les jours à ses agents, échange des
28
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
courriels quotidiennement avec les équipes et passe beaucoup de temps
sur les bases Notes.
Interrogée sur le temps passé en tâches d’animation managériale et
d’expertise comptable, cette responsable déclare qu’elle y passe respectivement 70 % et 30 %.
La responsable du service Ressources internes a choisi de manager du
personnel à distance dans le cadre d’une mobilité (due à la réforme de
structure). Elle encadre principalement des agents de maîtrise et cinq
chefs de section.
De son point de vue, l’exercice de cette activité n’est pas donné à tout
manager. Elle met en avant la disponibilité, l’écoute, la flexibilité et l’adaptabilité comme conditions nécessaires au management à distance. L’expertise
technique dans le domaine comptable devient le minimum requis au regard
de l’énergie à déployer dans l’animation d’équipes à distance.
La charge de travail de cette personne est conséquente depuis la création
de l’agence. De son point de vue, cet état de fait serait dû à la phase de
lancement. Les déplacements sont très nombreux; la correspondance
téléphonique et par messagerie est consommatrice de temps. Elle organise des réunions à périodicité régulière avec ses agents et chefs de
section délocalisés (dans un site différent à chaque fois).
La disponibilité, l’écoute, la
flexibilité et l’adaptabilité
sont des conditions nécessaires au management à
distance.
Dans l’ensemble, ce que cette responsable veut faire valoir, c’est :
– la non-formalisation de ses rôles et missions (on a le sentiment
d’accords tacites et d’une grande complicité entre elle et le
chef d’agence);
– un manque de recul par rapport à une situation nouvelle;
– la traçabilité au jour le jour de la production comptable (applicatifs de comptabilité, base Notes);
– la perception d’un esprit de corps entre les collègues des
centres et inter-centres (mobilisation très forte des équipes
dans la phase de lancement du projet);
– l’autonomie et le volontariat des travailleurs délocalisés.
Missions et rôles d’un chef de section délocalisée
Sa mission consiste essentiellement à encadrer une petite équipe de six
personnes, à superviser la production comptable et à en rendre compte
quotidiennement à la responsable du service Ressources internes.
Ce responsable délocalisé a choisi de rester dans son centre d’origine
pour éviter de déménager à quelques années de la retraite. De son point
de vue, on lui a proposé de rester dans son centre d’origine en raison de
son ancienneté, de son expérience dans le domaine comptable, de son
autonomie dans le poste qu’il occupe, de sa situation personnelle, de sa
rigueur dans le travail et de son aisance avec l’outil informatique.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
29
S’exprimant au sujet du soutien dont il peut bénéficier au même titre que
son équipe, il souligne les qualités d’écoute, de disponibilité, de réactivité
et de patience de la responsable du service Ressources internes (aux plans
technique, psychologique et professionnel).
Il reconnaît, par ailleurs, que sa charge de travail est conséquente. À cet
égard, il fait état d’une charge de travail qui s’est accrue pour tout le
personnel de l’agence.
Dans le même temps, la question des effectifs est évoquée comme un
point sensible dominant. Est en effet exprimée la nécessité d’avoir
recours à des intérimaires pour faire face au surcroît de travail. Celui-ci
résulterait essentiellement de toutes les questions que les personnels à
distance posent à leurs collègues de l’agence sur l’harmonisation des
méthodes de travail, de la mise en place des 35 heures et de l’intégration
de nouveaux embauchés.
En outre, en abordant les aspects d’évaluation annuelle, le chef de section
délocalisé indique qu’il a une lettre de mission précisant les objectifs qu’il
doit poursuivre. Pour le moment, aucun cadre formel d’évaluation ne lui
est fourni. Selon lui, il y a fort à parier qu’il sera noté sur le résultat
global, au même titre que tout le personnel de l’agence.
La création de l’agence, de l’avis de l’intéressé, a eu un impact sur sa vie
professionnelle. Les déplacements occasionnés par les stages Notes et
activités comptables, les « coups de mains » ponctuels donnés aux
collègues dans les centres et au sein de l’agence et les réunions
« roulantes » ont été, et sont encore, nombreux.
Missions et rôles des personnels délocalisés
Les agents Fournisseurs avaient, avant la réforme comptable, pour tâche
principale le traitement des pièces de paiement; une partie de cette activité a été regroupée dans les agences. Ces agents sont devenus des
imputateurs comptables et sont spécialisés dans le traitement comptable
des factures fournisseurs
Les agents Immobilisations ont en charge (suivant leur spécialisation) :
– l’inventaire des biens qui rentrent en concession et ceux qui
sont la propriété d’EDF-GDF Services;
– le suivi de crédits, la fiscalité;
– la mise en inventaire des chantiers conduits par les chargés
d’affaires techniques;
– la mise en inventaire des chantiers conduits par les chargés
d’affaires techniques;
– le suivi des comptes se rapportant au personnel;
– le coût et le prix de revient du réseau électrique, etc.
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Les agents Immobilisations et Fournisseurs sont délocalisés sur une base
volontaire et pour raison d’ancienneté (de leur point de vue).
Dans l’ensemble, ils se rejoignent pour exprimer :
– leur satisfaction quant au soutien dont ils bénéficient aux plans
technique, psychologique et professionnel de la part de leur
hiérarchie de proximité et à distance de leur centre d’origine;
– leur satisfaction quant à la qualité du climat social au sein des
équipes (intra- et intercentre : mobilisation des collègues,
entraide, solidarité, esprit de corps sont évoqués comme des
points forts dominants);
– leur satisfaction à l’égard de leur environnement de travail et
de leur équipement informatique;
– leur satisfaction à l’égard de leur autonomie, ce qui, d’après
eux, contribue à les responsabiliser;
– leur crainte de voir leur charge de travail augmenter si l’on ne
procède pas à de nouvelles embauches ou, du moins, à l’engagement d’intérimaires.
4. Le bilan de l’expérience à ce stade
Il paraît prématuré de faire un état des lieux exhaustif du fonctionnement
de l’agence. La phase de lancement du projet entraîne à la fois des effets
organisationnels et d’apprentissages d’un mode d’organisation en groupware, voire en workflow.
Cependant, il apparaît clairement que l’organisation du travail à distance
implique pour le management :
– un positionnement d’animateur de premier ordre. L’effort
managérial porte essentiellement sur le fonctionnement du
collectif et sur l’articulation des compétences et énergies individuelles pour contribuer à l'atteinte du résultat;
– la création d’un climat de confiance, non seulement au sein des
équipes encadrées, mais aussi dans les échanges entre les
équipes des différents centres DEGS;
et pour les agents :
– le maintien de leurs compétences comptables;
– l’appropriation volontaire d’un fonctionnement coopératif
générant un « esprit de corps » inter- et intra-équipes;
– l’évolution des comportements individuels vers la recherche
d’information, pour leur usage propre et pour l’enrichissement des connaissances collectives.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
31
LE CAS DE L’AGENCE COMPTABLE NORMANDIE
1. Portrait de l’agence
La création de cette agence comptable participe de la réforme de structure largement décrite plus haut. L’effectif total de l’agence est de 65
personnes.
Elle est constituée :
– d’un état-major (4 personnes);
– d’un service Recettes (14 personnes);
– d’un service Qualité comptable (21 personnes);
– d’un service Dépenses (26 personnes).
Le service Dépenses nous intéresse particulièrement ici (il regroupe les
activités Fournisseurs et Immobilisations). La responsable de ce service
est délocalisée par rapport à l’agence. Sa hiérarchie directe est à distance
et elle manage à la fois du personnel délocalisé dans cinq centres DEGS
et du personnel travaillant physiquement à l’agence. Cette particularité
est importante à prendre en compte. Pour l’aider dans sa tâche de management, elle travaille en binôme avec deux «animateurs» Immobilisations
et Fournisseurs.
– L’équipe Immobilisations sur place (au sein de l’agence) représente
cinq personnes; les agents Immobilisations délocalisés sont au nombre
de cinq, soit un par centre DEGS; les agents Fournisseurs délocalisés
sont au nombre de 13 répartis dans les centres.
Le schéma ci-après permet de comprendre le choix de ce type
d’organisation.
ORGANISATION DU SERVICE DÉPENSES
Responsable Dépenses à distance de l’agence
du Havre manage 24 agents dont 2 animateurs
Fournisseurs et Immobilisations.
Agence
Havre
Rouen
Évreux
5 agents
1 agent
4 agents
Caen
Cherbourg
7 agents
dont un
responsable
du service
4 agents
Dépenses
Personnel à distance de l’agence du Havre
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Alençon
4 agents
2. Contexte d’implantation de l’agence
Objectifs et décisions
Tout comme dans le cas de l’agence de Troyes, les objectifs de création de
l’agence du Havre s’inscrivent dans un contexte national de réduction des
coûts et de qualité de service, de réactivité à la contingence européenne
dans le domaine de l’énergie.
À l’instar de l’agence de Troyes, l’agence du Havre a pour principales missions :
– d’assurer la production comptable et d’en contrôler la qualité;
– d’assister fonctionnellement les centres DEGS (clients de
l’agence);
– d’assurer la diffusion de la doctrine comptable.
La délocalisation des activités comptables perçue et vécue par le
chef d’agence
Le chef de l’agence gère la production comptable de cette population,
mais laisse aux centres les aspects de gestion administrative (congés,
maladie, etc.).
Par ailleurs, il souligne la volonté politique de délocalisation des agents
Immobilisation, dans la mesure où ils travaillent étroitement avec les
chargés d’affaires techniques des centres. De son point de vue, les agents
Immobilisations ont choisi de rester dans leur centre d’origine sur une
base volontaire. Il fait état d’une gestion difficile au plan matériel et structurel. Il considère que le soutien du pool Immobilisations au Havre à
l’égard des agents délocalisés est indispensable, pour renforcer la structure Immobilisations des centres.
Globalement, le chef de l’agence est plutôt satisfait de la gestion à
distance des agents Immobilisations. Il envisage d’organiser des réunions
plénières avec tout le personnel de l’agence, pour permettre aux agents
délocalisés de le rencontrer et de le connaître. Il envisage également de
demander à la responsable du service Dépenses de prévoir une réunion
mensuelle en téléconférence et une réunion trimestrielle en présentiel. Il
estime, enfin, que le management à distance nécessite l’adoption de rites
particuliers.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
33
La position des organisations syndicales perçue par le chef
de l’agence
Selon notre interlocuteur, les organisations syndicales auraient bien réagi
sur les tenants et aboutissants du projet. Il évoque l’embauche de 12
jeunes comme facteur explicatif de leur accueil favorable au projet.
3. Le travail à distance dans la pratique
Missions et rôles de la responsable Dépenses
Ses missions et ses rôles sont identiques à ceux précédemment décrits
dans le cas de l’agence Champagne-Ardenne. Cela étant, cette responsable est à distance de l’agence et a recours à un « animateur » pour la
seconder dans ses tâches de management. Cet animateur est basé au
Havre : il est un encadrant de proximité.
Interrogée sur les circonstances qui l’ont amenée à manager du personnel à distance, cette responsable met en avant :
– la réforme de structure;
– la proposition qui lui a été faite de rester dans son centre
d’origine tout en étant responsable d’agents Immobilisations
délocalisés (le chef de l’agence lui a proposé cette
responsabilité);
– l’enjeu autour du maintien des compétences Immobilisations
(choix de délocalisation pour garder l’activité « immobilisation » et ne pas changer de métier).
Elle ajoute qu’elle n’a pas reçu de formation particulière pour gérer du
personnel à distance. Cependant, elle souligne la participation active des
agents lors de la création des bases Notes.
Par ailleurs, sa lettre de mission (établie entre elle et le chef d’agence) stipule l’obligation de se rendre une fois par semaine à l’agence du Havre,
d’organiser une réunion trimestrielle au Havre avec les agents délocalisés, de se rendre une fois par semaine dans un centre DEGS, d’assurer
le suivi annuel des activités Immobilisations à partir de la base Notes et
de contrôler l’activité Fournisseurs par téléphone tous les jours et lors des
déplacements dans les centres. Le suivi de la production des agents est
quotidien (tableaux de bord, visas et contrôles Fournisseurs, etc.). Les
agents Immobilisations seront évalués sur le résultat global annuel, alors
que les agents Fournisseurs le seront sur le nombre de factures imputées
quotidiennement. Le chef d’agence, quant à lui, évaluera la responsable
en fin d’année sur son résultat global.
34
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Tout comme sa collègue manager de l’agence de Troyes, elle indique que
ses journées de travail sont longues et bien remplies. Disponibilité, flexibilité et mobilité sont les qualificatifs spontanément cités pour décrire les
qualités requises pour s’acquitter d’une telle mission. Dans le droit fil de
cette évocation, la responsable du service Dépenses souligne la nécessité
d’aller au devant des agents : ses appels téléphoniques sont quotidiens.
De plus, l’animateur Immobilisations lui est très précieux (il y a également
un animateur Fournisseurs sur place à l’agence).
En outre, de son point de vue, cette mission ne convient pas à tout manager; elle avoue qu’elle n’aurait pas accepté si elle avait eu de jeunes
enfants et donc moins de disponibilité.
Enfin, les principaux avantages reliés à cette expérience de management
à distance sont le choix du maintien des compétences Immobilisations et
le reclassement des populations des centres qui a neutralisé l’effet de
surnombre. Les inconvénients tiennent plus spécifiquement aux trajets et
à la charge de travail (essentiellement liée à l’animation d’équipes à
distance).
Missions et rôles de l’animateur Immobilisations
Cet agent est un encadrant de proximité à la fois pour les agents
Immobilisations basés sur le Havre et pour ceux qui sont délocalisés. Il est
chargé, entre autres, du suivi de la production comptable des agents délocalisés. Son activité s’inscrit dans le cadre d’une responsabilité répartie.
Ce poste lui a été proposé sur une base volontaire.
Il a assisté à plusieurs réunions ayant pour objet une réflexion sur les
processus métier et organisationnels (description des tâches, des rôles et
missions de chacun : encadrement, agents). Il a également participé, avec
les agents Immobilisations, à la conception des bases Notes.
Par ailleurs, en ce qui concerne son temps de travail, il explique qu’habitant loin du Havre, il ne peut pas se permettre d’avoir des horaires de
travail excessivement élevés. En revanche, s’exprimant pour ses
collègues, il parle d’une charge de travail considérable. Il a le sentiment
que la haute hiérarchie leur en demande beaucoup tout en reconnaissant
qu’une telle réforme est nécessaire. Mais, dans le même temps, il
s’interroge sur l’adéquation des moyens (humains et techniques) à la
charge de travail. De son point de vue, les agences comptables
fonctionnent bien au plan conceptuel. Sur le terrain, elles fonctionnent en
flux tendu. Autrement dit, le décalage entre une configuration optimale
au plan théorique et la réalité quotidienne est perçu comme un point
faible dominant.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
35
Enfin, le système d’évaluation des agents à distance est encore à l’étude.
L’animateur compte évaluer ses agents au regard de leurs résultats.
Parlant de lui-même, il pense qu’il sera évalué sur ses résultats en matière
de qualité comptable, sur l’écoute dont il fait preuve à l’égard des agents
délocalisés et sur ce dont il rend compte à sa supérieure hiérarchique
délocalisée.
En tout dernier lieu, la proximité avec le terrain, le fait d’être ouvert « aux
autres » et la satisfaction de remplir une mission exigeante sur le plan
humain sont, du point de vue de l’animateur, source de motivation. Cela
étant, il déplore la gestion du personnel en flux tendu (congés d’été,
remplacements, maladie, etc.).
Missions et rôles des personnels délocalisés
Les tâches de ces personnels rejoignent celles du cas de l’agence
Champagne-Ardenne.
Les agents rencontrés sont délocalisés sur une base volontaire, pour
éviter de déménager en restant dans leur métier. Selon eux, l’ancienneté,
l’expérience, l’autonomie, l’aisance avec les technologies de l’information,
l’organisation personnelle et la motivation sont les raisons pour lesquelles
leur ancienne hiérarchie leur ont proposé de rester dans une activité à
distance.
Pour ces personnes, le contenu du travail a changé du fait de l’harmonisation des procédures. Dans le même temps, elles disent avoir gagné en
autonomie et en responsabilisation. Les contacts avec la hiérarchie sont
réguliers et fonction des besoins. Avant de faire appel à leurs collègues de
l’agence, de l’animateur ou de la responsable du service Dépenses, elles
essaient de se « débrouiller » seules.
En outre, ces agents se rejoignent sur l’idée d’une évaluation de la
production comptable des agences basée sur la performance et sur un
classement « des bonnes, des moyennes et des mauvaises ». Ils pensent
qu’à terme, la plaque comptable du Havre se réduira à trois centres. Ils
envisagent même, outre la réorganisation de l’activité Fournisseurs, une
restructuration de l’activité Immobilisations.
Par ailleurs, leur charge de travail s’est accrue du fait de l’homogénéisation des plans comptables. Cela a eu un impact sur leur vie personnelle :
moins de temps passé avec leur famille. L’impact sur la vie professionnelle
n’est pas non plus négligeable. Le collectif délocalisé n’a que peu de
contacts : appels téléphoniques peu fréquents et réunion trimestrielle en
présentiel. Dans le même temps, les deux agents soulignent la volonté de
la responsable hiérarchique d’instaurer le rite de la pause café virtuelle
une fois par semaine.
36
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Enfin, il est remarquable que ces agents ne perçoivent pas l’implication
des organisations syndicales dans le projet; ils les considèrent absentes et
« dépassées » par les événements.
4. Le bilan de l’expérience à ce stade
Il est sans doute trop tôt pour dresser un bilan du fonctionnement de
l’agence en mode « travail à distance ». Tout comme dans le cas de
l’agence de Troyes, l’agence du Havre n’en est qu’à la phase de lancement.
Il est donc difficile de prendre du recul.
La réorganisation de l’activité Immobilisations a amené des améliorations
auxquelles l’outil informatique a fortement contribué. La conception des
bases Notes permet un partage et une capitalisation des expériences de
travail en temps réel (notamment par le biais de la base forum questions/réponses); cela contribue au professionnalisme des utilisateurs.
Parallèlement, le fait de devoir « se débrouiller », d’aller au devant des
informations oblige chacun à adopter une perspective visant dorénavant
l’accroissement des connaissances collectives.
Cela étant, deux « signaux faibles » apparaissent d’ores et déjà clairement :
– le travail et les échanges coopératifs ne se décrètent pas :
ils impliquent une évolution de la culture professionnelle;
– la charge de travail des personnels rencontrés mérite un
examen sérieux.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
37
CEOS :
CENTRE D’EXPERTISE OPÉRATIONNELLE
ET DE SERVICES À GAZ DE FRANCE
Démarche d’amélioration des performances
Le Centre d’expertise opérationnelle et de services intervient comme
expert et prestataire de services sur la chaîne gazière en France et à
l’étranger. L’amélioration de la satisfaction des clients nécessite une organisation performante pour optimiser la gestion des compétences,
améliorer la relation client-fournisseur et optimiser la gestion des sites de
travail.
1. Le contexte de la réorganisation des activités gazières au niveau
national
Le projet CEOS s’inscrit dans le cadre de l’innovation en matière de
gestion des ressources humaines et des relations clients et des développements d’activités au sein de Gaz de France.
Le CEOS est né le 1er août 1998 à la direction de la Production et du
Transport. Il est issu du regroupement de deux unités, le Centre technique
opérationnel et le Centre d’expertise et de services, dont il reprend
l’ensemble des activités et met en commun les moyens logistiques.
Le CEOS intervient, comme expert et prestataire de services, sur la chaîne
gazière (gaz liquéfiés, transport, stockage et, dans certains domaines, en
distribution), dans des domaines variés et complémentaires (techniques
gazières, informatique, ressources humaines, etc.). Il est basé
géographiquement sur trois sites principaux (Alfortville, Compiègne et
Paris) et sur une douzaine de sites secondaires hébergeant du personnel
CEOS. Il regroupe des spécialistes de ces différents métiers, dont une
soixantaine d’experts, et dispose d’un laboratoire d’analyse du gaz,
d’ateliers de réparations de turbines et de compresseurs et de laboratoires d’électrochimie, de métallographie et de plasturgie permettant la
réalisation d’études, l’analyse d’avaries et la qualification technique de
matériels gaziers.
Le CEOS intervient,
comme expert et prestataire
de services, sur la
chaîne gazière.
La structure du CEOS dans son entier est composé d’environ 350 personnes, dont une soixantaine d’experts en situation de travail à distance
des trois sites basés à Paris et en région parisienne. Ces personnels
appartiennent aux collèges cadre, haute maîtrise et maîtrise.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
39
Les objectifs visés au niveau institutionnel
Au sein du groupe Gaz de France, le CEOS veut être un carrefour d’expertise et une source d’efficacité, au service de la réussite des unités et filiales.
Les objectifs du projet sont multiples, en voici les principaux :
– une GRH plus ambitieuse, car dans un contexte tiré par la demande, le
CEOS doit être en mesure de recruter les ressources nécessaires à son
développement indépendamment de leur localisation géographique;
– une gestion des sites de travail à optimiser dans la mesure où l’éclatement géographique crée trop de contraintes et où l’unité se doit
d’améliorer son organisation pour exercer son activité sur l’ensemble
de ses sites de manière fluide;
– des coûts de structures importants;
– des possibilités offertes par l’accord 35 heures (gestion du temps de
travail amenant les experts à fonctionner en mode asynchrone, amélioration de la qualité de l’expertise où à temps travaillé égal il y a plus
d’experts, augmentation de la productivité en permettant le développement personnel, l’autonomie, la délégation de responsabilités).
Il s’agit plus exactement d’étudier la possibilité de passer d’une structure
d’expertise gazière nationale, avec des experts basés en région parisienne, à une structure répartie (autrement dit, avec des experts auprès
des clients ou en d’autres localisations).
L’expérimentation d’un fonctionnement en structure répartie s’est
déroulée au sein du département d’Expertises et de Services Gaz liquéfié
du CEOS. Ce département était en effet confronté à des problèmes de
recrutements d’experts, ayant eu en particulier un passé en tant
qu’exploitants d’installations gazières. Deux dispositifs de travail distant
intimement liés appelés « bureaux de proximité » et « bureaux de
passage » ont été mis en œuvre.
Les personnels concernés
L’appellation bureau de proximité fait référence à une double proximité :
la proximité du client (qui correspond à la stratégie du département Gaz
liquéfié) et la proximité du domicile (qui tend à satisfaire un besoin
personnel du travailleur à distance). L’expérience concerne deux experts.
L’un a été recruté parmi le personnel exploitant (Terminal méthanier de
Montoir de Bretagne). Une partie de sa mission d’expert concerne l’usine
de Montoir et son bureau a été maintenu sur ce site. Le second avait son
bureau auparavant à Paris, il a été délocalisé sur le site d’Alfortville. Ce
dernier acteur est le chef d’un projet SMS (Système de management de la
sécurité) auquel participe l’expert de Montoir de Bretagne.
40
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Le bureau de passage est situé à Paris. Appelé « l’escale », il permet
d’accueillir les experts en déplacement dans la capitale (experts nomades)
et notamment les travailleurs des bureaux de proximité. La salle du
bureau de passage comprend des postes de travail équipés d’appareils
téléphoniques et de connexions réseau pour les micro-ordinateurs portables des experts. L’un des postes de travail est équipé d’un ordinateur de
bureau.
Le schéma ci-dessous permet de comprendre le choix du type d’organisation.
Département d’Expertises et des Services Gaz liquéfié
Site de Paris – Courcellor
Bureau de passage
Bureau de proximité
du chef de projet
SMS Alfortville
Bureau de proximité
de l’expert basé à
Montoir de Bretagne
Les personnels à distance du département Gaz liquéfié (basés à Paris)
Terminal méthanier
de Montoir de Bretagne
Client du
département
Gaz liquéfié
Expert basé
chez
son client
Chef de projet
SMS
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
41
2. La démarche
La conduite de projet
Une conduite de projet Télétravail, type projet d’organisation, a été
proposé : un directeur de projet, un chef de projet et huit responsables de
lot (Pilotage et communication, Approche économique, Nouvelle
organisation et mises en situation, Nouvel agencement des lieux de travail, Partages d’expériences, Partenaires internes au Groupe Gaz de
France et externes au CEOS, Gestion de projets avec des acteurs internes,
Instruction et traitement des documents de travail du département GL).
Un des lots les plus importants (Nouvelle organisation et mises en
situation) a pour objectif essentiel l’aménagement des procédures existantes du département Gaz liquéfié, de sorte à les rendre compatibles
avec des experts distants et travaillant de façon asynchrone. Il s’agit
d’articuler à la fois la réflexion organisationnelle au niveau du département (travail de groupe piloté par le chef du département) et la mise en
œuvre des actions individuelles des experts en situation de travail à
distance (aspects managériaux, techniques et administratifs).
Les enjeux identifiés
Le projet bénéficie également de l’assistance méthodologique de la
Mission Télétravail (phases exploratoire, préparatoire, de lancement et
d’expérimentation).
Le déroulement des opérations prévoit entre autres :
– une convention administrative de travail à distance avec une
première ébauche de lettre de confiance (signifiant les aspects
managériaux);
– une familiarisation des nouveaux entrants avec les procédures
et les collègues (période d’immersion en situation de proximité);
– une participation au travail de groupe pour la mise au point
des méthodes de travail;
– des actions de formation;
– un nouvel agencement des lieux de travail;
– une mise en situation à distance progressive.
Au premier trimestre 2000, une enquête a été commanditée par le
directeur responsable du projet CEOS et réalisée avec l’appui de la
Mission Télétravail.
42
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Ce retour d’expérience a eu pour objectifs :
– de vérifier l’atteinte des objectifs initiaux;
– de garder la trace des différentes dimensions et étapes du
projet : (ce qui a été fait, ce qui a été produit, les résultats
quantitatifs et qualitatifs obtenus);
– de relever les enseignements que l’on pourrait déjà tirer du
projet au stade actuel et de proposer des plans d’actions
éventuels, complémentaires, pour renforcer la coopération, la
cohérence et la cohésion au département Gaz liquéfié;
– de produire les éléments significatifs pour des actions
ultérieures de communication sur les thèmes du travail à
distance et de l’innovation (au sein de CEOS, au niveau de la
direction de la Production et du Transport et avec les
partenaires sociaux);
– d’identifier les conditions de réussite, les points à surveiller
dans la mise en œuvre d’un projet télétravail, de vérifier la
pertinence des repères et outils utilisés par la Mission
Télétravail.
Les axes d’investigation visaient un retour sur :
– la compétitivité du service;
– l’organisation;
– les performances;
– les conditions de vie et de travail du personnel concerné.
L’accompagnement et le soutien
L’expert de Montoir de Bretagne a reçu une légère formation à l’utilisation des outils de communication. Les méthodes de travail n’ont pas fait
l’objet d’une formation spécifique, mais d’un apprentissage sur le « tas »
en autoformation et capitalisation d’expériences avec les autres personnes en situation de travail à distance.
La technologie utilisée
Les outils de communication les plus utilisés sont la messagerie et la
documentation électronique. La base électronique documentaire permet
la mise à disposition de l’information à tout expert où qu’il soit.
L’introduction des 35 heures a donné lieu à la création d’un agenda
électronique partagé (Lotus Notes).
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
43
3. Le travail à distance dans la pratique
Missions et rôles de l’expert de Montoir
L’expert basé à Montoir est un ingénieur d’affaires. Il a pour tâche principale l’analyse des conditions de maintenance des terminaux méthaniers
(missions de conseil, d’assistance et d’expertise). Le travail consiste pour
l’essentiel à rédiger des documents (par exemple, sur l’exploitation et le
vieillissement d’un équipement).
Le responsable hiérarchique de l’expert est le chef du département Gaz
liquéfié. L’expert travaille également en mode projet et, à ce titre, il participe au projet SMS.
Missions et rôles du chef de projet SMS
La chef de projet (expert) est basée à Alfortville. Elle est à distance de certains des membres de son équipe dont l’expert de Montoir de même que
des régions concernées par le projet SMS (management de la sécurité).
Le responsable technique du Méthanier de Montoir (ingénieur sécurité)
est un client du département Gaz liquéfié.
Rôles et missions du secrétariat support des travailleurs à distance
Ce secrétariat est basé à Paris. Il assure la saisie de textes, la gestion des
agendas, la commande de fournitures, l’organisation des déplacements
d’affaires, le classement et l’enregistrement des courriers pour le département.
Rôles et missions du secrétariat de Direction
Ce secrétariat est basé à Paris et a, entre autres missions, la charge de
gérer les réservations du bureau de passage.
Les points clés du diagnostic
a) Le client
Le client confirme que le fait, pour le travailleur à distance, de bien
connaître les techniques d’exploitation et la réalité concrète d’un site
industriel constitue un atout pour analyser les besoins.
En outre, être sur place, pour l’expert, facilite l’accès aux documents locaux.
Cela permet aussi d’entretenir des liens plus étroits avec le client. La connaissance des lieux est également un avantage, y compris pour la
communication à distance : on ne communique bien à distance avec le client
à condition de déjà se connaître et de connaître son contexte de travail.
44
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Par ailleurs, traditionnellement les experts du CEOS (département et services du Gaz liquéfié) élaborent des guides volumineux que les exploitants
ne lisent pas toujours. Le contact direct de l’expert avec le client permet
de rappeler que le guide existe. Cela permet également de présenter rapidement son contenu et de l’inciter de ce fait à se référer à la politique de
la direction de la Production et du Transport.
b) L’organisation
Le travail à distance exige de savoir travailler sans contact direct et de
manière asynchrone. Le passage aux 35 heures a donné naissance aux
emplois du temps à « trous ». Ceci oblige à faire rapport régulièrement,
ce qui favorise la communication asynchrone. De même, lorsqu’on
travaille à distance avec des partenaires de plusieurs régions, il devient
difficile de se réunir et d’échanger en un temps et un lieu donné.
En outre, les experts du CEOS sont des travailleurs nomades. Qu’il
s’agisse de travail à distance ou d’aménagement du temps, pour bien se
coordonner, il faut pouvoir communiquer en l’absence de l’autre. La messagerie électronique devient alors un outil indispensable. De fait, tous les
experts sont habitués à l’usage de la messagerie, ce qui leur permet de
s’affranchir des contacts physiques traditionnels et de communiquer avec
leurs collègues, qu’ils soient situés dans des centres éloignés ou à deux
bureaux d’écart.
Parallèlement, l’exigence du travail d’équipe vient moins du travail à
distance que de la nature des missions du CEOS. Les projets nécessitent
des échanges et évitent l’isolement des personnes à distance.
Néanmoins, si une personne privilégie la communication asynchrone, elle
risque de se couper du groupe. Le travail à distance peut constituer un
frein au travail en équipe dans la mesure où la communication à distance
ne facilite pas la détection des signaux faibles.
De plus, le fonctionnement en groupware mêle relations à distance,
relations de proximité et réunions en présentiel avec des partenaires
différents. Cela exige, en tous cas, le déploiement (de la part du manager)
d’investissements en temps conséquent pour l’animation de son équipe.
Le temps passé au téléphone n’est pas non plus négligeable.
Au regard de la nécessité de gérer son emploi du temps avec rigueur,
l’expert de Montoir incite fortement ses collègues à utiliser l’agenda
électronique partagé. La gestion du bureau de passage a son propre
agenda. Il s’agit d’une centrale de réservation Lotus Notes mise à la
disposition des personnes autorisées qui peuvent consulter les disponibilités et réserver directement à partir de leur poste de travail. L’agenda
partagé des experts et le système de réservation Notes du bureau de
passage sont des outils incontournables.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
45
Mais le degré d’utilisation de l’agenda partagé semble très variable selon
les experts. Certains trouvent le système trop « lourd », d’autres ont du
mal à prendre l’habitude de réserver le bureau de passage. Il leur arrive
parfois de se présenter et de ne pas trouver de place, car d’autres se sont
déjà inscrits.
Enfin, le travail à distance a favorisé la création d’un système de classement et d’archivage des informations. Avant l’expérience, le support
papier primait sur le support informatique. Dès lors qu’il est apparu
nécessaire qu’un télétravailleur puisse, là où il se trouve, disposer de tous
les éléments de documentation nécessaires, il a été décidé de créer un
espace informatique partagé. Celui-ci remplace le support papier par un
support électronique commun à l’ensemble du département.
L’informatisation de la documentation a engendré l’obligation de
structurer le classement.
c)
Les performances
Le fait que 75 % des tâches de l’expert de Montoir soit consacré à un
projet national le coupe en partie du site. De plus, ses anciens collègues
ont tendance à comparer avec la situation antérieure. Depuis qu’il est
travailleur à distance, les cadres du Terminal disent avoir beaucoup moins
de contacts directs avec leur ancien collègue.
En outre, cet expert n’a pas de secrétariat à proximité et l’assure lui-même
(tâches logistiques courantes en l’occurrence).
Dans le même temps, les secrétaires de Paris se disent surchargées. Les
personnes à distance ont tendance à demander le même type de service
que celui dont elles disposaient avant. Certains utilisateurs du bureau de
passage, habitués de l’assistance d’une secrétaire dans leur bureau de
rattachement, sont enclins à considérer les gestionnaires des bureaux de
passage comme leur propre secrétariat déporté.
d) Les conditions de vie et de travail
L’autonomie en situation de travail à distance est perçue comme un point
positif à la fois par les personnes à distance et par les organisations
syndicales. En revanche, la personne travaillant à distance ressent une
mise à disposition plus importante de la part de l’employeur. Il peut très
bien travailler dans le train, voire le week-end.
Parallèlement, le nombre de déplacements semble avoir diminué, en
particulier pour l’expert d’Alfortville qui en ressent moins la fatigue. Cela
étant, le nombre de déplacements est important pour l’expert de Montoir.
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
4. Le bilan de l’expérience à ce stade
Points forts et points à surveiller identifiés par la Mission Télétravail
a) Dans la conduite de la démarche
Points forts :
• une information des différents acteurs de la logique et des
avantages d’une telle structure;
• une étude préalable des besoins et des coûts.
Points à surveiller :
• la formation des télétravailleurs – besoin de complément sur
la manière de s’organiser;
• la pérennité nécessaire auprès des clients;
• la pérennité nécessaire pour les télétravailleurs de proximité;
• la clarification du changement de statut des télétravailleurs
qui restent dans leur ancienne structure;
• faire en sorte que le projet constitue une valeur ajoutée tant
pour l’entreprise, le client que pour les télétravailleurs.
b) La mise en place de bureaux de proximité auprès des clients
Points forts :
• le coût d’un expert en province n’est pas plus élevé que celui
d’un expert à Paris;
• les gains de productivité, notamment pour le portage des
politiques sur le terrain;
• permet de faire sauter deux verrous :
– le déménagement en région parisienne,
– le refus de passer d’une fonction de management à une
fonction d’expert;
• permet de diffuser l’idée de travail à distance sur le terrain;
• permet de mieux comprendre les besoins du client et d’avoir
accès à des documents locaux;
• amélioration des conditions de travail personnelles et de la
qualité de vie des experts à distance;
• l’expert, relais du client, peut mieux porter ses préoccupations au niveau national;
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
47
• fait évoluer les pratiques des non-télétravailleurs;
• repose la question de la documentation électronique;
• la convergence entre les changements d’organisation liés au
télétravail et au passage à 35 heures;
• les acteurs estiment que les OS ont accepté une structure
répartie sous condition de ne pas imposer le lieu de travail
au télétravailleur.
Points à surveiller :
• les coûts de communication sont plus élevés;
• moins de sollicitations du secrétariat de l’équipe, absence de
logistique locale, avec des conséquences sur la réactivité du
télétravailleur;
• une coordination avec l’unité accueillante nécessaire;
• l’inadaptation de la gestion du personnel à la réalité du
télétravailleur, la difficulté d’obtenir des formulaires et des
restitutions informatiques;
• c’est surtout le télétravailleur qui s’estime gagnant;
• garder le contact avec l’ancienne équipe de direction;
• le travail spécifique de repositionnement avec l’ancienne
équipe;
• le choix du local du bureau, car il est déterminant pour le
nouveau positionnement;
• une disponibilité plus grande est attendue de la part des
clients;
• une contrainte pour le télétravailleur : l’accroissement des
déplacements;
• une situation qui demande plus de rigueur dans l’organisation du temps et du travail;
• une diminution des contacts directs avec les secrétaires;
• nécessite une évolution du système d’information;
• le changement en matière d’usage et d’appropriation de la
documentation.
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
c)
La création d’un bureau de passage
Points forts :
• l’impact direct sur des modifications de pratiques antérieures
(« squat »);
• un guide d’utilisation du bureau en cours de rédaction;
• c’est devenu un droit acquis (entrée dans les mœurs).
Points à surveiller :
• augmente la charge des secrétaires;
• un certain nombre de ces tâches pourraient être autogérées
localement;
• le rôle et la responsabilité de chacun à revoir;
• crée de nouveaux besoins (casier, standard téléphonique,
fournitures de petits matériels, etc.);
• met en évidence certains dysfonctionnements (agenda suivi
de présence, informatique, connexion au réseau);
• la perturbation liée aux communications téléphoniques;
• le risque de transformer le bureau de passage en second
bureau;
• une souplesse accrue dans les plages de réservation.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
49
DEUXIÈME PARTIE
Quelques enseignements transversaux
Sans nous livrer à une étude minutieuse et systématique des cas1 afin d’en
tirer d’hypothétiques leçons à valeur universelle, il nous semble possible
de dégager quelques grands enseignements transversaux. Dans une
analyse au premier degré, nous nous efforcerons d’abord de dégager les
points de convergence et de divergence résultant d’une comparaison des
trois réalisations. Puis nous nous intéresserons à quelques grandes catégories d’acteurs : les agents et leurs perceptions, la hiérarchie et
l’évolution du management, la position des organisations syndicales et,
enfin, la Mission Télétravail et son rôle « d’agent de changement ».
1. Points de convergence et de divergence
Le contexte externe aux entreprises
Il semblerait que le point de convergence le plus saillant en ce qui concerne les trois expériences réside dans l’évolution de l’environnement
d’EDF et de Gaz de France. Les trois expériences ont en commun des
restructurations. En effet, les organisations sont amenées à être de plus
en plus proches de leurs clients, de plus en plus flexibles et compétitives
et de plus en plus qualifiantes et réactives.
Les enjeux institutionnels
Les agences comptables et l’AGELEC ont pour objectif principal l’augmentation de la productivité et l’accroissement de la flexibilité par la
mutualisation des moyens et des compétences et par la réduction des
coûts. Dans le cas de l’AGELEC, la localisation des commerciaux le plus
près possible de leurs clients constitue un enjeu fort.
Le cas du CEOS, quant à lui, se caractérise par la mise en perspective
d’une relation client forte et par une gestion des compétences facilitée.
Nous allons même jusqu’à relever au CEOS un mode d’innovation
reposant sur un processus expérimental progressif, s’intégrant dans un
management de type participatif et dans une organisation qualifiante.
Les enjeux des personnels en situation de travail à distance
Les agents comptables souhaitent demeurer dans leurs centres d’origine
pour ne pas avoir à déménager et à changer de métier. Leur refus de
mobilité a été à l’origine du mode d’organisation retenu.
Les agents d’AGELEC (surtout les commerciaux) ont été appelés à fonctionner à distance du jour au lendemain. Les personnels se sont donc
pliés à ce nouveau mode d’organisation qui, à bien des égards, ressemble
à celui des agences comptables. Nous n’avons pas, à proprement parler,
1.
Les agents d’AGELEC
(surtout les commerciaux)
ont été appelés à fonctionner à distance du jour au
lendemain.
Pour une vue synoptique des trois cas, on se reportera à notre tableau.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
53
identifié d’enjeux pour ces agents. Nous retenons simplement que la mise
en situation de travail à distance n’a pas été choisie (contrairement à ce
que l’on observe dans les deux agences comptables).
Les agents délocalisés du CEOS ont plutôt gagné au chapitre de la qualité
de vie et de la conciliation vie professionnelle / vie privée.
Dans l’ensemble, les agents des trois cas décrits préalablement ont
développé leur faculté d’adaptation (intégration au quotidien des technologies de l’information, reporting, etc.) ainsi que leur autonomie tout en
acquérant des responsabilités.
Les démarches télétravail initiées
Les réponses « télétravail » dans les trois cas ont été introduites de
manière différenciée.
Dans le cas AGELEC, il s’est agi essentiellement d’accompagner « en
douceur » des personnels non préparés à la mise en télétravail brutale. Le
levier compétences a été le fer de lance de la démarche initiée par la
Mission Télétravail (formation aux outils bureautiques, référentiel compétences, grille d’autodiagnostic destinée au manager et aux agents, etc.).
Le cas des agences comptables est différent, puisqu’il y a eu une phase de
préparation en amont (plan de formation individualisé, convention réglementaire de mise en télétravail, modalités explicites de reporting et
d’évaluation du travail par la hiérarchie, etc.). Le cas CEOS s’inscrit dans
l’innovation. Le mode de décision, par rapport aux deux autres cas, diffère amplement. Dans le cas CEOS, le choix de mise en télétravail est
initié et suivi de près par le directeur du département Gaz liquéfié.
Dans le cas CEOS, la décision s’insère dans une stratégie organisationnelle. Le télétravail apparaît comme un support « informatique et
organisationnel », essentiel pour coordonner une unité éclatée
géographiquement et centrée sur le client.
Les points à surveiller
Dans les trois cas, les
agents affichent de fortes
exigences à l’égard de
l’encadrement.
54
Dans les trois cas, les agents affichent de fortes exigences à l’égard de
l’encadrement. Parfois (cas AGELEC en l’occurrence), les occasions de
contacts et de partage d’informations et d’expériences semblent peu
nombreuses. Dans certains cas, les attentes convergent vers l’organisation et la planification des programmes de réunions selon un rythme
cohérent avec l’activité des agents. Dans d’autres, elles convergent vers
une plus grande proximité des agents délocalisés vers leur agence de rattachement (cas de l’agence de Normandie notamment où les agents
souhaitent se réunir physiquement « plus souvent »). Les responsables de
personnels à distance dans les deux agences diffèrent en termes de
parcours et probablement en termes de style de management. L’une
semble extrêmement attentive au « bien-être » à distance de ses équipes.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
L’autre ayant plus d’ancienneté dans l’entreprise, étant à distance de
l’agence, semble avoir un style de management plus « lointain ». Il ne s’agit
là que de notre propre interprétation. Dans tous les cas, le management à
distance requiert des compétences sociales et un volontarisme notoires.
Un autre point de convergence semble résider dans la charge de travail
des agents comptables. Ce point est évoqué à plusieurs reprises dans le
document et fait l’objet d’une grande préoccupation tant de la part des
agents que de celle de leurs responsables hiérarchiques.
Enfin, dans le cas CEOS, les attentes convergent vers une formation
spécifique pour les personnels à distance, pour l’amélioration de la
logistique locale et des systèmes de communication et d’information. La
rigueur dans l’organisation personnelle est un point qui mérite une attention particulière (tout comme dans le cas AGELEC).
2. Vers de nouvelles régulations
On l’a vu, dans les cas rapportés, le développement du télétravail pose, à
différents stades, la question de la régulation des relations entre acteurs
investis dans le changement qu’il représente par lui-même et le changement, plus large, dans lequel il s’inscrit (transformation des organisations,
mutation du lien entre EDF et Gaz de France et leur environnement, diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication).
Par ailleurs, bien que les entreprises EDF et Gaz de France mettent
légitimement en avant des objectifs d’efficacité pour chacune des expériences relatées, celles-ci apparaissent aux observateurs comme des
compromis entre l’atteinte d’objectifs économiques et la satisfaction des
besoins des salariés. Cette position est d’ailleurs en accord avec l’affirmation institutionnelle selon laquelle le télétravail répond à « l’intérêt
partagé de l’entreprise, de ses clients et de ses salariés ». Mais dans le
même temps, si l’on examine de plus près les trois cas, on constate que :
– l’expérience de télétravail de CEOS se traduit essentiellement par une
gestion facilitée des compétences et d’amélioration de la relation client.
La satisfaction des salariés est une conséquence;
– l’expérience AGELEC correspond, d’une part, à une logique d’implantation centralisée et au déménagement du personnel « fonctionnel » de
l’agence et, d’autre part, à une logique de « proximité du client ». Dans
ce cas, la situation de travail à distance a été « décrétée ». On aurait tendance à penser qu’il s’agit plutôt là de l’intérêt de l’entreprise et du
client (la mission a accompagné le projet dans l’optique d’une
démarche compétence pour recadrer l’expérience en ayant en tête
l’intérêt des salariés);
– l’expérience de télétravail des agences comptables se caractérise par le
refus de mobilité des agents (facteur décisif dans le choix du type
d’organisation retenue).
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
55
La Mission Télétravail joue
à la fois un rôle de
« mouche du coche », de
facilitateur.
La Mission Télétravail joue à la fois un rôle de « mouche du coche », de
facilitateur : elle suscite des expériences nouvelles tout en fournissant des
moyens pour les réaliser (information, formation, préparation, retours
d’expérience). Cette stratégie s’inscrit dans une logique d’innovation
socioéconomique et d’orientation pragmatique. Cela explique qu’il n’y a
pas de forme canonique de télétravail, mais une diversité des formules
organisationnelles retenues. Des cadres de cohérence sont établis dans
chaque cas, mais les modalités d’application sont variées.
Il est remarquable que, dans les trois cas, on se réfère à une ouverture
plus grande d’EDF et Gaz de France à leur environnement. En réponse à
ce nouvel environnement, les entreprises engagent des opérations de
restructuration de grande envergure qui nécessitent de trouver des
contreparties pour les salariés afin de les rendre acteurs et bénéficiaires
du changement.
Les perceptions des salariés en situation de travail à distance
Il n’y a pas de forme
canonique de télétravail,
mais une diversité des formules organisationnelles.
L’ensemble des agents comptables sont d’avis que le niveau d’expertise,
le sens des responsabilités tout comme les capacités d’adaptation à un
mode d’organisation en situation de travail à distance sont les traits dominants de leur identité de métier (les agents Immobilisations notamment).
Pour certains, l’obligation de résultats et le style de management renforcent la responsabilité et l’esprit de rigueur. La proximité de la hiérarchie,
le degré d’autonomie et l’initiative doublée de la valorisation des contributions sont autant de critères reliés directement au style de management
pratiqué qui contribuent fortement à motiver les agents.
De même, ils s’accordent pour dire que la charge de travail combinant
apprentissage organisationnel et distance est un point faible dominant.
Sur la plaque comptable de Troyes, le surcroît de travail et la complexité
des dossiers à traiter en urgence sont des phénomènes explicatifs du
stress de certains responsables de section. À ce fonctionnement en flux
tendu (que l’on retrouve au Havre) vient s’ajouter une certaine irritation
causée par l’indifférence perçue de la haute hiérarchie au manque réel
d’effectifs.
En ce qui concerne les agents des cas AGELEC et CEOS, force est de
constater qu’ils mettent tout particulièrement l’accent sur la nécessaire
maîtrise de l’outil informatique et des technologies de communication,
sur la gestion du temps et la capitalisation des expériences (ce dernier
point se retrouve surtout dans le cas AGELEC). Globalement, l’autonomie
en situation de travail à distance est perçue positivement.
56
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
Transformations de la relation managériale et nouvelles exigences
Sur un plan plus opérationnel, ces situations de travail à distance
renvoient à la problématique du management d’équipes virtuelles. Le
passage en travail distant remet en cause les modes de coordination
habituels des équipes. La supervision directe perd de son efficacité, car
l’autorité ne peut plus s’exercer à la voix et au regard. L’ajustement mutuel
ne peut plus s’appuyer sur les échanges informels qui se déroulaient
« naturellement » lorsque les agents étaient réunis dans un même lieu. Les
nouvelles technologies restituent en partie une capacité d’interaction
dans le collectif de travail, mais d’une façon plus structurée. Cela impose
de construire d’autres modes de régulation, tant pour la conduite des
équipes que la gestion des personnes.
La relation de distance entre le manager et son équipe appelle des modalités de collaboration plus explicites : « la communication à distance ne
facilite pas la détection des signaux faibles » dit-on à propos de CEOS. La
nécessité est plus grande pour chacun – encadrant, comme collaborateurs
– de s’inscrire dans un management contractuel et de recourir à une certaine formalisation et explicitation du travail, aussi bien dans la manière de
le réaliser, que dans la fixation des objectifs et l’évaluation de leur atteinte.
La relation de distance
entre le manager et
son équipe appelle des
modalités de collaboration
plus explicites.
L’évolution de la relation managériale montre, dans le cas de l’AGELEC Pays
de Loire, que managers et collaborateurs s’entendent pour souligner l’importance des compétences d’encadrement fondées à la fois sur du « lien
froid » (formuler des objectifs, définir des règles, etc.) et sur du « lien chaud »
(écoute de l’équipe, soutien moral, attention au développement des collaborateurs, etc.). Ce second point est important, car la sensibilité devient plus
grande à l’égard d’un détachement qui pourrait être interprété comme une
forme de mépris, voire d’abandon, par les « travailleurs délocalisés ».
Dans le cas des agences comptables, la relation managériale semble
reposer davantage sur un savoir-être que sur un savoir-faire technique.
Les deux responsables de personnels délocalisés sont d’avis que le temps
passé à communiquer et à aller au devant des problèmes rencontrés par
les agents est plus important dans la dimension à donner à la performance et à l’action que la seule expertise technique. Du point de vue
même des agents, le rôle du management est déterminant. Plus leurs
responsables prennent du temps pour expliquer, pour être à l’écoute et
associer les agents à la définition des objectifs, plus les agents sont en
mesure de constituer une force de proposition pour améliorer les procédures comptables et de se mobiliser pour la réalisation des objectifs.
Le travail à distance ne modifie pas seulement le lien social, il introduit
aussi des exigences plus grandes en ce qui concerne toute une gamme de
compétences individuelles : la gestion du temps, l’organisation personnelle,
la hiérarchisation des priorités,etc. Ces exigences de type cognitif en appellent parfois aussi au relationnel comme lorsqu’il devient nécessaire de
rendre transparents les emplois du temps. Simultanément, un besoin tout
aussi vif s’affirme pour la mise en œuvre de nouveaux fonctionnements
collectifs à travers le partage des expériences, leur mise en commun.
Le travail introduit des exigences plus grandes en ce
qui concerne toute une
gamme de compétences
individuelles.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
57
Il est difficile d’établir un bilan plus développé des expériences
rapportées, d’abord parce qu’elles sont encore récentes, pour deux
d’entre elles, ensuite parce que les évolutions enregistrées tiennent autant
aux changements globaux d’organisation qu’au télétravail lui-même.
Positionnement des organisations syndicales
Les organisations syndicales n’apparaissent pas très présentes dans les
situations observées. Il existe certes des débats au niveau national, mais
pas encore de prises de positions. Au niveau local, en l’absence de consignes nationales, les partenaires sociaux hésitent à s’engager dans des
discussions qui, estiment-ils sans doute, pourraient les mettre en porte-àfaux. Toutefois, ce raisonnement doit être nuancé. Les représentants du
personnel au niveau local sont présents, mais leur action s’exerce de
façon ponctuelle, à travers la défense d’intérêts individuels, plutôt qu’en
relais de positions nationales sur des dossiers collectifs.
Sans réduire le télétravail à sa dimension technologique, on peut penser
qu’en développant l’usage des technologies de l’information, ce qui est
actuellement le cas (par exemple, la CFE-CGC, qui représente les cadres,
a mis en place un site Internet), les syndicats préciseront leur position à
ce sujet.
Au demeurant, le positionnement des organisations syndicales à EDF et
Gaz de France n’est pas très différent de celui constaté dans d’autres
grandes entreprises. Face aux enjeux du développement des nouvelles
technologies, les syndicats adoptent une attitude prudente et pragmatique; on peut les comprendre. Si l’on regarde la situation nationale dans
son ensemble, il apparaît que la stratégie française d’entrée dans la société
de l’information n’a pas été marquée par l’adoption d’une ligne directrice
très ferme, qui aurait permis aux acteurs sociaux de se situer, mais plutôt
par un rapport à ces technologies quelque peu chaotique, l’État faisant
alterner de brusques accélérations et des périodes de latence2.
Le positionnement des
organisations syndicales à
EDF et Gaz de France n’est
pas très différent de celui
constaté dans d’autres
grandes entreprises.
La Mission Télétravail : un agent de changement
Dans les expériences relatées, les contributions de la Mission Télétravail
sont multiples : contribution à un diagnostic préalable, élaboration
d’outils, accompagnement des projets, appui à la réalisation des retours
d’expériences, etc. Ces contributions dessinent un rôle d’agent de
changement dont on peut préciser les contours.
2.
58
Voir G. Duval et H. Jacot, Le travail dans la société de l’information, Paris, Éd. Liaisons, 2000, p. 149
et suivantes.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
La Mission n’est généralement pas l’initiateur du changement dans lequel
elle intervient, mais un agent actif venant en appui à l’initiateur, une direction des entreprises EDF et Gaz de France. Acteur interne, son mandat
est d’aider les entreprises à implanter le télétravail pour faciliter les
réorganisations. Son rattachement à la Direction générale lui confère
néanmoins une position de relative extériorité : elle n’a pas d’enjeux
« personnels » dans une situation problématique, sinon sa réputation. Elle
se situe en fait à mi-chemin entre le modèle du « militant » et celui du
« consultant ».
En tant qu’organe d’incitation, elle emprunte au modèle du militant, au
sens où elle s’identifie explicitement aux objectifs et aux moyens de
changement du télétravail : elle en épouse les modalités et exerce son
influence auprès de ses interlocuteurs, pour amener l’acceptation du télétravail par les destinataires du changement et son implantation. Elle
défriche, expérimente sur elle-même des solutions techniques, d’organisation et de management qu’elle s’efforce ensuite de promouvoir avec
une légitimité d’innovateur.
Les directions la sollicitent, en tant que consultant, pour les aider à mieux
diagnostiquer et/ou planifier leur projet de télétravail. L’expérience
qu’elle a capitalisée dans le domaine permet à la Mission d’être crédible
sur un créneau à la fois spécialisé et large par les dimensions qu’il
recouvre (économique, organisationnelle et sociale) et les expertises
mobilisables pour traiter les problèmes rencontrés (technologies de
l’information et de la communication, organisation du travail, droit social,
etc.). Bien qu’elle dispose d’expertises propres, la Mission agit plus
comme ensemblier que comme expert technique. Elle s’appuie, dans son
action, sur des partenaires internes (informaticiens, formateurs, gestionnaires des ressources humaines, etc.) réunis au sein des grandes
directions d’EDF et Gaz de France.
LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
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LE TRAVAIL À DISTANCE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE ET GAZ DE FRANCE
Études de cas et enseignements
61
Peu de travail en équipe,
difficultés à partager les
compétences et les
ressources.
Exigences fortes des collaborateurs à l’égard de
l’encadrement.
Nouvelles compétences
requises pour les télétravailleurs (gestion du
temps, organisation personnelle, etc.).
Sensibilité plus forte aux
défaillances techniques.
Le « réflexe » du reporting demande un temps
d’apprentissage.
Les personnes délocalisées ne se sentent pas
toujours valorisées par
leur encadrement.
La gestion à distance
peut être difficile pour
des raisons matérielles.
Charge de travail accrue
combinant effets organisationnels et distance.
Formation des télétravailleurs.
Clarification du changement de statut.
Logistique locale.
Rigueur dans l’organisation du travail personnel.
Adaptation des systèmes
de communication et
d’information.
Formation des télétravailleurs aux
nouveaux outils
bureautiques, élargie
à une formation au
travail à distance et à
l’organisation personnelle.
Séances de partage
d’expériences.
Plan de formation
individualisé.
Formation au travail
en groupware.
Modalités explicites
de reporting et
d’évaluation du travail par la hiérarchie.
Convention réglementaire de mise en
télétravail.
Étude préalable des
besoins et des coûts.
Information des différents acteurs.
Éviter le rapatriement des personnels
de leur centre
d’origine sur les
agences centralisées,
tout en atteignant les
objectifs commerciaux dès la
première année.
Conciliation exigences économiques
de l’entreprise et
qualité de vie du
salarié par un
recadrage de l’objectif économique dans
une organisation
rendue plus flexible
par le travail à distance.
Maîtrise des coûts
fixes et développement des
compétences en
réseau (bureaux de
proximité, bureaux
de passage).
Augmentation de la
productivité et
accroissement de
la flexibilité par
mutualisation des
compétences
commerciales.
Augmentation de la
productivité et
réduction des coûts
et flexibilité.
Relation clients
forte.
Meilleure gestion
des compétences.
Offres de service
adaptées.
Économies d’échelle
et d’infrastructure.
1998
Restructuration :
création d’agences
commerciales « électricité » par marché
de clientèles.
Mars 2000
Réorganisation du
processus de production comptable
d’EDF-GDF services.
99 centres comptables regroupés en
17 agences
Harmonisation des
procédures.
Août 1998
Structure d’expertise
avec des experts à
proximité des
clients.
Agence commerciale
PME-PMI Pays de
Loire
Agences comptables
Champagne-Ardenne
et Normandie
Centre d’expertise
opérationnelle et de
services de Gaz de
France (CEOS)
350 personnes dont
60 travailleurs à distance.
115 employés dont
68 en situation de
travail à distance.
35 agents commerciaux dont 12,
répartis sur 6
implantations, travaillent à distance
(chargés d’affaires,
assistants marketing,
etc.).
Points à surveiller
Démarche
Apports escomptés
Enjeux
Contexte
Site et
agents concernés
ANALYSE COMPARATIVE DES TROIS CAS

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