Projection de la population chinoise 2000-2050 - Juin 2007

Xénia Melo & Pascal Rocha da Silva
Cours-séminaire de Modèles et perspectives démographiques
Printemps 2007
Professeur Philippe Wanner
Université de Genève
Projection de la population chinoise
2000-2050
1. Introduction
La Chine est sans conteste le géant démographique du monde. En conséquence,
l'évolution de sa population aura un impact sensible au niveau mondial. La projection
est un exercice difficile, notamment dans le cas chinois, et ceci pour plusieurs
raisons. Cela tient d’une part au fait que les facteurs politiques doivent être pris en
compte : la Chine est encore actuellement sous la politique de l'enfant unique.
D’autre part, les données sont difficiles à trouver et nécessitent parfois une certaine
prudence. Nous avons opté de nous limiter à la Chine continentale, car Hong Kong,
Macao et Taiwan présentent des caractéristiques bien différentes.
Précisément, nous n’avons pas trouvé de données concernant les quotients de
mortalité par sexe et âge annuels. Dans un premier temps, nous avons cherché les
données sud coréennes, mais à défaut de celles-ci, nous nous sommes reportés sur
les quotients japonais. Ceux-ci ont nécessité certaines modifications afin de les faire
correspondre aux caractéristiques démographiques chinoises (surmortalité des filles
et espérance de vie plus courte).
Notre plan consiste en quatre patries, suivies d’une conclusion. Nous allons d’abord
traiter des trois composantes principales de la dynamique démographique, soit : la
mortalité, la fécondité et la migration. Puis nous présenterons et discuterons des
résultats de nos hypothèses pour les projections de la population de la Chine de
2000 à 2050.
2. Projection de la mortalité
Pour projeter la mortalité, nous avons toujours fait l'hypothèse d'une progression
logistique. En effet, la forme logistique nous semble correcte pour les hypothèses
que nous voulons formuler : une diminution d'abord lente, puis s'accélérant, pour
enfin ralentir devant la difficulté de progrès.
La discrimination envers les filles en Chine est très importante, mais le
gouvernement a récemment réagis et a promis de faire diminuer cette inégalité. Par
conséquent, nous avons fait l'hypothèse que la discrimination à l'égard des filles (0-1
an) va diminuer progressivement tout au long de la période 2000-2050 (figure 1).
Figure 1 : Comparaison des quotients de mortalité des deux sexes, 0-1 an, 2000-2050
0.04
Quotient de mortalité
0.035
0.03
0.025
Femmes
0.02
Hommes
0.015
0.01
0.005
2048
2044
2040
2036
2032
2028
2024
2020
2016
2012
2008
2004
2000
0
Année
La figure ci-dessous permet d'illustrer la forme logistique que nous avons voulu
donner à nos hypothèses. La formule que nous avons utilisée est la suivante:
1
. Selon le phénomène étudié, nous avons estimé sur quel point
de la courbe se trouve l’année 2000. Puis nous avons modulé la forme de la courbe
afin de la faire correspondre à nos hypothèses. Finalement, nous avons déduit des
facteurs multiplicatifs que nous avons appliqués aux quotients de mortalité, cf. fig. 2.
Figure 2 : Evolution des quotients de mortalité, hommes, 0+
Facteur de multiplication
0.96505
0.965
0.96495
0.9649
0.96485
0.9648
0.96475
0.9647
0.96465
2049
2046
2043
2040
2037
2034
2031
2028
2025
2022
2019
2016
2013
2010
2007
2004
2001
0.9646
Année
Concernant la progression de l'espérance de vie, nous avons imputé un rattrapage
des hommes vis-à-vis des femmes ainsi qu'une progression de l’espérance de vie
des deux sexes, le tout de forme logistique. S’agissant de la progression de
l’espérance de vie, nous avons imposé trois rythmes différents selon l'âge (jeunes,
âge moyen et avancé). En effet, il a déjà été observé que les progrès, dans un pays
d'espérance de vie similaire à la Chine en l’an 2000, se font d'abord aux jeunes
âges. Puis, au fur et à mesure de l'avancement sanitaire du pays, la progression de
l'espérance de vie se fait au bénéfice des âgés.
1
http://math.jccc.net:8180/webMathematica/MSP/mmartin/logsig
2
Figure 3 : Evolution des espérances de vie hommes / femmes
90
Espérance de vie
85
80
Femmes
Hommes
75
70
2048
2044
2040
2036
2032
2028
2024
2020
2016
2012
2008
2004
2000
65
Années
3. Projection de la fécondité
Etant donné qu'un couple d'enfants uniques a le droit d’avoir deux enfants et que les
cohortes nées après 1985 sont majoritairement composées d'enfant uniques, on peut
s'attendre à ce que la fécondité connaisse une certaine croissance à l'avenir. Cela
d'autant plus que le gouvernement est récemment devenu très divisé sur la question
d’un maintien de la politique de l’enfant unique. Toutefois, nous pensons que le désir
d’enfants va diminuer au cours du temps, c’est pourquoi nous faisons l’hypothèse
que la fécondité ne remontera que légèrement. Nous supposons également un recul
de l'âge des femmes à la première maternité en accord avec les changements
sociaux attendus.
Ainsi, on observerait sur la période 2000-2050 un étalement de la courbe de
fécondité ainsi qu’une augmentation de la variance qui est due à la légère
augmentation du nombre d’enfants par femme.
Figure 4 : Taux de fécondité par âge, 2000-2050
0.1800
0.1600
0.1200
0.1000
2000
2050
0.0800
0.0600
0.0400
0.0200
49
47
45
43
41
39
37
35
33
31
29
27
25
23
21
19
17
0.0000
15
taux de fécondité
0.1400
âge
3
4. Projection de la migration
Ne disposant pas de chiffres concernant la migration relative par âge, nous avons fait
l’hypothèse que celle-ci est avant tout concentrée aux jeunes âges adultes. La
migration de retraite est pratiquement inexistante en Chine, de même que peu de
gens migrent avec leurs enfants, la migration étant principalement un phénomène
d'étudiants, cf. Fig. 5. S’agissant de dynamique, nous pensons que l’évolution de
l’émigration sera caractérisée par une lente progression tandis que l’immigration
restera quasi nulle. La figure 6 illustre les projections que nous avons faites du solde
migratoire par sexe, dont les courbes devraient tendre vers une égalisation
progressive.
Figure 5 : Quotients de migration (I et M) pour les deux sexes, par âges, 2000
0.012000
Quotients
0.010000
0.008000
0.006000
0.004000
0.002000
0.000000
0
5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95
Age
Figure 6 : Solde migratoires par sexe, 2000-2050
370000
350000
330000
290000
Hommes
Femmes
270000
250000
230000
210000
2048
2045
2042
2039
2036
2033
2030
2027
2024
2021
2018
2015
2012
2009
2006
2003
190000
2000
Effectifs
310000
Année
4
5. Projection de la population finale en 2050, commentaires et
comparaisons avec d’autres projections faites et évaluation de
l’incertitude.
La figure 8 synthétise le résultat de nos hypothèses. On observe la diminution
continue de la surmortalité des filles, comme projeté, en atteste l'égalisation
progressive des effectifs des cohortes par sexe. En 2050, il y a presque autant de
petites filles que de garçons, cf. fig. 9. Nous attirons toutefois l’attention sur l’aspect
peu probable de la courbe pour l’année 20002. Nous observons par ailleurs
l’importance des effets de structure : une courbe ou un creux dans une génération se
répercutera 25 ans plus tard sur les cohortes nées de cette génération. Ainsi, par
exemple, la génération qui a 32-37 ans en 2050 est le fruit des cohortes qui avaient
environ 10 ans en 2000.
Figure 7 : Pyramide de la population chinoise, 2000
95
90
85
80
75
70
65
60
55
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
20000000
15000000
10000000
5000000
0
5000000
10000000
15000000
20000000
2
En effet, la diminution de la masculinité entre 1 et 20 ans est bien trop importante pour être réaliste.
Nous penchons plutôt pour l'hypothèse qu’une proportion importante de filles n’est pas déclarée à leur
naissance, mais plusieurs années plus tard.
5
Figure 8 : Pyramide de la population chinoise, 2050
95
90
85
80
75
70
65
60
55
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
15000000
10000000
5000000
0
5000000
10000000
15000000
Figure 9 : Evolution du taux de masculinité selon l'âge, à deux périodes
130.0
120.0
Sex ratio (hommes pour 100 femmes)
110.0
100.0
90.0
2000
2050
80.0
70.0
60.0
50.0
40.0
30.0
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
55
60
65
70
75
80
85
90
95
Age
Les deux tableaux suivants nous permettent d’observer la dynamique des
composantes de l’évolution de la population autochtone. Le taux de croissance de la
natalité (figure 10) connaît une évolution contrastée mais tendant à une légère
baisse. En effet, bien que nous ayons projeté une hausse faible et linéaire de la
fécondité, l'effet de structure perturbe le schéma. Jusqu'en 2010, l'effet de structure
est positif. Dans un deuxième temps, son influence s'inverse (2010-2020) et
l'emporte sur la faible hausse de la fécondité. Puis, lorsque les importantes cohortes
féminines issues de la décennie 1990 arrivent à l’âge de la maternité, la courbe
repart à la hausse (2020-2035) avant de s’inverse à nouveau sous l'influence du
même facteur. Ce phénomène se retrouve dans l'évolution de la natalité (figure 11).
6
Le taux de croissance annuel des décès est stable jusqu’en 2030-2035. En effet,
cela reflète la croissance de la population chinoise (jusqu'en 2025) et son
vieillissement. La stabilité du taux entre 2025 et 2035 est entièrement attribuable au
vieillissement de la population, qui s'accélère (figure 13). A partir de 2035, la
combinaison de la décroissance démographique et de la croissance de l’espérance
de vie fait diminuer le taux de croissance des décès, qui devient nul en 2050.
La valeur du solde naturel annuel, qui n’est autre que les naissances amputées des
décès, décroit légèrement jusqu’en 2015 sous l’effet principalement du facteur
décès. Puis il diminue plus rapidement jusqu’en 2030-2035 sous l’effet du rythme
important de décroissance des naissances. Le solde devient négatif en 2023, lorsque
les courbes des naissances et des décès se croisent. Durant les quinze dernières
années de la période, la diminution s’atténue et la composante décès domine à
nouveau.
Figure 10 : Taux de croissance annuel, 2000-2050
3
2
1
0
En %
Total
Naissances
Décès
-1
-2
-3
-4
2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
2035
2040
2045
Année
Figure 11 : Effectifs, 2000-2050
25000000
20000000
15000000
10000000
Effectif
Naissances
Décès
Solde naturel
5000000
0
-5000000
-10000000
2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
2035
2040
2045
Année
7
La figure ci-dessous permet d'observer la multiplication par 2.6 du nombre de 65 ans
et plus entre 2000 et 2050 avec une stagnation durant la dernière décennie. A
l’inverse, l'effectif des jeunes diminue de 15% entre 2000 et 2010, puis stagne
jusqu'en 2025 pour ensuite repartir à la baisse. En 2050, le nombre de jeunes atteint
74% de l'effectif de 2000. La chute s’est principalement produite entre 1970 et 2000
sous l’effet de wan-xi-shao puis de la politique de l’enfant unique. La fenêtre
démographique est donc grande ouverte3, mais cela ne durera qu’une quinzaine
d’années. La mise en place d’un système de sécurité sociale doit se faire
rapidement. S'agissant de la population active (20-64 ans), sa taille augmente très
lentement jusqu'en 2015 avant de se stabiliser pour diminuer faiblement à partir de
2028. Le niveau de 2050 est quasiment identique à l'effectif initial. Dans l’ensemble,
la dynamique de la population active est très faible, en conséquence, les courbes
des rapports de dépendance (fig. 13) prennent la forme de la courbe des effectifs de
la population dépendante en question. Par ailleurs, la proportion du quatrième âge
(80 an et plus) parmi les 65 ans et plus (fig. 13) n'augmente qu'à partir de 2041.
Les personnes atteignant 80 ans en 2050 sont issues des cohortes nées en 19601961, soit durant l’année la plus noire du Grand Bond en avant. Cette cohorte est
peu nombreuses à l’origine (fig. 7). C'est donc l'effet de structure qui explique le
creux de la courbe correspondante entre 2040 et 2042 (fig. 13). Cependant, nous
pensons que la rupture est aussi partiellement due au fait que les cohortes nées
durant le Grand Bond ont étés soumises à des conditions particulièrement difficiles,
qui les auraient fragilisées durablement. Cela expliquerait qu'elles meurent plus
précocement que les autres. Nous pensons que l’accélération qui suit cette rupture
correspond aux cohortes nées avant le Grand Bond et qui y ont survécu. Celles-ci
ont en effet été sélectionnées positivement, et sont donc plus résistantes.
Figure 12 : Evolution par groupe d'âges (début = 100)
300
250
Début = 100
200
Total
0-19 ans
20-64 ans
65 ans et +
150
100
50
0
2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
2035
2040
2045
Année
3
Il y a à présent peu d’âgés et peu de jeunes soit un idéal économique.
8
Figure 13 : Rapports de dépendance
80
70
60
En pourcent
50
Jeunes (0-19)/(20-64)
Agés (65-+) / (20-64)
Total (0-19+65-+) / (20-64)
Très âgés (80+)/(65-79)
40
30
20
10
0
2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
2035
2040
2045
Année
La figure 14 indique l'évolution du rapport de masculinité à l'âge au mariage. Nous
avons tenu compte du fait que cet âge évolue à la hausse et avons pris des
moyennes quinquennales afin de lisser les données. On remarque que le déficit de
femme ira croissant jusqu'en 2025-2030, pour atteindre 19% ! Les conséquences
sont difficile à estimer mais des dizaines de millions de paysans privés de famille
pourrait avoir un impact de déstabilisation politique. Dès 2030, la situation s’améliore
lentement car l’effet de la baisse de la surmortalité enfantine et infantile que nous
avons fait débuter en 2005 commence à se faire sentir. Toutefois le déficit de femme
perdurera encore plusieurs décennies. La conséquence principale sera un impact
négatif sur la natalité.
Figure 14 : Evolution de la masculinité à l'âge au mariage (moyenne quinquennale)
125
120
Population totale (par sexe)
115
110
105
100
95
90
2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
2035
2040
2045
Année
9
La courbe ci-dessous montre enfin, la projection de la population totale au cours de
la période. Le pic est atteint en 2023-2024, c'est à dire presque au même instant que
le croisement des courbes de naissances et de décès (fig. 11), signe de l'impact
négligeable de la migration.
Figure 15 : Evolution de la population totale, 2000-2050
1400000000
Effectifs
1350000000
1300000000
1250000000
1200000000
2048
2045
2042
2039
2036
2033
2030
2027
2024
2021
2018
2015
2012
2009
2006
2003
2000
1150000000
Année
Le graphique ci-dessous représente les variations maximales vers le haut et le bas
de notre projection démographique générale (fig. 15). Seul le paramètre de la
fécondité est modulé, car nous avons vu que la composante migratoire de la
dynamique de la population est négligeable dans le cas présent. Nous avons
considéré que la fécondité ne pouvait descendre en dessous de 1.14 ni dépasser les
2.22 enfants par femme, en 2050. En conséquence, les projections basses et hautes
représentent les frontières de l'incertitude de notre projection générale. Celle-ci se
situe à +/ - 100 millions de personnes.
Figure 16 : Evolution de la population totale sous les hypothèses de basse, moyenne et haute
fécondité (TFR = 1.41 et 2.22 en 2050), 2000-2050
1450000000
1400000000
1350000000
1300000000
Moyenne
Basse
Haute
1250000000
1200000000
1150000000
2050
2048
2046
2044
2042
2040
2038
2036
2034
2032
2030
2028
2026
2024
2022
2020
2018
2016
2014
2012
2010
2008
2006
2004
2002
2000
1100000000
10
6. Conclusion
Nous avons donc projeté une augmentation importante de l'espérance de vie, qui
atteint 87 ans environ en 2050 pour les deux sexes avec une égalisation des
quotients de mortalité par âge. De même, la surmortalité des petites filles devrait
disparaître à l'horizon 2050. Concernant la fécondité, nous avons prévu une légère
hausse du taux, ainsi qu'une augmentation de la variance de l’âge moyen à la
maternité. Les migrations représentent des effectifs négligeables à l’échelle de la
Chine et nous n’avons prévu qu’une lente évolution à la hausse de l’émigration.
A la suite de nos hypothèses, nous avons obtenu diverses projections de la
population chinoise pour la période 2000-2050. Nous observons, dans un premier
temps, une diminution du rapport de dépendance des jeunes âges et une
augmentation de celle des personnes âgées, ce qui témoigne d'un vieillissement
important de la population. Puis, nous avons vu qu’il y aura une augmentation de la
masculinité à l’âge au mariage jusqu’en 2025-2030, elle atteindra alors environ
119%. En d’autres termes, un homme sur cinq sera contraint de rester célibataire.
Enfin, la projection de la population totale chinoise atteindra 1,26 milliard en 2050,
avec un pic entre 2023-2024 de 1,38 milliard, soit au final une augmentation
démographique d’environ 17 millions d’habitants par rapport à la population de
départ (2000).
Nous avons également projeté différents scénario de basse et haute fécondité avec
des taux respectifs de 1,41 et 2,22 enfants par femme pour 2050. Les résultats
obtenus présentent une fourchette du possible de 200 millions de personnes, notre
projection moyenne se situant au milieu.
11