Le système logistique, facteur-clé du succés des cybermarchés
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Le système logistique, facteur-clé du succés des cybermarchés
Logistique & Management Le système logistique, facteur-clé du succés des cybermarchés Gilles MAROUSEAU Maître de Conférences, GAINS/ARGUMANS, Université du Maine [email protected] La relation au consommateur final constitue un facteur clé de la compétitivité des entreprises en commerce électronique et tout particulièrement des cybermarchés. En examinant ces sites de vente électronique de produits à dominante alimentaire et en menant une série d’entretiens semi directifs auprès d’acteurs concernés, nous examinerons les déterminants des systèmes logistiques en e-commerce ainsi que leur intégration au sein d’un mix logistique, complément du mix marketing. Introduction En inventant une nouvelle forme de médiation entre le consommateur et les produits, le commerce électronique suscite une évolution des techniques globales de commercialisation au sein desquelles nous plaçons la logistique et les systèmes d’information qui lui sont liés car ce sont aujourd’hui des facteurs-clé du succès de la relation au consommateur final. Pour conduire notre réflexion, nous avons limité notre étude au seul secteur français de la vente de produits dits de grande distribution généraliste (notamment alimentaires) grâce à des sites électroniques qualifiés de cybermarchés, équivalents électroniques de nos hypermarchés traditionnels, étudiés notamment par Chirouze (2001), Licoppe (2001), Marouseau (2001), Barth et Aublé (2002) et Durand (2004). En s’appuyant sur une démarche de recherche classique de type qualitatif avec comme terrain d’exploration la logistique des cybermarchés, ce travail examine les choix possibles lors de la conception d’un système logistique et s’intéresse aux variables permettant d’animer le dit système. Quels sont les déterminants structurant l’adoption d’un système en store picking ou en warehouse picking ? Pour- Vol. 13 – N°2, 2005 quoi et comment les cybermarchés ont fait évoluer leur offre depuis 2000 ? Comment s’opère l’intégration de cette logistique au sein de la stratégie globale du e-commerçant ? La préoccupation de la logistique du commerce en ligne est apparue comme une véritable opportunité de recherche soulignée par de nombreux spécialistes en gestion (Amami et Rowe, 2000, Cliquet et alii, 2002, Livolsi et Fabbe-Costes, 2004). De plus, la logistique des cybermarchés est intéressante à étudier car la variété des volumes à transporter et les contraintes à respecter (transport en tri-température : ambiant, frais +4°C et surgelé -20°) en font “l’un des plus difficiles métiers du commerce électronique : les flux des produits sont distincts des flux d’information, le nombre de clients habituels est important et l’achat consiste en de nombreux articles” (Raijas, 2002). Notre recherche s’est déroulée selon une procédure en deux étapes. Dans un premier temps, nous avons pratiqué une recherche documentaire académique et managériale afin de préciser les objectifs assignés à la logistique du commerce électronique. Puis, dans un second temps, nous avons procédé par des enquêtes directes d’acteurs (distributeurs, 9 Logistique & Management logisticiens, transporteurs, concepteurs de site et cyberconsommateurs), à l’aide d’entretiens semi-directifs avec guide et analyse thématique. Pour dessiner les contours des systèmes logistiques des cybermarchés, nous présenterons tout d’abord le concept de système logistique en cybermarché à partir des choix déterminant sa conception. Puis, nous analyserons son évolution à l’aide de variables constituant le mix logistique ainsi que son intégration dans la stratégie plus globale des e-commerçants. Le concept de système logistique des cybermarchés Le concept de cybermarché En France, l’utilisation d’Internet pour distribuer des produits à dominante alimentaire est apparue principalement en 2000, même si les pionniers (Télémarket) ont débuté dès 1998 en développant un système conçu initialement pour le minitel en 1983. Parmi les motivations avancées pour expliquer leurs investissements sur le Net, les groupes français en grande distribution ont fréquemment expliqué qu’ils en attendaient une source de croissance de leurs chiffres d’affaires. En effet, Internet vient renouveler les conditions du jeu concurrentiel en offrant une possibilité de croissance inédite à ce jour : en s’affranchissant de la possession et de l’exploitation de nouvelles surfaces de vente, il incrémente une nouvelle étape de la “roue de la distribution” (Wheel of Retail) de McNair (Filser et Paché, 2005). La logistique des cybermarchés Logistiques B-to-B et B-to-C “En tant que technologie de la maîtrise des flux de produits et d’informations associées, la logistique revêt désormais une importance stratégique majeure pour les distributeurs, notamment à dominante alimentaire” (Paché et Sauvage, 1999). Face au développement du commerce électronique, il est évident que la logistique doit également se transformer afin d’accompagner ce changement dans le cadre d’une logistique globale (Dornier et Fender, 2001). Si le succès actuel du commerce Business-to-Business et de ses places de marchés contraste avec les faibles résultats du commerce Business-to-Consumer, l’une des explications est à rechercher au niveau de la distribution. En effet, dans le commerce B-to-B, Internet n’est utilisé que comme canal 10 de vente, la logistique traditionnelle étant encore de mise. A contrario, la (r)évolution des ventes en B-to-C réside dans la conjugaison d’un nouveau canal de vente et d’un nouveau canal de distribution remettant en cause la conception et l’organisation de l’entreprise car, le plus souvent, le client ne se déplace plus jusqu’au magasin grâce à une livraison à domicile. Une logistique “tirée” Le travail classique du logisticien est d’acheminer des produits déterminés vers un site géographique donné où le client vient ensuite choisir dans le stock disponible. Ces destinations sont donc connues, peu nombreuses, habituelles et, somme toute, régulières quant à leur volume. Dans le e-commerce, les flux sont tirés par la demande et l’optimisation de la logistique part du domicile du client pour remonter jusqu’au lieu de stockage. En matière de cybermarché, la rapidité de la préparation de la commande devient essentielle, ce qui conduit à une stratégie de construction de plates-formes dédiées au seul e-commerce dès lors que les volumes de commandes sont suffisants (entre 1000 et 2000 commandes par jour selon les experts rencontrés). Une logistique visible et créatrice de valeur En commerce traditionnel, Aurifeille et Quester (2000) considèrent que “la meilleure logistique est souvent celle dont le consommateur ne s’aperçoit pas, celle qui lui permet de trouver le produit désiré où et quand il le souhaite. Elle gagne à rester invisible du consommateur”. Par opposition, en commerce électronique, cette logistique apparaît au grand jour car l’enjeu principal de l’organisation de la logistique consiste à matérialiser la stratégie “virtuelle” de l’offre et de la vente de produit grâce à la livraison. Au lieu de débuter l’acte d’achat en assurant l’approvisionnement d’un magasin traditionnel, il s’agit ici de terminer la transaction virtuelle. “Plus qu’un outil, la e-logistique doit être, ou doit devenir, créatrice de valeur” (Durand, 2002). “Aussi complexe soit-elle, l’évaluation de la création de valeur devrait être une figure imposée de toute démarche de Supply Chain Management” (Fabbe-Costes, 2002). Cette création de valeur au sein du système logistique passe par la combinaison de deux types de compétences (la gestion des flux physiques et la gestion de l’information) dont l’intégration suppose un alignement des organisations Vol. 13 – N°2, 2005 Logistique & Management logistiques et des systèmes d’information avec la stratégie de l’entreprise. Les quatre déterminants de la logistique des cybermarchés Le système d’information logistique Faut-il internaliser ou externaliser ? Les technologies de l’information et de la communication fournissent le support de ces processus logistiques et elles constituent une source d’avantages compétitifs. Selon le modèle de Venkatraman (1995), le système d’information est le résultat de la convergence de la pression technologique et la pression concurrentielle. L’harmonie de ces deux forces découle de l’adéquation (ou « fit ») entre les choix stratégiques en matière logistique et les ressources informationnelles contribuant à fournir le support de leur déploiement (Kefi et Kalika, 2003). Pour la dimension “stockage et préparation de la commande”, la décision d’externaliser s’explique par une volonté des acteurs de se recentrer sur leur activité de vente en ayant recours à des compétences spécialisées extérieures à l’organisation (Fabbe-Costes et Sirjean, 1997, Guillaume, 1998 ou Brulhart et alii, 2000). Cet arbitrage entre intégration et délégation obéit au paradigme économique de l’analyse du canal de distribution (Filser, 2002). En capitalisant les connaissances sur les clients et en gérant la flexibilité logistique, le système d’information apparaît comme le coeur de cette e-logistique. “Le système d’information et de communication devient donc l’élément central du dispositif logistique. Les chaînes logistiques étant par nature multi acteurs et multi sites, le SIC a pour principale mission d’assurer la cohérence de ces ensembles complexes d’opérations que les entreprises cherchent à synchroniser” (Livolsi et Fabbe-Coste, 2004). Paul Soriano parle même “d’infogistique” (IREPP, 2000). Kefi et Kalika (2003) ont démontré la “nécessité de s’organiser autour des processus... car ... il convient de mettre l’ensemble de l’organisation en ligne”. L’organisation de la chaîne logistique apparaît donc complexe car elle nécessite l’intégration de la Supply Chain mais aussi de la Demand Chain. Ceci suppose le développement en interne de passerelles rapprochant les trois familles principales de logiciels (un système de gestion logistique SCM - Supply Chain Management -, un ERP Enterprise Resources Planning - et un système ERM – E-Business Relationship Management), conformément à l’analyse de Christopher (1998). La détermination de la logistique des cybermarchés Pour apprécier les stratégies logistiques de la grande distribution en matière de commerce électronique, nous pouvons analyser leurs systèmes à l’aide de quatre questions qui sont apparues, lors de nos entretiens, comme autant de déterminants pour leur conception et leur structuration. Vol. 13 – N°2, 2005 En ce qui concerne le stockage des sites de vente électronique en matière alimentaire, le choix de l’internalisation a été plébiscité. En effet, la nouveauté du concept et l’incertitude quant aux futurs volumes de vente ont conduit les distributeurs à développer des solutions expérimentales sur la base d’entrepôts dédiés car les sous-traitants habituels de la grande distribution hésitaient à investir dans un « actif spécifique ». En ce qui concerne la livraison, le choix de l’internalisation a également été majoritaire, même si Ooshop a choisi l’externalisation, en l’occurrence un partenariat avec la société Stars Services. Où stocker ? Warehouse picking versus store picking Cette stratégie d’internalisation permet de conserver le contrôle total sur l’ensemble de la chaîne et elle amène les entreprises à se poser une nouvelle question : faut-il utiliser le système physique traditionnel d’entrepôts (qui servirait alors tous les formats de magasins, y compris le format “commerce électronique”) ou au contraire, faut-il investir dans un nouveau réseau, spécialement dédié à la vente en ligne ? La réponse à cette question est déterminante pour définir la méthode de préparation de la commande. Dans un premier temps, sans trop investir, le commerçant peut opter pour le modèle du “store picking” qui consiste à prélever dans son magasin traditionnel les articles constitutifs de la commande effectuée sur le site électronique. Ce système interdisant toute possibilité d’automatisation, cette solution semble limitée dès lors que le volume de commande devient trop important (Marouseau, 2001, Durand, 2002). La désaffection de la plupart des cyber-épiciers français pour ce modèle s’explique principalement par un antagonisme entre les 11 Logistique & Management contraintes du commerce traditionnel et celles du commerce virtuel, ce qui est source de conflit. Peut-on préparer les commandes en profitant des heures creuses en passant dans les rayons, au risque de bouleverser le programme de réapprovisionnement du gestionnaire de stocks et d’engendrer des ruptures de stock dans les rayons du magasin ? De plus, le format des hypermarchés suppose trop de distances de déplacement pour les préparateurs et donc un manque de productivité. En revanche, dès lors que le lieu de stockage est commun au commerce traditionnel et au e-commerce, il est inconcevable d’automatiser la préparation de la commande durant les heures d’ouvertures du magasin. Cependant, une solution alternative peut être envisagée, à savoir la création d’un magasin-entrepôt dédié à côté du stock principal. En conséquence, la solution du store picking semble manifestement réservée à des sites qui atteindront vite leur capacité maximale car les magasins actuels n’ont pas été construits et dimensionnés pour servir Internet en plus de leur fonction principale d’accueil des clients. En revanche, si les perspectives de profit sont incertaines, le choix d’une organisation basée sur le store picking peut constituer un début “raisonnable” pour un distributeur traditionnel (voir notamment Durand et Paché, 2004). En permettant au client de commander électroniquement, Internet suppose a priori une livraison à domicile. Faute d’une logistique interne, les premiers e-marchands ont utilisé des prestataires qui proposaient la livraison à domicile, ancrant dans l’esprit du consommateur la notion de livraison à domicile dès lors qu’un achat se faisait sur Internet. Faut-il automatiser la préparation des commandes ? Les groupes qui ont choisi le warehouse picking ont délibérément mis l’accent sur la réactivité, c’est-à-dire sur le temps de préparation de la commande. Cette volonté explique également le choix d’automatiser cette phase initiale du processus car, en pratiquant le warehouse picking automatisé, ces cybermarchés souhaitent en minimiser le coût. Le risque financier de cette solution provient d’une possible sous-activité due à un volume de vente restreint. Tableau 1 : Typologie des cybermarchés en France Cybermarchés « click » Cybermarchés « click and mortar » Hypermarchés sur Internet Logistique interne Warehouse picking Préparation automatique ou semi Livraison à domicile Zone géographique en extension Logistique du magasin Store picking Préparation manuelle Livraison à domicile Zone géographique en extension Logistique du magasin Store picking Préparation manuelle Livraison à domicile Zone géographique limitée Telemarket g20-livraison Leclerc-Cannes Ooshop Merkatua Intermarché-Seyssins Houra Intermarché HyperU-Parthenay Auchandirect Casino-Lyon Webepicerie* C-mescourses* Pratic-Shopping* * Avec un astérisque figurent des sites ayant été fermés. 12 Marché Plus-Rennes* Faut-il livrer à domicile ou non ? Toutefois, il existe une pratique alternative avec la notion de “points-service” (ou points-boutiques, points-relais) suivant l’exemple historique de La Redoute du début des années 1980 en VPC traditionnelle. Aujourd’hui, alors que tous les sites font de la livraison à domicile en moins de 24 ou 48 heures, le client ne trouve aucun avantage à devoir se rendre dans un point-service (très souvent, un magasin traditionnel du distributeur), si ce n’est d’économiser les frais de livraison. C’est à partir de cette réflexion qu’Ooshop a ouvert, dès la fin 2001, 4 points-service (6 aujourd’hui), la préparation de la commande étant facturée 2,5 € en 2002 (3,5 € en novembre 2004), à comparer aux 12,96 € de la livraison à domicile. De même, Intermarché facture 4 € la préparation de la commande et Auchan teste Chronodrive.com, un service de commande en ligne et un service de retrait à un point d’enlèvement situé à Marcq en Baroeul (Lille) depuis février 2004. Si s’appuyer sur la participation du client pour la construction d’une solution logistique économique était une bonne idée, la guerre des prix actuelle (voir p. 16) menace sérieusement ce système si le couple commande+livraison à domicile se maintient au prix de 5 €. Faut-il maintenir la livraison à domicile ? Derrière l’apparente simplicité des points-service, il demeure une incohérence conceptuelle : comment obliger le client à venir chercher sa commande alors qu’on lui a promis de le débarrasser de toutes les contraintes inhérentes au commerce traditionnel et notamment celle du déplacement physique de la personne (Ladwein, 1999) ? Vol. 13 – N°2, 2005 Logistique & Management Résultats empiriques des systèmes logistiques des cybermarché En menant une étude empirique sur les cybermarchés alimentaires français depuis 2000, il apparaît que les choix logistiques de la grande distribution sont clairs : l’internalisation de la e-logistique et la livraison à domicile sont plébiscitées alors que les questions du lieu de stockage (dédié au seul e-commerce ou commun à la distribution classique) et du mode de préparation de la commande (manuelle ou automatique) demeurent. Ceci nous permet de présenter une typologie qui nous servira de grille de lecture lors de l’examen des stratégies adoptées : pour assurer une livraison rapide et, si possible, bon marché. Toutefois, il nous faut noter les échecs des expériences de Pratic-Shopping.fr et Webepicerie.fr, respectivement à Marseille-Aix (avec des magasins locaux) et à Toulouse-Bordeaux (avec des magasins Auchan, Casino et Intermarché). Par rapport à la famille précédente, nous pouvons noter leur moindre importance en commerce traditionnel, ce qui peut expliquer le choix d’un investissement réduit et donc du système du store picking. En revanche, en cas de succès, ces cybermarchés peuvent évoluer vers le système de warehouse picking (voir “La synthèse de Tesco”). Les cybermarchés avec logistique spécifique Des hypermarchés sur Internet Cette famille de cybermarché conjugue un outil de commercialisation (portail Internet) et un canal de distribution spécifique (entrepôt dédié et système de livraison à domicile sur rendez-vous). Ces sites sont adossés à de grands groupes de distribution (Telemarket.fr au groupe Galeries Lafayette - du moins jusqu’au 30 juin 2005-, Ooshop.fr à Carrefour, Houra.fr à Cora, Auchandirect.fr à Auchan et l’ex C-mescourses.fr à Casino) et pourtant, ils ont fait le choix de ne pas utiliser leur logistique traditionnelle en investissant massivement dans une e-logistique. Les derniers acteurs du commerce électronique alimentaire sont des hypermarchés classiques qui ont mis sur le Net une partie de leur assortiment et qui en assurent la livraison à domicile : exemples de Leclerc Cannes (06), Intermarché Seyssins (38), Hyper U de Parthenay (79), Casino Lyon (69). En 2003, Intermarché-Seyssins.com représente un chiffre d’affaires de 750 000 € soit 2,9% des ventes du magasin. Les cybermarchés s’appuyant sur une logistique de magasin A côté de ces véritables cyberstructures, il existe des cybermarchés s’appuyant sur un réseau de magasins traditionnels pour assurer les services de préparation et de livraison des commandes. Nous trouvons ici le site g20livraison.fr qui regroupe les magasins parisien du réseau G20 (grossiste Diapar) sous un portail Internet commun mais où chaque magasin se partage les commandes de son secteur et en assure la livraison. Cette fédération Internet est très légère puisque l’investissement se résume au seul site de vente (pas de système de distribution). Nous y trouvons également les expériences d’Intermarché qui, depuis le second semestre 2004, teste son concept sur les villes de Cestas, Vannes, Antony, Brive, Rochefort et l’île de Ré. Ces exemples de cybermarchés se retrouvent également dans quelques expériences régionales. Suivant la même organisation, nous trouvons des sites comme Merkatua.fr qui opère dans le Sud-Ouest (avec le réseau 8à8, Shopi et Proxy du groupe Carrefour). Ces sites ne sont que des vitrines puisqu’ils jouent sur la proximité des magasins traditionnels Vol. 13 – N°2, 2005 Ces expériences sont intéressantes en terme de comportement du consommateur mais elles ne sont pas de nature à modifier notre étude puisque, dans le cas d’un hypermarché isolé, le choix du store picking ne peut pas évoluer et la zone géographique de livraison est spatialement limitée autour du magasin concerné. De plus, comme le confirment à mots couverts certains directeurs de magasins, ces expériences ne sont qu’un service rendu à la clientèle et la recherche d’un profit (et même d’un équilibre financier) n’est même pas envisagée. La synthèse de Tesco (Grande-Bretagne) Alors que la situation française semble particulièrement contrastée entre de grands groupes de distribution faisant le choix du warehouse picking et des groupes plus modestes choisissant le store picking, aucun de ces modèles ne semble l’emporter en terme de performance économique puisque tous ces cybermarchés affichent des pertes d’exploitation. Pour sortir de cette difficulté, il faut s’interroger sur le succès de Tesco.com en Grande-Bretagne qui est, à ce jour, le seul cybermarché rentable au monde avec plus d’un million de clients. Sa synthèse entre les deux modèles logistiques est peut-être la solu- 13 Logistique & Management tion pour aboutir à des activités de e-commerce alimentaire rentables. catégories de sites dans l’examen de la couverture géographique des cybermarchés. Dès 1995, pour éviter d’investir dans un réseau d’entrepôts couvrant la totalité du pays, le distributeur anglais a opté pour le modèle du “store picking”. Ce développement progressif s’est effectué ville par ville grâce au maillage dense de magasins traditionnels possédés par Tesco (100 magasins concernés en 1999, 250 en 2001, et presque 700 en 2004, ce qui lui permet de couvrir 96% de la population britannique). Puis, face à une demande croissante dans les grandes villes, Tesco a investi dans des entrepôts spécialement dédiés au commerce électronique (avec 20 000 références) afin de différencier les deux circuits de distribution. Toutefois, dans les petites villes, Tesco a maintenu son système initial de “store picking”. Le succès de ce site a conduit les responsables de Tesco dans le développement de leur méthode de distribution au-delà de leurs frontières, et notamment aux États-Unis (partenaire de SafeWay.com -Washington, Oregon et San-Francisco, USA) Les sites développant faiblement leur offre géographique Le mix logistique des cybermarchés Toutefois, depuis la fin 2004, Ooshop s’est résolument tourné vers l’Ouest (Rouen, Évreux, Louviers en octobre 2004 puis Rennes, Nantes et Bordeaux en février 2005 et Le Mans en mai 2005). Lors des expériences passées, Ooshop se contentait d’étendre son site de commercialisation sans mettre en place une logistique spécifique régionale afin de réduire les investissements et pratiquait le store picking. Aujourd’hui, Ooshop prend appui sur un entrepôt spécifique (Bain de Bretagne) mais aussi sur son entrepôt automatique de Marly-la-Ville en région parisienne pour les surgelés. Les difficultés des cybermarchés pour s’imposer ont montré des limites de nature commerciale et logistique. Dans la mesure où nous avons concentré notre propos sur l’offre, nous n’aborderons pas ici l’analyse de la demande c’est-à-dire l’acceptation de ce nouveau “format” de magasin. Toutefois, il s’agit d’une voie de recherche essentielle car elle est complémentaire de notre démarche. En ce qui concerne les difficultés de cybermarchés en matière de logistique, nos entretiens ont fait apparaître quatre catégories qui sont autant de variables dont disposent les cybermarchés afin de faire évoluer leur système logistique et de « ré-enchanter » leur offre. Variable “Couverture” : faut-il ou non étendre la zone de livraison ? Alors que l’extension du canal de vente à l’ensemble du territoire national ne coûte quasiment rien (il suffit d’augmenter la capacité logicielle de traitement des commandes), l’extension conjointe du canal de distribution semble poser de graves problèmes aux acteurs ayant choisi le warehouse picking (car il faut alors développer une infrastructure d’entrepôts). Aussi, nous pouvons distinguer trois 14 Dans cette famille, nous trouvons Télémarket et C-mescourses qui n’ont jamais été convaincus par une extension à d’autres territoires que la région parisienne. Aussi, leur stratégie de couverture géographique a été d’achever leur implantation en région parisienne entre 2000 et 2005. La reprise de Télémarket au début juillet 2005 par de nouveaux investisseurs marque peut-être le début d’une extension de ce site autrefois leader. Les sites pratiquant des expériences d’extension géographique Nous aurions pu également ajouter Ooshop à la famille précédente car il a achevé sa couverture parisienne en 2004 et toutes ses expériences d’extension géographique avaient été rapidement abandonnées (Lille, Orléans et Madrid en 2001 et 2002 ainsi que Championdirect – petit frère d’Ooshop - à Reims en 2003) Dans cette famille, nous trouvons également g20-livraison qui, timidement, s’est étendu dans la région Nord-Pas de Calais après avoir couvert Paris et sa proche banlieue. Il est à noter que cette extension s’est effectuée sans investissement logistique majeur car ce site pratique le store picking. Les sites restreignant leur offre Dans cette famille, nous trouvons tout d’abord Auchandirect. Tentée en novembre 2001, l’expérience du site Auchandirect à Clermont-Ferrand a pris fin en avril 2002, n’ayant atteint que la moitié du chiffre d’affaires prévu. De même, une expérience madrilène tentée en octobre 2001 a été abandonnée en octobre 2002. Aussi, quelques mois après ces tentatives originales avec entrepôts dédiés, le Vol. 13 – N°2, 2005 Logistique & Management groupe a décidé de se concentrer sur la seule région parisienne. Depuis, Auchandirect achève à peine sa couverture parisienne. Toutefois, le véritable exemple de recentrage géographique est à rechercher chez Houra. Créé au début de l’année 2000, ce site fut le premier à proposer une couverture métropolitaine ... et sera peut-être le dernier. En effet, tiraillé par des coûts de livraison croissants, Houra a restreint son offre le 3 novembre 2001 à seulement 31 départements pour, peu à peu, ne concerner que 25 départements français en septembre 2005. Variable “Assortiment” : l’assortiment est-il suffisamment attractif ? Si l’extension théorique de l’offre des cybermarchés pouvait être un véritable élément de différence par rapport aux hypermarchés traditionnels, force est de constater la frilosité de la majorité des acteurs. Le tableau suivant montre la disparité de l’étendue de l’assortiment proposé sur Internet par des sites opérant sur un même marché. Afin de clarifier ces résultats, nous avons identifié trois stratégies distinctes. Un assortiment contraint par la méthode du store picking La première famille de cybermarchés concerne des sites dont l’assortiment est contraint par la pratique du store picking. Ces sites reprennent l’assortiment présent dans les magasins traditionnels et bien souvent, pour des raisons techniques qui seront exposées dans le paragraphe suivant, ils n’en présentent qu’une partie. Avec 5000 ou 6000 références, cet assortiment étroit et peu profond reste peu attractif, ce qui correspond à une stratégie de dépannage, selon la terminologie de Tordjman (1983). Un assortiment orienté technologie La deuxième famille concerne les sites majeurs que sont Télémarket, Ooshop, Auchandirect et l’ex C-mescourses. Malgré des outils logistiques spécialement dédiés au commerce électronique, ces sites ne proposent pas plus de produits que les sites en store picking. Nous ne pouvons qu’être surpris par la faible étendue de leur assortiment. Parmi les raisons expliquant la non utilisation des potentialités d’Internet, la plupart des opérateurs évoquent la complexité de gestion due à une trop grande diversité de références et ils se limitent alors à un cyberassortiment de 4000 à 6000 références permettant une rota- Vol. 13 – N°2, 2005 tion rapide et une préparation facile des commandes. Nous avons qualifié cette stratégie d’assortiment orienté technologie car, obnubilés par les difficultés techniques, ces opérateurs en oublient le client. Nous avons même rencontré un ancien responsable de Ooshop (aujourd’hui consultant) nous déclarant en septembre 2003 que l’introduction des surgelés était une erreur ! Parce qu’un produit est fragile, encombrant ou lourd, il n’est pas référencé sur Internet sans qu’une étude concernant les conséquences marketing de ce choix ne soit faite. Pourtant, outre les indicateurs financiers, la gestion de l’assortiment gagnerait à prendre en considération une variable clef, la “sensibilité au choix des consommateurs” et celle-ci s’explique principalement par le nombre de références proposées (Amine et Cadenat, 2000). Un assortiment orienté client Les entrepôts dédiés offrent la possibilité de construire un assortiment attractif proposant une offre complète et cohérente, similaire (et même supérieure - cas d’Amazon.fr ou Fnac.fr) à celle des magasins classiques. Dans notre étude, Houra est le seul cybermarché alimentaire à proposer, depuis sa création, un large assortiment (plus de 50 000 références soit l’équivalent de ce que rencontre le client dans un hypermarché). Aujourd’hui, cette stratégie d’attraction à partir d’un assortiment large et profond a été discrètement revue à la baisse, le nombre de références étant retombé à 50 000 alors qu’il avait culminé à 65 000). Si l’assortiment est un facteur théorique d’attractivité et de différenciation, il n’appa- Tableau 2 : Étendue du cyberassortiment Site en 2000 en 2001 Assortiment contraint par le store picking g20-livraison 4 000 4 000 Groupe Intermarché Intermarché-Seyssins 2 700 2 700 Hyper U Parthenay 5 000 5 000 Leclerc-Cannes 4 500 5 000 Marché-Plus Rennes 3 000 3 000 Assortiment orienté technologie Télémarket 2 400 4 500 Ooshop 6 000 6 000 C.mescourses 5 500 6 000 Auchandirect 4 500 5 000 Assortiment orienté marché Houra 50 000 65 000 en 2003 5 000 en 2005 5 000 5 000 à 6 500 2 700 4 200 5 000 5 000 5 000 5 000 fermé 5 000 6 300 6 000 6 700 fermé 5 000 5 000 50 000 50 000 15 Logistique & Management Houra maintient son offre promotionnelle de livraison à 1€ et si g20-livraison propose toujours la gratuité pour une commande supérieure à 120 €. raît cependant pas comme déterminant : le panier moyen d’Houra évolue au même rythme que celui de ces concurrents alors qu’il était légitime de penser que l’étendue de l’offre générerait des impulsions d’achat plus nombreuses et donc des paniers plus remplis. Houra annonce un panier moyen aujourd’hui de 180 € alors que les autres cybermarchés français annoncent tous des paniers moyens entre 150 et 170 €. La variable “Délai de livraison” : la livraison est-elle suffisamment rapide ? Pour compléter notre analyse du mix logistique des cybermarchés alimentaires, il convient d’intégrer une quatrième variable, à savoir le délai de livraison. Cette question n’a pas été spécifiquement étudiée car, si un alignement de l’ensemble des sites est officiellement annoncé (livraison en 24 ou au maximum 48 heures sur rendez-vous avec des créneaux de 2 heures), il est difficile d’en apprécier l’exact contenu. En effet, les livraisons se faisant sur des créneaux horaires que le cybermarché propose, le délai sera plus ou moins long suivant l’heure de la connexion et la commune de livraison. Cette variable opérationnelle est de nature à pondérer la notion de couverture géographique (car toutes les communes (ou arrondissements) ne sont pas traitées de la même manière) ainsi que la notion de prix (car la multiplication des propositions de créneaux de livraison sur une même commune coûte cher). La variable “Prix” : le prix de la livraison peut-il couvrir les charges engendrées ? Selon nous, la limite liée au comportement du consommateur ne concerne pas seulement l’ergonomie du site de vente mais aussi le coût de la distribution. Il est généralement admis que le consommateur traditionnel n’a pas conscience du temps, de l’énergie et du coût du transport nécessaires à l’accomplissement de son achat. Le client est donc réticent à payer pour un service qu’il ne considère pas à sa juste valeur. L’acceptation par le client du prix de la livraison est donc un enjeu capital pour le développement des cybermarchés. Après avoir consenti au départ une facturation en dessous du coût réel du service (estimé à 100 F en 2000 et autour de 15 à 17 € en 2004), les cybermarchés ont peu à peu augmenté leurs prix jusqu’en juillet 2004 pour éviter que la logistique ne ponctionne trop leurs marges commerciales. Le Mix logistique au sein du Mix marketing Même si nous focalisons notre travail sur la seule logistique des cybermarchés, il convient de replacer cette dimension au sein d’un “package de services” car la logistique n’est pas le seul élément déterminant de la performance de ces sites (Paché, 2002). L’évolution des quatre variables précédemment vues ne peut donc s’analyser qu’en les intégrant dans la stratégie marketing du e-commerce au travers d’un modèle renouvelé. Après une baisse de prix tactique en août 2004 (pour compenser les départs en vacances), Télémarket et Ooshop ont maintenu à 10 € la livraison avant une violente contre-offensive d’Auchandirect et d’Houra, situant le prix facturé au client à 5 € en décembre 2004. Ooshop s’étant aligné, cette facturation apparaît aujourd’hui comme complètement déconnectée des gains de productivité de la e-logistique et il y a fort à parier que cette compétition par les prix ne débouche sur de nouvelles difficultés financières pour l’ensemble des cybermarchés, surtout si En effet, le modèle traditionnel du maketing dit des “4P” (Produit-Prix-Publicité-Place) (McCarthy, 1960) s’avère rapidement insuffisant pour son application sur Internet par manque d’exhaustivité. Il est possible alors de Tableau 3 : Historique des tarifs de livraison en cybermarché Site 2000 2001 2002 2003 sept-04 mai-05 49 F 59 F (8,99 €) 10,5 € 10,95 € 9,90 € 9,90/5,90 € Ooshop 79 F 79 F (12,04 €) 12 € 12,96 € 10 € 10/5 € Houra 47 F 67 F (10,21 €) 10,20 € 11,95 € 11,95 € 11,95 /5/1 € 59 F (8,99 €) 10,70 € 11,98 € 11,98 € 7,99/3,99 € 30 F (4,57 €) 4,57 € 5€/0€ 5€/0€ 5€/0€ Télémarket Auchandirect g20-livraison Intermarché 16 30 F 8 à 13 € Vol. 13 – N°2, 2005 Logistique & Management l’enrichir jusqu’au modèle des “8P” (Personne, Physical Evidence, Process Design et Productivité) (Samii, 2001) et même un modèle incluant le Service (Lovelock et Lapert, 1999). Toutefois, rajouter sans cesse de nouvelles dimensions à ce modèle afin de “forcer” le commerce électronique à rentrer dans ce cadre d’analyse ne peut qu’altérer la pertinence du dit modèle. Certains auteurs concluent même à “l’incompatibilité du e-commerce avec les paradigmes traditionnels du marketing mix” (Constandinides, 2002, voir aussi Kalyanam et McIntyre, 2002, Marouseau 2003) et prônent de nouveaux modèles, renouvelant des critiques apparues depuis fort longtemps (voir notamment Van Waterschoot et Van den Bulte, 1992). Cet article est le résultat d’une recherche engagée l’année 2000 et se poursuivant depuis. Compte tenu de la nouveauté du phénomène et de sa rapide évolution, nous avons choisi une méthodologie de nature exploratoire et qualitative. Une première étape a privilégié la collecte de données primaires en procédant à une quinzaine d’entretiens semi-directifs réalisés avec un guide d’entretien, soit en face-à-face d’une durée approximative d’une heure, soit par contact téléphonique. Les thèmes abordés étaient les suivants : 1 - Présentation générale du site => stratégie passée et actuelle. 2 - Résultats financiers et commerciaux => évolution par rapport à la concurrence. 3 - Possibilités logistiques en commerce électronique alimentaire => modèle d’entrepôt et de préparation des commandes et modèle de livraison. 4 - Examen de la solution logistique retenue. Ensuite, une seconde étape a consisté en la collecte de multiples données secondaires (travaux de recherche et informations collectées dans la presse ou sur le Net) afin d’effectuer une triangulation référentielle. Pour avoir une vision complète de la logistique des cybermarchés, nous avons essayé de questionner pour chaque cybermarché (principalement Ooshop, Houra, Télémarket, C-mescourses et Auchandirect) au moins un responsable logistique, un responsable e-marketing et parfois un responsable de site par enseigne concernée, mais « l’ouverture aux chercheurs » des cybermarchés est rendue délicate du fait des pertes financières accumulées, ce qui rend le sujet quasiment « tabou ». Pour notre part, nous plaidons pour que la logistique devenue visible aux yeux des clients devienne une véritable dimension du marketing au travers notamment d’un mix des quatre variables identifiées précédemment, assurant ainsi la prise en compte des qualités des processus et du service au client. Ainsi, ce mix logistique pourra constituer un véritable élément de différenciation. Lorsque nous nous penchons sur l’évolution de ces systèmes logistiques, il apparaît que ces modèles butent actuellement sur quatre variables logistiques sensibles qui interviennent dans la définition de la stratégie marketing du e-commerce : une zone géographique problématique, un assortiment qui augmente les coûts lorsqu’il est orienté client, un prix de livraison mal accepté par le client et une contrainte de délai de livraison. Conclusion En ce qui concerne la zone de livraison, après des années d’immobilisme ou de repli des différents acteurs, l’année 2005 a débuté avec l’extension du premier site français Ooshop vers la Bretagne grâce à un entrepôt dédié au e-commerce. Il s’agit du premier signe d’une extension géographique à une autre région, prélude peut-être à la couverture du territoire annoncée par Carrefour dès 1999. L’examen des solutions logistiques développées par les acteurs français en matière de cybermarché nous a permis de constater que, du fait de la timide acceptation de ce nouveau canal de distribution de la part des acheteurs, les grands distributeurs français apparaissent aujourd’hui à la croisée des chemins, partagés entre leurs désirs de diversification et des résultats financiers décevants. Du point de vue logistique, les systèmes mis en place se structurent autour de quatre choix élaborés lors de leur conception. Si l’option de l’externalisation n’est pas utilisée, il existe une réelle dichotomie entre les sites pratiquant soit le store picking (avec une préparation manuelle des commandes), soit le warehouse picking (avec, le plus souvent, une préparation automatisée). Enfin, malgré l’existence d’expériences de points-service, le choix de la livraison à domicile est unanime. Au final, la performance des cybermarchés provient plus d’une contingence (entre stratégie marketing, stratégie logistique et système d’information) que de la primauté d’un modèle (store picking versus warehouse picking). Vol. 13 – N°2, 2005 En ce qui concerne l’assortiment, malgré la complexité logistique et les coûts engendrés, la tendance à l’élargissement de l’assortiment se confirme car il semble nécessaire de l’orienter vers le client en lui proposant un choix à la mesure de celui proposé par les hypermarchés classiques. Toutefois, mis à part le cas unique d’Houra, cet assortiment reste modeste, en regard des possibilités offertes par Internet. En ce qui concerne le service de préparation et de livraison de la commande, les niveaux actuels de prix facturés sont tellement bas qu’ils ne peuvent pas refléter la réalité des charges supportées par les cybermarchés. Même si les prix des produits sur Internet ont tendance à être légèrement supérieurs à ceux d’un hypermarché classique, cet écart entre 17 Logistique & Management prix facturés et charges constatées en matière de livraison entraîne une ponction sur la marge commerciale globale qui pèse sur la rentabilité du cybermarché. Malgré les risques financiers, c’est sur ce terrain que les cybermarchés ont décidé de mener des politiques de concurrence sans doute « fratricides ». Cliquet, G., Fady, A. et Basset, G. (2002), “Management de la distribution”, Dunod, Paris. La théorie des jeux nous enseigne que si les entreprises sont concurrentes pour la répartition d’un marché, elles n’en demeurent pas moins complémentaires en ce qui concerne la création du dit marché (Nalebuff et Branbenburger, 1996). Apparemment, la « non price competition » qui permettait l’instauration d’un nouveau canal de commercialisation semble ne plus être de mise depuis la fin de l’année 2004. N’assisterons-nous pas, dans les prochains mois, à une restructuration du secteur à partir d’innovations logistiques et informationnelles ? Dornier, P.-P. et Fender, M. (2001), La logistique globale, Les Editions d’organisation, Paris. Bibliographie Amami, M. et Rowe, F. (2000), Les opportunités de recherche en commerce électronique sur Internet, Actes du Ve Colloque International de l’AIM, Montpellier. Amine, A. et Cadenat, S. (2000), L’efficacité de l’assortiment du distributeur à travers la perception de choix par les consommateurs, Volle P., Eudes et Recherches sur la Distribution, Économica, Paris, pp. 29-44. Aurifeille, J.M. et Quester, P. G. (2000), Globalisation ou internationalisation : une méthode d’analyse fondée sur les profils d’implication, Faire de la recherche en logistique et distribution ?, FNEGE, Vuibert, Paris, pp. 231-249. Barth, I. et Aublé, G. 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