Le système logistique, facteur-clé du succés des cybermarchés

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Le système logistique, facteur-clé du succés des cybermarchés
Logistique & Management
Le système logistique,
facteur-clé du succés des cybermarchés
Gilles MAROUSEAU
Maître de Conférences, GAINS/ARGUMANS, Université du Maine
[email protected]
La relation au consommateur final constitue un facteur clé de la compétitivité des
entreprises en commerce électronique et tout particulièrement des cybermarchés.
En examinant ces sites de vente électronique de produits à dominante alimentaire
et en menant une série d’entretiens semi directifs auprès d’acteurs concernés, nous
examinerons les déterminants des systèmes logistiques en e-commerce ainsi que
leur intégration au sein d’un mix logistique, complément du mix marketing.
Introduction
En inventant une nouvelle forme de médiation
entre le consommateur et les produits, le commerce électronique suscite une évolution des
techniques globales de commercialisation au
sein desquelles nous plaçons la logistique et
les systèmes d’information qui lui sont liés car
ce sont aujourd’hui des facteurs-clé du succès
de la relation au consommateur final.
Pour conduire notre réflexion, nous avons
limité notre étude au seul secteur français de
la vente de produits dits de grande distribution
généraliste (notamment alimentaires) grâce à
des sites électroniques qualifiés de cybermarchés, équivalents électroniques de nos hypermarchés traditionnels, étudiés notamment par
Chirouze (2001), Licoppe (2001), Marouseau
(2001), Barth et Aublé (2002) et Durand
(2004).
En s’appuyant sur une démarche de recherche
classique de type qualitatif avec comme terrain d’exploration la logistique des cybermarchés, ce travail examine les choix possibles
lors de la conception d’un système logistique
et s’intéresse aux variables permettant d’animer le dit système. Quels sont les déterminants structurant l’adoption d’un système en
store picking ou en warehouse picking ? Pour-
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quoi et comment les cybermarchés ont fait
évoluer leur offre depuis 2000 ? Comment
s’opère l’intégration de cette logistique au
sein de la stratégie globale du e-commerçant ?
La préoccupation de la logistique du commerce en ligne est apparue comme une véritable opportunité de recherche soulignée par
de nombreux spécialistes en gestion (Amami
et Rowe, 2000, Cliquet et alii, 2002, Livolsi et
Fabbe-Costes, 2004). De plus, la logistique
des cybermarchés est intéressante à étudier
car la variété des volumes à transporter et les
contraintes à respecter (transport en tri-température : ambiant, frais +4°C et surgelé -20°)
en font “l’un des plus difficiles métiers du
commerce électronique : les flux des produits
sont distincts des flux d’information, le
nombre de clients habituels est important et
l’achat consiste en de nombreux articles”
(Raijas, 2002).
Notre recherche s’est déroulée selon une procédure en deux étapes. Dans un premier
temps, nous avons pratiqué une recherche
documentaire académique et managériale afin
de préciser les objectifs assignés à la logistique du commerce électronique. Puis, dans
un second temps, nous avons procédé par des
enquêtes directes d’acteurs (distributeurs,
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logisticiens, transporteurs, concepteurs de site
et cyberconsommateurs), à l’aide d’entretiens
semi-directifs avec guide et analyse thématique.
Pour dessiner les contours des systèmes logistiques des cybermarchés, nous présenterons
tout d’abord le concept de système logistique
en cybermarché à partir des choix déterminant
sa conception. Puis, nous analyserons son
évolution à l’aide de variables constituant le
mix logistique ainsi que son intégration dans
la stratégie plus globale des e-commerçants.
Le concept de système logistique
des cybermarchés
Le concept de cybermarché
En France, l’utilisation d’Internet pour distribuer des produits à dominante alimentaire est
apparue principalement en 2000, même si les
pionniers (Télémarket) ont débuté dès 1998
en développant un système conçu initialement
pour le minitel en 1983. Parmi les motivations
avancées pour expliquer leurs investissements
sur le Net, les groupes français en grande distribution ont fréquemment expliqué qu’ils en
attendaient une source de croissance de leurs
chiffres d’affaires. En effet, Internet vient
renouveler les conditions du jeu concurrentiel
en offrant une possibilité de croissance inédite
à ce jour : en s’affranchissant de la possession
et de l’exploitation de nouvelles surfaces de
vente, il incrémente une nouvelle étape de la
“roue de la distribution” (Wheel of Retail) de
McNair (Filser et Paché, 2005).
La logistique des cybermarchés
Logistiques B-to-B et B-to-C
“En tant que technologie de la maîtrise des
flux de produits et d’informations associées,
la logistique revêt désormais une importance
stratégique majeure pour les distributeurs,
notamment à dominante alimentaire” (Paché
et Sauvage, 1999). Face au développement du
commerce électronique, il est évident que la
logistique doit également se transformer afin
d’accompagner ce changement dans le cadre
d’une logistique globale (Dornier et Fender,
2001).
Si le succès actuel du commerce Business-to-Business et de ses places de marchés
contraste avec les faibles résultats du commerce Business-to-Consumer, l’une des
explications est à rechercher au niveau de la
distribution. En effet, dans le commerce
B-to-B, Internet n’est utilisé que comme canal
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de vente, la logistique traditionnelle étant
encore de mise. A contrario, la (r)évolution
des ventes en B-to-C réside dans la conjugaison d’un nouveau canal de vente et d’un nouveau canal de distribution remettant en cause
la conception et l’organisation de l’entreprise
car, le plus souvent, le client ne se déplace plus
jusqu’au magasin grâce à une livraison à
domicile.
Une logistique “tirée”
Le travail classique du logisticien est d’acheminer des produits déterminés vers un site
géographique donné où le client vient ensuite
choisir dans le stock disponible. Ces destinations sont donc connues, peu nombreuses,
habituelles et, somme toute, régulières quant à
leur volume.
Dans le e-commerce, les flux sont tirés par la
demande et l’optimisation de la logistique
part du domicile du client pour remonter
jusqu’au lieu de stockage. En matière de
cybermarché, la rapidité de la préparation de
la commande devient essentielle, ce qui
conduit à une stratégie de construction de plates-formes dédiées au seul e-commerce dès
lors que les volumes de commandes sont suffisants (entre 1000 et 2000 commandes par
jour selon les experts rencontrés).
Une logistique visible et créatrice de valeur
En commerce traditionnel, Aurifeille et Quester (2000) considèrent que “la meilleure
logistique est souvent celle dont le consommateur ne s’aperçoit pas, celle qui lui permet
de trouver le produit désiré où et quand il le
souhaite. Elle gagne à rester invisible du
consommateur”. Par opposition, en commerce électronique, cette logistique apparaît
au grand jour car l’enjeu principal de l’organisation de la logistique consiste à matérialiser
la stratégie “virtuelle” de l’offre et de la vente
de produit grâce à la livraison. Au lieu de
débuter l’acte d’achat en assurant l’approvisionnement d’un magasin traditionnel, il
s’agit ici de terminer la transaction virtuelle.
“Plus qu’un outil, la e-logistique doit être, ou
doit devenir, créatrice de valeur” (Durand,
2002). “Aussi complexe soit-elle, l’évaluation
de la création de valeur devrait être une figure
imposée de toute démarche de Supply Chain
Management” (Fabbe-Costes, 2002). Cette
création de valeur au sein du système logistique passe par la combinaison de deux types
de compétences (la gestion des flux physiques
et la gestion de l’information) dont l’intégration suppose un alignement des organisations
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logistiques et des systèmes d’information
avec la stratégie de l’entreprise.
Les quatre déterminants de la logistique
des cybermarchés
Le système d’information logistique
Faut-il internaliser ou externaliser ?
Les technologies de l’information et de la
communication fournissent le support de ces
processus logistiques et elles constituent une
source d’avantages compétitifs. Selon le
modèle de Venkatraman (1995), le système
d’information est le résultat de la convergence
de la pression technologique et la pression
concurrentielle. L’harmonie de ces deux forces découle de l’adéquation (ou « fit ») entre
les choix stratégiques en matière logistique et
les ressources informationnelles contribuant à
fournir le support de leur déploiement (Kefi et
Kalika, 2003).
Pour la dimension “stockage et préparation de
la commande”, la décision d’externaliser
s’explique par une volonté des acteurs de se
recentrer sur leur activité de vente en ayant
recours à des compétences spécialisées extérieures à l’organisation (Fabbe-Costes et Sirjean, 1997, Guillaume, 1998 ou Brulhart et
alii, 2000). Cet arbitrage entre intégration et
délégation obéit au paradigme économique de
l’analyse du canal de distribution (Filser,
2002).
En capitalisant les connaissances sur les
clients et en gérant la flexibilité logistique, le
système d’information apparaît comme le
coeur de cette e-logistique. “Le système
d’information et de communication devient
donc l’élément central du dispositif logistique. Les chaînes logistiques étant par nature
multi acteurs et multi sites, le SIC a pour principale mission d’assurer la cohérence de ces
ensembles complexes d’opérations que les
entreprises cherchent à synchroniser”
(Livolsi et Fabbe-Coste, 2004). Paul Soriano
parle même “d’infogistique” (IREPP, 2000).
Kefi et Kalika (2003) ont démontré la “nécessité de s’organiser autour des processus... car
... il convient de mettre l’ensemble de l’organisation en ligne”. L’organisation de la chaîne
logistique apparaît donc complexe car elle
nécessite l’intégration de la Supply Chain
mais aussi de la Demand Chain. Ceci suppose
le développement en interne de passerelles
rapprochant les trois familles principales de
logiciels (un système de gestion logistique
SCM - Supply Chain Management -, un ERP Enterprise Resources Planning - et un système ERM – E-Business Relationship Management), conformément à l’analyse de
Christopher (1998).
La détermination de la logistique
des cybermarchés
Pour apprécier les stratégies logistiques de la
grande distribution en matière de commerce
électronique, nous pouvons analyser leurs
systèmes à l’aide de quatre questions qui sont
apparues, lors de nos entretiens, comme
autant de déterminants pour leur conception et
leur structuration.
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En ce qui concerne le stockage des sites de
vente électronique en matière alimentaire, le
choix de l’internalisation a été plébiscité. En
effet, la nouveauté du concept et l’incertitude
quant aux futurs volumes de vente ont conduit
les distributeurs à développer des solutions
expérimentales sur la base d’entrepôts dédiés
car les sous-traitants habituels de la grande
distribution hésitaient à investir dans un « actif
spécifique ». En ce qui concerne la livraison,
le choix de l’internalisation a également été
majoritaire, même si Ooshop a choisi l’externalisation, en l’occurrence un partenariat avec
la société Stars Services.
Où stocker ? Warehouse picking versus store
picking
Cette stratégie d’internalisation permet de
conserver le contrôle total sur l’ensemble de la
chaîne et elle amène les entreprises à se poser
une nouvelle question : faut-il utiliser le système physique traditionnel d’entrepôts (qui
servirait alors tous les formats de magasins, y
compris le format “commerce électronique”)
ou au contraire, faut-il investir dans un nouveau réseau, spécialement dédié à la vente en
ligne ? La réponse à cette question est déterminante pour définir la méthode de préparation de la commande.
Dans un premier temps, sans trop investir, le
commerçant peut opter pour le modèle du
“store picking” qui consiste à prélever dans
son magasin traditionnel les articles constitutifs de la commande effectuée sur le site électronique. Ce système interdisant toute
possibilité d’automatisation, cette solution
semble limitée dès lors que le volume de commande devient trop important (Marouseau,
2001, Durand, 2002).
La désaffection de la plupart des cyber-épiciers français pour ce modèle s’explique principalement par un antagonisme entre les
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contraintes du commerce traditionnel et celles
du commerce virtuel, ce qui est source de conflit. Peut-on préparer les commandes en profitant des heures creuses en passant dans les
rayons, au risque de bouleverser le programme de réapprovisionnement du gestionnaire de stocks et d’engendrer des ruptures de
stock dans les rayons du magasin ? De plus, le
format des hypermarchés suppose trop de distances de déplacement pour les préparateurs
et donc un manque de productivité.
En revanche, dès lors que le lieu de stockage
est commun au commerce traditionnel et au
e-commerce, il est inconcevable d’automatiser la préparation de la commande durant les
heures d’ouvertures du magasin. Cependant,
une solution alternative peut être envisagée, à
savoir la création d’un magasin-entrepôt
dédié à côté du stock principal.
En conséquence, la solution du store picking
semble manifestement réservée à des sites qui
atteindront vite leur capacité maximale car les
magasins actuels n’ont pas été construits et
dimensionnés pour servir Internet en plus de
leur fonction principale d’accueil des clients.
En revanche, si les perspectives de profit sont
incertaines, le choix d’une organisation basée
sur le store picking peut constituer un début
“raisonnable” pour un distributeur traditionnel (voir notamment Durand et Paché, 2004).
En permettant au client de commander électroniquement, Internet suppose a priori une
livraison à domicile. Faute d’une logistique
interne, les premiers e-marchands ont utilisé
des prestataires qui proposaient la livraison à
domicile, ancrant dans l’esprit du consommateur la notion de livraison à domicile dès lors
qu’un achat se faisait sur Internet.
Faut-il automatiser la préparation
des commandes ?
Les groupes qui ont choisi le warehouse picking ont délibérément mis l’accent sur la réactivité, c’est-à-dire sur le temps de préparation
de la commande. Cette volonté explique également le choix d’automatiser cette phase initiale du processus car, en pratiquant le
warehouse picking automatisé, ces cybermarchés souhaitent en minimiser le coût. Le
risque financier de cette solution provient
d’une possible sous-activité due à un volume
de vente restreint.
Tableau 1 : Typologie des cybermarchés en France
Cybermarchés
« click »
Cybermarchés
« click and mortar »
Hypermarchés sur
Internet
Logistique interne
Warehouse picking
Préparation automatique
ou semi
Livraison à domicile
Zone géographique en
extension
Logistique du magasin
Store picking
Préparation manuelle
Livraison à domicile
Zone géographique en
extension
Logistique du magasin
Store picking
Préparation manuelle
Livraison à domicile
Zone géographique
limitée
Telemarket
g20-livraison
Leclerc-Cannes
Ooshop
Merkatua
Intermarché-Seyssins
Houra
Intermarché
HyperU-Parthenay
Auchandirect
Casino-Lyon
Webepicerie*
C-mescourses*
Pratic-Shopping*
* Avec un astérisque figurent des sites ayant été fermés.
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Marché Plus-Rennes*
Faut-il livrer à domicile ou non ?
Toutefois, il existe une pratique alternative
avec la notion de “points-service” (ou
points-boutiques, points-relais) suivant
l’exemple historique de La Redoute du début
des années 1980 en VPC traditionnelle.
Aujourd’hui, alors que tous les sites font de la
livraison à domicile en moins de 24 ou 48 heures, le client ne trouve aucun avantage à devoir
se rendre dans un point-service (très souvent,
un magasin traditionnel du distributeur), si ce
n’est d’économiser les frais de livraison. C’est
à partir de cette réflexion qu’Ooshop a ouvert,
dès la fin 2001, 4 points-service (6
aujourd’hui), la préparation de la commande
étant facturée 2,5 € en 2002 (3,5 € en
novembre 2004), à comparer aux 12,96 € de la
livraison à domicile. De même, Intermarché
facture 4 € la préparation de la commande et
Auchan teste Chronodrive.com, un service de
commande en ligne et un service de retrait à
un point d’enlèvement situé à Marcq en
Baroeul (Lille) depuis février 2004. Si
s’appuyer sur la participation du client pour la
construction d’une solution logistique économique était une bonne idée, la guerre des prix
actuelle (voir p. 16) menace sérieusement ce
système si le couple commande+livraison à
domicile se maintient au prix de 5 €.
Faut-il maintenir la livraison à domicile ? Derrière l’apparente simplicité des points-service, il demeure une incohérence
conceptuelle : comment obliger le client à
venir chercher sa commande alors qu’on lui a
promis de le débarrasser de toutes les contraintes inhérentes au commerce traditionnel
et notamment celle du déplacement physique
de la personne (Ladwein, 1999) ?
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Résultats empiriques des systèmes
logistiques des cybermarché
En menant une étude empirique sur les cybermarchés alimentaires français depuis 2000, il
apparaît que les choix logistiques de la grande
distribution sont clairs : l’internalisation de la
e-logistique et la livraison à domicile sont plébiscitées alors que les questions du lieu de
stockage (dédié au seul e-commerce ou commun à la distribution classique) et du mode de
préparation de la commande (manuelle ou
automatique) demeurent. Ceci nous permet de
présenter une typologie qui nous servira de
grille de lecture lors de l’examen des stratégies adoptées :
pour assurer une livraison rapide et, si possible, bon marché. Toutefois, il nous faut noter
les échecs des expériences de Pratic-Shopping.fr et Webepicerie.fr, respectivement à
Marseille-Aix (avec des magasins locaux) et à
Toulouse-Bordeaux (avec des magasins
Auchan, Casino et Intermarché).
Par rapport à la famille précédente, nous pouvons noter leur moindre importance en commerce traditionnel, ce qui peut expliquer le
choix d’un investissement réduit et donc du
système du store picking. En revanche, en cas
de succès, ces cybermarchés peuvent évoluer
vers le système de warehouse picking (voir
“La synthèse de Tesco”).
Les cybermarchés avec logistique spécifique
Des hypermarchés sur Internet
Cette famille de cybermarché conjugue un
outil de commercialisation (portail Internet)
et un canal de distribution spécifique (entrepôt dédié et système de livraison à domicile
sur rendez-vous). Ces sites sont adossés à de
grands groupes de distribution (Telemarket.fr
au groupe Galeries Lafayette - du moins
jusqu’au 30 juin 2005-, Ooshop.fr à Carrefour, Houra.fr à Cora, Auchandirect.fr à
Auchan et l’ex C-mescourses.fr à Casino) et
pourtant, ils ont fait le choix de ne pas utiliser
leur logistique traditionnelle en investissant
massivement dans une e-logistique.
Les derniers acteurs du commerce électronique alimentaire sont des hypermarchés classiques qui ont mis sur le Net une partie de leur
assortiment et qui en assurent la livraison à
domicile : exemples de Leclerc Cannes (06),
Intermarché Seyssins (38), Hyper U de Parthenay (79), Casino Lyon (69). En 2003, Intermarché-Seyssins.com représente un chiffre
d’affaires de 750 000 € soit 2,9% des ventes
du magasin.
Les cybermarchés s’appuyant sur une logistique de magasin
A côté de ces véritables cyberstructures, il
existe des cybermarchés s’appuyant sur un
réseau de magasins traditionnels pour assurer
les services de préparation et de livraison des
commandes. Nous trouvons ici le site g20livraison.fr qui regroupe les magasins parisien
du réseau G20 (grossiste Diapar) sous un portail Internet commun mais où chaque magasin
se partage les commandes de son secteur et en
assure la livraison. Cette fédération Internet
est très légère puisque l’investissement se
résume au seul site de vente (pas de système
de distribution). Nous y trouvons également
les expériences d’Intermarché qui, depuis le
second semestre 2004, teste son concept sur
les villes de Cestas, Vannes, Antony, Brive,
Rochefort et l’île de Ré.
Ces exemples de cybermarchés se retrouvent
également dans quelques expériences régionales. Suivant la même organisation, nous
trouvons des sites comme Merkatua.fr qui
opère dans le Sud-Ouest (avec le réseau 8à8,
Shopi et Proxy du groupe Carrefour). Ces
sites ne sont que des vitrines puisqu’ils jouent
sur la proximité des magasins traditionnels
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Ces expériences sont intéressantes en terme
de comportement du consommateur mais
elles ne sont pas de nature à modifier notre
étude puisque, dans le cas d’un hypermarché
isolé, le choix du store picking ne peut pas
évoluer et la zone géographique de livraison
est spatialement limitée autour du magasin
concerné. De plus, comme le confirment à
mots couverts certains directeurs de magasins, ces expériences ne sont qu’un service
rendu à la clientèle et la recherche d’un profit
(et même d’un équilibre financier) n’est
même pas envisagée.
La synthèse de Tesco (Grande-Bretagne)
Alors que la situation française semble particulièrement contrastée entre de grands groupes de distribution faisant le choix du
warehouse picking et des groupes plus modestes choisissant le store picking, aucun de ces
modèles ne semble l’emporter en terme de
performance économique puisque tous ces
cybermarchés affichent des pertes d’exploitation.
Pour sortir de cette difficulté, il faut s’interroger sur le succès de Tesco.com en
Grande-Bretagne qui est, à ce jour, le seul
cybermarché rentable au monde avec plus
d’un million de clients. Sa synthèse entre les
deux modèles logistiques est peut-être la solu-
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tion pour aboutir à des activités de e-commerce alimentaire rentables.
catégories de sites dans l’examen de la couverture géographique des cybermarchés.
Dès 1995, pour éviter d’investir dans un
réseau d’entrepôts couvrant la totalité du
pays, le distributeur anglais a opté pour le
modèle du “store picking”. Ce développement
progressif s’est effectué ville par ville grâce
au maillage dense de magasins traditionnels
possédés par Tesco (100 magasins concernés
en 1999, 250 en 2001, et presque 700 en 2004,
ce qui lui permet de couvrir 96% de la population britannique). Puis, face à une demande
croissante dans les grandes villes, Tesco a
investi dans des entrepôts spécialement dédiés
au commerce électronique (avec 20 000 références) afin de différencier les deux circuits
de distribution. Toutefois, dans les petites villes, Tesco a maintenu son système initial de
“store picking”. Le succès de ce site a conduit
les responsables de Tesco dans le développement de leur méthode de distribution au-delà
de leurs frontières, et notamment aux
États-Unis (partenaire de SafeWay.com -Washington, Oregon et San-Francisco, USA)
Les sites développant faiblement leur offre
géographique
Le mix logistique
des cybermarchés
Toutefois, depuis la fin 2004, Ooshop s’est
résolument tourné vers l’Ouest (Rouen,
Évreux, Louviers en octobre 2004 puis Rennes, Nantes et Bordeaux en février 2005 et Le
Mans en mai 2005). Lors des expériences passées, Ooshop se contentait d’étendre son site
de commercialisation sans mettre en place
une logistique spécifique régionale afin de
réduire les investissements et pratiquait le
store picking. Aujourd’hui, Ooshop prend
appui sur un entrepôt spécifique (Bain de Bretagne) mais aussi sur son entrepôt automatique de Marly-la-Ville en région parisienne
pour les surgelés.
Les difficultés des cybermarchés pour
s’imposer ont montré des limites de nature
commerciale et logistique. Dans la mesure où
nous avons concentré notre propos sur l’offre,
nous n’aborderons pas ici l’analyse de la
demande c’est-à-dire l’acceptation de ce nouveau “format” de magasin. Toutefois, il s’agit
d’une voie de recherche essentielle car elle est
complémentaire de notre démarche.
En ce qui concerne les difficultés de cybermarchés en matière de logistique, nos entretiens ont fait apparaître quatre catégories qui
sont autant de variables dont disposent les
cybermarchés afin de faire évoluer leur système logistique et de « ré-enchanter » leur
offre.
Variable “Couverture” : faut-il ou non
étendre la zone de livraison ?
Alors que l’extension du canal de vente à
l’ensemble du territoire national ne coûte quasiment rien (il suffit d’augmenter la capacité
logicielle de traitement des commandes),
l’extension conjointe du canal de distribution
semble poser de graves problèmes aux acteurs
ayant choisi le warehouse picking (car il faut
alors développer une infrastructure d’entrepôts). Aussi, nous pouvons distinguer trois
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Dans cette famille, nous trouvons Télémarket
et C-mescourses qui n’ont jamais été convaincus par une extension à d’autres territoires que
la région parisienne. Aussi, leur stratégie de
couverture géographique a été d’achever leur
implantation en région parisienne entre 2000
et 2005. La reprise de Télémarket au début
juillet 2005 par de nouveaux investisseurs
marque peut-être le début d’une extension de
ce site autrefois leader.
Les sites pratiquant des expériences d’extension géographique
Nous aurions pu également ajouter Ooshop à
la famille précédente car il a achevé sa couverture parisienne en 2004 et toutes ses expériences d’extension géographique avaient été
rapidement abandonnées (Lille, Orléans et
Madrid en 2001 et 2002 ainsi que Championdirect – petit frère d’Ooshop - à Reims en
2003)
Dans cette famille, nous trouvons également
g20-livraison qui, timidement, s’est étendu
dans la région Nord-Pas de Calais après avoir
couvert Paris et sa proche banlieue. Il est à
noter que cette extension s’est effectuée sans
investissement logistique majeur car ce site
pratique le store picking.
Les sites restreignant leur offre
Dans cette famille, nous trouvons tout d’abord
Auchandirect. Tentée en novembre 2001,
l’expérience du site Auchandirect à Clermont-Ferrand a pris fin en avril 2002, n’ayant
atteint que la moitié du chiffre d’affaires
prévu. De même, une expérience madrilène
tentée en octobre 2001 a été abandonnée en
octobre 2002. Aussi, quelques mois après ces
tentatives originales avec entrepôts dédiés, le
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groupe a décidé de se concentrer sur la seule
région parisienne. Depuis, Auchandirect
achève à peine sa couverture parisienne.
Toutefois, le véritable exemple de recentrage
géographique est à rechercher chez Houra.
Créé au début de l’année 2000, ce site fut le
premier à proposer une couverture métropolitaine ... et sera peut-être le dernier. En effet,
tiraillé par des coûts de livraison croissants,
Houra a restreint son offre le 3 novembre 2001
à seulement 31 départements pour, peu à peu,
ne concerner que 25 départements français en
septembre 2005.
Variable “Assortiment” :
l’assortiment est-il suffisamment attractif ?
Si l’extension théorique de l’offre des cybermarchés pouvait être un véritable élément de
différence par rapport aux hypermarchés traditionnels, force est de constater la frilosité de
la majorité des acteurs. Le tableau suivant
montre la disparité de l’étendue de l’assortiment proposé sur Internet par des sites opérant
sur un même marché. Afin de clarifier ces
résultats, nous avons identifié trois stratégies
distinctes.
Un assortiment contraint par la méthode du
store picking
La première famille de cybermarchés
concerne des sites dont l’assortiment est contraint par la pratique du store picking. Ces
sites reprennent l’assortiment présent dans les
magasins traditionnels et bien souvent, pour
des raisons techniques qui seront exposées
dans le paragraphe suivant, ils n’en présentent
qu’une partie. Avec 5000 ou 6000 références,
cet assortiment étroit et peu profond reste peu
attractif, ce qui correspond à une stratégie de
dépannage, selon la terminologie de Tordjman (1983).
Un assortiment orienté technologie
La deuxième famille concerne les sites
majeurs que sont Télémarket, Ooshop,
Auchandirect et l’ex C-mescourses. Malgré
des outils logistiques spécialement dédiés au
commerce électronique, ces sites ne proposent pas plus de produits que les sites en store
picking. Nous ne pouvons qu’être surpris par
la faible étendue de leur assortiment.
Parmi les raisons expliquant la non utilisation
des potentialités d’Internet, la plupart des
opérateurs évoquent la complexité de gestion
due à une trop grande diversité de références
et ils se limitent alors à un cyberassortiment de
4000 à 6000 références permettant une rota-
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tion rapide et une préparation facile des
commandes.
Nous avons qualifié cette stratégie d’assortiment orienté technologie car, obnubilés par
les difficultés techniques, ces opérateurs en
oublient le client. Nous avons même rencontré un ancien responsable de Ooshop
(aujourd’hui consultant) nous déclarant en
septembre 2003 que l’introduction des surgelés était une erreur ! Parce qu’un produit est
fragile, encombrant ou lourd, il n’est pas référencé sur Internet sans qu’une étude concernant les conséquences marketing de ce choix
ne soit faite. Pourtant, outre les indicateurs
financiers, la gestion de l’assortiment gagnerait à prendre en considération une variable
clef, la “sensibilité au choix des consommateurs” et celle-ci s’explique principalement
par le nombre de références proposées
(Amine et Cadenat, 2000).
Un assortiment orienté client
Les entrepôts dédiés offrent la possibilité de
construire un assortiment attractif proposant
une offre complète et cohérente, similaire (et
même supérieure - cas d’Amazon.fr ou
Fnac.fr) à celle des magasins classiques. Dans
notre étude, Houra est le seul cybermarché alimentaire à proposer, depuis sa création, un
large assortiment (plus de 50 000 références
soit l’équivalent de ce que rencontre le client
dans un hypermarché). Aujourd’hui, cette
stratégie d’attraction à partir d’un assortiment
large et profond a été discrètement revue à la
baisse, le nombre de références étant retombé
à 50 000 alors qu’il avait culminé à 65 000).
Si l’assortiment est un facteur théorique
d’attractivité et de différenciation, il n’appa-
Tableau 2 : Étendue du cyberassortiment
Site
en 2000
en 2001
Assortiment contraint par le store picking
g20-livraison
4 000
4 000
Groupe Intermarché
Intermarché-Seyssins
2 700
2 700
Hyper U Parthenay
5 000
5 000
Leclerc-Cannes
4 500
5 000
Marché-Plus Rennes
3 000
3 000
Assortiment orienté technologie
Télémarket
2 400
4 500
Ooshop
6 000
6 000
C.mescourses
5 500
6 000
Auchandirect
4 500
5 000
Assortiment orienté marché
Houra
50 000
65 000
en 2003
5 000
en 2005
5 000
5 000 à 6 500
2 700
4 200
5 000
5 000
5 000
5 000
fermé
5 000
6 300
6 000
6 700
fermé
5 000
5 000
50 000
50 000
15
Logistique & Management
Houra maintient son offre promotionnelle de
livraison à 1€ et si g20-livraison propose toujours la gratuité pour une commande supérieure à 120 €.
raît cependant pas comme déterminant : le
panier moyen d’Houra évolue au même
rythme que celui de ces concurrents alors qu’il
était légitime de penser que l’étendue de
l’offre générerait des impulsions d’achat plus
nombreuses et donc des paniers plus remplis.
Houra annonce un panier moyen aujourd’hui
de 180 € alors que les autres cybermarchés
français annoncent tous des paniers moyens
entre 150 et 170 €.
La variable “Délai de livraison” : la
livraison est-elle suffisamment rapide ?
Pour compléter notre analyse du mix logistique des cybermarchés alimentaires, il
convient d’intégrer une quatrième variable, à
savoir le délai de livraison. Cette question n’a
pas été spécifiquement étudiée car, si un alignement de l’ensemble des sites est officiellement annoncé (livraison en 24 ou au
maximum 48 heures sur rendez-vous avec des
créneaux de 2 heures), il est difficile d’en
apprécier l’exact contenu. En effet, les livraisons se faisant sur des créneaux horaires que
le cybermarché propose, le délai sera plus ou
moins long suivant l’heure de la connexion et
la commune de livraison. Cette variable opérationnelle est de nature à pondérer la notion
de couverture géographique (car toutes les
communes (ou arrondissements) ne sont pas
traitées de la même manière) ainsi que la
notion de prix (car la multiplication des propositions de créneaux de livraison sur une
même commune coûte cher).
La variable “Prix” : le prix de la livraison
peut-il couvrir les charges engendrées ?
Selon nous, la limite liée au comportement du
consommateur ne concerne pas seulement
l’ergonomie du site de vente mais aussi le coût
de la distribution. Il est généralement admis
que le consommateur traditionnel n’a pas
conscience du temps, de l’énergie et du coût
du transport nécessaires à l’accomplissement
de son achat. Le client est donc réticent à
payer pour un service qu’il ne considère pas à
sa juste valeur. L’acceptation par le client du
prix de la livraison est donc un enjeu capital
pour le développement des cybermarchés.
Après avoir consenti au départ une facturation
en dessous du coût réel du service (estimé à
100 F en 2000 et autour de 15 à 17 € en 2004),
les cybermarchés ont peu à peu augmenté
leurs prix jusqu’en juillet 2004 pour éviter que
la logistique ne ponctionne trop leurs marges
commerciales.
Le Mix logistique au sein du Mix
marketing
Même si nous focalisons notre travail sur la
seule logistique des cybermarchés, il convient
de replacer cette dimension au sein d’un “package de services” car la logistique n’est pas le
seul élément déterminant de la performance
de ces sites (Paché, 2002). L’évolution des
quatre variables précédemment vues ne peut
donc s’analyser qu’en les intégrant dans la
stratégie marketing du e-commerce au travers
d’un modèle renouvelé.
Après une baisse de prix tactique en août 2004
(pour compenser les départs en vacances),
Télémarket et Ooshop ont maintenu à 10 € la
livraison avant une violente contre-offensive
d’Auchandirect et d’Houra, situant le prix facturé au client à 5 € en décembre 2004. Ooshop
s’étant aligné, cette facturation apparaît
aujourd’hui comme complètement déconnectée des gains de productivité de la e-logistique et il y a fort à parier que cette
compétition par les prix ne débouche sur de
nouvelles difficultés financières pour
l’ensemble des cybermarchés, surtout si
En effet, le modèle traditionnel du maketing
dit des “4P” (Produit-Prix-Publicité-Place)
(McCarthy, 1960) s’avère rapidement insuffisant pour son application sur Internet par
manque d’exhaustivité. Il est possible alors de
Tableau 3 : Historique des tarifs de livraison en cybermarché
Site
2000
2001
2002
2003
sept-04
mai-05
49 F
59 F (8,99 €)
10,5 €
10,95 €
9,90 €
9,90/5,90 €
Ooshop
79 F
79 F (12,04 €)
12 €
12,96 €
10 €
10/5 €
Houra
47 F
67 F (10,21 €)
10,20 €
11,95 €
11,95 €
11,95 /5/1 €
59 F (8,99 €)
10,70 €
11,98 €
11,98 €
7,99/3,99 €
30 F (4,57 €)
4,57 €
5€/0€
5€/0€
5€/0€
Télémarket
Auchandirect
g20-livraison
Intermarché
16
30 F
8 à 13 €
Vol. 13 – N°2, 2005
Logistique & Management
l’enrichir jusqu’au modèle des “8P” (Personne, Physical Evidence, Process Design et
Productivité) (Samii, 2001) et même un
modèle incluant le Service (Lovelock et
Lapert, 1999).
Toutefois, rajouter sans cesse de nouvelles
dimensions à ce modèle afin de “forcer” le
commerce électronique à rentrer dans ce
cadre d’analyse ne peut qu’altérer la pertinence du dit modèle. Certains auteurs concluent même à “l’incompatibilité du
e-commerce avec les paradigmes traditionnels du marketing mix” (Constandinides,
2002, voir aussi Kalyanam et McIntyre, 2002,
Marouseau 2003) et prônent de nouveaux
modèles, renouvelant des critiques apparues
depuis fort longtemps (voir notamment Van
Waterschoot et Van den Bulte, 1992).
Cet article est le résultat d’une recherche engagée l’année 2000 et se poursuivant depuis.
Compte tenu de la nouveauté du phénomène et de sa rapide évolution, nous avons choisi
une méthodologie de nature exploratoire et qualitative. Une première étape a privilégié
la collecte de données primaires en procédant à une quinzaine d’entretiens semi-directifs réalisés avec un guide d’entretien, soit en face-à-face d’une durée approximative
d’une heure, soit par contact téléphonique. Les thèmes abordés étaient les suivants :
1 - Présentation générale du site => stratégie passée et actuelle.
2 - Résultats financiers et commerciaux => évolution par rapport à la concurrence.
3 - Possibilités logistiques en commerce électronique alimentaire => modèle d’entrepôt
et de préparation des commandes et modèle de livraison.
4 - Examen de la solution logistique retenue.
Ensuite, une seconde étape a consisté en la collecte de multiples données secondaires
(travaux de recherche et informations collectées dans la presse ou sur le Net) afin d’effectuer une triangulation référentielle.
Pour avoir une vision complète de la logistique des cybermarchés, nous avons essayé de
questionner pour chaque cybermarché (principalement Ooshop, Houra, Télémarket,
C-mescourses et Auchandirect) au moins un responsable logistique, un responsable
e-marketing et parfois un responsable de site par enseigne concernée, mais « l’ouverture
aux chercheurs » des cybermarchés est rendue délicate du fait des pertes financières accumulées, ce qui rend le sujet quasiment « tabou ».
Pour notre part, nous plaidons pour que la
logistique devenue visible aux yeux des
clients devienne une véritable dimension du
marketing au travers notamment d’un mix des
quatre variables identifiées précédemment,
assurant ainsi la prise en compte des qualités
des processus et du service au client. Ainsi, ce
mix logistique pourra constituer un véritable
élément de différenciation.
Lorsque nous nous penchons sur l’évolution
de ces systèmes logistiques, il apparaît que ces
modèles butent actuellement sur quatre variables logistiques sensibles qui interviennent
dans la définition de la stratégie marketing du
e-commerce : une zone géographique problématique, un assortiment qui augmente les
coûts lorsqu’il est orienté client, un prix de
livraison mal accepté par le client et une contrainte de délai de livraison.
Conclusion
En ce qui concerne la zone de livraison, après
des années d’immobilisme ou de repli des différents acteurs, l’année 2005 a débuté avec
l’extension du premier site français Ooshop
vers la Bretagne grâce à un entrepôt dédié au
e-commerce. Il s’agit du premier signe d’une
extension géographique à une autre région,
prélude peut-être à la couverture du territoire
annoncée par Carrefour dès 1999.
L’examen des solutions logistiques développées par les acteurs français en matière de
cybermarché nous a permis de constater que,
du fait de la timide acceptation de ce nouveau
canal de distribution de la part des acheteurs,
les grands distributeurs français apparaissent
aujourd’hui à la croisée des chemins, partagés
entre leurs désirs de diversification et des
résultats financiers décevants.
Du point de vue logistique, les systèmes mis
en place se structurent autour de quatre choix
élaborés lors de leur conception. Si l’option de
l’externalisation n’est pas utilisée, il existe
une réelle dichotomie entre les sites pratiquant soit le store picking (avec une préparation manuelle des commandes), soit le
warehouse picking (avec, le plus souvent, une
préparation automatisée). Enfin, malgré
l’existence d’expériences de points-service,
le choix de la livraison à domicile est unanime. Au final, la performance des cybermarchés provient plus d’une contingence (entre
stratégie marketing, stratégie logistique et
système d’information) que de la primauté
d’un modèle (store picking versus warehouse
picking).
Vol. 13 – N°2, 2005
En ce qui concerne l’assortiment, malgré la
complexité logistique et les coûts engendrés,
la tendance à l’élargissement de l’assortiment
se confirme car il semble nécessaire de
l’orienter vers le client en lui proposant un
choix à la mesure de celui proposé par les
hypermarchés classiques. Toutefois, mis à
part le cas unique d’Houra, cet assortiment
reste modeste, en regard des possibilités offertes par Internet.
En ce qui concerne le service de préparation et
de livraison de la commande, les niveaux
actuels de prix facturés sont tellement bas
qu’ils ne peuvent pas refléter la réalité des
charges supportées par les cybermarchés.
Même si les prix des produits sur Internet ont
tendance à être légèrement supérieurs à ceux
d’un hypermarché classique, cet écart entre
17
Logistique & Management
prix facturés et charges constatées en matière
de livraison entraîne une ponction sur la
marge commerciale globale qui pèse sur la
rentabilité du cybermarché. Malgré les risques financiers, c’est sur ce terrain que les
cybermarchés ont décidé de mener des politiques de concurrence sans doute « fratricides ».
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La théorie des jeux nous enseigne que si les
entreprises sont concurrentes pour la répartition d’un marché, elles n’en demeurent pas
moins complémentaires en ce qui concerne la
création du dit marché (Nalebuff et Branbenburger, 1996). Apparemment, la « non price
competition » qui permettait l’instauration
d’un nouveau canal de commercialisation
semble ne plus être de mise depuis la fin de
l’année 2004. N’assisterons-nous pas, dans
les prochains mois, à une restructuration du
secteur à partir d’innovations logistiques et
informationnelles ?
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