La mondialisation abolit-elle l`opposition Nord
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La mondialisation abolit-elle l`opposition Nord
La mondialisation abolit-elle l’opposition Nord-Sud ? Introduction © Joël Hermet _ 2011 Définir le Nord et le Sud n’est pas une mince affaire. Les pays du Sud désignent habituellement ce que l’on appelait autrefois les pays du Tiers-monde, ou encore les pays sous-développés. Ces expressions ayant un caractère jugé parfois péjoratif ou désobligeant, le terme « Sud » a été utilisé pour désigner ces pays. En effet, les pays développés sont majoritairement situés au nord, et les pays pauvres au Sud. Pourtant, si on découpe le globe en deux, le Bangladesh, la majorité des pays africains, le Nicaragua sont situés dans l’hémisphère Nord. Inversement, l’Australie et la Nouvelle Zélande se trouvent au Sud. Si on prend comme limite le Tropique du Cancer, on sépare un peu mieux les pays riches au Nord et les pays pauvres au Sud, mais le Pakistan reste situé au Nord ! Donner une définition géographique précise du Sud semble une gageure, aussi nous pouvons adopter une définition économique de ce terme. Mais là aussi des difficultés surgissent puisque des pays anciennement pauvres se sont enrichis. Si bien que les contours du Nord et du Sud sont mouvants, même si on peut retenir un mélange de critères géoéconomiques. L’idée d’opposition Nord/Sud s’est progressivement installée après les indépendances et a trouvé son apogée dans les années 1960 et 1970 dans les réunions de la CNUCED dans lesquelles était réclamée la mise en place d’un nouvel ordre économique mondial au bénéfice du Sud. On parlait alors de bipolarisation du monde entre le Nord riche et le Sud pauvre. Aujourd’hui la donne a changé, de nombreux pays de l’ancien Tiers monde se sont développés et sont devenus des pays émergents. Cette évolution s’est faite concomitamment avec l’ouverture des économies depuis le début des années 1980. Si bien qu’on peut se demander si l’internationalisation des économies entraîne un mouvement de convergence, et si celui-ci est assez fort pour faire disparaître le clivage Nord/Sud. Clé d’analyse : la mondialisation diminue les inégalités pour ceux qui y participent mais à certaines conditions. I - La mondialisation a permis un essor considérable de certains pays pauvres qui ont partiellement rattrapé leur retard sur les pays riches, diminuant de ce fait l’opposition Nord/Sud Les faits : Phénomène des NPIA dans les années 1980, des pays émergents dans les années 2000 Chine, Inde, Brésil notamment. Giraud parle des pays à bas salaires et à capacité technologique. Ces pays se sont pleinement insérés dans la DIPP. Les FMN des pays émergents puissantes et rachètent même des firmes occidentales Le Mexique commerce avec le pays le plus riche du monde dans l’Alena. Institutionnalisation du phénomène avec l’entrée d’anciens PED dans l’OCDE (Mexique en 1994, Corée du Sud en 1996, Chili en 2010). De même, le G20 (les vingt plus grandes puissances économiques) créé en 1999, comprend notamment le Brésil, l’Argentine, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Turquie. Les pays du Sud sont exportateurs nets de produits manufacturés signe d’une industrie puissante. Aujourd’hui on peut donc penser que le fossé Nord/Sud est un mythe (Montenay) Les mécanismes : Intérêts de la mondialisation : hausse de la taille des marchés, économies d’échelle, apport de capitaux, transfert de technologie ; le slogan est désormais Trade not help. ème Gerschenkron avait déjà analysé ce phénomène au 19 siècle : les pays suiveurs (Allemagne, USA, Japon) avaient progressivement rattrapé les pays leaders Les migrations contribuent aussi au mouvement : des Indiens s’installent en GB, y étudient ce qui contribue à homogénéiser les salaires et faire circuler les savoir faire (retour de certains étudiants comme entrepreneurs). Effets : mise en place d’une protection sociale dans les anciens PED (ex des NPIA) Les théories explicatives : Mill : le commerce international profite aux pays en retard de développement qui bénéficient de termes de l’échange plus favorables (hausse du prix des produits exportés à cause d’une forte demande étrangère et baisse du prix des produits importés en raison du progrès technique) Samuelson : théorème de l’égalisation du prix des facteurs Bastiat : intérêt du libre-échange pour les consommateurs des pays du Sud II - Toutefois, la mondialisation n’a pas fait disparaître toutes les différences entre le Nord et certains pays du Sud, et par certains côtés a pu les renforcer Le constat du maintien de nombreux clivages entre le Nord et les pays les moins avancés En matière de santé, d’éducation, de revenu par habitant, d’espérance de vie, de mortalité infantile, de protection sociale, les différences entre les pays occidentaux et les PMA demeurent abyssales. L’écart de PIB par tête entre les 5 pays les plus riches et les 5 pays les plus pauvres du monde est trois fois plus élevé aujourd’hui qu’il y a 60 ans. Les pays du Sud sont plus vulnérables : ils ont été durement touchés par la crise de la dette en 1982, ils sont plus fortement impactés que les pays occidentaux par la flambée des prix des matières premières, cf. les émeutes de la faim en 2008 et 2011. Le pays du Sud se trouvent dans une situation d’asymétrie vis-à-vis du Nord : les débouchés du Nord sont essentiels pour le Sud, les débouchés du Sud sont accessoires pour le Nord. La régionalisation au Sud a été jusqu’à présent moins efficace qu’au Nord. Les causes : Les théoriciens tiers-mondistes l’expliquent par les méfaits du commerce international entre pays de niveau différent : l’échange inégal (Emmanuel), la détérioration des termes de l’échange (Prebisch), le développement ème inégal (Amin), le néo-colonialisme. Marx parlait déjà de la désindustrialisation de l’Inde au 19 siècle en raison de la domination anglaise. Sans nécessairement adhérer à ces idées, force est de constater que la mondialisation soumet les pays du Sud aux amples fluctuations de prix des matières premières, et permet le maintien d’ économies de rente peu diversifiées et génératrices d’écarts sociaux croissants. Des causes internes existent aussi : corruption endémique, institutions instables, non respect des droits de propriété, manque d’infrastructures, guerres, conflits ethniques. Le maintien de la domination du Nord : Le Nord se protège par le néoprotectionnisme et attire les cerveaux. Le Nord a un poids prédominant dans les grandes institutions internationales : FMI, Banque Mondiale, OMC, ONU ; toutes ces institutions ont leur siège au Nord. En termes diplomatiques, le Sud a encore du mal à faire entendre sa voix dans le concert international dominé par l’Europe et les USA. Le Nord capte près des deux tiers des IDE et les FMN du Nord investissent au Sud pour profiter d’une main d’œuvre peu chère et abondante, de normes sociales et environnementales plus laxistes III - Aujourd’hui, la mondialisation fait apparaître de nouveaux clivages, parfois inattendus Après la chute du mur de Berlin et la crise économique, la libéralisation commerciale et financière fait apparaître de nouvelles lignes de démarcation. Vers une inversion des positions ? On assiste depuis quelques années à un renversement des positions entre un Nord en déclin et un Sud conquérant. La crise en a été le révélateur, les Ped ont été finalement peu touchés par la crise de 2008, en revanche les pays du Nord sont face à une croissance anémique, des déficits élevés et des dettes croissantes, un Etat providence trop lourd et couteux, un sous-emploi croissant. Les gouvernements des USA, du Japon, de l’Irlande sont surendettés. La Chine possède une grosse partie de la dette publique de USA et a acheté une partie de la dette grecque en 2010 ; le Brésil, ancienne colonie portugaise, pourrait faire de même avec la dette souveraine du Portugal. On assiste ainsi à un renversement du cycle habituel de la balance des paiements (Boggs et Rist). Un Sud ou des Sud ? De plus en plus apparaît une césure entre les pays insérés dans la mondialisation qui en tirent les bénéfices (Chine et Inde) et les pays qui s’isolent du commerce international et de la concurrence (Cuba, Venezuela). Entre les pays qui ont accepté des réformes pour légaliser leur économie et adopter un cadre institutionnel favorable à la croissance et à l’ouverture, et ceux qui refusent l’état de droit, le respect des contrats. Libre-échange ou protectionnisme ? Les situations évoluent vite : les pays riches n’ont plus l’apanage du libre-échange, ils sont même très protectionnistes au niveau agricole ; les pays du Sud pratiquent de moins en moins le protectionnisme éducateur. Les regroupements commerciaux ne correspondant plus à la division Nord/Sud : ainsi le groupe de Cairns – réclamant un libre-échange des produits agricoles – regroupe à la fois des pays dits riches (Australie, Canada) et des pays émergents (Costa Rica, Colombie, Philippines, Indonésie). Conclusion On assiste actuellement à trois grands mouvements comparables, mutatis mutandis, à la tectonique des plaques : - un mouvement de convergence pour les pays qui participent à la mondialisation, et qui jouent le jeu de la concurrence en se donnant les moyens d’être compétitifs et respectent un certain nombre de conditions. Par contre, les pays qui s’isolent des échanges restent à l’écart de ce grand mouvement de rattrapage. - une modification radicale du rapport de forces Nord/Sud puisqu’aujourd’hui le Sud est la partie la plus dynamique du monde, tant sur le plan de la croissance économique que démographique. - un déclin des inégalités Nord/Sud se faisant parallèlement à l’essor des inégalités internes à chaque pays, à la fois dans les pays du Sud (‘il y a une Allemagne interne en Inde’) et ceux du Nord. C’est l’objet de la thèse de P.N. Giraud dans L’inégalité du monde.