Quelle place et quel rôle de la France dans le monde

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Quelle place et quel rôle de la France dans le monde
Quelle place et quel rôle de la France dans le monde
et dans l’Europe de demain ?
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Nous partageons tous une conviction : la France va continuer de s’inscrire avec succès
dans une mondialisation s’enrichissant et se complexifiant de nouveaux arrivants plus divers
ou plus éloignés, à l’instar de nombreuses de nos grandes entreprises ou à titre individuel de
certains de nos concitoyens. Cette évolution s’opèrera par la compétitivité qui protège plus
sûrement que le repli et par l’ouverture acceptée et assumée.
Pour y réussir, il faut être solide dans son territoire pour, tirer parti primordialement d’une
dynamique européenne à susciter et s’appuyer sur les régions en proximité géographique,
historique ou culturelle de l’Union, le voisinage, avec lesquelles les partenariats sont plus
« naturels ». Le succès « au loin » résultera de notre performance et de nos valeurs
ajoutées au « près », en Europe et à sa périphérie. La réussite économique sera le fruit de
la confiance comme d’une stratégie partagée et affirmée.
Elle commence naturellement chez nous. Avec le travail d’Arnaud Montebourg pour
revivifier les filières et la mise en place systématique de comités export de filière, le tissu
économique français sera renforcé grâce notamment au développement des PME innovantes
et des ETI. Il faut pour cela continuer à lisser les effets de seuils administratifs et
réglementaires et à diriger de manière volontariste l’épargne vers le financement des
entreprises. A la suite d’Oséo, la BPI a ouvert la voie à une série de réformes en ce sens,
notamment autour du capital risque et de la fiscalité des entrepreneurs. Les ETI, en élargissant
notre base productive, permettront de maintenir la France dans le peloton de tête de
l’innovation en associant mieux que par le passé savoir-faire industriels et services des PME
en réponse aux exigences de qualité et aux besoins des clients, points faibles relatifs des
entreprises françaises au début des années 2010.
La substitution par les entreprises françaises d’un modèle participatif, en réseaux de
PME, s’appuyant sur les interactions au sein de clusters et donc sur les dynamiques
territoriales, au modèle hiérarchique et vertical d’intégration interne de type « fordiste »
qui prévaut encore très souvent aujourd’hui, fera beaucoup pour l’amélioration de la
compétitivité hors-prix de nos entreprises dans la décennie en cours. Elles pourront
également s’appuyer sur des programmes ambitieux tant au niveau national qu’européen dans
le numérique ainsi qu’un engagement résolu, clair et volontariste dans la transition écologique
qui conforteront leurs choix technologiques et d’investissement.
En s’appuyant sur cette compétitivité prix et hors-prix retrouvée, les entreprises
françaises reconstruiront leurs avantages comparatifs et retrouveront les parts de
marché perdues.
1°/ Une nouvelle dynamique européenne
L’Europe tout d’abord, car notre dessein est imbriqué à ce projet. Elle est, elle restera
ouverte… et pas seulement par prurit idéologique de nos partenaires adeptes de toujours ou
convertis récents à une vision libérale du monde. Aussi parce que « globalement » l’Europe –
en tout cas les plus compétitifs en son sein – trouve sa place dans l’économie mondiale : elle
est excédentaire dans ses échanges de biens agricoles et industriels, comme de services avec
le reste du monde. Mais limitée à cette ouverture, l’Europe ne peut garantir que des succès
individuels, partiels et certainement fragiles sur le moyen et long terme.
Nous l’avons vu dans les dossiers commerciaux récents – le contentieux avec la Chine sur le
photovoltaïque parmi d’autres – chacun joue sa partition à courte vue, souvent contre les
autres puisque les économies des Etats-membres sont en concurrence les unes avec les autres,
finalement au détriment de l’efficacité collective.
Nous devons proposer une vision de l’Europe : une Europe ouverte mais d’autant plus, en
contrepoint, forte et solidaire. Il faut retrouver une ambition commune, redonner un sens au
travers de projets partagés, autour du cœur franco-allemand, pour faire émerger des
champions européens dans les secteurs d’avenir prioritaires comme les énergies
renouvelables ou le numérique.
2°/ Le voisinage productif
Nos voisins sont nos premiers clients, et nos premiers partenaires pour enclencher un nouvel
élan productif, pensons aux émergents dynamiques à nos portes, par exemple –la Turquie– ,
plus largement aux pays au sud et à l’est de la Méditerranée et aussi à l’est de l’Europe, à
l’Ukraine et la Russie. Vis-à-vis d’eux, nous ne pouvons pas nous contenter de l’accord de
libre-échange standard que l’Europe multiplie à travers le monde. Ces pays
n’accepteraient pas d’être « banalisés », compte tenu de la profondeur de nos liens
économiques et humains et du potentiel qu’ils recèlent. Et nous y perdrions, alors qu’ils ne
nous promettent aucune exclusivité et tissent eux-mêmes des relations fortes avec les
nouvelles puissances économiques mondiales.
Nous devons donc proposer un autre modèle associatif à partir duquel ces pays seraient
impliqués dans les instances politiques qui discutent et décident des règles portant sur la
libre circulation des marchandises et des services au sein de l’Union. Au cas par cas, il
pourrait être associés aux discussions sur d’autres sujets (environnement, énergie…), sous une
forme à définir, proche des coopérations renforcées qui existent entre membres de l’Union
européenne sur certains sujets. Les politiques méditerranéennes de l’Europe ont été initiées
dès 1970. Mais, même rénovée, l’action extérieure de l’Europe reste encore trop floue,
handicapée par une divergence stratégique entre les Etats membres : certains plaidant pour
une relation forte avec la Méditerranée, d’autres regardant vers d’autres régions du monde.
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Les accords de libre-échange complets et approfondis sont un premier pas. Il faut aller,
en effet, au-delà de la simple ouverture commerciale et promouvoir une convergence avec le
droit européen des normes et des règlementations de la vie économique (en premier lieu dans
les domaines de la protection des investissements, des marchés publics, de la concurrence ou
de la propriété intellectuelle). De plus, l’association avec ces pays ne saurait se limiter à
laisser jouer le marché. Nous devons rapprocher nos stratégies industrielles – c’est le
sens des politiques de colocalisation – et porter des projets communs à travers le
développement des coopérations scientifiques, universitaires ou de formation professionnelle.
3°/ Retrouver l’Afrique
Les bouleversements de ces trois dernières décennies ont d’abord bénéficié à l’Asie et dans
une moindre mesure à l’Amérique latine. La place de l’Afrique est restée marginale dans
l’économie mondiale : le continent ne comptait que pour 2% des échanges commerciaux en
2010.
Désormais l’Afrique entre « par le haut » dans la mondialisation. Ses taux de croissance,
de près de 5% par an, font émerger une classe moyenne : 65 millions d’Africains ont un
revenu supérieur à 3 000 dollars par an, ils seront 100 millions en 2015, soit autant que l’Inde,
et 240 millions en 2040, soit un marché annuel de plus de 1 700 milliards de dollars. La classe
de population jeune de 16-34 ans et urbaine détiendra 53% des revenus. Elle accède souvent
directement au dernier stade de la technologie – je pense aux télécommunications, où avec
735 millions d’abonnés; l’Afrique est le second marché mondial de la téléphonie mobile
derrière l’Asie. C’est un grand marché de consommateurs mais aussi celui où s’expérimentent
de nouvelles applications, de nouveaux services avec les dynamiques entrepreneuriales
alimentées par les jeunes formés en Europe ou aux Etats-Unis.
Les difficultés n’ont pas disparu comme par enchantement : problèmes de gouvernance,
besoins immenses et non assouvis de santé, d’éducation, de formation professionnelle
insuffisance des investissements dans les infrastructures, inégalités entre pays et au sein des
pays.
Cependant, certains ne s’y sont pas trompés : les émergents investissent massivement, et
la France, parallèlement l’Europe, ont perdu leur place de partenaire privilégié. Nous
devrons la retrouver d’ici 2025. Nous avons les atouts et les capacités de le faire. Notre
relation politique, nos liens humains restent forts. Nous sommes en capacité d’être engagés
dans le combat pour le développement et contre la pauvreté, à travers notre coopération
technique et administrative, tout en proposant des réponses aux besoins et aux attentes de
couches moyennes urbanisées. Nous pouvons mobiliser notre expertise en matière de
partenariats public-privé dans un continent qui doit associer développement institutionnel,
gestion de projets complexes et affirmation d’une nouvelle puissance économique.
La décennie à venir sera donc celle du retour à l’Afrique.
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4°/ Réinvestir la mondialisation
Réussir dans la mondialisation, c’est aussi pour notre pays, à travers l’Europe, faire partager
ses valeurs, son projet d’ouverture régulée des échanges, peser sur les évolutions
« spontanées » du monde.
C’est un enjeu majeur des grandes négociations commerciales régionales dans lesquelles
l’Union Européenne s’est engagée en premier lieu avec les Etats-Unis et le Japon. Les grands
projets d’accords mégarégionaux, qui vont couvrir 50 % de l’économie mondiale, doivent se fixer
des objectifs de régulation autant que d’ouverture commerciale. Ils doivent intégrer la dimension
partenariale affichée dans leurs intitulés. Au sein de l’Union, nous sommes peu à porter ce
message… d’où la nécessité d’une France crédible parce que forte économiquement et dans ses
convictions, capable d’entraîner.
Ces initiatives posent également la question de la place des grands émergents, au premier rang
desquels la Chine, Elles ne peuvent être menées contre eux. Nous sommes interdépendants, non
seulement économiquement comme le montre le développement des chaines de valeur globales,
mais aussi pour la « bonne gestion » des biens publics globaux comme l’environnement ou le climat.
Nous devons les associer, si nous souhaitons qu’ils assument les responsabilités qui vont avec leur
puissance. L’Europe doit nouer avec eux un dialogue stratégique, éventuellement prendre l’initiative
d’un trilogue Europe, Etats-Unis, Chine. Elle doit s’engager pour un renouveau multilatéral passant
par l’Organisation Mondiale du Commerce, dans un agenda à définir « post-Doha ».
Au final, la mondialisation aura changé la France et avec l’Europe, la France aura œuvré à la
construction d’un monde nouveau, plus coopératif et durable.
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