La famille contemporaine : mutations et continuité
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La famille contemporaine : mutations et continuité
SENSIBILISATION Chapitre 2 La famille contemporaine : mutations et continuité 1 Peut-on parler aujourd’hui de « crise de la famille » ? Qu’y a-t-il derrière la diminution des mariages et l’augmentation des divorces ? Ne faut-il pas y voir davantage une mutation de l’institution familiale que le signe annonciateur de sa disparition prochaine ? La famille occupe-t-elle toujours une place centrale dans nos sociétés modernes ? Est-elle toujours au cœur des mécanismes de la reproduction sociale ? 3 La famille dans La Fleur du mal (2003) de Claude Chabrol. ◗ La famille est-elle une institution immuable ? 4 Comment trouve-t-elle sa place dans un univers économique où priment les relations marchandes et la recherche de l’intérêt personnel ? 2 1 Les métamorphoses de la famille Fragilisation du lien conjugal et recomposition familiale Individualisation et démocratie familiale ..... 40 ................................... 42 2 Famille et société Le choix du conjoint : une affaire privée ? La famille : instance de socialisation ................................ 45 ........................................... 46 3 L’évolution économique de la famille La famille comme unité économique ......................................... 48 ....................................................................... 49 Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dossier Le statut familial de la femme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 52 54 Échanges et solidarité Il peut sembler de tout repos De mettre à l’ombre, au fond d’un pot De confiture, La joli’ pomme défendu’, Mais elle est cuite, elle a perdu Son goût « nature ». s mémoires… gravé dans vo s ai m ja à e st PACS re Pour que leur ie n a h p é t S t e e l o Car fête er et à faire la J’ai l’honneur de Ne pas te deMander ta main, Ne gravons pas Nos noms au bas D’un parchemin. De servante n’ai pas besoin, Et du ménage et de ses soins Je t’en dispense… Qu’en éternelle fiancée, À la dame de mes pensée’ Toujours je pense… Georges Brassens, La non demande en mariage, 1966 © Éditions Musicales 57. 5 dîn 30 vous invitent à partir de 19 h à 4 0 0 2 re b m le 04 septe t de la nuit ! et jusqu’au bou a Boissière. L à e èr li s a R la au château de ai 2004. e avant le 20 m té ai uh so e ns Répo 6 La variété des formes familiales […] ne signifie pas affrontement de modèles concurrents mais, pour beaucoup, situations successivement vécues, choisies, subies. Plébiscitée par les jeunes, la famille […] n’est pas objet de désamour : elle reste plus que jamais terre d’élection de l’affection, de la solidarité et de l’éducation. Discours de Ségolène Royal au colloque « Quel droit pour quelles familles ? », 4 mai 2000. 38 39 Documents Mariage et valeurs familiales Le déclin des valeurs familiales comme facteur de désaffection à l’égard du mariage selon l’âge de l’interviewé 41 35 25 21 16 18-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plus Fragilisation du lien conjugal et recomposition familiale Le statut matrimonial des individus Mariages et divorces En % par âge 100 90 En couple 80 70 Mariées 60 50 40 30 20 Cohabitantes 10 0 En % par âge 100 90 En couple 80 70 Mariés 60 50 40 30 20 Cohabitants 10 0 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 ◗ 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 1. Faites une phrase intégrant les trois valeurs concernant les femmes de trente ans (ligne rouge). 2. Complétez la phrase suivante : sur 100 femmes de trente ans vivant en couple, ? % sont mariées et ? % sont cohabitantes (en union libre). ◗ ANALYSER 3. Quelle indication ce document nous donne-t-il sur l’importance du mariage aujourd’hui ? ◗ APPROFONDIR 4. Analysez la courbe des cohabitants. Quelles sont les causes qui peuvent expliquer sa baisse après 25 ans ? Insee, Enquête « Emploi », mars 1998. Couples et enfants 1990 Cohabitants 1 516 000 11 % Mariés 12 714 000 89 % Un enfant 2 439 000 17 % Mariés 12 386 000 84 % 14 815 000 100 % Un enfant 2 126 000 14 % Sans enfants 7 211 000 49 % Nombre d’enfants vivant dans une… famille «traditionnelle» famille monoparentale famille recomposée dont: – enfants avec demi-frères ou demi-sœurs – enfants du couple actuel – enfants nés d’une union précédente – enfants sans demi-frère ou demi-sœur Enfants vivant avec au moins l’un des deux parents Enfants vivant hors du foyer parental Ensemble des jeunes de moins de 25 ans Champ : personnes âgées de moins de 25 ans. Insee, Enquête « Emploi », mars 1998. Alternatives économiques, hors série n° 40, avril1999. ◗ MESURER ◗ ◗ ANALYSER 40 APPROFONDIR 1. 2. 3. 4. Comparez la part des couples cohabitants ayant deux enfants ou plus en 1990 et en 1998. Même question pour les couples mariés. Que nous apprennent les réponses aux questions 1 et 2 sur les métamorphoses de la famille ? Le mariage est-il indispensable, aujourd’hui, pour fonder une famille ? Partie 1 : La famille, une institution en évolution Indicateur conjoncturel pour 100 mariages1 30,4 31,1 30,9 31,3 31,6 32,1 32,4 33,5 34,8 36,7 38,2 38,0 38,0 38,4 38,9 38,2 – – ◗ MESURER 1. Comment a-t-on calculé les valeurs de la dernière colonne ? 2. Peut-on dire qu’en 2000, 38,2 % des mariages se finissent par un divorce ? ◗ ANALYSER 3. Comment analyser l’évolution mise en évidence par ce tableau ? 1. Pourcentage des divorces pour 100 mariages. 2. Provisoire. Ined, d’après Insee et ministère de la Justice, dans F. Prioux, « L’évolution démographique récente », Population, 2002, nos 4-5. 1990 Deux enfants ou plus 3 049 000 21 % Sans enfants 6 850 000 48 % Divorces 107505 108380 106526 108026 107357 107599 106418 107914 110757 115785 119189 177382 116158 116515 116813 114005 – – 1999 1998 Deux enfants ou plus 490 000 3 % Un enfant 587 000 4 % Sans enfants 1 353 000 9 % Cohabitants 2 429 000 16 % Deux enfants 14 230 000 ou plus 100 % 3 425 000 24 % Mariages 269419 265678 265177 271124 279900 287099 280175 271427 255190 253746 254651 280072 283984 271361 286191 297922 288255 280600 Familles et enfants 2,4 millions de couples concubins Répartition des couples selon le statut et le nombre d’enfants Deux enfants ou plus 210 000 1 % Un enfant 332 000 3 % Sans enfants 973 000 7 % Année 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 20022 TNS-Sofres, enquête réalisée du 15 au 17 novembre 2000 pour Le Figaro-Magazine et le Conseil supérieur du notariat. ◗ ◗ DÉFINIR ◗ ANALYSER MESURER 1. 2. 3. 4. Nombre 13620000 2248000 1429000 1056000 507000 549000 386000 17 297 000 2 350 000 19 647 000 En % … … … 5,0 2,6 2,8 2,0 88,0 12,0 100,0 Nombre 12004000 2747000 1583000 1068000 513000 555000 515000 16 334 000 1 928 000 18 262 000 En % … … … 5,8 2,8 3,0 2,8 89,4 10,6 100,0 Évolution 1990/1999 (en %) … … … 1,1 1,2 1,1 33,4 – 5,6 – 18,0 – 7,0 Insee, Enquêtes « Étude de l’histoire familiale », 1990 et 1999. En quoi consiste la famille « traditionnelle » ? Complétez le tableau. Fiche méthode 4 Faites une phrase avec les valeurs entourées. Résumez en cinq lignes maximum les enseignements à retirer de ces données pour caractériser l’évolution des formes familiales. Chapitre 2 : La famille contemporaine : mutations et continuité 41 2 Documents Les hommes vivent plus longtemps en couple que les femmes. À 75 ans, plus de quatre hommes sur cinq vivent en couple (contre moins d’une femme sur deux), et encore plus de la moitié à 90 ans. Avant 40 ans, les femmes sont plus souvent en couple que les hommes, en raison de l’écart d’âge entre conjoints ; à partir de 40 ans, c’est l’inverse, d’une part parce que l’homme décède le plus souvent le premier, et d’autre part parce qu’après une rupture, les femmes se remettent moins souvent en couple. MESURER ANALYSER 2. Comment expliquez-vous l’évolution des réponses selon l’âge ? La question était : « Selon vous, pour quelles raisons principales les jeunes se marient-ils moins aujourd’hui qu’il y a vingt ans ? » B. Hommes MESURER 1. Faites une phrase avec la valeur « 16 ». ◗ La famille a connu deux évolutions majeures : d’une part, le mariage ne représente plus l’unique moyen de fonder une famille et les valeurs qui lui sont attachées ont changé, et, d’autre part, la vie familiale s’est individualisée et démocratisée. D’abord communautaire et hiérarchisée, la famille tend à devenir individualiste et démocratique. A. Femmes ◗ Documents 1 Chapitre Les métamorphoses de la famille Documents ◗ MESURER 1. Faites une phrase avec les valeurs trouvées pour 15 ans. ◗ ANALYSER 2. La proportion importante d’enfants vivant avec leurs deux parents vous semble-t-elle contredire le nombre élevé de divorces (rappel : sur 100 mariages, l’indicateur conjoncturel de divortialité est d’environ de 40 divorces) ? Quelles explications pouvez-vous donner à ce paradoxe ? 80 60 40 Champ : personnes agées de moins de 25 ans. 1. Parmi ces enfants, 170 000 n’ont en fait jamais vécu dans un foyer parental. Lecture : 9 % des enfants de 13 ans vivent avec un parent et un beau-parent. 20 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 Vivent avec leurs deux parents. 1 Ont quitté le foyer parental . Âge Vivent dans une famille monoparentale. Vivent avec un parent et un beau-parent. Insee, Enquête « Étude de l’histoire familiale », 1999. Individualisation et démocratie familiale Monsieur de C. de M. préside presque toujours au dîner. Pour autant qu’on y parle, on y parle donc français. Mais un silence de chartreux règne d’ordinaire […]. Les enfants n’ont le droit d’ouvrir la bouche que si Papa leur a d’abord posé une question, ce qu’il se donne rarement la peine de faire. […] Après dîner. Papa s’installe été comme hiver au coin de la cheminée du salon. Il fait sauter la bande de son journal venu de Bruxelles, et le silence durant la demi-heure qui suit est encore plus profond que pendant le repas. […] Les enfants sont assis le long des murs, le dos bien droit contre les dures baguettes contournées des chaises, les mains sagement posées sur les genoux. Cette séance d’immobilité est supposée un exercice en maintien et en bienséance. […] Les enfants se lèvent et vont un à un embrasser Papa en lui souhaitant le bonsoir. […] En principe, du moins, personne avant de se coucher n’oubliera de prier. L’usage obligeait les enfants à écrire le 31 décembre une lettre de Nouvel An à leur père, sans doute recopiée bien des fois avant d’atteindre au degré de correction voulu. […] On ne sait comment Monsieur de C. de M. répondait à ces épanchements. […] Chaque enfant, en tout cas, recevait une pièce d’or qu’il avait le droit de garder jusqu’au soir, et qu’on mettait ensuite à la Banque dans un compte à intérêts composés à son nom, ce qui était supposé lui apprendre l’économie et le loyer de l’argent. Une telle vie de famille semble de nos jours grotesque, ou odieuse, ou les deux. Mais les enfants de Suarlée n’en avaient pas conservé trop mauvais souvenir. Trente ans plus tard, j’entendis Octave, Théobald, Georgine et Jeanne vieillis évoquer ce passé avec des intonations attendries et de discrets sourires. […] gly nomme « famille relationnelle » ce nouveau modèle familial. À la famille traditionnelle fondée sur les contraintes économiques et institutionnelles, et une relation hiérarchique entre ses membres, a succédé une famille égalitaire. Cette tendance vers la famille relationnelle la rend à la fois plus atta- ◗ DÉFINIR 1. Retrouvez dans le lexique la définition du mot surligné. ◗ ANALYSER 2. Quelle est la caractéristique principale de la famille « relationnelle » ? 3. Quel sens donnez-vous au mot « attachante » ? 4. Quelles sont les normes qui organisent cette famille nouvelle ? Comparez avec la famille traditionnelle. J.-F. Dortier, Familles. Permanences et métamorphoses, Sciences humaines, 2002. Famille et démocratie Une nouvelle famille est née, davantage centrée sur les individus et sur la qualité des relations interpersonnelles. C’est pour cette raison que nous la nommons « famille relationnelle et individualiste ». Ainsi changée, depuis le milieu des années 80, la famille est redevenue attractive puisqu’un de ses principes fondateurs est le respect aussi bien des petits que des grands, aussi bien des femmes que des hommes. Une certaine égalité de traitement caractérise désormais le groupe familial, ce qui est une nouveauté historique. Lorsque, pour l’année internationale de la famille de 1994, l’ONU a déclaré que la famille était « la plus petite démocratie au cœur de la société », elle rendait hommage (volontairement ou non) aux transformations importantes des familles, surtout occidentales, de la seconde moitié du XXe siècle. En effet, contrairement aux familles traditionnelles, dans les familles contemporaines, le chef de famille a été supprimé (en 1970, en France, une loi remplace l’autorité paternelle par l’autorité parentale), au profit d’un mode de régulation où comptent surtout les négociations entre les conjoints, entre les parents et les enfants. De ce principe de respect de l’individu en tant que personne, découlent ◗ des conséquences importantes. Une de celles-ci est le Pacte civil de solidarité (le Pacs), […] par lequel l’État reconnaît un contrat différent du mariage, entre un homme et une femme, entre deux hommes, entre deux femmes; une autre forme publique d’engagement. F. de Singly, La Réinvention de la famille, © Ministère des Affaires étrangères/Label France, le magazine, avril 2000, n° 39. ILLUSTRER 1. Trouvez, dans la vie quotidienne, des exemples de « négociation » entre parents et enfants. ◗ ANALYSER 2. Commentez la phrase en italique. 3. Qu’est-ce qui fait de la famille « la plus petite démocratie au cœur de la société » ? ◗ APPROFONDIR 4. Pour François de Singly, « l’individualisme » est l’une des caractéristiques principales de la famille moderne. En quoi cet individualisme rend-il la famille plus forte ou plus fragile ? M. Yourcenar, Souvenirs pieux, Gallimard, 1974. ◗ ANALYSER 1. Notez les mots et expressions qui montrent que le père est véritablement le « chef » de famille. 2. Quels sont les objectifs de l’éducation reçue par ces enfants ? La famille nouvelle Dans la famille contemporaine, les relations affectives, la logique des sentiments semblent avoir pris le pas sur la contrainte et la norme. François de Sin42 Partie 1 : La famille, une institution en évolution Chapitre 2 : La famille contemporaine : mutations et continuité 2 Documents L’éducation bourgeoise traditionnelle l’on n’aime plus. L’éthique de l’authenticité impose : « Si l’on ne s’aime plus, alors on doit se quitter… » L’instauration de cette famille relationnelle conduit les sociologues à s’intéresser davantage à la logique des sentiments – l’attachement, l’amour, les logiques affectives – un terrain réservé jusque-là aux psychologues. Les barrières disciplinaires bien établies s’en trouvent bousculées. Documents En % 100 chante, mais plus fragile aussi. Car les sentiments sont plus instables que les institutions. En fait, la famille relationnelle ne signifie pas disparition des normes, mais leur inversion. La nouvelle « norme » est désormais celle de l’authenticité et de l’autonomie. Là où naguère il était choquant et honteux de divorcer, il serait désormais considéré comme malhonnête et malsain de continuer à vivre avec quelqu’un que Chapitre Enfants et parents 43 Documents Documents 2 La place du père 10 1 2 Famille et société La privatisation des sentiments et la montée de l’individualisme n’empêchent pas la famille d’être en partie déterminée par les structures de la société. En même temps, la famille joue un rôle essentiel dans la reproduction sociale. Famille et société sont ainsi intimement liées et interdépendantes. Le choix du conjoint : une affaire privée ? 11 ANALYSER 1. Comparez ces deux photos. Dites en quoi elles traduisent l’évolution de l’idée que l’on se fait du rôle du père. ◗ Insee, Enquête FOP de 1993, Alternatives économiques, n° 140, septembre 1996. APPROFONDIR ◗ ◗ 2. Quelles sont les causes possibles de l’évolution du rôle du père ? 3. En quoi ces évolutions remettent-elles en cause le modèle de la famille traditionnelle ? MESURER ANALYSER A. SYNTHÈSE ◗ À partir des documents 1 à 10, vous vous demanderez si les évolutions constatées traduisent une crise de la famille. B. APPLICATION Nombre de familles 1990 1999 7083000 6474000 1397000 1640000 646000 708000 9 126 000 8 822 000 Nombre d’enfants 1990 1999 13620000 12004000 2248000 2747000 1429000 1583000 17 297 000 16 334 000 Champ : familles avec au moins un enfant de moins de 25 ans. Non compris les enfants vivant hors du foyer parental. Enquêtes « Étude de l’histoire familiale », 1990 et 1999, Insee. ◗ ÉNONCÉ 1. Transformez ce tableau de façon à faire apparaître l’évolution de la structure des familles ainsi que l’évolution de la structure de la population des enfants de moins de 25 ans. Fiche méthode 4 2. Représentez graphiquement le tableau ainsi obtenu. Fiche méthode 3 3. Rédigez un court commentaire montrant l’accroissement du poids des familles non traditionnelles. Partie 1 : La famille, une institution en évolution Faites une phrase avec chacune des valeurs entourées. Que lit-on sur la diagonale ? Qu’en déduisez-vous ? Quel est l’intérêt de la ligne « ensemble » ? Quelle est l’origine sociale des épouses d’ouvriers et d’employés ? Homogamie et diplôme Femmes Exercice 1 Familles traditionnelles Familles monoparentales Familles recomposées Total 1. 2. 3. 4. Hommes Sans diplôme Certificat d’études primaires Études secondaires Études supérieures Total Sans Certificat Études Études Total diplôme d’études secondaires supérieures primaires 46,4 11,6 39,1 2,9 100 25,9 27,0 44,3 2,8 100 16,2 8,6 64,9 10,3 100 3,4 1,7 37,1 57,8 100 21,1 10,0 54,1 14,8 100 Champ : couples où l’épouse a moins de 36 ans lors de l’enquête (en 1989). M. Forsé et L. Chauvel, Revue française de sociologie, XXXVI, 1995. 13 ◗ DÉFINIR 1. Que signifie « homogamie » ? À quelle notion s’oppose-t-elle ? ◗ MESURER 2. Faites une phrase avec chacune des valeurs entourées. ◗ ANALYSER 3. En quoi ce document confirme-t-il la tendance à l’homogamie ? Les jeux de l’amour… et de l’origine sociale ! Est-ce bien l’amour qui détermine le choix du conjoint ? Pour tout un chacun, la personne choisie demeure l’élu(e) du cœur, un choix purement individuel. Oui, mais voilà, le sociologue qui observe l’origine sociale des mariés remarque de singulières régularités […]. C’est le fameux phénomène d’homogamie sociale […]. Les données […] montrent effectivement que le hasard des rencontres et de l’amour fait « bien » les choses : les jeunes époux sont souvent issus des mêmes groupes sociaux […] Comment expliquer cette pesanteur sociale ? […] Facteur déterminant : le lieu de la rencontre. […] Les groupes sociaux ont des modes de vie différents et fréquentent donc des univers distincts. Comme le font remarquer François Héran et Michel Bozon, « les classes supérieures s’emploient à éviter la foule, les lieux ouverts, toutes les circonstances où l’individu, du fait du plus grand nombre de participants, doit souvent laisser au hasard le soin des rencontres ». Les soirées privées, par définition, permettent de sélectionner les participants selon des principes où les affinités sociales jouent un rôle déterminant. Au-delà des lieux, les raisons qui font que deux personnes s’accordent tiennent également à des élé- Chapitre 2 : La famille contemporaine : mutations et continuité 2 Documents 12 44 Documents Groupe socioprofessionnel du beau-père, selon le groupe socioprofessionnel du mari, hommes de 40 à 49 ans, en % Groupe socioprofessionnel du beau-père Groupe socioprofessionnel du mari Agriculteurs Artisans Cadres Professions Employés Ouvriers Inconnu intermédiaires Agriculteurs exploitants 53,1 10,7 2,0 3,9 3,0 22,1 5,2 Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 12,7 14,8 7,5 10,6 12,0 39,1 3,2 Cadres 6,9 16,5 25,5 15,3 9,7 23,7 2,4 Professions intermédiaires 11,1 11,7 6,4 11,8 12,8 40,8 5,4 Employés 11,1 11,5 6,1 4,7 10,2 50,3 6,0 Ouvriers 15,2 7,0 2,0 6,8 9,9 53,8 5,3 Ensemble 13,3 11,5 8,7 9,8 10,6 41,3 4,5 Chapitre ◗ Mariage et catégorie socioprofessionnelle 45 ments comme le langage, les comportements vestimentaires ou les préférences culturelles, qui sont eux aussi déterminés en partie par l’appartenance à tel ou tel groupe social. […] Pourtant, il […] existe encore des lieux où les catégories sociales se croisent. La sociologie n’explique pas tout de la formation des couples, la part du hasard et de la psychologie individuelle existe aussi. Entre des univers sociaux proches, mais distincts, des unions se nouent qui limitent la reproduction à l’identique de la société et contribuent à son évolution. ◗ DÉFINIR 16 Famille et manières de table 1 1. Retrouvez dans le lexique la définition des mots surlignés. ◗ 2 ANALYSER 2. Le phénomène d’homogamie signifie-t-il que l’amour n’a pas sa place dans la formation des couples ? 3. Quels sont les facteurs qui expliquent l’homogamie ? 4. En quoi l’homogamie favoriset-elle la « reproduction sociale » ? L. Maurin, « Amour ou origine sociale, ce qui détermine le choix du conjoint », Alternatives économiques, n° 140, septembre 1996. La famille : instance de socialisation Qu’est-ce que la socialisation ? 15 ◗ QUESTIONS 1. Notez les différences entre ces deux situations. Que vous inspirent ces différences ?` 2. En quoi la table familiale est-elle un lieu d’apprentissage social ? 3. Montrez que les « manières de table » peuvent révéler l’appartenance sociale. Elles doivent allier contrôle des gestes, de l’appétit et de la parole. Ceux qui ne les maîtrisent pas « bouffent » et sont punis d’exclusion. Que ce soit le « petit ami » de la jeune fille de la maison « qu’on ne pourra plus recevoir, parce ◗ DÉFINIR ◗ ANALYSER Partie 1 : La famille, une institution en évolution Documents comme « naturelle » ou « évidente »). Ce travail de routinisation, en apparence anodin, n’en est pas moins très précieux, car il nous fait participer à […] la « construction sociale du monde ». G. Ferréol et J.-P. Noreck, Introduction à la sociologie, Cursus, Armand Colin, 1989. Exercice 2 ◗ A. SYNTHÈSE ◗ À l’aide des documents 11 à 16, vous montrerez que la famille est le lieu essentiel de la reproduction sociale. DÉFINIR 1. Retrouvez dans le lexique la définition du mot surligné. ◗ B. APPLICATION ILLUSTRER Premiers « jobs » selon le sexe 2. Trouvez des exemples de comportement dont l’apprentissage se fait dans la famille. ◗ Premiers « jobs » ANALYSER 3. La socialisation dans la famille estelle toujours consciente ? Justifiez et illustrez votre réponse. 4. Expliquez la phrase en italique. Baby-sitting Cours particuliers Encadrement d’enfants Travail dans un commerce Travail en usine ou dans un bureau Travaux agricoles Aider un proche dans son travail Services rémunérés à des particuliers Autres petits travaux La socialisation dans la bourgeoisie La culture bourgeoise est, selon Béatrix le Wita, constituée de trois éléments essentiels : l’art du détail, le contrôle de soi et la ritualisation du quotidien. Cette culture s’acquiert et se transmet dans la sphère familiale. Elle permet de se reconnaître. « L’autre », au contraire, se trahit sur trois fois rien. « On passe l’essai à table », avoue l’une de ses interlocutrices. Les « manières de table » sont en effet révélatrices. 46 portements dans une direction déterminée. Nous nous conformons à des impératifs et à des prescriptions (politesse, savoir-vivre, exactitude…). […] L’acquisition de ces différentes normes n’est nullement spontanée. De nombreuses étapes sont nécessaires. […] L’apprentissage nous aide à déchiffrer, puis à sélectionner les informations qui nous sont adressées. Nous parvenons de la sorte – par tâtonnements successifs – à ne plus répéter les mêmes erreurs. Cet effort d’intériorisation ordonne notre pensée : les priorités sont hiérarchisées, et les moyens d’action légitimés. Par ce biais, notre stock de connaissances […] s’enrichit. Telle figure qui initialement semblait difficile à exécuter ou à conceptualiser devient par la suite plus familière (au point d’être considérée qu’il se tient mal à table » ou le fils de la concierge qu’on ne peut plus accepter à des « déjeuners-cantines » : « Je suis trop malheureuse pour lui, il se tient comme un goret. » D. Sicot, « L’épreuve de la table », Alternatives économiques, hors série n° 25, juillet 1995. 1. Retrouvez dans le lexique la définition du mot surligné. 2. Quelle est la fonction de la « culture bourgeoise » ? 3. En quoi les « manières de table » sont-elles révélatrices ? en % 11 11 18 26 30 36 16 20 11 Hommes Âge moyen1 17,5 19,2 18,0 17,2 17,9 15,2 16,0 16,5 18,1 en % 49 17 25 37 28 21 11 7 10 Femmes Âge moyen1 16,2 18,6 17,6 17,4 18,3 16,1 17,0 17,7 18,3 1. La question était : « À partir de quel âge ? ». M. Bozon et C. Villeneuve-Gokalp, « Les parents favorisent-ils également l’émancipation des garçons et des filles ? », Recherches et prévisions, CNAF, n° 40, juin 1995. Extrait de A. Bihr et R. Pfefferkorn, Hommes/Femmes, l’introuvable égalité, éditions de l’Atelier, 1996. ◗ ÉNONCÉ 1. Faites une phrase avec chacune des valeurs de la première ligne du tableau. 2. Relevez les écarts de fréquence entre hommes et femmes pour chaque activité. Pour quelles activités cet écart est-il le plus faible ? Le plus élevé ? 3. Caractérisez les activités auxquelles se consacrent prioritairement les filles et les garçons. 4. Comparez les âges auxquels on débute une activité selon qu’on est un homme ou une femme. Que constatez-vous ? 5. Quel phénomène ce tableau illustre-t-il ? Justifiez votre réponse. Chapitre 2 : La famille contemporaine : mutations et continuité 2 Documents La famille est 1’institution essentielle par laquelle est assurée la reproduction des relations sociales. Elle représente, avec d’autres « relais » (l’école, le groupe de camarades…), une instance de socialisation de premier ordre. Dès notre enfance ne sommes-nous pas confrontés à certaines « manières de faire et de sentir » ? L’adoption de ce « code culturel » imprègne la plupart de nos actions. […] Dès l’instant où la vie en société s’impose à nous, nous devons nous plier à certaines règles. L’ordre social a ses propres exigences. Le respect de ces contraintes sous-entend que la « conscience collective » soit à même de produire et de diffuser un message de « normalisation ». La bonne réception de ce message oriente nos com- Chapitre 14 47 Documents Échanges et solidarité La solidarité sur trois générations 19 La famille n’est plus comme autrefois le lieu essentiel de la production. Elle n’en conserve pas moins un rôle économique fondamental, à la fois comme unité de consommation, mais également comme lieu d’échanges et de solidarité. ◗ MESURER ANALYSER ◗ APPROFONDIR 20 % des cas pour le choix d’une voiture familiale, et à 43 % pour celui du lieu de vacances. « La prescription commence de plus en plus jeune et concerne un nombre croissant de secteurs économiques, explique l’Institut de l’enfant ; elle s’exerce désormais sur des marques précises. » 20 47,85 milliards d’euros pour la famille en 2001 Montant des prestations versées 45,6 milliards d’euros dont : Montant des dépenses d’action sociale 2,25 milliards d’euros dont : Accueil des jeunes enfants 0,982 Aides au temps libre 0,457 Accompagnement social des familles 0,406 Animation et vie sociale 0,206 Logement et habitation 0,158 Aides contre la précarité 9,30 Insee, Caisse nationale des allocations familiales. Le Monde, 18 décembre 2002. Aides aux familles 20,70 Aides au logement 12,10 ◗ DÉFINIR ◗ MESURER ◗ ANALYSER 1. Que signifie « prestations » dans le titre du graphique ? 2. Transformez ce document de manière à faire apparaître la structure des dépenses publiques affectées à la famille. Fiche méthode 4 48 Partie 1 : La famille, une institution en évolution 3. En quoi ces dépenses illustrent-elles l’importance économique de la famille ? Jeunes 19 à 36 ans ◗ APPROFONDIR 2. La dimension économique des échanges entre générations vous semble-t-elle primordiale ? 2% C. Attias-Donfut, « Le double circuit des transmissions », dans C. Attias-Donfut dir., Les Solidarités entre générations, Essais & Recherches, Nathan, 1995. 64 % Les aides aux descendants ◗ En milliards de francs1 L. Belot et P. Galinier., « Petits mais déjà courtisés », Le Monde, 17 décembre 2000. 1. Calculez en euros (1 € = 6,56 francs) le montant d’argent de poche que chaque enfant de 4 à 10 ans reçoit, par an, directement et indirectement. 2. Comment expliquez-vous que les enfants soient de plus en plus « prescripteurs des achats de la famille » ? 3. Montrez que ce document illustre les évolutions de la famille étudiées précédemment. 33 % Exemple de lecture : Dans la génération pivot, 9 % font des dons d’argent à leurs parents et 64 % à leurs enfants. Ménages de 40 à 59 ans Ménages de moins de 40 ans 20 Ménages de plus 60 ans 30 1. 1 milliard de francs = 152,15 millions d’euros. DÉFINIR 1. Qu’est-ce qu’un « ménage » ? 50 Insee, Enquête « Budget de famille » 1994-1995. C. de Barry, D. Eneau, J.-M. Hourriez, « Les aides financières entre ménages », Insee Première, n° 441, avril 1996. 21 18 38 % ANALYSER 1. Pourquoi, à votre avis, la génération pivot est-elle la plus mise à contribution ? 33 % Génération pivot 49 à 53 ans 96 % ◗ ◗ MESURER 2. Quels sont les ménages qui reçoivent le plus ? Quels sont ceux qui donnent le plus ? ◗ APPROFONDIR 3. Quelles raisons peuvent expliquer le niveau des aides aux descendants ? Solidarité familiale et vie sociale Entretien avec Agnès Pitrou, sociologue au CNRS. SH : Vous avez écrit : « Trop de famille tue la famille, en même temps que la vie sociale. » Pouvez-vous préciser votre pensée ? A.P. : On confond fréquemment quantité et qualité, en pensant par exemple que plus on passera de temps avec l’enfant, meilleure sera la relation. Or, ce peut être tout aussi bien le contraire qui risque de se produire. Ainsi, en reportant sur la famille des services qui étaient auparavant assurés de façon collective (la garde des enfants, l’assistance aux personnes âgées, le raccourcissement des durées d’hospitalisation), on rend plus difficile la vie concrète des familles. Et on ne s’interroge pas sur les perturbations que peut entraîner l’intrusion d’un nouveau service à rendre, parfois lourd, en particulier lorsqu’il s’agit d’un enfant handicapé ou d’une personne dépendante. Consacrer un maximum de temps à sa famille est parfois présenté comme un idéal qui dispenserait de s’investir dans d’autres responsabilités, en particulier pour les femmes. Or le rôle parental n’épuise pas les autres rôles sociaux, ◗ ◗ DÉFINIR ◗ APPROFONDIR ANALYSER qu’on soit homme ou femme, rôles professionnels et plus encore civiques. À trop proclamer que la famille est la « cellule de base », on risque d’encourager la désertion ou la participation sociale plus large, et le repli des familles sur une sorte d’égocentrisme que les difficultés de la vie et les incertitudes de l’avenir tendent à renforcer, au détriment des liens de coopération qui tissent la cohésion sociale. Sciences humaines hors série no 13, mai-juin 1996. 1. Retrouvez dans le lexique la définition du mot surligné. 2. Quelle analyse Agnès Pitrou fait-elle des relations d’aide à l’intérieur de la famille ? 3. Expliquez l’expression « trop de famille tue la famille ». 4. À partir de la phrase en italique, montrez que la famille peut aussi être facteur d’inégalités entre les sexes. SYNTHÈSE ◗ À partir des documents 17 à 21, vous montrerez que la dimension économique de la famille est indissociable de ses dimensions sociales et affectives. Chapitre 2 : La famille contemporaine : mutations et continuité 49 2 Documents ◗ Dons d’argent 56 % 77 % cripteur des achats de la famille », note l’Institut de l’enfant. Des bambins aux enfants de 10 ans, ils sont plus de 70 % à choisir leurs céréales, leurs yaourts et fromages blancs, leurs biscuits… Dans huit cas sur dix, ils sélectionnent leurs jouets. Pour les vêtements, ils participent à 67 % au choix de la marque et, dans le cas des chaussures, à 66 %. Mais leur avis est déterminant aussi dans 9% Personnes âgées 68 à 92 ans 49 % Famille, enfants et consommation • Un véritable poids économique. Les enfants de 4 à 10 ans, qui sont 5,3 millions en France, reçoivent chaque année 860 millions de francs d’argent de poche, mais « ils ont en fait 4 milliards de francs en poche, estime l’Institut de l’enfant, car il faut inclure les services rémunérés, les dons des grands-parents, les cadeaux d’anniversaire en argent, les primes aux notes et le détournement de menue monnaie ». Les « têtes blondes » de 2 à 7 ans recevraient en moyenne 2 francs par mois d’argent de poche, d’après une étude Interdéco. • Une forte influence sur les achats. « Dès 2 ans, l’enfant est pres- 89 % Génération pivot 49 à 53 ans La famille comme unité économique 17 Échanges de services Documents L’évolution économique de la famille Chapitre 3 Synthèse Les métamorphoses de la famille Fragilisation du lien conjugal et recomposition familiale Même si l’on a pu observer un regain du mariage ces dernières années, l’évolution de la famille semble durablement marquée par les formes non institutionnelles d’alliance (union libre, PACS) ainsi que par l’accroissement et la facilitation du divorce. De ce fait, bien que la forme dite « traditionnelle » de la famille soit toujours très largement majoritaire, on assiste à la banalisation des familles non traditionnelles, qu’elles soient monoparentales ou recomposées. Cette recomposition familiale n’est pas sans conséquence sur la situation des enfants. Par ailleurs ces évolutions ne semblent pas remettre en cause l’intérêt porté au couple et à la famille. Individualisation et démocratie familiale Au-delà de ces évolutions institutionnelles, on constate également une évolution du fonctionnement interne de la famille, tant au niveau du couple que de la relation parentale. Dans ces deux domaines, la qualité des sentiments a pris le pas sur la norme, la démocratisation des relations sur la contrainte et la hiérarchie. Famille La famille comme unité économique La famille est considérée comme l’unité élémentaire de la consommation. Son poids économique en fait un acteur principal de l’activité économique et de la croissance. De ce fait, elle constitue une cible privilégiée des messages publicitaires, en particulier à destination des enfants qui, en raison de la démocratisation de la vie familiale, influencent une part importante de la consommation. Échanges et solidarité Unité de consommation, la famille est également un lieu d’échanges et de solidarité. Circulation d’argent (dons et prêts) et de services divers, entraide morale ou affective, « coups de mains » et refuge en période de crise font de la famille un espace créateur de liens qui échappent en grande partie à l’analyse économique parce que non marchands. On peut d’ailleurs s’interroger sur les conséquences du développement de ce phénomène en période de crise. Symbole du maintien des valeurs familiales pour les uns, il est analysé par d’autres comme une menace pour la participation sociale des individus autant que pour la vie familiale elle-même. L’essentiel et société Individualisme Le choix du conjoint : une affaire privée ? Fragilisation du lien conjugal Si les sentiments président aux relations conjugales, la logique sociale n’est pas absente de la formation du couple. En effet, le choix du conjoint est fortement marqué par le phénomène d’homogamie, en particulier dans les catégories extrêmes de la hiérarchie sociale. 50 Partie 1 : La famille, une institution en évolution Échanges de services, dons et contre-dons monétaires Reproduction sociale Solidarités familiales Affaiblissement Renforcement Transformations de l’institution familiale La famille : instance de socialisation Parce que les normes ainsi que les mécanismes de la socialisation diffèrent d’une catégorie sociale à une autre, la famille est également le véhicule des cultures de groupe, contribuant ainsi à la reproduction sociale. Homogamie, socialisation Démocratisation des relations familiales Divorces – Unions libres – Familles monoparentales – Recomposition familiale Ce phénomène, qui s’explique en grande partie par la proximité géographique (les lieux de rencontre) mais également culturelle des membres d’un même groupe social, est aussi à l’origine d’une certaine forme de reproduction sociale, la ressemblance sociale des conjoints renforçant les clivages sociaux existants. La socialisation se définit comme l’apprentissage et l’intériorisation des normes en vigueur dans une société. La famille est ainsi un des lieux essentiels – sinon le principal – de la socialisation. économique de la famille Pour aller plus loin > > > > J.-C. Kaufmann, Sociologie du couple, coll. Que sais-je ? n° 2787, PUF, 2003. L. Roussel, La Famille incertaine, coll. Opus, Odile Jacob, 1999. F. de Singly, Sociologie de la famille contemporaine, coll. 128, Nathan, 1999. M. Segalen, Sociologie de la famille, coll. U, Armand Colin, 1981 et 1996. Chapitre 2 : La famille contemporaine : mutations et continuité 2 Synthèse Ainsi les places de chacun ont été redéfinies autour de valeurs telles que l’authenticité des sentiments et l’autonomie des individus, comme l’illustre l’évolution de la manière dont les « nouveaux » pères envisagent leur rôle dans l’éducation de leurs enfants. L’évolution Synthèse (voir Lexique) Chapitre Les mots-clés mots clés 51 Exercices Une comparaison européenne (2001) Faire le point Verticalement II III IV V VI 1 2 3 4 5 6 7 Taux brut de nuptialité 4,1 6,6 4,7 5,4 5,2 5,1 5,0 4,91 4,5 5,1 4,2 5,7 4,8 4,0 5,11 5,11 Divorces pour 1 000 habitants 2,9 2,7 2,41 0,9 1,01 2,11 0,71 0,71 2,3 2,3 2,41 1,8 2,6 2,4 2,61 1,91 1. Données 2000. Eurostat. 8 IV. Elle fait des familles une cible privilégiée des publicitaires. V. Mariés, pacsés, ou en union libre – Frère, affectueusement. VI. Permet l’union de personnes non mariées. ◗ ÉNONCÉ 1. 2. 3. 4. Que signifie la valeur entourée ? Quels pays vous semblent avoir conservé le plus le modèle traditionnel de la famille ? Dans quels pays les formes institutionnelles de la famille ont-elles le plus régressé ? Comment se situe la France par rapport à l’ensemble des pays d’Europe ? Chapitre I. Se dit des familles composées d’une mère et de ses enfants, par exemple. II. Circule entre les générations, essentiellement vers les enfants. III. Au fondement de la relation conjugale. I % de naissances hors mariage 22,01 44,6 23,6 4,11 17,01 42,61 31,2 9,61 22,3 27,7 33,1 23,8 39,5 55,5 40,1 28,41 Exercices 1. Peut ne comprendre qu’une seule personne – Les divorces en sont, sans doute. 2. Version sociale du proverbe « Qui se ressemble s’assemble » (au pluriel). 3. En déclin depuis les années 70, semble reprendre de la vigueur – Portent les enfants. 4. Son taux mesure la fréquence des naissances dans une population donnée. 5. Cupidon en possède un. 6. Les familles le sont, parfois, après remariage. 7. Choisi. 8. La fille de mon père – Ils vivent majoritairement dans des familles traditionnelles. Exercice 3 Exercice 1 Horizontalement Pays Belgique Danemark Allemagne Grèce Espagne France Irlande Italie Luxembourg Pays-Bas Autriche Portugal Finlande Suède Royaume-Uni UE (15) Exercices Exercices L’instauration du congé de paternité Exercice 2 Années 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 Nombre de mariages Total légitimant un ou plusieurs enfants 287099 50481 280175 51807 271427 52943 255190 52771 253746 56627 254651 57596 280072 78680 Nombre d’enfants légitimés 66973 69481 71245 71814 76664 80596 112141 Répartition des mariages selon le nombre d’enfants légitimes (en %) 0 1 2 3 ou plus 82,4 13,2 3,5 1,0 81,5 13,6 3,8 1,1 80,5 14,3 4,1 1,1 79,3 14,9 4,5 1,3 78,1 15,5 5,0 1,4 77,4 15,6 5,4 1,6 71,9 18,5 7,7 1,9 Insee. Statistiques de l’état civil. Exercice 4 Nombre de mariages légitimant des enfants et nombre d’enfants légitimes Actuellement, lors de la naissance d’un enfant, les pères ne disposent que d’un congé de 3 jours. Cette durée apparaît insuffisante pour permettre l’accueil de l’enfant par les deux parents dans de bonnes conditions. La coparentalité passe en effet par l’affirmation du rôle essentiel des pères dès les premiers mois de leurs enfants. Les études disponibles montrent également que l’investissement des pères dans leur responsabilité éducative à l’égard de leurs enfants est d’autant plus fort qu’ils se sont occupés de ceux-ci lorsqu’ils étaient en bas âge. Ceci suppose que la place du père soit reconnue. Comme l’a rappelé le Premier ministre en la matière, « L’action de l’État […] par des incitations, peut accélérer l’évolution des comportements sans déroger au respect des choix privés » (discours du 17 avril 1999 en clôture de la Conférence européenne « Femmes et hommes au pouvoir »). La participation équilibrée des hommes et des femmes à la vie professionnelle et à la vie familiale est un objectif européen (Résolution du Conseil du 29 juin 2000) et de nombreux pays de l’Union développent ou ont déjà développé des congés de paternité. Site du ministère délégué à la Famille, Conférence de la famille, 11 juin 2001. ◗ ÉNONCÉ 1. Calculez la part des mariages légitimant un ou plusieurs enfants pour chaque année considérée. Fiche méthode 4 2. Calculez le taux de variation du nombre de mariages légitimant un ou plusieurs enfants, ainsi que celui du nombre d’enfants légitimés. Comparez les deux résultats. Fiche méthode 4 3. Commentez l’évolution de la répartition des mariages selon le nombre d’enfants légitimés. 4. Que nous indique ce document concernant le mariage aujourd’hui ? 52 Partie 1 : La famille, une institution en évolution 2 ◗ ÉNONCÉ 1. Pourquoi l’État cherche-t-il à favoriser la coparentalité ? 2. En quoi le congé de paternité illustre-t-il l’évolution des relations à l’intérieur de la famille ? 3. Commentez la phrase en italique. Chapitre 2 : La famille contemporaine : mutations et continuité 53 Dossier son mari. « On a autant de boulot l’un que l’autre, mais moi, je mets des priorités. Quand il a fallu inscrire Théo au club de foot, j’ai tout arrêté et j’y ai passé la matinée », insiste Geneviève. « Peut-être, mais c’est moi qui emmène Théo au cinéma le mercredi », souligne Éric. Tous les deux reconnaissent que le partage du « temps parental » est un sujet de discussions, voire parfois de tensions dans le couple. « Par principe, je suis partisan de l’égalité des rôles et j’essaie d’éviter que les habitudes de mâle reviennent sans que je m’en aperçoive. Mais objectivement, Geneviève en fait plus que moi, avoue Éric. Quand je dérape trop, elle se charge de me rappeler à l’ordre.» Le statut familial de la femme La sécurité sociale et une certaine conception du rôle des femmes… ● F. Chambon, Le Monde, 27 mai 2000. Extraits des motifs de la proposition de loi Labbé-Falalla sur l’abaissement de l’âge de la retraite pour les salariées, devenue loi du 12 juillet 1977. « Il est certain que la véritable tâche de la femme c’est celle qu’elle accomplit chez elle et que notre société perd grandement de sa valeur, de son âme en imposant aux femmes, pour des motifs matériels, de travailler hors de chez elles. Toutefois, ce n’est pas tellement par des arguments sociaux ou moraux que se justifie l’abaissement de l’âge de la retraite pour les femmes salariées. C’est principalement par des arguments économiques. Est-ce que les femmes salariées de plus de 55 ans sont des agents économiques actifs ? Évidemment non ! Fatiguées, souvent malades, elles attendent l’âge de la retraite… les employeurs les gardent parce qu’il serait scandaleux de les renvoyer… Mais il serait beaucoup plus profitable pour l’économie française de les rendre à leur foyer à 60 ans… Telles sont les raisons… » DOCUMENT 4 L’emploi du temps des couples Temps moyen consacré au travail domestique et professionnel Le pouvoir par des « managers » (en heures et minutes par jour) les conjoints des couples bi-actifs le plus grand nombre, A. Pour Couples bi-actifs à temps plein il va de soi que le pouvoir, dans l’entreprise, appartient au capital. Or, Galbraith1 constate que depuis plusieurs dizaines d’années, dans les grandes entreprises, 3leenfants pouvoir a 0 enfant 1 enfant 2 enfants Femmes Hommes Femmes l’intelligence Hommes Femmes Hommes Femmes été transféré des propriétaires à laHommes technostructure qui est devenue organisatrice de l’enTravail La professionnel 6h 50mn 6h 04mn 6h 5h 12mnde6hla42mn 07mn 6h 4h 27mn treprise. technostructure « va des responsables les 14mn plus élevés firme5hjusqu’à sa 56mn périphérie, au Travaildes domestique 1h et 12mn 2h bleu 54mndont 1h 38mn 4h 04mnest 1h de 29mn 4h 17mn 1h plus 46mnou 4hmoins 39mn contact travailleurs à col blanc à col la fonction se conformer Temps total de travail 8h 58mn; 7h 9h 16mn 11mnqui 9h apportent 24mn 8h 42mn 9h 06mn mécaniquement aux contraint instructions 8h et 02mn aux routines elle52mn englobe tous8hceux des connaisLoisirs (intérieurs, extérieurs, TV) 2h 57mn 2h 08mn 2h 59mn 2h 05mn 2h 41mn 1h 55mn 2h 41mn 2h 08mn sances spécialisées, du talent ou de l’expérience aux groupes de décision ». Temps de sociabilité 1h 31mn 1h 24mn 1h 16mn 1h 14mn 1h 23mn 1h 17mn 0h 59mn 1h 09mn Le pouvoir de la technostructure s’explique avant tout par la structure de la propriété des grandes entreprises. En effet, lorsque la dispersion des actions est importante, seule une part minime des actions B. Couples bi-actifs : homme à temps plein et femme à temps partiel est représentée aux assemblées générales des actionnaires. […] 0 enfant 1 enfant 2 enfants 3 enfants « L’entrepreneur n’existe plus Hommes en tant que personne individuelle la firme industrielle Femmes Hommes Femmes dans Hommes Femmes Hommesévoluée. Femmes» ● D. Kergoat, « Division sexuelle du travail et rapports sociaux de sexe », dans H. Hirata, F. Laborie, H. Le Doaré et D. Senotier dir., Dictionnaire critique du féminisme, coll. Politique d’aujourd’hui, PUF, 2000. 7h 51mn 7h 11mn 7h 18mn 8h 06mn 7h 59mn 8h 31mn 7h 48mn 8h 11mn 3h 10mn 2h 50mn 2h 55mn 2h 32mn 2h 56mn 2h 18mn 2h 54mn 2h 23mn 1h 22mn 1h 42mn 1h 42mn 1h 35mn 1h 21mn 1h 25mn 1h 31mn 1h 39mn ● Insee, Enquête Emploi du temps, 1998-1999. DOCUMENT 3 Geneviève et Éric… « Tout ce qui prend la tête ou met sur les nerfs, c’est pour moi. L’inscription à l’école, les rendez-vous chez l’orthophoniste, les vaccins, tout ça, le mari ne s’en préoccupe pas beaucoup », constate la jeune femme ; Geneviève, […] est intarissable lorsqu’on l’interroge sur la répartition des rôles avec son mari […]. Elle vit mal de passer pour une « bobonne » face à Eric, à qui elle reproche de se détacher des contingences matérielles. Malgré des revenus confortables et une « halte-garderie » assurée par les grands-parents, ce couple de jeunes quadras « accrocs » au travail a parfois du mal à gérer le partage des tâches domestiques. « La disparité, elle est surtout sur les détails pratiques. Penser au goûter d’anniversaire, acheter les vêtements, remplir le réfrigérateur, c’est moi », souligne cette mère de deux enfants, Théo et Juliette (7 et 3 ans). Sans viser directement son mari, […] Geneviève ironise sur l’écart entre le discours et la réalité. […] Elle, en tout cas, estime consacrer plus de temps à ses enfants et culpabiliser davantage que 54 Partie 1 : La famille, une institution en évolution 2 Dossier 1. John Kenneth Galbraith : économiste américain 1908, 5h auteur de 2h Le Nouvel État30mn industriel, essai sur système éconoTravail professionnel 6h 39mnné2hen54mn 53mn 54mn 6h 3h 28mn 6h le 20mn 2h 41mn mique américain (1967), dont il est rendu1hcompte Travail domestique 12mnic4h 17mn 1h 25mn 5h 12mn 1h 29mn 5h 03mn 1h 28mn 5h 30mn Temps total de travail contraint Loisirs (intérieurs, extérieurs, TV) Temps de sociabilité Dossier [La division sexuelle] du travail a deux principes organisateurs : le principe de séparation (il y a des travaux d’hommes et des travaux de femmes) et le principe hiérarchique (un travail d’homme « vaut » plus qu’un travail de femme). Ils sont valables pour toutes les sociétés connues, dans le temps et dans l’espace […]. Ils peuvent être appliqués grâce à un procès spécifique de légitimation, l’idéologie naturaliste. Celle-ci rabat le genre sur le sexe biologique, réduit les pratiques sociales à des « rôles sociaux » sexués, lesquels renverraient au destin naturel de l’espèce. […] Rappelons d’abord quelques faits : ce n’est pas sur l’avortement, comme on le dit trop souvent, qu’a démarré le mouvement des femmes. C’est sur la prise de conscience d’une oppression spécifique : il devint alors collectivement « évident » qu’une énorme masse de travail est effectuée gratuitement par les femmes, que ce travail est invisible, qu’il est réalisé non pas pour soi mais pour d’autres et toujours au nom de la nature, de l’amour ou du devoir maternel. Et la dénonciation (pensons au titre d’un des premiers journaux féministes français : Le torchon brûle) se déploya sur une double dimension : « ras-le-bol » (c’était l’expression consacrée) d’effectuer ce qu’il convenait bien d’appeler un « travail », que tout se passe comme si son imputation aux femmes, et à elles seules, aille de soi et qu’il ne soit ni vu, ni reconnu. ● J.-J. Dupeyroux, Droit de la sécurité sociale, précis Dalloz, 1993. DOCUMENT 2 Féminisme et partage sexuel des tâches Chapitre DOCUMENT 1 Questions ◗ DOCUMENT 1 1. 2. ◗ Le statut familial de la femme Commentez la partie de phrase en italique. L’opinion exprimée par les auteurs de la proposition de loi vous semble-t-elle toujours d’actualité ? ◗ DOCUMENT 3 6. 7. Pourquoi Geneviève « culpabilise-t-elle davantage que son mari » ? Pourquoi Éric a-t-il du mal à mettre son comportement en accord avec ses idées ? DOCUMENT 2 3. 4. 5. Le nombre d’enfants influence-t-il le temps de travail domestique des hommes ? des femmes ? Le fait que la femme travaille à temps plein ou à temps partiel modifie-t-il la participation de l’homme aux activités domestiques ? Quelles conséquences l’activité professionnelle a-t-elle sur la mère de famille ? ◗ DOCUMENT 4 8. 9. Qu’est-ce que l’idéologie naturaliste ? En quoi légitime-t-elle la division sexuelle du travail ? Pourquoi les féministes considèrent-elles cette division du travail comme une « oppression » ? ◗ QUESTION DE SYNTHÈSE 10. Après avoir mis en évidence le caractère culturel du statut familial de la femme, vous vous interrogerez sur les raisons du maintien des inégalités au sein du couple. Chapitre 2 : La famille contemporaine : mutations et continuité 55