Sujet : Comment peut-on expliquer la fragilisation du lien social ?
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Sujet : Comment peut-on expliquer la fragilisation du lien social ?
Dissertation ANTILLES juin 2005 Il est demandé au candidat : • de répondre à la question posée explicitement ou implicitement dans le sujet ; • de construire une argumentation à partir d'une problématique qu’il devra élaborer ; • de mobiliser des connaissances et des informations pertinentes pour traiter le sujet, notamment celles figurant dans le dossier ; • de rédiger en utilisant un vocabulaire économique et social spécifique et approprié à la question, en organisant le développement sous la forme d'un plan cohérent qui ménage l’équilibre des parties. Il sera tenu compte, dans la notation de la clarté de l'expression et du soin apporté à la présentation. Sujet : Comment peut-on expliquer la fragilisation du lien social ? Document 1 Évolution de l'emploi total par statut en France 01/01/90 01/03/97 01/03/02 Effectifs (en milliers) -Ensemble 22550 22223 23942 -Hommes 13140 12409 13104 -Femmes 9410 9814 10838 -Non salariés 3469 2847 2575 19081 19376 21367 -Salariés Emplois à durée limitée (part dans l'emploi salarié en pourcentage) -Ensemble 6,9 9,3 9,9 -Intérimaires 1,2 1,7 2,4 -CDD 3,1 4,3 4,2 -Apprentis 1,2 1,2 1,3 -Contrats aidés (1) 1,4 2,11 2 Proportion d'actifs occupés à temps Partiel (en pourcentage) -Ensemble 11,9 16,6 16,2 -Hommes 3,3 5,4 5,1 -Femmes 23,6 30,8 29,7 (1) Contrats de travail pour lesquels l'État apporte une aide à l'embauche, tels que les contrats emploi-solidarité, les contrats initiative-emploi, etc. Source: INSEE, Données sociales, 2003 Document 2 Les décennies récentes ont été le moment d'une fragilisation progressive des relations d'emploi ainsi que d'une transformation profonde du contenu et des contextes dans lesquels s'exercent les activités professionnelles. Au-delà des variations conjoncturelles de l'activité, l'économie impose aux salariés un rythme de licenciements et de réembauches plus intense que par le passé. Les emplois sont ainsi devenus plus fragiles et plus instables. Avec l'avènement de l'économie de service, les nouveaux emplois et les nouveaux métiers sollicitent par ailleurs chacun de nous de plus en plus dans ce qu'il a de singulier et de moins en moins dans ce qu'il peut mettre en commun avec les autres. Pour aller vite, les chauffeurs routiers et les gardes d'enfants ont remplacé les ouvriers métallos et les sténodactylos de la société industrielle. (...) Ces évolutions ont plusieurs conséquences sociologiques fortes. La principale est peut être que les salariés peuvent de moins en moins se définir en référence à des catégories ou des collectifs préexistants. Du coup les conditions de leur mobilisation et de leur représentation ont changé et sont sans doute beaucoup plus difficiles à remplir que naguère. Source: Eric Maurin, L'égalité des possibles, Seuil, 2002 Document 3 Perte de repère dans l'espace et dans le temps, conscience de leur « inutilité au monde », impuissance à se projeter dans l'avenir, désagrégation du statut social, dissolution des liens avec les autres, remise en question fondamentale de sa propre valeur. Du jour au lendemain, le chômeur s'aperçoit qu'il n'est plus rien et que l'ensemble des liens qui le reliaient aux autres membres de la société se sont rompus et dissous. Les liens avec les collègues de travail bien sûr mais, plus largement, beaucoup d'autres personnes qui se situent en dehors de la sphère professionnelle. Les ruptures sentimentales, les divorces sont plus fréquents chez les chômeurs que dans l'ensemble de la population (...) L'identité au travail génère des liens sociaux au-delà de l'usine, du chantier, du magasin ou du bureau. (...) Olivier Schwartz a mis en lumière la honte de soi des ouvriers au chômage qui, restant chez eux à longueur de journée, n'assument plus le regard des voisins, de leurs enfants ou de leur épouse puisqu'ils pensent avoir perdu à leurs yeux une grande partie de leur « raison d'être », de ce qui, au-delà de l'emploi et du salaire, les définissait comme collègue, père ou époux. Source : Christian Baudelot, « Le travail ne fait pas le bonheur mais y contribue fortement » Sciences Humaines, no 75, août-septembre 1997 Document 4 Quelques transformations de la famille française Unité : mode de calcul 1980 1990 1999 6,2 5,1 4,9 Taux de nuptialité Nombre de mariages pour 1000 habitants Naissances hors mariage En % du total des naissances 11,4 30,1 41,7 Nombre de divorces En milliers (source Ministère de la justice) 78,6 105,8 116,8 Familles monoparentales Familles composées d'un adulte sans conjoint avec enfant de moins de 25 ans, en % de l'ensemble des familles ------ 15,3 18,6 Enfant de moins de 25 ans vivant dans une famille recomposée En % des jeunes de moins de 25 ans ------ 7,3 8,7 62,8 73,3 78,9 Taux d'activité féminin En % (25- 49 ans) Champ : France Métropolitaine Source: d'après INSEE, Données sociales 2003, Insee Première, no 901, www.insee.fr. Document 5 Il existe des inégalités propres à des niveaux d'études donnés Ainsi, de 1985 à 1995, période particulière pendant laquelle le taux de bacheliers par génération est passé de 30 % à plus de 60 %, le recrutement social des différentes séries du baccalauréat s'est transformé d'une façon très singulière : ce sont les séries dont le recrutement est le plus populaire - les séries professionnelles qui s'ouvrent socialement davantage. A contrario, la section scientifique conserve pratiquement le même recrutement social. Ce même constat de démocratisation ségrégative vaut aussi pour l'enseignement supérieur. Source: Pierre Merle, « Enseignement: quelle démocratisation ? »,Cahiers Français, no 314, mai-juin 2003. Document 6 Ce qui caractérise la vie dans ces quartiers HLM, qui sont devenus au fil du temps des zones repoussoirs, c'est la coupure croissante de ses habitants avec l'extérieur, la vie « dehors » des enfants, les bandes de copains ou de copines, la très forte division sexuelle de l'espace et l'asymétrie croissante des rôles masculins et féminins, etc. ( ... ) Cette sorte d'enfermement dans l'espace social local fonctionne à la fois comme une ressource qui rassure et comme un piège parce qu'elle coupe des autres et peut constituer un handicap dans la construction et la gestion de l'identité sociale à l'âge adulte. ( ... ) Pour le dire en termes durkheimiens, ces quartiers sont le lieu d'une forte densité de relations sociales, notamment lors de l'enfance et de l'adolescence, si bien que nombre de jeunes de ces quartiers éprouvent, à l'âge adulte, beaucoup de difficultés à faire le deuil de cette vie sociale très riche. Source: Stéphane Beaud, 80 % au bac ... et après ? La Découverte, 2002