Les autochtones invisibles ou comment l`Argentine s`est

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Les autochtones invisibles ou comment l`Argentine s`est
Les autochtones invisibles ou comment l’Argentine s’est « blanchie »
17/02/11 15:09
Amérique Latine Histoire
et Mémoire. Les Cahiers
ALHIM
16 | 2008 :
Etat et Nation II (20ème siècle)
Les autochtones invisibles ou
comment l’Argentine s’est
« blanchie »
SABINE KRADOLFER
p. 10 novembre 2008
Resúmenes
Depuis la fin du XIX siècle, dans sa volonté d’assimiler les populations amérindiennes
Mapuche à son idéologie républicaine de tradition libérale, l’état argentin a conduit à leur
invisibilisation plus qu’à leur disparition. Ainsi, dans un contexte où « l’identité nationale
argentine » devait présenter une unité ethnique, linguistique et religieuse émergeât l’idée
qu’en Argentine : « il n’y a plus d’autochtones ». Pourtant, depuis une vingtaine d’années, les
organisations de défense des droits des autochtones proposent de nouvelles formes de
citoyenneté et négocient avec l’état des modes alternatifs d’organisation sociale et politique.
Le « blanchissement » auquel il est fait allusion – peut-être de manière quelque peu
impertinente – dans le titre de mon résumé ne fait pas seulement référence au processus
d’assimilation des autochtones à la Nation argentine mais aussi à la négation du fait que les
différentes tentatives (militaires mais aussi politique, sociales, culturelles, juridiques, etc.)
visant à faire disparaître les cultures indigènes ne soient (presque) jamais considérées comme
des actes répréhensibles.
Since the end of the 19th century, in its will to assimilate the Amerindian Mapuche
populations to its republican ideology of liberal tradition, the Argentinean state led to their
invisibilisation more than their disappearance. Thus, in a context where « the Argentinean
national identity » had to present an ethnic, linguistic and religious unity, the idea emerged
that in Argentina: « there are no more indigenous people ». However, in the two last decades,
the organizations defending the rights of the indigenous populations have proposed new
forms of citizenship and have been negotiating alternative modes of social and political
organization with the state.« Blanchie » in the title of my paper has a double meaning in
French and refers – perhaps in a somewhat impertinent way – not only to the process of
assimilation of the indigenous people in the Argentinean Nation (here it would be
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« whitening ») but also to the negation of the various attempts (not only military but also
political, social, cultural, legal, etc) aiming at making disappear the indigenous cultures which
are (almost) never regarded as reprehensible actions (here it would be « bleaching »).
Entradas del índice
Mots-clés : Argentine, indigène, Mapuche, citoyens, multiculturel
Keyword : native, Mapuche, Argentina, citizen, multicultral
Texto integral
Introduction
1
2
3
Alors qu’une dizaine d’années auparavant, la propriétaire d’un Bed & Breakfast de
Buenos Aires m’affirmait que « En Argentine, il n’y a plus d’autochtones », le
quotidien El Clarín titrait, contre toute attente, le 16 janvier 2005 : « 56% des
Argentins ont des ancêtres autochtones ». (Heguy, 2005) Cette deuxième affirmation
est intéressante puisqu’elle inverse l’idée fortement présente dans le sens commun
d’une large frange de la population argentine que les peuples autochtones ont disparu
de son territoire depuis plusieurs décennies. Mon objectif n’est pas ici de débattre de la
véracité ou de la non véracité de ces affirmations mais plutôt de réfléchir à la relation
que l’Etat nation et la population « blanche » argentine entretiennent avec les premiers
occupants de leur territoire.
Depuis les années 1990, on a assisté à un phénomène d’« émergence indigène »
(Bengoa, 2000) sur tout le continent latino-américain qui a conduit à la (ré)apparition
de différents groupes ethniques sur la scène politique. En Argentine, certains peuples
semblent renaître comme par exemple les Huarpe, les Ona ou les Quilmes alors que les
Mapuche qui ont toujours été reconnus comme l’un des groupes ethniques les plus
importants du pays n’ont jamais été aussi nombreux à revendiquer leur passé
autochtone. Si je m’intéresserai ici plus particulièrement à la province de Neuquén 1, au
nord ouest de la Patagonie, où les Mapuche sont établis depuis le XVII siècle,
(Nicoletti et Navarro Floria, 2000: 49) il ne faut pas oublier que ces populations sont
aussi présentes dans d’autres provinces : Buenos Aires, La Pampa, Río Negro, Chubut
et Santa Cruz ainsi qu’au Chili où elles sont beaucoup plus nombreuses et où elles ont
fait l’objet de nombreux travaux tant historiques, que politiques, sociologiques,
anthropologiques, etc. Il est cependant frappant de constater que ce peuple présente
des différences notoires en terme d’organisation sociale et communautaire non
seulement entre ces deux pays mais aussi en fonction des provinces argentines dans
lesquelles il se trouve actuellement, en raison des différents régimes juridiques et
politiques issus du fédéralisme auxquels il est soumis. (Briones, 2005)
Je m’interrogerai ici sur les processus d’incorporation des populations autochtones
du nord de la Patagonie à l’Etat national – et provincial depuis 1955 - après les guerres
de la Conquête du Désert (Conquista del Desierto) qui se sont déroulées durant le
dernier quart du XIX siècle et qui ont mis fin à l’hégémonie autochtone sur les
territoires de la Pampa, la Patagonie et la Terre de Feu en même temps qu’elles
dessinaient les nouvelles frontières de l’Etat-nation 2 . L’assimilation des autochtones
comme citoyens argentins s’est ainsi faite en « invisibilisant » leurs origines
particulières et premières mais aussi, plus rarement, en « visibilisant » leurs
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différences. Après une brève présentation de la situation actuelle de reconnaissance du
caractère multiculturel de l’Etat-nation argentin, je m’intéresserai à l’incorporation des
Mapuche à l’Etat au moment des guerres de la Conquista del Desierto (1875-1885) par
le biais de stratégies d’invisibilisation assimilatrices, issues de l’idéologie républicaine
de tradition libérale, qui devaient mener à la disparition des peuples autochtones du
territoire argentin. En effet, dans ce contexte, « l’identité nationale argentine » devait
présenter une unité ethnique, linguistique et religieuse dans laquelle toutes les
différences étaient appelées à disparaître et/ou à être niées. Paradoxalement, et dans
une volonté de se démarquer de l’Etat national, la nouvelle province de Neuquén,
cherchera quant à elle à reconnaître un particularisme intégrant les autochtones dès sa
création en 1955. Cette reconnaissance de la différence culturelle ainsi que l’octroi d’un
certain nombre de droits provinciaux particuliers aux communautés mapuche auront
des conséquences importantes jusqu’à nos jours sur l’identité et l’organisation sociale
mapuche.
La reconnaissance du
multiculturalisme et la visibilisation
des différences
4
5
6
La force des revendications ethniques des années 1990, dans un Etat-nation qui
avait tenté de se construire en promouvant une homogénéité linguistique et culturelle
en maintenant les autochtones sur ses marges, tant économiquement que
politiquement ou socialement, témoignent de la vivacité de ces cultures et de leur
capacité à penser d’autres modes d’articulation et d’incorporation à la société argentine
que ceux qui leur avaient été imposés après la domination des derniers territoires
libres à la fin du XIX siècle. Durant le dernier quart du XX siècle, en Argentine,
comme dans nombre d’autres pays, la question autochtone a pris de plus en plus
d’importance sous la pression conjointe du contexte local et de la scène internationale.
Au niveau local, le retour à la démocratie et le développement du mouvement des
droits de l’Homme, puis une dizaine d’années plus tard, les débats inhérents aux
préparatifs relatifs aux festivités des 500 ans de la « découverte » des Amériques par
Christophe Colomb permettront aux organisations de défense des droits des
autochtones de commencer à négocier avec l’Etat des droits sociaux et politiques
particuliers3. Parallèlement, on assista au niveau international à la création de forums
internationaux (1984: Groupe de travail sur les populations autochtones de l’ONU ;
2002: Forum permanent sur les questions autochtones de l’ONU) ainsi qu’à
l’élaboration de cadres juridiques (1989: Convention 169 de l’OIT ; 2007: déclaration
des droits des peuples autochtones de l’ONU) 4 visant à réguler les problèmes que
rencontrent les indigènes dans leur relations avec les Etats et les populations nonautochtones. Concrètement, pour cette période, en Argentine, trois éléments majeurs
sont à retenir :
- Pour la première fois, en 1985, la loi fédérale 23.302 « Politique indigène et
assistance aux communautés aborigènes » 5 (qui n’entrera que très lentement en
vigueur) prévoit un certain nombre de mesures protectionnistes en faveur des
autochtones auxquels elle ne s’adresse toutefois que pour autant qu’ils sont réunis sous
la forme de « communautés ».
- La reconnaissance officielle de « la préexistence ethnique et culturelle des peuples
indigènes argentins » (art. 75, al. 17) a eu lieu le 11 août 1994 avec l’adoption d’une
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nouvelle Constitution nationale. Jusqu’à ce moment-là, la précédente Constitution de
1853/60 spécifiait à l’article 67, al. 15, que le Congrès National devait : « [...] pourvoir à
la sécurité des frontières, maintenir des relations pacifiques avec les Indiens et
favoriser leur conversion au catholicisme ». (Falaschi et al. 1996 : 237)
- La ratification de la Convention 169 de l’OIT, le 3 septembre 2000, qui avait été
adoptée presque dix ans auparavant en 1992.
Ainsi, depuis plusieurs années, et dans la mouvance autochtone qui s’étend sur tout
le continent américain, des Mapuche accompagnés de différentes organisations qui
soutiennent leurs revendications sont intervenus avec force sur la scène publique et
politique pour obtenir la restitution d’une partie de leurs territoires ancestraux, la
reconnaissance de leur différence culturelle, le droit à l’éducation interculturelle
bilingue, à la libre détermination, etc. Depuis le milieu des années 1990, le nombre de
communautés mapuche est ainsi passé dans la province de Neuquén de 37 (données
officielles de la Dirección de Asuntos Indígenas – DAI – de la province de Neuquén en
1996) à 56 (communication personnelle de Miguel Antipan, Consejo provincial de
educación, 2005) et de nombreuses organisations se sont créées en zone urbaine
rendant ainsi visible la présence autochtone hors des seules régions rurales auxquelles
elles étaient auparavant renvoyées. Au niveau symbolique, des actions sont entreprises,
par exemple, pour questionner les versions officielles et conservatrices de l’histoire,
largement acceptées par le sens commun. Les lectures historiques autochtones
affrontent ainsi l’histoire nationale et hégémonique (puisqu’elle concernerait tous les
habitants de l’Argentine) autour d’enjeux politiques, juridiques, éducatifs, culturels,
etc. Par exemple, la petite ville d’El Huecú6 a procédé au changement du nom d’une
avenue pour remplacer celui de Julio Argentino Roca, général et homme d’état
argentin, par celui de Mañke Cayucal, du nom d’un ancien cacique mapuche7 . La figure
historique de Julio A. Roca est particulièrement remise en cause, comme nous le
verrons ci-dessous par les autochtones en raison des hommages qui lui sont ou lui ont
été rendus, non seulement parce qu’il fut président de l’Argentine, mais avant tout en
raison de ses faits d’armes au cours de la conquête de la Pampa et de la Patagonie. (sur
ce sujet, voir aussi Kradolfer et Navarro Floria 2006) En effet, son nom a été donné à
une ville importante de la province de Río Negro au nord de la Patagonie : « General
Roca » et dans nombre de localités de Patagonie et d’Argentine, des rues, des avenues,
des places publiques, des parcs, des musées, des écoles,… portent son nom ; des
statues ont été élevées à sa gloire ; et son portrait orne, par ailleurs, les billets actuels
de 100 pesos.
L’incorporation militaire des territoires
de la Pampa et de la Patagonie et
l’invisibilisation des populations
autochtones
9
Revenons maintenant rapidement sur la figure historique de J. A. Roca pour
comprendre pourquoi les Mapuche demandent qu’elle fasse l’objet d’un travail de
révision. Durant le dernier quart du XIX siècle, sous la pression de la demande de
terres de la part des estancieros 8 et de biens alimentaires par les marchés
internationaux ainsi qu’en raison de la crise économique internationale, le
gouvernement du président Nicolás Avellaneda (1874-1880) prit la décision d’avancer
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sur les territoires autochtones libres de la Pampa9 . Adolfo Alsina, son premier ministre
de la Guerre et de la Marine, mit fin aux relations traditionnellement pacifiques qui
avaient été établies avec les peuples autochtones 10 et, avec l’aide de nouvelles
ressources technologiques comme le fusil Remington et le télégraphe, il planifia et
réalisa une première avancée sur les territoires de la Pampa. À la mort d’A. Alsina, J.
A. Roca lui succéda (1878-1880) et il dirigea la « Campaña al Desierto (Campagne du
Désert) » 11 en coordination avec le gouvernement chilien qui menait, lui aussi, une
intervention militaire pour annexer les territoires mapuche à l’ouest de la cordillère des
Andes. Cette campagne, qui se déroula en 1879, repoussa la frontière sud de l’Argentine
jusqu’aux rivières Neuquén et Río Negro où commence la Patagonie. Elle provoqua des
déplacements importants de population autochtone et établit les bases nécessaires
pour la colonisation des vallées fluviales du nord de la Patagonie. J. A. Roca fut élu
président (1880-1886) après son retour triomphal à Buenos Aires. Ses premiers
objectifs avaient été atteints mais il poursuivit néanmoins la conquête de la Patagonie
entre 1881 et 1883 avec la « Campaña del Nahuel Huapi (Campagne du Nahuel
Huapi » et la « Campaña de los Andes (Campagne des Andes) » durant lesquelles la
persécution des populations autochtones se poursuivit jusqu’à ce que les derniers
caciques se rendent en 1885. En raison des dommages provoqués par ces opérations
militaires, elles méritent l’appellation de « génocide ». (Navarro Floria 1999 : 104-106)
Le processus d’invisibilisation des autochtones commence en fait avant leur
soumission militaire comme l’indique le terme de « désert » qui qualifie les territoires
de la Pampa et de la Patagonie à conquérir. Dans la dénomination de « Campaña del
Desierto (Campagne du Désert) » que porte cette période d’affrontement dans
l’historiographie officielle12, le terme de « désert » pose doublement problème. D’abord
en raison de l’emploi du terme même, ensuite par l’utilisation que les conquistadores
du XIX siècle en firent. Les territoires auxquels ce terme fait référence n’avaient en
effet pas à pâtir de la sécheresse – ou en tout cas, pas pour la majorité d’entre eux
(seules certaines zones de la Patagonie pouvant être considérées comme semi-arides).
À ce sujet, il est intéressant de noter que l’idée de « désert » s’appliquait à ce momentlà en Argentine aussi bien aux zones arides qu’aux forêts tropicales, puisqu’elle faisait
référence aux espaces vides de toute « civilisation occidentale », donc à des lieux
propices à l’expansion de la « civilisation » et du « progrès ». Quant à la référence à
l’absence de population, celle-ci ne concerne bien évidemment que la population
blanche « civilisée ». Par ailleurs, si ces lieux avaient été faiblement peuplés, l’on est en
droit de se demander pourquoi Roca dut lever une grande armée et entreprendre
plusieurs campagnes militaires sur une période de plusieurs années. En réalité, la
motivation principale des campagnes dirigées par ce général était de s’emparer de
nouveaux territoires dans le but d’en exploiter les richesses, et le fait de les considérer
comme un désert devenait un argument efficace pour justifier leur occupation.
Civilisation versus barbarie
11
L’idéal de la « nation blanche », chrétienne et « civilisée » de l’Argentine du XIX
siècle ne pouvait se réaliser qu’en faisant disparaître physiquement et symboliquement
les populations amérindiennes. Durant les campagnes militaires, les autochtones qui
ne périrent pas dans les affrontements militaires et les razzias contre les populations
civiles (l’armée argentine attaquant aussi les campements où séjournaient femmes et
enfants) furent déportés comme captifs vers Buenos Aires pour y être ensuite répartis
dans les différents centres urbains du pays. Les familles furent séparées. Des hommes
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ont été employés comme main-d’œuvre forcée dans la construction des chemins de
fer, dans les estancias au centre du pays et dans les plantations de canne à sucre de la
région de Tucuman ; d’autres ont été enrôlés de force dans l’armée et la marine, ou
exilés par milliers dans la prison de l’île Martín García. Quant aux femmes et aux
enfants, ils ont été répartis dans les familles aisées de Buenos Aires qui avaient besoin
de domestiques. (Varela et Font, 1995: 178-179) Les populations qui échappèrent à la
mort et à l’exil et se retrouvèrent, à ce moment-là, à l’état de « poignées d’habitants
isolés » ou de « tribus errantes » assistèrent à la désarticulation systématique de leur
société, privée de terres et de moyens de subsistance. Concernant la province de
Neuquén, pour le nord de laquelle le colonel Uriburu reçut l’ordre de « […] nettoyer les
indiens de la zone comprise entre les rivières Barrancas et Neuquén », (Bandieri, 1993:
125) les sources historiques nous apprennent cependant que seule la communauté
Namuncura reçut un titre de propriété foncière définitif sur 20.000 ha au lieu dit San
Ignacio (département de Collón Cura) en 1894. (Falaschi et al, 1996: 117) D’autres
groupes importants « reçurent » des terres, le plus souvent situées beaucoup plus au
sud dans des régions arides et très éloignées de leur lieu habituel d’établissement, et
cela bien souvent sans qu’aucun titre de propriété ne leur soit délivré. (Curruhuinca et
Roux, 1990: 223 et ss.)
Les autochtones furent « intégrés » comme citoyens argentins aux secteurs les plus
marginalisés de la société et durent se soumettre au système légal qui ignora leurs
coutumes, au système éducatif qui méprisa leurs langues et leurs cultures. Ceux qui
survécurent aux affrontements, aux déplacements de population vers les camps de
prisonniers et au travail forcé, subirent une nouvelle disparition, « symbolique »,
puisqu’ils durent abandonner leur mode de vie communautaire, leur culture, leur
langue, etc., afin de se « civiliser ». Le but de la conquête était atteint : la
« civilisation » avait eu raison de la « barbarie ».
Quelles origines pour un peuple
autochtone ?
13
14
Actuellement certains auteurs s’appuient, pour justifier la Conquista del Desierto
ainsi que les exactions commises à l’encontre de la population autochtone, sur le
discours nationaliste qui considère les Mapuche comme des envahisseurs venus du
Chili. Pour ce faire, il faut remonter au XVIII siècle, lorsque l’influence des populations
mapuche provenant du côté ouest de la Cordillère des Andes (le Chili actuel) se fit de
plus en plus importante en Patagonie argentine. Des groupes d’origine chilienne
parlant le mapudungun, devenu lingua franca dans les relations intertribales, étaient
déjà présents dans la région depuis quelques décennies. Ils avaient établi un vaste
réseau commercial reliant les pampas avec le Chili et leur influence se fit d’abord
sentir par des modifications dans la culture matérielle, avant qu’une véritable
migration de population n’ait lieu d’ouest en est. Cette période qui s’étend sur plus
d’une centaine d’années, durant laquelle la suprématie de la culture mapuche s’étendit
du Pacifique à l’Atlantique, est connue sous le nom « d’araucanisation 13 de la Pampa et
de la Patagonie ».
Bien qu’il soit difficile, faute de sources écrites, de comprendre exactement l’impact
de l’hégémonie mapuche sur les autres peuples, certains historiens – comme par
exemple ceux qui, jusque vers 1980, défendent la conquête militaire de la Pampa et de
la Patagonie – penchent pour une interprétation de type « génocidaire » : les Mapuche
auraient exterminé toutes les populations qu’ils rencontraient ; (Walther, 1979) alors
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que d’autres – essentiellement durant le dernier quart de siècle – font l’hypothèse d’un
mélange d’influences entre les différents peuples, mélange créateur de particularismes
mapuche locaux. (Bengoa, 1985) On comprendra dès lors tout l’intérêt que peut
présenter, encore aujourd’hui, la première interprétation pour les détracteurs des
droits des peuples autochtones, comme certains nationalistes argentins qui répètent
inlassablement que les Mapuche ne sont pas des autochtones argentins, mais chiliens.
Casamiquela (1965, 1969, 1985, 1995) est le tenant actuel le plus connu de cette
théorie ébauchée pour la première fois en 1878 par l’écrivain et député Zeballos, qui fut
le premier et l’un des plus grands propagandistes de la conquête du Désert, dans son
ouvrage La conquista de quince mil leguas, ouvrage plusieurs fois réédité par la suite.
C’est dans les années 1930 que Canals Frau inaugura le terme d’« araucanisation »
pour décrire un phénomène de diffusion violente de populations mapuche dans la
Pampa et en Patagonie. (1941, 1946, 1986 ; voir aussi à ce sujet Vignati, 1936a et
1936b)
Si nous suivons cette hypothèse, les Mapuche du XVIII siècle seraient des
envahisseurs et ils auraient fait disparaître tous les premiers habitants de la Pampa et
de la Patagonie et il n’y aurait plus, aujourd’hui, de traces des peuples premiers sur ce
territoire, ce qui entrainerait ainsi la disqualification des revendications non seulement
des Mapuche mais aussi de toutes les populations amérindiennes de la région. Ces
différentes interprétations de l’histoire et des contacts entre peuples autochtones
continuent à influencer la politique de l’État vis-à-vis de ces populations, comme cela a
été le cas depuis le début de l’année 2006 dans la province de Neuquén. En effet,
lorsqu’il fut question d’inclure dans la Constitution provinciale la reconnaissance de la
préexistence des populations amérindiennes en des termes similaires à ceux de la
Constitution nationale, une série d’articles d’opinion parurent dans la presse locale –
notamment dans les journaux Río Negro et La Mañana de Neuquén – pour affirmer
que les droits octroyés aux autochtones ne devraient l’être qu’aux « indiens argentins »
et non aux Mapuche, puisqu’il s’agirait d’indigènes chiliens 14. L’ampleur des débats
autour de l’origine nationale des autochtones est d’autant plus intéressante qu’ils ont
lieu dans un pays qui pratique le ius solis et attribue de ce fait la citoyenneté à toutes
les personnes qui naissent sur son territoire. Si ceci a permis d’« argentiniser » et
d’homogénéiser la descendance des immigrants européens en créant le mythe de la
nation argentine blanche et sans indiens, (Quijada 2000a et 2000b) ce droit semble ne
pas s’appliquer aux populations amérindiennes qui sont encore renvoyées à de
lointaines et hypothétiques origines chiliennes, et de ce fait « dénationalisées »
et « déterritorialisées » par le biais du ius sanguinis.
La provincialisation de la différence
16
Alors qu’au niveau national, les autochtones ont disparus de la scène politique pour
être intégrés individuellement en tant que citoyens, dès la création des provinces
patagoniques par la loi 14.408, le 15 juin 1955 (auparavant la Patagonie et la Terre de
Feu étaient des « Territoires nationaux » sous administration de l’Etat fédéral), la
problématique autochtone va se « provincialiser » puisque chaque nouvelle entité va se
doter d’un appareil juridique et politique particulier. (Briones, 2005) Dans cette
nouvelle configuration, la province de Neuquén réintègre rapidement la présence
mapuche et l’inscrit dans sa Constitution provinciale de 1957 (art. 239 al. d) : « Les
réserves et concessions indigènes seront maintenues et même agrandies. De l’aide
technique et économique sera fournie à ces groupes pour les inciter à s’instruire et à
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utiliser rationnellement les terres octroyées, afin d’améliorer les conditions de vie de
leurs habitants […] ». (Varela, 1981: 96) L’Etat provincial mettra alors en place un
arsenal particulier de politiques paternalistes d’intégration socioculturelles, de
stratégies de développement et de mesures d’assistance destinées aux populations
autochtones vivant en communautés qui aura un fort impact sur la structure de ces
dernières.
Les raisons de ce traitement précoce et particulier de la population mapuche sont à
inscrire dans la genèse même de l’identité de cette province, qui, en cherchant à se
démarquer de l’état national, intègre la présence mapuche en mettant en avant « le
poids historique des Mapuche dans la formation de la société et de l’identité
régionales ». (Briones et Díaz, 1997) La promulgation en 1964 du décret provincial 737
« Réserves de terres en faveur des communautés (agrupaciones) indigènes » marque
un moment important dans la reconnaissance des communautés mapuche puisque ce
document entérine l’existence de 18 « réserves » 15 et leur octroie des droits collectifs
précaires d’occupation de certaines terres. Chacune de ces communautés prend alors le
nom de son chef, c’est-à-dire de la personne qui entreprend les démarches avec l’Etat
afin de faire enregistrer son groupe. A terme, et si les communautés remplissent un
certain nombre d’exigences, elles devraient pouvoir accéder à la pleine propriété de
leurs territoires, processus qui n’a pas encore totalement abouti à l’heure actuelle. De
tels aménagements en faveur des autochtones ne se feront dans les provinces de Río
Negro et de Chubut que, respectivement, dans les années 1980 et 1990, sous
l’impulsion des réformes légales nationales et du contexte international.
Les modes d’organisation des communautés dans la province de Neuquén varieront
en fonction des différents gouvernements qui peuvent décider d’imposer de nouvelles
règles aux communautés qui désirent être reconnues légalement comme telles. Ainsi, à
partir de 1988 la Dirección de Asuntos Indígenas proposera aux communautés
d’adopter un « statut type » et de se transformer en « personnes juridiques » pour
avoir la possibilité d’accéder, par la suite, à la propriété collective des terres occupées.
Les communautés durent ainsi adapter, du moins formellement, leur organisation
politique traditionnelle et leur mode de fonctionnement au schéma prévu pour un type
particulier d’associations tout à fait étranger au monde autochtone et réglementé par
des statuts écrits. Le seul effort formel destiné à donner une teinte mapuche aux
statuts est l’utilisation du terme de chraun qui remplace celui d’assemblée ou réunion :
on parle de vúta chraun (vúta = grand) pour les assemblés générales et de pichi
chraun (pichi = petit) pour les réunions plus petites, comme les : « pichi chraun de la
Comisión Directiva y la Comisión Revisora de Cuentas (réunions du comité et de la
commission des réviseurs de comptes ». (art. 26)
Les organisations de défense du peuple mapuche essayèrent de répliquer en
rédigeant des statuts alternatifs qui furent acceptés – par les autorités nationales mais
non par la province de Neuquén – en 1995 pour reconnaître la communauté de
Kalfvkurá (Estatuto Autónomo Kalfvkurá). Ces statuts ont servi jusqu’à aujourd’hui à
faire reconnaître l’existence d’une quinzaine d’autres communautés dans la province
de Neuquén qui ont ainsi passé outre les autorités provinciales et leurs directives pour
se faire reconnaître au niveau national selon ces statuts librement choisis 16. Comme le
commentent Falaschi et al., durant les 40 années de son existence, la province de
Neuquén a présenté différentes tentatives de reconnaissance des communautés
mapuche qui sont liés au « […] style provincial de construction de l’hégémonie qui
consiste en des opérations parallèles de confrontation avec le niveau national (dénoncé
pour son ‘centralisme’) et de ‘construction de la province’ au travers de stratégies de
développement et de politiques d’intégration socio-culturelles accompagnées d’un fort
assistentialisme ». (Falaschi et al., 2005: 179)
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Conclusion
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Comme on l’aura compris à la lecture de l’évolution différenciée du traitement de la
question autochtone en Argentine, la négation comme la mise en exergue des
différences ethniques et culturelles des premiers habitants du territoire, sont
déterminées par des enjeux politiques qui dépassent ces populations et s’inscrivent
dans des dynamiques politiques plus globales. A l’heure actuelle, il est cependant
intéressant dans le contexte de reconnaissance de la différence culturelle de nous
arrêter un instant sur les destinataires de ces nouveaux acquis. Si j’ai abondamment
parlé des communautés mapuche, c’est bien parce que l’essentiel des groupes
concernés sont justement les communautés rurales qui sont les seules organisations
autochtones à pouvoir être enregistrées légalement. La loi nationale 23.302 définit ces
groupes de la manière suivante : « On définit la communauté indigène comme un
groupe de familles qui se reconnaissent comme telle, avec leur identité, leur culture et
leur organisation sociale propre, qui conservent leurs normes, leurs règles et leur
valeurs traditionnelles, qui parlent ou ont parlé leur langue autochtone, qui partagent
leur habitat commun sur lequel ils sont établis ensemble ou de manière dispersée ; ou
aux familles indigènes qui se réunissent en communautés de caractéristiques
semblables pour profiter des bénéfices de la loi 23.302/85 ». (Ministerio de Bienestar
Social, 1988: 25) De ce fait, les petits éleveurs mapuche qui vivent hors de ce type de
structures ne bénéficient d’aucune des mesures en faveur des populations
autochtones 17 . De plus, les Mapuche établis en zones urbaines (localités de plus de
2000 habitants) peinent à faire reconnaître leurs droits même s’ils forment 71% de la
population mapuche des provinces patagoniques, (INDEC 2001 : s/p) puisque la
communauté reste, encore aujourd’hui, l’archétype du « seul » mode de vie
« authentiquement » mapuche, et par conséquent de celui pour lequel il existe un
cadre juridique particulier.
Comme nous venons de le voir, le « blanchissement » auquel il est fait allusion dans
le titre de mon article fait référence au processus d’assimilation des autochtones à la
Nation argentine, processus qui contribua à dés-indianiser l’Argentine et dans lequel la
conquête des derniers territoires autochtones indépendants marque un tournant.
Pourtant, cette négation du caractère indigène commença bien avant les affrontements
du dernier quart du XIX siècle et elle continue encore aujourd’hui en renvoyant la
« mapuchité » à un mode particulier de vie, celui de la communauté qui ne regroupe
qu’un nombre restreint de personnes. Au vu des éléments discutés dans ce texte, on
peut cependant s’interroger – peut-être de manière quelque peu impertinente – sur
une autre acception du terme « blanchissement » qui renvoie au fait que les différentes
tentatives (militaires mais aussi politique, sociales, culturelles, juridiques, etc.) visant à
faire disparaître les cultures indigènes ne sont (presque) jamais considérées comme
des actes répréhensibles.
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Notas
1 J’ai réalisé une longue recherche de terrain d’environ 30 mois entre décembre 1994 et avril
1998 dans cette province et j’essaie d’y retourner régulièrement afin d’y poursuivre mes
observations dans une perspective diachronique.
2 De nombreuses données et éléments historiques discutés ci-dessous m’ont été fournis par
P. Navarro Floria que je tiens à remercier pour m’avoir permis de les utiliser dans le cadre de
cet article.
3 Pour une analyse des structures de pouvoir à l’intérieur des organisations et des
communautés mapuche (Kradolfer, 2008) (à paraître), et pour la discussion des avantages
que présente de nos jours l’appartenance à une communauté autochtone pour négocier des
droits particuliers avec l’Etat (Kradolfer, 2007).
4 L’influence que ce document, récemment adopté par l’Assemblée générale de l’ONU, le 13
septembre 2007, peut avoir eu sur la question autochtone, et sur les éléments que je relate
dans ce texte, est liée au fait qu’il a été discuté au sein d’un groupe de travail spécifique de
l’ONU depuis 1994.
5 Toutes les traductions sont de l’auteure.
6 Cette ville qui comptait 1393 habitants en 2001 (INDEC 2001) est la capitale du
département Ñorquín ; elle est située dans la précordillère des Andes à 1200 m d’altitude et à
380 km de la ville de Neuquén, capitale de la province du même nom.
7 Concernant les siècles passés, j’appelle ici « mapuche » toutes les populations qui sont les
ancêtres du peuple qui revendique actuellement cet ethnonyme, qui parlaient le
mapudungun (la langue mapuche) et qui occupaient les Pampa et le nord de la Patagonie au
moment des campagnes militaires de Roca même si, dans les sources écrites de l’époque, on
distingue différents groupes : ranquele, pehuenche, salineros, pampa et tehuelche.
8 En Argentine, les grandes propriétés d’élevage extensif de bétail – latifundia – sont
appelées estancias et leurs propriétaires estancieros.
9 À cette époque, la frontière sud de l’Argentine n’atteignait même pas les limites actuelles
des provinces de Buenos Aires et de Mendoza ; elle passait, par contre, au sud des provinces
de Córdoba et San Luis.
10 Pour cette période, on peut parler de Naciones originarias (dans le sens de l’expression
anglaise First Nations qui est utilisée par parler des confédérations tribales
nordamérindiennes) puisque les caciques les plus importants traitaient d’égal à égal avec le
gouvernement argentin.
11 Cette campagne a donné son nom à toute l’entreprise de conquête de la Pampa et de la
Patagonie (1875-1885), qui est appelée « Conquista del Desierto (Conquête du Désert) » ;
nous reviendrons ci-dessous sur la dénomination de « désert », qui pose problème.
12 Les Mapuche lui ont attribué le nom d’Epoca de la Perdición (Epoque de la Ruine), ou
plus simplement la Perdición.
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13 « Araucan » étant le nom donné par les Espagnols aux Mapuche.
14 Voir, par exemple,
www.rionegro.com.ar/arch200601/11/o11j01.php ;
www.rionegro.com.ar/arch200602/11/o11f02.php ;
www.rionegro.com.ar/arch200605/02/o02f01.php ;
www.rionegro.com.ar/arch200605/11/o11f02.php
15 Le nombre de communautés officiellement reconnues augmentera et leur existence sera
ratifiée par des décrets ultérieurs (977/66 ; 1039/72 ; 1588/86, etc.).
16 Pour une étude détaillée de ce document, (Briones 1999) (Falaschi et al., 1996).
17 Selon le recensement de 2001, 40% de la population rurale mapuche vit en dehors des
communautés (INDEC 2001 : s/p).
Para citar este artículo
Referencia electrónica
Sabine Kradolfer, « Les autochtones invisibles ou comment l’Argentine s’est « blanchie » »,
Amérique Latine Histoire et Mémoire. Les Cahiers ALHIM, 16 | 2008, [En línea], Puesto en
línea el 04 novembre 2009. URL : http://alhim.revues.org/index3028.html. consultado el 16
décembre 2010.
Autor
Sabine Kradolfer
Université de Lausanne (Suisse)Anthropologue et sociologue, professeure remplaçante de
sociologie à l’Institut d’anthropologie et de sociologie de la Faculté des sciences sociales et
politiques de l’Université de Lausanne. Sa thèse de doctorat réalisée en cotutelle entre les
universités de Lausanne et Paris III - Sorbonne Nouvelle porte sur l’organisation sociale des
communautés mapuche de la province de Neuquén (Argentine). Elle travaille actuellement à
l’élaboration d’un projet de recherche post-doctorale consacré à l’étude des mouvements
autochtones en Argentine et en Amérique latine. Parallèlement à ces travaux en
anthropologie, elle co-dirige, depuis février 2006, une recherche sur la relève académique à
l’Université de Lausanne intitulée « Relève académique. Un doctorat pour quoi ? Entre
parcours et institution. Enquête à l’Université de
Lausanne »[email protected]
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