GDM 2010 - Laboratoire Turing

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GDM 2010 - Laboratoire Turing
Actes du colloque du Groupe des didacticiens des mathématiques du Québec
GDM 2010
L’ENSEIGNEMENT DE MATHÉMATIQUES DANS ET
À TRAVERS DES CONTEXTES PARTICULIERS :
QUEL SUPPORT DIDACTIQUE PRIVILÉGIER?
UNIVERSITÉ DE MONCTON
10-12 JUIN 2010
Actes préparés par
Viktor Freiman, Université de Moncton,
Anne Roy, Université du Québec à Trois-Rivières et
Laurent Theis, Université de Sherbrooke
TABLE DES MATIÈRES
L‘enseignement de mathématiques dans et à travers des contextes particuliers : quel support
didactique privilégier? ................................................................................................................. 6
CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
Laurie Landry
L‘enseignement des mathématiques au Nouveau-Brunswick francophone : vers la réussite
scolaire et des apprentissages durables pour tous les élèves........................................................ 12
Christine Knipping
L‘émergence de disparités en classe de mathématiques .............................................................. 21
Lucie DeBlois
La didactique, un levier pour tenir compte des contextes; les contextes, un levier pour
théoriser le genre didactique ...................................................................................................... 40
COMMUNICATIONS
Geneviève Barabé, Hassane Squalli et Claudine Mary
Une étude du développement professionnel d‘enseignants par le biais de leur travail sur des
ressources pédagogiques liées au développement du potentiel mathématique et de l‘insertion
de celles-ci dans leur pratique : .................................................................................................. 48
Ildikó Pelczer
Origami comme contexte mathématique: des bénéfices et limitations ........................................ 58
Jean Labelle
Communauté d‘apprentissage professionnelle et méthodes statistiques ...................................... 66
Elena Polotskaia, Viktor Freiman et Annie Savard
Développement d‘un outil virtuel pour favoriser le raisonnement algébrique lors de la
résolution de problèmes chez les élèves du primaire .................................................................. 80
Anne Roy
Vers un modèle didactique favorisant une pensée réflexive chez des futurs enseignants du
primaire dans le domaine de l‘éducation mathématique ............................................................. 90
Mathieu Gauthier
L‘emploi de la stratégie PIE (prédire-investiguer-expliquer) et les outils technologiques pour
aider les élèves à mieux comprendre les graphiques de fonctions ............................................. 100
Annie Savard
Enseigner les sciences et apprendre les mathématiques: Dans quel contexte et selon quelles
conditions? .............................................................................................................................. 111
Evguenii Vichnevetskii, Paul Deguire, Diane Pruneau, Viktor Freiman, Jackie Kerry et
Jimmy Therrien
Adaptation aux changements climatiques : compétences mathématiques et leurs utilisations ... 119
Carmen Paz Oval Soto et Izabella Oliveira
Différents cadres d‘analyse pour les pratiques d‘enseignement :Quelle(s) perspective(s)
choisir? .................................................................................................................................... 132
Elena Polotskaia et Ildikó Pelczer
Jeu de classification des quadrilatères. ..................................................................................... 140
Jacinthe Giroux
Pour une différenciation de la dyscalculie et des difficultés d‘apprentissage en
mathématiques......................................................................................................................... 148
Daniela Furtuna
Géométrie du plan – géométrie de l‘espace : continuité ou rupture dans le contrat
didactique? .............................................................................................................................. 159
Claudine Mary et Laurent Theis
Implicites dans la tâche mathématique : les décalages entre les activités potentielle,
attendue et effective de l‘élève ................................................................................................. 171
Nadine Bednarz et Jérôme Proulx
De quel contexte parle-t-on ? Une entrée sur les « mathématiques professionnelles »
des enseignants ........................................................................................................................ 182
Isabelle Arsenault et Caroline Lajoie
Attitudes de futurs enseignants du primaire par rapport à la résolution de problèmes
mathématiques : quelques résultats d‘une recherche effectuée dans le cadre d‘un cours de
mathématiques à l‘université ................................................................................................... 191
Mireille Saboya
Réflexions autour de la formation initiale des futurs enseignants du secondaire : la place du
« contrôle » ............................................................................................................................. 205
Guylaine Cotnoir
Évolution de l‘utilisation des contextes dans les chapitres introductifs à l‘algèbre dans les
manuels scolaires québécois de 1960 à nos jours ..................................................................... 216
Vincent Martin et Claudine Mary
Particularités de l‘enseignement des mathématiques à des élèves en difficulté en classes
régulières ou spéciales ............................................................................................................. 229
Lily Bacon
Construction négociée en contexte de stage d‘un savoir-enseigner les mathématiques
au primaire au sein de la triade de formation. ........................................................................... 241
Sophie René de Cotret
Rapprocher mathématiques et réalité à l‘école : une bonne intention pavée de quelques
difficultés ................................................................................................................................ 253
Laurent Theis et Annie Savard
Recours à un simulateur pour enseigner les probabilités: quels défis et occasions pour des
enseignants du début du secondaire? ........................................................................................ 263
Doris Jeannotte
L‘apport pour la formation et la pratique enseignante : analyse et synthèse de différents
modèles de raisonnement mathématique dans la littérature scientifique ................................... 273
Dominic Manuel
Étude de la créativité mathématique dans les solutions aux problèmes proposés dans la
communauté virtuelle CASMI ................................................................................................. 283
L’enseignement de mathématiques dans et à travers des contextes
particuliers : quel support didactique privilégier?
INTRODUCTION
Le Colloque 2010 du Groupe des didacticiens des mathématiques du Québec (GDM) s‘est tenu,
pour la première fois dans son histoire, en Acadie, à l‘Université de Moncton, la seule université
francophone au Nouveau-Brunswick. Toutes les activités scientifiques du colloque ont eu lieu au
Campus de Moncton, Pavillon Jeanne-de-Valois, à la Faculté des sciences de l‘éducation qui
forme les futures enseignantes et futurs enseignants pour le secteur scolaire francophone du
Nouveau-Brunswick et la francophonie scolaire pancanadienne. Le thème et le programme du
colloque ont été élaborés par le comité de coordination du GDM, composé en 2008-2010 de
Laurent Theis, de l‘Université de Sherbrooke, Anne Roy, de l‘Université du Québec à TroisRivières et de Viktor Freiman, de l‘Université de Moncton. Remercions ici tous celles et ceux qui
ont contribué à l‘organisation locale du colloque, avec parmi eux Laurie Landry, Isabelle
Arsenault, Mathieu Gauthier, Dominic Manuel et Julie Mallet qui ont bien accueilli plus de 50
participantes et participants du colloque provenant du Québec et du Nouveau-Brunswick.
Soulignons également la présence d‘une vingtaine d‘enseignantes et d‘enseignants de la province
qui ont profité d‘une rare activité scientifique en didactique des mathématiques dans cette
province où les francophones vivent en minorité linguistique et qui ne compte qu‘une trentaine
des milliers d‘élèves dans ces écoles francophones, tous les niveaux M-12 confondus. Un merci
spécial à l‘équipe du site CAMI (Communauté d‘apprentissages multidisciplinaires interactifs,
www.umoncton.ca/cami) qui a alloué son espace web pour le site du colloque avant et pendant sa
tenue, à la Faculté des études supérieures et de la recherche de l‘Université de Moncton pour son
appui au programme scientifique et à la Ville de Moncton qui ont accueilli les participants à
l‘Hôtel de Ville pour une rencontre sociale.
LE THÈME DU COLLOQUE - L’ENSEIGNEMENT DE MATHÉMATIQUES DANS ET
À TRAVERS DES CONTEXTES PARTICULIERS : QUEL SUPPORT DIDACTIQUE
PRIVILÉGIER?
Les recherches didactiques de dernières années soulignent le rôle important de différents
contextes de l‘enseignement et d‘apprentissage de mathématiques (DeBlois, 2009). Au sens
large, les deux courants d‘idées se retrouvent dans les problématiques étudiées, soit
l‘enseignement de mathématiques dans des contextes particuliers, soit à travers des contextes
particuliers. Une réflexion profonde sera donc portée sur la nature du support didactique qu‘il
faudra privilégier dans ces deux optiques.
Lorsqu‘on traite du premier courant, l‘on constate que la prise en compte de différents contextes
représente un défi de taille pour tout enseignant et enseignante. Citons comme exemple le
contexte du milieu francophone minoritaire comme celui du Nouveau-Brunswick, peu étudié en
didactique. Ce contexte amène plusieurs défis particuliers à l‘enseignement et à l‘apprentissage
des toutes les matières incluant les mathématiques (Gilbert, Le Touzé, Thériault et Landry, 2004;
Landry et Allard, 2004). Autre que la nécessité de défendre quotidiennement sa langue et de
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L’enseignement de mathématiques dans et à travers des contextes particuliers :
quel support didactique privilégier?
développer un sens identitaire plus aigu, les communautés font face à un manque de ressources
matérielles et humaines ainsi qu‘une situation démographique précaire (Miller, 2004, Freiman et
Lirette-Pitre, 2007). Comment ceci affecte-t-il l‘enseignement et l‘apprentissage des
mathématiques? Comment ce milieu qui est aux prises avec plusieurs changements dans les
programmes d‘études et les cadres théoriques interagit-il avec le système québécois et autres
systèmes éducatifs?
L‘étude de particularités de l‘enseignement et l‘apprentissage dans différents contextes inclura
aussi les classes d‘accueil, les classes de mise à niveau, les classes adaptées aux élèves en
difficulté, les classes dans des milieux défavorisés, etc. (Poirier, 1997; Thème 7-EMF2006,
DeBlois et Squalli, 2001; DeBlois, L., Galerneau, L., Tremblay, L., 2006). D‘autres contextes
présentent également des contraintes particulières. Quelle didactique pourra supporter
l‘enseignement et l‘apprentissage des mathématiques dans ces contextes?
Quant au deuxième courant mentionné ci-haut qui traite des contextes particuliers pouvant
influencer le processus d‘enseignement et d‘apprentissage des mathématiques, l‘on s‘intéresse,
entre autres, au contexte de vie réelle qui joue un rôle de plus en plus important dans les
programmes d‘études. Par exemple, le programme du Nouveau-Brunswick, secteur francophone,
mentionne explicitement que tous les élèves doivent atteindre des résultats généraux
d‘apprentissage en démontrant des habiletés de résoudre des problèmes dans un contexte de vie
réelle (MENB, 2005). Il s‘agit alors de la gestion de particularités de contextes dans lesquels se
situe la classe / l‘enseignement, ainsi que le contexte utilisé par l‘enseignant dans les activités
mathématiques (Savard et DeBlois, 2008; Ongstad, 2006). Knipping, Reid, et Gellert (2009) ont
évoqué la complexité de pratiques en salle de classe affectées par le processus de
recontextualisation lors de l‘introduction aux nouvelles procédures mathématiques et l‘élaboration de
tâches de modélisation. Comment gérer cette complexité et atteindre de buts fixés dans le
programme d‘études? Comment peut-on aider l‘élève à voir les applications de savoirs
mathématiques dans la vie réelle? Comment le contexte de vie réelle pourrait-il être transposé en
savoir mathématique plus abstrait et généralisé? Quel rôle joue la langue dans le processus
d‘enseignement/apprentissage des mathématiques? Quelles sont les difficultés posées par les
différents contextes utilisés dans les activités des enseignants et des manuels?
Le colloque s‘intéressait également à de nouveaux contextes allant au-delà d‘une salle de classe,
tels que le contexte virtuel dans des environnements techno-pédagogiques ou les réseaux Internet
(Petit, 2005; Pallascio, 2003; Morin et Corriveau, 2006; Freiman, 2008). Comment les savoirs
mathématiques se construisent-ils dans ce type de contextes?
Un espace didactique complexe formé par cette multitude de contextes qui forme devrait être
examiné en profondeur sur les deux plans, soit le plan de l‘enseignement et celui de
l‘apprentissage (Bednarz, 2002). Pour mieux comprendre cette complexité, on s‘interroge aussi
sur des aspects didactiques plus généraux. Les programmes d‘études tiennent-ils compte de
toutes ces particularités? La réussite des élèves doit-elle être définie différemment en fonction de
chaque contexte? La formation des enseignants doit-elle tenir compte de ces contextes?
Un appel aux propositions lancé avant le colloque a ainsi invité les didacticiens, les chercheurs en
didactique et les étudiants gradués et tout autre formateur intéressé par le sujet « du contexte »
dans l‘apprentissage et l‘enseignement des mathématiques à présenter des communications
autour du rôle du contexte en didactique des mathématiques selon les cinq thèmes suivants :
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GDM 2010 - INTRODUCTION
1) didactique et contexte scolaire (cela pourrait inclure la dimension des perspectives
théoriques, la dimension du type de clientèle spécifique, etc.),
2) didactique et contexte de vie réelle (mathématiques comme outil d‘appropriation du réel et
outil pour apprendre à apprendre),
3) didactique et contexte linguistique minoritaire (cela pourrait inclure la dimension des
minorités linguistiques, la dimension socioculturelle et socioéconomique, etc.),
4) didactique et contexte technologique (cela pourrait inclure la formation à distance, la
formation à l'aide des TIC, etc.)
5) didactique et contexte pratique de formation/enseignement (l‘apport du contexte dans les
pratiques d‘enseignant en incluant la formation initiale et dans les stages).
LE DÉROULEMENT DU COLLOQUE
Le colloque s‘est déroulé pendant trois jours. Les présentations de la première journée ont
débuté par une conférence plénière prononcée par Laurie Landry du ministère de l‘Éducation du
Nouveau-Brunswick qui a dressé le portrait de l‘enseignement des mathématiques au NouveauBrunswick francophone : vers la réussite scolaire et des apprentissages durables pour tous les
élèves.
Huit communications et un atelier ont suivi cette conférence. Elles ont été présentées par
Geneviève Barabé, Ildikó Pelczer, Jean Labelle, Elena Polotskaia, Anne Roy, Mathieu Gauthier,
Annie Savard, Viktor Freiman, et Carmen Paz Oval-Soto qui ont amorcé la réflexion sur le thème
du colloque. Un souper du groupe a clôturé cette journée.
La deuxième journée du colloque a commencé par Christine Knipping de l‘Université Acadia
qui a donné sa conférence plénière portant sur l‘émergence de disparités en classe de
mathématiques. Ses réflexions ont été approfondies par douze communications et deux ateliers
donnés par Robert Levesque, Elena Polotskaia et Ildikó Pelczer, Jacinthe Giroux, Daniela
Furtuna, Claudine Mary et Laurent Theis, Dominic Voyer et Viktor Freiman, Nadine Bednarz et
Jérôme Proulx, Isabelle Arsenault, Mireille Saboya, Jimmy Bourque, Manon LeBlanc, Sophie
René de Cotret, Guylaine Cotnoir, Vincent Martin et Claudine Mary.
Lors d‘une réception à l‘Hôtel de Ville de Moncton, en fin de journée, Jérôme Proulx et Jacinthe
Giroux ont présenté de nouvelles parutions en didactique des mathématiques.
La dernière, troisième journée a poursuivi les discussions sur différents aspects du thème du
colloque animées lors de cinq communications par Jérôme Proulx, Lily Bacon, Laurent Theis et
Annie Savard, Doris Jeanotte, Dominic Manuel.
Lucie DeBlois, de l‘Université Laval, a mis sa touche finale pour souligne le succès du colloque
lors de sa conférence plénière nous éclairant sur la complexité de liens entre la didactique, un
levier pour tenir compte des contextes et les contextes, un levier pour théoriser le genre
didactique.
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L’enseignement de mathématiques dans et à travers des contextes particuliers :
quel support didactique privilégier?
LES PARTICIPANTS
Arsenault, Isabelle
Giroux, Jacinthe
Nowlan-Bastarache, Renée
Arsenault, Josée
Gaudet, Jolène
Olscamp, Jocelyne
Bacon, Lily
Gauthier, Mathieu
Ouellet, Marie-Pierre
Barabé, Geneviève
Jeannotte, Doris
Oval-Soto, Carmen
Beaulieu Bonenfant, Nathalie
Knipping, Christine
Pelczer, Ildikó
Bednarz, Nadine
Labelle, Jean
Polotskaia, Elena
Bisson, Caroline
Landry, Laurie
Proulx, Jérôme
Bossé-Perron, Lisa
Landry, Robert
René de Cotret, Sophie
Boudreau, Carole
Laplante, Diane
Richard, Shawn
Bourque, Jimmy
LeBlanc, Manon
Robichaud, Monique
Boutot, Michelle
LeBouthillier, Kathy
Roy, Anne
Chiasson, Cynthia
Levesque, Robert
Roy, Lise
Cotnoir, Guylaine
Luce, Ghislaine
Saboya, Mireille
DeBlois, Lucie
Mai Huy, Khôi
Savard, Annie
Doucette, Marc
Maillet, Chantal
Theis, Laurent
Dubé, Jacques
Mallet, Julie
Thébeau, Renée
Durelle, Gloria
Manuel, Dominic
Voyer, Dominic
Freiman, Viktor
Martin, Vincent
Furtuna, Daniela
Mary, Claudine
LES ACTES DU COLLOQUE
Les actes du colloque présentent la version texte des conférences plénières et des
communications réalisées au cours du colloque.
Nous tenons à remercier particulièrement Laurie Landry, Christine Knipping et Lucie DeBlois
pour nous avoir livré des conférences plénières si enrichissantes ainsi que tous les présentateurs
de communications et participants, pour avoir alimenté et approfondi les discussions au cours du
colloque.
Merci tout particulier à Laurie Landry pour son aide dans la rédaction des Actes ainsi qu‘à
Jérôme Proulx pour ses commentaires enrichissants et encourageants.
Viktor Freiman, Anne Roy et Laurent Theis
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GDM 2010 - INTRODUCTION
BIBLIOGRAPHIE
Bednarz, N. (2002). Pourquoi et pour qui enseigner les mathématiques? Une mise en perspective
historique de l‘évolution des programmes au Québec au XXème siècle. Zentralblatt für Didaktik
der Mathematik (ZDM), vol. 34 (4), 146-157.
DeBlois, L. (2009). Les contextes et les besoins à l'origine de la recherche collaborative. Annales de
didactique et de sciences cognitives, 14, 213-229
DeBlois, L., Galerneau, L., Tremblay, L. (2006). Construire des savoirs mathématiques en milieux
défavorisé. Vivre le primaire, septembre-octobre 19 (3).
DeBlois L. et Squalli H. (2001). Une modélisation des savoirs d‘expérience des orthopédagogues
intervenant en mathématiques. Difficultés d’apprentissage et enseignement : évaluation et
intervention. Sherbrooke : Éditions du CRP. 155-178.
Espace Mathématique Francophone (2006). Thème 7 : Enseignement des mathématiques auprès de
publics
spécifiques
ou
dans
des
contextes
difficiles.
http://emf2006.educ.usherbrooke.ca/emf_theme_07.htm
Freiman, V. (2008). « Exploration des scénarios interdisciplinaires dans le cadre de l‘accès direct à
l‘ordinateur portable (ADOP) avec les élèves de 7e et 8e années. » In Theis L. (Dir.) Enseignement
des mathématiques et interdisciplinarité. Actes du colloque du Groupe des didacticiens des
mathématiques du Québec, Université de Sherbrooke, 22-23 mai, 2008, p. 89-96.
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Internationale Vergleichstudie (HRSG) Schullleistungen unde Steurung des Schulsystems in
Bundesstaat: Kanada und Deutschland im Vergleich. Waxmann, Muenster, New-York,
Muenchen, Berlin, pp. 336-362.
Gilbert, A., Le Touzé, S., Thériault, J.-Y. et Landry, R. (2004). « Le personnel enseignant face au défi de
l'enseignement en milieu minoritaire francophone ». Rapport de recherche. Ottawa : Centre
interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités (CIRCEM), Institut canadien de
recherche sur les minorités linguistiques/Fédération canadienne des enseignantes et des
enseignants.
Knipping, C., Reid, D., Gellert, U. (2009) From everyday contexts to institutionalised knowledge: Implicit
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Landry, R. et Allard, R. (2004). « Résultats pancanadiens des élèves francophones en milieu minoritaire
aux évaluations du PIRS : variables contextuelles et conséquences pédagogiques ». Rapport
soumis au Conseil des ministres de l'Éducation (Canada). Sur Internet :
http://www.cmec.ca/else/francophone/RapportTechniqueVoletA.fr.pdf
Miller, A. (2004). Le grand défi de l‘enseignement en français dans un milieu anglophone. Infobourg, 4
Octobre, 2004. http://www.infobourg.qc.ca/sections/editorial/editorial.php?id=9158
Morin, M.-P. et A. Corriveau (2006). « L’utilisation d’un logiciel de géométrie dynamique par les futurs
enseignants du primaire peut-elle favoriser une meilleure compréhension de la géométrie ? »
Actes de la 58e rencontre de la Commission internationale pour l‘étude et l‘amélioration de
l‘enseignement des mathématiques (CIEAEM). République Tchèque, 9 au 14 juillet.
Ongstad, S. (2006) Mathematics and Mathematics Education - Language and/or Communication? Triadic
Semiotics Exemplified. Educational Studies in Mathematics, 61/1-2.
Pallascio, R. (2003). L‘Agora de Pythagore: une communauté virtuelle philosophique sur les
mathématiques. In Taurisson A. et Senteni A. (Dir.) Pédagogies.net : L’essor des communautés
virtuelles d’apprentissages. Presses de l‘Université du Québec, pp. 193-210.
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L’enseignement de mathématiques dans et à travers des contextes particuliers :
quel support didactique privilégier?
Petit, M. (2005). L‘apport du matériel didactique virtuel dans l‘enseignement et l‘apprentissage des
mathématiques. http://spip.cslaval.qc.ca/mathvip/article.php3?id_article=46
Poirier, L. (1997). Rôle accordé aux interactions entre pairs dans l'enseignement des mathématiques - une
illustration en classe d'accueil. Éducation et francophonie, Volume XXV No 1, printemps-été
1997, http://www.acelf.ca/c/revue/revuehtml/25-1/rxxv1-06.html
Savard, A., & DeBlois, L. (2008). Intégrer les dimensions historique et culturelle dans l'enseignement des
mathématiques : Peut-on faire autrement qu'un placage de connaissances? CD-Rom des Actes du
colloque Espace Mathématique Francophone 2006, thème 3, Sherbrooke, Québec.
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L’enseignement des mathématiques au Nouveau-Brunswick francophone :
vers la réussite scolaire et des apprentissages durables pour tous les élèves.
Laurie Landry
Agent pédagogique provincial en mathématiques
Ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick
RÉSUMÉ. L‘école francophone au Nouveau-Brunswick vit plusieurs défis à différents niveaux.
Allant du déclin de sa population étudiante aux restrictions budgétaires, la recherche de solutions
innovatrices sont nécessaires pour assurer notre mandat éducatif. Depuis quelques années, les
acteurs principaux du système scolaire néo-brunswickois ont redoublé d‘effort en mettant en
place diverses initiatives visant l‘amélioration des apprentissages et des résultats en
mathématiques chez nos jeunes francophones du Nouveau-Brunswick. Ces initiatives font partie
d‘un nouveau plan stratégique dont la mise en œuvre est prévue pour septembre 2010 et
s‘alignent avec d‘autres initiatives déjà en cours. Les détails de ce plan stratégique seront
accompagnés d‘un bref aperçu de l‘école francophone au Nouveau-Brunswick ainsi que le
cheminement de l‘enseignement des mathématiques au primaire et au secondaire des derniers dix
ans.
INTRODUCTION
L‘éducation mathématique francophone au Nouveau-Brunswick a vécu plusieurs changements
dans les dix dernières années. Que ce soit le renouvellement des programmes d‘études en
mathématiques, tant au primaire (de la maternelle à la 8 e année) qu‘au secondaire (de la 9e à la
12e année) ou la mise en place d‘une variété de stratégies ciblées pour améliorer les
apprentissages et les résultats en mathématiques, ces actions ont permis de cheminer à l‘échelle
provinciale tant au niveau pédagogique que didactique. Afin de mieux comprendre l‘évolution
des changements en mathématiques dans les dernières années, il est important de bien saisir la
particularité du Nouveau-Brunswick en éducation.
PORTRAIT ÉVOLUTIF DE L’ÉCOLE FRANCOPHONE AU NOUVEAU-BRUNSWICK
La province du Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue au Canada, se doit
d‘offrir des programmes et des services dans les deux langues officielles, soit l‘anglais et le
français. Le ministère de l‘Éducation, responsable de l‘élaboration des programmes d‘études et
de l‘évaluation des apprentissages, est composé de deux secteurs linguistiques totalement
indépendants, tant au niveau organisationnel que décisionnel. Cette dualité permet donc à la
communauté francophone de s‘approprier de leurs institutions et d‘avoir le plein pouvoir sur les
choix éducatifs à offrir à nos jeunes.
La mission de l‘école francophone et acadienne au Nouveau-Brunswick est double. D‘une part,
elle se doit d‘« assurer une solide formation générale aux élèves et favoriser leur développement
global; d‘autre part, participer à la transmission de la langue et de la culture » (MÉNB, 2009,
p. 2). Cette double mission fait donc partie intégrante des actions posées dans le système éducatif
afin d‘assurer la survie des communautés francophones et acadiennes de notre province.
Laurie Landry
Le déclin de la population étudiante pose également un défi de taille au maintien des programmes
et des services dans notre milieu scolaire. La population étudiante de la province est présentement
composée de 71 % d‘élèves anglophones et 29 % d‘élèves francophones, alors que les élèves
francophones représentaient 31 % de la population étudiante en 1999. La dénatalité et la
migration de familles dans l‘Ouest canadien où les emplois sont plus alléchants provoquent la
fermeture d‘écoles dans le nord de la province, sans compter la migration de la population
francophone du nord de la province vers le sud où se trouvent les grands centres. Ce phénomène
a provoqué un surpeuplement dans les écoles du sud de la province où deux nouvelles écoles ont
dû être construites depuis 2006. Sur une période de dix ans, la population étudiante francophone
a diminué de près de 25 % et la situation ne semble pas s‘inverser. Sachant que le financement du
système scolaire est en lien direct avec la population étudiante, les budgets alloués pour le
système francophone diminuent à tous les paliers.
Tableau 1
Évolution de l’effectif scolaire par district scolaire, du 30 septembre 1999 au 30 septembre 2009
(MÉNB, 2010, p. 42)
District scolaire
francophone
Sept.
1999
Sept.
2000
Sept.
2001
Sept.
2002
Sept.
2003
Sept.
2004
Sept.
2005
Sept.
2006
Sept.
2007
Sept.
2008
Sept.
2009
DS 01
6 845
6 913
6 914
6 915
6 891
6 936
7 055
7 123
7 297
7 568
7 721
DS 03
8 727
8 365
8 024
7 716
7 448
7 235
6 966
6 576
6 402
6 196
5 947
DS 05
7 289
7 069
6 722
6 476
6 255
6 087
5 934
5 724
5 500
5 273
5 057
DS 09
9 272
8 827
8 442
8 126
7 903
7 675
7 412
7 102
6 911
6 646
6 402
DS 11
Total
(francophone)
7 377
7 213
7 001
6 792
6 573
6 393
6 093
5 828
5 615
5 436
5 293
39 510
38 787
37 103
36 025
35 070
34 326
33 460
32 353
31 725
31 119
30 420
127 003
124 942
122 792
120 600
118 869
117 145
114 820
112 013
110 288
108 407
106 394
Total (province)
Tableau 2
Évolution du nombre d’écoles par district scolaire, du 30 septembre 1999 au 30 septembre 2009
(MÉNB, 2010, p. 41)
District scolaire
francophone
Sept.
1999
Sept.
2000
Sept.
2001
Sept.
2002
Sept.
2003
Sept.
2004
Sept.
2005
Sept.
2006
Sept.
2007
Sept.
2008
Sept.
2009
DS 01
13
13
13
13
13
13
13
14
15
15
15
DS 03
25
25
25
25
23
23
21
21
20
20
20
DS 05
22
22
22
22
22
22
21
21
21
21
20
DS 09
26
26
25
24
23
23
22
22
22
22
22
DS 11
21
21
21
21
21
21
21
21
20
20
20
Total
(francophone)
107
107
106
105
102
102
98
99
98
98
97
Total (province)
352
351
349
342
338
336
330
328
326
326
322
À noter que le programme d‘immersion française en place dans notre système scolaire relève du
secteur anglophone du Ministère et se vit dans les écoles anglophones de la province.
13
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
APERÇU GLOBAL DU DÉVELOPPEMENT DES PROGRAMMES D’ÉTUDES
Depuis 1999, les programmes d‘études ont vécu des changements significatifs. Tant au primaire
qu‘au secondaire, la mise en œuvre des programmes d‘études actuels a été effectué sur plusieurs
années et pas nécessairement dans un ordre logique. Les années indiquées dans le tableau 3
correspondent à l‘entrée en vigueur des programmes au primaire et au secondaire dès la rentrée
scolaire de septembre et dont les changements ont été majeurs. Quelques mises à jour ont été
faites depuis au secondaire.
Tableau 3
Entrée en vigueur des programmes actuels en mathématiques au primaire et au secondaire
Niveau scolaire
Année de mise en œuvre
M
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
2004
1999
1999
2004
2004
2005
2005
1999
1999
2003
2004
2005
2005
Ces programmes, basés sur des résultats d‘apprentissages, couvrent les mêmes domaines
mathématiques que les programmes d‘études des autres provinces. Les fondements pédagogiques
énoncés dans le cadre théorique se basent sur un enseignement centré sur la résolution de
situations-problèmes, ce qui demeure un défi dans la pratique enseignante. Dans la pratique, la
culture d‘orienter les activités mathématiques en respect au développement de compétences
(défini dans notre cadre théorique par des principes didactiques) demeure également un défi chez
nos enseignants. Ces principes didactiques se résument à :




Gérer et résoudre des situations-problèmes
Raisonner mathématiquement
Communiquer mathématiquement
Établir des liens
Malgré certaines initiatives1 mises en place dans les salles de classe depuis les derniers cinq ans,
un renouvellement des programmes au primaire s‘impose. Le désir d‘améliorer davantage la
compréhension des attentes, la communication d‘un continuum des apprentissages plus cohérent,
le soutien de chaque résultat d‘apprentissage par des directives pédagogiques claires et une
rédaction plus uniforme des attentes d‘un niveau scolaire à l‘autre motivent l‘élaboration de ces
nouveaux programmes. La mise en œuvre de la maternelle à la 4 e année est prévue à partir de
septembre 2011 et à partir de septembre 2012 pour les élèves de la 5 e à la 8e année.
Au secondaire, la programmation en mathématiques est basée sur les fondements de l‘école
secondaire renouvelée, qui est en vigueur dans nos écoles depuis septembre 2003. Ces
fondements se veulent plus intégrantes où chaque élève doit développer son plein potentiel. Cette
approche a donc influencé le développement des cours de mathématiques où chaque élève vie le
même parcours en mathématiques et, selon ses forces et ses défis, explore certains concepts
mathématiques plus en profondeur. Jusqu‘à présent, ce modèle a généré plusieurs défis dont la
difficulté de gérer la différentiation des apprentissages. La proposition d‘un nouveau modèle basé
sur les passions, les intérêts et les projets de vie-carrière a été développé suite à la recherche
d‘autres modèles à l‘échelle canadienne. Ce modèle propose trois différents parcours en
mathématiques, où chaque parcours présente des mathématiques et des approches pédagogiques
1
Certaines de ces initiatives sont discutées plus loin dans le texte.
14
Laurie Landry
qui sont différentes. La mise en place de ces parcours est prévue pour septembre 2011, ce qui
nécessitera le développement de nouveaux programmes d‘études au secondaire.
RESSOURCES HUMAINES ET DIDACTIQUES EN MATHÉMATIQUES
À l‘échelle provinciale, peu de ressources humaines sont allouées pour l‘accompagnement des
enseignants en mathématiques. La province du Nouveau-Brunswick étant divisée en cinq districts
scolaires francophones, elle peut compter sur l‘aide d‘une ou d‘un agent pédagogique par district
scolaire lié au dossier des mathématiques. La plupart d‘entre eux ont également d‘autres dossiers
à gérer, soit une ou plusieurs autres matières, soit d‘autres dossiers pédagogiques. Depuis
quelques années, chaque agent pédagogique a pu bénéficier de l‘aide d‘un mentor en numératie,
qui a permis de mieux accompagner un plus grand nombre d‘enseignants tant au primaire qu‘au
secondaire. L‘accès à ces mentors dépend grandement des priorités et des budgets accordés à
certains dossiers à l‘échelle des districts scolaires.
Au niveau du Ministère, trois agents pédagogiques provinciaux assurent les liens entre les
programmes d‘études, l‘évaluation des apprentissages et les intervenants des districts scolaires.
Un agent pédagogique est attitré, entre autres, pour le développement des programmes d‘études
au primaire et au secondaire, alors que les deux autres agents pédagogiques sont responsables des
évaluations provinciales des apprentissages en mathématiques en 3 e, 5e, 8e et 11e année. Une
étroite collaboration entre l‘équipe du Ministère et les agents pédagogiques des districts scolaires
a été développée au cours des années, ce qui facilite grandement l‘avancement des
mathématiques dans les écoles francophone de la province.
À partir de l‘année scolaire 2004-2005, une série de formations a été organisée avec les
intervenants des districts scolaires afin d‘offrir un accompagnement soutenu auprès des
enseignants de 6e, 7e et 8e année. Sur deux ans, pratiquement tous les enseignants de
mathématiques de 6e, 7e et 8e année ont reçu un total de 7 journées de formation. Ces formations
visaient à rendre plus pertinentes les interventions en salle de classe et de contrer l‘insécurité
vécue par les enseignants face aux mathématiques. Dans les années subséquentes, d‘autres
formations basée sur les mêmes orientations ont été livrées aux enseignants de la 4 e et la 5e année
sur une période de trois jours (parfois moins selon les districts scolaires).
Plus récemment, le mouvement des communautés d‘apprentissages professionnelles (CAP) a pris
de l‘ampleur au sein des districts scolaires, permettant aux enseignants de fixer des objectifs
SMART en lien avec les défis que vivent leurs élèves en mathématiques. Un des exercices
effectués par les enseignants, accompagnés par les intervenants des districts scolaires, consistait à
cibler les apprentissages essentiels à prioriser dans les programmes d‘études. Chaque résultat
d‘apprentissage spécifique (RAS) a été classifié en étant soit prioritaire, soit complémentaire. Les
résultats d‘apprentissage prioritaires dits « essentiels » devaient répondre à certains critères, dont
l‘importance d‘être un apprentissage préalable à des apprentissages des années suivantes. Quant
aux apprentissages complémentaires dits « intéressants », ils servaient à renforcir la
compréhension des RAS essentiels, enrichissant davantage le bagage mathématique de chaque
élève. Ce mouvement a donc eu pour effet de questionner les enseignants sur les résultats
d‘apprentissage à atteindre dans leur programme d‘études, mieux comprendre la nature des
attentes en discutant entre collègues et modifier leur enseignement au besoin. De plus, cet
15
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
exercice a eu pour effet d‘aligner les représentations des attentes prescrites par les programmes
d‘études de mathématiques, principalement au primaire.
Au niveau des ressources, les enseignants utilisaient principalement les collections
mathématiques disponibles pour les élèves, accompagnés du guide d‘enseignement. Peu de
ressources directement liées à la didactique des mathématiques étaient accessibles, encore moins
en français. Lors de la parution de la ressource didactique traduite en français « L‘enseignement
des mathématiques – l‘élève au centre de ses apprentissages » de John A. Van de Walle et de
LouAnn H. Lovin, il a été décidé de fournir une copie par enseignant, de la maternelle à la 8 e
année. Cette ressource a été très utile lors des formations car les enseignants étaient en mesure de
s‘y référer afin d‘identifier des approches à privilégier pour enseigner les mathématiques.
Suite à l‘achat de cette ressource didactique, le besoin de se procurer une ressource qui structure
les apprentissages mathématiques sur un continuum, basée sur la recherche en didactique des
mathématiques, s‘est fait sentir alors qu‘un modèle similaire est utilisé en littératie. Le besoin
d‘offrir aux enseignants une ressource permettant d‘approfondir leurs connaissances
mathématiques, tout en proposant des approches didactiques efficaces pour accompagner les
élèves dans leurs apprentissages devenait une nécessité pour poursuivre la vision d‘améliorer les
apprentissages des élèves. La ressource PRIME développée par Marian Small cadrait bien avec
cette orientation et a donc été fournie à tous les enseignants de la maternelle à la 8 e année. La
ressource comprend également des outils diagnostiques qui permettent aux enseignants de situer
l‘élève dans une échelle de développement (continuum des apprentissages). Des formations sur
l‘utilisation de cette ressource ont suivi la livraison du matériel.
PLAN STRATÉGIQUE POUR L’AMÉLIORATION DES APPRENTISSAGES ET DES
RÉSULTATS EN MATHÉMATIQUES ET EN NUMÉRATIE
Suite à un mouvement concerté entre les différents partenaires en éducation pour améliorer le
système éducatif dans son ensemble, l‘amélioration des apprentissages et des résultats en
mathématiques a alors été définie comme une priorité. Dans le plan Les enfants au premier plan
élaboré par le précédent gouvernement, plusieurs cibles ont été fixées pour permettre de « faire
de notre système d‘éducation publique le meilleur au Canada » (MÉNB, 2007, p. 8). Plus
précisément, en mathématiques, des cibles ont été définies pour permettre à nos élèves de se
démarquer à l‘échelle nationale et internationale :



90% des enfants atteignent le niveau prévu en numératie en troisième et en cinquième
année; 20% des élèves le dépassent.
85% des élèves de la 6 e à la 12e année atteignent ou dépassent le niveau prévu aux
examens provinciaux de littératie, numératie et sciences.
Le Nouveau-Brunswick se classe parmi les trois meilleures provinces canadiennes aux
évaluations nationales et internationales en lecture, mathématiques et sciences.
En réponse à ces attentes, un comité d‘experts œuvrant dans le milieu de l‘éducation et
étroitement lié à l‘enseignement des mathématiques a alors été formé en 2009 afin de rédiger un
plan d‘amélioration des apprentissages et des résultats en mathématiques et en numératie. Ce
groupe a proposé une série de mesures basées sur la recherche et sur des expériences concluantes
vécues dans le système scolaire au cours des dernières années. Ces mesures visent à la fois les
16
Laurie Landry
élèves, les enseignants, les directions d‘écoles, ainsi que les intervenants des districts scolaires et
du Ministère.
L‘élaboration du plan stratégique a premièrement été influencée par des recherches en lien avec
les facteurs influençant l‘amélioration des apprentissages. Parmi les écrits recensés par le comité,
celui de McEwan (2000) a ressorti six principes 2 qui assurent une influence positive des
apprentissages et des résultats en mathématiques :






Intervenir au niveau des contenus mathématiques.
Intervenir sur la coordination et l‘articulation des mathématiques au sein de l‘école.
Changer le matériel utilisé pour enseigner les mathématiques.
Modifier les approches utilisées pour enseigner les mathématiques.
Modifier les attentes et communiquer clairement ces attentes aux élèves.
Changer la façon dont on évalue les élèves.
Suite à une étude longitudinale, Hattie, Biggs et Purdie (1996) souligne l‘importance de fournir, à
chaque élève, une rétroaction sur le progrès de ses apprentissages. De ces principes et lectures,
les quatre priorités et axes d‘intervention du Plan d’amélioration des apprentissages et des
résultats en mathématiques et numératie, ont été ressorti :




Fournir des programmes d‘études répondant aux besoins des élèves et définissant des
attentes claires.
Fournir les ressources didactiques, pédagogiques et humaines nécessaires à l‘amélioration
de la qualité de l‘enseignement.
Améliorer la qualité de l‘enseignement des programmes de mathématiques.
Soutenir les initiatives gagnantes déjà en place dans les districts scolaires.
Les échéanciers ont été définis dans le plan stratégique, mais le début de la mise en œuvre du
plan dans son ensemble est toujours en attente au moment de la rédaction de ce texte. Toutefois,
certaines de ces initiatives sont déjà en place dans le milieu scolaire; l‘ajout de ces initiatives
dans le plan se voulait une façon de les valoriser et d‘assurer la poursuite de ces actions efficaces
déjà en place.
Fournir des programmes d’études répondant aux besoins des élèves et définissant des
attentes claires
Tel qu‘expliqué précédemment, l‘amélioration des apprentissages et des résultats en
mathématiques passe, entre autres, par une programmation qui est clairement définie, en respect
avec la recherche, et qui valorise des approches pédagogiques efficaces centrées sur l‘élève. Le
renouvellement des programmes d‘études de mathématiques, tant au primaire qu‘au secondaire,
consiste les points majeurs de cette priorité. Au primaire, ces changements seront en lien direct
avec les défis mentionnés, dont la nécessité d‘avoir une programmation plus cohérente, présentée
à l‘aide d‘un continuum et dont les résultats d‘apprentissages sont accompagnés de directives
pédagogiques. Au secondaire, le développement des nouveaux programmes sera en lien avec le
nouveau modèle défini pour mieux répondre aux besoins des élèves, c‘est-à-dire en se basant sur
les intérêts, les passions et les projets de vie-carrière de chaque élève.
2
Traduction libre des principes présentés par McEwan.
17
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
Fournir les ressources didactiques, pédagogiques et humaines nécessaires à l’amélioration
de la qualité de l’enseignement
L‘accès à des ressources didactiques de qualité en mathématiques, en français, a toujours été un
défi dans notre système scolaire. Cette initiative permet d‘assurer non seulement l‘achat de
ressources matériel mais aussi un accompagnement dans la compréhension didactique derrière
ces ressources et leur utilisation en salle de classe auprès de leurs élèves. Fournir à chaque
enseignant le matériel dont ils ont besoin constitue l‘essentiel de cette priorité. L‘achat des
trousses PRIME, en plus du matériel pour accompagner les suggestions pédagogiques proposées
dans ce matériel, la ressource de Van de Walle et Lovin (2007), sans oublier les nouveaux
programmes d‘études au primaire, constituent une combinaison qui permet aux enseignants
d‘intervenir plus efficacement auprès d‘un plus grand nombre élèves, qu‘ils vivent ou non des
difficultés en mathématiques.
D‘autres ressources qui sont proposées par ce plan font référence à la technologie qui est de plus
en plus présente en salle de classe. Nombreuses sont les classes où la présence de tableaux blancs
interactifs n‘est plus une nouveauté, mais où l‘accès à des ressources numériques permettant de
maximiser le potentiel pédagogique de ce matériel est déficient. Depuis quelques années, un
ordinateur portable est fourni à chaque enseignant, lui permettant de faire ce virage nécessaire,
dont s‘adapter à l‘omniprésence des technologies dans notre quotidien et aussi celui des élèves.
Le besoin d‘accéder rapidement à des ressources en lien avec les apprentissages prescris dans les
programmes d‘études est une demande venant de la part du personnel enseignant depuis un
certain temps. Le développement d‘un Carrefour virtuel en mathématiques, regroupant des
ressources selon une variété de critères (domaines mathématiques, principes didactiques, etc.), est
une solution proposée dans ce plan. Le développement de vidéos pédagogiques contenant des
exemples de séquences d‘enseignement axées sur des approches pédagogiques efficaces
s‘ajouteraient aux ressources présentes dans ce carrefour.
En lien avec la double mission de notre système éducatif, l‘idée de développer des vidéos
présentant des gens actifs dans les communautés francophones de la province utilisant des
mathématiques à différents niveaux fait partie d‘une stratégie de développement de la
construction identitaire de nos jeunes. Ces vidéos présenteraient des entrepreneurs, des artistes ou
des gens influents dans la société qui exposeraient quelles mathématiques ils utilisent dans leur
domaine d‘expertise, tout en démontrant le rôle que jouent les mathématiques dans leur travail ou
leur passion. Ces vidéos seraient accompagnées de scénarios pédagogiques exposant des mises en
situations à résoudre, en lien avec les mathématiques présentées.
Dans le désir de valoriser davantage les mathématiques chez tous les élèves, ce plan propose la
mise en place d‘un concours de mathématiques destiné aux élèves de la 3 e à la 12e année. Un
concours, organisé par le Département de mathématiques et de statistique de la Faculté des
sciences de l‘Université de Moncton existe déjà pour les élèves de la 7 e à la 9e année, mais mise
davantage sur l‘élite en mathématiques. Le concours proposé dans ce plan complémenterait ce
concours de l‘Université de Moncton en misant sur le plaisir de faire des mathématiques, tout en
étant accessible à tous les élèves.
Améliorer la qualité de l’enseignement des programmes de mathématiques
Cette initiative est directement liée aux initiatives précédentes, où elle précise des échéanciers
pour assurer la livraison de formations en lien avec les nouveaux programmes d‘études et la
18
Laurie Landry
ressource PRIME. Des stratégies pour permettre aux enseignants de partager des pratiques
pédagogiques gagnantes sont également présentes dans ce plan, que ce soit par le biais d‘un
colloque avec un lieu de rencontre précis ou en utilisant les technologies afin de minimiser les
coûts.
Soutenir les initiatives gagnantes déjà en place dans les districts scolaires
À l‘intérieur de chaque district scolaire, les communautés d‘apprentissage professionnelles (CAP)
permettent aux enseignants d‘améliorer leurs pratiques pédagogiques, tout en ciblant des mesures
efficaces pour remédier à diverses problématiques. Chaque district scolaire offre à son personnel
enseignant une structure bien définie dans l‘atteinte d‘objectifs SMART (spécifiques, mesurables,
atteignables, réalistes, temporels) identifiés par les équipes collaboratives, en suivant un cycle
d‘analyse propre à chaque district scolaire. Ces cycles d‘analyse guident les enseignants vers
l‘identification d‘actions ciblées pour répondre à la problématique en jeu, éléments essentiels à
l‘atteinte de l‘objectif initial. Pour permettre d‘évaluer les apprentissages chez les élèves,
plusieurs projets d‘évaluations communes ont pris forme dans certaines écoles de la province et
parfois même à l‘échelle du district scolaire. Des évaluations diagnostiques, formatives et
sommatives ont été élaborées en équipe d‘enseignants et administrées aux élèves. La création de
ses évaluations a permis aux enseignants de discuter des apprentissages qui sont essentiels pour
les élèves et d‘aligner leur représentation des attentes prescrites dans les programmes d‘études.
Ce travail a également permis à la fois aux enseignants de mieux connaître les forces et défis de
leurs élèves, et d‘intervenir en conséquence, en plus de permettre aux élèves de mieux connaître
les attentes visées.
Dans l‘analyse de ces résultats, on retrouve habituellement des élèves ayant des difficultés,
d‘autres qui nécessitent que quelques interventions ciblées et des élèves qui réussissent bien. Afin
d‘intervenir de façon plus stratégique auprès de tous les élèves, une école a expérimenté une
approche visant à réorganiser les élèves en différents groupes à quelques occasions. Les groupes
d‘intervention permettent donc d‘intervenir auprès de tous les élèves, que ce soit pour les
accompagner dans leurs difficultés ou d‘animer des activités d‘enrichissement pour ceux désirant
des défis supplémentaires en mathématiques.
PISTES DE RECHERCHE FUTURE AU NIVEAU DIDACTIQUE
Un défi majeur qui demeure présent dans les écoles francophones au Nouveau-Brunswick en
mathématiques est d‘assurer le développement de compétences en mathématiques, surtout dans la
compréhension et l‘apport des situations-problèmes au développement de la pensée
mathématique chez les élèves. La philosophie énoncée dans le cadre théorique, plus précisément
dans les principes didactiques, préconise une approche qui amène les élèves à résoudre des
problèmes complexes, qu‘ils puissent « appliquer les processus de modélisation mathématique à
des problèmes bien réels. » (MÉNB, 2008, p. 29). À ceci s‘ajoute l‘absence d‘une définition
accessible d‘une situation-problème dans les programmes d‘études, d‘où en découle un manque
de compréhension et de savoir-faire dans la mise en œuvre d‘une telle approche. De plus, la
communication mathématique des élèves dans un contexte francophone minoritaire demeure un
défi de taille. Dans un contexte où l‘interprétation des informations présentes dans un problème,
la communication du processus utilisé pour résoudre un problème, la communication de sa
pensée mathématique et l‘argumentation doit être au cœur des apprentissages de chaque élève,
19
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
l‘insécurité linguistique que vivent nos élèves dans plusieurs régions francophones de la province
demeure un frein vers le développement de cette compétence importante en mathématiques.
CONCLUSION
Les initiatives en place depuis les dernières années ont permis à nos enseignants d‘améliorer leurs
pratiques pédagogiques et de miser davantage sur les apprentissages des élèves. De plus,
l‘approche axée sur l‘unique développement de procédures mathématiques commence à faire
place peu à peu au développement de compétences, tout en favorisant une approche par la
résolution de problèmes. Toutefois, le défi d‘intégrer ces approches en salle de classe demeure
présent chez bon nombre d‘enseignants. Le changement des programmes d‘études au primaire et
au secondaire, l‘accès à des ressources pédagogiques de qualité, la formation et
l‘accompagnement du personnel enseignant sur les approches pédagogiques à préconiser en salle
de classe, et la mise en place d‘initiatives valorisant les mathématiques auprès des élèves
permettront sûrement à atteindre la cible d‘améliorer les apprentissages et les résultats en
mathématiques de nos élèves francophones.
RÉFÉRENCES
HATTIE, J.A., BIGGS, J., & PURDIE, N. (1996). Effects of learning skills intervention on student
learning: A meta-analysis. Review of Research in Education, 66, 99-136.
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En
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Fredericton :
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En
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http://www.gnb.ca/0000/publications/4578_rapport.pdf
MINISTÈRE DE L‘ÉDUCATION DU NOUVEAU-BRUNSWICK. (2004). Programme d’études en
mathématiques 5e année. Fredericton : Gouvernement du Nouveau-Brunswick.
MINISTÈRE DE L‘ÉDUCATION DU NOUVEAU-BRUNSWICK. (2008). Programme d’études en
mathématiques 10e année. Fredericton : Gouvernement du Nouveau-Brunswick.
MINISTÈRE DE L‘ÉDUCATION DU NOUVEAU-BRUNSWICK. (2010). Statistiques sommaires, année
scolaire 2009-2010. Fredericton : Gouvernement du Nouveau-Brunswick. En ligne:
http://www.gnb.ca/0000/publications/polplan/stat/Statistiquessommaires2009-2010.pdf
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VAN DE WALLE, J. A. et LOVIN, L. H. (2007). L‘enseignement des mathématiques – L‘élève au centre
de son apprentissage (tome 1), Montréal: ERPI.
20
L’émergence de disparités en classe de mathématiques
Christine Knipping
Acadia University
RÉSUMÉ. L‘émergence de disparités en réussite est un phénomène connu en classe de
mathématiques. Enseignants et élèves perçoivent ce phénomène, souvent en peu de temps. Dans
un projet de recherche international, nous nous intéressons au processus d‘émergence de
disparités en classe de mathématiques. Notre cadre théorique se fonde sur Basil Bernstein et nous
permet d‘analyser ce phénomène par les pratiques sociales en classe. Dans cette communication,
je présente et analyse une leçon de mathématiques dans lequel nous observons des pratiques
différentes, favorisant ou décourageant la participation des élèves au discours. En classe, les
pratiques sociales deviennent soit un avantage, soit un désavantage pour l‘élève et entraînent
l‘émergence de disparités.
INTRODUCTION
En classe de mathématiques, il est facile d‘identifier les élèves qui ont un bon rendement et ceux
pour qui ce n‘est pas le cas. Ceci se produit même dans les classes où des processus de sélection
sont utilisés pour former des classes homogènes et dans des contextes où les élèves sont
ensemble pour la première fois. Dans le cadre de cette recherche, nous étudions comment cette
stratification se produit dans la première semaine d‘école. Nous nous concentrons sur la classe de
mathématiques en 1re année après l‘école élémentaire (c‘est-à-dire à l'école secondaire, en 6e ou
7e année), où les élèves et l‘enseignant sont ensemble pour la première fois dans un nouveau
contexte. Nous analysons les interactions en classe dans trois pays — au Canada, en Allemagne
et en Suède — dont les systèmes scolaires diffèrent en matière de groupement par aptitudes
(streaming).
Partant d‘une perspective sociologique, nous étudions les interactions qui risquent de créer des
disparités en classe de mathématiques. Notre question de recherche principale est la suivante :

Quels mécanismes discursifs et interactionnels suscitent la stratification de la réussite
scolaire en classe de mathématiques?
Dans cet article, nous nous concentrons sur les premières leçons de l‘année scolaire. Bien que les
élèves et leur enseignant ne se connaissent pas, une stratification a déjà lieu lors des premières
rencontres.
REVUE DE LA LITTÉRATURE
L‘existence et l‘émergence d‘inégalités en matière d‘éducation en mathématiques ont fait l‘objet
de nombreuses études empiriques. La plupart de ces études sont basées sur des théories
sociologiques qui supposent qu‘enseigner est une action moins libre qu‘on ne le croyait, mais qui
est toutefois restreinte par des éléments structurels qui font en sorte que les actions des élèves et
des enseignants soient influencées par des facteurs émanant de l‘extérieur de la classe. Deux
perspectives théoriques provenant de la sociologie qui ont été utiles dans la recherche qualitative
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
qui étudie les différences en matière de réussite en mathématiques sont celles de Bourdieu (1991)
et de Bernstein (1990). Les études suivantes sont un échantillon d‘études qui illustrent les
multiples façons subtiles et indirectes que les écoles produisent (au lieu de reproduire) des
identités de classe, un thème sur lequel s‘est penchée la recherche empirique basée sur la théorie
sociologique critique au cours des 20 dernières années (Arnot et al., 2003; Arnot, 2002).
Par exemple, Teese (2000) identifie des relations quantitatives significatives entre l‘origine socioéconomique des élèves et leur réussite aux examens finaux dans l‘État de Victoria en Australie. Il
explique ces relations en utilisant une analyse qualitative dans un cadre théorique basé sur les
travaux de Bourdieu (1991, 1992). Il fait valoir que ce potentiel de discrimination est implicite
dans un programme qui hausse les exigences cognitives au fil des différents niveaux en
mathématiques, en faisant de plus en plus appel aux attitudes et aux comportements scolaires
ancrés. Teese remarque que le choix du contenu, l‘importance relative accordée aux différentes
tâches, la compression du contenu et le rythme d‘enseignement se basent tous sur l‘idée implicite
de l‘élève idéal, c'est-à-dire « le jeune érudit-intellectuel » (« the young scholar-intellectual »,
Teese, 2000, p. 4). La recherche de Zevenbergen (2001, 2003) révèle que l‘habitus linguistique
des étudiantes et élèves provenant de la classe moyenne en Australie prend la forme de capital
culturel, car à l‘école — du moins sur le plan discursif — les pratiques discursives sont similaires
aux pratiques courantes au sein des familles de la classe moyenne.
Cooper et Dunne (1999) examinent comment les élèves issus de différents milieux socioéconomiques réagissent aux problèmes à énoncé écrit (‗word problems‘) et aux problèmes liés au
contexte (‗context problems‘). Ils ont analysé de grands ensembles de données des tests Key
Stage 2 qui s‘adressent aux élèves âgés de 10 ans en Angleterre. L‘étude documente que les
élèves provenant de familles dans lesquelles les parents font un travail manuel ou physique
atteignent un niveau de réussite significativement inférieur. Cooper et Dunne utilisent les travaux
de Bourdieu (1990, 1992) et le cadre de Bernstein (1990, 1996) pour expliquer leurs résultats.
Les chercheurs observant que ces élèves ont tendance à mal interpréter les problèmes et à les
résoudre en se basant sur leurs savoirs quotidiens, ce qui signifie que leurs compétences
mathématiques sont systématiquement sous-estimées dans les tests.
Boaler (2000) analyse des entrevues effectuées avec des élèves de 9e année provenant de groupes
de différents niveaux de réussite scolaire. Grâce à ces analyses, elle montre que ce n‘est pas
seulement la différence entre le discours quotidien et le discours mathématique qui fait en sorte
que les élèves trouvent difficile de donner un sens aux tâches mathématiques. En fait, les élèves à
Londres se sentent déconnectés dans les classes démographiquement hétérogènes. Ces études
sont importantes pour notre recherche puisqu‘elles tentent d‘identifier les mécanismes qui
expliquent s‘il est possible de trouver des éléments structurels dans les interactions en classe et
comment ces éléments se manifestent.
Il y a également de la recherche qui ne se concentre pas sur l‘enseignement des mathématiques,
mais qui est toutefois pertinente pour notre étude, car les interactions en classe sont analysées
d‘une perspective basée sur la théorie sociologique.
Morais et Miranda (1996) étudient si les élèves connaissent les critères d‘évaluation formative et
sommative utilisés par leurs enseignants, et s‘ils sont en mesure de les utiliser pour évaluer les
solutions émises par leurs pairs, dans un contexte d‘enseignement des sciences en 5 e année au
Portugal. En utilisant un cadre théorique basé sur le travail de Bernstein, ces auteurs observent
22
Christine Knipping
des liens entre la réussite des élèves et l‘origine familiale et sociale, les attentes des enseignants,
et le degré d‘explicité de critères d‘évaluation en classe (voir aussi Morais et Antunes, 1994).
Bourne (1992, 2003) étudie les écoles urbaines en Grande-Bretagne où les élèves possédant peu
de scolarité et issus de milieux sociaux désavantagés réussissent mieux que les élèves au profil
similaire dans d'autres écoles. Bourne se sert des concepts du discours « vertical » et
« horizontal » de Bernstein pour montrer de quelle manière l‘enseignant réussit à obtenir une
distribution normale de la réussite. À cette fin, il effectue des micro-analyses du discours d‘élèves
bilingues lors de cours d‘anglais dans une école élémentaire. Elle démontre comment
l‘enseignant atteint ce but en attribuant aux élèves des « talents naturels » lors des interactions
verbales et non verbales.
Le concept du discours vertical et horizontal de Bernstein fait partie d‘un cadre théorique qui est
également fondamental à notre recherche et à nos analyses des interactions en classe. Je présente
et discute les éléments de ce cadre théorique dans la section suivante.
CADRE THÉORIQUE
Bernstein s‘intéresse à l‘explicitation « de la logique interne du discours pédagogique et de ses
pratiques » (Bernstein, 2007, p. 26). Plus particulièrement, il tente de développer un cadre
théorique qui fait « l‘analyse interne de la structure du discours lui-même. Or, c‘est la structure
du discours, la logique de ce discours, qui fournissent les moyens par lesquels il peut véhiculer
les relations externes de pouvoir » (p. 26).
Bernstein voit le discours comme étant le produit d‘un réseau complexe de relations sociales qui
établit et maintient les relations de pouvoir. Bourne explique que le discours n‘est pas la parole
(ou du « texte ») produite lors d‘interactions :
« Pour Bernstein, le discours est essentiellement un moyen important par lequel l‘ordre social
dominant (dans lequel il s‘inscrit et qu‘il produit) est géré. Les discours situent les sujets en
« classifiant » leur statut (ex. : les enseignants et les élèves) et déterminant ainsi comment ils
peuvent participer de façon légitime aux pratiques sociales produites et reproduites par les
discours. [Notre traduction] » (Bourne, 1992, p. 231)
La théorie du discours pédagogique émise par Bernstein se penche sur la production, la
distribution et la reproduction du savoir et comment ce savoir est lié aux relations de pouvoir
d‘origine structurelle. Selon lui, les discours du savoir, que les enfants apprennent, reflètent ces
structures de contrôle social.
Discours horizontal et vertical
Une préoccupation importante dans les dernières œuvres de Bernstein (ex. : 1999, voir 2007 pour
la traduction vers le français) est la structure du discours lié aux différents pouvoirs sociaux et la
position des individus d‘origines sociales différentes à l‘intérieur de ces discours. Bernstein
classe le discours dans la catégorie de dichotomie structurelle : le discours horizontal par
opposition au discours vertical.
« Nous avons tous conscience, et nous l‘utilisons tous, d‘une forme de savoir du type quotidien
ou de ―sens commun‖ [discours horizontal]. […] elle est le plus souvent orale, locale, spécifique
23
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
et dépendante du contexte, tacite, à niveaux multiples, contradictoire entre les contextes, mais pas
à l‘intérieur d‘un contexte donné. » (p. 229–230)
« En bref, un discours vertical prend la forme d‘une structure cohérente, explicite et possédant
systématiquement des principes; structure organisée hiérarchiquement comme en sciences, ou
bien prenant la forme d‘une série de langages spécialisés […] comme dans les sciences sociales
et les humanités. » (p. 230)
Puisque nous sommes tous familiers avec la structure du discours quotidien, c‘est-à-dire du
discours horizontal, il est généralement connu sous le nom de discours « naturel ». Par
conséquent, tandis que les écoles pourraient choisir d‘utiliser un discours horizontal (quotidien)
pour établir une relation de sympathie avec le vécu familial des élèves, le savoir scolaire, dans
son ensemble, est plutôt structuré selon un discours vertical. Dans la tradition de Bernstein,
plusieurs chercheurs soulignent que le discours vertical est le discours dominant dans la culture et
la scolarisation occidentales (ex. : Bourne, 2003; Hasan, 2001; Martin, 2007).
« Les discours scolaires laissent peu de place pour la négociation en classe, ni pour les
enseignants ni pour les élèves, car ils sont axés sur l‘atteinte des objectifs, centrés sur le
programme, séquentiels et hiérarchiques, et orientés vers des buts fixés par la société. Cette
caractéristique essentielle peut être soit « cachée » de la vue des participants ou de quelques
participants soit clarifiée ou rendue explicite pour que tous puissent la comprendre [notre
traduction]. » (Bourne, 2003, p. 500)
Hasan montre dans ses études qu‘alors que le discours horizontal est fréquemment le seul
discours dans les familles d‘enfants de classe ouvrière, les enfants de classe moyenne rencontrent
souvent des dimensions du discours vertical et sont ainsi plus susceptibles de s‘orienter vers elles
(Hasan, 2001). Dans ses travaux de recherche, Hasan approfondit les idées trouvées dans les
premières œuvres de Bernstein (1962, 1971) et démontre la pertinence des codes
sociolinguistiques dans les interactions de la pratique pédagogique.
Depuis le milieu des années 1990 (2007), Bernstein étend sa compréhension du code
pédagogique et décrit l‘apprentissage comme étant l‘expérience des frontières. Le cadre qu‘il
utilise pour catégoriser les différents domaines du savoir, ou de ce qui est enseigné, est
fondamental dans le contexte scolaire. La classification, comme il l‘appelle, est soit forte soit
faible. Une classification forte indique la présence de frontières bien cloisonnées entre les
matières et les contenus disciplinaires. Par exemple, un programme de mathématiques
traditionnel garde ses frontières bien délimitées, en laissant peu de place aux liens avec d‘autres
disciplines. La forme verticale du discours est évidente dans cette pédagogie. Toutefois, un
programme de mathématiques par projet contient des frontières faibles, car l‘enseignement des
mathématiques est intégré aux autres matières scolaires ou aux activités à l‘extérieur de l‘école.
Ceci signifie que le savoir quotidien et les savoirs disciplinaires sont moins isolés les uns des
autres. Ce discours paraît plus informel et les gens semblent mieux le connaître. Par contre, un
programme de mathématiques qui contient des frontières faibles ne fait tout de même pas partie
d‘un discours horizontal. Comme mentionné ci-dessus, les discours scolaires ont des objectifs
centrés sur le programme, sont séquentiels et hiérarchiques, et s‘inscrivent dans un discours
vertical. Le concept du discours vertical et du discours horizontal expliquent pourquoi
l‘affaiblissement des frontières peut cacher cette rigidité du savoir scolaire, contribuant ainsi à
l‘émergence de disparités.
24
Christine Knipping
Bernstein révèle que l‘accès au code pédagogique est essentiel au succès et à l‘expérience
scolaire des élèves (Bernstein, 2007). D‘autres concepts, que je présenterai ci-dessous, permettent
à Bernstein de décrire et de comprendre ces mécanismes de reproduction sociale à l‘école, et ce
que cela signifie pour les élèves issus de familles provenant de différents milieux socioéconomiques.
Les règles de reconnaissance et de réalisation
Pour Bernstein (2007), les règles de reconnaissance permettent de comprendre que la
classification du savoir est essentielle : c'est-à-dire que le fait de reconnaître ce que quelque chose
est censé être, est la clé pour décrypter le code pédagogique. Par exemple, comprendre les tables
de valeurs et ce qu‘elles représentent en classe de mathématiques est capital pour que les élèves
puissent donner des solutions adéquates aux questions portant sur les tables (voir également la
section 5). Comme mentionné ci-dessus, selon Bernstein, les élèves n‘ont pas tous le même accès
à ce code.
« Certaines distributions de pouvoir donnent naissance à des distributions sociales différentes des
règles de reconnaissance et, sans celles-ci, la communication, légitime dans un contexte donné,
n‘est pas possible. À un niveau plus concret, il se peut que des enfants de classes défavorisées
soient silencieux à l‘école en raison de la distribution inégale des règles de reconnaissance. »
(Bernstein, 2007, p. 44)
Si les règles de reconnaissance demeurent implicites, les élèves qui ne les possèdent pas déjà
éprouveront de la difficulté à participer activement dans les conversations en classe. Même si les
élèves sont en mesure de reconnaître ce que quelque chose est censé être, comme une table dans
un contexte mathématique, il risque d‘être impossible pour un élève de fournir une réponse
explicite et cohérente qui révèle les principes mathématiques sous-jacents d‘une table. Dans la
terminologie de Bernstein, ces élèves ne possèderaient pas les règles de réalisation nécessaires
pour produire une réponse légitime.
« La règle de reconnaissance permet, essentiellement, de réunir les réalisations appropriées. La
règle de réalisation détermine comment nous assemblons des significations et comment nous les
rendons publiques. […] La règle de réalisation est nécessaire à la production du texte légitime.
[…] Beaucoup d‘enfants des classes défavorisées possèdent sans doute une règle de
reconnaissance. Ils peuvent reconnaître des relations de pouvoir dans lesquelles ils sont
impliqués, et leur position dans ces relations, mais ils ne possèdent pas toujours la règle de
réalisation. S‘ils n‘en disposent pas, ils ne peuvent pas formuler le texte légitime attendu. À
l‘école, ces enfants n‘auront pas acquis le code pédagogique légitime, mais ils auront acquis leur
place dans le système de classification. Pour ces enfants, l‘expérience de l‘école est
essentiellement une expérience du système de classification et de leur place dans ce système. »
(Bernstein, 2007, p. 45)
En enseignement des mathématiques, les règles de reconnaissance et de réalisation sont
particulièrement importantes puisqu‘elles régissent la légitimité du savoir quotidien, du sens
commun et le parler familier dans les interactions en classe. Comme mentionné ci-dessus, les
frontières faibles ou fortes établissent cette relation avec le savoir quotidien et, par conséquent, la
contribution des élèves en classe peut paraître plus ou moins appropriée. Dans cet article, je
décris comment ces concepts nous permettent de décrire les pratiques d‘enseignement qui
25
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
favorise l‘émergence de disparités en classe de mathématiques. Je l‘illustre avec un exemple tiré
de ma recherche.
MÉTHODOLOGIE
La littérature scientifique et nos perspectives théoriques appuient l‘hypothèse voulant que les
disparités en matière de réussite, telles que perçues par les enseignants et les élèves peuvent être
attribuées aux facteurs sociaux externes ainsi qu‘aux dynamiques sociales internes en salle de
classe. Lorsque nous avons développé notre méthodologie et conçu les études dont ce programme
de recherche est composé, nous avons tenté d‘examiner la stratification de la réussite de plusieurs
manières de façon à cerner les dynamiques internes en classe et les facteurs externes.
En premier lieu, la collecte de données s‘est effectuée dans des lieux dont les contextes diffèrent :
des écoles urbaines à recrutement sélectif en Allemagne et des écoles publiques en milieu rural au
Canada (Nouvelle-Écosse). En Allemagne, les écoles font un recrutement sélectif à partir de la 5e
ou de la 7e année. À ce niveau, le choix des élèves (ou celui de leurs parents ou de leurs
enseignants) de l‘école secondaire, et leur admissibilité les orientent vers différents avenirs
scolaires et opportunités professionnelles. Certains (environ 40 % en milieu urbain) vont au
Gymnasium (la plus prestigieuse école, dont la réussite de l‘examen final Abitur est exigée pour
entrer à l‘université), d‘autres au Realschule et au Gesamtschule, et d‘autres encore au
Hauptschule (cette dernière étant la moins prestigieuse des écoles, une sorte d‘école de formation
aux métiers). En revanche, en Nouvelle-Écosse l‘approche inclusive fait partie de la politique
officielle des écoles publiques, au moins jusqu‘en 10e année. C‘est à ce moment que commence
le processus de groupement par aptitudes en mathématiques et en sciences. Il n‘y a pas de
processus de sélection lorsque les élèves passent du primaire à l‘école intermédiaire (middle
school) ou au premier cycle du secondaire (junior high school) en 6e ou 7e année. À cette étape,
les élèves provenant de plusieurs écoles nourricières (feeder schools) sont placés ensemble dans
de nouvelles classes. La principale exception à cette approche inclusive est l‘existence du régime
d‘immersion en français dans certaines écoles. Celles-ci procèdent à un recrutement sélectif.
Dans le cadre de notre recherche, nous avons incorporé les classes de mathématiques au
Gymnasium et au Hauptschule en Allemagne ainsi que les classes d‘immersion en français et non
français au Canada.
En deuxième lieu, les méthodes utilisées pour construire les données concernent principalement
la stratification de la réussite au moyen des interactions en classe et d‘une perspective extérieure
qui se sert de facteurs sociologiques. Il est important d‘étudier la stratification de la réussite de
l‘intérieur de la classe, car c‘est dans ce cadre que les enseignants et les élèves construisent leur
connaissance des différences qui existent entre les élèves. Pour suivre les interactions en classe,
des enregistrements vidéo sont réalisés au début de l‘année scolaire et se poursuivent sur une
période de six semaines. De plus, des copies des travaux remis à l‘enseignant ou notés et rendus à
l‘élève sont rassemblées, puisque de tels documents s‘inscrivent dans l‘interaction
communicative en classe. Les enseignants sont interrogés deux fois : au début de l‘année scolaire
et à la fin des observations en classe. L‘entretien initial traite des attentes des enseignants au sujet
du nouveau groupe et de leurs expériences de classe en matière de diversité. Le dernier entretien
se penche sur le point de vue émergent des enseignants en ce qui a trait aux élèves en classe. Des
groupes d‘environ six élèves sont également interrogés à partir de la cinquième semaine
26
Christine Knipping
d‘observation. Ces entretiens mettent en évidence la manière dont les élèves perçoivent et
expliquent la diversité sur le plan de la réussite en mathématiques en classe.
Pour recueillir les données d‘une perspective extérieure, les élèves ont rempli un questionnaire
contenant des renseignements d‘ordre général (ex. : indicateurs socio-économiques et ressources
pédagogiques à la maison) qui, dans le cadre d‘études à grande échelle (ex. : TIMSS et PISA),
présentent une corrélation avec la réussite en mathématiques. Des entretiens individuels sont
menés au besoin pour obtenir des données plus détaillées ou pour expliquer les données erronées.
En troisième lieu, l‘analyse des données est effectuée selon une « analyse d‘incidents critiques »
(Kroon et Sturm, 2000; Wilcox, 1980; Erickson, 1986). « L‘analyse d‘incidents critiques est
essentielle dans la mesure où elle représente des exemples concrets du fonctionnement de certains
principes abstraits de l‘organisation sociale [notre traduction] » (Wilcox, 1980, p. 9). Cette
méthode vise le développement d‘études de cas comparatives qui utilise une perspective
empirique et interprétative. L‘analyse des données est réalisée selon une approche interprétative
théorique qui examine les mécanismes d‘interactions par lesquelles les éléments structurels des
inégalités sociales sont produits en classe (Mehan 1992).
EXEMPLE EMPIRIQUE - LE CAS DE M. WHITE
Dans cette section, je présente les données tirées des premières rencontres d‘une classe de 6 e
année en Nouvelle-Écosse. Les élèves proviennent de deux écoles élémentaires dans la région.
Certains d‘entre eux ont déjà été dans la même classe au primaire, mais ceux-ci ne sont pas
nombreux. D‘autres se connaissent parce qu‘ils fréquentaient la même école élémentaire, mais
pour plusieurs d‘entre eux c‘est la première fois qu‘ils se rencontrent. L‘enseignant, monsieur
White, a rencontré quelques élèves lors d‘une journée d‘orientation organisée par l‘école
secondaire (junior high school) où il travaille, au mois de juin. Il a possiblement eu l‘occasion de
jeter un coup d‘œil sur les bulletins des élèves, mais sa « philosophie » personnelle veut qu‘il
n‘ait aucune « idée préconçue » des élèves, comme il le révèle au cours des entretiens.
En ce qui a trait à ce qui suit, nous ne prétendons pas que l‘émergence de disparités en classe soit
le résultat d‘un acte intentionnel. Nous abondons plutôt dans le sens de Bourne, qui écrit :
« Il est important de bien comprendre que je ne prête aucune intention consciente aux
enseignants, dans leur rôle d‘agents au sein d‘une vaste conspiration pour le maintien du statu
quo pour ce qui en est des relations de pouvoir. Il ne s'agit pas non plus que l‘éducation réprime
les personnes ou qu'elles sont triées machinalement et regroupées en catégories à l'intérieur
desquelles ces personnes agissent de façon passive. Quant aux théories du pouvoir élaborées par
Foucault, Sheridan (1980) explique que dans le cadre des institutions et les pratiques de
socialisation ―les forces associées au corps sont formées et développées dans le but de les rendre
productives‖ [notre traduction]. » (Bourne 1992, p. 219)
« Le pouvoir produit au lieu de simplement reproduire [notre traduction]. » (Bourne 1992, p. 233)
Selon nous, il est essentiel de garder ceci à l‘esprit lorsque nous observons les pratiques de classe
telles que décrites dans les sections suivantes.
27
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
La rentrée scolaire avec monsieur White
Au cours des premiers jours de l‘année scolaire, monsieur White passe beaucoup de temps à
organiser les fournitures scolaires, à donner des renseignements au sujet des horaires individuels
d‘élèves, à fournir d‘autres informations scolaires connexes et à préparer ses cours de façon
générale. Monsieur White souligne les règles explicites de l‘ordre social; par exemple, il explique
aux élèves comment organiser leurs cahiers et il insiste sur la nécessité d‘être attentif. L‘accent
est mis sur l‘établissement des normes sociales, par l‘entremise de ce que Bernstein appelle un
« discours régulateur ».
Dans les premières rencontres du cours de mathématiques, les élèves subissent plusieurs tests
préliminaires sur les opérations de base (addition, soustraction, multiplication et division) et la
connaissance des tables de calcul mental. Les élèves font ces tests de façon individuelle pendant
la classe, mais ne les discutent pas en classe. De plus, ceux-ci ne sont pas rendus aux élèves.
Préalablement, l‘enseignant les informe que le résultat n‘apparaîtra pas sur leur bulletin.
Toutefois, l‘enseignant les considère comme un instrument de diagnostic important (révélé lors
du premier entretien), qu‘il utilise environ trois semaines après la rentrée :
M. White : J‘ai déjà pas mal une bonne idée de qui éprouvera plus de difficulté que les autres,
qui eux auront moins de difficulté et qui apprendront des concepts assez facilement. Je
comprends déjà assez bien. Et une partie de ça vient des tests préliminaires, tous ces pré-tests que
j‘ai réalisés. Une partie de ça, après les pré-tests, quand j‘aborde d‘autres sujets.
Bien que ces tests contribuent sans aucun doute aux perceptions que monsieur White a de ses
élèves, notre intention n‘est pas d‘analyser leur contribution à la stratification des élèves dans sa
classe. Nous souhaitons plutôt attirer l‘attention sur les dynamiques discursives et interactives
dans le contexte de « conversations publiques » (ex. : les discussions en grand groupe). Ainsi, la
sixième rencontre du cours de mathématiques est décrite en détail, car c‘est la première fois que
des discussions en grand groupe ont lieu dans cette classe et que les règles de bases sont
expliquées. Puisque les tests préliminaires occupent les cinq premières classes, celle-ci est la
première de l‘année dans laquelle du contenu est transmis.
Les tables de valeurs sont discutées en classe de mathématiques
Le discours dans cette classe se divise en cinq étapes : Remplir les cases vides, Trouver une
régularité, Comparer les côtés, Reformuler et De retour à l‘arithmétique simple.
Combler les trous
Dans la classe précédente, les élèves ont étudié une table de valeurs dans leur manuel (voir
Figure 1) qu‘ils ont ensuite reproduite dans leur cahier. Comme devoir, ils devaient « remplir les
cases vides (marquées par les points d‘interrogation) ». Monsieur White a commenté : « Si vous
pouvez remplir ces cases, vous êtes sur la bonne voie pour comprendre les tables de valeurs. Je
me demande combien parmi vous allez réussir cet exercice. L‘enseignant ne mentionne pas que le
manuel fait allusion à un contexte établissant un lien entre l‘année scolaire de Kevin et l‘âge
d‘Alice.
Au début de la classe, monsieur White place les élèves en groupes de quatre, généralement deux
garçons et deux filles. Il décide qui travaille avec qui, mais permet à ceux qui sont assis côte à
côte de rester ensemble. Les élèves doivent nommer un responsable qui les aidera à ne pas
s‘écarter du sujet.
28
Christine Knipping
L’année scolaire
de Kevin
L’âge d’Alice
6
4
7
5
8
6
9
7
?
?
?
?
?
?
Kevin utilise une régularité. Il prédit l’âge
de sa sœur à chacune de ses années
scolaires. [Notre traduction]
Figure 1 : Table de valeurs et texte tirés du
manuel scolaire Mathquest 2000, p. 8
Kevin
6
7
8
9
Alice
4
5
6
7
Figure 2 : La table de valeurs telle que
reproduite par l‘enseignant sur le tableau.
Après avoir présenté les règles du travail de groupe, l‘enseignant demande aux élèves de partager
avec les membres de leur petit groupe les réponses qu‘ils ont trouvées à l‘exercice.
34
M. White : Et quelles sont vos réponses et comment les avez-vous trouvées? --- Voici les
trois questions de nouveau. Écoutez bien. Quelles sont vos trois réponses? Comment les avezvous trouvées? --- Et, bien sûr, est-ce que vos réponses sont pareilles pour tout le monde du
groupe? Alors, les deux plus importantes : quelles sont vos trois réponses et comment les avezvous trouvées? Alors, vous devez vérifier ça, vous devez en discuter, parce que je vais demander
à quelqu‘un de se porter volontaire pour nous dire comment vous avez réussi à trouver les
réponses. Vous comprenez? Vous pouvez commencer à partager les réponses et comment vous
les avez trouvées, commencez.
Non seulement les élèves doivent comparer leurs « réponses », ils doivent également expliquer
« comment ils les ont trouvées ». Bien que monsieur White donne l‘impression de répéter les
trois questions aux élèves, juste les deux premières (formuler et comparer les réponses) ont été
mentionnées auparavant. Expliquer comment ils ont trouvé leurs réponses, qu‘il souligne comme
étant important à ce moment, n‘a pas encore été mentionné. Ceci marque le commencement du
passage de l‘étape « Remplir les cases vides » à celle de « Trouver une régularité ».
Après que les élèves ont travaillé en groupe pendant deux minutes et demie, monsieur White
attire leur attention vers lui. Il demande que quelqu‘un se porte volontaire pour combler les trous
dans la table de valeurs qu‘il a reproduite sur le tableau (voir Figure 2). Veuillez noter que cette
reproduction est une « version abrégée » de la table de valeurs, comme l‘appelle l‘enseignant. Il
ne renvoie au contexte que par l‘entête « Kevin/Alice ».
Alice se porte volontaire. Elle va au tableau et insère les nombres manquants dans la table de
valeurs. Elle se présente seule en avant, même si l‘enseignant permet aux élèves « d‘amener un
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
membre de leur groupe ». Elle n‘est pas responsable du groupe, mais se porte volontaire de façon
autonome.
Personne ne fait de remarques sur ses résultats, alors l‘enseignant poursuit. Avant et pendant
qu‘Alice écrit au tableau, les autres élèves en classe sont attentifs; ils participent au travail de
groupe et regardent ce qu‘Alice écrit. Dès qu‘Alice a terminé, certains élèves deviennent distraits;
ils ne sont plus aussi attentifs à l‘échange qui suit.
Trouver une régularité
M. White demande maintenant aux élèves :
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68
M. White : Est-ce qu‘il y a quelqu‘un de son groupe, en plus d‘Alice, qui peut nous
dire comment ces nombres vont-ils ensemble? Qu‘avez-vous fait? [il attend]
[Max lève la main.]
M. White : D‘accord.
Max : J‘ai ajouté un, chaque fois.
M. White : De quel côté parles-tu? Du côté gauche ou du côté droit?
Nick : Des deux côtés.
Max : N‘importe lequel ou les deux. Parce que Kevin, une année il est en sixième et
Alice a quatre ans. Alors l‘année d‘après, il va être en septième année et elle aura cinq
ans. Alors on ajoute un de chaque côté.
M. White : Autrement dit, tu ajoutes vers le bas, en ajoutant un. Est-ce que c‘est ça
que tu veux dire? Si tu commences, si tu commences ici tu n‘ajouterais qu‘un pour
avoir dix.
Max : Oui.
M. White : Tu n‘ajoutes qu‘un pour avoir onze. Tu n‘ajoutes qu‘un pour avoir douze?
C‘est ça que tu as fait?
Max : Oui.
L‘attention est maintenant sur la procédure. La question que monsieur White pose, « … comment
ces nombres vont-ils ensemble? » (58) laisse entrevoir que pour comprendre, il est nécessaire de
faire plus que combler les trous. Les nombres et leur structure sont ce qui intéresse l'enseignant
désormais. Max explique non seulement comment il a comblé les trous, mais également sa
perception de comment « les nombres fonctionnent ensemble ». La question que pose monsieur
White, « De quel côté parlons-nous : du côté gauche ou du côté droit? » (62), met l‘accent sur les
deux colonnes de la table. Il est possible que ceci annonce que nous passerons bientôt à la
relation qui se trouve entre la colonne de gauche et la colonne de droite. Les réponses d‘Éric et de
Max montrent qu‘ils sont conscients des deux endroits (la colonne de gauche et la colonne de
droite) où l‘on peut observer une régularité.
Les explications contextuelles de Max
Max fournit ensuite une explication (64), renvoyant au contexte indiqué dans le manuel. Il
mentionne donc l‘année scolaire de Kevin et l‘âge d‘Alice, donnant une raison pour la structure
propre à chaque colonne. La raison que Max fournit est contextuelle, ce que Bernstein (2007,
p. 60) appelle « banal ou ordinaire ». Lorsque monsieur White fait semblant de reformuler
l‘énoncé de Max, « Alors, en d‘autres mots… » (65), l‘enseignant omet la raison et la référence
30
Christine Knipping
contextuelle que Max a mentionnées, et donne un exemple. En pointant au numéro 9, situé dans
la colonne de gauche, monsieur White explique : « … si vous commencez ici, vous n‘avez qu‘à
ajouter un pour vous rendre à dix » (65). Max ne semble pas dérangé par le fait que l‘enseignant
ne réagit pas à ses raisons et confirme, en disant « oui » (66), que c‘est en gros ce qu‘il avait en
tête.
La conversation entre les deux se poursuit. L‘enseignant met maintenant l‘accent sur le côté droit
de la table (69).
69
70
71
72
73
74
75
M. White : Alors, qu‘avez-vous fait ici?
Max : La même chose. J‘ai mis sept parce que je savais qu‘elle avait deux
M. White : Celui-ci?
Max : Oui.
M. White : Oui.
Max : Parce que je savais qu‘elle avait deux ans de moins que l‘âge scolaire dans lequel se
trouve Kevin.
J‘ai simplement ajouté un [sur les nombres?] à partir de là.
Max explique qu‘il a fait « la même chose » (70) du côté droit de la table. Il décrit aussi la
relation entre les deux colonnes, en formulant son explication encore une fois de façon à renvoyer
au contexte indiqué (74).
Comparer les côtés
M. White ne fait aucun commentaire sur le fait que Max identifie la relation entre les colonnes. Il
soulève plutôt le sujet en le présentant comme une nouvelle question qu‘il pose à la classe
entière.
75.1
75.2
75.3
75.4
76
77
78.1
78.2
79
80
81
82
M. White : J‘ai une question. La réponse peut provenir de n‘importe quel
groupe. Vous pouvez regarder la table de valeurs ici ou celle que vous avez
créée dans votre cahier. Est-ce que quelqu‘un peut deviner ou me dire la relation
entre le côté gauche de cette table de valeurs et le côté droit de la table?
[Max est le seul à lever la main.]
M. White : OK.
Max : La différence entre les nombres, il y a une différence de deux pour
chaque nombre.
M. White : Une différence de deux. Que veux-tu dire par différence?
Max : Oui, un en a deux de plus.
M. White : Alors, en d‘autres mots, celui-ci en a deux de plus.
Max : Oui.
Il est intéressant de noter que le langage utilisé par Max change ici. En premier, il décrit la
relation en termes relevant du contexte (74) et puis en faisant référence à la « différence » entre
les deux nombres (78). Finalement, Max décrit la relation en précisant non seulement la
différence, mais également quel nombre est plus grand (80). Dans cette interaction, l‘élève
démontre qu‘il est à l‘aise de passer d‘une explication contextuelle (qu‘il a fournie avant) à une
explication mathématique (que l‘enseignant semble vouloir entendre).
31
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
Cependant, aucune de ces formulations ne semble satisfaire les attentes de monsieur White,
puisqu‘il reformule la question :
83
M. White : J‘ai une question. Comment passez-vous de ce nombre à celui-ci? Vous
souvenez-vous que vous avez dit qu‘on doit ajouter vers le bas ou que vous avez ajouté vers le
bas? Comment passer de ce côté si vous regardiez ces nombres, et si vous dites qu‘on dirait
qu‘ils, qu‘ils vont ensemble d‘une certaine façon? Comment passer de ce côté à celui-ci?
L‘enseignant efface les nombres 8, 9 et 10 du côté droit de la table et demande plus
spécifiquement quelle est la relation entre 6 et 4, 7 et 5, et 9 et 7. Cette fois, plusieurs élèves
lèvent la main pour donner une réponse. Par exemple, Éric y voit une structure.
104
105.1
105.2
105.3
105.4
105.5
106
107.1
107.2
107.3
108
109
110
Éric : Vous avez soustrait deux, chaque fois.
M. White : Quelqu‘un dit qu‘on soustrait deux, chaque fois.
Supposons que nous donnions une lettre à chacun de ces nombres.
Supposons que chaque nombre représente X, alors quand on
souhaite insérer un nombre, on remplace X par un nombre. Et si on dit « qui donne
un nombre », [cloche] bon!
Larry : Ça, c‘est la cloche de 10 h 15 du deuxième cycle.
M. White : Est-ce que quelqu‘un d‘autre, quelqu‘un d‘autre peut deviner ce qu‘on
peut mettre ici
comme petite mini-équation? Pour finir de combler les trous? [M. White pointe vers
Éric.]
Qu‘est-ce qu‘il vient de dire? Qu‘est-ce qu‘il a dit qu‘on doit faire?
Plusieurs élèves : Soustraire deux.
M. White : Insérons-le. Soustraire deux donne le nombre.
[M. White écrit au tableau : X-2=N.]
Ici, on observe le passage d‘une description de la relation fonctionnelle entre les deux côtés en
utilisant des mots (104) à une représentation symbolique.
De retour à « l’arithmétique simple »
M. White insiste ensuite sur la valeur générale de l‘exemple tiré de la table de valeurs et tente de
montrer aux élèves les avantages de l‘algèbre :
112.1
112.2
112.3
112.4
112.5
112.6
112.7
113
114
32
M. White : Maintenant, voyons si on peut le faire fonctionner. Parce que, devinez
quoi, plusieurs
tables de valeurs ont une structure comme celle-ci, où on peut insérer une petite
mini-équation. Si vous comprenez ça ici, vous comprendrez la plupart
de ce qui se passe dans le reste des tables de valeurs. Regardez cette petite équation
ici? Ça devient un peu plus difficile, mais ça fonctionne de la même façon, grosso
modo. Alors,
voyons si on peut – vous montrer comment ça fonctionne. Si on dit que X moins deux
donne
le nombre qu‘on veut, qui est ici. Si on dit que six moins deux ça donne...
Élève : Quatre.
M. White : Quatre. Alors, tout d‘un coup, on est en train de faire de l‘arithmétique
simple.
Christine Knipping
À tour de rôle, l‘enseignant et plusieurs élèves examinent d‘autres exemples, dont il écrit
quelques-uns au tableau. À la fin, monsieur White résume la conversation :
141 M. White : Alors, maintenant nous avons deux façons. Au début, nous n‘avons qu‘à
ajouter ‗un‘ vers le bas et nous avons juste ajouté ‗un‘ vers le bas. Alors, maintenant je vous ai
montré une autre façon. Devinez quoi? Vous venez juste de voir que des fois dans les maths il y a
plus qu‘une façon d‘obtenir une solution ou une réponse. Essayez de vous en souvenir. Il est
possible que je puisse résoudre ces maths avec plus d‘une façon. Alors, comment Max le fait peut
être différent de comment Alice le fait, mais il est possible qu‘ils arrivent à la même solution. Et
ceci n‘est que le début de ce que vous allez voir.
Quels sont les principes qui sous-tendent le discours instructeur et régulateur dans la classe de
monsieur White et de quelle manière pourraient-ils contribuer à l‘émergence de disparités en
classe de mathématiques lors des premières semaines d‘école? La première leçon sur les tables de
valeurs offre non seulement un aperçu de ce qui est attendu des élèves lorsqu‘ils « décodent » les
tables de valeurs, mais aussi comment cette matière est transmise (et acquise). Ce n‘est pas clair
dès le début et est annoncé comme n‘étant que « le début de ce que vous allez voir » (141.8).
J‘examine ce point de façon plus détaillée dans la section Analyses.
ANALYSES
Le cadre théorique que j‘ai décrit ci-dessus peut être utilisé de plusieurs façons pour analyser la
séquence présentée ici. J‘utilise en premier lieu la distinction entre le discours horizontal et le
discours vertical pour analyser ce que l‘enseignant répond aux explications émises par Max aux
lignes 64 et 74. Ensuite, j‘utilise le concept de praxéologie de Chevallard (2006a, 2006b) pour
analyser deux tâches données aux élèves : « combler les trous dans la table » et « trouver la
règle ». Finalement, j‘explore comment l‘idée des règles de reconnaissances et de réalisation de
Bernstein nous aide à comprendre l‘émergence de disparités en classe.
Le discours horizontal et le discours vertical et l’explication de Max
La transformation de la signification du « décodage » d‘une table de valeurs est l‘élément clé qui
ressort de cette séquence. Ainsi, en ce qui a trait au premier devoir, les attentes sont différentes au
début et à la fin de la leçon. Ce qui est perçu ici comme une réponse mathématique légitime ne
prend son sens que dans la discussion en grand groupe. Au début, il est acceptable de simplement
« combler les trous »; le savoir lié au « sens commun » semble être requis dans ce contexte. Il est
possible d‘interpréter ceci comme étant une façon d‘encourager les élèves, en donnant pour
premier devoir en mathématiques une tâche que la majorité est en mesure d‘accomplir.
Lorsqu‘Alice a correctement rempli la table de valeurs au tableau, l‘enseignant attire l‘attention
des élèves sur les nombres et leur structure. C‘est un moment important de la leçon, car la
classification devient soudainement plus forte. Le discours devient plus vertical : les structures et
les principes mathématiques sont les aspects privilégiés plutôt que le contexte « banal ou
ordinaire » de la tâche. Max décrit la structure comme « ajouter un chaque fois » (61) et
l‘enseignant exige de l‘élève qu'il précise la colonne dont il parle. La réponse de Max est
intéressante.
33
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
64
Max : N‘importe lequel ou les deux. Parce que Kevin, une année il est en sixième et
Alice a quatre ans. Alors l‘année d‘après, il va être en septième année et elle aura cinq
ans. Alors on ajoute un de chaque côté.
Max dit clairement que la structure qu‘il décrit s‘applique aux deux colonnes et il donne une
raison qui explique pourquoi la structure devrait s‘appliquer aux deux colonnes. La rétroaction de
l‘enseignant ne tient pas compte de cette explication et se concentre plutôt sur la structure en
explorant des exemples.
L‘enseignant demande à quelle colonne la structure s‘applique, mais quand un élève répond à la
question en donnant une raison, l‘enseignant continue comme si rien ne s‘est passé. Pourquoi estce ainsi? Il est possible que l‘enseignant soit axé sur le discours vertical, tandis que l‘explication
de Max est un discours horizontal, car il puise dans le savoir quotidien. D‘une part, la réponse de
Max est correcte et utile, mais d‘autre part, la réponse est inadéquate en ce qui concerne le type
de discours que l‘enseignant souhaite établir comme étant approprié dans sa classe de
mathématiques : ici, on parle vertical!
Max établit des connexions non seulement à l‘intérieur d‘une même colonne, mais également
entre les colonnes et propose de nouveau une logique qui se base sur des arguments contextuels.
Il identifie spontanément une relation entre les colonnes pour justifier pourquoi la même structure
s‘applique à l‘intérieur des deux colonnes.
74
Max : Parce que je savais qu‘elle avait deux ans de moins que l‘âge scolaire dans lequel
se trouve Kevin.
Encore une fois, l‘enseignant ne tient pas compte de l‘explication émise par Max. Avec d‘autant
plus de force, il demande immédiatement au groupe d‘identifier « la relation entre le côté gauche
de cette table de valeurs et le côté droit de la table. » En utilisant le discours vertical, l‘enseignant
pose la question à laquelle Max vient de répondre avec le discours horizontal. Toutefois, Max
lève la main et la conversation entre l‘enseignant et Max continue. Max ne répète pas sa réponse,
mais dit plutôt qu‘ « il y a une différence de deux pour chaque nombre » (78). Cette fois, Max
souligne la relation entre les colonnes en employant des termes mathématiques et des élèves
comprennent aussi bien ce qu‘il veut dire grâce à la nature de son discours.
Lors de ses interactions entre Max et monsieur White, l‘enseignant insiste sur le discours vertical,
indiquant implicitement que l‘argument contextuel n‘est pas une contribution valable. Par contre,
ce cheminement vers le discours vertical et le principe de classification sous-jacent ne sont pas
rendus explicites.
Cette analyse de la séquence met en évidence un autre aspect à considérer : le rôle des
explications dans la classe de monsieur White. Sa façon d‘enseigner est principalement
préoccupée par les procédures. Dans la prochaine section, je discute de comment ceci pourrait
mener les élèves à utiliser le discours horizontal.
« Remplir les cases vides » et « Trouver la règle »
Selon Chevallard (2006b), le savoir est inséparable de la pratique et toute praxis doit s‘inscrire
dans une logique.
34
Christine Knipping
« Une praxéologie est, d‘une certaine manière, l‘unité de base avec laquelle il est
possible d‘analyser l‘action humaine en général. […] Qu‘est-ce que la praxéologie
au juste? L‘étymologie sert de guide pour répondre à cette question. Il est possible
d‘analyser les actions humaines d‘après deux composantes principales qui sont
interreliées : d‘une part, la praxis (c.-à-d. la partie pratique) et d‘autre part, le
logos. « Logos » est un mot grec qui provient de l‘époque présocratique et qui est
utilisé régulièrement pour faire référence à la pensée et au raisonnement humain –
particulièrement à propos du cosmos […] [Selon] un des principes fondamentaux
de la TAD — la théorie anthropologique du didactique — aucune action humaine
ne peut exister sans être, au moins partiellement, « expliquée », rendu
« intelligible » ou « justifiée », par quelle que « logique » que ce soit de manière à
ce qu‘une explication ou une justification puisse être proposée. Ainsi, la praxis
suppose un logos qui, à son tour, soutient la praxis. Celle-ci a besoin de soutien,
car à long terme toute action humaine est remise en question. Bien sûr, il est
possible qu‘une praxéologie ne soit pas bonne, si la partie « praxis » est composée
d‘une technique inefficace — « technique » étant l‘appellation officielle pour
exprimer « la façon de faire » — et si la composante « logos » est constituée
presque entièrement d‘absurdités — du moins, du point de vue d‘un praxéologue!
[notre traduction] » (Chevallard, 2006b, p. 23)
Dans la classe de monsieur White, les tâches de « combler les trous » et de « trouver la règle »
exigent un savoir-faire (une technique), une certaine manière de résoudre chaque tâche.
Toutefois, l‘usage des techniques pour accomplir ces tâches doit être justifié, par une explication
ou un logos, pour employer les mêmes termes que Chevallard. Tout en analysant la séquence
présentée ci-dessus à partir de cette perspective, je vais illustrer dans quelle mesure les élèves
sont obligés d‘entamer un discours horizontal lorsqu‘ils justifient la façon de « combler les
trous » et de « trouver la règle ».
Lorsque l‘enseignant présentait pour la première fois la tâche de « combler les trous », celle-ci se
limitait à trouver les nombres afin de compléter la table de valeurs. Par contre, un autre élément
s‘ajoute à la tâche pendant que les élèves discutent à propos de leur travail en petits groupes.
Monsieur White leur demande : « quelles sont vos réponses et comment les avez-vous
trouvées? » (34). L‘enseignant souhaite donc que les élèves décrivent non seulement les réponses
qu'ils ont trouvées, mais également une technique utilisée pour les trouver. Il veut le logos de leur
praxis.
Mais quels genres d‘explications peuvent-ils donner? Ce n‘est que le contexte qui offre
suffisamment d‘information pour découvrir les prochains nombres dans les séquences. Du point
de vue des mathématiques, le prochain nombre dans la séquence « 6, 7, 8, 9 » pourrait être autre
chose. Cependant, le vécu scolaire des élèves leur permet de supposer que la neuvième année
précède la dixième année. Par conséquent, la seule explication apportée qui justifie la structure à
l‘intérieur des colonnes (Max, 64) se base sur le contexte.
La situation est similaire pour la tâche « trouver la règle ». Plusieurs fonctions pourraient être
créées qui incorporeraient les paires (6, 4), (7, 5), (8, 6), (9, 7), mais comme l‘explique Max (74),
c‘est le contexte qui dicte la fonction.
35
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
L‘enseignement de monsieur White inclut une demande implicite d‘utiliser le discours vertical et
exige des explications dans des situations dans lesquelles seulement des explications exprimées
par le discours horizontal sont possibles. Dans la prochaine section, j‘examine comment ces
aspects de l‘enseignement de monsieur White contribuent à l‘émergence de disparités dans sa
classe.
L’émergence de disparités
En gardant la séquence présentée ci-dessus en tête, il est possible de poser la question suivante :
« Qu‘enseigne-t-on réellement dans cette classe de mathématiques et pourquoi l'enseigne-t-on de
cette façon? » À la fin de la leçon, monsieur White spécifie ses deux attentes principales
concernant les acquis des élèves lors de cette leçon :
112.1
112.2
112.3
112.4
M. White : ... plusieurs
tables de valeurs ont une structure comme celle-ci, où on peut insérer une petite
mini-équation. Si vous comprenez ça ici, vous comprendrez la plupart
de ce qui se passe dans le reste des tables de valeurs.
141.1
141.2
M. White : Vous venez juste de voir que des fois dans les maths il y a plus
qu‘une façon d‘obtenir une solution ou une réponse.
Cependant, la description d‘une relation fonctionnelle entre les deux colonnes d‘une table de
valeurs à l‘aide d‘une équation, ni la recherche de plusieurs solutions au problème, n‘étaient pas
explicités comme objectifs de l‘activité par l‘enseignant. Au contraire, la tâche initiale est bien
différente : de combler des trous dans une table qui résume des informations provenant d‘un
contexte quotidien. « Comprendre les tables de valeurs » dans la classe de monsieur White ne
signifie pas de combler les trous sur la base des connaissances du monde de tous les jours, mais
plutôt de formuler une relation fonctionnelle en termes symboliques. Pourquoi l‘enseignant ne le
rend-il pas explicite dès le commencement?
Plusieurs raisons pourraient expliquer ceci. Au début de l‘année scolaire dans une nouvelle école,
les enseignants ne connaissent pas leurs élèves et les élèves ne savent pas à quoi s‘attendre en
classe. Les enseignants comme monsieur White tentent d‘accueillir leurs élèves en les
encourageant, en leur donnant des tâches que les élèves pourront sûrement réaliser et en les
orientant pas à pas afin de les aider à comprendre ce qui est attendu d‘eux. Il est possible que le
fait de rendre explicite ce que l‘on attend des élèves en mathématiques risque de les surcharger et
que ce ne soit pas approprié pour la première leçon de l‘année.
De plus, les enseignants pourraient essayer d‘adoucir la transition plutôt brusque entre le primaire
et le premier cycle du secondaire en utilisant des activités centrées sur l‘apprenant que les élèves
ont déjà vues dans les années précédentes. La présentation de la table de valeurs dans le manuel
que monsieur White utilise en classe peut être perçue comme un exemple dans lequel le contenu
mathématique est recontextualisé dans un contexte apparemment quotidien.
Toutefois, cette approche risque de contribuer à la stratification de la classe. Ci-dessus, j‘ai décrit
comment l‘attente d‘un logos de leur praxis pousse les élèves vers le discours horizontal, tandis
qu‘en même temps l‘enseignant souhaite établir que c‘est le discours vertical qui est approprié en
mathématiques. Ceci est également évident lorsque monsieur White guide la classe dans la
reformulation en termes symbolique de la relation entre les colonnes. L‘équation X-2=N fait
36
Christine Knipping
manifestement partie du discours vertical. Elle n‘a plus de lien avec le contexte quotidien dans
lequel la tâche s‘inscrivait. De plus, même les lettres choisies pour représenter les variables (X et
N) ne renvoient plus aux étiquettes initiales « L‘année scolaire de Kevin » et « L‘âge d‘Alice ».
Pourtant, cette décontextualisation s‘est opérée entièrement de façon implicite. Seulement les
élèves qui sont en mesure de passer du discours horizontal au discours vertical peuvent
reconnaître correctement lequel est valable à tel ou tel moment. Ils possèdent la règle de
reconnaissance nécessaire pour leur permettre de juger qu‘un discours différent est de mise et la
règle de réalisation pour se lancer et l‘appliquer. Les étudiants qui ne possèdent pas la règle de
reconnaissance risquent d‘être un peu perdus, car le principe de classification est implicite, ce qui
signifie que la situation en classe leur offre moins d‘occasions d‘apprentissage.
Seulement quelques étudiants, les étudiants doués comme Max, semblent savoir ce qui est
attendu d‘eux et sont capables d‘adopter les comportements que l‘enseignant favorise. Ces
étudiants possèdent à la fois les règles de reconnaissance et de réalisation nécessaires pour jouer
dans le nouvel environnement avec succès. Soit les autres élèves se rendent compte qu‘ils ne
reconnaissent pas ce qu‘on attend d‘eux, soit ils se sentent incapables de satisfaire les attentes de
l‘enseignant. Puisque l‘enseignant ne rend pas explicite ce qui est important de reconnaître et de
réaliser, plusieurs élèves quitteront leurs premières rencontres en mathématiques sans avoir le
sentiment de réussite, bien que l‘enseignant tente possiblement de créer pour eux un
environnement favorable.
Les pratiques d‘enseignement de monsieur White sont fortement classées, mais le genre de
discours qu‘il valorise n‘est indiqué que de façon implicite. De telles pratiques sont très
sélectives, donnant l‘avantage à ceux qui possèdent déjà les règles de reconnaissance et de
réalisation nécessaires. Hasan (2001) met de l‘avant un point similaire dans le contexte du
passage de l‘environnement scolaire de la maternelle à celui du primaire :
« Avec leur plus grande classification du contexte et leur cadrage du discours plus serré, avec
leurs significations plus largement décontextualisées […] il semble très improbable que les écoles
puissent fournir le meilleur environnement pour apprendre comment utiliser ce genre de langage,
en ce qui a trait aux enfants qui ne possèdent pas encore cette expertise dans une certaine mesure
avant d‘entrer à l‘école. [notre traduction] » (p. 74)
En examinant la séquence présentée ci-dessus, il est tout de même évident que les élèves ne
s‘impliquent pas de façon égale. Certains élèves sont silencieux, tandis que d‘autres (Alice, Nick,
Éric, Larry et Max) participent plus activement. Il est néanmoins possible d‘observer des
différences même parmi ces derniers. Alors que la majorité peut contribuer au plan procédural ou
opérationnel, ce n‘est que Max qui semble se lancer complètement dans les multiples niveaux de
la conversation que monsieur White propose. Il arrive même que Max « devance » la
conversation, discutant de différents aspects de la table de valeurs, en même temps, bien que
l‘enseignant choisisse d‘aller plus lentement, pas à pas. Quelques-unes des explications que Max
donne sont tout simplement ignorées, mais ceci ne paraît pas l‘intimider. Il répond plutôt à la
demande de l‘enseignant et montre qu‘il est en mesure de passer d‘une perspective à l‘autre (ex. :
une explication contextuelle et une explication mathématique).
La rhétorique de multiples solutions est utile aux élèves comme Max qui ne sont pas intimidés
par ce qu‘on attend d‘eux, mais qui tiennent à leur propre logique et sont capables de passer
facilement des attentes à ce qu‘ils pensent. D‘autres élèves dépendent plus des critères et des
37
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
standards de l‘enseignant. Comme nous l‘avons observé dans cette séquence, certains élèves ne
participent que lorsque l‘enseignant rend ses attentes explicites. D‘autres encore ne participent
pas du tout et une des raisons pourrait bien être qu‘ils ne comprennent pas bien ce que
l‘enseignant souhaite entendre.
CONCLUSIONS
Monsieur White ne cherche pas dès le départ à cerner les élèves qui ont la bosse des
mathématiques, bien qu‘il croit que certains l‘ont. Plutôt, il tente de créer un environnement de
classe dans lequel tous les élèves peuvent réussir. Ceci le conduit à mettre l‘accent sur des
procédures par étapes, pour utiliser des concepts quotidiens dans les tâches, et à demander aux
élèves d‘expliquer leur raisonnement. Cependant, la combinaison de ces composantes, ainsi que
la valorisation implicite du discours vertical par monsieur White, contribue à la stratification de
sa classe. Les concepts émis par Bernstein : de classification forte et faible, de discours vertical et
horizontal, et des règles de reconnaissance et de réalisation, avec la praxéologie de Chevallard,
nous offrent un cadre théorique selon lequel il est possible de décrire l‘émergence de disparités en
classe de mathématiques. Ce cadre descriptif, avec l‘étude comparative des classes dans des
systèmes scolaires qui sont explicitement sélectifs et nominalement inclusifs, assure le fondement
pour étudier les mécanismes qui sous-tendent l‘émergence de disparités en classe de
mathématiques à l‘école.
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39
La didactique, un levier pour tenir compte des contextes; les contextes, un
levier pour théoriser le genre didactique
Lucie DeBlois
Université Laval
RÉSUMÉ. La didactique étudie les relations entre l‘apprentissage et l'enseignement d‘une
discipline pour cerner les conditions d‘apprentissage. Dans cet article, je discuterai de l‘influence
du contexte sur l‘apprentissage des élèves qui résolvent des problèmes. Je présenterai aussi des
recherches exposant l‘influence des contextes sur l'interprétation des concepts mathématiques et
sur la communication mathématique. Enfin, je distinguerai l‘influence du contexte sur
l‘enseignement avec des élèves en difficultés d'apprentissage, avec des élèves en milieux
défavorisés et avec des élèves en milieu minoritaire francophone. Nous terminerons en évoquant
des éléments de réponses aux questions relatives au rôle de la didactique compte tenu des
programmes d‘études et des préoccupations à l‘égard de la formation des enseignants et de la
réussite scolaire des élèves.
INTRODUCTION
La notion de « compétence » ou de « Learning outcomes » utilisées au Nouveau-Brunswick,
exige de créer des tâches qui permettent aux élèves de prendre des décisions à la lumière des
savoirs développés en classe. En effet, une compétence s‘exerce en contexte. Cela conduit les
enseignants à observer davantage d'erreurs chez leurs élèves, ce qui est inévitable lorsqu‘une
approche par la résolution de problème est privilégiée. Il y a donc nécessité de questionner la
place du contexte et son rôle dans l‘enseignement et l'apprentissage des mathématiques et, par
conséquent, le rôle de la didactique.
Cet article vise à discuter la notion de contexte pour cerner son influence dans l‘enseignement et
l'apprentissage des mathématiques. Afin d‘atteindre ce but, je distinguerai l‘apprentissage des
mathématiques à travers les contextes et l‘enseignement des mathématiques dans des contextes.
C‘est ainsi que je m‘attarderai d'abord à des problèmes, à des concepts mathématiques qui
s‘inscrivent à travers une variété de contextes et à la communication générée. Je questionnerai
ensuite l‘enseignement des mathématiques dans des contextes comme les milieux socioéconomiquement faibles, les élèves en difficultés d‘apprentissage et les milieux minoritaires
francophone. Il deviendra ainsi possible de définir la notion de contexte pour apporter des
éléments de réponses aux défis posés.
L’APPRENTISSAGE DES MATHÉMATIQUES À TRAVERS DES CONTEXTES
J‘ai d‘abord cherché à répondre à la question suivante : Quelles sont les difficultés posées par les
différents contextes utilisés dans les activités des enseignants et des manuels? Comment les
contextes des problèmes et des tâches jouent-ils sur l‘apprentissage des mathématiques. Pour ce
faire, j‘ai recensé certains résultats de recherches portant sur les problèmes proposés aux élèves,
les contextes dans lesquels certains concepts mathématiques sont enseignés aux élèves et les
contextes suscitant le développement d‘une communication en mathématiques.
Lucie DeBlois
Les problèmes proposés aux élèves
La théorie des champs conceptuels de Vergnaud (1981) convie à jouer sur les variables
didactiques, des éléments du contexte d‘un énoncé mathématique. Considérées comme élément
d‘un contexte, l‘utilisation de nombres plus grands influence les procédures des élèves. En effet,
alors que le dessin permet de représenter de petites quantités pour trouver une somme ou un reste,
l‘algorithme de l'addition et de la soustraction deviennent nécessaires aux opérations comportant
de grands nombres. En outre, les problèmes d‘ajout ou de retrait, comportant la recherche du
terme manquant, élargissent l‘interprétation des nombres. Ces derniers ne représentent plus
seulement le cardinal d‘une collection, mais une transformation positive ou négative.
Il y a plus de dix ans, Radford (1996) comparait deux tâches proposées à des élèves du
secondaire : l‘une proposait le contexte de l‘achat de fruits alors que la deuxième offrait un
contexte mathématique faisant intervenir la même structure et les mêmes nombres :


On peut acheter 3 kg de bananes pour le même prix que 2 kg de pêches. Si le kg de pêches
coûte 40 cents de plus que le kg de bananes, combien coûte un kg de bananes?
On prend un nombre, on lui ajoute 0,40 et ce qui en résulte est multiplié par 2. Cela donne
le triple du nombre pris au départ. Quel était ce nombre?
Il observait que la première tâche conduisait certains élèves à confondre « le kg de pêches coûte
40 cents » avec le kg de pêches « coûte 40 cents de plus », ce qui ne se produisait pas pour le
deuxième problème. Dans ce cas, le contexte semble faire obstacle à une compréhension
relationnelle de l‘énoncé de la part des élèves.
Durant la même période, une étude portant sur les problèmes de réunion d‘ensembles et de
complément d‘un ensemble offre un contexte de fruits (DeBlois, 1997a). Des élèves de 8 ans,
identifiés en difficulté d'apprentissage, résolvent le problème par une comparaison entre les
moments de l‘histoire (avant-après). Par la suite, une comparaison entre les sous-ensembles et
l‘ensemble total ou encore entre les nombres, les conduit à reconnaître la relation d‘inclusion qui
est alors interprétée comme « un manque ». Ces élèves utilisent ainsi des expériences issues de
tâches portant sur l‘ajout et le retrait de collections d‘objets (avant-après) pour interpréter les
relations entre les données du problème, puis élaborer une compréhension de la relation
d‘inclusion.
Alors que dans l‘exemple de Radford (1996), le contexte semble faire obstacle à l‘interprétation
des élèves; dans l‘exemple de DeBlois (1997), il pourrait favoriser l‘interprétation des élèves.
Voyer (2010) s‘est attardé à l‘influence de la lecture impliqué lors de la résolution de problèmes
mathématiques auprès de 750 élèves de 11- 12 ans. Ses résultats montrent que les habiletés en
lecture des élèves, bien qu‘elles favorisent le contrôle des intentions de lecture des élèves,
n‘expliquent que 20% de la variance des résultats obtenus. Il a aussi distingué, notamment, les
éléments situationnels et les éléments explicatifs d‘un problème. Les éléments situationnels d‘un
problème visent à décrire le contexte du problème et à situer le questionnement mathématique,
comme le problème des fruits de Radford ou de DeBlois. Les éléments explicatifs ont pour but de
rendre explicites les relations entre les données du problème. Ses résultats montrent que les
éléments situationnels et les éléments explicatifs contribuent de manière différente à la
compréhension de l‘énoncé mathématique. Ainsi, les éléments explicatifs d‘un énoncé
contribueraient davantage à une première représentation du problème par les élèves, plus
particulièrement chez les élèves faibles en mathématiques. En précisant les relations entre les
41
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
données, l‘enjeu du problème se trouve toutefois dévoilé. L‘ajout d‘éléments explicatifs risque de
livrer aux élèves les enjeux du problème, leur évitant ainsi de construire les relations
mathématiques visées.
Les concepts enseignés aux élèves
Les recherches réalisées en didactique ont permis d‘identifier comment jouent les contextes
durant l'apprentissage de plusieurs concepts mathématiques comme les statistiques, la moyenne
les fractions et les décimaux. Par exemple, les travaux de Parker et Lienhart (1994) ont permis de
préciser que, selon les contextes, le pourcentage pouvait être interprété comme un nombre,
notamment lorsqu‘il était possible de réaliser des opérations sur ce dernier. Il pouvait aussi être
interprété comme une statistique ou comme un rapport exprimant une augmentation, une
diminution ou encore une grandeur entre deux parties selon les contextes. En outre, les travaux de
Mary et de Gattuso (2005) sur la notion de moyenne nous ont sensibilisés à l‘influence du
contexte. Elles observent que les élèves réussissent mieux les problèmes de moyenne dans le
contexte du poids plutôt que ceux d‘âges ou de notes. L‘hypothèse posée pour expliquer cette
situation tient au sens que les élèves attribueraient au total. Enfin, les fractions sont utilisées dans
une variété de contextes.
Une étude de Mercier et DeBlois (2004) a permis de reconnaître que les manuels scolaires
québécois exploitent plus particulièrement la fraction comme partie d‘un tout, comme mesure et
comme nombre pour calculer ou pour le situer sur la droite numérique. Certains contextes, plus
fréquents que d‘autres dans les manuels scolaires, influencent l‘interprétation des élèves, ce qui
pourrait expliquer leur difficulté avec ce type de nombres. Le contexte opérateur serait l‘un des
moins présents dans ces manuels. C‘est pourtant celui à partir duquel la multiplication d‘un
naturel par une fraction est facilitée. Le contexte « partie d‘un ensemble » prend un peu plus
d‘importance dans les manuels scolaires du primaire, alors que les contextes « quotient » et
« probabilité » sont plus importants en sixième année. Enfin, le contexte « rapport » occupe le
quatrième rang en première secondaire, ce qui devient nécessaire compte tenu de l'apprentissage
des proportions. Enfin, les travaux de Roditi (2008) sur les décimaux montrent comment le
matériel devient un contexte qui influence la représentation de la notion en jeu chez l‘élève. On
sait que plusieurs élèves comparent les nombres décimaux en comptant la quantité de chiffres
après la virgule. Roditi (2007) a posé l‘hypothèse selon laquelle les élèves privilégient l‘aspect
syntaxique de l‘écriture, contournant une procédure utilisant une valeur approximative ou la
mesure. Il a donc proposé aux élèves de comparer ces nombres en utilisant des pièces de
monnaie, des graduations, des carrés quadrillés, du papier blanc, une règle graduée et une paire
de ciseaux. Il leur a ensuite demandé de déterminer quelle affirmation, ci-dessous, était vraie.


« Un élève m‘a expliqué que comme 7 était plus petit que 14, 8,7 était plus petit que 8,14.
Qu‘est-ce que tu en penses? »
« Un autre élève comme toi avec qui je travaillais m‘a dit que 7 dixièmes c‘était pareil
que 70 centièmes, et que 70 étant plus grand que 14, c‘était 8,7 qui était plus grand que
8,14. Qu‘est-ce que tu en penses? »
Il a pu observer que le fait de mettre en relation la représentation décimale des nombres et
différentes procédures pour les situer entre eux, ou pour appréhender leur distance, s‘avérerait
efficace pour susciter une compréhension.
42
Lucie DeBlois
Des contextes social, historique et culturel pour développer une communication dans un
langage mathématique
Ruhal (1996) reconnaît que le contrôle du sens dans des activités géométriques se fait dans un
sens d‘ordre culturel et non mathématique. Annie Savard (2008) fait une observation semblable à
l‘égard de l'apprentissage des probabilités. En effet, en proposant à des élèves de 9 ans d‘étudier
la notion de probabilités, au moyen de lectures portant sur l‘évolution de la fabrication des dés et
sur l‘utilisation de différentes sortes de dés (6 faces, 8 faces, 100 faces…), elle a repéré comment
leurs préoccupations sur les aspects géométriques des dés ont conduit ses élèves à utiliser un
langage géométrique juste (cube, carré, triangle, forme rectangulaire, forme triangulaire). Ce type
de langage a ensuite permis de discuter des rapports des cas favorables sur les cas possibles entre
les différents dés pour prendre conscience des probabilités théoriques.
En conclusion, l’apprentissage des mathématiques à travers des contextes variés semble jouer
sur le contrôle du sens que l‘élève accorde aux problèmes et aux concepts mathématiques. En
effet, la compréhension d‘un énoncé mathématique montre qu‘un énoncé mathématique exige
davantage que la lecture. En outre, l‘interprétation à donner aux concepts en jeu exige davantage
que la connaissance d‘un algorithme. Le contexte pourrait répondre aux questions portant sur la
transposition ou le transfert de la vie réelle à un savoir mathématique comme la manifestation
d’un passage. Ce dernier transforme en contexte mathématique des situations issues d‘un
contexte socioculturel.
ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES DANS DES CONTEXTES
Le conseil canadien de l'apprentissage publiait en 2010 une étude portant sur différentes pratiques
enseignantes afin d‘en comparer la pertinence. Il conclut que : « Le rendement des élèves
dépendrait davantage du niveau adéquat de ressources allouées au renforcement des capacités et
des connaissances des enseignants, ainsi qu‘au recrutement de bons candidats, qu‘au choix d‘une
approche d‘enseignement plutôt qu‘une autre ». (Conseil canadien sur l‘apprentissage, 2009). Ces
résultats auraient-ils été comparables en considérant les contextes dans lesquels évoluent les
enseignants?
Les élèves en difficulté d’apprentissage en mathématique
Il convient d‘abord de préciser ce que nous entendons par difficultés d‘apprentissage en
mathématiques. Pour certains la difficulté d‘apprentissage correspond à une erreur persistante
(adaptation, mobilisation) et ce, malgré plusieurs interventions de l‘enseignante ou de
l‘enseignant et les conditions d‘apprentissage optimales (complexité, situations réelles,
régulations par les pairs…). Pour d‘autres, l‘élève, placé devant une tâche semblable à celle de
ses pairs ou face aux notions des programmes d‘études, ne progresse pas suffisamment pour une
période de temps déterminé. Il ne peut repérer les connaissances pertinentes au contexte proposé
à la suite de l‘aide proposé.
Les études portant sur le développement de la pensée des élèves en difficultés que j‘ai menées
montrent les défis à relever. J‘ai présenté à des élèves de 8 ans le probleème de comparaison
suivant : « Tu as 14 billes. Tu as 5 billes de plus que ton ami. Combien de billes ton ami a-t-il? »
(DeBlois, 1997a). Malgré sa procédure correcte lorsqu‘il soustrait 5 de 14, l‘élève ne peut
expliquer à quoi correspond le nombre 9. Il ne peut concevoir que le résultat obtenu correspond
43
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
au nombre de billes de l‘ami. En effet, ce type de problème exige que les élèves reconnaissent
l‘implication de la relation « si… alors », d‘abord par une évaluation qualitative de l‘ensemble le
plus grand ou le plus petit, pour réaliser une correspondance terme à terme entre les éléments de
chacun des ensembles. Le dénombrement de ce qui manque permet ensuite d‘interpréter le
résultat obtenu autrement que comme un reste.
Ce type de contexte exige l‘étude des interactions élèves-tâche pour cerner la logique des élèves
et proposer une intervention adaptée. La manifestation d‘erreurs persistantes se dévoile surtout
lors des activités de décontextualisation et de recontextualisation et lors des passages d‘un
registre numérique à un registre algébrique ou géométrique. Il devient ainsi fondamental
d‘identifier « ce qui a été transféré » et comment ce transfert a été réalisé de la part des élèves.
L‘enseignement des mathématiques, dans le contexte de l‘intervention auprès d‘élève qui
éprouvent des difficultés d‘apprentissage, exige donc de se préoccuper des interactions élèvestâches, ce qui nécessite de revoir le rôle de l‘enseignant qui évalue. Les résultats de notre dernière
recherche portant sur les relations entre l‘interprétation des enseignants et l‘intervention devant
des erreurs d‘élèves (DeBlois, 2009a; 2009b, 2009c ; 2010a ; 2010b) permettent de cerner
comment la sensibilité des enseignants oriente leurs préoccupations, puis le choix des
interventions lorsqu'ils étudient les productions de leurs élèves. Le développement de leur
sensibilité à de nouveaux « milieux » alimente leurs interprétations et leurs interventions.
L’enseignement des mathématiques dans le contexte des milieux défavorisés
Une variété de réalités recouvre cette appellation. Par exemple, ces milieux regroupent des
parents scolarisés, mais pour qui la charge monoparentale les place dans des situations difficiles.
D‘autres sont analphabètes ou éprouvent des problèmes de santé mentale. L‘accompagnement
des parents est alors variable puisque plusieurs facteurs jouent sur leur disponibilité. La
proportion d‘élèves à risque de devenir en difficultés plus grande prend alors son origine dans la
valorisation de l‘école, dans l‘acquisition du rôle d‘élève, dans la pauvreté de la communication
entre parents et enfants ou encore dans l‘influence du climat de la famille sur celui de la classe.
Quels défis pour l‘enseignement des mathématiques dans le contexte du milieu défavorisé?
Giroux (2005) a étudié les procédures chez des élèves de première année issus de milieux
favorisés et de milieux défavorisés montréalais. Elle a constaté peu de différence dans les
conduites des enfants sur la suite numérique selon leur milieu social. Elle a plutôt observé
comment certaines connaissances servaient de tremplin aux élèves pour développer des
procédures (opérations). Par exemple, les connaissances-décades (20-30-40, etc.) semblent
favoriser la composition de mot-nombre de la même décade (21-22-23, etc.). Des connaissances
charnières « plus un c‘est le suivant », « moins un c‘est le précédent », « juste un peu plus grand
que », « juste un peu plus petit que », « après », « avant » faciliterait le passage du nombre aux
opérations. Toutefois, malgré le fait que le cheminement des élèves soit le même, les élèves issus
de milieux défavorisés utiliseraient moins leurs connaissances pour opérer sur des nombres ou
résoudre des problèmes.
Une expérience réalisée avec des enseignantes et des stagiaires en milieu défavorisé (Boily,
2006) a permis de constater que le vocabulaire et les expériences familiales influencent la
compréhension des notions mathématiques (partage, après vs sur, rabais, solde). Cette expérience
a aussi permis de questionner les raisons pour lesquelles on choisit d‘enseigner, de même que
celles pour lesquelles on enseigne les mathématiques. Ces questions ont amené une réflexion sur
44
Lucie DeBlois
les intentions d'enseignement et le rôle à jouer en classe. En effet, ce questionnement a permis de
revoir le sens accordé aux mathématiques, notamment par la confrontation des conceptions des
enseignants et des stagiaires. Ce questionnement a aussi permis de relativiser les maladresses
d‘enseignement, de distinguer les signes de difficultés d‘apprentissage (l‘élève attend, a le regard
vide…) et les signes d‘apprentissage (cherche ses mots pour exprimer ce qu‘il observe…).
Enfin, un modèle a permis d‘intégrer les notions de capital social et de résilience (Zang et al.,
2008, Power et DeBlois, 2011). Ce modèle a conduit à préciser trois dimensions importantes dans
lesquelles s‘inscrivent les observations des recherches : la dimension structurale, la dimension
normative et la dimension interactive. Par exemple,. la dimension structurale se manifeste par la
modulation des intentions pédagogiques. Ces intentions permettent l‘ancrage des apprentissages
des élèves selon les besoins du milieu. La dimension normative contribue à préciser l‘attribution
d‘une variété de rôles aux élèves et l‘identification des moments propices à une évaluation, ce qui
peut modifier les habitudes d‘enseignement. Enfin, la dimension interactive est dynamique.
L‘attention est alors portée, par exemple, aux conceptions des enseignants à l‘égard des notions
mathématiques, conceptions qui filtrent l‘observation des élèves et l‘attention portée au code
restreint évoqué par Knipping (2010). Une sensibilité à d‘autres « milieux » de l‘environnement
que ceux habituellement utilisés peut émerger d‘un changement de conceptions. Les défis de
l‘enseignement des mathématiques dans ce contexte concernent donc davantage les intentions
pédagogiques en fonction des besoins du milieu et la capacité à transformer sa pratique.
L’enseignement des mathématiques dans le contexte du milieu minoritaire
Certains problèmes sont fréquemment évoqués lorsqu‘il est question d‘enseignement et
d‘apprentissage en milieu minoritaire. Ainsi, d‘Entremont (2000) rappelle le manque de
ressources humaines et matérielles, les effets de la langue à la maison et avec les pairs sur la
littératie, les relations entre les compétences en littératie et la numératie. Les travaux de
Lewthwaite, Stoeber et Renaud (2007) montrent que les exigences à l‘égard de l‘expertise des
enseignants semblent plus complexes en raison des capacités langagières des élèves. Par
exemple, les aspirations de la communauté scolaire, à l‘égard de l'acquisition de la langue par
exemple, pourraient se faire au détriment de l'expérience offerte aux élèves.
Les évaluations Pisa 2003 (Rousseau, Freiman, Savard et DeBlois, 2008) en mathématiques nous
apprennent que, si on ne tient pas compte du niveau de littératie des élèves francophones vivant
en milieu minoritaire, ces derniers ont des résultats inférieurs à ceux de leurs homologues
anglophones vivant en milieu majoritaire. Par contre, à niveau de littératie égal, les élèves
francophones en milieu minoritaire présentent une plus grande compétence en numératie que les
anglophones. Ainsi, les différences en mathématiques entre les élèves francophones minoritaires
et les élèves anglophones majoritaires sont moins importantes chez les élèves qui ont un haut
niveau de compétence en littératie.
En juin 2010, un accord sur l‘éducation autochtone établit un nouveau cadre permettant la
révision des programmes universitaires et de nouveaux partenariats avec ces communautés afin
de mieux refléter les valeurs et objectifs éducatifs des peuples autochtones (Nouvelles Réseau
AMEQ en ligne, 2 juin 2010). Cette approche favoriserait l‘élaboration de méthodes
d‘enseignement qui respectent les besoins et les références culturels spécifiques des Premières
nations. Par exemple, on remet en question le fait d‘enseigner la circonférence sur la Côte Nord
du Québec en utilisant l‘illustration de la Grande Roue à La Ronde ou encore la notion de
parallèles en l‘illustrant par un chemin de fer.
45
GDM 2010 – CONFÉRENCES PLÉNIÈRES
Le contexte minoritaire invite donc à porter une attention non seulement au niveau de littératie
des élèves, mais aussi aux aspirations de la communauté. Kahn et al. (1998) présentent alors
l‘apprentissage comme « changement de points de vue ».
EN CONCLUSION
Il semble que la notion de contexte se décline différemment selon que les questions se formulent
à travers les contextes ou dans des contextes. Quelle didactique pourra supporter l‘enseignement
et l‘apprentissage des mathématiques à travers et dans ces contextes? Des contextes variés
semblent jouer sur le contrôle du sens que l‘élève accorde à l’apprentissage des mathématiques.
Dans ces conditions, la didactique peut contribuer à préciser les interprétations des élèves et les
obstacles créés afin de proposer des conditions d‘apprentissage favorables. En effet, comme le
rappelle Ruhal (1996), la didactique se donne le projet de déterminer si les conditions qui sont
faites auraient pu permettre d'apprendre. Des recherches portant sur les passages de situations
issues d‘un contexte socioculturel à un contexte mathématique pourraient éclairer les enseignants
qui doivent créer des conditions dans des contextes particuliers. Les défis qui se posent sont alors
nouveaux.
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47
Une étude du développement professionnel d’enseignants par le biais de leur
travail sur des ressources pédagogiques liées au développement du potentiel
mathématique et de l’insertion de celles-ci dans leur pratique :
Une étude de cas.
Geneviève Barabé, Hassane Squalli et Claudine Mary
Université de Sherbrooke
RÉSUMÉ. Cet article présente la problématique et le cadre de référence d‘un projet de maîtrise
sur le développement professionnel des enseignants. Dans ce projet, nous nous intéressons à
l‘étude du développement professionnel des enseignants par le biais de leur travail sur des
ressources pédagogiques. Dans le cadre d‘une recherche collaborative ayant pour but le
développement professionnel d‘orthopédagogues et d‘enseignants, effectuée par des chercheurs
de l‘Université de Sherbrooke, des ressources pédagogiques visant le développement du potentiel
mathématique des élèves en difficulté ont été conçues, adaptées et modifiées. Nous appuyant sur
l‘approche documentaire du didactique de Geudet et Trouche (2008), nous étudierons
l‘intégration de ces ressources pédagogiques dans les pratiques enseignantes.
UN CONTEXTE
ENSEIGNANTE
DE
PROFESSIONNALISATION
DE
LA
PROFESSION
Au Québec, depuis quelques années, la professionnalisation de l‘enseignement est un sujet de
premier plan. En effet, en 2001, le ministère de l‘Éducation a rédigé un énoncé de politique de
formation des enseignants qui a contribué à relancer le mouvement de professionnalisation initié
depuis le rapport de la Commission royale d‘enquête sur l‘enseignement dans la province de
Québec, le rapport Parent.
En 1964, le rapport Parent a eu une influence majeure sur le développement du système
d‘éducation québécois notamment en proposant la création d‘un ministère de l‘Éducation du
Québec, la scolarisation obligatoire jusqu‘à l‘âge de 16 ans, la création des CÉGEP pour
remplacer les collèges classiques, la formation poussée des enseignants, ainsi que la facilitation
de l‘accès aux Universités. Le ministère de l‘Éducation ainsi créé décida, en 1964, de confier la
formation et le perfectionnement des enseignants aux Universités afin que ceux-ci reçoivent une
formation davantage scientifique : « Pour en faire de vrais éducateurs, on veut donner à tous les
futurs maîtres une véritable formation pédagogique, basée sur des études assez poussées en
psychologie et en sciences sociales » (Commission Parent, 1964, p. 18). Ce faisant, ce rapport a
donc amorcé les réflexions au sujet de la professionnalisation de l‘enseignement par le souci de la
formation prodiguée aux enseignants.
Par la suite, le modèle de formation des enseignants a continué d‘évoluer au sein des différentes
universités québécoises. Mais, bien que le ministère de l‘Éducation imposait aux Universités
certaines exigences, celles-ci n‘étaient pas tenues de les appliquer rigoureusement. Plus tard, en
1992, le ministère de l‘Éducation donnait aux Universités un document contenant des savoirs et
des savoir-faire qui devaient être enseignés aux futurs enseignants. Toutefois, le concept de
compétence, que l‘on retrouvait dans le document n‘était pas défini ce qui laissait place à
Geneviève Barabé, Hassane Squalli et Claudine Mary
diverses interprétations, plus ou moins près des exigences ministérielles, de la part des
Universités (Mellouki et Gauthier, 2005). Le développement du modèle professionnel continuait
donc tranquillement son chemin jusqu‘à la réforme de 2001 qui a été encore plus favorable à la
professionnalisation. En effet, Mellouki et Gauthier (2005) avance l‘idée que la nécessité d‘une
formation à caractère professionnelle a été sans cesse rappelée depuis le rapport Parent, sans
toutefois apparaître dans les textes officiels du ministère de l‘Éducation jusqu‘à l‘énoncé de
politique de formation des enseignants en 2001. Ainsi, ce nouveau document clarifie les
orientations de l‘approche de formation par compétences notamment en établissant et définissant
douze compétences professionnelles que les enseignants doivent développer non seulement au
cours de leur formation, mais tout au long de leur carrière. Ces compétences professionnelles se
veulent être une réponse pour transformer les pratiques enseignantes suite à la révision des
curriculums scolaires. Cette approche par compétence favoriserait donc, chez les enseignants, une
conception de l‘apprentissage axée sur les processus eux-mêmes afin de répondre à la réforme du
curriculum et des programmes (Conseil supérieur de l‘Éducation, 2004). Ce faisant, pour le
Conseil supérieur de l‘Éducation, la réforme de 2001 appuie le mouvement de
professionnalisation de l‘enseignement en conviant les enseignants au développement de
compétences professionnelles liées à l‘autonomie et à l‘exercice du jugement professionnel. Par
ailleurs, le Conseil y entrevoit l‘élargissement de la sphère des compétences des enseignants qui
se situe à l‘intérieur de la classe et aussi dans le partenariat avec les autres acteurs de l‘éducation
en vue de favoriser l‘apprentissage des élèves (Ibid.).
Ainsi, dans cette perspective de professionnalisation, les enseignants sont appelés à développer
des compétences professionnelles tout au long de leur carrière. À cet effet, dans le document de
formation à l‘enseignement, le ministère de l‘Éducation a défini le concept de
professionnalisation. Ce dernier renvoie à deux concepts, ceux de professionnalité et de
professionnisme. La professionnalité réfère au développement et à la construction de
compétences nécessaires pour exercer une profession tandis que le professionnisme a trait au
statut social de la profession, c‘est-à-dire à une reconnaissance sociale et légale de la profession
(Gouvernement du Québec, 2004). Parmi les douze compétences professionnelles devant être
développées par les enseignants, l‘une traite spécifiquement du développement professionnel afin
de résoudre des problèmes d‘enseignement et de perfectionner les pratiques. Effectivement, la
compétence 11 du référentiel de compétences professionnelles invite les enseignants à
« s‘engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel »
(Ibid., p. 125). Notamment, dans les composantes de la compétence, on retrouve l‘importance de
mener des projets pédagogiques pour résoudre des problèmes d‘enseignement ainsi que de
réfléchir sur sa pratique et réinvestir les résultats de sa réflexion dans l‘action (Ibid.). Qui plus
est, « Gersten, Vaugh, Deshler et Schiller (1997) précisent que pendant un bon moment, le
développement professionnel visait à amener les enseignants à maîtriser des savoirs procéduraux,
alors que de plus en plus les activités de développement professionnel visent à amener les
enseignants à prendre conscience de leurs pratiques, des connaissances qui influencent leurs
prises de décision, et ce, en fonction des problèmes qu‘ils rencontrent » (Brodeur, Deaudelin et
Bru, 2005, p. 7). Ce passage à une pratique réflexive se situe dans les visées de
professionnalisation puisqu‘elle traduit bien la pratique professionnelle dans laquelle l‘autonomie
et la responsabilité sont des caractéristiques essentielles.
49
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Dans cette idée de professionnalisation, le ministère de l‘Éducation du Québec (MEQ) « […]
convie le personnel enseignant à envisager le développement professionnel de manière plus large
et à :
1) dépasser la notion de perfectionnement pour l‘inclure dans un concept de formation continue
ou, autrement dit, de passer d‘activités ponctuelles à un processus de développement intégré;
2) cesser de voir la formation continue comme une adaptation à des ―caprices bureaucratiques‖
pour la voir comme le développement des compétences nécessaires pour relever les nouveaux
défis auxquels l‘école fait face; […] » (CSE, 2004)
Ainsi, le MELS encourage la formation continue des enseignants afin que ceux-ci perfectionnent
leurs compétences professionnelles pour mieux répondre aux besoins des élèves, en particulier
ceux en difficulté d‘apprentissage. À cet égard, la recherche collaborative et la recherche-action
sont des voies à favoriser (Poupart Groulx, Mayer, Deslauriers, Laperrière et Pires, 2008).
D‘ailleurs, le MELS encourage la tenue de ces types de recherche en octroyant des subventions
afin de faciliter le transfert entre le milieu de la recherche et le milieu pratique. Par ailleurs, dans
le cadre du Programme de soutien à la formation continue du personnel scolaire du MELS
(2009), les universités québécoises reconnues sont invitées à offrir des formations continues afin
d‘améliorer ou de modifier les pratiques professionnelles du personnel scolaire. Dans le même
ordre d‘idée, Uwamariya et Mukamurera (2005) affirment que la formation continue est la clé du
développement professionnel sur les plans individuel et collectif et que par ses diverses formes,
elle est un moyen et un lieu d‘échanges, de rencontre, de discussion et de partage entre des
enseignants désireux d‘apprendre.
CONTEXTE DANS LEQUEL SE DÉROULE NOTRE PROJET
À ce titre, une formation donnée dans le cadre d‘un projet de recherche collaborative effectuée en
2009-2010 par des chercheurs de l‘Université de Sherbrooke en partenariat avec la commission
scolaire des Navigateurs et le ministère de l‘Éducation, des Loisirs et du Sport (MELS) avait pour
but d‘aider les enseignants à perfectionner leur pratique. À cet égard, des enseignants et des
orthopédagogues du primaire ont été réunis, sur une base volontaire, dans le but de travailler
autour d‘une problématique commune, soit celle de l‘intervention en mathématique auprès de
l‘élève en difficulté d‘apprentissage intégré à la classe régulière. Effectivement, de plus en plus
d‘élèves en difficulté d‘apprentissage sont intégrés à la classe régulière ce qui pose problème aux
enseignants qui sont peu outillés pour intervenir auprès de ce type d‘élève. Un besoin de
partenariat entre les enseignants et les orthopédagogues se fait donc sentir pour mieux répondre
au besoin des élèves. Ainsi, dans le cadre de cette recherche collaborative, des formateurs
universitaires ont présenté une approche d‘intervention axée sur le développement du potentiel
mathématique de l‘élève en difficulté d‘apprentissage et ont plongé les enseignants et les
orthopédagogues dans cet esprit afin qu‘ils conçoivent, en collaboration, des situations
d‘apprentissage en mathématique qui exploitent cette approche et qu‘ils les expérimentent en
classe. Voyons en quoi consiste cette approche.
Il s‘agit d‘une approche préconisant des interventions axées sur les connaissances et les capacités
de raisonnement des élèves. Pour ce faire, il faut placer l‘élève dans des activités mathématiques
riches où il devra construire des raisonnements et chercher. Il ne s‘agit plus de voir
l‘apprentissage comme un processus linéaire où les préalables doivent être bien consolidés avant
50
Geneviève Barabé, Hassane Squalli et Claudine Mary
de passer à autre chose, mais plutôt de considérer que l‘élève peut émettre de bons raisonnements
malgré certaines lacunes. Cange et Favre (2003) énoncent que « la mise en œuvre d‘activités
mathématiques plus diversifiées, c‘est-à-dire qui ne se centrent pas seulement sur le versant
numérique des mathématiques ou plus ouvertes et au sein desquelles les élèves seront peut-être
susceptibles de mieux distraire leurs enseignants (à nouveau au sens de divertir), tout en leur
donnant l‘occasion de mieux se laisser distraire (cette fois au sens de détourner) de leurs
difficultés habituelles » (p. 16). Par cette affirmation, les auteurs signifient que les activités plus
ouvertes permettent aux élèves de montrer leurs connaissances ce qui détourne leur prise de
conscience de leurs difficultés habituelles tout en permettant à l‘enseignant de prendre plaisir à
observer les connaissances que peuvent mettre en œuvre les élèves. Conne (1999) rejoint aussi
cette voie d‘intervention lorsqu‘il stipule que « la centration sur les performances est un moyen
très économique pour obtenir que l‘élève rejoigne le savoir » (p. 43). Pour ce chercheur, il faut
« faire faire des mathématiques » aux élèves, c‘est-à-dire qu‘il faut placer l‘élève dans de vraies
pratiques mathématiciennes. Lemoyne et Lessard (2003) vont dans le même sens que Conne
(1999) en parlant de problématisation de l‘enseignement des mathématiques pour désigner les
activités mathématiques pertinentes permettant aux élèves de réaliser de vraies pratiques
mathématiciennes. Selon ces auteures, cette problématisation de l‘enseignement permet de faire
surgir les connaissances des élèves. En somme, cette voie d‘intervention axée sur les
connaissances et les capacités de raisonnement permettant aux enseignants de travailler sur des
situations d‘apprentissage riches dans lesquelles les élèves sont amenés à raisonner, à réfléchir et
à chercher, sans tenir compte des difficultés particulières de chacun. On ne cherche donc pas à
intervenir une nouvelle fois sur les difficultés, mais plutôt à mettre les élèves dans des situations
propices à l‘exploitation et au développement du raisonnement mathématique. Cette approche de
développement du potentiel mathématique bouleverse les pratiques des enseignants et des
orthopédagogues qui travaillent traditionnellement sous un angle de remédiation des difficultés ce
qui nourrit le désir d‘une collaboration interprofessionnelle. D‘ailleurs, lors de la formation, les
enseignants et les orthopédagogues ont affirmé avoir un intérêt à travailler en collaboration afin
de trouver de nouvelles manières d‘intervenir auprès des élèves en difficulté en mathématique, et
de pouvoir partager leur expérience et leur formation (notes de terrain).
Ainsi, dans le cadre de la recherche collaborative, les enseignants, en collaboration avec les
orthopédagogues, ont donc produit, adapté et modifié des ressources pédagogiques en s‘appuyant
sur des principes didactiques présentés par les chercheurs afin d‘exploiter cette perspective de
développement du potentiel mathématique. Selon Geudet et Trouche (2008) ainsi que Sokhna
(2006), le travail des enseignants sur des ressources pédagogiques traduit leur développement
professionnel, car « […] à travers ce travail, un enseignant construit ce qui est nécessaire pour
faire son métier (Clot, 2007), c‘est-à-dire que ce travail est porteur de développement
professionnel » (Geudet et Trouche, 2008, p. 2). En effet, ces chercheurs soulignent que les
enseignants passent une bonne partie de leur temps à la production, à l‘adaptation et à la
modification de ressources pédagogiques, ce qui place le travail sur ces ressources au cœur de
l‘activité des enseignants et donc intervient dans leur développement professionnel. Toutefois, ils
attestent que l‘intégration de ressources pédagogiques dans la pratique ne va pas de soi. Dans le
même ordre d‘idée, plusieurs recherches témoignent de la difficulté à modifier les pratiques
enseignantes. Il nous semble donc utile de chercher à voir comment les enseignants ont intégré
ces ressources pédagogiques en classe. Notre question générale de recherche se formule donc
ainsi : Comment les enseignants intègrent les ressources pédagogiques liées au développement du
51
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
potentiel mathématique des élèves dans leur pratique auprès des élèves en difficulté intégrés à la
classe régulière?
Selon Geudet et Trouche (2008) ainsi que Sokhna (2006) peu de recherches ont été faites pour la
prise en compte de la conception et de l‘usage de ressources mathématiques par les enseignants.
Selon ces derniers, il s‘agit d‘une voie à explorer. Voyons comment nous allons l‘étudier.
LE CADRE DE RÉFÉRENCE
Cette recherche s‘appui sur l‘approche documentaire du didactique de Geudet et Trouche (2008)
qui prend son origine de l‘approche instrumentale de Rabardel (1995). Cette approche
instrumentale permet d‘étudier la médiation par un instrument d‘une activité entre un sujet et un
objet. Pour nous, le sujet deviendra un enseignant, les ressources pédagogies visant le
développement du potentiel mathématique conçues lors de la formation constitueront les
instruments et l‘objet est l‘approche de développement du potentiel mathématique de l‘élève en
difficulté d‘apprentissage.
Approche instrumentale de Rabardel (1995)
Cette approche s‘inscrit dans une perspective vygotskienne des instruments, c‘est-à-dire que
l‘instrument est vu comme un médiateur et non seulement un dispositif avec lequel on est en
interaction. À cette vision vygotskienne des instruments, Beguin et Rabardel (2000) ajoutent que
ceux-ci sont également composés par le sujet et par l‘artefact (In Sokhna, 2006). Dans le même
ordre d‘idée, Vérillon et Rabardel (1995) stipulent qu‘un instrument est un objet que le sujet
associe à ses actions dans le but de réussir une tâche. On peut donc voir l‘instrument comme étant
un intermédiaire entre le sujet et l‘objet. La figure ci-dessous illustre le rôle de médiateur attribué
à l‘instrument mis en perspective selon notre projet.
Figure 1. Modèle d‘une situation d‘activité instrumentée (Tiré de Vérillon et Rabardel, 1995,
p. 11)
52
Geneviève Barabé, Hassane Squalli et Claudine Mary
Vérillon et Rabardel (1995) distinguent l‘artefact de l‘instrument en stipulant que l‘artefact est un
objet matériel ou symbolique alors que l‘instrument est la construction psychologique de
l‘artefact. D‘ailleurs, l‘instrument résulte de l‘établissement, par le sujet, d‘une relation
instrumentale avec un artefact, matériel ou non, produit par une autre personne ou par lui-même
(Ibid.). Selon Rabardel (1999), les instruments possèdent une double fonction. D‘abord, ils
permettent aux élèves, dans leur usage, de construire leur savoir et ils influencent grandement
leur processus de conceptualisation. Ensuite, les enseignants peuvent agir sur les instruments
pour contrôler et concevoir des situations pédagogiques. Le processus par lequel l‘artefact
devient un instrument est appelé la genèse instrumentale (nous y reviendrons sous peu). Outre
l‘artefact, ce processus s‘accompagne de l‘élaboration de structures qui permettent au sujet
d‘organiser son action. Il s‘agit des schèmes d‘utilisation.
Notons que la notion de schème telle qu‘utilisée par Rabardel (1995a) prend, pour sa part, une
perspective piagétienne. En effet, pour Piaget un schème d‘action est « ce qui, dans une action,
est transposable, généralisable ou différentiable, d‘une situation à la suivante, autrement dit ce
qu‘il y a de commun aux diverses répétitions ou aux applications de la même action » (1967,
p. 16). Pour sa part, Vergnaud (1996) définit un schème comme étant « une organisation
invariante de l‘activité, qui comporte notamment des règles d‘action, et est structurée par des
invariants opératoires qui se forgent au cours de cette activité, dans différents contextes
rencontrés pour la même classe de situation » (In Geudet et Trouche, 2008, p. 3). Ainsi,
Vergnaud complète la définition donnée par Piaget en insistant sur le fait que c‘est l‘organisation
qui est invariante et non l‘activité (Sokhna, 2006). Ces schèmes d‘utilisation des artefacts sont
caractérisés d‘une part par une capacité d‘assimilation et d‘autre part par une capacité
d‘accommodation. D‘abord, la capacité d‘assimilation réfère à l‘adaptation des schèmes en vue
de répéter l‘action dans des situations appartenant à une même classe. On considère que des
situations appartiennent à une même classe si elles font intervenir les mêmes invariants
opératoires, donc les mêmes schèmes. Ensuite, la capacité d‘accommodation permet aux schèmes
d‘être appliqués à des objets et à des classes de situations différentes. En somme, on peut dire que
l‘instrument est formé de l‘artefact ainsi que des schèmes d‘utilisation de l‘artefact. La figure 2
illustre ces interactions et ces médiations entre sujet, instrument et objet :
Figure 2. Interaction et médiations entre sujet, instrument et objet.1 (Tiré de Rabardel, 1995b)
1
Légende : S-I (interaction entre sujet et instrument); I-O (interaction entre objet et instrument); S-Od (interaction
directe entre sujet et objet) et S-Om (relation médiée entre sujet et objet).
53
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Les schèmes d‘utilisation ont une dimension individuelle et sociale puisqu‘ils font parties d‘un
individu et qu‘ils font l‘objet d‘une transmission sociale. De plus, l‘émergence des schèmes
d‘utilisation est partiellement due à un processus collectif composé du sujet et du concepteur de
l‘artefact. Ainsi, pour Sokhna (2006) l‘étude de l‘émergence des schèmes d‘utilisation doit
prendre en compte les formes de collaboration entre les pairs (nous y reviendrons plus tard).
Pour sa part, le processus de genèse instrumentale, soit l‘appropriation et la transformation de
l‘artefact en un instrument par un individu pour résoudre un problème donné, possède deux
dimensions soit l‘instrumentation et l‘instrumentalisation. L‘instrumentation concerne l‘évolution
des schèmes d‘utilisation et d‘assimilation de nouveaux artefacts aux schèmes existants. En
d‘autres mots, il s‘agit du processus qui fait émerger les fonctions constituantes de l‘artefact, soit
les modes opératoires de l‘artefact prévus par le concepteur. Par ailleurs, l‘instrumentalisation fait
référence à l‘évolution des composantes de l‘artefact, c‘est-à-dire les fonctions constituées par le
sujet durant l‘utilisation de l‘artefact. Afin de bien distinguer ces deux processus duaux,
Contamines et al. (2003) précisent que durant le processus d‘instrumentation c‘est l‘utilisateur
qui évolue et qui apprend alors qu‘au cours du processus d‘instrumentalisation c‘est l‘artefact qui
évolue. Finalement, pour Rabardel (1999), les instruments formés à la suite des genèses
instrumentales ne sont pas les seuls qui auraient pu surgir. En effet, à partir d‘un artefact
plusieurs instruments peuvent être construits, car le sujet aurait pu mobiliser d‘autres schèmes
d‘utilisation, mais ne l‘a pas fait à cet instant précis. Dans la classe, il se peut donc que les élèves
et les enseignants ne construisent pas les mêmes instruments. L‘enseignant doit donc anticiper et
gérer les genèses instrumentales afin de s‘assurer que l‘instrument ait l‘effet souhaité dans le
processus d‘apprentissage.
La genèse documentaire du didactique
Pour Geudet et Trouche (2008) et Sokhna (2006), l‘approche instrumentale est un outil pertinent
pour étudier et analyser les pratiques enseignantes. À cette fin, Geudet et Trouche (2008) ont
exploité cette approche instrumentale de Rabardel (1995) pour un cas particulier d‘instrument, les
documents. En effet, les enseignants passent une bonne partie de leur temps à concevoir la
matière de leur enseignement. Dans cette perspective, ces chercheurs définissent le travail
documentaire comme étant cette conception de la matière, et la matière comme étant les
documents. Ainsi, dans leur approche documentaire du didactique, Geudet et Trouche parlent
plutôt de genèse documentaire pour spécifier de quel instrument il s‘agit. Cette genèse
documentaire donne naissance à un document formé de ressources et de schèmes d‘utilisation des
ressources tout comme l‘instrument est formé d‘artefacts et de schèmes d‘utilisation des artefacts.
Ainsi, la genèse documentaire est un processus de constitution d‘un document à partir de
ressources qui fait intervenir les processus d‘instrumentation et d‘instrumentalisation.
L‘instrumentalisation est donc le processus par lequel l‘enseignant s‘approprie et modifie les
ressources alors que l‘instrumentation est le processus par lequel l‘enseignant exploite les
ressources pour orchestrer son action didactique. De plus, cette genèse documentaire est un
processus dynamique étant donné qu‘elle donne lieu à un document à partir de ressources et que
ce document permettra d‘engendrer des ressources qui à leur tour finiront par constituer de
nouveaux documents. En fait, tout comme la genèse instrumentale, la genèse documentaire
marque l‘évolution progressive de l‘utilisation de l‘artefact, ici la ressource, en un instrument, ici
le document. Le schéma ci-dessous basé sur celui de la genèse instrumentale fait par Contamines
et al. (2003) illustre la genèse documentaire en situant ses processus duaux.
54
Geneviève Barabé, Hassane Squalli et Claudine Mary
Figure 3. La genèse documentaire et ses processus duaux.
Par ailleurs, le travail documentaire de l‘enseignant ne se fait pas de manière isolée. En effet, les
échanges dans la classe, le partage de ressources entre les enseignants ainsi que le travail
coopératif des enseignants d‘une même discipline ou d‘un même niveau scolaire permettent de
caractériser le travail documentaire de collectif. Geudet et Trouche (2008) parlent alors de travail
documentaire communautaire qui met en relation un répertoire et une communauté. Au travers
des genèses documentaires communautaires, un vivier de ressources est créé. Il s‘agit en fait de
l‘ensemble des ressources matérielles partagées par la communauté. Cet ensemble évolue au fil
du temps, car les membres de la communauté ajouteront de nouvelles ressources, utiliseront les
ressources du vivier qui seront alors retravaillées et qui permettront le développement de
nouveaux documents à partager. Chaque membre de la communauté s‘approprie et modifie les
ressources ce qui traduit un processus d‘instrumentalisation qui contribue à faire évoluer le
répertoire. Pour sa part, le répertoire permet à un membre donné d‘exploiter les nouvelles
ressources ce qui traduit un processus d‘instrumentation du travail documentaire de la
communauté. L‘aspect collectif du travail documentaire est donc une dimension à considérer.
Toutefois, l‘approche documentaire du didactique ne présente pas de cadre complet pour son
analyse. Nous ne tiendrons donc pas compte de l‘aspect collectif dans notre projet de maîtrise,
mais nous sommes conscients que cela constitue une limite à notre recherche.
Vers une opérationnalisation de notre projet
En somme, dans notre projet, nous nous intéressons à l‘intégration des principes sur le
développement du potentiel mathématique dans les pratiques enseignantes. Les principes agissent
donc à titre d‘artefacts que les enseignants doivent transformer pour qu‘il devienne un
instrument. Dans notre cas, les situations d‘apprentissage et leur réalisation en classe constituent
les instruments, c‘est donc dire les documents. Le schéma ci-dessous illustre notre projet vu sous
ce cadre théorique.
55
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Figure 4. Opérationnalisation du cadre de référence
Une étude des processus d‘instrumentation et d‘instrumentalisation mis en œuvre par les
enseignants lors de l‘intégration dans leur pratique de ressources pédagogiques (principes
didactiques) liées au développement du potentiel mathématique des élèves sera donc à même de
nous renseigner sur l‘évolution du développement professionnel des enseignants. En effet, la
genèse documentaire explique la transformation d‘une ressource en un document, c‘est-à-dire une
ressource qui est intégrée par les enseignants.
Notre objectif de recherche sera donc de décrire les schèmes d‘utilisation mis en œuvre dans les
processus d‘instrumentation et d‘instrumentalisation des enseignants lors de leur travail sur des
ressources pédagogiques liées au développement du potentiel mathématique et de l‘insertion de
celles-ci dans leur pratique.
Nous sommes maintenant rendus à élaborer notre méthodologie afin d‘effectuer nos analyses.
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57
Origami comme contexte mathématique: des bénéfices et limitations
Ildikó Pelczer
École Polytechnique, Montréal
RÉSUME. Dans cet atelier, nous proposons l'utilisation de l'origami comme contexte pour des
explorations géométriques. Pendant la construction d'une figure origami, on suit les instructions
sur pliage en évaluant le résultat visuellement. Le but de cet atelier est d‘amener l‘élève à
« mathématiser » des plis qui ont été « visuellement compris ». À l‘aide d‘un raisonnement
déductif visant à expliquer et à évaluer les conséquences d'une étape de la séquence de pliage,
l‘élève pourra faire la distinction entre les parties « donnée » et « demandée » de la situation et
ainsi mieux saisir les deux aspects clés de l‘activité - la nature séquentielle de la construction et la
structure mathématique sous-jacente aux plis. Cette expérience pratique peut augmenter de
manière significative l'engagement des élèves tout en enrichissant leurs apprentissages de
géométrie.
INTRODUCTION
Depuis longtemps, la motivation et l‘engagement sont considérés comme facteurs principaux de
l‘apprentissage chez les élèves, et les enseignants sont appelés à concevoir des activités pouvant
contribuer à leur développement. Toutefois, la recherche d‘un équilibre entre l'enseignement
formel et le divertissement représente tout un défi pour ce type d‘activités.
Je propose l'utilisation de l'origami comme contexte pour des explorations géométriques. Il y a
quelques décennies, les activités origami étaient considérées plutôt comme un passe-temps
amusant, mais des études récentes ont mis en évidence leurs avantages dans différents domaines,
notamment dans la thérapie, l‘enseignement, les arts et les mathématiques. La nature même de
l'origami, comme l‘art du papier plié, explicite son lien direct avec la géométrie.
Plusieurs d'études confirment que l'origami a un impact positif sur l'intérêt, l'engagement et la
perception de soi-même. Cependant, dans le contexte de l‘enseignement de mathématiques,
l‘origami doit contribuer plus : il doit assurer l‘engagement des apprenants dans les explorations
mathématiques qui enrichiront leur expérience avec des objets physiques et, par la suite, les
aideront à mieux comprendre les relations entre les concepts et les structures mentales
impliquées.
CADRE DE RÉFERENCE
Dans une brève revue de littérature, je vais me concentrer sur des éléments nouveaux qu‘apporte
l'origami pour l‘enseignement et l‘apprentissage de la géométrie. Cette revue donnera un aperçu
des trois grandes lignes de l'utilisation et des avantages potentiels de l'origami. Il n‘y a pas
d‘études concluantes sur les bénéfices de cette approche comparées aux approches dites
‗classiques‘. Toutefois, l‘on y trouve suffisamment d‘indices sur la «valeur didactique ajoutée»
de l‘origami.
Ildikó Pelczer
Tout d'abord, je me réfère aux manipulations concrètes avec des objets physiques. Ces « objets
qui font appel aux plusieurs sens et qui peuvent être touchés, réarrangés, ou autrement manipulés
par les enfants » (Kennedy, 1986, p.6). En vertu de cette définition, un morceau de papier plié,
tourné, poussé, etc., devient l‘objet de manipulation concrète. Dans leur étude, Martin, Lukong et
Reaves (2007) ont conclu que l‘utilisation du matériel de manipulation en géométrie aide les
enfants à étendre leurs investigations sur le monde physique et, en conséquence, font avancer leur
pensée.
L‘exploration de liens entre le monde physique (concret) et le monde mental (abstrait) peut être
initiée à l‘aide de l‘origami grâce à sa double nature: un morceau de papier peut être tourné,
encore plié, transformé en une forme 3D - des actes physiques qui conduisent à de nouveaux
contextes et invitent à de nouvelles questions. Les nouvelles situations des problèmes viennent
spontanément, presque par jeu, tandis que dans d'autres circonstances (comme une figure
dessinée sur une feuille de papier) il faudrait avoir une forte imagerie mentale. Au même temps,
des études récentes en neurologie et neuropsychologie suggèrent que l'imagerie mentale se
manifeste à la fois visuellement et de façon kinesthésique (Parsons, 1987, 2003). En origami, les
deux manifestations sont également présentes, alors je m'attends à ce que l'expérience en origami
contribue à atteindre une meilleure imagerie mentale.
Ce phénomène est propre à toute la géométrie plane dont tous les théorèmes déductibles doivent
avoir un correspondant physique. Cela signifie, par exemple, que chaque hypothèse dans le
théorème de congruence de triangles « peut être vérifiée» par des mouvements physiques:
l'égalité des segments ou des angles signifie qu‘ils peuvent être complètement superposés. En tant
que telle, on a en permanence une connexion bidirectionnelle entre l'abstrait (ce qui peut être
exprimé par des relations formalisées) et l'acte physique qui « illustre» une telle relation. En
même temps, afin de saisir ce lien à double sens, l'étudiant doit faire un effort pour exprimer les
plis de base sous forme de relations abstraites.
En conclusion de cette première ligne de pensée, je vois l‘origami comme un cadre pour:




développer chez l‘élève la capacité de communiquer mathématiquement, en modélisant
les plis comme relations entre les objets mathématiques;
stimuler la création d'une image mentale correspondant à certains concepts;
améliorer l'imagerie mentale, en particulier l'imagerie spatiale et rotationnelle;
motiver les élèves à étudier plus profondément le contexte d‘un problème donné et de
formuler de nouvelles questions.
Deuxièmement, je me réfère brièvement a des études relatives à la preuve en géométrie. Dans son
étude relative à la preuve déductive, Heinze (2004) a identifié trois niveaux de compétences: (I)
des compétences de base, (II) la compétence argumentative (une étape-argumentation) et (III) la
compétence argumentative (combinant plusieurs étapes de l'argumentation). Sur la base de
l'expérimentation réalisée auparavant, il conclut que la plupart des élèves ont des difficultés avec
le niveau 3 (III) de cette échelle. Celui-ci peut être exprimé comme la capacité de mettre des
arguments ensemble et de les ordonner pour en faire une preuve valide.
J‘émets l'hypothèse que l'origami peut contribuer ici à expliciter clairement les conséquences
d'une certaine action (pli). La nature séquentielle d'une construction origami permet d'identifier
les relations qui sont des conséquences d'un pli particulier (évidemment, combiné à un
59
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
précédent). On pourrait dire que toutes les constructions de la géométrie sont séquentielles,
cependant, en origami souvent nous avons besoin de «préparer» un pli, en marquant
préalablement les autres plis. Par une telle contrainte, nous avons les prémisses et les
conséquences d'une action (pli).
La construction avec règle et compas est similaire à l'origami en ce sens, mais très peu d'étudiants
dessineraient de telle façon pendant la résolution des problèmes de géométrie. Devant une figure
complexe, les élèves pourraient avoir des difficultés à identifier l'argument particulier qui garantit
certaine relation, mais dans une construction séquentielle explicite (comme l'origami), on peut
directement mettre le doigt dessus. De manière inattendue, certains plis pourraient également
déterminer les lignes qui ne sont pas strictement nécessaires. Cependant, leur présence peut
donner des indices sur ce qui se passe. Il faudrait toutefois souligner que l‘origami, même étant
considéré ici comme cadre facilitateur, n'est pas une garantie que les élèves apprennent à
argumenter.
L‘effort, l‘attention et l‘exploration active du côté des élèves ont été identifiés comme des
éléments clés pour l'apprentissage des mathématiques (Mason, 1989; NMAP, 2008; Stevens,
2001). Étant donné que le pliage d‘une figure origami les engage dans une activité pratique avec
un but clair et tangible, les étudiants pourront y mettre plus d'efforts et d'attention en elle, car ils
se sentiront plus motivés (Smith, 1987).
De plus, en manipulant avec un morceau de papier à plier, les élèves peuvent explorer différents
plis et visuellement évaluer les conséquences. Toutefois, il est nécessaire que l'enseignant
approfondisse l‘activité de plage à l‘aide de réflexions et d‘actions mentales de nature
mathématique plus abstraite afin de pouvoir bénéficier pleinement du potentiel d‘origami
d‘enrichir l‘apprentissage de mathématiques.
En concluant la deuxième partie, on dirait que l'origami peut favoriser le développement des
compétences suivantes:


identifier les prémisses et les conséquences d'un pli particulier (ce qui est, en fait,
l'expression d‘une relation spécifique dans le problème);
classer des arguments dans un ordre cause-conséquence.
Troisièmement, dans de nombreux programmes d'études il y a une demande explicite de
développement de liens entre les mathématiques scolaires et la vie de tous les jours ; donc, les
compétences les plus complexes qui doivent être développées en donnant aux élèves des outils
pour résoudre des problèmes concrets rencontrés dans leur vie. Les programmes d'études au
Québec mentionnent spécifiquement (MELS, 2006) des compétences comme la collecte
d'informations pertinentes, la formulation des questions dans une situation donnée, la recherche
des solutions multiples. Dans les activités de l'origami, l‘élève peut rencontrer des situations dans
lesquelles il devra mobiliser ses ressources faisant appel à ces compétences, entre autres, lorsque
certaines étapes ne sont pas décrites dans tous les détails. Dans ces occasions, l'élève a besoin
d‘un raisonnement vers l'arrière (comme: qu‘est-ce qui est nécessaire pour en arriver là?) afin de
déterminer les conditions initiales plutôt que de simplement exécuter les séquences linéaires de
plis (Tateishi, 2009).
Finalement, je mentionne ici une particularité de certaines tâches origami par rapport aux
constructions avec la règle et le compas. L‘une des usages possibles du compas dans les
60
Ildikó Pelczer
constructions géométriques est de mesurer une longueur et, par conséquent, de déterminer
facilement les intersections de segments de longueur donnée. La principale différence arrive de la
détermination d'un point d'intersection: afin de le trouver, d'une manière rigoureuse, l'élève a
souvent besoin de se concentrer sur les propriétés d'un objet géométrique plutôt que sur une
définition descriptive. En tant que tel, le contexte origami est celui qui facilite le progrès des
élèves selon les niveaux de la pensée géométrique établis par van Hiele (1986).
En conclusion de la troisième partie, je considère que l'origami peut être un contexte pour:


explorer activement une situation (faire une collecte d'informations nécessaires, construire
le raisonnement à l'envers, en utilisant et en extrapolant la contrainte, analyser et tirer
profit de situations symétriques et contre-symétriques;
concentrer sur les propriétés des objets géométriques et leur rapport avec d‘autres formes.
MATÉRIEL POUR L’ATELIER
On propose cinq activités pour l'atelier. La première consiste dans une construction, par le pliage,
d‘un triangle équilatéral à partir d‘un carré et puis dans une recherche d‘un triangle équilatéral
ayant une aire maximale. Si le temps le permet, l‘exercice est répété pour construire un hexagone.
Nous comparons cette construction à celle effectuée à l‘aide d‘un compas et d‘une règle.
La deuxième activité décrit les principales étapes de la construction d‘une étoile origami et
comporte une série de questions sur les propriétés géométriques de la figure finale.
La troisième donne des indications pour le pliage d'une carte de souhaits, mais les diagrammes
n'indiquent pas tous les détails de la construction. En observant la figure finale, les participants
ont besoin de penser de façon « marche-arrière » pour trouver, par la voie d‘exploration, les
détails manquants.
La quatrième prévoit la construction d'un tétraèdre et d'un cube modulaires dans le but de
découvrir les relations entre les longueurs, les aires et les volumes initiaux et finaux. Dans ce
contexte, l'accent est mis sur le raisonnement et l‘argumentation.
La cinquième activité porte sur la géométrie spatiale et demande de calculer le volume d‘un
nombre de figures géométriques. Cependant, puisque seulement un élément de base est connu
(longueur du carré), on doit effectuer une série de déductions par rapport aux dimensions de la
figure finale.
PRÉSENTATION DÉTAILLÉE D’UNE ACTIVITÉ
Il s'agit de la troisième activité, le pliage d'un modèle traditionnel de certificat-cadeaux à partir
d'un morceau de papier recto-verso, sous forme de carré: (modèle pris www.origami-club.com,
voir figure 1) :
61
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Figure 1. Modèle utilisé dans l‘activité 3
Dans la section précédente, nous avons énuméré les contextes, liés à la tâche d‘origami, qui
peuvent appuyer de diverses façons un élève qui apprend la géométrie. Nous allons ressortir
quelques-unes en parcourant les étapes du pliage.
1. Malgré le fait que la tâche particulière est sur le pliage, on peut poser des « questions
géométriques »: Quelle est la longueur du nouveau carré ? Quelle partie de la figure 1 est blanche
(en pourcentage) ? Est-il possible d‘agrandir le modèle? A travers ces questions on facilite
l'exploration mathématique.
2. On peut demander aux élèves de formaliser leur manipulations : comment peut-on décrire les
plis en terme de relations mathématiques? Cette tâche pourra contribuer au développement de la
compétence liée à la communication mathématique. Considérons les trois premiers plis (figure
2) :
2a. Premier pli
2b. Deuxième pli
2c. Troisième pli
Figure 2. Les trois premiers plis du modèle
Afin de « décrire mathématiquement » le premier pli (ce qui veut dire: « plier la diagonale »), il
faut utiliser des symboles en leur attribuant une signification particulière. Dans la figure 3 (a, b),
nous montrons deux façons d‘indiquer la construction d‘une diagonale (hypothétiques) effectué
par les élèves.
62
Ildikó Pelczer
a.
b.
Figure 3. Deux façons d‘indiquer la construction d‘une diagonale
Considérons que la construction représentée sur la figure 3a est décrite par l'élève comme suit :
|AO|=|OC|=|DO|=|OB| et AC  DB. En même temps, la construction de la figure 3b, décrite
comme: l1=l2, où l1 se référant à la longueur d'un segment.
Tenant compte des différentes façons de décrire une construction, l'enseignant peut mener une
discussion à propos de l‘utilité, l‘expressivité et l‘exhaustivité de chaque forme de
communication.
3. Comme on voit sur la figure 2 (image 2b), la position de la ligne de pliage n‘est pas précisée.
Est-il possible de la déterminer en faisant de déductions à partir de la figure 2c? Cela peut être
une question difficile pour les élèves, car visuellement, ils peuvent avoir un indice, mais cela ne
suffit pas pour « le prouver ». Dans ce cas-là, on a besoin d‘analyser la figure suivante, ici
illustrée par la Figure 4a. Les élèves intéressés pourront trouver une belle chaîne de relations, qui
conduisent au calcul de la valeur demandée. Nous présentons, à l‘aide de la figure 4b, le début de
ce raisonnement en marquant avec un trait vertical des segments ayant la même longueur
(exemple, LO et OF).
4a. Le quatrième pli
4b. Relations entre les longueurs des segments
Figure 4. Le quatrième pli (4a) et relations entre les longueurs des segments (4b)
63
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Il faudra également revenir en arrière et expliquer pourquoi l‘angle FEB est de 90°. Afin de
bénéficier pleinement de cette tâche origami, l'enseignant aurait besoin de pousser la réflexion
plus loin et demander : que doit-on justifier dans le contexte donné et que peut servir d'argument
pour cette justification? Cette étape a été décrite afin d'illustrer comment pouvons-nous stimuler
la recherche d'arguments et de les ordonner afin d‘obtenir une explication satisfaisante.
4. À ce stade, on peut se demander ce qui se passe lorsqu‘on plie le long de la ligne FL.
Qu'advient-il de point E? Une fois toutes ces questions répondues, il est facile de répondre à
celles posées au point 1) ci-haut : Quelle est la longueur du carré final? Quel pourcentage
représente la partie blanche de la zone du carré?
On voit le potentiel réel d'une activité origami, car elle stimule le questionnement et la recherche
de l‘argumentation et du raisonnement. Il appartient à l'enseignant de voir sur quel aspect il veut
se concentrer: trouver des arguments, le raisonnement, la prédiction ou le calcul. Ainsi, l'activité
offre un nouveau contexte pour apprendre la géométrie, qui peut être très motivant pour les
élèves.
CONCLUSION
Parmi les avantages immédiatement identifiables lors de l‘utilisation de l'origami dans les
activités scolaires se trouvent, entre autres :






La possibilité d‘inciter les élèves à penser aux propriétés de la figure, puisque la définition
seule ne donne pas toujours la procédure de construction.
Le besoin de manipuler du papier pour observer les changements des angles et des aires;
et aussi, le besoin de prévoir les conséquences d'une telle transformation.
« Recherche de l‘information manquante » afin de valider les résultats finaux. Et encore,
les relations entre les entités sont essentielles afin de construire le raisonnement.
Raisonner sur la manière qu‘une figure plane devienne tridimensionnelle : quelles parties
sont maintenues inchangées, quelles sont les limites et les valeurs optimales.
Développement de la compétence de communiquer mathématiquement à l‘aide d‘un
langage mathématique formel.
Amélioration de l‘imagerie mentale chez les élèves.
En ce qui concerne les limites, on peut dire que l‘origami offre un environnement pour
l'exploration des figures géométriques qui ne peut pas être trouvé dans d'autres circonstances qui
proposent, pour la plupart du temps, des problèmes bien formulés. Habituellement, les problèmes
bien formulés nous mènent au processus de résolution de problème bien défini et, en tant que tels,
laissent peu d‘espace à l'exploration. En même temps, l‘activité purement mathématique exige la
reformulation continue des propriétés, la découverte des nouvelles relations; et tout cela peut être
réalisé par l‘intermédiaire des activités d'origami.
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Ildikó Pelczer
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65
Communauté d’apprentissage professionnelle et méthodes statistiques
Jean Labelle
Université de Moncton
RÉSUMÉ. De tout temps, les mathématiques ont offert leur support à différentes disciplines.
Langage de base des sciences pures, on retrouve également les mathématiques en sciences
humaines, notamment en sciences de l‘éducation. Toutefois, pour plusieurs intervenants
scolaires, il n‘est pas facile d‘entrevoir de quelles manières les mathématiques peuvent contribuer
à améliorer significativement leur pratique et la connaissance qu‘ils en ont. Or, cette
préoccupation concerne directement un des thèmes du présent colloque, soit celui de montrer
comment les mathématiques peuvent constituer un outil d‘appropriation du réel pour apprendre à
apprendre. Au demeurant, cette idée se trouve à la base d‘une de nos recherches qui tente de
connaître dans quelle mesure un ensemble de méthodes statistiques choisies peut améliorer
l‘efficacité et l‘efficience d‘une communauté d‘apprentissage professionnelle. Dans le cadre de
cette communication, nous présenterons la problématique en amont de la recherche, nous
définirons le concept de communauté d‘apprentissage professionnelle et nous terminerons en
identifiant des méthodes statistiques permettant à une communauté d‘apprentissage
professionnelle de répondre à sa mission première, soit celle d‘apprendre à apprendre.
PROBLÉMATIQUE
Depuis déjà une bonne décennie et à l‘instar de plusieurs pays, certaines provinces canadiennes
ont entrepris de réformer leur système scolaire (Alberta, 1998 ; Ministère de l‘Éducation du
Nouveau-Brunswick 1993, 1995 ; Ministère de l‘Éducation de l‘Ontario, 1994, 2004 ; Ministère
de l‘Éducation, du loisir et du sport, 1996a). À l‘origine de ces réformes, on retrouve de
nombreux facteurs tels que le démantèlement des États-providence (OCDE 1995a, 1995b); la
déréglementation des marchés financiers et l‘exploitation des ressources par des entreprises qui
déménagent en fonction des économies anticipées (Petrella, 2000); des changements
démographiques importants (UNESCO, 2009), l‘avènement des technologies d‘information et
des communications (OCDE, 2000) de même que plusieurs facteurs intrinsèques, notamment en
matière de gestion scolaire (Ministère de l‘Éducation, 1996b).
Afin de mieux s‘adapter à ses
transformations, on suggère aux établissements d‘enseignement d‘améliorer leur fonctionnement
en s‘inspirant de modèles qui prônent la décentralisation et la collaboration (Beaumont, 2010 ;
Candoli, 1995 ; Conseil supérieur de l‘éducation (1993); Howden et Kopiec, 2002 ; Laferrière,
2006). C‘est dans cette foulée que l‘on parle de plus en plus de communauté d‘apprentissage
professionnelle.
COMMUNAUTÉ D’APPRENTISSAGE PROFESSIONNELLE (CAP)
Pris au sens large, l‘idée d‘une communauté d‘apprentissage en tant que regroupement de
personnes désirant acquérir et partager des connaissances pour mieux comprendre, faire et se
comporter, n‘est pas nouvelle : il suffit de penser aux écoles milésienne et pythagoricienne, à
l‘académie de Platon ou au lycée d‘Aristote pour s‘en convaincre. De même, depuis le début du
XXe siècle, la volonté de restructurer le travail avait déjà germé au sein des sciences
Jean Labelle
administratives avec le courant de gestion participative par l‘entremise de structure matricielle, de
structure par projet, de force opérationnelle (task force) ou de cercle de qualité (Côté, 1996 ;
Dolan, 2007). Partant, la collaboration et le travail d‘équipe furent aussi préconisés au sein des
établissements d‘éducation de même qu‘à l‘intérieur des classes via l‘interdisciplinarité,
l‘apprentissage par projet, l‘apprentissage coopératif et la communauté d‘apprentissage
professionnelle.
En éducation, Hord (2004) mentionne que l‘expression « Professional Learning Community » est
plutôt récente dans la littérature. En effet, selon nos recherches, ces descripteurs ne figurent pas
encore au sein du vocabulaire contrôlé de plusieurs bibliothèques et bases de données telles
qu‘Education Resources Information Center où on lui préfère l‘expression « Communities of
Practice » (communauté de pratiques). En dépit de cela, Walker (2002) et Wong (2010)
soulignent que la notion d‘une CAP pénètre le discours des milieux scolaires nord-américains
depuis les années 90. C‘est qu‘à cette époque, Fullan (1993) montre comment les changements
dans l‘environnement exigent la restructuration des établissements d‘éducation, Senge (1990;
1993; 1996) avance le concept d‘organisation apprenante, puis Cuban (1992) et McLaughlin
(1992) signalent que les problématiques liées à l‘éducation sont systémiques et doivent interpeller
toute la collectivité. Ce faisant, pour que les processus éducatifs aboutissent à un résultat
maximal, Hord (1997) de même que DuFour et Eaker (1998) proposent d‘unir les forces vives de
l‘organisation tout entière et de travailler en CAP. Outre le fait que l‘expression « communauté
d‘apprentissage professionnelle » soit empruntée de la langue anglaise, Dufour (2004 ; 2010),
Hord (1997), Roberts et Pruitt (2009) de même que Williams, Brien, Sprague et Sullivan (2008)
mentionnent qu‘il existe plusieurs acceptions de cette expression, ce qui contribue à semer de la
confusion.
Dès lors, afin de jeter un peu de lumière sur cet objet d‘étude, mentionnons brièvement que
l‘expression « communauté d‘apprentissage professionnelle » est construite respectivement d‘un
nom féminin (sujet), d‘une préposition élidée, d‘un nom masculin (complément du nom
communauté) et d‘un adjectif qualificatif (épithète du nom communauté). Selon Rey (1998), le
mot « communauté » est emprunté au latin communitas et désigne un ensemble de personnes et,
abstraitement, l‘état de ce qui est commun à plusieurs personnes. Le mot « apprentissage » est
dérivé de apprenti pour signifier : formation technique et artisanale. Apprenti est lui-même dérivé
de apprehendere qui a donné le verbe « apprendre » (saisir par l‘esprit ; acquérir pour soi des
connaissances). En ce qui a trait au mot « professionnelle », il tire son origine de « professio »
(déclaration ; action de se donner comme, d‘où état, condition, métier). En français, le mot
« professionnel » qualifie ce qui se rapporte à, qui est fait selon le métier ou la profession. Il est
substantivé en parlant d‘un spécialiste, d‘une personne de métier, par opposition à un amateur. Le
mot a donné professionnalisme qui est devenu usuel pour désigner les qualités de sérieux et de
compétences professionnelles.
Par ailleurs, plusieurs auteurs, dont Astuto et al. (1993), Eaker, DuFour et DuFour (2004) et Hord
(1998, 2009) définissent une CAP en faisant référence à l‘idée d‘un groupe ou d‘une équipe.
Toutefois, ces notions demandent à être précisées. Par exemple, Saint-Arnaud (2008) définit le
groupe comme un champ psychologique produit par l‘interaction de trois personnes ou plus,
réunies, en situation de face à face, dans la recherche, la définition ou la poursuite d‘une cible
commune : ses personnes étant en interaction avec la cible commune et aussi entre elles. De
même, pour Maisonneuve (2010), l‘équipe évoque des images d‘élan, d‘effort collectif et de
67
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
solidarité où la notion de cohésion apparaît tout à fait centrale, spécialement chez les chercheurs
qui s‘inscrivent à la suite de Lewin (1959).
Ainsi, au terme de ces éclaircissements, nous proposons la définition opérationnelle suivante de
l‘expression à l‘étude. Une communauté d‘apprentissage professionnelle est un groupe, pouvant
inclure ou non d‘autres groupes, dont les membres interagissent entre eux dans le but d‘améliorer
une situation qui les concerne, en partageant des connaissances et des pratiques selon les valeurs
et les normes relatives à leur fonction. Comme il est possible de le constater, cette définition
s‘appuie sur la théorie des ensembles en mathématiques et laisse place à différentes
configurations d‘une communauté d‘apprentissage professionnelle. Toutefois, à l‘égard de son
essence, la communauté d‘apprentissage professionnelle doit, dans tous les cas, posséder d‘abord
les trois caractéristiques d‘un groupe (plus de deux personnes ; en interaction ; pour atteindre un
but), puis s‘articuler de manière à favoriser le partage des connaissances et des pratiques selon
des valeurs et des normes liées à la fonction des membres.
MÉTHODES STATISTIQUES PROPOSÉES
D’APPRENTISSAGE PROFESSIONNELLES
POUR
LES
COMMUNAUTÉS
Pour qu‘une communauté d‘apprentissage professionnelle acquière des connaissances, elle doit
s‘inspirer de stratégies et d‘approches qui se déclinent en pratiques par l‘entremise de méthodes
et de techniques. Or, en ce qui a trait aux méthodes mises de l‘avant par les communautés
d‘apprentissage professionnelles, la recension des écrits met en évidence que peu ou pas de
techniques quantitatives sont utilisées par ces dernières (Labelle, 2007; Labelle, Weva, Leclerc et
Moreau, sous presse, Leclerc et al. 2009). Cependant, à notre avis, les mathématiques pourraient
contribuer à l‘amélioration continue des processus d‘apprentissage, notamment par le biais de la
statistique. Ainsi, dans le seul dessein de mieux garnir le coffre à outils des communautés
d‘apprentissage professionnelles, nous présentons sept méthodes statistiques permettant de mettre
en évidence des faits plutôt que des opinions, de réduire la part de la subjectivité lors de la prise
de décision et d‘autoriser la généralisation grâce à l‘apport des probabilités. Utilisées au sein de
différentes disciplines académiques et de nombreuses organisations appliquant le mode de
management de la qualité par l‘entremise des cercles de qualité, ces méthodes sont : le
diagramme en arrête de poisson, le tableau de fréquence, le diagramme à bâton, l‘histogramme, le
diagramme de Pareto, le diagramme de dispersion et la carte de contrôle. Afin de démontrer la
pertinence de ces méthodes statistiques pour une communauté d‘apprentissage professionnelle,
nous nous proposons de les articuler à l‘aide d‘un cas fictif.
Le cas.
La direction d‘une école XYZ est aux prises avec un sérieux problème de gestion du personnel.
C‘est que depuis le début de l‘année scolaire, un nombre croissant de plaintes sont formulées à
l‘égard du professeur de mathématiques, Monsieur Euler. Le taux de réussite de ses élèves est
particulièrement bas et la moyenne de groupe de même que celle de plusieurs de ses élèves sont
peu reluisantes. Pourtant, dans les classes de Madame Agnesi, qui enseigne également les
mathématiques au même niveau que lui, tout semble fonctionner à la perfection, et ce, même si
les élèves ont été distribués de façon aléatoire pour former les groupes en mathématique. Ironie
du sort, depuis le début de l‘année, Monsieur Euler participe activement à une CAP où il échange
avec ses collègues de travail à propos de ses pratiques d‘enseignement, des modes
68
Jean Labelle
d‘apprentissage des élèves et les contenus de programme, ce qui contribue, de l‘aveu même de
Madame Agnesi, au succès de tous les élèves. Cependant, la direction de l‘école, qui exerce un
style de leadership plutôt autoritaire, croit pour sa part que « si l‘union fait la force, la chaîne est
aussi résistante que son maillon le plus faible». Bref, comme M. Euler occupe un poste à statut
précaire, le service du personnel de la commission scolaire où il œuvre l‘a avisé formellement
qu‘il ne renouvellerait pas son contrat de travail pour l‘an prochain. Cette nouvelle a eu l‘effet
d‘une bombe. Par chance, ses collègues, dont la majorité bénéficie du même statut que lui, ont
sympathisé à sa cause. Aussi, au moment où devait débuter la CAP en mathématiques de cette
école, Madame Agnesi a profité de l‘occasion pour tenter d‘y voir plus clair et d‘améliorer
l‘apprentissage en mathématiques des élèves de Monsieur Euler.
Emploi des méthodes.
D‘abord, M. Tartaglia, un des membres de la CAP en mathématiques, a rapidement tracé un
diagramme en arêtes de poisson sur l‘ardoise. Cela fut suivi d‘un remue-méninges où M. Lambert
jouait le rôle d‘animateur, Mme Barnum agissait comme experte et Mme Noether, comme
professeure. La figure 1 montre le fruit de leur travail.
Figure 1. Diagramme en arêtes de poisson
La figure 1 illustre un diagramme en arêtes de poisson sur lequel on a inscrit l‘effet ou le
problème à résoudre dans la tête du poisson. Par la suite, les membres de la CAP ont identifié les
grandes catégories de facteurs au bout des arêtes (enseignement, apprentissage, matière à
enseigner, personnel et milieu de travail). Puis, un remue-méninges a permis de faire ressortir des
sous-facteurs, visibles sur les arêtes secondaires.
Après avoir posé le problème et identifié des causes, la CAP a passé à l‘expérience et à la
cueillette de données factuelles. Il ne fut donc pas question de prioriser une cause en vertu d‘une
opinion, mais plutôt de tester chacune des hypothèses.
Parmi les causes pouvant expliquer le faible taux de réussite en mathématiques des élèves de M.
Euler, les membres de la CAP avaient identifié les sous-facteurs « composition du groupe » et
69
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
« taille de la classe » de la catégorie « Milieu ». La figure 2 présente deux diagrammes à bâtons
offrant de l‘information à ce sujet.
Figure 2. Diagrammes à bâtons
Le premier diagramme à bâtons de la figure 2 montre que le nombre de filles est légèrement
supérieur à celui des garçons dans le groupe de M. Euler. La taille de ce groupe est de 32 élèves.
Le deuxième diagramme à bâtons indique que le nombre de garçons est presque équivalent à
celui des filles dans le groupe de Mme Agnesi. La taille de ce groupe est également de 32 élèves.
Ainsi, les hypothèses voulant que la composition des groupes — du moins selon le genre — ou le
rapport élèves/enseignant puissent expliquer le faible taux de réussite des élèves de M. Euler
deviennent beaucoup moins plausibles. En effet, non seulement les deux groupes sont de taille
égale, mais le nombre de garçons ou de filles dans chacun des groupes est presque équivalent
soit, 14 garçons pour un groupe contre 15 dans l‘autre et 18 filles dans un groupe contre 17 dans
l‘autre.
Par ailleurs, les membres de la CAP ont analysé d‘autres données. Celles-ci portaient sur les
résultats académiques des élèves de Monsieur Euler et de Madame Agnesi. Voici un tableau de
fréquences résumant cette information.
Tableau 1
Classement des élèves de M. Euler et des élèves de Mme Agnesi selon leur moyenne générale en
mathématiques
Résultats (%)
Élèves de M. Euler
Élèves de Mme Agnesi
[0 – 40 [
0
0
[40 – 50 [
6
0
[50 – 60 [
20
2
[60 – 70 [
6
15
[70 – 80 [
0
14
[80 – 90 [
0
1
[90 – 100]
0
0
Total
32
32
70
Jean Labelle
Le tableau 1 montre que les élèves de Mme Agnesi affichent un meilleur taux de réussite en
mathématiques que ceux de M. Euler, la note de passage étant fixée à 60 %. Effectivement, alors
que le taux de réussite des élèves de M. Euler se situe à 18,75 % (6/32), celui des élèves de Mme
Agnesi est de 93.75 % (30/32).
Le tableau 2 présente les moyennes et les écarts-types des deux groupes d‘élèves. Le test de
Levene et le Test T sont mentionnés à titre indicatif, car ils ne font pas partie des sept méthodes
statistiques de base proposées aux CAP.
Tableau 2
Comparaison des moyennes de groupe de M. Euler et de Mme Agnesi
Statistique
Groupe de M. Euler
Groupe de Mme Agnesi
Moyenne
55,12
67,12
Écart-type
4,835
5,966
a. Test de Levene sur l‘égalité des variances : F = 1,502 ; Sig. = .225
b. Test T : t = 9,286 ; Sig. (bilatérale) = .000
Le tableau 2 compare la différence de moyennes pour les groupes de M. Euler et de Mme Agnesi.
Le test T démontre que la différence de moyennes entre les élèves de M. Euler et ceux de Mme
Agnesi est statistiquement significative.
À la suite de l‘analyse de ses données, la CAP s‘interroge sur ce que représentent vraiment les
moyennes générales présentées au tableau 2. Elle porte son attention sur la catégorie relative à la
« Matière » que l‘on retrouve au sein du diagramme en arêtes de poisson. Après avoir constaté
que trois grands ensembles de connaissances et de compétences entraient dans le calcul de la
moyenne générale, la CAP décide alors d‘affiner son analyse au sujet de ce score composite. Le
tableau 3 juxtapose les moyennes des groupes pour chacune des composantes pondérées en
mathématiques.
Tableau 3
Statistiques pour chacune des composantes en mathématiques
Groupe
Résoudre des problèmes
(40 %)
Euler
Agnesi
Raisonner
(30 %)
Euler
Agnesi
Communiquer
(30 %)
Euler
Agnesi
Moyenne
Écart-type
43,58
7,025
76,69
6,656
48,95
6,751
Mathématiques
67,69
9,072
70,73
8,265
64,91
5,653
Le tableau 3 montre que le groupe d‘élèves de M. Euler présente des résultats inférieurs à ceux de
Mme Agnesi en résolution de problèmes et en communication à l‘aide du langage mathématique.
Ces deux composantes comptent pour 70 % de la moyenne générale. Cependant, le groupe
d‘élèves de M. Euler montre une moyenne plus élevée que le groupe de Mme Agnesi en ce qui a
trait au déploiement du raisonnement en mathématiques. Cette situation rend perplexe M.
Argand, qui se demande s‘il n‘existerait pas une relation entre les différentes composantes. La
CAP trace alors quelques diagrammes de dispersion, dont celui présenté à la figure 3 à propos de
la résolution de problèmes et de la communication à l‘aide du langage mathématique.
71
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Figure 3. Diagramme de dispersion : résolution de problèmes – communication
La figure 3 montre un diagramme de dispersion illustrant une corrélation linéaire forte et positive
entre les scores obtenus en résolution de problèmes et en communication par les élèves de M.
Euler (à titre indicatif, r = .865 ; Sig. bil. = .000). Même s‘il ne s‘agit pas nécessairement d‘une
relation de cause à effet, tout semble indiquer qu‘en connaissant le score d‘un élève du groupe de
M. Euler en communication à l‘aide du langage mathématique, il est possible de prédire son score
en résolution de problèmes. En outre, cette corrélation peut signifier qu‘il existe un ou des
facteurs communs à ces deux composantes. Si tel était le cas, ce ou ces facteurs seraient évalués
deux fois plutôt qu‘une. Enfin, l‘existence d‘un ou des facteurs communs à ces deux variables
pourrait bien constituer la véritable cause du faible taux de réussite des élèves de M. Euler.
À cet effet, Mme Noether, à titre de professeure du remue-méninges, apporte de l‘information
supplémentaire à propos de la rubrique « main-d‘œuvre » du diagramme en arêtes de poisson.
C‘est qu‘après avoir effectué une recherche rapide portant sur cette catégorie de causes, elle s‘est
rendu compte que la direction de l‘école avait dû embaucher plusieurs suppléantes et suppléants
pour remplacer un enseignant de français déclaré malade depuis le début de l‘année. Or, le taux
de roulement élevé du personnel enseignant dans le domaine de la langue française touche
particulièrement les élèves fréquentant la classe de M. Euler. Mme Barnum, en tant qu‘experte de
ce remue-méninges, pose alors le problème de savoir dans quelle mesure ce facteur pourrait
contribuer à expliquer le faible taux de réussite en mathématiques des élèves de M. Euler. Pour
parvenir à mieux explorer cette piste, la CAP procède à une cueillette de données qu‘ils
présentent sous la forme d‘histogrammes. La figure 4 montre des histogrammes faisant état des
résultats en français des élèves de M. Euler et de Mme Agnesi pour la composante « Comprendre
des textes variés en français ».
72
Jean Labelle
Figure 4. Histogramme
Le premier histogramme de la figure 4 montre que tous les élèves fréquentant la classe de
mathématiques de M. Euler échouent la composante « Comprendre des textes variés en
français », le seuil de réussite étant établi à 60 %. Seulement neuf d‘entre eux ont obtenu un score
supérieur ou égal à 50 %, mais inférieur à 60 %. Il n‘en va pas de même pour le deuxième
histogramme de la figure 4 qui montre que, parmi les 32 élèves fréquentant la classe de Mme
Agnesi, 27 ont réussi la composante « Comprendre des textes variés en français ». Près du tiers
de la classe présente des résultats supérieurs ou égaux à 70 %. Dans le cas qui nous concerne, il
semble donc exister un lien entre la compréhension des textes en français et le faible taux de
réussite des élèves de M. Euler. Le diagramme de dispersion suivant démontre cette relation.
Figure 5. Diagramme de dispersion
La figure 5 montre un diagramme de dispersion illustrant une corrélation linéaire entre les scores
obtenus en mathématiques et ceux observés en compréhension de textes variés par les élèves de
73
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
M. Euler (r = .879, Sig. bil. = .000). Par conséquent, sans nécessairement affirmer que la
difficulté de comprendre des textes variés en français constitue la cause du faible taux de réussite
des élèves de M. Euler en mathématiques, il est tout de même possible, grâce au diagramme de
dispersion et au calcul du coefficient de corrélation, de voir qu‘il existe une relation
statistiquement significative entre ces deux variables. Il y aurait donc lieu, pour cette CAP,
d‘explorer ce facteur et de travailler, en collaboration avec les enseignantes et enseignants de
français, à améliorer la compréhension de textes chez les élèves de M. Euler. (À titre indicatif, la
corrélation entre la résolution de problèmes et la compréhension de textes en français pour les
élèves de M. Euler était de r = .929, Sig. bil. = .000 ; celle relative à la communication à l‘aide du
langage mathématique et à la compréhension de textes en français était de r = .919 ; Sig.
bil. = .000 et celle touchant le raisonnement mathématique et la compréhension de textes en
français était de r = -.112 ; Sig. bil. = .541).
Toutefois, avant d‘apporter des améliorations à une ou plusieurs causes pour expliquer le faible
taux de réussite des élèves de M. Euler, ils ont tracé un diagramme de Pareto. Le diagramme de
Pareto permet d‘ordonner en ordre décroissant les causes d‘un problème, d‘établir des objectifs
d‘amélioration et de comparer les résultats obtenus avant et après les actions correctives. Pour ce
faire, après avoir confronté les causes énumérées au sein du diagramme en arêtes de poisson à des
faits, un des membres de la CAP a effectué une enquête auprès des 64 élèves des deux groupes de
mathématiques. Il s‘agissait, pour ces derniers, de choisir, parmi une liste de causes, celle qui
pouvait le plus nuire à leurs apprentissages en mathématiques. La figure 6 montre un diagramme
de Pareto qui fait état de leurs opinions.
Figure 6. Diagramme de Pareto
La figure 6 présente un diagramme de Pareto qui met en évidence quatre facteurs à améliorer en
vue d‘augmenter le taux de réussite des élèves en mathématiques, spécialement ceux de M. Euler.
Ces facteurs sont classés sur l‘axe des abscisses par ordre décroissant d‘importance. De même, on
retrouve sur l‘axe des ordonnées le nombre d‘élèves qui ont choisi une cause en particulier. De
l‘autre côté de l‘axe des ordonnées, les effectifs ont été traduits en pourcentages. Cela permet
74
Jean Labelle
d‘évaluer rapidement que le facteur relatif à la compréhension de textes variés en français a été
choisi par 39 élèves ce qui correspond à environ 60 % de la population de cette enquête. Enfin,
une courbe de pourcentages cumulés a été tracée afin de mieux apprécier la somme des
contributions de chacun des facteurs et d‘évaluer le bénéfice encouru à la suite des améliorations
qui seront apportées ultérieurement.
Ainsi, il est possible de constater qu‘environ 80 % des causes mentionnées au diagramme de
Pareto porte sur la compréhension des textes variés en français et la motivation des élèves. Le
facteur « climat de la classe » a retenu l‘attention de 14 % des élèves et, contrairement à la
direction de l‘école, il y a seulement 5 % des élèves qui croient que le manque de compétences de
leur enseignant ou de leur enseignante pourrait expliquer le faible taux de réussite en
mathématiques.
En corollaire, la CAP a tout de suite mis ses énergies sur l‘amélioration de la compréhension de
textes variés en français au point que, après quelques mois de récupération en ce domaine de
savoirs, non seulement la moyenne du groupe d‘élèves en français s‘était considérablement
améliorée, mais il en fut de même en mathématiques. Le tableau 4 présente différentes
statistiques relatives au groupe d‘élèves de M. Euler en mathématiques avant et après
l‘amélioration de la compréhension de textes variés en français.
Tableau 4
Statistiques relatives au groupe d’élèves de M. Euler en mathématiques avant et après
l’amélioration de la compréhension de textes variés en français
Groupe M. Euler
Résoudre des problèmes
(40 %)
Avant
Après
Raisonner
(30 %)
Avant
Après
Communiquer
(30 %)
Avant
Après
Moyenne
Écart-type
43,58
7,025
63,74
6,737
76,69
6,656
75,57
6,536
48,95
6,751
67,24
6,480
Minimum
Maximum
25
57
46
77
63
90
62
89
31
63
52
81
38,87
43,40
49,49
60,00
63,40
69,31
72,13
77,35
80,49
71,54
75,51
79,49
44,57
48,91
54,91
62,04
66,91
72,91
0%
81 %
100 %
100 %
3%
97 %
Mathématiques
Centiles
25
50
75
Taux de réussite
Les données du tableau 4 montrent que les taux de réussite des élèves de M. Euler en résolution
de problèmes et en communication à l‘aide du langage mathématique se sont améliorés de
beaucoup après avoir effectué de la récupération en compréhension de textes variés en français.
Alors qu‘aucun élève de la classe de M. Euler ne réussissait en résolution de problèmes avant la
récupération en français, 26 sur 32 réussissent après l‘avoir effectuée. Le taux de réussite en
raisonnement mathématique est demeuré le même et celui de la communication à l‘aide du
langage mathématique est passé de 3 % à 97 %.
Une fois le processus d‘enseignement et d‘apprentissage contrôlé, c‘est-à-dire exempt de causes
spéciales, il est devenu intéressant pour les membres de la CAP de tracer une carte de contrôle. Il
s‘agit d‘un graphique qui permet de suivre les fluctuations d‘une caractéristique et de repérer des
causes spéciales, c‘est-à-dire des causes qui ne relèvent pas de variations aléatoires normales que
75
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
l‘on nomme causes communes. La figure 7 montre une carte de contrôle portant sur les variations
des moyennes des élèves de M. Euler en résolution de problèmes durant les trois mois qui ont
suivi la récupération en compréhension de textes variés en français.
La figure 7 présente une carte de contrôle portant sur 12 moyennes de petits échantillons
aléatoires de 4 élèves en résolution de problèmes durant les trois mois qui ont suivi la
récupération en français. Par exemple, lors de la première semaine, M. Euler a tiré au hasard 4
copies d‘élèves en résolution de problèmes en mathématiques, les a évaluées et a calculé la
moyenne de ces résultats, soit 64,5 % qu‘il a porté sur la carte de contrôle. Il a fait de même pour
toutes les autres semaines. Une fois ces données colligées, M. Euler a calculé la moyenne des 12
moyennes d‘échantillons. Cela lui a donné une moyenne générale de 61,723 qu‘il a représentée
par une ligne horizontale pleine sur la carte de contrôle. Enfin, M. Euler a calculé la limite de
contrôle supérieur (LCS = 71, 892) et la limite de contrôle inférieure (LCI = 51,553) qu‘il a
représentées par des lignes horizontales en pointillés. Ces limites prennent en considération un
intervalle de confiance (ici, de plus ou moins 3 écarts-types des moyennes d‘échantillonnage),
permettant de prédire que, sous certaines conditions, 99,74 % des données devraient se trouver à
l‘intérieur des limites de contrôle. Si bien que, si une donnée se situe à l‘extérieur de ces limites
(c‘est le cas de l‘échantillon 10), il est possible d‘affirmer, avec un risque d‘erreur déterminé,
qu‘elle ne résulte pas d‘une cause commune (due au hasard), mais bien d‘une cause spéciale
(comme d‘un mauvais calcul de la moyenne de l‘échantillon ou l‘apparition d‘une nouvelle cause
qui pourrait contribuer à perturber le processus d‘enseignement et d‘apprentissage jusqu‘alors
sous contrôle).
Bref, en guise de synthèse, plusieurs motifs sont à la base des réformes actuelles de nombreux
systèmes éducatifs occidentaux. Actuellement, la tendance est d‘évoluer vers de nouvelles formes
de travail en éducation qui favorisent la participation, la collaboration et le travail en équipe.
C‘est dans cette foulée que l‘on parle de plus en plus de communauté d‘apprentissage
professionnelle.
Figure 7. Carte de contrôle des moyennes en résolution de problèmes
76
Jean Labelle
Il existe plusieurs acceptions d‘une communauté d‘apprentissage professionnelle. Toutefois, nous
proposons la définition opératoire suivante : une communauté d‘apprentissage professionnelle est
un groupe, pouvant inclure ou non d‘autres groupes, dont les membres interagissent entre eux
dans le but d‘améliorer une situation qui les concerne, en partageant des connaissances et des
pratiques selon les valeurs et les normes relatives à leur fonction. Cette définition permet
différentes configurations d‘une communauté d‘apprentissage professionnelle. Cependant, dans
tous les cas, la communauté d‘apprentissage professionnelle doit posséder les trois
caractéristiques d‘un groupe, soit plus de deux personnes qui interagissent pour atteindre un but.
En outre, elle doit favoriser le partage des connaissances et des pratiques, et ce, dans le respect
des valeurs et des normes relatives à la fonction des membres.
Pour qu‘une communauté d‘apprentissage professionnelle acquière des connaissances, elle doit
s‘inspirer de stratégies, de pratiques, de méthodes et de techniques. Or, en ce qui a trait aux
méthodes mises de l‘avant par les communautés d‘apprentissage professionnelles, la recension
des écrits révèle que peu ou pas de techniques quantitatives sont utilisées par ces dernières.
Conséquemment, nous avons présenté sept méthodes statistiques afin de mieux outiller les
communautés d‘apprentissage professionnelles. Ces méthodes sont le diagramme en arêtes de
poisson, le tableau de fréquence, le diagramme à bâton, l‘histogramme, le diagramme de Pareto,
le diagramme de dispersion et la carte de contrôle. Utilisées à bon escient, ces méthodes
contribuent à la mission première d‘une communauté d‘apprentissage professionnelle, soit celle
d‘apprendre à apprendre et… à bien d‘autres choses. Parlez-en à M. Euler!
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79
Développement d’un outil virtuel pour favoriser le raisonnement algébrique
lors de la résolution de problèmes chez les élèves du primaire
Elena Polotskaia
Université McGill
Viktor Freiman
Université de Moncton
Annie Savard
Université McGill
RÉSUMÉ. Dans cet article, nous présentons une recherche exploratoire sur une activité de
résolution de problèmes réalisée dans l‘environnement virtuel spécialement conçu à cet effet.
Dans l‘activité, l‘élève fait face à un texte de problème où les données numériques sont cachées
derrière des boutons-lettres. L‘environnement virtuel permet à l‘élève de découvrir un ou
plusieurs nombres cachés si l‘élève le désire. Le but de l‘activité est de construire la ou les
phrases mathématiques pour résoudre le problème. Nous décrivons différentes réactions des
élèves face à une situation où l‘élève est explicitement invité à analyser le problème sans avoir vu
les données numériques.
INTRODUCTION
La résolution de problèmes mathématiques occupe une place centrale au primaire comme en fait
foi le Programme de formation de l’école québécoise 2001. Plusieurs chercheurs en didactique
ont identifié les difficultés des élèves à résoudre des problèmes dès jeune âge dues, entre autres, à
la perception et l‘interprétation de l‘énoncé (Stacey et MacGregor, 1995), à la stratégie ou la
planification de la solution (Schumann, 1997), à la cognition et à la métacognition (Vergnaud,
1982). Malgré de nombreuses recherches dépistant les difficultés et proposant des stratégies
d‘enseignement dites plus efficaces, la problématique demeure toujours actuelle (Barrouillet,
Camos, 2002; Ducharme et Polotskaia, 2008; Xin, 2008; Gamo et al., 2009; Thevenot, 2010).
Une analyse sémantique de l‘énoncé du problème et de la structure mathématique du problème
sous-jacente à la compréhension a permis aux chercheurs de classifier les problèmes
arithmétiques de nature additive (Nesher et al. 1982; Riley et al. 1984; Vergnaud, 1982). En gros,
les problèmes sont classifiés selon deux caractéristiques mathématiques et cognitives :


l‘action principale :
o composition (deux ensembles ou deux quantités décrites dans l‘énoncé composent
un troisième)
o changement (un ensemble ou une quantité a été augmenté ou diminué) ou
o comparaison (deux ensembles ou deux quantités sont comparés de façon additive);
la position de l‘inconnue dans la structure mathématique du problème.
Elena Polotskaia, Viktor Freiman et Annie Savard
Cette classification nous aide à préciser les caractéristiques des problèmes qui posent plus de
difficultés, notamment, lorsque l‘inconnu n‘est pas en état final de la transformation, et surtout
quand le signe d‘opération ne correspond pas au sens direct de l‘action ou de la relation dans
l‘énoncé verbal du problème (Nesher et al. 1982; Riley et al. 1984; Vergnaud, 1982; Valentin,
2004).
Un autre axe de recherche vise la modélisation du raisonnement de l‘élève lors de la résolution de
problèmes (Nesher et al. 1982; Kintsch et Greeno‘s, 1985; Staub et Reusser, 1995). Les auteurs
suggèrent que l‘amélioration des capacités des élèves en résolution de problèmes passe par le
développement d‘un raisonnement algébrique (Davidov, 1982; Bednarz et Janvier, 1996; Schmidt
et Bednarz, 1997; Lins et Kaput, 2004; Carraher et al. 2000).
La recherche sur le développement du raisonnement algébrique chez les élèves du primaire se
centre souvent sur leur capacité de généraliser à partir d‘une suite des nombres ou des régularités
(Lee et Freiman, 2006). Blanton et Kaput (2005) ont étudié le développement du raisonnement
algébrique au primaire à partir de structures arithmétiques généralisées. Dans notre recherche
précédente, nous nous sommes penchées sur la possibilité d‘utilisation de la résolution de
problèmes à l‘énoncé verbal pour promouvoir le développement du raisonnement algébrique chez
les jeunes (Ducharme et Polotskaia, 2009); notamment, nous avons cherché à développer la
capacité d‘analyser et de communiquer la structure mathématique du problème.
Dans le cadre de cet article, nous explorons de nouvelles perspectives qui s‘ouvrent avec
l‘utilisation des interfaces virtuelles permettant d‘augmenter le niveau d‘interactivité de l‘élève
avec l‘énoncé du problème. Nous nous sommes inspirés de l‘idée des énoncés ‗à trous‘ (René De
Cotret, 2006) pour construire un environnement virtuel permettant à l‘élève de créer des phrases
mathématiques à partir de données du problème, soit sous forme concrète (nombres) ou sous
forme plus générale (en utilisant les lettres). Nous allons analyser dans les prochaines sections
comment les trois aspects : le raisonnement algébrique, la résolution de problèmes à l‘énoncé
verbal et la technologie contemporaine, peuvent se joindre dans une création et mise à l‘essai
d‘un outil didactique virtuel que nous avons expérimenté avec un groupe d‘élèves de 2 e cycle du
primaire. Nous débutons avec quelques éléments de chaque aspect précisant nos choix théoriques
et méthodologiques.
CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES
Les différentes sources consultées donnent plusieurs explications du terme « raisonnement
algébrique » (Driscoll, 1999; Squalli 2007; Krieger, 2007). Les auteurs mentionnent, entre autres,
les composantes suivantes : le raisonnement qualitatif, l'habilité de résolution de problèmes,
l'habilité de représentation, généralisation de structures, raisonnement à l‘aide d‘inconnues.
Schmidt (1996, p. 280) définit plutôt « la procédure algébrique » en la contrastant avec « la
procédure arithmétique ».
La procédure arithmétique
Une procédure est jugée « arithmétique » lorsque, à l'analyse, il ressort que le sujet
a entrepris une démarche de résolution de type synthétique où, constamment, il a
pris appui sur des nombres connus pour effectuer les opérations successives qu'il
croyait requises.
81
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
La procédure algébrique
Une procédure est jugée « algébrique » lorsque le sujet, dans une approche de type
analytique, a axé sa démarche de résolution sur un nombre inconnu,
momentanément remplacé par une notation quelconque (une lettre ou un mot). Ce
substitut est utile pour organiser globalement les relations fournies dans le
problème, mais surtout pour effectuer les opérations nécessaires : le sujet, dans sa
démarche, travaille directement sur l'inconnue.
On peut se demander alors quel rôle jouent les nombres concrets dans le choix du raisonnement
d‘un élève et quel sera ce choix si une procédure « algébrique » est demandée explicitement.
La résolution de problèmes est reconnue par les chercheurs et les praticiens comme un outil
indispensable pour l'enseignement de la mathématique (MEQ, 2001; Barrouillet et Camos, 2002).
Toutefois, le sens et la valeur éducative de la résolution de problèmes peuvent varier
dépendamment du scénario didactique dans lequel cette résolution est enrobée. Les auteurs
remarquent que dans la situation de résolution d‘un problème arithmétique à l‘énoncé verbal (un
procédé dit classique), l‘élève peut se concentrer soit sur les données (nombres concrets) et les
opérations pour calculer la réponse, soit sur les relations entre les quantités (le rôle de chaque
donnée dans la situation) et les différentes méthodes de solution (Chevallard, 1989; Schmidt,
1996; Squalli, 2007; Ducharme et Polotskaia 2009).
Dans le premier cas, la perception de l‘élève est concrète et son raisonnement est plutôt
arithmétique, ce qui amène l‘élève à entreprendre une procédure arithmétique. La décision sur
l‘opération à utiliser peut découler implicitement de l‘analyse intuitive du texte du problème. Les
relations mathématiques entre les données ne sont pas isolées ni modélisées par l‘élève. Il fait
plus attention à l‘exécution de l‘opération choisie et il modélise au besoin les nombres concrets à
l‘aide des objets physiques ou d‘un dessin. Ce raisonnement peut être réussi en se basant
principalement sur l‘objet mental « nombre concret ». L‘objet mental « inconnu » n‘est pas
nécessaire ici (Ducharme et Polotskaia, 2009).
Dans le deuxième cas, la perception de l‘élève est globale (Krutetskii, 1976). La compréhension
globale de la sémantique du texte permet ainsi à l‘enfant de décrire explicitement ou de modéliser
la structure mathématique du problème à l‘aide de mots, de dessins, de schémas ou de symboles.
Dans cette compréhension de la structure, les valeurs concrètes des nombres ne jouent pas de rôle
important. Sans modifier cette structure du problème, chaque nombre concret peut être remplacé
par un autre nombre. Dans ce cas, il y a potentiellement une occasion d‘attirer l‘attention de
l‘enfant aux relations entre les quantités décrites dans l‘énoncé. L‘élève peut alors entreprendre
une procédure algébrique en construisant un raisonnement basé sur l‘objet mental « inconnu ».
Ici, l‘emploi du terme « inconnu » se réfère à « nombre quelconque » plutôt qu‘à la notion
formelle de variable au sens algébrique.
Au cœur de la différence entre le raisonnement dit arithmétique basé sur le nombre concret et
celui basé sur le « nombre quelconque », il y a un phénomène décrit, entre autres, par Deledicq
(2003). Pour alimenter les débats terminologiques, posons-nous la question : jusqu‘à quel point
peut-on considérer ce dernier type de raisonnement comme « algébrique »?
D‘une part, la notion formelle de l‘inconnue n‘intervient pas explicitement dans ce cas-là, on
parle plutôt de nombres dont les valeurs concrètes ne jouent pas de grand rôle dans le
82
Elena Polotskaia, Viktor Freiman et Annie Savard
raisonnement. Toutefois, il nous semble que ce raisonnement est centré sur des relations entre les
valeurs (« nombres quelconques »), ce qui est le sujet d‘algèbre. Il se rapproche donc au
raisonnent algébrique, mais ne lui est pas identique. Nous proposons ainsi de distinguer dans la
situation de la résolution de problèmes à l‘énoncé verbal au primaire :


Un « raisonnement quantitatif numérique » centré sur les nombres concrets ou codés et
Un « raisonnement quantitatif relationnel » centré sur les relations entre les nombres et la
structure mathématique du problème.
Dans notre recherche, nous tentons d‘expliciter le raisonnement des élèves lors de la résolution de
problèmes à énoncé écrit ayant une structure additive. Pour nous aider à établir différents types
de raisonnement, nous avons élaboré un outil virtuel proposant à l‘élève un énoncé ayant des
nombres « cachés » (déguisés) sous forme de boutons-lettres (étiquettes) et où on note la réaction
de l‘élève face à cet énoncé. Dans notre prochaine section, nous expliquerons cette démarche en
détail.
NOTRE EXPÉRIMENTATION
Le site du Marathon virtuel des mathématiques (http://www8.umoncton.ca/umcmmmv/index.php) a été utilisé pour créer une banque de problèmes, une banque d‘utilisateurs
(élèves) ainsi que les interfaces appropriées pour les chercheurs (administrateurs) et les élèves
(participants). Une expérimentation a été réalisée lors d‘ateliers de tutorat donnés par la
chercheuse principale auprès de 10 élèves de deuxième cycle du primaire, dont 9 sont considérés
par leurs parents comme ayant besoin d‘aide en mathématique. Le 10 e élève est un élève
« régulier » qui s‘est joint au groupe par curiosité. Les ateliers se sont déroulés après les classes et
les élèves y ont participé sur une base volontaire. Lors de ces ateliers, les élèves recevaient de
l‘aide aux devoirs en mathématiques. L‘outil virtuel a été présenté à chaque élève lors de l‘un de
ces ateliers par l‘auteure première qui, également, expliquait les règles aux élèves et supervisait
leur travail à l‘ordinateur. Les traces numériques du travail de chaque élève ont été enregistrées
en format électronique et analysées par les chercheurs.
L‘outil virtuel proposait à l‘élève l‘énoncé d‘un problème dans lequel les nombres étaient
« couverts » de boutons-lettres. L‘élève était assis devant l‘écran d‘ordinateur et essayait de
formuler la phrase mathématique permettant de résoudre le problème. L‘élève pouvait donc
prendre la décision de découvrir la lettre pour voir le nombre « caché » et l‘utiliser par la suite
dans sa phrase, ou bien écrire sa phrase en se servant de lettres. Même si ces règles de jeu
autorisaient l‘élève à faire afficher le nombre caché en cliquant sur le bouton-lettre, le but du jeu
lui a été présenté explicitement comme étant d‘écrire cette phrase de façon « algébrique » (avec
les lettres). La chercheuse présente incitait explicitement l‘élève à découvrir ces lettres seulement
en cas de besoin.
Ainsi, notre variable didactique a été choisie dans le but d‘encourager l‘élève à analyser la
structure mathématique du problème en s‘appuyant sur le raisonnement quantitatif relationnel
plutôt que sur le raisonnement quantitatif numérique. Toutefois, l‘élève avait toujours le choix
d‘adapter son environnement à son « niveau de confort » en « ouvrant » un ou plusieurs nombres.
Une autre variable didactique était d‘ajouter une donnée superflue dans l‘énoncé dans le but
d‘assurer que le choix de données de l‘élève n‘est pas fait « au hasard » et reflète donc sa vision
de la structure du problème. Chaque élève a résolu de deux à quatre problèmes selon sa volonté.
83
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
La première tentative de chaque élève a été utilisée pour s‘assurer que l‘enfant comprenait bien
les règles du « jeu » et se sentait à l‘aise devant l‘ordinateur. Comme il a été mentionné ci-haut,
les actions des élèves ont été observées et leurs résultats ont été enregistrés par l‘ordinateur. En
faisant notre analyse préliminaire, nous nous sommes intéressés par la capacité de l‘outil virtuel
d‘expliciter le type de raisonnement employé par l‘élève. Les exemples de réactions des élèves
que nous avons observées sont présentés dans la section suivante.
RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES
Dans notre analyse du travail des élèves dans l‘environnement informatique proposé, nous avons
pu observer et distinguer quatre réactions différentes des élèves face aux problèmes différents.
Les exemples suivants illustrent chaque type de réaction observée.
Réaction 1. L‘élève découvre tous les boutons au début de son travail en se servant, par la suite,
des nombres pour écrire sa phrase (correcte ou incorrecte).
Élève 1, problème de composition avec des données superflues et le total inconnu :
Élève 3, problème de composition avec des données superflues et le total inconnu :
Réaction 2. L‘élève découvre les boutons représentant les données pertinentes seulement et
fournit une phrase numérique correcte.
Élève 2, problème de composition avec des données superflues et le total inconnu :
Dans l‘exemple qui suit, l‘expérimentateur a proposé à l‘élève de travailler avec des lettres;
toutefois, l‘élève a préféré de continuer avec des nombres en écrivant une phrase correcte.
84
Elena Polotskaia, Viktor Freiman et Annie Savard
Élève 4, problème composé de deux changements consécutifs avec des données superflues et
l‘état final inconnu
Le cas de l‘élève 5 mérite d‘être présenté également, car l‘élève, malgré le fait de garder la lettre
d intacte, l‘a toutefois remplacée dans sa phrase par un nombre (4 – pattes d‘un chien).
Élève 5, problème de composition impliquant une multiplication, le total est inconnu
Réaction 3. Les élèves acceptent la proposition de l‘expérimentateur à ne pas ouvrir les boutons,
mais ils ne réussissent pas le problème. On ignore les raisons de leur échec, mais elles ne
semblent pas être liées à la façon de travailler avec le problème (utiliser les lettres). Ainsi, l‘élève
2 n‘a peut-être pas remarqué que les lettres b et d représentent les distances et non le nombre de
colis livrés. L‘élève 3 n‘a peut-être pas compris la question et a juste additionné toutes les lettres.
Élève 2 (demandé à ne pas ouvrir les boutons), problème composé de deux changements
consécutifs avec des données superflues et l‘état final inconnu.
Élève 3, problème de composition avec des données superflues et le total inconnu
85
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Réaction 4. L‘élève travaille avec des lettres sans ouvrir les boutons; la phrase mathématique
fournie à l‘aide des lettres est correcte. Il s‘agit donc de la réussite de la tâche dans sa forme la
plus généralisée.
Élève 1, problème de composition avec des données superflues et le total inconnu
Les exemples démontrent que certains élèves de notre groupe ont été capables de résoudre un
problème ayant une structure additive de façon générale, sans se préoccuper des valeurs
numériques concrètes, et même à exprimer la solution à l‘aide des lettres. Les réactions d‘un
élève pouvaient également varier d‘un problème à l‘autre. Par exemple, l‘élève 1 a démontré la
réaction 1 face au premier problème et la réaction 4 face au deuxième. Les deux problèmes ont
été résolus correctement. Une étude plus poussée devrait être conduite pour expliquer ce
phénomène.
Certains élèves ont eu besoin d‘avoir quelques boutons ouverts (réaction 2). L‘élève 4 de ce
groupe, même sans avoir travaillé avec des lettres, semble être capable d‘identifier les données
pertinentes et fournir la solution numérique correcte. Sans pouvoir, pour l‘instant, d‘expliquer sa
réaction, on peut se demander en quoi son raisonnement est différent de celui de l‘élève 1.
Une combinaison de réactions fort intéressantes a été observée chez l‘élève 2 (les réactions 2 et
3). Comme dans le cas précédent, nous pouvons constater que l‘élève est capable de résoudre le
problème, car dans la situation du libre choix, il utilise les nombres pertinents et fournit une
bonne solution. Toutefois, dans une situation où elle est « incitée » à ne pas ouvrir les butons,
l‘élève utilise le nombre (un seul ouvert) différemment des lettres. Le nombre est traité
respectivement à son rôle dans le problème : total de colis qu‘on doit utiliser pour en soustraire
les colis distribués. Tous les autres boutons (les lettres) ont été traités comme ayant le rôle
identique : les valeurs à soustraire du total. Le logiciel permet donc d‘observer cette différence,
mais d‘autres outils seraient nécessaires pour l‘expliquer.
Les réactions semblables à celles du cas précédent sont identifiables chez l‘élève 3. Une fois
« incité » à travailler avec des lettres, il traite toutes les lettres du problème de la même façon :
additionne tout : la décision prise, en plus, très rapidement (selon le journal de la ). Une fois tous
les nombres ouverts, le même type de problème est bien réussi, cette fois-ci après une réflexion
plus longue (voir les réactions 2 et 3 ci-haut).
Dans le cas des réactions 2 et 3 manifestées par plusieurs élèves de notre groupe – un refus de
travailler avec les lettres ou l‘utilisation incorrecte des lettres pourrait indiquer les difficultés à
percevoir globalement le « nombre quelconque » désigné par une lettre. Nos résultats ne nous
permettent pas toutefois d‘attribuer cette réaction à un facteur ‗raisonné‘ (comme, par exemple,
cet objet mental n‘est probablement pas développé) ou d‘autres, plutôt situationnels ou/et
affectifs.
86
Elena Polotskaia, Viktor Freiman et Annie Savard
DISCUSSION ET CONCLUSION
Dans ce texte, nous avons présenté quelques exemples de raisonnements mathématiques
employés par des élèves de deuxième cycle du primaire (3-4 années) qui résolvaient des
problèmes à énoncés écrits de structure additive dans lesquels les nombres ont été « cachés » par
des lettres. Un environnement virtuel a été construit pour permettre à l‘élève d‘écrire de façon
interactive une phrase mathématique pour résoudre le problème donné en se servant de la forme
initiale (nombres cachés) ou en la modifiant en découvrant les nombres (les valeurs numériques
des données).
Comme le précisent les écrits recensés, les élèves peuvent manifester différents types de
raisonnement. Dans l‘environnement virtuel qui explicitement sollicite un raisonnement à l‘aide
de « nombre quelconque » et l‘analyse de structure mathématique du problème, les réactions des
élèves ont été différents. Nous avons décrit quelques types de réactions démontrées par des élèves
de notre groupe qui peuvent témoigner une différence dans le potentiel des élèves de mettre en
place un raisonnement quantitatif relationnel face à un problème arithmétique. Cette observation
se résume ainsi :
Dans certain cas, l‘élève est capable d‘identifier les données pertinentes dans
l‘énoncé où les nombres sont « cachés » et en même temps il est incapable de
s‘appuyer sur l‘objet mental « nombre quelconque » pour construire la phrase
mathématique sous une forme abstraite : à l‘aide de lettres.
Doit-on conclure que la capacité de percevoir les relations mathématiques dans une situation
donnée est indépendante de la capacité de raisonner à l‘aide du « nombre quelconque »? Pourquoi
certains élèves sont-ils capables de construire la phrase mathématique pour résoudre le problème
si les nombres sont ouverts et ne sont pas capables de le faire si les nombres sont cachés?
De manière générale, cette première expérimentation suscite plusieurs questionnements en ce qui
a trait aux raisonnements des élèves lors de l‘utilisation de l‘outil virtuel :




Si l‘élève est capable de voir la structure mathématique du problème, pourquoi choisit-il
de travailler avec des nombres?
Pourquoi certains élèves traitent-ils les lettres de façon particulière?
Quel raisonnement est sous-jacent à deux objets mentaux : le nombre caché (nombre
quelconque) et le nombre concret (nombre codé)?
Comment aider l‘élève à développer une compréhension plus profonde de structures
mathématiques?
Une expérimentation plus détaillée ainsi qu‘une analyse approfondie seraient donc nécessaires
pour vérifier notre hypothèse et pour répondre à ces questions.
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89
Vers un modèle didactique favorisant une pensée réflexive chez des futurs
enseignants du primaire dans le domaine de l’éducation mathématique 1
Anne Roy
Université du Québec à Trois-Rivières
RÉSUMÉ. L'étude explore le développement d‘habiletés réflexives chez des futurs enseignants
du primaire alors qu‘ils utilisent une approche basée sur des discussions à visée philosophique
(DVP) dans le domaine de l‘éducation mathématique. L‘étude de cas vise notamment à
comprendre le processus développemental de la forme et du contenu de la pensée réflexive afin
d‘aider les futurs enseignants à planifier de meilleures situations d‘enseignement-apprentissage
en mathématiques. Sur le plan méthodologique, une analyse qualitative a été effectuée sur les
habiletés de pensée émergentes du discours des participants. Les outils méthodologiques sont des
verbatim de cinq discussions, la rédaction de courriel après chaque discussion et la transcription
d‘entrevues individuelles effectuées avec cinq participants à la fin de l‘étude. Ce texte montre
qu‘en utilisant une approche didactique et philosophique, des futurs enseignants ont développé
leur pensée réflexive en regard de leurs représentations idéologiques de l‘éducation
mathématique.
PROBLÉMATIQUE
Une majorité de futurs enseignants au primaire ressentent un malaise pour planifier des situations
d‘enseignement-apprentissage en mathématiques qui seront porteuses de signifiance pour les
élèves. Au Québec, comme ailleurs, différents dispositifs ont été mis au point pour contrer ce
problème (Proulx et Gatusso, 2010). Néanmoins, les efforts consentis ne donnent pas les résultats
escomptés car la plupart des futurs enseignants reprennent, dans leur pratique, leurs anciennes
représentations et habitus à l‘égard du savoir enseigné (Deblois, 2010; Marchand, 2010). De plus,
ils manifestent encore souvent des résistances à utiliser des approches mathématiques
correspondantes aux nouvelles exigences curriculaires (Roy, 2010). Or, en continuité avec
l‘avancement de la recherche en éducation, une avenue prometteuse dans la formation à
l‘enseignement selon plusieurs chercheurs est l‘utilisation d‘une pratique réflexive (Boutet, 2004;
Gauthier et Tremblay, 2006; Guillemette, 2006; Lafortune, 2007; Lebuis et Lamer, 1999; Roy,
2008a). Une pratique réflexive permettrait au futur enseignant de questionner sa pratique
éducative et de développer notamment une pensée complexe et réflexive mettant en œuvre des
habiletés cognitives de niveau supérieur qu‘il pourrait réutiliser dans sa future pratique.
OBJECTIF
L‘objectif ultime de la recherche consistait à mettre au point un modèle didactique pour soutenir
le développement d‘habiletés réflexives chez les futurs enseignants du primaire afin de les aider à
planifier de meilleures situations d‘enseignement-apprentissage en mathématiques. La
1
Cette étude a été subventionnée par le Fonds Institutionnel de recherche (FIR) de l‘Université du Québec à TroisRivières.
Anne Roy
présomption didactique sous-jacente à ce modèle était de développer graduellement une
réflexivité chez les futurs enseignants en intervenant dans les DVP en utilisant une forme
d‘habileté langagière adjuvante aux types de pensée réflexifs (Roy, 2005), qui permettrait au
futur enseignant de vivre moins de résistance par rapport aux nouvelles exigences du programme
de formation en mathématiques et de concevoir des activités mathématiques plus signifiantes
pour les élèves du primaire. Pour ce faire, nous avons d‘abord mis en lumière le type de pensée
réflexif (Roy, 2005) utilisé par chaque futur enseignant. Par la suite, nous avons analysé le
développement de la forme et du contenu des habiletés réflexives chez des participants alors
qu‘ils utilisent une approche basée sur des DVP dans le domaine de l‘éducation mathématique.
CADRE THÉORIQUE
Fondée sur une épistémologie de l‘apprentissage socioconstructiviste et une philosophie de
l‘éducation pragmatiste, nous avons fait appel à une approche didactique et philosophique en
mathématiques où le questionnement sur les pratiques éducatives des futurs enseignants en
mathématiques s‘est effectué dans le contexte de communauté de recherche philosophique à
l‘aide de DVP en mathématiques. Cette approche est inspirée de l‘approche philosophique en
mathématiques mise au point par Daniel, Lafortune, Pallascio et Sykes (1996) pour les élèves de
la fin du primaire et du début du secondaire, laquelle nous avons adaptée à la formation des
maîtres. La démarche de l‘approche didactique et philosophique en mathématiques utilisée se
déroule selon les huit étapes suivantes : 1) L‘évaluation préalable du type de pensée réflexive ; 2)
La lecture d‘une mise en situation ; 3) La formulation et la collecte des questions soulevées par
les étudiantes et étudiants ; 4) La réflexion individuelle avant la discussion de groupe; 5) La
discussion à visée philosophique en communauté de recherche ; 6) La planification d‘une
situation d‘enseignement-apprentissage; 7) La discussion pédagogique en communauté de
recherche philosophique ; 8) La réflexion individuelle après la discussion pédagogique2.
Les cinq types de pensée réflexifs développés dans le cadre de notre recherche doctorale (Roy,
2005) tiennent compte de la forme et du contenu de la pensée complexe. La forme de la pensée a
été analysée à l‘aide de la théorie de Matthew Lipman (1995) en termes d‘habiletés de pensée
complexe associées aux modes de pensée critique, créatif, responsable et métacognitif 3 . Le
contenu de la pensée a été analysé à l‘aide du modèle épistémologique des idéologiques de
l‘éducation mathématique de Paul Ernest (1991) en termes de représentations idéologiques. À
partir de ces deux cadres théoriques, une première grille d‘une pensée complexe et réflexive a été
élaborée afin de réaliser une analyse qualitative homogène pour les cinq niveaux idéologiques
d‘Ernest. Cette première grille a nécessité une analyse itérative et une validation inter-juges
(Miles et Huberman, 2003). À partir de cette première grille, cinq grilles d‘habiletés de pensée
ont été constituées pour chaque type de pensée réflexif à l‘aide des manifestations émergentes du
2
Pour avoir plus d‘informations sur les étapes de l‘approche didactique et philosophique, voir le texte de Roy
(2008b) publié dans les actes du colloque du GDM 2008.
3
Les modes de pensée critique, créatif et responsable sont basés sur la théorie de Lipman, tandis que le mode
métacognitif a été étudié dans le cadre de nos travaux de recherche (voir Roy, 2008-2009) à partir des travaux de
l‘équipe de Pallascio, Daniel et Lafortune (2004). Voici une courte définition des modes de pensée complexe. Le
mode de pensée critique facilite la recherche de validité. Le mode de pensée créatif contribue à la recherche du sens.
Le mode de pensée responsable s‘attarde à la recherche éthique pour mieux savoir-vivre ensemble. Le mode de
pensée métacognitif s‘attarde à la prise de conscience des actes mentaux.
91
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
discours des futurs maîtres. Après une analyse rigoureuse de ces grilles, cinq types de pensée
réflexifs sont ressortis en lien avec des formes d‘habiletés langagières. Pour donner un aperçu des
types de pensée réflexifs, voici une très brève définition de chacun d‘eux.
1) une pensée a-réflexive s‘énonce sur le plan de la forme à l‘aide d‘énoncés affirmatifs fondés
sur une autorité ou des croyances absolues. Sur le plan du contenu, les mathématiques sont vues
comme la discipline à éviter. On ne retrouve pas de réflexivité dans ce type de pensée, lequel est
souvent chargé d‘émotivité.
2) une pensée non réflexive s‘énonce sur le plan de la forme à l‘aide d‘énoncés descriptifs fondés
sur des aspects d‘ordre personnel, pratique ou utilitariste. Sur le plan du contenu, les notions
mathématiques sont abordées strictement dans leur dimension physique et la dimension
mathématique est complètement évacuée du raisonnement. On retrouve un manque de réflexivité
dans ce type de pensée, qui est souvent supplée par des considérations personnelles, pratiques ou
utilitaristes.
3) une pensée pré-réflexive s‘énonce sous la forme d‘énoncés explicatifs fondés sur une logique.
Sur le plan du contenu, les mathématiques sont vues comme structurées selon une logique
préétablie qu‘ils doivent suivre stricto sensu plutôt que de faire appel à leur propre jugement.
4) une pensée quasi-réflexive s‘énonce sous la forme d‘énoncés justificatifs logiques fondés sur
une compréhension logique mettant l‘emphase sur l‘évolution d‘un savoir. Sur le plan du
contenu, les mathématiques sont vues comme une construction de la pensée humaine.
5) une pensée réflexive s‘énonce sous la forme de justifications logiques d‘ordre social. Sur le
plan du contenu, les mathématiques sont vues comme une construction sociale toujours en
développement.
En guise de résumé, le tableau 1, ci-dessous, expose la forme d‘habileté langagière
correspondante à chaque type de pensée réflexif.
Tableau 1
Type de pensée réflexif avec leur forme d’habileté langagière
Type de pensée réflexif
Forme des habiletés
A-réflexif
Affirmation
Non réflexif
Description
Pré réflexif
Explication
Quasi réflexif
Justification
Réflexif
Justification sociale
QUESTION DE RECHERCHE
La question principale qui a guidé notre étude est la suivante : « Est-ce que le futur enseignant du
primaire qui a développé des habiletés réflexives de niveau supérieur dans le cadre de discussions
92
Anne Roy
à visée philosophique (DVP) en mathématiques élabore alors des situations d‘enseignementapprentissage porteuses de signifiance pour les élèves du primaire ? ».
MÉTHODOLOGIE
L‘étude de cas s‘est déroulée de septembre 2008 à février 2009 avec un groupe de sept futurs
maîtres inscrits volontairement à un projet de recherche financé par l‘Université du Québec à
Trois-Rivières dans le cadre de subventions internes (FIR). Bimensuellement, une discussion à
visée philosophique (DVP) était cédulée sur un thème mathématique. Chaque discussion a duré
approximativement une heure. Une analyse qualitative a été effectuée à partir du discours des
futurs enseignants pour examiner le type de pensée réflexif que ces derniers développent
lorsqu‘ils sont amenés à concevoir des situations d‘enseignement-apprentissage en
mathématiques. La collecte des données a été assurée par l‘enregistrement vidéo de cinq
discussions en communauté de recherche philosophique, la rédaction de courriel après chaque
discussion et l‘enregistrement audio d‘entrevues individuelles à la fin du projet avec cinq
participants. Comme matériel, pour initier les DVP, nous avons utilisé une histoire élaborée dans
notre recherche doctorale (Roy, 2005) qui a pour titre : « Opus en spectacle » portant sur les
notions de hasard, infini et perspectives 4.
RÉSULTATS
À la lumière de nos analyses, nous estimons que tous les participants ont développé une plus
grande réflexivité par rapport au domaine de l‘éducation mathématique en participant à des
communautés de recherche philosophique en mathématiques. Néanmoins, dans le cadre de notre
étude, nous n‘avons pas réussi à démontrer que les interventions dans les DVP, utilisant une
forme d‘habileté langagière adjuvante aux types de pensée réflexifs, aident les futurs enseignants
à planifier de meilleures situations d‘enseignement-apprentissage en mathématiques. Ultimement,
nous pouvons seulement confirmer que l‘utilisation de DVP dans le contexte de la didactique des
mathématiques favorise le développement d‘une pensée réflexive de niveau supérieur chez les
participants aux discussions.
Dans ce texte, nous nous attarderons donc au contenu de la pensée en présentant des extraits de
verbatim qui révèlent que des futurs enseignants du primaire qui ont participé à l‘étude
reconnaissent avoir développé des habiletés réflexives dans le domaine de l‘éducation
mathématique grâce à l‘approche didactique et philosophique en mathématiques. Dans les
paragraphes suivants, premièrement, nous présentons des extraits d‘entrevue qui témoignent de
ce fait pour deux participants : une étudiante et un étudiant. Pour chacun de ces deux participants,
nous donnons d‘abord le type de pensée réflexif que nous avons analysé à l‘aide des extraits de
leur discours provenant des DVP. Deuxièmement, nous présentons des caractéristiques
communes pour les trois premiers types de pensée réflexifs. Les deux derniers types de pensée,
quasi-réflexif et réflexif, ne se sont pas manifestés suffisamment dans le discours des participants
pour en ressortir des caractéristiques communes en termes de développement professionnel.
4
Pour avoir plus d’information sur les histoires, voir notre thèse Roy (2005).
93
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
La participante no 1
Selon notre analyse, la participante no 1 manifestait, au début de notre étude, le type de pensée aréflexif. Voici un extrait de verbatim d‘une DVP sur le hasard qui a été apportée par la
participante no 1 : « Pour moi le hasard est un concept un peu difficile à expliquer, car je n‘y
crois pas. Le hasard je n‘y crois pas, puis nécessairement je crois au destin étant donné que je
crois en Dieu c‘est pour cela que je ne crois pas au hasard ».
Question no 1
Animatrice : Qu‘est-ce que tu retiens le plus des DVP en mathématiques?
Participante no 1 : Bien ça m‘a aidée à mettre des mots, puis à comprendre. Si je pense par
exemple au concept comme l‘infini. C‘était des mots que j‘avais déjà entendus, mais de devoir
expliquer, de mettre des mots à ce concept, c‘était difficile. Mais là avec l‘approche
philosophique en mathématiques, je n‘ai pas eu le choix de me questionner, puis de dire quel mot
je devrais mettre. C‘est difficile d‘essayer de clarifier ma pensée parce que des fois c‘est un
concept qui est dans ma tête, mais là, de l‘expliquer, de le dire avec des mots, c‘est difficile, mais
j‘ai réalisé que quand je n‘étais pas capable de le dire dans mes mots, c‘est que je ne le
comprenais pas.
Question no 2
Animatrice : Est-ce que tu pourrais expliquer comment tu vois maintenant les mathématiques?
Participante no 1 : Je vois quelque chose qui est dans le quotidien. C‘est dans la vie de tous les
jours. Ce n‘est plus seulement des exercices répétitifs sur les fractions ou peu importe.
Animatrice : Qu‘est-ce qui t‘amène à penser de cette façon présentement ?
Participante no 1 : Je ne sais pas comment dire, c‘est que par exemple si je parle de l‘infini ou des
autres concepts comme le hasard. Il a fallu que je me questionne; c‘était quoi la différence entre
le hasard et la chance. J‘ai pu voir un peu c‘était quoi. Puis quand je suis arrivée en didactique
des mathématiques où là on a parlé de ça, là c‘était plus clair : « ah, c‘est ça le hasard ». Puis là,
je me voyais plus expliquer aux élèves c‘était quoi le hasard parce que j‘avais tellement cherché à
comprendre que là je pouvais mieux l‘expliquer, parce que là j‘avais cherché. Puis là c‘était
comme plus clair dans ma tête c‘était quoi le hasard parce que toute ma vie j‘ai entendu parlé du
hasard. Mais là en essayant de chercher vraiment c‘est quoi, de le définir, de l‘expliquer, de se
questionner, de réfléchir sur ce concept là, c‘est là que c‘est venu comme plus clair. Bien, le
hasard maintenant je peux faire des liens avec les mathématiques.
Question no 3
Animatrice : Maintenant, comment tu penses que tu vas faire pour enseigner les mathématiques
dans tes classes au primaire?
Participante no 1 : De les faire discuter. Que ce soit avant ou après avoir présenté un concept
mathématique pour être certain qu‘en discutant les enfants mettent des mots à ce qu‘ils ont
compris. Puis souvent on dit : « un enfant apprend en parlant, c‘est en parlant qu‘on apprend ».
94
Anne Roy
Puis je pense que, les mathématiques, là je ne le vois plus juste comme des feuilles de répétition
d‘exercices, non, il va falloir que l‘enfant explique qu‘est-ce qu‘il pense, qu‘est-ce qu‘il fait puis
c‘est beaucoup par la discussion.
Question no 4
Animatrice : Quelle activité tu pourrais faire faire à un élève pour qu‘il soit capable justement de
développer des compétences?
Participante no 1 : Leur montrer un problème concret de la vie de tous les jours. Par exemple, il
faut construire une cabane. Ils ont une petite mangeoire d‘oiseau. C‘est sûr que derrière ce
problème, j‘aurais en tête de faire apprendre le concept de mesure. Je peux prendre un problème
quelconque de la vie de tous les jours : ma chambre n‘est pas assez grande, il faut l‘agrandir :
qu‘est-ce qu‘on fait? Puis là, c‘est tout le processus de réflexion pour qu‘après ça, l‘enfant fasse
son raisonnement. … Puis là, ils vont discuter de leur processus puis là, à la fin, ils vont réussir à
résoudre le problème.
Question no 5
Animatrice : La dernière question. Au niveau de tes habiletés de pensée, est-ce que tu vois une
différence entre aujourd‘hui et avant qu‘on fasse le projet?
Participante no 1 : La philosophie m‘a aidée aussi à faire plus de liens avec ce que j‘ai vécu
durant la session, d‘essayer de clarifier ma pensée, de mettre des mots. Puis ça, c‘est pour les
habiletés de pensée. Je suis plus capable de me questionner ou de comparer ou surtout d‘utiliser
ce que les autres disent, de profiter des autres là, mais, j‘ai réalisé que c‘est tellement important
de discuter avec les autres parce que souvent, je n‘arrivais pas à mettre des mots sur ce que je
pensais. Puis là le fait qu‘ils le disent, j‘étais comme : « ah oui, c‘est ça que je voulais dire», puis
là, ça, ça m‘a aidée dans le fond.
Le participant no 2
Selon notre analyse, le participant no 2 manifestait, au début de notre étude, le type de pensée
pré-réflexif. Voici un extrait de verbatim d‘une DVP sur le hasard qui a été apportée par le
participante no 2 : « Si l‘on met tous nos noms dans un chapeau et si je pige son nom. Est-ce qu‘il
y a une raison? C‘est que son nom était dans le chapeau et qu‘elle avait la chance que son nom
soit tiré mais, je ne pense pas qu‘il y ait une chance que ce soit elle particulièrement car nous
avons tous une probabilité que notre nom sorte, mais elle, elle a mis son nom dans le chapeau».
Question no 1
Animatrice : Qu‘est-ce que tu retiens le plus des DVP qu‘on a eues en rapport avec les
mathématiques?
Participant no 2 : Bien, ce que je retiens le plus c‘est les habiletés de pensée. Bien la première
partie, si on contredisait mes arguments, bien je le prenais personnel. Et ça venait comme
atteindre mon intégrité même si c‘était une question mathématique. Et ensuite, je prenais la
contre-argumentation pour construire avec l‘autre au lieu d‘essayer de détruire l‘argument de
95
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
l‘autre. Et c‘est avec les habiletés de pensée que je pense, j‘ai pris conscience de l‘utilité de
construire au lieu d‘être comme en combat cognitif avec l‘autre.
Question no 2
Animatrice : Comment tu vois les mathématiques maintenant, après avoir fait de la philo pour
enfants en mathématiques?
Participant no 2 : Bien même si ça n‘a pas été super long puis qu‘on n‘a pas eu énormément de
rencontres, cela a quand même été très positif et ma vision des mathématiques, je les vois
beaucoup moins fermées qu‘avant. Je pourrais même voir une notion de plaisir dans les
mathématiques.
Question no 3
Animatrice : Comment tu vas faire pour enseigner les mathématiques au primaire?
Participant no 2 : Bien, moi j‘irais dans le concret, beaucoup dans le concret, mais maintenant
que j‘ai vu la philo pour enfants, avant d‘aller dans le concret, je pense que je lancerais des
discussions. Je vais lancer des discussions pour qu‘on puisse en discuter et permettre à l‘enfant de
se prononcer, puis d‘émettre des hypothèses, puis de se questionner sur le sujet, pour ensuite le
laisser aller manipuler. Parce qu‘il va savoir quoi aller manipuler. Ce ne sera pas de la
manipulation pour de la manipulation. On fait de la manipulation, mais il va y avoir un but à ça
puisqu‘on va en avoir discuté, on va en avoir parlé, les enfants vont s‘être questionnés, sans que
ce ne soit moi qui aie la vérité absolue et le savoir incontestable.
Question no 4
Animatrice : Quel type d‘activités tu vas privilégier avec tes élèves?
Participant no 2 : L‘apprentissage par le jeu en maths, pour qu‘ils aient cette notion de plaisir-là.
Moi je pense que je privilégierais beaucoup l‘apprentissage par le jeu en mathématiques, parce
qu‘en ayant du plaisir, là, si l‘enfant me dit : « ah ouais, mais pour continuer dans mon jeu,
j‘aurais besoin de ça, ça, ça ». « Ah, tu as besoin de multiplication, tu as besoin d‘apprendre la
division, bien je vais te le montrer si tu veux continuer ». Mais ça vient de l‘enfant. Bien pour
qu‘il y ait un apprentissage, créer un besoin pour que ça vienne de l‘enfant puis il a besoin
d‘apprendre la division. Et je pense que ça va être encore plus significatif et il va pouvoir faire
des transferts sur les connaissances qu‘il va avoir apprises.
Question no 5
Animatrice : Il restait la dernière question. Est-ce qu‘il y aurait d‘autres habiletés de pensée qui se
sont manifestées depuis qu‘on a fait l‘expérimentation et le moment où on a fini nos rencontres?
Participant no 2 : Oui, analyser, c‘est quelque chose que je ne faisais pas. Et comme je suis un
très bon communicateur et que je suis capable d‘influencer, avec plus d‘aisance que les autres, si
tu veux. J‘ai une facilité à rendre l‘autre de mon côté, qu‘il soit d‘accord avec moi. Bien
j‘utilisais toujours ça. Puis si je veux pousser plus loin mes apprentissages, bien j‘ai vu qu‘il faut
que j‘aille voir un peu plus loin que ça, puis analyser ce que l‘autre dit : pourquoi il le dit,
96
Anne Roy
pourquoi moi je réponds ça, faire preuve de métacognition. Je le fais, mais pourquoi je le fais? Je
pense que c‘est quelque chose qui peut m‘amener encore plus loin. En étant capable d‘analyser
les choses maintenant, je pense que je le faisais avant, là, je n‘étais pas une cruche non plus, mais
j‘en n‘étais pas conscient. Maintenant que j‘en suis conscient, je peux m‘analyser quand je le
veux. Bien ça me permet de me dire : « Oui, je ne suis pas parfait là-dessus, mais ce n‘est pas
grave, ça me permet de travailler puis de m‘améliorer».
Enfin, pour terminer la partie des résultats portant sur le contenu de la pensée et fournir des pistes
pour ébaucher un modèle didactique en mathématiques, dans le cadre de cette étude de cas, nous
avons aussi constaté des caractéristiques communes pour les trois premiers types de pensée
réflexifs.
Le type de pensée a-réflexif semble se développer en:



faisant attention à l‘estime de soi
concrétisant l‘apprentissage des mathématiques à des aspects utiles
faisant vivre l‘expérience de la DVP en mathématiques sans évaluation
Le type de pensée non réflexif semble se développer en:



expliquant clairement les mots utilisés
explicitant la logique des concepts mathématiques
accordant beaucoup plus de temps à la prise de parole
Le type de pensée pré réflexif semble se développer en :



favorisant la métacognition
accordant plus de temps à la réflexion (prises de conscience)
ajouter encore plus d‘écriture aux DVP en mathématiques
CONCLUSION
En guise de conclusion, nous sommes d‘avis que l‘utilisation d‘une seule approche didactique et
philosophique en mathématiques ne peut à elle seule régler tous les maux qui subsistent dans la
formation à l‘enseignement des mathématiques au préscolaire-primaire et adaptation scolaire
dans les universités au Québec.
Au regard de l‘enseignement en didactique des mathématiques, nous pensons que la pratique
réflexive dans un contexte de communauté de recherche philosophique en mathématiques est une
voie prometteuse pour développer des habiletés réflexives et complexes chez les futurs
enseignants du primaire dans le domaine de l‘éducation mathématique. Il nous semble par
ailleurs important de créer une solidarité au sein des formateurs pour avoir une cohérence dans la
formation (Roy, 2010).
Au regard de la recherche en didactique des mathématiques, nous sommes amenée à penser, à la
suite de cette étude, que le développement des types de pensée devrait se concevoir en termes de
profil de pratique enseignante. Autrement dit, il semble pertinent de poursuivre l‘étude des types
de pensée réflexifs, mais dans une perspective plus globale où les travaux de recherche (Boutet,
97
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
2004) sur les profils de pratique enseignante devraient être pris en compte pour enrichir la
conception de modèles didactiques à mettre en place pour mieux soutenir le développement de
compétences professionnelles chez les futurs enseignants dans le domaine de l‘éducation
mathématique.
BIBLIOGRAPHIE
BOUTET, M. (2004). La pratique réflexive : un apprentissage à partir de sa pratique.
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GUILLEMETTE, F. (2006). L‘engagement des enseignants du primaire et du secondaire dans leur
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98
Anne Roy
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nécessaires à l‘enseignement des mathématiques au préscolaire-primaire et adaptation scolaire et
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Subventionnée par le Fonds Institutionnel de recherche (FIR) de l‘Université du Québec à TroisRivières.
ROY, A. (2005). Manifestations d‘une pensée complexe chez un groupe d‘étudiantes et étudiants-maîtres
au primaire à l‘occasion d‘un cours de mathématiques présenté selon une approche philosophique.
Thèse de doctorat inédite, Université du Québec à Montréal, Canada.
99
L’emploi de la stratégie PIE (prédire-investiguer-expliquer) et les outils
technologiques pour aider les élèves à mieux comprendre les graphiques de
fonctions
Mathieu Gauthier
Université de Moncton
RÉSUMÉ. L‘article présente les résultats d‘une mini-recherche sur l‘utilisation de la stratégie
PIE et d‘un logiciel graphique pour la compréhension des paramètres de la fonction racine carrée
en mathématiques en 12e année au secondaire. La recherche a été réalisée dans le cadre d‘un
cours au niveau de la maîtrise en éducation à l‘Université de Moncton. La compréhension des
paramètres dans les diverses fonctions est une tâche complexe pour les élèves du secondaire et
nous avons tenté de mesurer l‘impact de l‘utilisation d‘un logiciel de mathématiques sur la
motivation et la compréhension des élèves sur le sujet. L‘analyse des données mène, entre autres
au fait que le logiciel de mathématiques n‘améliore pas les performances des élèves concernant
des tâches simples, mais au fait qu‘elle y apporte une différence significative lorsque les tâches
sont complexes.
INTRODUCTION
Le présent travail consiste en une recherche-action portant sur l‘enseignement des paramètres des
fonctions en mathématiques et est inspiré d‘un projet soumis au Fonds d‘innovation en
apprentissage (FIA) en avril 2009, des fonds n‘ont pas été accordés malgré le fait que le projet en
question répondait positivement aux critères du FIA. Le Ministère a toutefois permis aux projets
déjà soumis en 2009 d‘être resoumis en 2010, où nous avons eu une réponse positive. Ce travail
sera amélioré et modifié quelque peu afin de réaliser une thèse de maîtrise.
PROBLÉMATIQUE ÉTUDIÉE
Description du contexte
Mes analyses du programme d‘études du N.-B. m‘amènent à constater que le graphique est une
partie importante de ce dernier. De plus, on y parle des connaissances mathématiques comme
étant « un réseau de connaissances qui se donnent mutuellement du sens » (MENB, 2008, p. 26).
Les programmes d‘étude du N.-B. sont basés sur les principes du National Council of Teachers of
Mathematics (NCTM) qui propose, dans ses principes et standards, que les élèves de la 9e à la 12e
année puissent :
Comprendre et performer des transformations telles que des combinaisons
arithmétiques, des compositions et l‘inversion de fonctions communément
utilisées, utiliser la technologie afin de performer de telles opérations sur des
expressions symboliques plus compliquées. (NCTM, 2000, p. 296, traduction
libre)
Mathieu Gauthier
De plus, on dénote que l‘un des résultats d‘apprentissages généraux du domaine forme et espace
des programmes d‘étude en mathématiques au N.-B. traite spécifiquement des graphiques :
« Utiliser des transformations pour analyser leurs effets et faciliter une conception graphique du
monde réel. » (MENB, 2008, p. 27). Ce même document avance l‘importance de la
communication mathématique (p. 29-30) qui engendre une association entre les diverses
représentations, un principe repris dans le cadre d‘évaluation du dernier cours de mathématiques
obligatoire du secondaire (MENB, 2009). Selon Leinhardt, Zaslavsky et Stein (1990), cités dans
Knuth (2000), la représentation graphique des fonctions algébriques constitue un des premiers
endroits où les élèves peuvent utiliser deux schèmes de représentation distincts pour travailler
avec un seul objet, dans ce cas-ci, les fonctions.
Or, plusieurs chercheurs se sont penchés sur la problématique de la compréhension des
graphiques et des liens que les élèves ne semblent pas faire avec ce qu‘il représente. Dans ma
pratique, je constate que les élèves n‘apprécient pas cette partie de mes cours de mathématiques
et ils semblent ne pas maîtriser l‘utilité du graphique. Cette recherche consistera en une mise à
l‘essai d‘une méthode d‘enseignement assisté par la technologie pour l‘enseignement des
paramètres en mathématiques 30411 (12e année).
Description du problème
Les graphiques sont de plus en plus présents dans notre société. Pourtant, peu nombreux sont les
personnes qui les comprennent. C‘est notamment le cas dans le cours de mathématiques 30411,
où les élèves doivent apprendre à tracer les graphiques de 11 différentes fonctions de base, en
faisant l‘utilisation de 4 paramètres qui affectent tous les graphiques de façon similaire (MENB,
2008). Cette tâche semble être un obstacle insurmontable pour certains élèves qui ne constatent
pas l‘utilité des paramètres dans l‘étude des fonctions, tentant de mémoriser, fonction par
fonction, l‘effet particulier des différents paramètres.
Au début de chaque section où le papier graphique est requis pour faire l‘esquisse de graphique,
des soupirs se font retentir en salle de classe. Par la suite, une quantité phénoménale de questions
sont posées par les élèves sur les différents aspects du sujet. Ceci se fait à chaque fonction et le
but ultime de pouvoir maîtriser les paramètres ne semble pas atteint à la fin du semestre.
Comment l‘utilisation d‘un logiciel permettant de tracer instantanément des graphiques influence
la compréhension et la motivation des élèves par rapport aux paramètres dans le cadre du cours
de mathématiques 30411?
Cette recherche tentera de proposer une approche alternative à l‘enseignement traditionnel qui
fera intervenir un logiciel de représentation graphique afin de permettre à l‘élève de maîtriser
l‘effet de ces paramètres.
OBJECTIF DU PROJET
Formulation de l’objectif
Ce projet va permettre aux élèves de mes cours de mathématiques 30411 (12e année) d‘étudier le
concept des paramètres dans les représentations graphiques des fonctions racines carrées
présentées à l‘aide de diverses activités guidées sur un logiciel permettant de faire des graphiques
en appliquant la stratégie Prédire-Investiguer-Expliquer (PIE) dans le but d‘analyser leur
101
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
performance et mesurer leur motivation face à cette approche en les comparant à un groupe
témoin n‘ayant pas le logiciel.
Justification théorique
De nombreux auteurs (Saboya et Bednarz, 2008; Kramarski, 2004; Mavers, 2009; Knuth, 2000)
étudient la problématique des graphiques. Blubaugh et Emmons (1999) avancent que la plupart
des graphiques faits en salle de classe requièrent simplement de placer les points prédéterminés à
l‘aide d‘une table de valeur. Cette approche suggère que les enseignants font des graphique
puisque « ça fait partie du programme ». Ainsi, toujours selon Blubaugh et Emmons (1999), la
relation essentielle entre les variables est perdue. De son côté, Patterson (1999) a développé une
façon intuitive pour amener les élèves à mieux comprendre les paramètres m et b dans les droites
d‘équation y = mx + b, en utilisant la formule de conversion de °C et °F et la calculatrice
graphique.
L‘approche préconisée s‘inspire de l‘approche POE de White et Gunstone (1992) où l‘élève doit
prédire, observer et expliquer un phénomène dans un cours de sciences. En mathématiques, cette
approche se nomme PIE (Minister of Education, New-Zealand, 2009), puisque l‘élève doit
investiguer au lieu d‘observer. L‘investigation en relation avec les paramètres d‘un graphique
peut se faire à l‘aide d‘un logiciel permettant de créer des graphiques. Lim et al. (2007) avance 3
bienfaits de l‘utilisation des prédictions en mathématiques :
1. La prédiction peut révéler les conceptions de l‘élève,
2. La prédiction joue un rôle important dans le raisonnement,
3. La prédiction faciliterait l‘apprentissage des mathématiques.
En effet, l‘utilisation de la prédiction dans l‘enseignement permet à l‘élève de voir un portrait
global de ce qu‘il va apprendre et ceci active donc ses connaissances antérieures sur le concept.
La prédiction peut donc être la phase de préparation de l‘élève dans le processus d‘apprentissage,
tel que décrit dans le cadre théorique des programmes d‘études du N.-B., et tel que présenté,
notamment, dans MENB (2008).
Pour les paramètres, Kukla (2007) propose une activité où les élèves doivent étudier les
paramètres des fonctions et décrire le rôle de chacun à l‘écrit. Cette approche est intéressante,
mais il faut trouver une façon de faire progresser l‘élève au niveau suivant qui est d‘appliquer les
différentes transformations faites par les paramètres de façon simultanée.
Arcavi (2003) parle de l‘importance de la représentation visuelle dans l‘apprentissage des
mathématiques. Ainsi, il avance que la représentation visuelle permet de voir des choses qui
passent inaperçues autrement, ce qui a pour effet de convaincre la personne qui visualise. Le rôle
du graphique est en effet de voir de façon globale le comportement d‘une relation, et les
paramètres sont les différentes façons dont on peut modifier l‘allure globale d‘une courbe
donnée. À mon avis, il y a deux façons différentes d‘amener les élèves à voir les transformations
faites par chaque paramètre : la première est de fournir une série de graphiques avec des
paramètres différents et la seconde est de demander à l‘élève de tracer, par lui-même ou à l‘aide
d‘un logiciel, les différents graphiques.
SRI International (2007) a ressorti plusieurs études liant l‘utilisation des TIC, notamment de la
calculatrice graphique, en mathématiques à la théorie de l‘autorégulation des apprentissages.
102
Mathieu Gauthier
Zimmerman et al. (2000) écrivent que les apprentissages autorégulés sont des investissements
dans le développement des élèves dans trois voies principales :
1. Une meilleure compréhension du contenu de la matière
2. Une plus grande efficacité de l‘apprentissage
3. Un sentiment accru de leur propre efficacité à accomplir d‘autres tâches d‘apprentissage.
(pp. 161-162)
En mathématiques, les élèves ne semblent pas COMPRENDRE le concept, ils semblent plutôt le
mémoriser et le recracher sur l‘évaluation sommative. Ainsi, lorsque l‘enseignant propose une
tâche ou un problème différent, il arrive fréquemment que l‘élève ne persévère pas dans la tâche
et abandonne immédiatement après le premier essai. En ayant ces trois voies principales de
développement, il est facile de comprendre pourquoi Zimmerman et al. (2000) parlent de
l‘autorégulation comme étant une « approche indispensable tout au long du parcours scolaire (p.
163). Ormrod (2008) recense quatre processus de l‘apprentissage autorégulé, d‘une perspective
des théories de la cognition sociale : a) l‘élaboration de standards et de buts; b) l‘autoobservation; c) l‘auto-évaluation et d) l‘auto-réaction (p. 140).
MÉTHODOLOGIE
Groupe-sujets et mode d’investigation
Les sujets font partie des deux cours de math 30411 qui sont enseignés par le chercheur au
premier semestre de l‘année scolaire 2009-2010. Les 40 sujets sont des élèves de 12e année qui
suivent le cours de math 30411 pour la première fois. La recherche consiste en une rechercheaction qui comporte un groupe expérimental (22 sujets), qui a utilisé un logiciel pour représenter
les graphiques, et un groupe témoin (18 sujets), qui a eu des pages avec des graphiques imprimés.
Afin de comparer les résultats des deux groupes, les données ont été recueillies de deux façons :
les élèves ont complété le même questionnaire en ligne lors de la réalisation de l‘activité et une
entrevue a été réalisée avec 10 sujets, quatre du groupe témoin et 6 du groupe expérimental.
Moyens d’intervention
Les sujets de chaque groupe étaient groupés en dyades lors de leur arrivée au local d‘ordinateur.
Certains élèves qui ne participaient pas à la recherche étaient eux aussi regroupés et ont aussi
réalisé l‘activité, mais les données recueillies n‘ont pas été analysées dans ce projet pour
respecter leur droit de refuser à la participation au projet.
Activités
L‘activité en salle de classe était séparée en trois phases : 1. Prédiction; 2. Investigation et 3.
Explication afin de respecter la stratégie pédagogique PIE. Dans leur dyade, les élèves devaient
tout d‘abord faire une prédiction de l‘allure générale des graphiques dans lesquels on faisait
varier différents paramètres. Par la suite, le groupe expérimental devait suivre le didacticiel sur
GraphEasy pour ensuite pouvoir faire leur investigation sur le rôle des paramètres. Du côté du
groupe témoin, les élèves avaient des pages avec des graphiques déjà imprimés qui faisaient
varier les paramètres et où la fonction de base était toujours présente. Suite à la réalisation de leur
investigation, les élèves devaient compléter le questionnaire en ligne, créé à l‘aide de Google
103
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Documents. Le questionnaire était le même pour les deux groupes. La plupart des dyades ont
complété la partie du questionnaire reliée au paramètre qu‘elle venait d‘étudier. Dans la semaine
suivant l‘activité en salle de classe, le chercheur réalisait des entrevues semi-dirigées avec les
sujets des deux groupes.
Ressources
Ressources matérielles




Laboratoire informatique avec des ordinateurs ayant accès à Internet et le logiciel
GraphEasy,
Photocopies des documents nécessaires,
Enregistreur numérique et logiciel d‘accompagnement,
Guide d‘entretien.
Moyens d’évaluation
Le premier moyen d‘évaluation est l‘enquête par questionnaire. Le codage des données provenant
du questionnaire est basé sur le modèle de Hiebert et al. (2009). Chaque réponse est cotée avec un
score de 0, 1 ou 2. Un score de 0 présente une conception erronée ou inappropriée du concept, un
score de 1 présente une compréhension partielle du concept, d‘une façon qui peut cacher une
compréhension incomplète tandis qu‘un score de 2 présente une référence explicite et complète
du concept. Lors de l‘analyse des résultats, le chercheur a dû tenir compte du fait que les sujets
n‘avaient pas le vocabulaire spécifique aux transformations des paramètres dans les graphiques.
Avant l‘analyse des données, le chercheur avait établi préalablement une réponse attendue à
l‘aide du vocabulaire exact. Le tableau 1 présente les réponses des élèves pour différents scores.
Pour ce qui est de la dernière question du questionnaire, qui englobait le rôle de tous les
paramètres, le chercheur avait déterminé 5 étapes de transformation et cotait les résultats de 0 à 5,
un point accordé par étape de transformation correctement expliquée.
Tableau 1
Exemple de scores pour les réponses fournies par les élèves à la deuxième question du
questionnaire en ligne.
Dans tes mots, décris le rôle du paramètre a dans le graphique de y = a √ lorsque
0<|a|<1.
Réponse attendue : Le graphique subit un rétrécissement vertical par un facteur a
Score de 0
Score de 1
Score de 2
Au point (1,Y), Y va être C'est la même chose que la Il rapetisse verticalement le
un nombre décimal.
question précédente. Ceci graphique (multiplie y)
dit, quand le =1, y=a donc
a=0.5 alors ton graphique
est moins haut que le
graphique de base.
104
Mathieu Gauthier
Le second moyen d‘évaluation est l‘enquête par questionnaire. Les entrevues étaient enregistrées
à l‘aide de l‘enregistreur numérique pour être ensuite retranscrites mot par mot. Les entrevues ont
été relues pour dégager un court texte résumant le propos du sujet. Par la suite, les résumés des
propos ont été relus et regroupés dans des rubriques. Les rubriques ont été analysées pour ensuite
dégager les aspects importants qui s‘y retrouvent et ils seront présentés plus loin dans le texte.
Calendrier du projet
Le tableau 2 présente le calendrier des opérations.
Tableau 2
Calendrier des opérations
Activité
Date de réalisation
Date de l’analyse
Réalisation de la tâche en
salle de classe et complétion
du questionnaire
17 novembre 2009
1er décembre 2009 et 12
décembre 2009
Entretiens
17 au 26 novembre 2009
23 au 30 novembre 2009
RÉSULTATS
Résultats du questionnaire
Le tableau 3 présente les moyennes et les écart-types des scores des élèves du groupe témoin,
tandis que le tableau 4 présente les mêmes données pour le groupe expérimental.
Tableau 3
Résultats du groupe témoin au questionnaire en ligne.
Q1
Q2
Q3
Q4
Q5
Q6
Q7
Moyenne
1,78
1,67
1,78
1,44
1,67
1,78
2,88
Écart-type
0,44
0,71
0,44
0,71
0,50
0,44
1,36
Résultats du groupe exprimental au questionnaire en ligne.
Q1
Q2
Q3
Q4
Q5
Q6
Q7
Moyenne
1,45
1,45
1,73
1,18
1,80
1,20
3,25
Écart-type
0,52
0,82
0,74
0,40
0,42
1,03
1,75
Tableau 4
À la lumière de ces résultats, on constate que les sujets du groupe témoin ont, en moyenne, mieux
réussi à décrire tous les paramètres (Q1 à Q6) que le groupe expérimental. Ceci peut s‘expliquer
en partie en raison du fait que plusieurs sujets du groupe témoin faisaient partie du programme du
105
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
baccalauréat international (BI), un programme accéléré et plus avancé, l‘an passé et avaient déjà
vu cette matière. Par contre, les sujets du groupe expérimental ont obtenu une moyenne plus
élevée que ceux du groupe témoin. Ceci veut donc dire que les sujets du groupe expérimental ont
réussi à mieux expliquer les transformations faites par plusieurs paramètres simultanément, et ce,
en dépit du fait qu‘ils ont moins bien su expliquer les rôles des paramètres de façon individuelle.
Résultats des entretiens
Thèmes communs aux deux groupes
Effet nouveauté
Tous les sujets interviewés dans les deux groupes n‘ont jamais vécu une expérience semblable,
sauf un sujet qui évoquait un vaste souvenir possible d‘une expérience similaire au niveau
primaire.
Apprentissage autonome
Le fait que les sujets ne pouvaient pas poser des questions sur les concepts étudiés les a forcés à
trouver des stratégies pour réussir à réaliser la tâche. Cet aspect a augmenté la motivation de
certains sujets face à la réalisation de la tâche et au concept des paramètres. D‘autres ont avancé
explicitement que cette forme d‘apprentissage leur a permis d‘augmenter la confiance qu‘ils ont
face à l‘apprentissage qu‘ils viennent de réaliser. Un sujet a dit vouloir refaire des activités
semblables.
La prédiction
Dans la plupart des cas, les prédictions des sujets étaient fausses. Ils ont apprécié pouvoir vérifier
leur prédiction et réaliser quelles étaient les bonnes réponses et faire le changement conceptuel.
Un sujet a mentionné que cette approche l‘aidait dans la rétention du concept présenté, tandis que
d‘autres ont fait des liens avec des concepts déjà vus préalablement.
Vitesse de l‘apprentissage
Les élèves ont apprécié pouvoir apprendre le concept à leur rythme : prendre plus de temps où ils
en avaient besoin et moins lorsque c‘était facile. De plus, ils ont apprécié pouvoir revenir en
arrière, une chose qui n‘est pas possible en salle de classe selon un sujet. De plus, un sujet a parlé
de la vitesse du logiciel pour tracer les graphiques comme étant un aspect positif et un autre a
avancé que l‘enseignement de ce concept de façon traditionnelle aurait pris beaucoup plus de
temps.
Confiance
Aucun sujet a mentionné être plus confiant dans l‘ensemble des mathématiques suite à la
réalisation de l‘activité, mais quelques-uns ont admis l‘être dans le cas des graphiques et des
paramètres. D‘autres sujets ont mentionné que leur confiance n‘était pas modifiée puisque dans
un cas c‘était la pratique qui augmentait sa confiance et dans l‘autre cas, le sujet ne pouvait pas
savoir quels étaient ses forces et ses défis suite à la réalisation de l‘activité puisqu‘elle n‘avait pas
reçu de rétroaction.
106
Mathieu Gauthier
Motivation
Voici les aspects qui ont affecté positivement la motivation des sujets :









L‘apprentissage autonome / le défi d‘apprendre le concept par soi-même
L‘activité a piqué la curiosité du sujet
La possibilité de vérifier les prédictions
La vision globale des contenus qui allaient être enseignés
Travailler sur un ordinateur
Activité différente de ce qui se retrouve dans les livres
Le fait de se concentrer simplement sur l‘analyse des graphiques au lieu d‘avoir besoin de
les tracer
L‘aspect visuel de l‘activité
Voir les différents effets des paramètres sur les graphiques
Thèmes exclusifs au groupe expérimental
Aspect visuel
Le logiciel GraphEasy offrait un support visuel aux sujets qui a été très apprécié. Selon eux, le
support visuel a aidé à comprendre les concepts, apprendre le rôle des paramètres, faire la
différence entre les différents changements et susciter leur intérêt. Certains sujets ont même
déploré le fait que l‘enseignement des mathématiques, et d‘autres sujets, n‘apporte pas l‘aspect
visuel qu‘ils ont besoin pour maîtriser la matière, mais que cette activité atteignait ce niveau.
Niveau de difficulté de l‘activité
Deux sujets du groupe expérimental ont avancé que l‘activité était facile tandis qu‘un sujet du
groupe témoin a avancé que l‘activité était difficile.
Technologie
Les sujets ont avancé que les technologies occupent une place importante dans le quotidien des
jeunes de leur génération. Le logiciel pouvait tracer les graphiques rapidement et les sujets ont
aussi apprécié pouvoir faire apparaître et disparaître les graphiques instantanément à leur guise.
Finalement, trois sujets ont parlé du degré de motivation accru relié au travail sur un ordinateur
par rapport au travail traditionnel en salle de classe.
Analyse et interprétation des résultats
À la lueur des résultats du domaine cognitif, on constate que les deux groupes présentent des
résultats similaires, légèrement à l‘avantage du groupe témoin, sauf dans le cas de la tâche la plus
complexe, qui présente un avantage du côté du groupe expérimental. Ceci vient renforcer voire
confirmer que l‘utilisation d‘un ordinateur dans le cadre de la stratégie PIE augmente
l‘autorégulation des apprentissages chez les élèves et leur permet de réaliser de meilleurs
apprentissages. En effet, plusieurs élèves ont pu se servir du logiciel GraphEasy pour vérifier
étape par étape les transformations faites au graphique, ce qui s‘avère une stratégie intéressante
qui n‘a pas d‘équivalent pour le groupe témoin.
107
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
De façon générale, la stratégie PIE dans l‘enseignement des graphiques s‘avère une approche
judicieuse qui réussit à capter la motivation des élèves en plus de leur permettre de réaliser des
apprentissages autonomes tangibles. Plusieurs élèves ont vu la tâche proposée comme étant un
défi et ils ont investi beaucoup d‘effort pour le relever. Après avoir réalisé ces apprentissages
autonomes, l‘élève voit sa confiance augmenter face à ce sujet et il a l‘impression de l‘apprendre
plus rapidement que dans un enseignement traditionnel. Les sujets ont apprécié l‘activité,
évoquant à maintes reprises que l‘activité était « le fun », un terme qui n‘est pas couramment
utilisé par un élève de douzième année en parlant de son cours de mathématiques. Le fait de
compléter le questionnaire à l‘ordinateur a probablement été un facteur qui a encouragé l‘élève à
compléter le questionnaire au lieu de simplement leur demander de les compléter sur une feuille
de papier.
L‘utilisation de la prédiction avant l‘enseignement est une pratique qui se prête bien à
l‘enseignement des paramètres dans les graphiques et capte l‘attention des élèves. Ces derniers
veulent savoir s‘ils avaient raisonné correctement et semblent plus déterminés à comprendre le
concept. Ils cherchent ainsi à faire des liens avec des connaissances antérieures, qui sont par le
fait même activées. Cette partie de la tâche semble effectivement avoir facilité l‘apprentissage
des mathématiques.
L‘utilisation d‘un logiciel pour tracer les graphiques aide les élèves à voir les rôles des
paramètres : ils peuvent faire apparaître et disparaître instantanément les différents graphiques
pour ainsi faire des hypothèses ou des inférences et pouvoir les vérifier par la suite. Le fait que le
tout se passe sur un écran, où l‘élève peut modifier la couleur, la taille et l‘échelle du graphique,
rend l‘aspect visuel plus attrayant que les mêmes graphiques imprimés sur des feuilles blanches
inertes. Les élèves ont l‘impression que la tâche est moins difficile lorsque l‘ordinateur est utilisé
comme outil. Ces aspects rejoignent donc la théorie sur la Génération NET, dont fait partie la
clientèle scolaire actuelle.
CONCLUSION
Résumé
La stratégie PIE appliquée sur les paramètres à l‘aide d‘un logiciel graphique motive les élèves et
les amène à faire des apprentissages autonomes. La prédiction active des connaissances
antérieures des élèves, l‘investigation permet à l‘élève de faire des hypothèses et de les vérifier, et
l‘explication permettent à l‘élève de mettre par écrit ses constatations. Les résultats trouvés
concordent avec les écrits scientifiques et viennent confirmer les bienfaits de la stratégie PIE et
de la technologie.
Présentation des limites du projet
Certaines limites peuvent avoir affecté les résultats du projet :


108
L‘inexpérience du chercheur a affecté le processus de recherche et aurait pu influer sur les
résultats.
L‘analyse des données du questionnaire aurait pu être révisée par un autre collègue pour
rendre les données plus justes. De plus, les données auraient pu être analysées avec des
tests statistiques plus approfondies pour obtenir des résultats scientifiques plus concluants.
Mathieu Gauthier




La contrainte de temps pose une limite importante au résultat, puisque le processus
d‘analyse des données a été accéléré et n‘a pas mérité la révision requise par le chercheur.
La validation des éléments d‘analyse n‘a pas été faite adéquatement en raison du temps
restreint.
Le chercheur était l‘enseignant régulier des élèves et ils savaient que le travail était fait
dans le cadre de la maîtrise de ce dernier. La relation des sujets avec le chercheur peut
avoir influencé positivement ou négativement leurs propos face à l‘activité.
Le vocabulaire utilisé lors de l‘entretien était inaccessible pour certains élèves, cela a eu
pour effet que les réponses fournies ne concordent pas nécessairement avec les questions
posées.
Prospective
Il faut trouver des façons d‘amener les élèves à réaliser des apprentissages autonomes en
mathématiques 12e année afin d‘avoir des apprentissages durables et d‘augmenter la motivation
et la confiance des élèves. La stratégie PIE peut s‘avérer une voie intéressante, surtout avec l‘aide
de la technologie, mais le contexte économique et la réticence des gouvernements à investir de
façon massive en éducation posent des limites à l‘implantation d‘une telle approche.
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110
Enseigner les sciences et apprendre les mathématiques:
Dans quel contexte et selon quelles conditions?
Annie Savard
Université McGill
RÉSUMÉ. Ce texte présente des résultats obtenus à la suite d‘un projet de recherche effectué
auprès des enseignants d‘une école primaire. La particularité du projet réside dans le fait que le
développement professionnel proposé, qui s‘est étalé sur trois ans, avait pour but l‘appropriation
d‘une méthode d‘enseignement et d‘apprentissage contextualisée dans le cours de science et de
technologie. Les résultats suggèrent que les intentions d‘apprentissage des enseignants rencontrés
sont orientées vers trois milieux identifiés dans le cadre de cette recherche : les caractéristiques
des élèves; les règles institutionnelles ainsi que les connaissances et processus de la science et de
la technologie. Les mathématiques sont également présentes dans ce milieu. Toutefois la
sensibilité des enseignants a été plutôt faible.
L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES AU PRIMAIRE AU QUÉBEC : ÉTAT DES LIEUX
Au Québec, l‘enseignement des sciences au primaire revêt un caractère particulier. Passant d‘un
programme des sciences de la nature (1980) à un programme en science et technologie (2001),
cette discipline veut développer une culture scientifique et technique pour tous afin « de
comprendre le monde dans lequel nous vivions et pour s‘y adapter » (Ministère de l'Éducation du
Québec, 2001, p. 144). Toutefois, des défis importants se posent.
Premièrement, les compétences à développer telles que présentées dans le programme de
formation de 2001 présentent un défi certain quant à leur développement et à leur évaluation. La
diversité des savoirs ainsi que leur niveau de complexité amènent les enseignants à faire des
choix didactiques importants quant au concepts et procédés présentés aux élèves. Du plus, le
programme du primaire propose le développement des quatre compétences pour les six années du
primaire. Les compétences sont réparties selon les cycles d‘apprentissage des élèves. Ainsi, au
premier cycle du primaire, soit la première et de la deuxième année, les élèves doivent
développer la compétence Explorer le monde de la science et de la technologie Au deuxième et
au troisième cycle du primaire, trois compétences sont à développer : C1) Proposer des
explications ou des solutions à des problèmes d‘ordre scientifique ou technologique ; C2) Mettre
à profit les outils, objets et procédés de la science et de la technologie ; C3) Communiquer à
l‘aide des langages utilisés en science et technologie.
Deuxièmement, le temps d‘enseignement alloué pose un autre important défi. Au premier cycle
du primaire, le domaine de la science et de la technologie n‘est pas inscrit à la grille matières du
temps d‘enseignement. La compétence doit donc se développer au travers les autres domaines
d‘apprentissage. Au deuxième et au troisième cycle, il n‘y a pas de temps accordé de façon
officielle, toutefois la science et la technologie doit être enseignée durant les 11 heures à se
répartir avec cinq autres disciplines : les arts (2 disciplines), langue seconde, éthique et culture
religieuse, géographie, histoire et éducation à la citoyenneté. Considérant l‘importance accordée à
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
la science et à la technologie ainsi qu‘au nombre de compétences à développer, il semble
contradictoire que si peu de temps consacré à cet enseignement soit alloué.
Un troisième défi, mais non le moindre, a trait à la formation initiale des maîtres du primaire qui
est généralement assez élémentaire, tant du point de vue notionnel que didactique (Minier &
Gauthier, 2006). L‘enseignement dispensé reflète cet état et prend trop souvent l‘allure d‘un
enseignement magistral et dogmatique s‘appuyant sur des connaissances déclaratives et des
démonstrations (Minier & Gauthier, 2006). Le matériel pédagogique utilisé sert alors d‘outil
incontournable en classe avec ses guides pédagogiques pour le maîtres et ses cahiers à compléter
par les élèves.
Afin de proposer un enseignement de la science et de la technologie beaucoup plus significatif
pour les élèves, différents projets ont vu le jour depuis 2001, dont L‘île du savoir à Montréal
(http://www.liledusavoir.org/) et l‘implantation de la démarche d‘investigation raisonnée à Québec.
En 2003, des formateurs affiliés à La main à la pâte sont venus de France et ont accompagné le
personnel des services éducatifs à former le personnel enseignant intéressé, de la maternelle à la
sixième année. Le développement a été rapide, soutenu par un dispositif articulant formation,
accompagnement et matériel didactique pour l‘expérimentation. Depuis 2006, toutes les
commissions scolaires de la région de la Capitale Nationale sont impliquées dans l‘implantation
de la démarche d‘investigation raisonnée dans le cours de science du préscolaire et du primaire.
LA DÉMARCHE D’INVESTIGATION RAISONNÉE EN CONTEXTE
Cette démarche s‘inspire de l‘approche américaine « Hands on ». L‘approche «Hands on» a été
développée vers la fin des années 1980 afin de permettre à des enfants de 5 à 12 ans provenant
des quartiers défavorisés de Chicago de se familiariser avec les sciences. Cette approche
permettait à des enfants moins nantis de manipuler des objets, de poser des hypothèses, de
discuter entre eux des lois et des principes scientifiques, d‘échanger avec un enseignant sur le
pourquoi et sur le comment de ces expériences, afin de mettre tous ces résultats par écrit à l‘aide
de phrases ou de dessins. En 1996, l‘académicien et prix Nobel de physique Georges Charpak a
décidé de rapatrier cette approche en France. Avec le support de l‘Académie des sciences, La
Main à la pâte est implantée dans certaines écoles primaires de France (Charpak & Académie des
sciences (France), 1996). Depuis 2005, La main à la pâte fait un rapprochement entre cette
approche et l‘enseignement des mathématiques, comme en fait foi le colloque tenu en septembre
2005 en France.
La démarche d‘investigation raisonnée propose une pédagogie ouverte basée sur des
expérimentations effectuées par les élèves. Les élèves observent un phénomène de la vie courante
au sujet duquel ils s‘interrogent, posent un problème à résoudre et formulent des hypothèses. Ils
conçoivent et réalisent des expériences pour confirmer ou infirmer leurs hypothèses. Au cours
des activités, ils échangent, argumentent, partagent leurs idées, confrontent leurs points de vue en
équipe de travail, en grand groupe ou avec l‘aide de l‘enseignant. La classe formule des résultats
provisoires ou définitifs. Il s‘agit d‘une pratique et d‘un apprentissage de la science faits dans
l‘action, l‘interrogation, l‘exploration, l‘investigation, la construction de connaissances
collectives et la discussion. C‘est un parcours par étapes où les acquisitions se font par
restructurations successives; le résultat global n‘est visible qu‘à la fin du parcours. L‘étude de
chaque sujet dans la démarche d‘investigation raisonnée se fera sur une période de temps assez
112
Annie Savard
longue afin d‘accorder aux élèves le temps nécessaire aux apprentissages (environ une douzaine
de séances réparties sur six semaines).
L‘élève garde les traces de ses activités à chaque étape de son investigation dans son cahier
d‘expérience. Les informations recueillies sont inscrites dans ce cahier qui est propre à chacun et
différent d‘un élève à l‘autre. Le cahier témoigne et renseigne sur le cheminement de l‘élève : sur
les questions qu‘il s‘est posées, sur les prédictions et hypothèses qu‘il a formulées, sur les
expériences et les observations qu‘il a réalisées, sur les résultats obtenus, même s‘ils peuvent être
incomplets. L‘enseignant peut mettre à la disposition des élèves des outils pour les aider à
s‘organiser: tableaux d’observations, tableaux de résultats, schémas, dessins, courts textes,
graphiques, listes de documents, résumés de procédures… L‘élève utilise son cahier comme aidemémoire pour revenir sur des notions déjà vues et comme outil pour structurer davantage sa
pensée ou pour communiquer.
Les étapes de la démarche ne sont pas linéaires, mais plutôt itératives. C‘est à la suite
d‘observations tangibles qu‘émergent chez l‘enfant des questions ainsi que des hypothèses, et que
s‘élabore une argumentation. Dans le cadre de l‘utilisation de cette approche en classe du
primaire, c‘est le contexte socioculturel qui sert de contexte scientifique puisque que l‘on utilise
des objets quotidiens afin de développer des connaissances à leurs propos: bulles, l‘eau, os et
squelette, les déchets. Leur étude par l‘observation, l‘expérimentation, la formulation de
questions amène l‘utilisation de processus intellectuels abondamment utilisés en contexte
mathématique, par exemple : observer, c‘est chercher des régularités, c‘est qualifier et quantifier;
expérimenter, c‘est mesurer, classifier, représenter, quantifier; formuler des questions: c‘est
utiliser, entre autres, des raisonnement déductif, inductif, probabiliste… La formulation des
résultats définitifs ou provisoires lors des discussions menées en classe développent des
compétences citoyennes telle la pensée critique ou la prise de décision (Savard, 2008).
Soulignons que le contexte citoyen peut être aussi entendu comme contexte sociopolitique dans
lequel les décisions politiques, les phénomènes économiques et les règles de vie en société se
manifestent.
Le contexte mathématique est riche et offre un énorme potentiel. Toutefois, nous nous
interrogeons : est-ce que les enseignants sont sensibles à ce milieu mathématique? Que font les
enseignants avec les mathématiques lorsqu‘ils enseignent les sciences lors de situations
d‘apprentissage ouvertes? Est-ce que leurs intentions sont également orientées vers
l‘apprentissage des mathématiques de façon générale ou bien ont-ils ciblés des objets
d‘apprentissage (Jonnaert & Vander Borght, 1999) issus du programme de mathématiques? À cet
effet, Bednarz et Proulx (2009) nous disent que les intentions des enseignants de mathématiques
du secondaire sont imbriquées : elles peuvent être mathématiques, didactiques ou pédagogiques.
Dans le cadre de ce projet, il nous apparaît pertinent de les étudier séparément afin de pouvoir
identifier les savoirs mathématiques planifiés et enseignés intentionnellement par les enseignants.
Nous pourrons par la suite cerner leur sensibilité au milieu (DeBlois, 2006), lors de l‘utilisation
de la démarche en classe avec les élèves.
LE PROJET DE RECHERCHE
Depuis 2003, deux commissions scolaires du Québec ont décidé à leur tour d‘innover et de faire
profiter les élèves du primaire de cette même approche : la commission scolaire de la Capitale et
113
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
la commission scolaire de la Beauce-Etchemin. Des formateurs affiliés à La main à la pâte sont
venus de France et ont accompagné le personnel des services éducatifs à former le personnel
enseignant intéressé, de la maternelle à la sixième année. Depuis 2007, deux écoles, une pour
chaque commission scolaire, ont adopté la démarche d‘investigation raisonnée comme projetécole pour favoriser la réussite éducative des élèves. Ce projet s‘est étalé sur trois ans.
Le projet d‘école a été planifié en concert entre les services éducatifs de chacune des
commissions scolaires et par l‘équipe d‘une école située en milieu socio-économique défavorisé.
Afin de mettre en lumière le processus d‘implantation ainsi que les retombées de l‘utilisation de
la démarche, l‘équipe a demandé la collaboration d‘une chercheure qui connaissait bien la
démarche (Savard & Morin, 2005).
Le dispositif de formation et d‘accompagnement des enseignants a été l‘objet d‘un travail
collaboratif avec les conseillers pédagogiques et les directions d‘école. Des entrevues de groupes
et individuelles, des groupes de discussion, des questionnaires, des observations dans les classes
ainsi que des discussions avec les élèves nous ont permis de collecter des données de recherche.
L‘analyse des représentations (Brun et Conne, 1990) des enseignants nous a permis de dégager
leurs intentions d‘apprentissage, que nous avons ensuite catégorisées selon qu‘elles sont
didactique ou pédagogiques. En ce qui a trait aux intentions didactiques, nous n‘avons pas
spécifié les disciplines. Toutefois, il est surtout question de la science et de la technologie, du
français et des mathématiques. Nous présenterons les résultats d‘une école située en milieu
urbain, qui accueille des classes d‘élèves dysphasiques et des classes spéciales, c‘est-à-dire des
élèves ayant d‘importants retards académiques.
QUELQUES RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES
De prime abord, les enseignants ont utilisé la démarche d‘investigation raisonnée dans le cours de
science. Les raisons motivant leur engagement à apprendre et à utiliser la démarche
d‘investigation raisonnée ont été de former une équipe ou une communauté pour se soutenir.
Puisque le milieu est reconnu comme étant défavorisé, l‘idée d‘un projet rassembleur a séduit les
enseignants. Ce projet rassembleur avait aussi comme fonction d‘engager les élèves dans leurs
apprentissages pour favoriser la réussite scolaire et de susciter la motivation des élèves par
l‘enseignement des sciences.
Des intentions implicites
Les enseignants ont eu beaucoup de difficulté à parler de leurs intentions, avant, pendant et après
l‘action. Un travail d‘accompagnement de la part de la direction et de la conseillère pédagogique
a permis de dégager une planification globale des apprentissages en S et T, pour que les
enseignants ciblent des apprentissages à développer et la portée des ses apprentissages, tout au
long de l‘année scolaire. Par la suite, la conseillère pédagogique a accompagné les enseignants
dans le cadre de l‘élaboration du document Normes et modalités d’évaluation des apprentissages
demandés par la direction. Ce document comprend, entre autres, le choix des sujets d‘études ainsi
que des intentions d‘apprentissage reliés à ces sujets d‘études. Le tableau 1 présente les intentions
d‘apprentissage en science et technologie d‘une équipe-école.
114
Annie Savard
Tableau 1
Les intentions pédagogiques sont en fait des compétences transversales que les enseignants
doivent favoriser le développement. Puisque l‘utilisation de la démarche d‘investigation
raisonnée nécessite un travail collaboratif, les enseignants ont rapidement choisi la coopération et
ses valeurs d‘entre- aide comme un atout pour leurs élèves.
En ce qui a trait à la didactique, la communication via le développement langagier et la prise de
notes est très présente. Des processus communs à la science et la technologie et aux
mathématiques sont aussi présents. Des connaissances scientifiques sont présentes à tous les
cycles d‘enseignement.
La sensibilité au milieu
Les intentions pédagogiques identifiées dans le tableau 1 n‘ont pas été choisies par hasard par les
enseignants de cette école. Le milieu dans lequel ces enseignants évoluent a influencé ces choix.
Ainsi, des intentions pédagogiques et didactiques que les enseignants se sont donnés sont liées au
premier milieu identifié par cette recherche, soit les caractéristiques des élèves. Puisque ceux-ci
sont issus d‘un milieu socio-économique faible, les intentions pédagogiques choisies par les
enseignants cherchent à pallier principalement à des habiletés relationnelles ou langagières.
Conséquemment, les enseignants ont voulu aussi leur donner des structures d‘apprentissage liées
aux français, à la science et la technologie et aux mathématiques. Des intentions didactiques que
115
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
les enseignants se sont donnés sont alors liées au fait que la majorité des élèves sont identifiés
comme ayant de très grands troubles d‘apprentissage.
Le deuxième milieu identifié trait aux règles institutionnelles. Les enseignants ont l‘obligation de
proposer un enseignement du programme de formation. À cet effet, des intentions pédagogiques
identifiées concernent la nécessité de développer des compétences transversales. La
prépondérance et l‘importance accordée au français dans les documents ministériels, notamment
en terme de temps d‘enseignement prescriptif expliquent le fait que les intentions didactiques des
enseignants soient orientées vers l‘apprentissage du français dans le cours de science. Rappelons
qu‘au premier cycle, il n‘y a pas de temps d‘enseignement alloué à cette matière. Les enseignants
veulent travailler le français, qui est une partie importante du programme.
Le troisième milieu identifié dans le cadre de ce projet a trait aux connaissances et processus
scientifiques et technologiques. Notons que certains processus scientifiques et technologiques
sont communs aux processus mathématiques, tels le recours aux raisonnements inductifs et
déductifs, la saisie et la transmission de l'information au moyen de graphisme, notation,
symbolisme et codification ainsi que l‘utilisation de stratégies appropriées permettant d'atteindre
un résultat ou de trouver une solution qu'il sera possible par la suite d'expliquer, de vérifier,
d'interpréter et de généraliser (MELS). Toutefois, même si nous observons que les processus
mathématiques sont présents dans ce milieu, les enseignants n‘y ont pas été sensibles. Leurs
intentions didactiques ont plutôt été orientées la deuxième compétence en science et technologie.
Par conséquent, la majorité des enseignants n‘avaient pas vraiment conscience de favoriser le
développement des compétences mathématiques:
« Les maths, l‘intégration des maths là, ça c‘est super difficile. On revient toujours
sur la mesure. Ah ça, de la mesure ça c‘est facile. C‘est parce que, un diagramme à
barre, oui c‘est correct. Mais les maths c‘est autre chose. C‘est les fractions. Là
oui, les fractions dans mes os j‘en ai, les maths là, j‘en trouve pas » (Corinne,
20:28)
Cet extrait issu d‘un entretien de groupe nous montre que cette enseignante trouve difficile le fait
d‘intégrer les mathématiques aux contenus scientifiques et technologiques. Pourtant, le milieu
était propice à développer des savoirs mathématiques. Cependant, lorsque les élèves avaient à
collecter et représenter les données à l‘aide des processus mathématiques, les enseignants, de
façon générale, s‘attendaient à ce que les élèves soient en mesure de le faire seul dès le départ. Ils
ne mettaient donc pas l‘accent sur ces apprentissages. Par exemple, le sujet d‘étude « Rien ne se
perd » offert aux élèves du troisième cycle proposait, lors de la première de ses situations, de
collecter des déchets afin d‘en calculer le poids et le volume afin d‘imaginer comment les
évacuer. Les objectifs déclarés dans le document de l‘enseignant étaient de définir ce qu‘est un
déchet, de prendre conscience de la quantité de déchet produite et enfin d‘identifier les différentes
façons et les différents endroits pour s‘en débarrasser. Le matériel suggérait que les élèves
utilisent, entre autres, un mètre ruban gradué en cm, un rouleau de ficelle, une balance en kg et un
sac poubelle de 100 litres. Un tableau indiquait les mesures à prendre en compte afin de calculer
le volume des sacs de déchets. Le tableau 2 présente cet extrait tiré du guide du maître sur le
calcul du volume des déchets.
116
Annie Savard
Tableau 2
Extrait du guide du maître sur le calcul du volume des déchets
Une feuille support remises aux élèves permettait de colliger le volume et le poids des déchets
par jour, par semaine et par an. Par la suite, les élèves devaient identifier la provenance de
certains déchets et de spécifier comment et où s‘en débarrasse-t-on.
Une enseignante de sixième année nous a présenté l‘affiche support du retour en grand groupe.
Elle a écrit le poids des cinq sacs de déchets en livres, pour ensuite calculer le total pour la classe.
Elle a ensuite indiqué le poids total pour la semaine et pour l‘année, toujours en livres. Sur la
même affiche, elle a reproduit le tableau présenté dans le guide du maître et elle a entré les
données des élèves en centimètres et en centimètres cubes. Elle a inscrit le volume en mètres
cubes mais en écrivant cm3 plutôt que m3. Il nous semble que les intentions de cette enseignante
n‘aient pas été orientées vers les mathématiques, même si le milieu offert présentait un fort
potentiel. Il aurait été intéressant de faire discuter les élèves de l‘emploi de deux systèmes de
mesure différents et de leur demander de convertir le poids et le volume dans un autre système de
mesures. Il nous semble que le potentiel mathématique de cette situation n‘a pas été exploité à sa
pleine envergure.
Dans la classe voisine, sa collègue de sixième année a créé un modèle pour illustrer un mètre
cube afin d‘illustrer le volume des déchets. Elle a dit qu‘elle voulait que les élèves se représentent
visuellement le volume des déchets en mètres cubes. Ses intentions didactiques envers les
mathématiques sont survenues dans l‘action : elles voulait ainsi répondre à l‘un des objectifs de
la situation qui était de prendre conscience de la quantité de déchet produite. Toutefois, elle a été
sensible au fait que ce sont les mathématiques qui lui permettaient d‘atteindre ce but.
DISCUSSION ET CONCLUSION
Il semblerait que la sensibilité au milieu des enseignants du primaire rencontrés dans le cadre de
ce projet de recherche se situe en contexte citoyen en ce qui a trait aux règles institutionnelles et
aux caractéristiques de l‘élève. En effet, les caractéristiques sociopolitiques de ce contexte
semblent particulièrement présentes dans la classe puisque les enseignants y ont manifesté une
très grande sensibilité. Le programme de formation de l‘école québécoise ainsi que le milieu
socio-économique faible des élèves fréquentant cette école amènent les enseignants à prioriser
certains des choix didactiques et pédagogiques qui s‘offrent à eux. Ces milieux auxquels les
enseignants sont sensibles apportent une couleur locale de cette école.
La discipline enseignée serait un autre milieu auquel les enseignants sont sensibles. Ainsi, les
enseignants du deuxième et du troisième cycle ont manifesté une plus grande sensibilité cours de
science et de technologie que les enseignants du premier cycle, qui n‘avaient pas à inscrire de
résultats académiques au bulletin des élèves pour cette discipline. Malgré le potentiel
117
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
mathématique présent dans tous les sujets d‘études, peu d‘enseignants se sont montrés sensibles
aux mathématiques. Les savoirs semblent contextualisés et figés dans un contexte, soit dans le
cas présent le cours de science et de technologie. Très peu de liens interdisciplinaires en
mathématique et en science et technologie ont été l‘objet d‘une attention de la part des
enseignants.
Cette recherche pose certaines limites. En effet, il semble difficile pour les enseignants de parler
de leurs intentions avant et pensant l‘action. Les intentions semblent implicites. Nous avons donc
utilisé un travail collectif pour avoir accès à leurs intentions. Il est possible que certaines
intentions spécifiques n‘y apparaissent pas. Quels dispositifs méthodologiques nous permettraient
d‘y avoir accès? Comment amener les enseignants à cibler explicitement des intentions
d‘apprentissages? De plus, si les intentions sont clairement identifiées, comment amener les
enseignants à tenir compte du contexte mathématique?
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118
Adaptation aux changements climatiques : compétences mathématiques et
leurs utilisations
Evguenii Vichnevetskii, Paul Deguire, Diane Pruneau,
Viktor Freiman, Jackie Kerry et Jimmy Therrien
Université de Moncton, Groupe Littoral et vie
RÉSUMÉ. Le groupe Littoral et vie à l‘Université de Moncton étudie différentes problématiques
liées à l‘éducation à l‘environnement depuis plus de 10 ans. Dans le cadre d‘un projet portant sur
diverses compétences manifestées par les employés de la ville lors de la résolution d‘une
situation-problème d‘adaptation aux changements climatiques, nous nous sommes
particulièrement intéressés aux compétences mathématiques. Quatre ateliers de demi-journée
avec un groupe d‘employés municipaux ont été vidéo-enregistrés, transcrits et analysés par notre
équipe. Dans notre article, nous discutons du contexte de la recherche, du cadre de référence et de
résultats préliminaires. Des stratégies de développement de compétences mathématiques dans le
contexte d‘adaptation aux changements climatiques sont proposées.
INTRODUCTION
Au Nouveau-Brunswick, province canadienne le long de l'océan Atlantique, plusieurs impacts
des changements climatiques sont prévus, dont l'élévation du niveau de la mer et d'importantes
ondes de tempêtes (ministère de l‘Environnement du Nouveau-Brunswick (MENB), 2006). Ces
événements présentent des risques pour la santé des citoyens des communautés côtières :
blessures (en cas d'inondation, d'effondrement des maisons), refroidissement des maisons (lors de
panne d‘électricité), manque de nourriture, dégradation de l'eau potable, etc. Ces événements
menacent également l'économie des communautés côtières : dommages aux quais des pêcheurs,
salinisation des sources d‘eau, diminution des ressources marines, réduction du nombre de
touristes, etc. (Santé Canada, 2008).
Depuis 2006, le groupe Littoral et Vie de l‘Université de Moncton, groupe reconnu pour son
implication en éducation relative à l'environnement, s‘intéresse aux compétences humaines qui
facilitent l'adaptation des citoyens aux changements climatiques (Pruneau et coll., 2009). En
effet, les citoyens doivent être en mesure de se préparer et de réagir à des événements inattendus
et nouveaux ainsi qu‘à des discontinuités dans les tendances météorologiques (Gunderson, 2003).
Ils doivent démontrer leur résilience aux changements climatiques, c‘est-à-dire leur capacité
d‘absorber ce type de choc et de poursuivre, renouveler ou réorganiser leur fonctionnement
(Folke, 2006). L‘importance d‘éduquer les citoyens en matière d‘adaptation est donc
omniprésente dans les discours des chercheurs travaillant sur les dimensions humaines des
changements climatiques (Yohe & Tol, 2002). Ce besoin éducatif suscite deux questions en
éducation relative à l‘environnement : quelles sont les compétences citoyennes (ressources et
pratiques cognitives, affectives, sociales) qui facilitent l'adaptation aux changements
climatiques? Comment pourrait-on accompagner des citoyens afin de renforcer leurs
compétences d’adaptation? Les deux questions précédentes sont pertinentes en éducation relative
à l'environnement puisque, dans les régions affectées par les changements climatiques, ce ne sont
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
souvent pas les scientifiques qui implanteront des adaptations, mais les citoyens ordinaires. La
recherche présentée dans cet article tentait principalement de répondre à la première question. En
effet, comme il existe actuellement peu de recherches sur les compétences citoyennes qui
facilitent l'adaptation aux changements climatiques, nous voulions amorcer la description des
compétences facilitant l'adaptation et vérifier la présence de compétences mathématiques parmi
ces compétences.
De façon générale, être compétent implique l‘utilisation quotidienne et judicieuse de ses habiletés
de communication, de ses connaissances, de ses habiletés techniques, de son raisonnement, de ses
émotions, de ses valeurs et de sa capacité de réflexion dans ses pratiques quotidiennes afin de
contribuer au bien-être individuel et communautaire (Epstein & Hundert, 2002, dans Rubin & al.
2007). La compétence est une faculté incrémentale qui se développe et se manifeste dans certains
contextes. Les compétences sont définies comme un ensemble complexe et dynamique de
concepts et de procédures, de capacités et d‘habiletés, de comportements et de stratégies,
d‘attitudes, de croyances et de valeurs, de dispositions et de caractéristiques personnelles,
comprenant aussi les perceptions et les motivations (Mentkowski, 2000, cité dans Rubin & al.,
2007). De la même façon, pour Joannert, Barrette, Boufrahi et Masciotra (2004), le concept de
compétence comprend un ensemble de ressources cognitives et métacognitives (savoirs, savoirs
faire, savoirs agir ; savoirs observer, contrôler et améliorer ses stratégies cognitives…), conatives
(motivation à agir), physiques, sociales (recourir à un expert), spatiales (utilisation efficace de
l‘espace), temporelles (organisation pertinente du temps), matérielles (utilisation d‘un livre, d‘un
outil) et affectives.
Afin d'élaborer et d'implanter des mesures d‘adaptation adéquates aux changements climatiques,
il est opportun de démontrer des compétences qui permettent de résoudre efficacement les
problèmes engendrés par ce phénomène. Ces compétences ne sont pas nécessairement propres au
domaine de l‘environnement, bien au contraire. Souvent, celles-ci sont d‘ordre général ou elles
sont empruntées d'autres domaines. C‘est le cas des compétences mathématiques. En adaptation
aux changements climatiques, les compétences mathématiques pourraient s'avérer d‘une grande
utilité. En effet, dans une société fonctionnelle, il importe d‘avoir une population éduquée qui
utilise efficacement et de façon appropriée ses connaissances, ses intuitions et ses habiletés dans
le domaine des mathématiques, et ce, dans une variété de situation et de contextes (Niss, 1999).
De plus, l‘environnement est un domaine où les compétences mathématiques sont
particulièrement importantes. Déjà en 1966, les écologistes s‘entendaient pour dire que les
interactions complexes entre la société et l‘environnement engendreraient d‘énormes problèmes
dont la résolution nécessiterait des compétences mathématiques telles l‘analyse, la synthèse et la
manipulation de données (Patten, 1966).
Toutefois, malgré la présence courante, variée et abondante de données quantifiables dans la
société moderne et le rôle de plus en plus important de ces données dans la vie quotidienne,
plusieurs adultes éduqués et expérimentés ont de la difficulté à analyser celles-ci et à les utiliser
de façon appropriée pour résoudre des problèmes complexes (The Quantitative Literacy Design
Team, 2009). Les concepts liés aux ratios de toutes sortes (incluant les fractions, les proportions
et les raisonnements probabilistes) sont particulièrement difficiles pour les adultes (Reyna, 2007).
Dans le cadre de notre recherche, des employés municipaux d'une petite communauté côtière ont
été observés pendant qu'ils étudiaient et résolvaient le problème des risques d‘inondation
engendré par les changements climatiques. Pendant que les participants cherchaient des mesures
120
Evguenii Vichnevetskii, Paul Deguire, Diane Pruneau, Viktor Freiman, Jackie Kerry et Jimmy Therrien
d‘adaptation à ce problème, nous avons examiné leurs discussions dans le but d'identifier les
diverses compétences qu'ils mettaient à profit tout au long de leur démarche. Le repérage de
compétences mathématiques constituait l'objectif principal de l'étude.
COMPÉTENCES MATHÉMATIQUES ET PROBLÈMES ENVIRONNEMENTAUX
De par le monde, les citoyens se trouvent de plus en plus souvent confrontés à des tâches
impliquant des concepts mathématiques quantitatifs, spatiaux, statistiques ou autres. Les
individus sont assaillis d‘informations sur le réchauffement de la planète, la croissance
démographique, le déversement d‘hydrocarbures, la disparition des espaces verts, etc. Dans ce
contexte, les mathématiques peuvent exercer un rôle clé dans la compréhension des systèmes
complexes non linéaires, comme les écosystèmes et les phénomènes naturels, et elles peuvent
contribuer aux processus d'atténuation ou d‘adaptation aux changements environnementaux
(Haines et Blum, 2007). Il est donc pertinent de développer chez les individus des facultés de
raisonnement quantitatif ou spatial, et d‘autres compétences mathématiques qui facilitent la
clarification, la définition ou la résolution de problèmes variés et complexes. Ces compétences
peuvent s'exprimer lors de la résolution des différents types de problèmes à l'école et dans la vie
courante. Les auteurs parlent également de la mise en pratique des compétences mathématiques
dans un contexte moins structuré, où les consignes ne sont pas claires et où les citoyens doivent
prendre des décisions sur les informations qui pourraient être pertinentes et sur la manière
d'appliquer celles-ci à bon escient (OCDE, 2006; Jan de Lange, 2003; The Quantitative Literacy
Design, 2009).
Malgré la reconnaissance de l‘importance des mathématiques dans la vie quotidienne, la nature et
les caractéristiques des compétences mathématiques que l'on souhaite développer chez les
citoyens ne sont pas encore clairement définies. De même, il y a lieu de se questionner à savoir si
l'on doit se donner un cadre théorique général sur les compétences mathématiques ou des cadres
spécifiques adaptés à des contextes particuliers (métiers, situations, cultures...). Les écrits
présentent une vision générale des compétences mathématiques et spécifient que tous les
individus devraient être en possession d'un certain niveau de culture mathématique afin de mener
une vie organisée et harmonieuse. La définition de cette culture mathématique par le PISA
(Programme international pour le suivi des acquis des élèves) est la suivante :
"La culture mathématique est l‘aptitude d‘un individu à identifier et à comprendre le rôle joué par
les mathématiques dans le monde, à porter des jugements en appuyant leurs propos et à s‘engager
dans des activités mathématiques, en fonction des exigences de sa vie et en tant que citoyen
constructif, impliqué et réfléchi." (OCDE, 2006, p. 82). Dans ce modèle, l‘accent est mis sur la
triade contexte – contenu – processus (compétences) qui traite des relations mathématiques (telles
que la comparaison), des idées majeures (telles que les variations et les relations) et des
opérations (telles qu‘effectuer des calculs et employer des raisonnements - idée de quantité).
Des définitions similaires de ces habiletés sont aussi présentes dans les publications d'autres
chercheurs tels Jan de Lange (2003) et Neubrand et coll. (2001). Parmi les compétences
mathématiques essentielles recensées, on retrouve :
a) Penser mathématiquement: poser des questions à caractère mathématique et être
conscient des types de réponses que peuvent offrir les mathématiques. Cette compétence
121
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
consiste aussi à comprendre et à manipuler l‘étendue et les limites d‘un concept donné, et à
pouvoir étendre ce concept en le généralisant à d‘autres objets.
b) Poser et résoudre les problèmes mathématiques, purs ou appliqués (Niss, 1999; OCDE,
2003).
c) Raisonner mathématiquement: une compétence qui joue un rôle important dans la
compréhension des mathématiques en permettant de développer des idées, d‘explorer des
phénomènes, de justifier des résultats et de formuler des hypothèses (NCTM, 2000, dans
Barmby, Harries, Higgins et Suggate, 2008). Une bonne utilisation du raisonnement
mathématique comprend l‘analyse d‘une situation problème à l'aide de la géométrie,
l‘arithmétique, les probabilités, les statistiques, l‘algèbre ou les mesures, dépendamment de
la situation.
d) Représenter les entités mathématiques de différentes façons: comprendre, distinguer,
interpréter et décoder différentes représentations d‘objets, de phénomènes et de situations à
caractère mathématique.
e) Comprendre (analyser et interpréter) des contenus mathématiques dans des textes.
f) Utiliser différents outils pour trouver l‘information et les moyens nécessaires pour
résoudre des problèmes.
À cette liste, s'ajoutent les soi-disant habiletés pratiques permettant de résoudre les problèmes
quantitatifs que les gens rencontrent dans la vie quotidienne ou au travail (The Quantitative
Literacy Design Team, 2007). Pour poursuivre dans le même ordre d‘idées, on peut parler de
problèmes relevant de la réalité et des habiletés d‘un individu d‘organiser les problèmes en
fonction de concepts mathématiques, d‘effacer la réalité (formaliser, généraliser), de résoudre les
problèmes et d‘appliquer les résultats dans la situation réelle et d'en évaluer les effets (avantages
et limites).
Les compétences mathématiques se manifestent différemment chez différents individus, dans
différentes situations et en fonction des différents niveaux de confiance et de confort envers les
idées quantitatives. Les auteurs utilisent les termes littératie mathématique et littératie
quantitative (numératie) pour décrire cette subtilité. Comme De Lange (2003), ils distinguent la
littératie quantitative des mathématiques dites académiques. Ainsi, la littératie quantitative serait
moins formelle, moins abstraite, moins symbolique et plus contextuelle que la littératie
académique (Jan de Lange, 2003).
MÉTHODOLOGIE
Contexte et interventions
Afin d‘atteindre nos objectifs de recherche, une étude de cas, qui se situe dans un paradigme
compréhensif en permettant d'observer l'adaptation dans son contexte naturel (Savoie-Zajc &
Karsenti, 2000), a été choisie. En effet, l'étude réalisée se caractérise «par la complexité, la
122
Evguenii Vichnevetskii, Paul Deguire, Diane Pruneau, Viktor Freiman, Jackie Kerry et Jimmy Therrien
recherche de sens, la prise en compte des intentions, des motivations, des attentes, des
raisonnements, des croyances et des valeurs des acteurs» (Mucchielli, 2009, p.28).
Une communauté côtière du Nouveau-Brunswick a été retenue comme contexte de la recherche,
car, dans cette région, la quantité et l‘intensité des précipitations, et les ondes de tempête risquent
d‘augmenter, ce qui pourrait engendrer des inondations plus fréquentes et le débordement des
rivières. Il est aussi possible qu‘une intrusion d‘eau salée dans les réservoirs souterrains d‘eau
douce se produise ainsi que des dommages économiques aux propriétés, commerces,
infrastructures et entreprises touristiques (Ressources naturelles Canada, 2007). Sept employés de
cette municipalité (six hommes et une femme) se sont portés volontaires pour participer à
l'étude : deux ingénieurs, un géographe, un biologiste, un informaticien, un spécialiste en
environnement et un conseiller municipal.
Afin de relever leurs compétences d‘adaptation, les participants ont été observés pendant qu‘ils
cheminaient dans la proposition d‘adaptations à l'élévation du niveau de la mer, qui, avec les
ondes de tempêtes, risque d'entraîner des inondations. Cinq ateliers de trois heures ont été vécus
avec les participants, ateliers limités en nombre par les ressources financières du projet et par la
disponibilité épisodique des participants. Les ateliers ont été animés par un chercheur de l'équipe
et une démarche générale de résolution de problèmes y a été privilégiée, pour permettre aux
participants d'exprimer leurs compétences. Ce sont les participants qui ont choisi, analysé et
résolu le problème des risques d'inondation. Ils ont été régulièrement incités à exprimer leurs
besoins d‘information et l'équipe a répondu à ces besoins par l'apport de cartes et l'invitation
d'experts. Certaines interventions ont toutefois été choisies par l'équipe de recherche : présenter
des informations sur les changements climatiques et des exemples d'impacts locaux; consigner
par écrit les idées d'impacts et d'adaptation des participants. Les participants ont également été
avisés que leurs compétences seraient observées durant les ateliers.
Le dernier atelier exigeait spécifiquement l‘emploi de compétences mathématiques par les
participants. Deux tâches ont été proposées à ceux-ci. La première faisait appel à des
compétences mathématiques de base nécessaires à l'analyse de la capacité d'adaptation du
système d‘aqueduc de la municipalité. La deuxième, plus complexe consistait en l'analyse d'une
simulation portant sur l‘élévation du niveau des eaux avec les changements climatiques. Voici la
description plus détaillée de deux tâches (a et b) :
Mise en situation
L‘animateur a demandé aux participants de comparer la capacité d‘un système d‘aqueduc de
répondre aux besoins de sa population et à la fois d'évacuer les eaux de pluies torrentielles.
Tâches : L‘un des impacts des changements climatiques est l‘augmentation de la fréquence et de
l‘amplitude des événements extrêmes. En prenant pour modèle l‘ouragan Igor qui, à TerreNeuve, avait déversé 20 cm d‘eau en cinq heures en septembre 2010, les tâches suivantes ont été
proposées aux participants.
a) À l‘aide d‘une carte topographique de leur région, les participants devaient identifier la
zone urbaine de la ville (la zone de densité élevée de population) et déterminer la quantité
d‘eau par heure qui tomberait sur cette zone lors d‘une tempête de même intensité que
l‘ouragan Igor. Prenant pour acquis que 60 % de cette eau serait évacuée de façon naturelle
vers la lagune, il leur fallait évaluer la capacité du système d‘aqueduc d'évacuer le reste de
123
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
l‘eau. L‘observation de la carte et le calcul devaient mener les participants à estimer à
environ 80 millions de litres par heure la capacité nécessaire à l‘évacuation des eaux lors
d‘une tempête de grande amplitude. Par la suite ils devaient passer au deuxième exercice
leur demandant d‘estimer la capacité du système d‘aqueduc de répondre aux besoins de la
population.
b) Toujours à l‘aide de la carte topographique et d‘estimations réalistes de la densité de
population, les participants devaient estimer la population de la zone à l‘étude. Par la suite,
en sachant qu‘en moyenne une personne utilise en moyenne 200 litres d‘eau par jour et que
40 % de cette quantité est utilisée lors des périodes de pointe du matin et du soir (d‘une
durée d‘une demi-heure chacune), ils devaient calculer la capacité d‘un réseau d‘aqueduc
municipal de traiter le triple de la quantité d‘eau utilisée aux heures de pointes. Le calcul
devait mener les participants à une évaluation de la capacité minimale de 360 000 litres par
heure. De plus, les participants devaient comparer les estimations de capacité d‘évacuation
et de capacité de réponse aux besoins de la population pour conclure ultérieurement qu‘un
système d‘aqueduc qui répond adéquatement aux besoins de la population (360 000 litres
par heure) ne suffit pas aux besoins d‘évacuation en cas d‘événement climatique extrême
(80 millions de litres par heure). Par la suite, ils auraient pu réfléchir à la validité des
hypothèses formulées dans les deux tâches et envisager des solutions au problème local
d‘évacuation des eaux.
Collecte et analyse des données
Afin d'identifier les compétences d'adaptation des participants, l‘observation directe et
l'enregistrement vidéo des ateliers ont été mis à profit. Pour identifier des compétences, Évéquoz
(2004) suggère d'observer les personnes à la tâche dans un contexte où les compétences
pourraient se manifester. Afin d‘éviter la subjectivité, l'observation s'effectue à l'aide
d'indicateurs précis. Afin d'identifier les compétences des participants, des fiches descriptives de
compétences ont été préparées. Ces fiches ont été créées en référence à une recension des écrits
sur plusieurs compétences de vie (Pruneau et al., soumis). Les fiches consistaient en une liste
d‘indicateurs pour chacune des compétences susceptibles d'être démontrées par les participants :
résolution de problèmes, prédiction des risques, pensée prospective, compétences mathématiques,
prise de décision, communication, créativité, curiosité, ouverture d‘esprit, amour de
l'apprentissage, perspective, courage, persévérance, intégrité, citoyenneté, altruisme, intelligence
(sociale ou émotionnelle), justice, leadership, prudence, autorégulation, goût du beau, espoir et
humour.
Pour décrire spécifiquement les compétences mathématiques une grille a été élaborée. Dans la
grille, les nombreuses compétences mathématiques se regroupaient à l‘intérieur de trois grandes
catégories de compétences : la résolution de problèmes, le raisonnement mathématique et la
communication mathématique. Nous estimions que, bien que leur utilité soit incontestable dans
plusieurs situations quotidiennes, les compétences mathématiques pourraient aussi jouer un rôle
important dans des domaines où leur fonction n‘est pas immédiatement évidente, tel
l‘environnement. En effet, bien que les indicateurs des compétences mathématiques soient très
spécifiques, celles-ci peuvent néanmoins être utilisées dans divers contextes. Ainsi, il est possible
que les compétences reliées à la résolution de problème soient essentielles pour résoudre des
problèmes liés aux changements climatiques. Le raisonnement mathématique risque d‘avoir un
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Evguenii Vichnevetskii, Paul Deguire, Diane Pruneau, Viktor Freiman, Jackie Kerry et Jimmy Therrien
rôle prépondérant pour comprendre, manipuler, modéliser et interpréter ces problèmes. De plus, il
est probable que la communication mathématique soit nécessaire pour discuter de l‘ampleur des
impacts ainsi que des caractéristiques des solutions proposées (Kerry, 2010).
Dans notre recherche, l'analyse situationnelle phénoménologique et structurale, consistant en un
recueil de cas décrivant les actions des acteurs et en une série d‘analyses débouchant sur une
interprétation globale du sens de l‘action (Paillé & Muchielli, 2003), a été appliquée en deux
opérations : l‘analyse thématique des discours et la construction de récits de pratique. Le
verbatim des ateliers a d'abord été soumis à une analyse thématique par six chercheurs, selon un
modèle semi-ouvert, en utilisant les fiches descriptives pour faciliter l'identification des
compétences et de leurs indicateurs. Les propos des participants aux ateliers ont été consignés
dans un tableau comprenant quatre colonnes, la première étant consacrée à chaque intervention
verbale des participants, la deuxième à l'identification d'une ou de plusieurs compétences, la
troisième à la liste des indicateurs démontrant la ou les compétences et la dernière à des
commentaires descriptifs sur la ou les compétences retrouvées. Les six analystes ont ensuite
comparé leur travail et calculé le pourcentage d'accord inter-codeurs (95 %). Certaines
compétences initialement décrites dans les fiches sont ressorties de l'analyse, d'autres se sont
avérées moins présentes et de nouvelles compétences ont émergé.
Des récits de pratique ont ensuite été construits pour chacun des ateliers par deux chercheuses de
l'équipe, de façon individuelle puis en concertation. La construction de récits permet la réduction
des données, à l‘intérieur d‘un cadre structuré, tout en illustrant la séquence des évènements et en
démontrant la complexité du phénomène étudié (Patton, 2002). Dans les récits, nous avons tenté
de répondre aux questions : que s’est-il passé durant cet atelier? Comment les participants s’y
sont-ils pris pour choisir un problème, l'analyser et pour proposer des adaptations? Quelles
compétences ont été démontrées? La grille de construction des récits a progressivement émergé
de l'écriture des premiers récits. Une analyse critique des récits a finalement été effectuée afin de
ressortir les implications des résultats obtenus.
RÉSULTATS
Nous présentons d'abord les compétences démontrées par les participants, lors des quatre
premiers ateliers, ateliers durant lesquels ils ont librement analysé le grand problème des
changements climatiques et tenté de résoudre le sous-problème des inondations côtières. Par la
suite, nous nous attardons à la description des compétences mathématiques démontrées par les
employés municipaux lors du cinquième atelier, atelier durant lequel nous avons suscité
spécifiquement l'usage de ces compétences.
Compétences démontrées spontanément lors des quatre premiers ateliers
Le tableau 1 présente les compétences observées chez les participants, compétences qui semblent
avoir facilité leur processus d'adaptation. Parmi celles-ci, on remarque un petit nombre de
compétences mathématiques, démontrées parfois de façon élémentaire. Dans le tableau 1, on
retrouve également une interprétation de l'utilité de ces compétences en adaptation.
125
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Tableau 1
Compétences des employés municipaux et utilité de celles-ci en adaptation
Compétences démontrées
Pensée prospective
Connaissance endogène du
milieu
Prédiction des risques
Pensée rétrospective
Résolution de problèmes:
poser le problème, trouver des
solutions, identifier les
contraintes, inférer
Pensée critique
Planification
Compétences mathématiques
Utilités possibles en adaptation
Pour prédire plusieurs impacts probables ou possibles des changements
climatiques, pour ressortir les contraintes qu'ils pourraient rencontrer
lors de leurs actions
Pour déterminer ce qui se produit avec les variations climatiques,
comment cela se produit et les éléments vulnérables
Pour déterminer les zones et éléments à risque, cibler les principaux
risques, en évaluer la probabilité
Pour se rappeler des détails d‘événements climatiques passés et pour en
tirer des leçons pour l‘avenir
Pour définir le problème des inondations sous plusieurs aspects et
proposer diverses solutions
Pour évaluer leurs solutions et celles des experts
Pour choisir certains moyens de communication avec le public et
déterminer les étapes à suivre pour agir
Pour comprendre et situer le problème et ses risques dans l'espace, pour
en estimer certains aspects quantitatifs, notamment l‘ampleur des dégâts
et les couts associés
Durant les quatre premiers ateliers, les participants se servent à la fois de leur connaissance du
milieu et de leur pensée prospective pour prédire les secteurs de leur communauté qui seront
affectés par les inondations. Ils identifient des risques physiques, socioculturels et économiques,
c'est-à-dire des impacts sur les résidences, l‘agriculture, la foresterie, la pêche, la marina, le quai,
l'aquaculture, le site d'épuration, la disponibilité de l‘eau potable, les activités touristiques, etc. Ils
mettent en évidence plusieurs composantes du problème, dont la topographie du milieu qui
diminue les dangers d'inondation à certains endroits. Leur perspective est surtout à court terme,
mais certains participants considèrent un peu le long terme. Ils font aussi appel à leur pensée
rétrospective (penser au passé), se remémorant la dernière tempête importante, pour prédire les
endroits qui seront inondés à l'avenir. Ils identifient des contraintes relatives aux coûts engendrés
par l‘adaptation. Ils font aussi quelques inférences logiques et pertinentes. Par exemple, un
participant déduit que les eaux plus chaudes pourraient potentiellement augmenter la présence de
parasites dans l‘eau, ce qui pourrait affecter l‘aquaculture. Ils évaluent certaines capacités
d'adaptation de leur communauté et proposent des solutions à plusieurs impacts d‘une
inondation, comme par exemple déménager les bâtiments, placer des sacs de sable autour des
maisons, louer de vieux bateaux pour déplacer les voitures en cas d'inondation des chemins, etc.
Le groupe évalue également un peu les solutions, en utilisant la pensée critique, et identifie les
contraintes de leur mise en œuvre, à l‘aide de la pensée prospective. Les employés municipaux
planifient aussi certaines actions : la communication avec le public et l'évaluation du plan
d'urgence municipal. Ils font ici preuve d‘habiletés de planification et d'action lorsqu‘ils
discutent de la poursuite du travail, identifiant l‘information manquante et déterminant les actions
ultérieures. Ils agissent finalement en préparant une demande de subvention pour faire
cartographier les infrastructures souterraines de la municipalité.
126
Evguenii Vichnevetskii, Paul Deguire, Diane Pruneau, Viktor Freiman, Jackie Kerry et Jimmy Therrien
Pour ce qui est des compétences mathématiques, les participants démontrent une capacité de lire
et d'interpréter des cartes pour déterminer les zones, infrastructures et populations à risque.
Parfois ils expriment également un intérêt pour des mesures telles les quantités (de maisons, de
citoyens touchés), les dénivellations (du terrain), le temps (les changements à long terme) et les
coûts (des adaptations). Toutefois, les participants n'émettent pas spontanément le désir de
mesurer ces quantités, dénivellations, temps et coûts de façon exacte. Leur discours consiste
surtout en une estimation des conséquences quantifiables de certains aspects de l'inondation: Mon
budget de neige change à tous les années; on dirait qu'il monte à tous les ans. Habituellement, on
la voyait à tous les 5 ans, cette grosse pluie, puis maintenant, on la voit probablement tous les 2
ans, 3 ans. Mon contrat de neige a monté de 25%. La façon dont la ville est conçue, on est plus
ou moins chanceux que toutes nos infrastructures soient protégées par la gravité; toute l’eau
coule à l’eau. Si tu vas près de la côte, il y a des grosses concentrations de maisons là. Il y a eu
comme 5 tempêtes si je ne me trompe pas. Deux participants font aussi usage d'autres
compétences mathématiques. Le participant ingénieur décrit la situation réelle, en utilisant des
raisonnement de nature mathématique: Donc, on pourrait faire des petits lacs si on veut. Souvent
les terrains de golf sont bons à cause des petits lacs. On va utiliser des endroits comme ceci pour
retenir l’eau puis on remet l’eau dans les conduites à un plus petit débit. Quand il tombe une
grosse pluie, ça retient l’eau puis là on la relâche tranquillement. Un autre participant construit
une représentation cartographique du problème des inondations, plus précisément une carte en
SIG des zones à risque. Enfin à quelques reprises, certaines hypothèses vérifiables sont émises:
Puis je crois bien que plus loin qu'on est de la côte, moins il y a de possibilités de salinisation?
Est-ce que ceci aurait un impact ?
Compétences mathématiques démontrées lors du cinquième atelier
Pendant cet atelier, les participants ont de nouveau montré une facilité à utiliser une carte
topographique et à en tirer les informations convenables. Les estimations de superficie et de
population ont été également faites de façon adéquate.
Dans le problème de calcul de la capacité du système d‘aqueduc pour rencontrer les besoins de la
population, ils ont estimé convenablement cette capacité (360 000 litres par heure). Ils ont ainsi
montré une certaine aisance à effectuer des calculs sur une calculatrice (surtout des
multiplications) et ils semblaient non rebutés par l‘utilisation de pourcentages.
Cependant, lors de l‘évaluation de la quantité d‘eau lors d‘une tempête de pluie extrême, les
participants sont arrivés à une réponse trop petite (35 000 litres par heure au lieu de 80 millions
de litres par heure). Est-ce que le fait d‘obtenir une valeur environ 2000 fois plus petite que la
valeur réelle pourrait être attribuée à la difficulté d‘opérer avec les grands nombres (compétence
faisant appel au sens de nombres et de grandeurs). Cette erreur pourrait également ‗cacher‘ une
autre difficulté liée la manipulation de mesures en utilisant différentes unités, donc une autre
compétence à examiner. Ou bien, c‘est la combinaison de ces deux éléments, soit le calcul sur les
grands nombres et la manipulation simultanée de plusieurs unités de mesures, qui ait empêché la
détection de cette erreur de calcul.
On observe ainsi que dans la tâche bien réussie portant sur les besoins de la population, il ne
fallait essentiellement qu‘opérer avec des litres. Par contre, dans la tâche portant sur la capacité
d‘évacuation, il fallait manipuler simultanément des volumes (litres), des surfaces (kilomètres
carrés) et des hauteurs (centimètres) pour résoudre adéquatement le problème. L‘utilisation
127
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
simultanée de ces mesures distinctes pourrait augmenter les possibilités d‘erreurs, car elle
demande la mobilisation de plusieurs compétences dans une situation plus complexe (Dans le
sens de Scallon, 2004).
CONCLUSION
Dans notre article, nous avons mis en évidence l‘importance d‘une étude portant sur les
compétences mathématiques chez les employées de la ville qui ont eu à travailler sur le problème
d‘adaptation aux changements climatiques et plus précisément sur les risques associés à
l‘élévation extrême du niveau de la mer dans une petite municipalité côtière. Faisant partie d‘un
projet d‘envergure mené par le groupe de recherche Littoral et Vie à l‘Université de Moncton,
dans le but de décrire différentes compétences démontrées par nos participants, notre étude
exploratoire se concentrait sur les compétences mathématiques.
Tandis que la problématique de notre étude nous semblait suffisamment claire, car elle touchait le
domaine d‘actualité accrue, celle d‘adaptation de citoyens aux changements climatiques, peu de
recherches nous nourrissent dans le choix de cadre de référence, particulièrement dans ce qui
concerne les mathématiques et leurs liens multiples avec la résolution de problèmes de la vie de
tous les jours. Les programmes scolaires mettent de plus en évidence la nécessité de rendre ces
liens plus explicites. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, où s‘est déroulée notre recherche,
chaque domaine de mathématiques défini par le programme d‘études (nombres et opération,
formes et espace, relations et régularités, statistiques et probabilités) fait appel aux résultats
d‘apprentissage généraux qui explicitent le besoin d‘établir des liens de chaque concept avec la
via réelle dans une situation de résolution de problèmes (MENB, 2005).
À l‘international, le cadre de la culture mathématique développé par l‘étude PISA, insiste sur le
développement de compétences axées sur le processus de résolution de problèmes dans lequel
tout jeune citoyen âgé de 15 ans devrait démontrer sa capacité de raisonner sur les relations entre
les quantités dans des situations de vie courante ainsi que de communiquer son raisonnement de
façon mathématique (OCDE, 2006).
Le marché de travail commence, à son tour, à définir les compétences mathématiques propres à
un domaine professionnel (Hoyles, et al., 2002). Quelque soit le cas spécifique, chaque citoyen
éduqué est interpellé par la nécessité d‘utiliser las mathématiques de façon plus intense et
complexe (Niss, 1999), tel est le cas d‘adaptation aux changements climatiques. Nos participants,
tous impliqués dans la gestion de diverses tâches municipales ont différentes spécialités et
différents niveaux de formation, ce qui comprend différents niveaux de familiarité et d‘usage de
mathématiques. Notre projet nous a permis de les observer dans un effort collectif de résoudre le
problème nouveau (pour chacun d‘eux) et fort complexe et ainsi décrire les compétences qu‘ils
démontrent spontanément. Une grille d‘observation qu‘on a créée en intégrant différents cadres
mentionnés ci-haut a été utilisée pour noter nos observations.
Ainsi, nous avons repéré peu d‘usage de mathématiques lors des premiers ateliers, donc, les
participants n‘ont pas eu à faire face explicitement à des compétences mathématiques. Toutefois,
dans leurs discussions, ils ont utilisé des raisonnements de nature quantitative tels que
l‘estimation du niveau d‘eau, de capacité de systèmes de pompage et les tendances
démographiques. Cependant, le questionnement et les réflexions partagés n‘ont pas amené les
participants à poser les problèmes mathématiquement, à chercher (définir) les données, les
128
Evguenii Vichnevetskii, Paul Deguire, Diane Pruneau, Viktor Freiman, Jackie Kerry et Jimmy Therrien
représenter à l‘aide d‘un modèle mathématique ou faire des calculs nécessaires (par exemple,
pour évaluer les coûts). Nos résultats démontrent que ces raisonnements sont demeurés trop
souvent généraux avec un faible recours aux nombres (calcul).
Le dernier atelier conçu spécifiquement pour amener quelques éléments de compétences
mathématiques dans une situation plus cadrée sur la modélisation mathématique d‘un phénomène
climatique extrême (élévation du niveau de la mer lors d‘une tempête hors commune pour la
région).
Nos données recueillies lors de cet atelier, ont permis d‘observer la présence de nombreux calculs
et raisonnements quantitatifs plus élaborés. Toutefois, la réflexion sur les mesures à prendre en
cas de phénomène climatique extrême n‘a pu avoir lieu puisque l‘erreur de calcul d‘ordre de trois
grandeurs aurait empêché les participants de réaliser la capacité du système d‘aqueduc pour faire
face à une tempête dépasse de beaucoup les besoins d‘utilisation normale du système. Une
certaine difficulté à manipuler de grands nombres et à effectuer des calculs complexes dans
lequel il fallait passer d‘un type de mesure à un autre suscite des questionnements; d‘autres
études sont nécessaires.
Ces résultats nous amènent à nous questionner sur les capacités qu‘ont les employés municipaux
à prendre les bonnes décisions quantitatives sans faire appel à des experts. Dans les grands
centres où de tels experts sont facilement disponibles, cela ne pose pas de problèmes. Dans les
petites communautés, la situation semble plus problématique et l‘autonomie des dirigeants locaux
suscite des interrogations. Notre recherche n‘apporte pas de solutions à ce niveau, mais soulève
de questionnements concernant l‘encadrement possible des employés de petites municipalités en
terme de formation, accompagnement et d‘autre type d‘aide.
D‘autres pistes de recherche : Un certain manque de disponibilité de participants dû à leurs
responsabilités quotidiennes nous a empêchés de leur proposer d‘autres tâches, plus complexes,
qui pourraient émerger de l‘analyse de la situation de la région suite à une élévation importante
probable du niveau de la mer et de l‘accroissement de l‘intensité des tempêtes. Entre autres, il
serait intéressant d‘observer les compétences liées à la capacité de gérer les contraintes
budgétaires en cas des évènements catastrophiques faisant appel à une prise de décision éclairée.
Malgré l‘absence des résultats concluants, notre étude exploratoire contribue d‘un côté, à
l‘élaboration de cadre de référence sur les compétences mathématiques nécessaires pour que les
citoyens de différents niveaux de formation en mathématiques puissent agir sur un problème
d‘adaptation aux changements climatiques. Notre travail devra se poursuivre ainsi dans l‘analyse
de compétences chez d‘autres groupes de citoyens (par exemple, chez les agriculteurs). D‘un
autre côté, nos résultats nous amènent sur la façon d‘aider les citoyens à développer les
compétences mathématiques afin de renforcer leurs capacités de résoudre des problèmes
d‘adaptation aux changements climatiques et d‘autres problèmes de complexité semblable.
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131
Différents cadres d’analyse pour les pratiques d’enseignement :
Quelle(s) perspective(s) choisir?
Carmen Paz Oval Soto1
Universidad de Magallanes
Izabella Oliveira
CRIRES - Université Laval
RÉSUMÉ. Dans ce texte, nous cherchons à faire ressortir comment certaines perspectives dans le
domaine de la didactique des mathématiques définissent le rôle de l‘enseignant, de l‘élève et du
savoir. Pour cela, nous nous appuierons sur trois cadres d‘analyse tels que la théorie des
situations didactiques, la double approche et la notion de sensibilité (Brousseau, 1986, 1998 ;
Robert et Rogalski, 2002 ; DeBlois, 2001, 2006). Les analyses faites nous ont permis de
remarquer que chacune de ces perspectives envisage l‘enseignant, l‘élève et le savoir d‘une
manière particulière. D‘après nos résultats et selon la perspective d‘où nous nous plaçons, nous
ne pouvons aborder que certaines composantes ou caractéristiques de la pratique enseignante.
Ceci nous amène à un questionnement sur les concessions qui doivent être faites par le chercheur
au moment de procéder au choix du cadre théorique.
INTRODUCTION
Depuis les dernières années, les pratiques d‘enseignement font l‘objet de recherches en
didactique des mathématiques. Ces recherches portent, entre autres, sur les contraintes et les
marges de manœuvre, sur l'analyse de séquences, sur l'influence de certains savoirs dans la
pratique de l'enseignant. En tant qu'intervenantes dans la formation des maîtres, nous avons pu
constater que chez les futurs maîtres la présence de certaines lacunes concernant les
mathématiques et la planification d‘activités d‘enseignement au moment de planifier une
séquence d'enseignement ou encore lors de sa mise en place. Un autre constat porte sur le fait que
les futurs maîtres se centrent souvent sur le manuel scolaire et qu‘ils ne prennent pas trop en
compte le travail des élèves lors de la préparation de leurs séquences d'enseignement. Ces
constats nous ont amenées, lors d‘études doctorales 2 , à se questionner sur la façon dont les
enseignants en exercice enseignent la résolution de problèmes en mathématiques : Que font-ils
pour enseigner la résolution de problèmes aux élèves ? Sur quoi basent-ils leurs choix
didactiques ? Comment prennent-ils en compte le travail de l‘élève ? Utilisent-ils les manuels
scolaires ? Comment ces derniers sont-ils utilisés ? Dans ce texte, nous partirons de ces questions
pour aborder celles liées au rôle des enseignants, des élèves et du savoir selon différentes
perspectives théoriques afin de contribuer à la réflexion portant sur les choix de cadres théoriques
dans le développement d'une thèse ou d'un mémoire et aux liens entre ces derniers et les
questions auxquelles nous nous proposons de répondre.
1
2
Étudiante au Doctorat en Didactiques des Mathématiques, Université Laval.
Ce texte a comme point de départ les questions posées par Oval-Soto dans ces études doctorales.
Carmen Paz Oval Soto et Izabella Oliveira
PERSPECTIVES THÉORIQUES ABORDÉES
Dans cette partie, comme mentionné précédemment, nous aborderons très brièvement les trois
cadres d‘analyse qui nous permettront de dégager les différents rôles des acteurs de la relation
didactique (enseignant-élève-savoir). Nous commencerons par la Théorie des situations
didactiques de Brousseau (1986) pour continuer, ensuite avec la Perspective de la double
approche de Robert et Rogalski (2002) et conclure avec la Notion de sensibilité de DeBlois
(2006)
Théorie des situations didactiques
La théorie des situations didactiques (TSD) modélise la situation didactique en se référant à la
théorie des jeux, théorie à laquelle Brousseau s‘est intéressé dans les années 60 et qui a influencé
sa façon d‘envisager l‘enseignement. Dans la TSD, la relation didactique joue un rôle important.
Cette relation (enseignant-élève-savoir) est observée par le chercheur sous trois points de vue :
comme mathématicien, en considérant que l‘enseignant a les connaissances nécessaires dans le
domaine des mathématiques; comme enseignant, parce que c‘est son rôle face aux élèves; et
comme élève pour comprendre les processus par lesquels il faut passer pour apprendre les savoirs
enseignés. Dans ce sens, un des objectifs principaux de la TSD est de comprendre comment la
relation didactique intervient dans l‘apprentissage de l‘élève.
En classe, la situation didactique est gérée par l‘enseignant et a comme finalité, entre autres, de
modéliser les apprentissages de l‘élève. L'analyse de cette situation prend en considération les
interactions entre l'enseignant, les élèves et le savoir, de même que les attentes de l‘enseignant
lui-même et celles de l‘élève en fonction du savoir en jeu. Donc, c'est le rôle de l‘enseignant
d‘aider l‘élève à sélectionner les connaissances antérieures qui lui seront utiles pour l‘acquisition
de nouvelles connaissances lors d‘une situation didactique comme c‘est le rôle de l‘élève
d‘apprendre en s‘adaptant à un milieu qui lui permet de donner des réponses nouvelles, preuves
de son apprentissage.
La double approche
Une autre perspective sur laquelle nous nous appuierons pour décrire le rôle de l'enseignant, de
l'élève et du savoir est la perspective de la double approche. Cette perspective est située dans une
double dimension. D‘un côté, elle possède une dimension psychologique de l‘activité
d‘enseignement (théorie d‘ergonomie cognitive 3 ) et d‘un autre, elle possède une dimension
didactique qui concerne la théorie des situations didactiques 4 (TSD).
La perspective de la double approche cherche à cerner la façon dont l‘enseignant gère sa classe
en considérant, entre autres, son histoire personnelle. Robert et Rogalski (2002) considèrent que
le sujet à l‘étude, dans notre cas l‘enseignant, est un composant de la problématique, comme
acteur/sujet professionnel. Les auteures considèrent cette perspective comme un éclairage qui
permet de prendre en compte la variabilité des pratiques, d‘identifier ce qui, d‘une part, peut (ou
non) modifier les acquisitions des élèves, et d‘autre part peut modifier les conditions de leur
activité enseignante. Rogalski (2003) précise que l'objectif de la double approche est de
3
4
Leplat (1997)
Guy Brousseau (1986)
133
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
« chercher à situer la nature de la tâche 5 de l‘enseignant dans sa situation de travail par rapport à
d‘autres champs d‘activité professionnelle » (p. 348).
C‘est dans le contexte de l‘enseignement des mathématiques que Rogalski (2003) explique que
l‘enseignant est un acteur engagé dans une situation de travail qui est celle d‘enseigner aux élèves
un contenu donné, dans un contexte institutionnel particulier. Roditi (2003), en suivant la même
ligne que celle des recherches faites par Robert et Rogalski, a signalé que la cohérence de la
pratique de l‘enseignant porte sur les décisions locales qui concernent le contenu et son
organisation.
La notion de sensibilité
La notion de sensibilité de l‘enseignant a été développée par DeBlois (2006, 2008) à partir de la
notion de sensibilité de l‘élève développée par René de Cotret (1999). René de Cotret a considéré
les concepts de milieu de Guy Brousseau et d‘environnement de Maturana et Varela pour définir
la sensibilité de l‘élève, en faisant la distinction entre milieu et environnement de l‘élève. Pour
René de Cotret, le milieu est défini à partir de la sensibilité de l‘élève (les élèves ne sont pas tous
sensibles de la même façon, à l‘environnement mis en place par l‘enseignant), c‘est-à-dire, ce à
quoi l‘élève est attentif. En ce qui concerne l‘environnement, l‘auteure explique qu‘il relève de la
description de l‘observateur (enseignant). À partir de ces points de vue, DeBlois a défini la
sensibilité de l‘enseignant comme étant le milieu de l‘enseignant (ce à quoi l‘enseignant est
attentif) vers un environnement qui est, dans ce cas présent, les discussions portant sur les
productions des élèves. C‘est cette distinction entre milieu et environnement qui permet à
l‘auteure d‘utiliser le concept de sensibilité avec des enseignants du primaire pour discuter de
leurs interprétations à l‘égard des productions de leurs élèves. Autrement dit, DeBlois (2008,
2006) emploie la notion de sensibilité comme un moyen permettant au chercheur d‘analyser les
différentes interprétations des enseignants lorsqu'ils étudient les erreurs issues des productions
écrites de leurs élèves.
MÉTHODOLOGIE
Pour dégager les rôles de l‘enseignant, de l‘élève et du savoir en jeu, nous avons procédé à une
recension d‘écrits en didactique des mathématiques portant sur les pratiques enseignantes.
Comme annoncé précédemment, nous nous sommes appuyées, plus précisément, sur la théorie
des situations didactiques, la double approche et la notion de sensibilité.
Dans un premier moment, pour chacune de perspectives étudiées, nous avons réalisé une analyse
conjointe des rôles de l‘enseignant, de l‘élève et du savoir, de façon descriptive. Ensuite, nous
avons fait une analyse de la place de chacun de ces partenaires à l‘intérieur de chaque
perspective. Il est important de signaler que même si nous faisons l‘effort de décortiquer chacun
des rôles pour cette analyse, ceux-ci sont en interactions constantes et, en réalité, inséparables.
5
Ici le mot tâche est considéré en étant l‘activité enseignant en situation de travail.
134
Carmen Paz Oval Soto et Izabella Oliveira
ANALYSES
Le premier niveau d'analyse porte sur le rôle de chacun des partenaires situés à l‘intérieur des
trois perspectives abordées.
Dans la théorie des situations didactiques (TSD), nous pouvons observer que l‘enseignant est vu
comme celui qui enseigne une situation qui a été construite précédemment par le chercheur. Dans
ce cas, les analyses peuvent porter, entre autres, sur comment l'enseignant travaille cette situation
en classe. C'est alors que la situation d‘enseignement est l‘objet d‘étude du chercheur. En ce qui
concerne le rôle de l‘élève dans la TSD, ce dernier, étant celui qui apprend, est au centre de la
relation entre l‘enseignant et le savoir en jeu. On s'intéresse à la manière dont il apprend et aux
influences qu'ont la situation et le savoir sur ses apprentissages. Le savoir est lié tant à
l'enseignant qu'aux élèves. Les situations sont construites en fonction d'un savoir précis et il
détermine, d'une certaine manière, les interactions entre les élèves et l'enseignant.
Dans le cas de la double approche, le chercheur observe l‘activité de l‘enseignant sous l'angle du
métier. Autrement dit, l‘enseignant est étudié en tant que professionnel dans l‘exercice d‘un
métier. L'enseignant est alors au centre de cette approche qui s‘intéresse à ce que l‘enseignant dit
et fait tant à l‘extérieur qu‘à l‘intérieur de la classe : ses prises de décisions en action, ses actions
en classe, ses justifications, etc. En ce qui concerne l‘élève, il est étudié du point de vue des
apprentissages (activité de l'élève) développés, le tout passant par l'analyse des tâches proposées
par l‘enseignant. Quant au savoir, il est organisé par l‘enseignant, à partir des diverses tâches,
dans le but de faire apprendre aux élèves. Il influence d'une certaine manière tant l'activité de
l'enseignant que celle des élèves.
Dans la notion de sensibilité, c‘est également l‘enseignant qui est l‘objet d‘étude du chercheur.
Néanmoins, il est étudié sous un autre angle, comparativement à la double approche. Ici il est
étudié à partir de la manière dont il analyse et interprète les productions écrites des élèves et à
partir de l'influence que ce regard qu'il pose sur la production des élèves a sur sa pratique en
classe. L'élève est ici considéré comme l'outil qui permet l'analyse de la pratique enseignante, car
il n‘est présent qu‘à travers ses productions écrites. En ce qui concerne le savoir, c‘est le point de
départ de l‘analyse et de l‘interprétation que fait l‘enseignant des productions écrites des élèves.
Le deuxième niveau d'analyse se veut plus imbriqué. Il permettra de porter un regard plus croisé
sur le rôle de chacun de partenaires : enseignant, élèves et savoir.
Rôle de l’enseignant
Comme nous avons pu le constater, le rôle de l‘enseignant est assez différent dans chacune des
perspectives présentées. Dans la TSD, l‘enseignant a un rôle secondaire, il n‘est pas,
normalement, l‘objet d‘étude le plus important. Il est vu comme celui qui va permettre au
chercheur d'étudier les apprentissages des élèves ou encore le fonctionnement et la mise en place
d'une situation didactique. Tandis que dans la double approche et dans la notion de sensibilité,
l‘enseignant prend une place plus centrale. Ici, ce sont les autres partenaires (élèves et savoir) qui
vont venir contribuer à une étude plus approfondie, on dirait même croisée, de la pratique de
l'enseignant.
135
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Rôle de l’élève
Dans le cas de l‘élève, on peut remarquer que son rôle ou l‘intérêt qui lui est porté est aussi
différent selon la perspective envisagée, différence tout à fait normal qui nous permet de conclure
de manière anticipée que selon où l‘on se place théoriquement, on ne peut qu‘aborder certains
aspects de l‘élève 6 . Par exemple, dans la TSD, l‘élève occupe une place centrale puisque le
chercheur s‘intéresse à dégager les connaissances des élèves et les apprentissages effectués à
partir des situations créées par le chercheur et mises en place par l'enseignant, lors du cours de
mathématiques. Tandis que, dans la double approche, l'élève est perçu comme celui pour qui
l'enseignant construit des tâches qui devront être résolues. À son tour, la manière dont l'élève
résout les tâches qui lui sont proposées influence l'activité de l'enseignant et par conséquent sa
pratique. Dans la notion de sensibilité, l'élève est vu et analysé à travers ses productions écrites.
La façon dont l'enseignant regarde celles-ci définit en quelque sorte sa pratique.
Rôle du savoir
Quant au savoir, nous remarquons qu'il est toujours présent dans l'analyse du rôle des deux autres
partenaires, enseignant et élève, et toujours, en interaction avec eux. Cette interaction étant plus
au moins explicite. Par exemple : dans le cas de la TSD, tout est construit et analysé sous l'angle
du savoir. Il joue alors un rôle primordial. Tandis que dans le cas de la notion de sensibilité, il
sert de toile de fond pour analyser la manière dont l'enseignant interprète les productions des
élèves (interprète-t-il les productions des élèves différemment selon le savoir en jeu?). Il est
important de mentionner que dans les trois perspectives présentées, les analyses faites sont
toujours imbriquées autour d'un savoir mathématique. Nous considérons cette remarque
importante, car sans ce savoir, l‘enseignant n‘a rien à enseigner et l‘élève n‘a rien à apprendre.
En guise de conclusion
Nous avons commencé ce texte en nous interrogeant sur les apports possibles de ces trois
perspectives à l'analyse du rôle de l'enseignant, de l'élève et du savoir lors de notre choix de cadre
théorique. Nous tenterons de regarder les apports qu‘offre chacune de ces perspectives selon des
focus d'intérêts différents. Il est important de mentionner avant d'aller plus loin dans ce texte, que
ce décorticage que nous faisons (arbitraire en soi) a, comme seul objectif, d‘attirer l'attention sur
l'impact des choix et des intérêts du chercheur sur le choix du cadre théorique.

6
Lorsqu‘on s'intéresse, en tant que chercheur, à l’enseignant, il est possible de s'appuyer
sur la TSD. Cette théorie nous permet, par exemple, d'analyser la manière dont
l‘enseignant gère une situation-didactique en termes de dévolution ou
d‘institutionnalisation qui ont lieu,. Par contre, si ce que nous intéresse est la pratique de
l‘enseignant sous l'angle du métier (comment planifie-t-il ses séances, comment les gèret-il en classe, comment prend-il en compte le travail des élèves?), nous appuyer sur la
double approche nous parait plus pertinent, car elle nous permet d‘analyser la pratique de
l'enseignant prenant en considération ces différents aspects de la pratique de manière plus
globale et imbriquée. La notion de sensibilité nous permet, à son tour, de connaître
comment l‘enseignant interprète les difficultés de l‘élève à partir de leurs productions et
de quelle manière cette façon de les interpréter influence sa pratique en classe.
Cet aspect est aussi valide pour les autres acteurs de la relation didactique: l‘enseignant et le savoir.
136
Carmen Paz Oval Soto et Izabella Oliveira

Quand le focus est mis principalement sur l’élève, les trois perspectives abordées dans ce
texte nous permettent de faire ressortir des éléments différents. Par exemple, si ce qui
nous intéresse, c‘est l‘apprentissage d‘un savoir précis à partir d‘une séquence
d'enseignement construite d‘après une analyse didactique, la théorie des situations
didactiques nous parait le cadre d‘analyse le plus adéquat. Tandis que si nous nous
intéressons, par exemple, à une comparaison entre apprentissages potentiels et effectifs en
fonction d‘une pratique enseignante mise en place par un enseignant, la double approche
pourrait être la plus pertinente. Par contre, la notion de sensibilité ne s'intéresse qu'à
l'enseignant et à l‘analyse qu‘il fait des productions de l'élève et que l'élève n'est ici que
l'outil qui permet cette analyse, comme nous l'avons souligné précédemment. Il nous
apparait que cette perspective ne soit pas un choix judicieux si le focus de l'intérêt du
chercheur porte sur l'élève en tant que sujet de la recherche.

Lorsque l'intérêt premier passe par le savoir mathématique en jeu et même s'il est
imbriqué de manière très étroite dans l'interaction avec les deux autres partenaires de la
situation didactique (élève et enseignant), tel que mentionné plus haut, il est tout de même
possible d‘identifier certains aspects que ressortent davantage selon la perspective d‘où
l‘on se place en tant que chercheur. Par exemple, pour faire une analyse en termes du
potentiel des tâches prescrites ou encore entre les tâches prescrites et les tâches effectives,
la double approche nous parait la perspective la plus pertinente. Tandis que, lorsqu‘on
s'appuie sur la notion de sensibilité, nous pouvons voir l'impact du savoir en jeu dans la
manière dont les enseignants interprètent les productions des élèves. Dans le cas de la
TSD, c'est à partir du savoir mathématique que les séquences d'enseignement sont bâties
et que les connaissances des élèves sont analysées.
Des exemples à partir des quelques-unes de nos questions de recherche
Jusqu‘ici, nous avons fait l'effort de décortiquer les différents rôles de l'enseignant, de l'élève et
du savoir pour montrer des apports possibles de chacune des perspectives abordées. Avec
l'objectif de rendre le choix de la perspective d'analyse plus concret, nous nous appuierons sur
nos questions de recherche en guide d'exemples.
Notre première question, Dans sa planification sur l’enseignement des problèmes de structure
additive, comment l’enseignant aborde-t-il la résolution de problèmes en classe en conciliant les
tâches prescrites et leur sensibilité à l’égard des élèves?, aborde la planification de l‘enseignant.
Pour analyser cette planification, faite a priori, nous pouvons nous appuyer sur les trois cadres
d‘analyse. Par exemple, pour analyser le choix de problèmes fait par l'enseignant, une analyse
conceptuelle du savoir nous parait un choix pertinent. Dans le cadre d'une analyse des tâches
prescrites, tant la double approche que la TSD nous paraissent pertinentes comme choix. À cette
analyse nous pouvons inclure la notion de sensibilité, si notre objectif est celui de comprendre
comment l‘enseignant considère les difficultés des élèves au moment de planifier sa séquence
d'enseignement
Notre deuxième question de recherche, Comment se caractérisent les pratiques effectives des
enseignants en classe du point de vue des gestes professionnels mis en place et de tâches
effectives associées à ces gestes?, aborde l'analyse des pratiques en classe, sous l‘angle des
pratiques effectives et gestes professionnels en mathématiques. À notre avis, parmi les
137
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
perspectives que nous avons abordées, la seule qui nous permet de répondre à cette question est
celle de la double approche.
CONCLUSION
Le travail de réflexion que nous avons mené dans ce texte a comme objectif d'expliciter des
possibles conséquences quant au choix de notre cadre d'analyse. En effet, nous pouvons noter que
selon la perspective d‘où l‘on se place en tant que chercheur, certains cadres d'analyse sont plus
porteurs que d'autres. Même si cette affirmation peut paraître évidente, le fait de la rendre
explicite nous semble important, surtout pour la formation des étudiants aux cycles supérieurs. Le
choix du cadre d'analyse est un choix judicieux et difficile à faire lors des premiers pas en
recherche et loin d'être évident. Il demande à l'étudiant une réflexion approfondie sur son sujet de
recherche.
Comme nous avons pu le noter dans la dernière section de ce texte, la relation très étroite qui
existe entre questions de recherche et cadre d'analyse fait en sorte qu'il existe une relation
d'interdépendance entre eux. Le cadre d'analyse délimite, d'une certaine manière, les questions de
recherche que nous posons et les questions que nous avons au départ guident notre choix de cadre
d'analyse. Cela dit, si nous décidons de nous appuyer sur un seul cadre d‘analyse, nous serons
amenées, en tant que chercheuses, à faire des choix quant à ce que nous pouvons étudier. Si nous
choisissons de nous appuyer sur différents cadres d‘analyse, ces derniers auront un aspect
complémentaire et ils nous permettront d‘étudier différents aspects de notre sujet qui ne seraient
pas possibles d‘aborder autrement.
En fait, il faut parfois faire le « deuil » sur ce qu‘on peut faire.
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139
Jeu de classification des quadrilatères
Elena Polotskaia
Université McGill
Ildikó Pelczer
École polytechnique, Université de Montréal
NOS MOTIVATIONS DIDACTIQUES
Plusieurs chercheurs ont remarqué que la dominance du raisonnement empirique sur le
raisonnement théorique et abstrait est une tendance actuelle dans l‘enseignement des
mathématiques, surtout à l‘école élémentaire. Citons, comme exemple, une opinion de Carson et
Rowlands (2007) à ce sujet :
Rather than teach mathematics as a formalised, academic subject, the tendency
increasingly is to teach mathematics of a pedestrian nature, providing most
learners with a curriculum that avoids abstraction and formalism, and retains
learning at the level of concrete operations. Of particular significance is a
tendency toward the elimination of formal proof (Carson & Rowlands, 2007)
Houdement et Kuzniak (1999) nous expliquent pourquoi cette tendance est-elle installée dans les
écoles en France pour l‘enseignement de la géométrie (p. 284) :
En effet, on assiste, à ce niveau, à un phénomène de double évacuation de la
géométrie:


La tendance concrète tend à réduire la géométrie à une appropriation de
connaissances spatiales basée sur la manipulation de différents matériels.
La tendance abstraite fait évoluer la géométrie, et les mathématiques en général, vers
une étude des structures (groupe, espace vectoriel, programme d'Erlangen de Klein
1872) et regroupe des secteurs ‘anciens‘ par analogies structurales; dans cette
conception, la géométrie élémentaire n'existe plus en tant que telle; elle n'est plus
qu'une partie de l'algèbre linéaire. Or l'algèbre linéaire n'est pas un objet d'étude
mathématique de l'école (ni des professeurs d'école) (Houdement et Kuzniak, 1999)
Est-il surprenant que les élèves qui arrivent au secondaire ne sont pas prêts à l‘apprentissage de la
géométrie formelle et de la notion de preuve (Usiskin, 1982; Craine et Rubenstein, 1993)?
Traditionnellement, l‘enseignement de quadrilatères commence par la reconnaissance et la
distinction des figures géométriques et l‘apprentissage des leurs noms mathématiques. Même si
les propriétés géométriques de différents quadrilatères deviennent éventuellement l‘objet d‘une
discussion avec les élèves, ce ne sont pas les propriétés qui sont décrites pour déterminer la
figure, mais au contraire, c‘est la figure déjà distinguée des autres qui possède certaines
propriétés. L‘accent est ainsi mis sur la distinction empirique plutôt que sur l‘analyse théorique
Elena Polotskaia et Ildikó Pelczer
des propriétés. Comme conséquence, les élèves pensent que « le carré n‘est pas un losange » et
« le parallélogramme n‘est pas un trapèze ».
En proposant le jeu de quadrilatères que nous présentons dans cet article, nous voulons remettre
l‘accent de l‘enseignement sur l‘analyse de propriétés plutôt que sur la distinction purement
visuelle des figures. Nous ne sommes pas les premiers à nous tourner vers cette direction
(Fischbein, 1999; Leung, 2008). Le jeu de classification met l‘enfant dans un contexte un peu
plus formel, de géométrie plane, de classification inclusive et de diagramme de Venn comme un
moyen de représentation. À notre avis, l‘enseignement de quadrilatères ne doit pas se limiter
uniquement au développement de connaissances et de savoirs-faire utiles dans la vie de tous les
jours. En travaillant profondément les propriétés géométriques et les relations entre les classes de
figures, nous pouvons contribuer à la formation de la base nécessaire pour la géométrie théorique
du secondaire.
LA CONCEPTION DU JEU
Nous allons maintenant expliquer les principes de construction du jeu. Vous pouvez trouver la
description complète des deux versions du jeu dans l‘annexe.
Le champ du jeu est un diagramme de Venn, commode pour classifier les quadrilatères selon
leurs propriétés. Nous proposons aux élèves de percevoir les lignes du diagramme comme des
frontières à traverser de l‘extérieur vers l‘intérieur du Pays de Quadrilatères. Le joueur doit placer
les quadrilatères (découpés ou dessinés sur des cartons) dans des régions appropriées du pays
(diagramme) selon les propriétés de la figure. Les différentes frontières correspondent aux
propriétés suivantes :






être quadrilatère,
être convexe,
avoir au moins deux côtés parallèles,
avoir deux paires de côtés parallèles,
avoir quatre côtés égaux,
et avoir quatre angles droits.
Pour placer la figure sur le champ du jeu (ou pour traverser une frontière), l‘élève doit d‘abord
retrouver sur la figure et démontrer aux autres joueurs les propriétés en question. Plus il trouve de
propriétés dans un quadrilatère donné, plus la figure peut être avancée vers le centre du
diagramme.
Selon les règles du jeu, l‘élève est invité donc à discuter les propriétés avant même que la figure
ne soit nommée ou classifiée. La position d‘un quadrilatère sur le diagramme peut varier durant
le jeu. Différentes figures peuvent se trouver dans une même région du champ du jeu. Ceci peut
donner aux élèves la possibilité d‘apprécier la ressemblance et la différence entre les propriétés
d‘un carré et d‘un losange, d‘un parallélogramme et d‘un trapèze. Au fur et à mesure, les élèves
peuvent découvrir des relations entre les quadrilatères de différentes classes. Toutefois, ces
relations et ces classes n‘apparaissent pas au hasard, mais plutôt intégrées dans une structure
suggérée au préalable par le diagramme étant axé principalement sur les propriétés géométriques
des figures.
141
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
NOS EXPÉRIMENTATIONS
Tout d‘abord, nous avons réalisé une petite expérimentation (15 élèves au total dans les trois
groupes) auprès des élèves du deuxième et du troisième cycle du primaire (8-11 ans). Le but de
cette expérimentation était de voir si on peut amener les élèves à discuter des propriétés
géométriques de quadrilatères à l‘aide du jeu proposé. Les activités ont été organisées après les
classes pour les élèves qui fréquentent le service de garde.
Premièrement, nous avons proposé la version 1 du jeu à un groupe des élèves de cinquième année
(1ère année du 3e cycle, 6 élèves). Les élèves se sont engagés dans cette mission avec intérêt; mais
très rapidement nous avons aperçu qu‘il leur manque de clarté sur la terminologie et les notions
connexes. Par exemple, en se référant à un parallélogramme, un élève a demandé : « côtés
parallèles et égales, n‘est-ce pas la même chose? ». Le jeu alors a été transformé en une
discussion sur les notions géométriques de base : ligne droite, droites parallèles, perpendiculaires,
côtés égaux, etc. Ensuite, nous sommes retournés au Pays des Quadrilatères pour finaliser la
partie. Nous avons remarqué que l‘enthousiasme des élèves augmente vers la fin du jeu en nous
donnant des indices qu‘une certaine connaissance émerge chez eux lors de l‘explicitation des
propriétés géométriques des figures qu‘ils manipulaient. Ils étaient capables de démontrer aux
autres les propriétés en question. À la fin du jeu, nous avons discuté des questions de
classification des quadrilatères.
Ensuite, nous avons rencontré deux autres groupes du deuxième cycle (5 et 4 élèves) pour la
version 2 du jeu. Dans ces deux groupes, les questions sur les notions associées aux propriétés de
quadrilatères ont été posées dès le début. Nous avons donc proposé aux élèves une session
d‘introduction sur le vocabulaire et le sens de chaque propriété utilisée dans le jeu avant le début
du jeu. Malgré le fait que l‘introduction soit assez courte (30 min. environ), les élèves ont été
capables de débuter la partie du jeu « armés » d‘un vocabulaire plus éclairé. Lors de la partie,
nous revenions à la clarification de chaque notion si le besoin se présentait. Au fur et à mesure,
les élèves devenaient de plus en plus à l‘aise dans le jeu. Dans la phase 2 (voir l‘annexe), certains
élèves étaient capables d‘identifier les propriétés qui n‘étaient pas identifiées lors de la phase 1 et
ainsi « améliorer » les positions de plusieurs figures. Nous avons terminé l‘activité par une
discussion sur une possibilité de donner plusieurs noms à la même figure.
Dans toutes les trois sessions, nous avons abordé les questions suivantes : si un parallélogramme
peut être nommé « trapèze », si un carré peut être nommé « losange », etc. Il nous semble qu‘à la
fin de l‘activité, les élèves étaient plus ouverts à ces idées qui n‘étaient pas évidentes pour eux au
début.
DISCUSSION ET CONCLUSIONS
La question de relation entre le savoir empirique et le savoir théorique en géométrie au primaire
est très difficile. D‘une part, la géométrie est un domaine très visuel. Il est possible de construire
un savoir géométrique pratique « au besoin de tous les jours » sans être nécessairement entré dans
l‘espace théorique et abstrait. Par exemple, les Égyptiens savaient construire un angle droit à
l‘aide du triangle à proportion 3 : 4 : 5 bien avant que Pythagore ne prouve son théorème
(Arnold, 2005).
142
Elena Polotskaia et Ildikó Pelczer
D‘autre part, on ne peut pas s‘imaginer aujourd‘hui un citoyen éduqué qui n‘est pas capable de
s‘engager dans un raisonnement déductif ou développer une preuve formelle. La géométrie
euclidienne est une excellente occasion pour s‘initier à ce domaine. Malheureusement, après six
ans d‘observations et de manipulations au primaire, l‘initiation au raisonnement théorique au
secondaire se réalise difficilement pour plusieurs élèves.
Par où et comment commencer le développement du raisonnement théorique de l‘élève? On est
d‘accord avec van Hiele (1999) que
… development is more dependent on instruction than on age or biological
maturation and that types of instructional experiences can foster, or impede,
development (van Hiele, 1999, p. 311)
Quelles instructions peuvent-elles promouvoir le raisonnement théorique en géométrie au
primaire? Van Hiele distingue trois niveaux de raisonnement sur les figures géométriques :
l‘appréciation visuelle globale des figures, l‘appréciation des propriétés géométriques des figures,
et l‘appréciation des relations entre les propriétés des figures (van Hiele, 1999).
À l‘école primaire, les élèves commencent à manipuler avec les figures dès la première année.
Arrivés en cinquième année, ils commencent à classifier les quadrilatères. On classifie les
quadrilatères selon leurs propriétés géométriques. Or, les propriétés géométriques se définissent
en utilisant les concepts de base, par exemple, droite, point, angle, segment, parallèles, égales,
perpendiculaire. Dans notre expérimentation (cinquième année), nous avons constaté que ces
notions de base ne sont pas bien maitrisées par les élèves. Nous avons plutôt observé une
perception globale et souvent naïve. Donc, les élèves ne maîtrisent pas les outils cognitifs
nécessaires pour comprendre la classifiassion des quadrilatères établie dans notre culture
mathématique. Toutefois, nous avons constaté que les élèves aussi jeunes qu‘âgés de 8-9 ans (2e
cycle; troisième et quatrième année) étaient capables d‘entrer assez rapidement dans un monde
géométrique un peu plus formel, et par le biais d‘un jeu discuter de propriétés des quadrilatères
dans le cadre de la classification inclusive de ces derniers.
Oui, dans l‘histoire de l‘école nord-américaine ainsi qu‘européenne, nous avons connu une
déception suite à une introduction précoce du formalisme mathématique (van Hiele, 1999). Il
nous semble qu‘aujourd‘hui la balance s‘est penchée vers le côté de manipulation et d‘utilisation
pratique. Doit-on tenter de se diriger vers le milieu d‘or? Et où est-il?
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no. SE 038 813.
144
Elena Polotskaia et Ildikó Pelczer
Annexe
Jeu de quadrilatères, version 1
Vous voyez devant vous le Pays des Quadrilatères. Il ressemble un peu à une forteresse entourée
de plusieurs murs. Chaque mur est protégé par des gardiens de façon que seulement celui qui a
des droits spéciaux peut entrer; mais celui qui est déjà à l‘intérieur peut y sortir librement. La
personne peut entrer et sortir par les portes seulement. Pour les portes de différents murs, les
droits d‘entrée sont différents. Habituellement chaque habitant du Pays des Quadrilatères a un
seul papier lui donnant le droit de traverser certains murs.
Vous êtes un étranger en mission spéciale. Votre gouvernement vous a délégué pour rencontrer le
roi du Pays des Quadrilatères pour lui proposer la paix. En arrivant à chaque porte pour traverser
le mur, vous devez présenter un papier vous donnant le droit d‘entrée. Car vous êtes un étranger,
le gardien du mur va vous laisser passer, mais il est obligé de confisquer votre papier. L‘agence
d‘affaires secrètes de votre pays vous a fourni plusieurs papiers qui vous aideront à traverser les
différentes portes pour arriver au centre du pays où le roi habite. On vous suggère néanmoins de
vous débarrasser de tous les « faux » papiers le plus vite possible. Le papier est considéré faux
s‘il ne donne pas le droit de traverser tous les murs à l‘intérieur desquels le visiteur se trouve
actuellement. Si vous présentez un papier faux au gardien de la porte, le papier va être confisqué
et vous allez perdre un tour dans le jeu. En plus, les gardes du roi vérifient tous les papiers du
visiteur. La loi exige que la personne ayant sur lui des papiers faux ne puisse pas être admise à la
cour du roi et doit être emprisonnée immédiatement.
On peut y avoir jusqu‘à quatre missionnaires de pays différents. Celui qui arrive le premier à la
cour du roi va signer l‘accord et procurer la paix à son pays.
145
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Pour commencer le jeu, il faut traverser la première porte. Ensuite, lancez le dé et avancez le long
du prochain mur dans n‘importe quelle direction selon la valeur indiquée sur le dé. Une fois
devant la porte, traversez-la en respectant les règles.
Bonne mission!
Jeu de quadrilatères, version 2
Vous voyez devant vous la cible de tir à l‘arc géométrique. La cible est divisée en quelques
régions par des lignes colorées. Chaque ligne exige une propriété spécifique de la figure
géométrique. Vous devez essayer d‘atteindre la cible dans des régions différentes avec les flèches
magiques. Chaque flèche a un plumage en forme d‘une figure géométrique. Chaque flèche peut
atteindre les régions où son plumage est reconnu comme valide. Ça veut dire que la figure
géométrique en question possède les propriétés demandées par chaque ligne qui entoure la
flèche.
Prenez une flèche de la pile ou d‘un sac noir par hasard. Vous avez 5 secondes pour choisir la
région à atteindre. Déposez la flèche dans la région choisie. Tous les joueurs vérifient la validité
de votre tire. Si la tire est valide, la flèche reste dans la région et vous pouvez prendre de « la
caisse » le nombre de jetons indiqué dans la région + 10 jetons. Si la tire n‘est pas valide,
retournez la flèche dans le sac et déposez à la caisse le nombre de jetons indiqué dans la région +
10 jetons. Si vous n‘avez pas de jetons, vous n‘avez rien à perdre.
Phase 1 : On joue à tour de rôles jusqu‘au l‘épuisement de la pile des flèches. On observe à
quelle région les figures sont-elles arrivées. Quelles sont les propriétés de ses figures? Pourquoi
certaines « losanges » sont dans la même région que les « parallélogrammes »?
146
Elena Polotskaia et Ildikó Pelczer
Phase 2 : À tour de rôles, chaque joueur a le droit « d‘améliorer » la position d‘une figure, en la
plaçant, si possible, vers le centre de la cible. Si le joueur « améliore » la position d‘une flèche, il
peut prendre de la caisse le nombre de jetons indiqué dans la nouvelle région + 20 jetons. S‘il fait
une erreur, il doit déposer à la caisse le nombre de jetons indiqué dans l‘ancienne région + 10
jetons. Le joueur a le droit de ne rien améliorer. Le jeu s‘arrête quand personne ne peut rien
améliorer.
Celui qui a le plus de jetons gagne.
147
Pour une différenciation de la dyscalculie et
des difficultés d’apprentissage en mathématiques
Jacinthe Giroux
Université du Québec à Montréal
RÉSUMÉ. Prenant acte de la confusion dans les appellations relatives aux difficultés en
mathématiques en milieu scolaire, le texte rappelle certaines définitions et fait le point sur la
dyscalculie. Il présente ensuite les thèses, en différenciant leur posture épistémologique, des
sciences cognitives et de la psychologie développementale sur la dyscalculie ainsi que celles de la
didactique des mathématiques sur les difficultés d'apprentissage. Des propositions didactiques
relatives à l‘évaluation et l‘intervention mathématiques auprès des élèves en difficulté sont enfin
présentées.
INTRODUCTION
En éducation, il est relativement courant d‘emprunter à d‘autres disciplines, particulièrement la
psychologie, certains concepts pour éclairer la réalité que l‘on veut étudier ou sur laquelle on veut
intervenir. Mais l‘emprunt se fait souvent en extrayant les concepts des théories qui leur donnent
sens. Le risque est alors grand de les banaliser, de les traiter avec superficialité (Schoenfeld,
2009) ou, de procéder à de l‘«applicationnisme». Étudiant les rapports entre psychologie et
didactique, la position applicationniste décrit par Brun, «considère l‘enseignement comme un
terrain modelable au bon gré des avancées des sciences de l‘enfant, qui deviennent alors
normatives pour l‘enseignement» (1994, p.69) en procédant à une substitution d‘objets
d‘enseignement qui exclut les contenus disciplinaires. L‘expansion des sciences cognitives et
plus récemment de la neuropsychologie fournit un répertoire de savoirs et de concepts dans
lequel puisent certains courants des sciences de l‘éducation mais aussi de la didactique 1 .
L‘applicationnisme tel que décrit par Brun, à propos de la psychologie développementale, peut
dès lors s‘étendre bien au-delà des frontières des sciences de l‘enfant. Pour se préserver de tels
glissements, il est incontournable de se saisir des finalités poursuivies par les théories d‘origine
des concepts empruntés. Étant donné que la notion de dyscalculie a été développée dans le cadre
de la neuropsychologie et qu‘elle est par ailleurs de plus en plus utilisée dans le milieu scolaire,
ce texte resitue, bien que brièvement, dans les théories qui lui ont donné sens, la notion de
dyscalculie. Il éclaire également la notion de «difficultés d‘apprentissage en mathématiques», à
laquelle la dyscalculie est liée par son usage en milieu scolaire, à partir des thèses didactiques qui
en font l‘étude. La première section du texte fait d‘abord le point sur différentes appellations
utilisées pour circonscrire la réalité des difficultés scolaires en mathématiques.
1
Comme en témoigne l‘émergence de courants en éducation tels la neuroéducation ou la neurodidactique.
Jacinthe Giroux
DIFFICULTÉS D’APPRENTISSAGE, TROUBLES SPÉCIFIQUES D’APPRENTISSAGE
ET DYS…
Plusieurs appellations sont utilisées, et parfois confondues lorsqu‘il est question des difficultés
scolaires en mathématiques. Certaines appellations n‘ont que peu de valeur scientifique alors que
d‘autres réfèrent clairement à des objets d‘étude scientifique. Dans cette section, les définitions et
les critères des expressions les plus courantes – difficultés d’apprentissage, troubles spécifiques
d’apprentissage et dyscalculie – sont rappelés et discutés. De plus, quelques pistes
d‘interprétation concernant ce qui motive l‘usage de ces expressions par les intervenants du
milieu scolaire sont esquissées.
Les difficultés d’apprentissage
L‘expression «difficulté d‘apprentissage en mathématiques» a pénétré profondément la culture
scolaire depuis la fin des années ‘70 et ce, bien qu‘aucune de ces définitions ne puisse prétendre
répondre aux critères de scientificité. Brunet (2000) a effectué une recension des définitions de la
notion Difficultés d’apprentissage et conclut à l‘absence d‘un consensus autant sur la définition
que sur la nature des difficultés ou encore sur les instruments d‘évaluation ou de rééducation. La
notion de Difficultés d’apprentissage ne renvoie pas à ce qu‘est une difficulté d‘apprentissage, ni
même à ses déclinaisons ou ses spécificités selon les contenus ou les situations dans lesquelles
elles se manifestent ou sont observées. Identifier un élève en difficulté d’apprentissage ou encore
un élève à risque 2 selon les nouvelles orientations ministérielles, c‘est constater un écart de
performance entre celle attendue et celle produite par l‘élève étant donné son âge. C‘est
reconnaître, autrement dit, une difficulté scolaire qui justifie administrativement la mise en place
d‘un plan d‘intervention.
Les troubles spécifiques d’apprentissage
La notion de troubles spécifiques d‘apprentissage réfère quant à elle, à des difficultés scolaires
qui ne relèveraient ni de facteurs socioculturels, ni d‘un retard de développement, ni d‘un
handicap sensoriel ou encore d‘une pédagogie inappropriée. La dyscalculie fait partie de la liste
des troubles spécifiques d‘apprentissage tels que recensés par le DSM-IV ou encore le CMI-103.
Le trouble spécifique d‘apprentissage est associé à une dysfonction cognitive. Faire l‘étude de ces
troubles revient donc à s‘intéresser aux mécanismes neurobiologiques d‘apprentissage. Les
principaux critères pour identifier un trouble spécifique d‘apprentissage, que ce soit de lecture,
d‘écriture (dyslexie, dysorthographie) ou de calcul (dyscalculie) sont les suivants :
« 1) les critères de discordance entre les difficultés à des épreuves liées au trouble en question et
les bonnes performances à d‘autres épreuves cognitives (il s‘agit souvent du QI);
2) les critères d‘exclusion : les troubles ne doivent pas avoir comme cause primaire ni un retard
global, ni un handicap sensoriel, ni un environnement défavorable (pédagogie inadaptée, niveau
socioculturel insuffisant, diversité linguistique), ni troubles mentaux avérés;
2
Avant 2000-2001, cette appellation correspondait aux difficultés légères ou graves d‘apprentissage ainsi qu‘aux
troubles du comportement, de la déficience intellectuelle légère et de la déficience intellectuelle légère et TCC.
Maintenant les élèves à risque sont une catégorie d‘élève EDAA sans code.
3
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le DSM-IV (American Psychiatric Association,
2004) et Classification internationale des maladies, la CIM-10 (OMS, 1994), et dans le
149
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
3) le trouble est dû à des facteurs intrinsèques à l‘enfant (ce point dérive directement des deux
précédents et met l‘accent sur l‘origine neurobiologique des troubles). » (INSERM, 2007,
p. 160).
Ces critères ne font pas consensus au sein de la communauté et les définitions sont en constante
transformation. Certaines propositions de modification visent, par exemple, à introduire l‘origine
héréditaire voire génétique de certains troubles (INSERM, 2007). D‘autres transformations sont
souhaitées afin que l‘appellation «trouble d‘apprentissage» soit attribuée lorsqu‘une intervention
spécialisée ne donne pas les résultats escomptés (Vaughn et Fuchs, 2003). Cette résistance à
l‘intervention spécialisée serait le critère par lequel se distinguerait essentiellement la difficulté
du trouble d‘apprentissage.
La dyscalculie
La dyscalculie est le trouble spécifique d‘apprentissage du calcul. Il est clair qu‘aucune définition
de la dyscalculie ne fait l‘unanimité des chercheurs. Cependant, la définition la plus courante est
celle du trouble dans l‘apprentissage du calcul non lié à des déficiences intellectuelles qui a son
origine dans un désordre cérébral (Fischer, 2009). Les critères du DSM-IV servant au diagnostic
sont les suivants :
Critère A : Aptitudes en mathématiques, évaluées par des tests sont nettement en dessous du
niveau escompté compte tenu de l‘âge chronologique du sujet, de son niveau intellectuel (mesure
par des tests) et d‘un enseignement approprié à son âge
Critère B : La perturbation, décrite dans le critère A, interfère de façon significative avec la
réussite scolaire ou les activités de la vie courante faisant appel aux mathématiques;
Critère C : S‘il existe un déficit sensoriel, les difficultés en mathématiques dépassent celles
habituellement associées à celui-ci. (APA, 2004 voir Vannetzel, Eynard et Meljac, 2009).
Alors que le trouble spécifique de la dyscalculie est fondé sur l‘hypothèse d‘un
dysfonctionnement neurologique, la dyscalculie ne peut être diagnostiquée par des marqueurs
biologiques mais seulement par des critères comportementaux. De plus, le respect des critères
pose d‘importants problèmes. Par exemple, de quelles informations et surtout de quel cadre
théorique dispose-t-on pour déterminer la qualité de l‘enseignement reçu par l‘élève évalué ?
Fischer (2009), quant à lui, attire l‘attention sur le cercle vicieux entre la définition et les critères
diagnostiques qui oblige à exercer une vigilance non seulement sur la définition de la dyscalculie
mais également sur la nature même du trouble.
L‘identification de la prévalence est très difficile à établir du fait de l‘absence d‘une définition et
de critères clairs et consensuels. Ainsi, plusieurs chercheurs se sont confectionnés eux-mêmes des
définitions de la dyscalculie (Van Hout, 2001). De plus, les critères d‘exclusion et d‘inclusion
varient selon le nombre de sujets impliqués dans les études. Cependant, selon l‘INSERM (2007),
les résultats des principales études de prévalence révèlent des taux qui varient de 2,3 à 7 %.
L‘écart entre ces taux est si important qu‘on se demande même sur quoi porte la prévalence
établie par les différentes études. Portent-elles sur un même objet ? Et quelle est la nature de cet
«objet» ?
150
Jacinthe Giroux
Les recherches traitant des manifestations de la dyscalculie adoptent un point de vue cognitif à
partir duquel sont recueillies et analysées les données. Ce point de vue sous-tend des postulats sur
le fonctionnement cérébral et fait appel, pour l‘interprétation des données, à des modèles
cognitifs sur le traitement numérique 4 qui sont encore en débats (INSERM, 2007). C‘est dans ce
contexte qu‘est identifiée comme principale manifestation de la dyscalculie, la récupération des
faits arithmétiques dont la cause relèverait d‘un déficit mémoriel. On a repéré, également chez
ces élèves, un retard de développement dans les procédures de résolution d‘additions simples.
Ainsi, les procédures de comptage se développeraient plus tardivement chez les élèves
dyscalculiques. On a relevé également une certaine lenteur d‘exécution dans l‘application de ces
procédures. Ces manifestations sont très liées entre elles. En effet, si les élèves peinent à
apprendre leurs faits additifs, ils se rabattent nécessairement sur des stratégies élémentaires.
Cependant, les conduites «dyscalculiques» ne sont pas de nature différente de celles des élèves
tout venant mais seraient plus lentes à se développer et à devenir efficaces.
Les causes de la dyscalculie ne sont pas encore bien connues. Certains auteurs évoquent un
déficit mémoriel, d‘autres, un déficit des fonctions visuo-spatiales comme dans le cas de la
dyslexie. Certains suspectent des origines développementales entraînant l‘immaturité de la
fonction inhibitrice du cerveau. D‘autres encore pointent un trouble du développement du schéma
corporel et de la latéralisation (INSERM, 2007; Fisher, 2009; Van Hout et Meljac, 2001). Les
causes n‘étant pas connues, les études sur les programmes d‘intervention sont très rares et la
plupart d‘entre elles ne présentent pas d‘activités numériques différentes de celles proposées dans
l‘enseignement usuel ou, autrement dit, d‘activités qui cibleraient des processus dysfonctionnels
chez les élèves dyscalculiques (INSERM, 2007).
En conclusion de cette partie, le qualificatif «dyscalculique» semble avoir un effet attractif en
milieu scolaire bien que son usage, s‘il n‘est appuyé par une évaluation neuropsychologique
sérieuse, semble se substituer à celui «d‘élèves en difficultés graves d‘apprentissage». Cette
substitution s‘explique sans doute en grande partie par le développement relativement récent de
différents types de diagnostics des troubles d‘apprentissage dans le domaine de la lecture et de
l‘écriture : dyslexie, dysorthographie, dysgraphie, etc. Il semble qu‘on en vienne implicitement à
penser qu‘à chaque difficulté doit nécessairement correspondre un dysfonctionnement cognitif
pour lequel existent à la fois un diagnostic assuré et un traitement conséquent. La résurgence,
depuis quelques années, du diagnostic de la «dyslexie» ainsi que la multiplication des diagnostics
de type «dys» a sans doute favorisé l‘emploi du terme «dyscalculique» et du coup, la réification
de la dyscalculie 5 . Le diagnostic de la dyscalculie est cependant lourd de conséquence
considérant qu‘il renvoie à un dysfonctionnement des fonctions cognitives dont l‘origine serait
héréditaire. De plus, il faut bien reconnaître qu‘actuellement, aucune intervention spécifique qui
permettrait une rééducation de ce trouble n‘est connue.
4
La section suivante précise les postulats des modèles cognitifs sur la dyscalculie
Beaucoup de définitions de la dyscalculie ont été élaborées par les chercheurs en s‘inspirant de la définition de la
dyslexie. Cependant, contrairement à la dyslexie, le caractère spécifique des difficultés de calcul paraît très rare (Van
Hout, 2001).
5
151
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
DISCIPLINES QUI ÉTUDIENT LES « DIFFICULTÉS » ET LES
D’APPRENTISSAGE EN MATHÉMATIQUES
TROUBLES
Les disciplines qui contribuent à l‘étude soit de la dyscalculie, soit des difficultés d‘apprentissage
portent des regards différents sur le phénomène de la difficulté ou du trouble en mathématique,
depuis la finalité qu‘elles poursuivent ou, autrement dit, depuis leur posture épistémologique. Le
schéma 1 présente les principales disciplines qui ont, entre autres, comme objet d‘études les
difficultés d‘apprentissage en mathématiques. La flèche est à l‘image d‘un spectre sur lequel sont
distribuées les disciplines selon la finalité qu‘elles poursuivent. Le déplacement vers la gauche
symbolise un intérêt croissant pour l‘étude du fonctionnement cognitif et donc une centration sur
les caractéristiques des individus. C‘est le traitement symbolique qui est ici étudié, davantage que
le contenu. Le déplacement vers la droite symbolise un intérêt croissant pour l‘étude du
fonctionnement du savoir en situation d‘enseignement ou d‘apprentissage et donc une centration
sur les phénomènes interactifs nécessaires à la transmission et à l‘acquisition de savoirs. C‘est le
contenu de la connaissance qui fait l‘enjeu des interactions.
SCIENCES COGNITIVES
NEUROPSYCHOLOGIE
PSYCHOLOGIE
COGNITIVE
Étude du siège cérébral Étude des
des fonctions mentales
processus
cognitifs /
formation de
connaissances
PSYCHOLOGIE
DÉVELOPPEMENTALE
Étude du
développement
cognitif de l’enfant
DIDACTIQUE DES
MATHÉMATIQUES
Études des conditions
d’enseignement et
d’apprentissage des
mathématiques
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Fonctionnement cognitif
Traitement symbolique
Caractéristiques individuelles
Fonctionnement du savoir
Contenu de la connaissance
Interactions sujet/savoir/milieu
SCHÉMA 1 : Organisation des disciplines qui étudient les difficultés en mathématiques selon les
finalités poursuivies
Chaque discipline, ou sous discipline, vise à développer des modèles théoriques explicatifs de
certains pans de la réalité. Depuis leur position épistémologique, elles construisent des
hypothèses sur la base des connaissances dont elles disposent, des méthodes pour découper la
réalité qu‘elles se proposent d‘étudier et des cadres interprétatifs pour les données recueillies. Les
difficultés arithmétiques sont un objet d‘étude pour la neuropsychologie, elles le sont aussi pour
la psychologie développementale mais d‘une toute autre manière. Les difficultés d‘apprentissage
en mathématiques intéressent également quelques didacticiens des mathématiques. Leur
perspective les conduit cependant à traiter ces difficultés, en prenant en compte la particularité du
savoir en jeu et le fonctionnement du système didactique.
152
Jacinthe Giroux
La thèse explicative de la neuropsychologie cognitive et des sciences cognitives
La notion de dyscalculie découle des sciences cognitives et plus particulièrement de la
neuropsychologie et de la psychologie cognitive. Plusieurs chercheurs qui publient sur les
difficultés en mathématiques (entre autres, des américains) s‘inscrivent davantage dans le courant
de la psychologie cognitive que celui de la neuropsychologie du fait qu‘ils étudient les erreurs et
les difficultés du point de vue des processus cognitifs sans investir directement, toutefois, la
recherche d‘un substrat neuronal. La neuropsychologie cognitive est issue de la neurologie et de
la psychologie cognitive. Elle fait partie de la famille des neurosciences cognitives qui étudient
les relations entre les systèmes nerveux et la cognition afin d‘élaborer des modèles généraux sur
le fonctionnement cognitif. C‘est donc une approche à caractère fortement biologique. La
neuropsychologie vise à localiser le siège cérébral des fonctions mentales supérieures (attention,
mémoire, etc.) et à comprendre les mécanismes qui en assurent le contrôle (Parent, 2009). Selon
Seron (1997), l‘approche cognitive met l‘accent sur la signification d‘un trouble pour la
compréhension des traitements qui sous-tendent les conduites normales. Ainsi, les troubles du
calcul sont étudiés pour proposer des modèles généraux de traitement des nombres. Les
difficultés d‘apprentissage sont, dans cette perspective, considérées comme des
dysfonctionnements sur le plan neurologique et relèveraient de facteurs héréditaires voire innés.
Les nouvelles technologies, en particulier l‘imagerie fonctionnelle, sont fort utiles pour formuler
des hypothèses neuroanatomiques (l‘identification d‘un substrat neuronal) sur le traitement des
nombres.
Le postulat à partir duquel travaillent les sciences cognitives se rapporte au fonctionnement
modulaire du cerveau (Fodor, 1986). Ce postulat est largement dominant depuis une vingtaine
d‘années. L‘esprit ne fonctionnerait pas comme un tout unifié mais selon des modules
spécialisés. Chaque module serait spécifique à une opération précise, aurait un fonctionnement
autonome, rapide et conscient, et aurait une localisation neuronale précise. Les relations entre les
informations traitées par les différents modules seraient assurées par un système central. Trois
modèles cognitifs ont été proposés au cours des 25 dernières années pour rendre compte du
traitement cognitif des nombres et du calcul. L‘architecture générale du traitement des nombres et
du calcul, proposée par McCloskey et al. (1985), comporte plusieurs modules qui fonctionnent de
manière indépendante. Ces modules correspondent à des systèmes de compréhension, de
production, de calcul et de représentation sémantique. Le modèle de transcodage de Deloche et
Séron (1987) a beaucoup servi à l‘analyse d‘erreurs en lecture et écriture des nombres. Il est régi
par un lexique de nombres (unités, particuliers et dizaines) et une syntaxe pour la structuration de
ce lexique dans la lecture ou l‘écriture. Le modèle du triple code de Dehaene et Cohen (1995) fait
souvent référence dans le monde francophone. C‘est un modèle fonctionnel structuré autour de
trois modules qui correspondent à des substrats neuronaux différents. À chaque module, relié
entre eux par un système de traduction, est associé des opérations spécifiques. Les modules sont
autant de représentations différentes : a) la représentation visuelle à laquelle sont associés les
calculs mentaux et les jugements de parité; b) la représentation auditive verbale à laquelle sont
associés le comptage, l‘addition simple et les «tables» de multiplication (et l‘opération de
multiplication); c) la représentation analogique à laquelle sont associés le calcul approximatif, la
comparaison numérique, l‘addition de grandes quantités, la soustraction ainsi que certaines
opérations nécessaires à la division (Lemer, 2003). Selon les travaux de l‘équipe de Dehaene, la
dyscalculie s‘expliquerait par une anomalie dans le sillon intra-pariétal, région réputée essentielle
pour les traitements numériques. Des voix s‘élèvent contre les tenants d‘une dyscalculie d‘origine
153
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
génétique (Fisher, 2009). La perspective neuroconstructiviste de Karmiloff-Smith (2009) propose
que la position innéiste soit remplacée par une approche dynamique dans laquelle les gènes, le
cerveau, la cognition et l‘environnement sont en interaction. Selon cette perspective, il faut
envisager des modules qui se spécialiseraient par les interactions avec l‘environnement et par les
occasions qu‘il nous est donné d‘apprendre.
La thèse explicative de la psychologie développementale
La psychologie développementale étudie, quant à elle, plus spécifiquement les processus
d'apprentissage ou encore l'influence du milieu social et éducatif sur le développement de
l‘individu. Elle accorde donc une place plus importante que les théories cognitivistes précédentes,
à la dimension conceptuelle impliquée dans le fonctionnement de l‘intelligence. D‘inspiration
piagétienne, la psychologie développementale s‘appuie sur le postulat de la nécessité du
processus d‘abstraction réfléchissante dans l‘acquisition de concepts mathématiques 6.
Les chercheurs en ce domaine, intéressés par l‘apprentissage mathématique 7 ont développé une
position très critique de l‘approche cognitiviste des troubles du calcul en se fondant sur une série
d‘arguments théoriques et méthodologiques. Sur le plan théorique, la critique la plus vive porte
sans aucun doute sur l‘approche modulaire pour l‘étude du fonctionnement cognitif qui, selon les
psychologues, morcelle les systèmes organisateurs de notre pensée. Cette citation de DuquesneBelfais et Meljac (2001) tirée d‘un texte intitulé Les concepts sont-ils démodés ? illustre
clairement cette position critique: ««De quoi parlons-nous précisément ? En vrac, de mémoire,
base de données, traitement des informations, format, représentation, sémantique, contrôle
exécutif, calepin visuo-spatial (p. 263)». Selon les psychologues développementaux, c‘est le
processus d‘abstraction réfléchissante qui est insuffisant chez les élèves en difficultés
numériques, que ces difficultés soient spécifiques (comme l‘est la dyscalculie) ou non (Fisher,
2009). Ils réfutent donc l‘hypothèse d‘une origine neurologique voire héréditaire ou innée des
troubles du calcul.
Sur le plan méthodologique, les études menées en psychologie développementale remettent en
question les pourcentages de prévalence établie par les études en sciences cognitives. Ainsi,
l‘étude menée par Meljac (2009) sur la population d‘enfants consultant un centre de référence
pour troubles d‘apprentissage établit à 1% le taux d‘enfants correspondant aux critères
diagnostiques de la dyscalculie et ce, en recourant à trois méthodes d‘identification différentes.
Fisher (2009) en arrive au même pourcentage dans une analyse critique de 14 études portant sur
la dyscalculie. Il résume ainsi la position des psychologues sur l‘existence même d‘un trouble
dyscalculique.
«Si une origine directement génétique d‘un trouble aussi spécifique que la dyscalculie pure paraît
difficile à concevoir, en revanche le calcul ou les mathématiques possèdent des spécificités
qu‘aucune autre discipline, fut-elle scientifique ne possède. Il en résulte l‘hypothèse que les
spécificités du calcul, ou des mathématiques plus généralement, peuvent engendrer des difficultés
spécifiques.» (Fischer, 2009, p.128)
6
L'abstraction réfléchissante comporte deux aspects inséparables: un réfléchissement, c'est-à-dire la projection sur un
palier supérieur de ce qui est tiré du palier inférieur (par exemple de l'action à la représentation), et d'autre part une
réflexion en tant qu'acte mental de reconstruction et réorganisation sur le palier supérieur de ce qui est ainsi transféré
de l'inférieur. (Piaget, 1977).
7
Fisher et Meljac en sont les représentants les plus connus.
154
Jacinthe Giroux
Cette dernière hypothèse pourrait être formulée par les didacticiens des mathématiques qui
placent au cœur des études didactiques, les caractéristiques du savoir à enseigner. Les théories de
la didactique des mathématiques ne sont pas compatibles avec une approche centrée sur l‘étude
du fonctionnement (ou dysfonctionnement) cognitif de l‘enfant puisque les approches qui y sont
développées visent l‘étude du fonctionnement du système didactique auquel participe l‘élève.
La thèse de la didactique des mathématiques
La didactique des mathématiques étudie les conditions d‘enseignement et d‘apprentissage des
mathématiques. Elle prend donc en compte la spécificité du savoir, c‘est à dire, l‘épistémologie
du savoir dans l‘étude de ces conditions. Les difficultés d‘apprentissage ne sont pas considérées
sous l‘angle strict de dysfonctionnements propres à l‘élève mais plutôt du système didactique par
l‘étude, en particulier, des relations entre la production de l‘élève, la situation d‘enseignement et
la spécificité du savoir (obstacles qui y sont liées, erreurs récurrentes qui y sont rattachées etc.).
L‘observation et l‘analyse de systèmes didactiques en adaptation scolaire ont conduit à
l‘identification d‘un certain nombre de phénomènes didactiques qui seraient spécifiques à
l‘enseignement auprès d‘élèves déclarés en difficulté. Ces phénomènes circonscrivent ce qui,
dans le fonctionnement de l‘enseignement, marque et altère non seulement l‘avancée du savoir
mais également la manière dont se négocie, à travers les échanges entre l‘enseignant et ses élèves,
cette avancée. Un des phénomènes marquants est celui du surinvestissement de certains savoirs
emblématiques de l‘école primaire tels la numération et les algorithmes de calcul (Cherel, 2005).
L‘algorithmisation ou encore le morcellement des savoirs sont des phénomènes parents qui ont
aussi été repérés (Cherel, 2005; Giroux et De Cotret, 2001). Quelques études ont également
relevé que l‘enseignement dans les classes de l‘adaptation scolaire surinvestit le traitement des
erreurs produites par les élèves. Les échanges très serrés sur les erreurs, pour que l‘élève
l‘explique, rende compte des raisons qui les justifient et les corrigent, semblent produire un effet
d‘évanouissement du sens en jeu (Favre, 2003 ; Giroux, 2001 ; Giroux et De Cotret, 2004). Ces
phénomènes témoignent de la manière dont les contenus d‘enseignement sont affectés,
transformés par des intentions d‘adapter l‘enseignement aux caractéristiques des élèves en
difficulté. À ces phénomènes, nous pouvons ajouter les résultats récents de Roiné (2009) sur la
cécité didactique. L‘idéologie psychologisante qui serait institutionnellement imposée aux
enseignants les rendrait aveugles aux propriétés didactiques de l‘enseignement pouvant être à
l‘origine des erreurs des élèves. L‘idéologie psychologisante, ou mentaliste, entretiendrait ainsi
une conception déculturalisée de l‘enseignement et de l‘apprentissage. Le travail de Roiné
rappelle le caractère culturel et social autant des pratiques mathématiques que de l‘enseignement
et de l‘apprentissage.
Nous avons proposé deux hypothèses de travail pour la didactique des mathématiques sur la
problématique des difficultés d‘apprentissage. La première est à l‘effet que, principalement
centrée sur les caractéristiques des élèves, la fonction du savoir est actuellement négligée dans les
approches cognitives ou psychologiques. La seconde est à l‘effet que les caractéristiques
exprimées en termes de déficit du côté de l‘élève et en termes d‘habiletés professionnelles du côté
de l‘enseignant sont surdimensionnées dans l‘analyse des rapports enseignement/apprentissage
(Giroux, 2007). Il nous semble en effet que la didactique doit éviter que la perspective
«mentaliste» de l‘enseignement à l‘égard des élèves se déplace pour interpréter les pratiques des
enseignants. Dans la foulée de ces hypothèses, nous énonçons trois principes didactiques à partir
desquels sont développées des balises pour une intervention mathématique auprès d‘élèves pour
155
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
lesquels les pratiques d‘enseignement usuelles ne fonctionnent guère (Giroux et Ste-Marie,
2007). Nos propositions s‘inspirent, en partie, de la théorie des situations didactiques, en
particulier des concepts de situation didactique et de dévolution Brousseau (1998).
Un premier principe s‘appuie sur la distinction connaissance/savoir de Conne (1992) selon
laquelle le savoir est une connaissance utile. Les difficultés récurrentes et les échecs en
mathématiques de certains élèves ne relèvent pas uniquement d‘un «manque» ou d‘une carence
en termes de connaissances mais aussi et surtout, des relations inopérantes entre ces
connaissances et les situations mathématiques pour lesquelles ces connaissances sont utiles. Les
difficultés sont donc liées à la reconnaissance de l‘utilité des connaissances et sans cette
reconnaissance, les élèves ne peuvent «savoir». Dans cette perspective, le premier principe
énonce la nécessité d‘élargir le caractère d‘utilité des connaissances. Les balises d‘intervention
développées sur ce principe sont : 1) la nécessité de développer des situations dont la solution
engage le savoir mathématique visé par l‘enseignement; 2) la nécessité de varier les situations
mathématiques et leurs supports (calculette, jeux, environnement informatique, papier); 3) la
nécessité de favoriser le repère de régularités mathématiques qui lui-même favorise la
transformation de connaissances en savoirs. Les élèves en difficulté nous ont semblé
particulièrement sensibles aux régularités mathématiques du fait qu‘une fois abstraites, elles leur
permettent d‘anticiper les transformations mathématiques des situations et donc de les contrôler.
Un second principe est le maintien d‘un enjeu mathématique pour soutenir l‘engagement
mathématique et cognitif des élèves. Dans la foulée de ce principe, les balises d‘interventions
suivantes nous paraissent essentielles: 1) le savoir comme enjeu d‘enseignement ne doit pas être
écrasé par la lourdeur du matériel ou du contexte ; 2) les élèves doivent bénéficier d‘une
rétroaction rapide sur la justesse des connaissances qu‘ils ont engagées; 3) les situations
didactiques doivent miser sur la confrontation entre anticipation et vérification. Un dernier
principe porte sur l‘évaluation et rappelle qu‘évaluer c‘est interpréter. Ainsi, l‘évaluation devrait :
1) privilégier une analyse croisée des productions d‘un élève à différentes tâches plutôt qu‘une
évaluation par tâche; 2) prendre en compte la dynamique des relations entre connaissances et
situation (par un usage éclairé de la notion de variables didactiques); 3) tenir compte de
l‘enchaînement des tâches dans un contexte d‘évaluation.
CONCLUSION
Au-delà de la prudence qui s‘impose, fautes de définitions et de critères clairs et consensuels, de
recourir à la notion de dyscalculie, le milieu scolaire doit réfléchir à ce qui lui est propre pour ne
pas perdre ses repères : ses finalités, ses outils conceptuels et ses moyens didactiques. L‘objet
qu‘étudie les sciences cognitives et celui sur lequel travaille le milieu scolaire n‘est pas le même.
Enseigner et apprendre des mathématiques sont des actes non seulement cognitifs mais également
culturels et sociaux. Imaginons un dispositif par lequel seraient levées les difficultés, de l‘élève
dyscalculique, à apprendre les faits additifs. Suffira-t-il alors à l‘enseignant que cet apprentissage
soit réalisé pour qu‘il considère que son élève est engagé dans une pratique mathématique ? Non,
bien sûr, bien que cet apprentissage soit précieux. Apprendre l‘addition, c‘est apprendre à
reconnaître et lier les situations pour lesquelles l‘opération est utile, c‘est penser autrement le
nombre, c‘est dégager des régularités pour abstraire les propriétés de l‘opération, c‘est, autrement
dit «faire» l‘addition comme on fait des mathématiques. C‘est l‘objet de la didactique de
travailler à trouver les moyens d‘enseignement pour y parvenir. C‘est pour elle, un défi à relever.
156
Jacinthe Giroux
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158
Géométrie du plan – géométrie de l’espace : continuité ou rupture dans le
contrat didactique?
Daniela Furtuna
Université du Québec à Montréal
RÉSUMÉ. Cette recherche vise l'enseignement de la géométrie au secondaire, en particulier le
passage de la géométrie plane (2D) à la géométrie de l‘espace (3D). Un nombre de 292 élèves,
des classes régulières et des classes enrichies, de la première année allant jusqu'a la cinquième
année du secondaire, ont participé à cette recherche. Deux postulats concernant la pratique de la
géométrie sont à la base de ce travail. Un cadre théorique spécifique introduit par Brousseau
(1983) et Galvez (1985), et ultérieurement développé par Berthelot et Salin (2000), nous donne
les moyens d‘analyser la situation. Les notions de micro-espace, de méso-espace et de macroespace nous ont permis d‘analyser ces deux postulats, qui regardent de très près l‘articulation et
le passage 2D – 3D.
1. INTRODUCTION
Selon les auteurs des Principles and Standards for School Mathematics (NTCM, 2000), le thème
visualisation ou représentation mentale, qui a ses racines dans la façon d‘analyser et modéliser
l‘espace, est présente parmi trois autres grands thèmes qui résument le contenu de la géométrie :
figures et propriétés, transformations, position, et visualisation (représentation mentale). Une
brève synthèse, suivant les quatre grands thèmes, a été faite par Van de Walle et Lovin (2008,
Tome 2, p. 215) :




Le thème figures et propriétés vise l‘étude des propriétés et des relations des figures à
deux et à trois dimensions.
Le thème transformations comprend l‘étude des translations, des réflexions, des rotations
et des réflexions glissées.
Le thème position s‘intéresse à la géométrie en coordonnées et aux autres modes de
description de la position dans le plan et l‘espace.
Le thème visualisation ou représentation mentale traite de la reconnaissance des figures
dans l‘environnement de l‘élève, des relations entre des objets à deux ou à trois
dimensions et la capacité de dessiner et de reconnaître ces objets observés sous différentes
perspectives. Il s‘agit ici de la représentation de l‘espace à travers un processus de
modélisation et de représentations planes et en perspective.
D‘une certaine manière, le sujet de cet article touche presque tous les thèmes mentionnés, mais
nous allons nous situer plutôt dans le thème visualisation ou représentation mentale, et plus
spécifiquement dans la visualisation de l’espace à travers un processus de modélisation des
objets 3D sur un espace 2D. À cet effet, le passage 2D – 3D est envisagé, ainsi que la
sensibilisation des élèves par rapport à la notion d‘espace dans un contexte pédagogique adapté
plutôt à la géométrie du plan. Les règles connues pour la représentation des modèles 2D ne sont
pas les mêmes pour la représentation des modèles 3D. Et comme pour chaque concept de la
géométrie de l‘espace, on doit prendre conscience d‘un certain nombre de propriétés, on peut
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
supputer qu‘à leur tour, ces propriétés sont une source de difficultés dans le développement des
connaissances spatiales. À cela s‘ajoute la représentation de ces propriétés (3D) dans un
environnement 2D ; mentionnons à cet égard la représentation des propriétés liées au parallélisme
dans l‘espace, à la perpendicularité dans l‘espace, ainsi que toutes les propriétés liées à
l‘incidence dans l‘espace. Ayant en vue les difficultés bien connues en rapport avec l‘étude de
l‘espace et ses concepts adjacents, avec le raisonnement géométrique et les différentes façons de
raisonner, nous croyons que poser la question de la présence du concept d’espace dans la
conscience de l’élève du secondaire en train de résoudre des problèmes de géométrie est
pertinent pour le didacticien. Selon Grenier et Tanguay (2008), les enseignants s‘entendent sur le
fait que les habiletés et les connaissances nécessaires à la conceptualisation de l‘espace ne sont
pas bien installées chez les élèves.Toujours selon ces auteurs, cela serait dû au fait que
généralement, tant en France qu‘au Québec, l‘étude des objets de l‘espace se réduit (Grenie et
Tanguay, 2008, p.26-27) :



La construction, la reconnaissance et la classification de certains solides (prismes,
pyramides, cylindres, cônes et sphère) au primaire;
Une liste des différentes formules de volume et d‘aire (avec ou sans justification) des
solides précités au secondaire;
La présentation des cinq polyèdres réguliers, exhibés au primaire, accompagnés ou non de
la formule d‘Euler, et revus au secondaire, éventuellement et sans démonstration, le statut
de leur existence y étant énoncé comme théorème du corpus historique mathématique
classique. (op. cit., pp. 26-27).
Gonseth (1945, p. 78) affirme que nous ne pouvons pas apprendre ou enseigner la géométrie s‘il
n‘existe pas quelque chose de naturel dans chacun de nous par quoi nous voyons (et nous
imaginons) l’espace et tout ce qui y prend forme. D‘après nous, à cela s‘ajoute qu‘il manque à
nos programmes d‘étude une stratégie logique de développement et d‘enrichissement de cette
« chose naturelle ». Le fait, de se représenter soi-même en tout temps dans l‘espace, n‘implique
pas nécessairement sa conceptualisation. Les allers-retours entre l‘espace sensible et l‘espace
géométrique, visant la construction des connaissances fondamentalement liées à une géométrie de
type euclidien à travers la conscience de l'apprenti-géomètre, semble être un processus à long
terme. Puisqu‘on est plutôt habitué d‘enseigner la géométrie sur le papier, il y a le risque, d‘après
nous, d‘oublier l‘espace, les objets de l‘espace et leurs propriétés, et les liens qui s‘établissent
entre tous ces objets d‘études. On sait que les propriétés des objets plans ne coïncident pas avec
les propriétés des objets de l‘espace, sauf dans la mesure où les représentations des objets plans
servent à concevoir les représentations des objets de l‘espace. Mais, dans quelle mesure,
l‘apprenant utilise-t-il et trouve-t-il les moyens pour mieux conceptualiser des propriétés spatiales
dans un « décor » qui est plutôt plan, cela reste encore à apprécier. À l‘école, la plupart des
représentations géométriques, visant les propriétés des objets géométriques et le raisonnement sur
ces représentations, se font dans une perspective plane. Pour ce qui est des objets de l‘espace et
leurs propriétés, nous croyons qu‘il reste encore un travail à développer. Entre la géométrie du
plan et de l‘espace, à l‘école secondaire, il n‘existe pas nécessairement une continuité (Furtuna,
2009). Ce manque des liens dans l‘ensemble du contrat didactique de la géométrie du secondaire,
entre la géométrie plane, fondamentalement euclidienne, et la géométrie de l‘espace, abordée
selon un paradigme fondamentalement empirico-perceptif, est encore aujourd‘hui le lot d'un bon
nombre de programmes d‘étude, dont celui du Québec. Est-ce que les difficultés reconnues pour
la géométrie plane vont s‘ajouter à celles de l‘espace ? Nous croyons que oui, puisque de façon
160
Daniela Furtuna
naturelle, tout ce qu‘on étudie dans la géométrie plane devrait être à la base de l‘étude de la
géométrie de l‘espace. De plus, l‘espace euclidien vient avec des « règles » qui s‘ajoutent à tout
ce qui est connu dans le plan. Le raisonnement, tel qu‘il est compris dans l‘étude de la géométrie
plane, devrait être à la base de tout raisonnement dans la géométrie de l‘espace, alors qu‘à l‘école
secondaire, cela n‘est pas le cas. La représentation de l‘espace et des objets de l‘espace sur un
espace à deux dimensions, semble être une autre difficulté reconnue depuis longtemps. En effet,
il semble qu‘imaginer l‘espace sur la feuille de papier ait été un problème jusqu‘à la Renaissance.
Dans un article traitant de l‘histoire de la géométrie, de la figure et de l‘espace, Lombard (1993),
montre que la représentation en perspective a été un obstacle, au sens de Bachelard, pour à peu
près 2000 ans, autrement dit un obstacle épistémologique, et cela jusqu‘à l‘apparition de la
géométrie projective. À la rencontre d‘une partie de toutes ces difficultés, le programme
ministériel de mathématiques du secondaire nous propose le développement de ce qu‘on y
appelle le sens spatial : «pour développer son sens spatial en trois dimensions, un apprentissage
qui nécessite du temps, l’élève représente des solides à l’aide d’un dessin à main levée».1
En ce sens, nous croyons qu‘une bonne amorce pour l‘apprentissage de la géométrie de l‘espace
au secondaire consisterait à soumettre des exercices visant à développer la représentation
mentale de l’espace, dans les deux sens suivants. Premièrement, en réfléchissant sur l’espace
même, sur les objets, leur position, leurs caractéristiques, leurs attributs, leurs mesures, etc., à
travers les propriétés qui lient ces différents objets.
Représentation
en perspective
Visualisation
Figures,
propriétés
Espace
physique
Position
Transformation
Concepts
Géométriques
1
Raisonnement
Programme de formation de l’école québécoise, enseignement secondaire, premier cycle, chapitre IV, page 261.
161
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Deuxièmement, en développant la capacité de se représenter et de représenter l’espace 3D dans
un espace 2D. Il s‘agit ici du développement de la capacité à associer aux objets physiques un
modèle mathématique, à travers un processus de transposition de l‘espace réel, l‘espace 3D, dans
un espace 2D (la représentation en perspective telle qu‘elle est pratiquée en géométrie). Deux
postulats seront à la base de notre travail :
P1 : Si l‘élève n‘est pas habitué à penser dans l‘espace (à partir de la position relative des droites
et des plans dans l‘espace), il va continuer à donner des solutions aux problèmes de l‘espace dans
la géométrie plane.
P2 : Le sens spatial se développe à partir du moment où l‘élève construit des connaissances sur
l‘espace lui-même, sinon l‘élève va donner la solution de tout problème dans la géométrie plane.
Nous considérons que le premier postulat n'est qu‘une conséquence d‘un effet visible du contrat
didactique : les élèves, ou, peut-être, certains élèves restent dans le plan et n'envisagent la
solution au problème que dans le plan, parce qu'ils sont convaincus que ce qu'on leur demande est
un problème à résoudre dans le plan. C‘est comme si l‘élève savait d‘avance que l‘enseignante ne
lui demande de résoudre que des problèmes de géométrie du plan. À cet effet, la situationproblème présentée ici vise les connaissances et les habiletés des élèves par rapport à la
représentation des objets à l‘étude de la géométrie du plan (Tâche 1) et de l‘espace (Tâche 2),
tout en sachant que le passage plan – espace n’est pas explicitement sollicité dans la situation; et
d‘autre part, une sensibilisation des élèves à la notion d’espace (Tâche 3). En effet, c‘est dans la
résolution de la Tâche 3, qui comporte la manipulation des objets, que les élèves vont trouver une
solution réelle à la Tâche 2. Nous avons donc envisagé le passage 2D – 3D, à travers le passage
entre la Tâche 1 et la Tâche 2. Pour résoudre la Tâche 1, l‘élève est obligé d‘utiliser ses
connaissances de la géométrie plane alors que pour la Tâche 2, un passage vers l‘espace est
envisagé et donc, la représentation mentale de l‘espace est sollicitée. La Tâche 3, dans laquelle
l‘élève doit construire les vrais objets demandés à la Tâche 2, va répondre aux questions
supposant le passage 2D – 3D.
2. UN CADRE THÉORIQUE POUR L’EXPÉRIMENTATION
La théorie des situations, initiée par Brousseau en 1983, a été à la base de plusieurs recherches en
didactique des mathématiques mais aussi, a conduit à la construction d‘un cadre spécifique à la
géométrie. Brousseau (1983) et Galvez (1985) ont développé une théorie qui montre la pertinence
de l‘étude des interactions entre un sujet et les trois types d‘espace : micro-espace, méso-espace
et macro-espace. Dans leur thèse de doctorat, Berthelot et Salin (1992) ont associé les trois types
d‘espace aux à certains concepts de la géométrie élémentaire : le point, la droite, l‘angle, le
segment, la longueur, la distance, la hauteur, la profondeur, la mesure, la forme, le lieu, le trajet,
l‘objet, l‘espace, etc. Berthelot et Salin (2000, p. 16) expliquent, en se référant aux travaux de
Brousseau et Galvez, que les concepts de base qui caractérisent les rapports spatiaux
correspondants à ces trois types d‘espaces ne sont pas nécessairement ceux de la géométrie. En ce
sens, les deux chercheurs retracent les définitions du micro-espace, du méso-espace et du macroespace.
Le micro-espace est défini comme « un espace où les rapports spatiaux correspondent à la
manipulation familière des petits objets, et la plupart des problèmes que le sujet rencontre dans
cet espace ne nécessitent pas de conceptualisation » (Berthelot et Salin 2000, p. 16). Dans le
162
Daniela Furtuna
micro-espace, la résolution des problèmes se fait à travers une action dirigée par les sens sur des
objets qui demeurent sous le contrôle de la vue et de la préhension. Dans notre expérimentation,
le micro-espace correspond à l‘espace de la feuille de papier, où les objets à l‘étude sont les
triangles, les quadrilatères, les pyramides et les prismes, vers lesquels l‘élève est constamment
dirigé. Dans cet espace, l‘élève reproduit les dessins correspondant à la tâche, mais il n‘est pas
obligé d‘utiliser les propriétés des objets. Certaines caractéristiques des triangles ou des
quadrilatères doivent être reconnues pour arriver à la tâche. En ce sens, l‘élève utilise la feuille de
papier pour reproduire d‘une manière semblable des objets correspondant à une géométrie 2D
(triangles, quadrilatères) ainsi que des objets correspondant à une géométrie 3D (pyramides,
prismes).
Le méso-espace est défini comme un espace où « les rapports spatiaux s’apparentent à la
détermination et à la modification des positions à l’intérieur d’un domaine de déplacements
domestiques, et les actions du sujet se font dans une partie de l’espace sous le contrôle d’une
vision partielle » (Berthelot et Salin, 2000, p. 17). Dans cet espace, les notions centrales sont
celles de lieux, de trajets et d‘objets. Y intervient également la notion de longueur, articulée
autour de la distance, de la profondeur, de la hauteur. Ainsi, une trajectoire est perçue comme un
trait, une suite de positions temporelles. Les angles permettent de repérer la position d‘une ligne
droite par rapport à une autre. Le méso-espace gagne à être représenté sur une feuille de papier et
se posent les questions des propriétés conservées. En effet, la représentation des objets provenant
de l‘espace méso dans un espace micro passe par une forte conceptualisation de l‘espace méso où
les trois dimensions des objets méso sont conceptualisées de façon naturelle. Dans le macroespace, on parle surtout d‘un « travail d’ordre intellectuel sur des représentations » (Berthelot et
Salin, 2000, p. 17). Dans cet espace, la perception n‘est pas suffisante pour donner du sens aux
rapports à l‘espace. Le sujet ne peut pas obtenir une vision globale de l‘espace avec lequel il est
en interaction ; il s‘agit plutôt d‘une succession d‘espaces locaux séparés entre eux par les
déplacements du sujet sur la surface terrestre. Pour orienter les déplacements, dans un macroespace, il doit y avoir des repères bien identifiés et une représentation globale de l‘espace. Dans
cet espace, les notions importantes sont celles d‘angle et de repérage. Les mêmes chercheurs,
faisant référence aux travaux de Brousseau sur la géométrie comme modèle de l‘espace,
développent trois problématiques associées à des rapports à l'espace :
1. La Problématique géométrique : [...] les problèmes qui font spécifiquement
appel aux connaissances permettant de maîtriser les questions de consistance
théorique du discours sur l'espace, questions qui caractérisent l'émergence
historique d'une géométrie de la démonstration chez les grecs.
2. La Problématique de modélisation : [...] un type de rapport avec l'espace,
finalisé en partie par l'efficacité dans l'espace sensible ou objectif, mais aussi par
la recherche d'une solution dépassant le problème immédiat, qui soit
communicable à d'autres, s'appuyant sur un modèle explicite dont la fonction doit
pouvoir être éprouvée.
3. La Problématique pratique : [...] le type de rapport caractéristique d'une
famille de problèmes spatiaux non didactiques, particulièrement importants dans
la vie de tous les jours, dans lesquels l'individu contrôle ses rapports spatiaux de
manière immédiate, empirique, et contingente.
(op. cit., pp. 11-14)
163
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Ces trois problématiques, on les retrouve dans la situation-problème. Les élèves doivent résoudre
une situation qui traite plutôt de l‘espace sensible dans un espace géométrique et, à la fin de la
situation, une tâche de manipulation avec des objets réels nous invite à penser à une
problématique pratique de notre séquence.
3. DESCRIPTION DE LA SÉQUENCE ET DE LA SITUATION-PROBLÈME.
La séquence dure une heure en classe et s‘adresse à des élèves du secondaire, environ deux
classes par niveau, dont une classe régulière et une classe enrichie (approximativement 30 élèves
par classe). Nous avons donné aux élèves un Test sur papier contenant deux tâches, la Tâche 1 et
la Tâche 2. La Tâche 3, qui est une tâche de manipulation, reprend les questions posées à la
deuxième tâche. Les élèves, en groupes de trois ou quatre, disposent des objets réels, afin de
pouvoir répondre de façon pratique à la deuxième question.
Tâche 1 (environ 20 minutes)
1. Si on a 6 bâtons (leur longueur n‘est pas importante), est-ce qu‘on pourrait construire 4
triangles avec ceux-ci ? Indication : Essayez de dessiner ce que vous imaginez et expliquez en
quelques mots ce que vous avez obtenu !
2. Si on a 12 bâtons (leur longueur n‘est pas importante), est-ce qu‘on pourrait construire 6
quadrilatères avec ceux-ci ? Indication : Essayez de dessiner ce que vous imaginez et expliquez
en quelques mots ce que vous avez obtenu !
Le contenu de la Tâche 1 reste dans la géométrie plane et vise un retour sur les connaissances :
triangles, quadrilatères, polygones et leurs propriétés. En effet, les élèves doivent dessiner, sur la
feuille de papier, des triangles et des quadrilatères à partir de propriétés qu‘ils doivent
reconstituer et reconnaître dans l‘énoncé. À cet effet, ils devraient dessiner des polygones avec
des côtés et des intérieurs communs ou avec des côtés qui se coupent.
Tâche 2 (environ 15 minutes)
Pour les deux problèmes présentés à la Tâche 1, est-ce que vous avez des solutions dans le cas où
les bâtons sont de même longueur ? Indication : Essayez de dessiner ce que vous imaginez et
expliquez en quelques mots ce que vous avez obtenu !
Dans la Tâche 2, les restrictions (la même longueur) ajoutées aux contraintes (6 segments  4
triangles, 12 segments  6 quadrilatères), obligent, pour résoudre le problème, à construire « le
passage » vers l‘espace. Les élèves doivent, en effet, s‘imaginer et dessiner des pyramides et des
prismes, qui satisferont aux conditions imposées à la Tâche 2. Comme dans la Tâche 1,
l‘enseignant ne donnera pas d‘indices qui pourraient inciter l‘élève à chercher les solutions dans
l‘« espace ».
Tâche 3 (environ 20 minutes) : On va faire des constructions !
On demande aux élèves de répondre à la deuxième tâche, mais cette fois-ci, en s‘aidant des vrais
objets (des bâtonnets en plastiques). Au début, dans les tâches 1 et 2, l‘élève doit reconnaître les
contraintes d‘un problème de la géométrie plane ou de la géométrie de l‘espace et dessiner des
164
Daniela Furtuna
polygones ou polyèdres dans certaines conditions. On voit bien les limites de l‘espace de travail
par rapport aux outils : la feuille de papier, la règle et les crayons sont toujours utilisés pour
représenter des objets d‘étude de la géométrie dans un espace qui est fortement à deux
dimensions. L‘étape de manipulation, la Tâche 3, sera celle par laquelle l‘élève arrive à donner
des solutions aux problèmes de « l‘espace » 3D. Dès qu‘il aura sur la table des outils qui ne sont
pas utilisés dans les représentations sur la feuille de papier, les bâtonnets et la pâte adhésive,
l‘élève devrait remarquer que les contraintes de la Tâche 2 lui imposent la construction des vrais
« objets » en trois dimensions : des prismes ou des pyramides. Dans l’hypothèse des
représentations spontanées, on considère que les représentations des connaissances sur l‘espace
2D n‘ont aucune raison d‘être articulées entre elles : une partie des erreurs persiste parce que la
presque totalité des problèmes est posée dans un contexte spécifique, l‘espace de la feuille de
papier qui présente un certain nombre de composantes contextuelles micro-spatiales (Berthelot et
Salin, 2000). La représentation des objets et le raisonnement associé à la géométrie de l‘espace ne
se fait pas nécessairement de façon identique dans les géométries plane et de l‘espace. En ce sens,
dans la Tâche 2, nous avons omis intentionnellement des informations qui pourraient suggérer à
l‘élève des moyens clairs pour qu‘il puisse arriver à la solution de la Tâche. Comme nous l‘avons
précisé, les allers-retours entre les deux espaces sont nécessaires pour que l‘élève trouve une
solution à la Tâche 3.
Représentation mentale de « l’espace »
(Dans la conscience de l‘élève, à travers ses
connaissances spontanées)
Le micro-espace
(L‘espace de la feuille de papier)
Le méso-espace
(L‘espace où l‘élève développe de façon
naturelle les connaissances géométriques)
Résolution des situations-problèmes
(L‘élève doit « visualiser » les solutions, dans le micro-espace, à des
situations provenant de l‘espace méso ou macro)
4. ANALYSE DES RÉSULTATS.
Dans ce qui suit, nous allons présenter trois productions d‘élèves, ainsi qu‘une analyse
quantitative des résultats. Nous avons considéré la feuille de papier comme étant le micro-espace
de l‘élève, un espace à deux dimensions. Dans cet espace, l‘élève est obligé de donner des
solutions aux problèmes de l‘espace qui l‘entoure, le méso-espace. Comme nous l‘avons précisé
antérieurement, notre intérêt de recherche vise le passage de la dimension du plan à celle de
l‘espace à travers la représentation mentale de l‘espace. Ce passage doit se réaliser, dans un
premier temps, de façon individuelle, dans la conscience de l‘élève, à partir des informations
qu‘il a déjà dans la tâche 1, mais aussi en tenant compte du fait que les segments ont la même
longueur (tâche 2). La tâche 2 est aussi un travail individuel. En effet, le passage du plan à
l‘espace se fait à partir du moment où l‘élève commence à lire la tâche 2. Les restrictions
165
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
imposées à la Tâche 2 devraient conduire l‘élève vers des solutions qu‘il lui faut chercher dans
l‘espace méso. Dans la tâche 1, l‘élève se limite à penser la solution du problème dans un espace
micro (la feuille de papier). Dans la deuxième tâche, il doit cependant élargir son horizon de
pensée à l‘espace méso pour arriver à donner une solution.
Analyse de la production d’un élève de 2e secondaire
Chez cet élève, l‘utilisation des couleurs est remarquable. Non seulement les bâtons sont dessinés
avec différentes couleurs, mais aussi les intérieurs des triangles. En utilisant les couleurs pour les
intérieurs, la séparation des triangles est plus évidente, et ne donne pas le choix de dire que le
dessin n‘est pas seulement formé de quatre triangles (on peut facilement voir d‘autres
quadrilatères). Dans le cas de 12 bâtons, l‘élève trouve aussi une solution. Il utilise les chiffres de
1 à 6 pour mettre en évidence sa façon de penser les 6 quadrilatères, mais il ne donne pas
d‘explications.
Tâche 1
Triangles
Quadrilatères
Tâche 2
Le dessin réalisé à la tâche 2 nous conduit à remarquer
que, pour cet élève de 2e secondaire, le passage entre
les deux espaces n‘a pas été fait. Il cherche les
solutions du problème seulement dans le microespace.
166
Daniela Furtuna
Analyse de la production d’un élève de 4e secondaire
La tâche 1 ne pose pas de difficulté à cet élève. Il donne trois solutions dans les deux cas (6
bâtons = 4 triangles, 12 bâtons = 6 quadrilatère) : « Faire un carré et le séparer en 4 avec 2 bâtons
» ou « Un gros triangle et un petit triangle dans le gros pour en faire 4 ». La remarque qui suit la
construction de quadrilatères, c‘est en fait ce que nous avons cherché à faire dégager chez
l‘élève : « On peut faire n‘importe quoi si on peut avoir des bâtons de longueurs différentes ».
Tâche 1
Triangles
Quadrilatères
Tâche 2
Pour cet élève, le passage vers l‘espace a été fait dès
qu‘il a résolu la première tâche, mais de façon très
restrictive. Il ne pense qu‘à des prismes. Même si, à
la tâche 1, le premier dessin pourrait être vu comme
une pyramide, il ne pense pas à cela. Il trouve des
solutions à la deuxième tâche pour le cas 12 bâtons
= 6 quadrilatères, mais pas pour le cas 6 bâtons = 4
triangles. Il n‘est pas le seul à avoir agit ainsi. À la
tâche 2, les élèves donnent plus facilement une
solution dans le cas 12 bâtons = 6 quadrilatères, que
dans le cas 6 bâtons = 4 triangles, comme nous
l‘avons observé lors des derniers dessins.
167
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Analyse de la production d’un élève de 5e secondaire
On remarque une séparation complète des bâtons, pour trouver la solution dans le cas 12 bâtons =
6 quadrilatères. Dans ce cas, l‘élève nous explique : « Dans ces figures il y a 12 bâtons et 6
quadrilatères ». Nous avons trouvé, parmi les productions des élèves, ce type de réponses, mais
pas très souvent. Nous avons choisi cette réponse pour faire en sorte que, dans le cas de 12 bâtons
= 6 quadrilatères, on pourrait bien jouer sur la séparation des objets. Cet aspect n‘a pas été pris en
compte lors de notre analyse a priori, mais de façon générale, il ne joue pas sur le passage vers
l‘espace. En ce qui concerne la tâche 1, pour les triangles, l‘élève donne aussi comme solution
une réponse devenue standard : « Un losange divisé en 2 parties, donc 4 triangles avec 6 bâtons ».
Comme dans plusieurs cas, cet élève de 5e secondaire cherche les solutions du problème dans un
espace qui lui est familier : la feuille de papier. Il nous explique : « Je pense que ce problème est
impossible ». Pour lui le passage de l‘espace micro vers l‘espace méso ne se produit pas. Il
considère que les restrictions imposées à la tâche 2 (les bâtons ont la même longueur) ne
conduisent pas à une solution acceptable.
Tâche 1
Quadrilatères
Triangles
Tâche 2
Pendant la « manipulation » des bâtonnets, Tâche 3, les élèves d‘une même équipe ont discuté
entre eux, ont donné différentes solutions et se sont posés des questions par rapport aux deux
premières Tâches. Quelques-uns ont dit, en se référant aux corps géométriques : « … Ah! C‘est
ça, ce que vous avez voulu qu‘on « dessine » ! ». Le nombre d‘élèves qui ont réussi à donner une
réponse à la deuxième Tâche est réparti à peu près en mode égal entre les deux types de classes.
C‘est pourquoi nous n‘avons pas spécifié cette distinction dans ce qui suit. Nous allons donc
prendre en considération le nombre total des élèves par niveau et le nombre total des élèves du
secondaire qui ont participé à la recherche. La proportion d‘élèves qui ont réussi à donner une
solution à la Tâche 1 se situe entre 77 % et 100 % en fonction du niveau de la classe. Dans le
168
Daniela Furtuna
tableau, nous donnons le nombre d‘élèves qui ont réussi à donner des solutions à la Tâche 2.
Nous n‘entrerons pas dans les détails des dessins que les élèves ont produits à la Tâche 2.
I
II
III
IV
V
Total
Nb. d‘élèves
Secondaire
Nb.
d‘élèves
qui ont
réussi le
tétraèdre
72
64
32
67
57
292
3
4
1
12
7
27
Nb.
d‘élèves
qui ont
réussi le
cube
4%
6%
3%
18%
12%
9%
3
3
9
20
9
44
4%
5%
28%
30%
16%
15%
Nb. total
d‘élèves
qui ont
réussi le
passage
2D – 3D.
3
4
9
20
9
44
4%
6%
28%
27%
14%
15%
Comme nous l‘avions prévu, la plupart des élèves ont recherché des solutions à la Tâche 2 tout en
se limitant à l‘espace de la feuille de papier (micro-espace). Parfois, ils ont remarqué que les
restrictions imposées aux bâtons (la même longueur) impliquaient de trouver d‘autres solutions.
À ce moment, plusieurs ont donné comme réponses, « il n‘y a pas des solutions », « impossible »,
« je ne crois pas que c‘est possible », etc., ou ils n‘ont rien écrit. Nous remarquons que très peu
d‘élèves du premier cycle du secondaire ont pu trouver une solution à la deuxième Tâche. Les
suppositions émises dans notre analyse a priori se sont donc confirmées. Les élèves du deuxième
cycle du secondaire ont davantage réussi à donner des solutions à la Tâche 2, dans une proportion
un peu plus élevée que ceux du premier cycle. Pour la Tâche 3, les équipes de trois ou quatre
élèves ont été placées séparément. Chaque équipe avait sa table, ses propres bâtonnets et de la
pâte adhésive. Il n‘y avait pas d‘échange entre les équipes. Au début, les élèves n‘ont pas pris en
considération les possibilités du 3D. Plusieurs d‘entre eux, même ceux de quatrième et de
cinquième secondaire, ont eu quelques moments d‘hésitation mais, dès qu‘ils ont mis le bâtonnet
en position verticale, les solutions sont venues de façon naturelle et sans difficulté. Quelques
groupes, surtout ceux du premier cycle, ont « construit » avec les bâtons ce qu‘ils ont « dessiné »
en 2D : des triangles et des quadrilatères. À la fin, tous les élèves ont réussi à construire des
objets en 3D. La mise en situation consistant à utiliser le méso-espace a donc permis à un grand
nombre d‘élèves d‘obtenir des solutions à la Tâche 3. Le rôle du méso-espace apparaît donc
important dans le passage 2D – 3D. Nous considérons que l‘articulation entre les deux espaces, le
micro-espace et le méso-espace, passe par une forte représentation mentale de l‘espace dans la
conscience de l‘élève.
5. CONCLUSION
Les résultats de notre expérimentation ont validé nos postulats. Seulement un petit nombre
d‘élèves du secondaire a réussi à donner de bonnes solutions à la deuxième tâche de la situationproblème. Les résultats obtenus à la deuxième tâche, à tous les niveaux du secondaire, suggèrent
que certaines difficultés sont dues à l‘ancrage de l‘élève à l‘espace de la feuille de papier, où
l‘élève utilise cet espace comme un «espace» de base dans ses démarches de résolution de
problèmes. Le passage 2D à 3D ne s‘est pas fait de façon spontanée. La construction de vrais
objets, dans la troisième tâche, a permis à un grand nombre d‘élèves d‘obtenir des solutions
correspondantes à la problématique de modélisation. Nous avons considéré que l‘articulation
169
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
entre les deux espaces, le micro-espace et le méso-espace, passe par la visualisation de l‘espace
dans la conscience, à travers ses connaissances. À cet effet, nous avons constaté que, même si
l'on parle des connaissances de base, celles-ci doivent être développées par les allers-retours entre
l‘aspect 3D de l‘espace méso et l‘aspect 2D de l‘espace micro (l‘espace de la feuille de papier).
Ces articulations entre les deux espaces (le « problème de l‘espace ») font partie intégrante d‘un
processus de modélisation des objets 3D (la « problématique de la géométrie ») dans un espace
2D (la « problématique de modélisation »), mais aussi de modélisation des objets 3D dans un
espace 3D (la « problématique pratique »). Dans le même temps, nous croyons qu‘une
discontinuité dans le contrat didactique de la géométrie, articulation plane – espace ou espace –
plane, au secondaire, à travers les trois problématiques de l‘espace décrites par Berthelot et Salin
(1992, 2000), ne permet pas aux élèves de bien comprendre les relations qui s‘établissent entre
les objets d‘étude de la géométrie plane et de l‘espace.
BIBLIOGRAPHIE
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170
Implicites dans la tâche mathématique : les décalages entre les activités
potentielle, attendue et effective de l’élève
Claudine Mary et Laurent Theis
Université de Sherbrooke
RÉSUMÉ. Cet article présente les résultats préliminaires d‘une étude visant à analyser des
problèmes conçus ou choisis par des enseignants dans une approche d‘enseignement qu‘ils
qualifient eux-mêmes de situations problèmes ou d‘approche par problèmes. Nous visons à
mettre en évidence les implicites dont sont porteurs les problèmes en étudiant les décalages entre
ce qu‘il est possible de faire du point de vue de l‘élève compte-tenu de l‘énoncé du problème, ce
qui est attendu par l‘enseignant et ce qui est effectivement fait par l‘élève. Notre but est d‘éclairer
les choix des enseignants sur les tâches potentiellement porteuses dans une perspective de
formation.
INTRODUCTION
Le choix des problèmes à soumettre aux élèves qu‘il s‘agisse d‘un problème utilisé dans le but de
provoquer l‘apprentissage d‘un concept ou qu‘il s‘agisse d‘un problème d‘application, est une
dimension de la pratique enseignante qui mérite attention. Les enseignants sont confrontés à
différentes formulations de ce qu‘est un problème ou une situation-problème et sont soumis à
différentes pressions ou sollicitations du système éducatif dans ce sens : les SAÉ – situations
d‘apprentissage-évaluation - des évaluations ministérielles, l‘approche par problème préconisée
par le PFÉQ et par certaines formations, comme celle du Centre de recherche sur l‘enseignement
et l‘apprentissage des sciences (CREAS1) qui en fait une de ses préoccupations. Les critères qui
guident les enseignants pour la conception ou le choix de problèmes ne sont pas toujours clairs.
Même si des caractéristiques sont explicitées par les formateurs, ceux-ci constatent des décalages
entre ce qu‘eux-mêmes envisageaient et ce que les enseignants produisent, les références des uns
et des autres n‘étant pas les mêmes. Quel critère adopter pour juger d‘un problème ? Derrière la
sollicitation au problème et à une approche par problème, il y a bien celle de mettre l‘élève en
activité mathématique. C‘est cette activité mathématique potentielle et effective qui nous
intéresse. Cette activité est fonction d‘un certain nombre de variables dont des implicites que
l‘élève aura à interpréter, à expliciter ou avec lesquels il devra négocier. C‘est sous cet angle que
nous proposons donc d‘étudier les problèmes choisis ou conçus par les enseignants lors de
journées de formation d‘enseignants des mathématiques au secondaire, journées prises en charge
par le CREAS. Après avoir présenté le contexte de l‘étude et ses objectifs, nous présenterons ce
que dit la recherche sur les implicites en résolution de problème puis notre cadre conceptuel et
méthodologique. Nous analyserons ensuite un problème pour envisager la suite de la recherche
que nous avons amorcée.
1
Notre recherche a été réalisée dans le cadre du CREAS subventionné par le conseil de recherches en sciences
naturelles et en génie du Canada (CRSNG).
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE
Notre étude se situe dans le cadre des travaux du CREAS (Sherbrooke) qui visent l‘amélioration
de la qualité de l‘enseignement des sciences, des technologies et des mathématiques (STM) au
secondaire. Cet objectif général est réalisé en partenariat avec le milieu de la pratique, notamment
des écoles et Commission scolaire préoccupées de la qualité de l‘enseignement des STM. Les
démarches d’enseignement-apprentissage en STM constituent un des axes de recherche du Centre
avec l‘objectif, entre autres, d‘analyser les pratiques d‘enseignement (actions des enseignants en
relation avec les actions des élèves) mises en œuvre lors du recours à des démarches
d‘enseignement-apprentissage propres aux STM telles les approches par problèmes en
mathématiques. Lors de trois journées de formation, les enseignants sont appelées à concevoir ou
à adapter des problèmes qu‘ils expérimenteront en classe. Les expérimentations en classe sont
enregistrées puis un retour réflexif en groupe permet aux participants d‘exposer le bilan qu‘ils
font à la suite de la conception et de l‘expérimentation en classe. Dans le cadre de ces formations,
nous avons recueilli un corpus d‘une douzaine de problèmes proposées aux élèves avec les
enregistrements de classe correspondants. Ces problèmes ont été choisis pour analyse parce que
les enseignants qualifient eux-mêmes leur démarche d‘approche par problèmes ou de situations
problèmes. Notons que si des ateliers sont donnés par les formateurs sur différents sujets menant
à réflexion, les enseignants dont les problèmes ont été sélectionnés n‘ont pas forcément assisté à
des ateliers portant spécifiquement sur l‘approche par problèmes en mathématiques.
OBJECTIFS
Notre étude s‘inscrit dans l‘objectif du CREAS d‘analyser les pratiques d‘enseignement mises en
œuvre lors du recours à une approche par problème en mathématiques. Plus spécifiquement, nous
nous préoccupons de mettre en évidence les implicites dont sont porteurs les problèmes en
étudiant les décalages entre ce qu‘il est possible de faire du point de vue de l‘élève compte-tenu
de l‘énoncé du problème, ce qui est attendu par l‘enseignant en termes d‘activité mathématique et
ce qui est effectivement fait par l‘élève. C‘est dans les écarts entre ces différentes activités que
nous situons les implicites.
Dans ce texte, nous nous penchons sur le cas d‘un problème proposé aux élèves par une
enseignante et sur l‘activité de classe autour de ce problème. Nous rendons compte de l‘état
d‘avancement de nos travaux au moment du colloque du GDM 2010.
RECHERCHE SUR LES IMPLICITES
Plusieurs auteurs ont mis en évidence les conséquences potentielles des implicites sur l‘activité
de l‘élève et en particulier sur des élèves plus vulnérables de notre système éducatif, les élèves
dits en difficultés d‘apprentissage ou provenant de milieux défavorisés. Cerquetti-Aberkane
(1987) décrit un certain nombre de difficultés qu‘elle qualifie d‘« extramathématiques » et qui
peuvent s‘interpréter en termes d‘implicites. Par exemple, elle montre que les élèves ont tendance
à injecter des données de la vie de tous les jours dans des contextes réels (les élèves comptent
trois élèves par banc dans un autobus ou les sièges sont à deux places). Plus récemment, des
travaux en didactique des mathématiques se sont développés en prenant comme cadre théorique
celui du sociologue Bernstein sur le discours éducatif. Celui-ci (Bernstein, 2007) défend
l‘hypothèse forte que l’instruction est une institution aux règles spécifiques implicites dont la
172
Claudine Mary et Laurent Theis
maîtrise est la clé du succès scolaire. Gellert (2009), en référence aux concepts de Bernstein de
classification et de cadrage, fait l‘hypothèse que les tâches ou approches « fortement classifiées »
(aux exigences fortes quant au un type de discours attendu) mais « faiblement cadrées » (aux
approches peu directives) sont favorables à créer le clivage entre les élèves qui réussissent et ceux
qui ne réussissent pas. Knipping, Reid & Gellert (2009) cherchent à mettre en évidence les
disparités créées par les implicites dans la classe: plus spécifiquement, ils montrent que le
contexte est subordonné aux mathématiques à enseigner. Dans le processus de
recontextualisation2 des mathématiques, le contexte réel s‘évanouit. Seuls quelques élèves s‘en
rendent compte. Par ailleurs, la notion d‘implicites est au cœur même du contrat didactique défini
comme l‘ensemble des attentes ou obligations mutuelles des élèves et de l‘enseignant à propos du
contenu d‘enseignement-apprentissage (Brousseau, 1996). Si un décalage entre ces différentes
attentes est nécessaire à l‘apprentissage (Sarrazy, 1995), les effets du contrat didactique nuisibles
à l‘apprentissage sont aussi bien documentés. (Schubauer-Leoni, 1986 ; Perrin-Glorian, 1993;
Brousseau et Warfield, 2002).
Ces constats ou résultats peuvent mener à s‘interroger sur le degré d‘implicites souhaitables ou la
nature des implicites en jeu. Toutefois, notre préoccupation est plutôt de mettre en évidence les
décalages dont il est question plus haut pour comprendre les tensions qui s‘exercent entre les
différentes composantes en jeu.
ÉLÉMENTS DU CADRE CONCEPTUEL: POSITION À L’INTERFACE ENTRE
ENSEIGNEMENT ET APPRENTISSAGE
Le cadre d‘analyse que nous utilisons est inspiré de Robert et Rogalski (2002). Il permet
justement de mettre en évidence différents décalages qui éclairent sur les implicites dont sont
potentiellement porteurs les problèmes.
Du cadre d‘analyse des pratiques de Robert et Rogalski (2002), nous retenons les notions de
tâches et d‘activité. Une tâche (prescrite)3 est un « énoncé d‘exercice (ou problème) proposé aux
élèves, dans l‘acceptation mathématique du terme » (Robert, 2001, p.64) ; « le mot d‘activité
désigne ce que les élèves vont faire pour résoudre l‘exercice (avec une partie non visible). »
(Robert, 2001, p.64). Nous retenons également la distinction que les auteurs font entre tâche
prescrite et tâche effective ainsi qu‘entre activités attendues et activités effectives (cf. schéma 1).
2
3
Recontextualisation : processus de remettre en contexte les contenus mathématiques décontextualisés (en référence
à Bernstein, 2007).
Les parties entre parenthèses sont ajoutées par nous.
173
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Schéma 1 : Schéma de l‘activité de l‘enseignant 4
L‘objet de l‘analyse de pratique est l‘activité de l‘enseignant schématisée ci-dessus. L‘enseignant
propose des tâches à ses élèves (des problèmes à résoudre) dans le but de provoquer ou de
consolider un apprentissage. Lors de la conception ou du choix des tâches, l‘enseignante ou
l‘enseignant a des attentes en termes d‘activités mathématiques qu‘il veut provoquer chez ses
élèves compte-tenu de ses objectifs d‘apprentissage. Or, les tâches prescrites (dévoilées dans
l‘énoncé des problèmes) sont potentiellement susceptibles de provoquer des activités différentes
chez les élèves que celles qui sont attendues. Ainsi, les tâches effectivement réalisées par les
élèves peuvent différer de celles proposées par l‘enseignant et les activités effectives des élèves,
par conséquent, différer des activités attendues. Lorsque l‘enseignant constate, par l‘intermédiaire
de l‘activité effective des élèves, que ceux-ci réalisent une tâche différente de celle attendue,
l‘enseignant peut alors, modifier en partie ou en totalité la tâche initiale. L‘analyse de l‘activité de
l‘enseignant en classe consiste à analyser la dynamique de ce schéma.
La différence entre l‘activité attendue de l‘élève et son activité effective peut s‘expliquer au
moins en partie par le potentiel plus ou moins grand d‘activité mathématique possible comptetenu de l‘énoncé du problème; il peut donc y avoir décalage aussi entre ce qu‘il est possible de
faire selon ce qui est annoncé et ce qui est attendu par l‘enseignant ainsi qu‘entre ce qu‘il est
possible de faire et ce qui est effectivement fait par l‘élève. Nous nous distançons donc du
schéma précédent de l‘activité de l‘enseignant pour considérer, en plus du décalage entre
l‘activité attendue et l‘activité effective de l‘élève, les décalages entre ces activités et celles dont
est potentiellement porteur le problème tel qu‘énoncé.
ÉLÉMENTS DE MÉTHODOLOGIE
Inspiré des travaux de Robert et Rogalski (2002), nous avons procédé à une analyse selon trois
dimensions : 1) une analyse a priori des tâches prescrites pour faire émerger ce qu’il est possible
de faire du point de vue de l‘élève selon ce qui est annoncé ; 2) une analyse de l‘activité effective
de l‘élève dans sa partie visible, ce que l’élève fait, à partir des enregistrements vidéos, et 3) une
4
Ce schéma a été conçu par Patricia Marchand, Claudine Mary et Hassane Squalli (ordre alphabétique) lors d‘une
rencontre de travail autour des travaux de Robert et Rogalski.
174
Claudine Mary et Laurent Theis
analyse de ce que l’enseignant attend selon ce qu‘il renforce, encourage ou refuse, réoriente, etc.
Le schéma 2 résume notre méthodologie.
Schéma 2 : schéma de la méthodologie
Ainsi, ce qui nous intéresse, ce sont les décalages entre chacune des parties du schéma. C‘est
dans ces décalages que nous situons les implicites. En effet, les décalages reflètent la part
d‘implicite qui fait que la tâche à réaliser est celle-là et non une autre dans l‘ensemble des
possibilités que le problème offre au départ.
LE PROBLÈME ANALYSÉ : LE LECTEUR MP3
Le problème suivant a été soumis à des élèves de 1ère secondaire.
Julien s‘est acheté un lecteur MP3 de 4 Go. Il a transféré ses disques compacts sur
celui-ci. Présentement, il a 571 chansons dans son lecteur. Lorsqu‘il se rend dans son
menu pour connaître la capacité utilisée, l‘information indique 1,64 Go.
1) Combien de chansons pourra-t-il ajouter dans son lecteur pour atteindre sa
capacité maximale?
2) S‘il veut ajouter 15 photos à la capacité actuelle de son lecteur et qu‘il sait qu‘une
photo peut se situer entre 350 kilooctets et 1200 kilooctets. Combien pourra-t-il
ajouter de chansons pour atteindre sa capacité maximale? Pour avoir une idée de
l‘espace que peut occuper chaque photo, voici un graphique représentant la valeur
de chaque photo.5
5
Dans le cahier de l‘élève, la formulation de la tâche est légèrement différente d‘un endroit à l‘autre. Sur la page
couverture, qui rassemble toutes les questions, seul l‘intervalle est mentionné (Il sait qu‘une photo peut se situer
entre 350 et 1200 kilooctets). Par contre, sur la feuille de réponse, où les questions sont répétées, seul le graphique
est indiqué (Pour avoir une idée de l‘espace que peut occuper chaque photo, voici un graphique représentant la
valeur de chaque photo), mais l‘intervalle ne s‘y retrouve plus.
175
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Valeur en Ko
La valeur des photos en Ko
1200
1000
800
600
400
200
0
1041
997
618
740
584
384
1
2
3
4
5
6
Photos
1) Julien désire conseiller un ami pour l‘achat d‘un lecteur MP3. Son ami veut
insérer 25 CDs de 12 chansons ainsi que 50 photos. (3 choix sont offerts aux
élèves sous forme de pictogrammes : 2 Go pour 169,99$, 4 Go à 229,99$ et 30 Go
à 299,99$)
Un tableau montre comment passer de l‘octet (considéré comme unité) au kilo, au
méga, au giga puis tétra octet et inversement.
Les élèves sont invités à amener leur lecteur MP3.
ANALYSE DES RÉSULTATS
Précisons d‘abord quelques éléments relatifs aux données dont nous disposons. Des entrevues ont
été réalisées auprès des enseignants ou enseignantes de manière à connaître leurs intentions de
façon globale. La séance en classe a été filmée et transcrite sous forme de verbatim. L‘analyse
des données est effectuée à partir du schéma 2.
Le schéma 3 résume brièvement nos résultats selon les trois dimensions : ce qui est possible selon
ce qui est annoncé, ce que l‘enseignant attend d‘après ses médiations en classe et ce que l‘élève
fait effectivement dans la classe.
176
Claudine Mary et Laurent Theis
Schéma 3 : résumé des résultats selon les trois dimensions analysées
Ce qui est possible selon ce qui est annoncé
Une des caractéristiques du problème soumis est qu‘il est fortement ancré dans la réalité. Le
problème traite d‘un lecteur MP 3, en demandant à l‘élève de calculer le nombre de chansons
qu‘il peut y ajouter pour arriver à pleine capacité (en ajoutant seulement des chansons à la
première question ou des chansons et des photos à la deuxième). Par ailleurs, la troisième
question demande à l‘élève de « conseiller un ami » sur l‘achat d‘un lecteur MP3, en fonction du
nombre de chansons et de photos qu‘il veut insérer.
Sur le plan des données disponibles, plusieurs informations numériques très précises sont
données mais aucune information n‘est donnée sur les possibilités du marché, ce qui pourrait être
pertinent pour conseiller un ami.
Comment est-il possible de traiter ce contexte pour un élève ? Des questions se posent sur le type
et la forme des réponses à produire. Faut-il donner une réponse précise ou bien une estimation
suffit-elle comme ce serait le cas dans la vie réelle ? En effet, une estimation pourrait être
satisfaisante pour conseiller un ami (question 3) ou même avoir une idée du nombre de chansons
qu‘il est possible d‘ajouter (questions 1 et 2). À la question 2, faut-il donner une réponse unique
ou bien une réponse sous forme d‘intervalle ? Considérer la taille maximale des photos afin de ne
pas cibler un nombre de chansons trop élevé pourrait être une décision judicieuse, par exemple.
De plus, l‘élève peut s‘interroger sur le meilleur modèle mathématique à utiliser du fait que les
chansons ou les photos occupent un espace variable sur le MP3 : il peut considérer l‘utilisation
d‘un modèle proportionnel ou bien l‘utilisation d‘une moyenne compte-tenu de l‘échantillon de
571 chansons (question 1). Pour la question 3, la tâche de conseiller un ami, dans la vie de tous
les jours, peut soulever un grand nombre de questions. Est-ce qu‘il suffit que la capacité
177
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
corresponde exactement aux nombres de chansons et de photos indiqués ou serait-il plus prudent
de garder de l‘espace pour des chansons ou des photos qui seront installées plus tard sur
l‘appareil ? Que faut-il faire si la capacité d‘aucun appareil sur le marché ne correspond pas
exactement à l‘espace occupé par les 12 CD et les 25 photos ? Est-ce que le budget d‘achat est
illimité ou est-ce qu‘il faut choisir l‘option la moins chère en fonction des critères donnés ? Etc.
D‘un autre côté, comment pourrait-on traiter de ce problème en classe ? On peut imaginer, entre
autres, que les différentes questions qui peuvent se poser aux élèves seraient l‘occasion de
discuter des modèles mathématiques les plus appropriés pour résoudre une situation de la vie
réelle, celle du problème en l‘occurrence. D‘un autre point de vue, cela peut être aussi l‘occasion
d‘utiliser des outils préalablement enseignés, vraisemblablement la moyenne, les procédures
reliés au raisonnement proportionnel, l‘estimation, ou d‘en introduire de nouveaux plus
pertinents.
Ce que l’enseignant attend / Ce que l’élève fait
Selon l‘entrevue qui précède l‘expérimentation, l‘enseignante indique que le problème porte sur
les nombres décimaux et le système international. On peut penser que, du point de vue de
l‘enseignant, l‘activité porte sur la conversion des mesures (octets, kilo octets, méga octets, giga
octet, etc.) et sur les calculs avec nombres décimaux. Ceci semble d‘ailleurs aussi ressortir dans
les transcrits. Pour aller plus finement dans les attentes de l‘enseignant, nous avons analysé les
interactions enseignante-élève : les réactions de l‘enseignante à ce que l‘élève fait est un
indicateur de ce qui est attendu.
Cette analyse permet de faire ressortir différents implicites qui régissent l‘interaction didactique
en classe. Un premier de ces implicites concerne les attentes de l‘enseignante concernant la
précision de la réponse attendue. Même si ce n‘est pas formulé explicitement dans le et qu‘une
estimation pourrait suffire compte-tenu du contexte du problème, l‘enseignante s‘attend à une
réponse exacte et n‘accepte pas d‘estimation, comme en témoigne l‘extrait suivant, qui est
similaire à celui qu‘elle a eu avec plusieurs autres groupes d‘élèves.
Élève : On pense qu‘on a 1327 chansons.
Enseignante : Est-ce que vous êtes arrivés à calculer ?
Élève : Environ là.
Enseignante : Mais avez-vous cherché pour une chanson ?
Élève : Pourquoi ?
Enseignante : Une chanson
Élève : Non.
Enseignante : Qu‘est-ce que vous avez fait ?
Élève : On a genre additionné ça 2 fois, puis on a divisé.
Enseignante : Divisé par quoi ?
Élève : C‘est bien compliqué, M. va expliquer… Mais à la fin, on a fait fois 2,
ensuite on a divisé la réponse, ça a donné…
Enseignante : Ça a donné quoi ?
Élève : Ça a donné 82, ensuite on a additionné les trois.
Enseignante : Mais le 82 c‘est quoi ?
Élève : C‘est pour avoir le plus proche de 4 Go.
Enseignante : Ok, vous y alliez par essai-erreur !
178
Claudine Mary et Laurent Theis
Élève : Oui
M. : Ça a donné 4,10.
E3 : Oui ça a donné 4,10. Ben c‘était pas pire, pis ça a donné la réponse.
Enseignante : Mais vous n‘avez pas la réponse juste là, vous êtes en estimation.
La stratégie de ces élèves est la suivante : pour répondre à la première question, ils ont d‘abord
multiplié 1,64 et 571 par 2 pour trouver que 3,28 Go correspondent à 1142 chansons. Ils ont par
la suite divisé 1,64 et 571 par 2 et ont déterminé que 0,82 Go correspondent à 285 chansons. En
additionnant 3,28 et 0,82 ainsi que 1142 et 285, ils sont arrivés à 1327 6 chansons pour 4,1 Go,
réponse que les élèves considéraient être suffisamment proche de 4 Go pour être acceptable.
L‘extrait montre clairement que l‘enseignante s‘attend à une réponse exacte et qu‘une estimation
n‘est pas suffisante (dernière ligne). D‘ailleurs, elle désigne la démarche des élèves comme étant
de l’essai-erreur .
L‘enseignante s‘attend aussi à une méthode précise. Elle demande aux élèves s‘ils ont calculé
l‘espace occupé par une chanson (4e ligne), puis immédiatement après cet extrait, elle pousse les
élèves à avoir recours à la règle de trois ou au produit croisé (3 e ligne ci-dessous):
Enseignante : vous êtes capables d‘avoir une réponse juste…
Élève : Ben non !
Enseignante : Souvenez-vous des proportions qu‘on a apprises ? La règle de
trois ? Le produit croisé ?
Cette procédure consiste pour l‘enseignante à trouver la taille pour une chanson. Elle insistera à
plusieurs reprises auprès de différents élèves même si la procédure des élèves ne va pas dans ce
sens. Par exemple, des élèves ont divisé 571 par 1,64, ce qui correspond au nombre de chansons
par Go, et malgré cela, l‘enseignante utilise un exemple avec des nombres plus faciles à traiter
(100 chansons à 2 Go) pour leur demander de trouver la taille d’une chanson. Cela déstabilisera
certains élèves.
Pour la deuxième question, la méthode attendue semble consister à faire une moyenne pour
évaluer la taille d‘une photo. En effet, l‘enseignante a fourni un diagramme aux élèves dans
lequel sont inscrites les tailles de 6 photos fictives. Lors du travail d‘une équipe d‘élèves sur ce
diagramme, elle semble les orienter explicitement vers le recours à la moyenne des six données
du diagramme.
Enseignante: 15, combien ils valent les 15 (photos)?
Élève 2: ben ça dépend
Enseignante: ça dépend, ça dépend de quoi? (Elle montre sur la feuille)
Élève 1: ça dépend de... (Elle regarde sur la feuille)
Enseignante: ça dépend des photos? Qu'est-ce que vous allez faire avec ça? Est-ce
que vous pouvez faire une moyenne?
Un peu plus tard, elle fait part de ses exigences très précises concernant la façon d‘arrondir les
nombres obtenus à la suite du calcul de la moyenne. La pertinence d‘utiliser cette moyenne et le
sens de la réponse obtenue ne sont pas discutés.
6
A noter qu‘ici, les élèves ont fait une erreur de calcul, probablement due à une erreur au niveau de la retenue. La
somme correcte devrait être de 1427 chansons pour 4,1 Go.
179
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Les décalages
Ainsi, l‘enseignante semble s‘attendre à l‘utilisation d‘une méthode spécifique et à une réponse
précise sans discussion sur la pertinence des méthodes ni sur le sens à donner aux réponses
obtenues. Le contexte, avec ce qu‘il est pertinent de faire dans ce contexte, n‘est pas non plus pris
en considération. Du côté de l‘élève, différentes méthodes sont mises en œuvre et des réponses
approximatives sont envisagées. Par ailleurs, certains vont directement référer au contexte de la
vie réelle, comme nous le voyons dans l‘extrait ci-dessous :
Élève : Est-ce que la couleur a un rapport là dedans ?
Enseignante : Non
Élève : Est-ce qu‘il y a des iPods gris qui ont moins de chansons ? Des iPods de
couleur…
Cette élève se réfère probablement à la dernière génération d‘appareils, de couleurs différentes et
plus performants que les anciennes versions grises ou blanches.
Il y a donc décalage entre l‘activité potentielle que révèle une analyse a priori du problème et
l‘activité attendue par l‘enseignant ; il y a décalage également entre l‘activité attendue par
l‘enseignant et l‘activité de l‘élève. Quant à l‘activité effective des élèves, on peut constater que
ceux-ci se situent souvent dans le champ d‘action possible que permettrait l‘énoncé du problème.
S‘ils se font rediriger par l‘enseignante, ce n‘est souvent pas parce qu‘ils se situent à côté de
l‘énoncé, mais parce que leurs actions ne correspondent pas aux attentes de l‘enseignante.
CONCLUSION
Les problèmes soumis aux élèves, tels qu‘énoncés, sont porteurs d‘activités potentielles chez les
élèves. Dans le cas analysé, le potentiel d‘activités apparaît plus grand que l‘activité qui est
attendue des élèves par l‘enseignant. Comme le montre l‘analyse, des indices nous permettent de
dire que l‘enseignante réduit le champ des possibilités.
Le décalage observé est lié, en partie tout au moins, aux caractéristiques du problème et en
particulier à son ancrage dans le réel. Cet ancrage dans le réel oblige à réfléchir sur les outils les
plus appropriés pour répondre aux questions posées ce qui n‘est pas fait.
Ainsi, nous pouvons dire que l‘utilisation d‘une méthode consistant à trouver l‘espace d‘une
chanson, le fait qu‘il faille donner une réponse précise et le fait qu‘il ne faut pas considérer les
aspects du contexte, par exemple, sont des attentes implicites de l‘enseignante, au départ, pour le
problème. Nous pouvons traduire ces attentes implicites en deux implicites plus généraux :


Le contexte n‘est pas à prendre en considération dans la résolution du problème
Le choix des outils mathématiques ne se discute pas
Le premier, rejoint les résultats de Knipping, Reid & Gellert (2009) comme quoi le contexte est
subordonné aux mathématiques à enseigner. Le deuxième est lié à l‘activité mathématique de
modélisation qui est complètement absente la discussion dans l‘activité de classe analysée. Dans
cette tendance que l‘on observe dans les programmes d‘études, à valoriser l‘utilisation de
contextes de la vie de tous les jours dans les problèmes proposés aux élèves, il apparaît important
180
Claudine Mary et Laurent Theis
de se pencher sur la question avec les enseignants qui participent à nos formations compte-tenu
de l‘orientation des formations données pas le CREAS.
Pour la suite des travaux, nous nous proposons de poursuivre l‘analyse de notre corpus de
données pour répondre aux questions suivantes :



Les décalages sont-ils toujours dans le même sens (celui d‘une réduction du potentiel en
termes d‘activité)?
Peut-on tous les interpréter en termes d‘implicites?
Si oui, ces implicites sont-ils toujours les mêmes?
En terminant, précisions que les médiations de l‘enseignante, consistant à suggérer la méthode à
utiliser ou à exiger une réponse précise, peuvent être interprétées comme une façon de réduire le
décalage entre ce qu‘elle attend et ce que l‘élève fait pour solutionner une difficulté
d‘enseignement ou pour répondre au besoin d‘avancement du temps didactique. Toutefois, nous
faisons l‘hypothèse que dans cette situation-ci, le décalage le plus grand est entre le potentiel
qu‘offre l‘énoncé et le problème tel que le conçoit l‘enseignant. Ce décalage pourrait être
spécifique au type de tâches en jeu, des tâches complexes avec ancrage dans le réel.
RÉFÉRENCES
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Québec : Presses de l‘Université Laval.
BROUSSEAU, G. (1996). Fondements et méthodes de la didactique des mathématiques. In J. Brun (éd.):
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181
De quel contexte parle-t-on ? Une entrée sur les « mathématiques
professionnelles » des enseignants
Nadine Bednarz et Jérôme Proulx
GREFEM – Groupe de recherche sur la formation à l’enseignement des
mathématiques
Université du Québec à Montréal
RÉSUMÉ. Nos projets de recherche en cours, centrés sur le développement d‘approches
possibles de formation mathématique des enseignants en lien avec leur pratique professionnelle,
nous ont amenés graduellement à nous intéresser à la nature des mathématiques mobilisées par
les enseignants au travail. Nous revenons plus particulièrement dans ce texte sur une des
caractéristiques de ces mathématiques au travail (leur caractère situé et leur ancrage en contexte),
en montrant plus spécifiquement comment le contexte agit comme une ressource structurante des
significations mathématiques élaborées par l‘enseignant dans l‘action.
INTRODUCTION
Les programmes de formation des enseignants au Québec, dans leurs intentions tout au moins,
ont repris clairement à leur compte une visée de professionnalisation, en insistant sur la
reconnaissance du caractère professionnel de l‘acte d‘enseigner. La formation d‘un professionnel
de l‘intervention en enseignement des mathématiques se veut ainsi le pivot central d‘une
formation professionnelle initiale universitaire de 4 ans. Cette finalité n‘est pas sans
conséquences, comme nous l‘avons montré antérieurement (Bednarz et Perrin-Glorian, 2003) sur
les diverses composantes de cette formation. Elle suppose notamment que soit pensée
l‘articulation de ces diverses composantes avec la pratique professionnelle du futur enseignant.
La composante mathématique de cette formation, en particulier, n‘échappe pas à ce besoin
d‘articulation. Répondre à la visée de professionnalisation renvoie ainsi dans ce cas à un certain
nombre de questions: quelles mathématiques (autant sur le plan du contenu que des pratiques)
sont pertinentes pour la formation d‘un futur professionnel de l‘intervention en enseignement des
mathématiques ? Comment penser l‘articulation de cette formation avec la pratique
professionnelle d‘enseignement des mathématiques de ces futurs enseignants? Quelles approches
sont possibles pour « rapprocher » cette formation mathématique de la pratique professionnelle
en enseignement des mathématiques?1
Ce questionnement est au centre de nos intérêts de recherche et de projets de recherche en cours
(Bednarz et Proulx, 2010 ; Proulx et Bednarz, 2009, 2010-b). Nos réflexions nous ont conduit
progressivement à voir la nécessité de mieux cerner la spécificité des mathématiques mobilisées
par les enseignants, telle qu‘elles se vivent au quotidien de leur travail, et ce de manière à pouvoir
fonder à plus long terme des approches possibles de formation (initiale et continue) mieux
1
Les analyses que nous avons conduites antérieurement mettent en évidence, avec d‘autres chercheurs dans le
monde, les discontinuités, voire les ruptures, entre les expériences mathématiques que vivent les futurs
enseignants dans cette formation et les expériences mathématiques qu‘ils auront à vivre dans leur pratique
professionnelle (Proulx et Bednarz, 2010-a; Moreira et David, 2005, 2008).
Nadine Bednarz et Jérôme Proulx
articulées sur cette pratique professionnelle. C‘est sur ce travail parallèle de conceptualisation (en
cours) que nous revenons dans cet article.
1. UNE PREMIÈRE
L’ENSEIGNANT
CONCEPTUALISATION
DES
MATHÉMATIQUES
DE
On pourrait être tenté de faire la correspondance entre les mathématiques de l‘enseignant (celles
qu‘il mobilise au travail dans ses différentes tâches) et les mathématiques qu‘il enseigne aux
élèves (le contenu du curriculum qu‘il aborde), puisque sa fonction première est celle d‘enseigner
les mathématiques aux élèves. Ces mathématiques scolaires agissent bien sûr comme ressource
structurante (Lave, 1988) dans cette pratique mathématique des enseignants au travail, comme
nous le verrons dans les illustrations reprises par la suite, mais elles ne sont en aucun cas
restreintes à celles-ci.
La réflexion que nous avons amorcée sur ces mathématiques mobilisées en contexte de travail par
l‘enseignant nous a conduit à une première conceptualisation de ce que signifie « connaître et
utiliser les mathématiques dans l‘enseignement des mathématiques» (Bednarz et Proulx, 2009-a).
Cette conceptualisation, dont nous reprenons ci-dessous les grandes lignes, prend appui sur des
données issues de recherches collaboratives menées depuis plusieurs années avec des enseignants
(voir entre autres Bednarz, 2004, 2009 ; Saboya, 2010), qui permettent de mettre en évidence les
connaissances et pratiques mises à contribution par les enseignants dans l‘élaboration, la
réalisation de situations d‘enseignement ou le retour sur celles-ci.
Quatre caractéristiques fondamentales de ces mathématiques au travail ressortent de cette
analyse. (1) Le caractère imbriqué de ces connaissances. Pour l‘enseignant, une situation donnée
puise simultanément à diverses ressources : didactiques, pédagogiques, mathématiques, voire
même institutionnelles. Ces dimensions sont constamment prises en compte dans la
compréhension de la situation par l‘enseignant, faisant ressortir le caractère imbriqué des
connaissances mathématiques mobilisées, qui ne sont jamais seulement mathématiques. (2) La
nature de ces connaissances, de l‘ordre d‘un savoir-agir ou de connaissances-en-acte. Ce sont des
connaissances qui se déploient et se développent dans l‘action en lien avec les tâches effectives
réalisées par l‘enseignant (par exemple, le choix de problèmes et d‘activités à donner aux élèves;
la mise en route d‘une activité par les élèves; le choix de productions des élèves à des fins de
retour sur celles-ci; le retour collectif sur les solutions; ou encore la correction de devoirs ou
travaux d‘élèves). (3) Le caractère situé de ces connaissances. Pour l‘enseignant, une situation
mathématique est toujours enracinée dans un contexte d‘enseignement et d‘apprentissage et est
interprétée tout naturellement en lien avec ce contexte. (4) Le caractère imprévisible et émergent
de ces connaissances, nécessitant pour l‘enseignant la capacité de réagir sur le moment (ce que
Mason et Spence, 1999, appellent « knowing-to act in the moment »). L‘enseignant est appelé à
s‘adapter en temps réel à la situation, il doit s‘inventer des réponses sur le coup, lorsque par
exemple il interagît avec les élèves sur leurs questions et compréhensions ou lorsque la
dynamique de classe l‘oblige à sortir de sa planification habituelle.
C‘est sur la nature située de ces mathématiques au travail, sur l‘ancrage des significations
mathématiques élaborées en contexte, que nous nous attardons plus particulièrement dans la suite
de ce texte.
183
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Les données utilisées comme illustration pour montrer cet ancrage en contexte des connaissances
mathématiques des enseignants, et le rôle que joue le contexte, proviennent de deux sources :
d‘une part, des extraits provenant d‘une recherche collaborative qui nous permettent d‘entrer sur
les mathématiques mobilisées en action dans une situation d‘enseignement en classe (Saboya,
2010) ; d‘autre part, un extrait provenant d‘un projet de recherche-formation (en cours) avec un
groupe d‘enseignants du secondaire, qui nous permet de mettre en évidence les mathématiques
sous-jacentes aux choix professionnels que font les enseignants au quotidien de leur pratique.
2. UN ANCRAGE DES SIGNIFICATIONS MATHÉMATIQUES EN CONTEXTE :
DEUX ILLUSTRATIONS
Les deux illustrations suivantes visent pour nous avant tout à sensibiliser le lecteur à la nature des
mathématiques mobilisées in situ par l‘enseignant. Toutefois, des précautions s‘imposent d‘entrée
de jeu. Le lecteur se doit, pour pouvoir véritablement se prêter au jeu auquel nous voulons le
convier, de prendre une distance par rapport à des a priori susceptibles d‘être des obstacles à
cette entrée. En premier lieu, il nous semble important que le lecteur évite de porter un regard sur
l‘élève et son apprentissage au regard de ce qui est enseigné. Nous ne sommes en effet pas du
tout sur l‘élève, c‘est plutôt l‘enseignant qui nous intéresse dans cette analyse et notre analyse
porte sur les connaissances qu‘il mobilise dans cette activité professionnelle in situ. En deuxième
lieu, le lecteur doit aussi éviter d‘avoir un regard a priori sur les contenus mathématiques
travaillés à l‘intérieur des extraits cités : il ne s‘agit pas en effet pour nous de juger de la
pertinence ou de la « qualité » des mathématiques activées au travail par l‘enseignant, mais bien
d‘en comprendre leur nature.
2.1 Une première illustration : le travail des exposants
La première illustration est issue d‘une recherche collaborative portant sur l‘élaboration de
situations d‘enseignement visant le développement d‘une activité de contrôle en mathématiques
(Saboya, 2010). Elle reprend deux vignettes d‘enseignement autour du travail sur l‘écriture
exponentielle. Nadia, l‘enseignante de secondaire 3 impliquée dans cette recherche a donné à ses
élèves différentes expressions avec des exposants à simplifier. Nous revenons ci-dessous, en
parallèle, sur le retour en classe sur deux de ces exercices, de manière à mieux dégager par la
suite la nature des connaissances-en-acte mobilisées dans ce retour.
Extrait 1
(Retour avec les élèves sur
10 5  10 8  10
)
10 2
Laure : Bon, je ne suis pas certaine,
mais ce que je ferais est 10 à la 5, donc 5
moins 2 puis 8 moins 2 puis 10 … 10 à
la 1 moins 2. Maintenant, je ne peux pas
les mettre ensemble parce que c‘est des
additions parce que la loi des exposants
184
Extrait 2
(Retour avec les élèves sur
10 4  10 5
)
10 2  10 3
10 4  10 5
Nadia : 2
, on ne peut rien faire
10  10 3
avec ça. Ça reste comme ça, on ne peut
rien faire.
Lidia : Pourquoi ça ne…
Nadia : Quand c‘est des « plus » qu‘il y a
Nadine Bednarz et Jérôme Proulx
ne marche pas, donc ça ferait 10 à la 3
plus 10 à la 6 plus 10 à la moins 1.
entre les deux on laisse ça comme ça, on
ne peut rien faire.
Marc : Est-ce qu‘on peut écrire 1013?
France : On peut séparer…
D’autres élèves : Non parce que c‘est
des « plus ».
Nadia : Non on ne peut pas séparer ça…
Nadia : Tu vois il y a un plus, et qu‘estce qu‘on avait dit dans ce temps là « il y
a un "plus" qui gâche le party. » Le plus
m‘empêche de tout mettre ensemble.
Marie : Est-ce que ça ça veut dire que
10 5 108 10
c‘est égal à 2  2  2 ?
10 10 10
Nadia : Quand j‘ai quelque chose
comme ça (elle montre le deuxième
morceau), quand j‘ai une somme de ce
genre sur un dénominateur, c‘est comme
si j‘avais coupé la fraction en trois. Dans
le fond ici c‘est le même principe :
10 5  10 8  10 10 5 10 8 10
 2  2  2.
10 2
10 10 10
Fred : Au lieu de 1/10 on pourrait écrire
« – 10 ».
Nadia : Vous voyez, il y en a qui ont
commencé à dire que c‘est « – 10 » ou
que c‘est « moins quelque chose ». C‘est
pour ça que je ne veux pas d‘exposants
négatifs, parce que vous vous trompez et
ça ne marche pas.
France : Ah non?
Nadia : Là si tu le sépares ça fait
10 4 10 5

. Ça veut dire que lorsque tu
10 2 10 3
additionnes des fractions, tu additionnes
en haut et en bas. Est-ce qu‘on a le droit?
France : Non.
Nadia : Non, donc quand tu sépares ça
en deux, c‘est ça que tu fais.
Anne-Julie : Mais est-ce qu‘on peut
10 4
faire juste 2 ?
10
Nadia : Non. Qu‘est-ce que tu fais quand
10 4 10 5
tu fais ça là 2  3 . C‘est ça que tu
10
10
as fait Anne-Julie?
Anne-Julie : Oui.
Nadia : Ça ne marche pas ça, parce que
quand tu me dis que tu additionnes deux
fractions, tu additionnes en haut et tu
additionnes en bas.
Carmen : Mais elles sont additionnables
les fractions.
Nadia : Elles sont additionnables, mais
uniquement lorsqu‘elles ont le même
dénominateur.
Ces vignettes permettent de faire ressortir les connaissances-en-acte, imbriquées, mobilisées par
l‘enseignante dans ce retour en classe :
(1) Un regard dans l’action sur le type d’expression numérique/algébrique en jeu et sa structure
(focalisant sur la structure additive de celle-ci, et pas seulement multiplicative), guidée par une
sensibilité de l‘enseignante aux erreurs des élèves – des erreurs que l‘on voit effectivement
apparaître dans les deux extraits (voir la question de Marc dans l‘extrait 1 ; voir aussi ce qui est
avancé par France dans l‘extrait 2 avec l‘idée de « on peut séparer… »). Ce regard sur la structure
additive de l‘expression apparaît à différents endroits dans les deux vignettes (voir extrait 1 « il y
185
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
a un "plus" qui gâche le party », ou encore « ça ne marche pas ça, parce que quand tu me dis que
tu additionnes… » dans l‘extrait 2). Il va amener Nadia, dans l‘action, à dire que l‘on ne peut
simplifier l‘expression et que cela « reste comme ça » (voir extrait 2). Toutefois, ceci ne veut pas
dire du tout que l‘enseignante ne voit pas que c‘est simplifiable ou qu‘elle ne perçoit pas la
structure multiplicative sous-jacente. La discussion que Nadia aura avec la chercheure lors d‘une
rencontre réflexive préalable à cette séance en classe le montre bien :
a2  a3
Nadia explicitera à propos de 5
:
a  a2
a  a2
. Et là on
a4  a
1 a
regarde est-ce qu‘on peut encore simplifier ? Je redivise encore par a. Je vais avoir 3
a 1
et là je ne peux plus rien faire. Et j‘ai toujours le « plus » qui est là, on ne peut plus
simplifier. Moi je pense que cette approche permettrait de contourner le problème (sousjacent les erreurs que les élèves font avec la simplification d‘expressions)».
« Je divise par a en haut et en bas mais j‘ai a 2  a 3 , donc ça va faire
Sa décision, dans les vignettes ci-dessus, est en fait guidée sur le moment par son intention de
prendre en compte les erreurs des élèves. La connaissance-en-acte mobilisée met ainsi en jeu des
dimensions mathématiques et didactiques, fines et fortement imbriquées.
(2) Une conceptualisation des expressions avec exposants par ailleurs guidée dans l’action par
un parallèle avec les fractions (explicitée dans la décomposition additive de l‘expression dans
l‘extrait 1, et dans la référence nécessaire à un même dénominateur dans l‘extrait 2). Ce parallèle
sera d‘ailleurs confirmé dans la rencontre réflexive avec la chercheure.
Nadia a retenu le parallèle avec les fractions comme quelque chose d‘intéressant. Elle teste
alors cette explication sur un exemple :
10 4  10 5
10 4  10 5 10 4 10 5


 10 2  10 2  10 4 ».
,
certains
élèves
vont
écrire
10 2  10 3
10 2  10 3 10 2 10 3
Nadia précise ensuite qu‘il est possible d‘intervenir auprès des élèves sur l‘égalité fausse
10 4  10 5 10 4 10 5


de la façon suivante :
10 2  10 3 10 2 10 3
« Si on a
« Ce ne sont pas des dénominateurs communs. Si on revient en arrière, vous êtes en train de
dire que quand on additionne des fractions, on additionne les numérateurs et les
dénominateurs entre eux ».
(3) Un passage dans l’action entre les expressions numériques et algébriques, qui met en
évidence des liens pour l‘enseignante entre ces deux domaines : elle s‘appuie sur une
compréhension du travail sur les expressions numériques pour le travail sur les expressions
algébriques, comme on le voit bien dans les extraits précédents.
186
Nadine Bednarz et Jérôme Proulx
(4) Une prise en compte de notations possibles. On observe en effet dans l‘action le retrait
temporaire (volontaire) de certaines notations par l‘enseignante, telle celle de l‘exposant négatif
pour contrer là encore une erreur qu‘elle a repérée chez les élèves (voir extrait 1, « -10 » au lieu
de « 1/10 »).
Ainsi, ces extraits montrent bien que des connaissances imbriquées sont en jeu in situ. Les
ressources activées pour réagir dans l‘action, sur le moment (aux questions d‘élèves, aux erreurs
qui se manifestent, etc.) ne sont jamais que purement mathématiques : elles sont toujours
imbriquées, au croisement donc de plusieurs dimensions. Des dimensions mathématiques et
didactiques sont ici en jeu, elles forment un tout et ne sont pas du séparables pour l‘enseignante
(voir aussi Proulx, 2008). Ces extraits permettent par ailleurs de montrer le rôle que joue le
contexte, qui agit pour cette enseignante comme ressource structurante dans les pratiques
mathématiques mobilisées en action. Le fait, par exemple, de décider dans l‘action (voir extrait 2)
de ne pas simplifier, de ne pas aller plus loin, de ne pas faire apparaître un facteur commun est
enraciné en contexte. C‘est le contexte, plus précisément ici les erreurs des élèves, qui façonne
les décisions prises et les connaissances « mathématiques » mobilisées : un regard méta sur le
type d‘expression numérique et algébrique en jeu et leur structure, leur développement,
simplification possible s‘appuyant sur une analyse fine d‘un ensemble des erreurs.
2.2 Une deuxième illustration : la forme des expressions algébriques
La seconde illustration provient d‘un projet de recherche-formation en cours. Les données sont
issues d‘une des rencontres réflexives (au départ du projet) avec un groupe d‘enseignants du
secondaire (9 enseignants de secondaire 1 à 5). Elle concerne une composante importante des
mathématiques en usage au travail, soit celle des notations symboliques, et met de plus en
évidence la délibération autour de choix professionnels dans lesquels des connaissances sont
mobilisées concernant la façon d‘exprimer les expressions algébriques.
Après avoir exploré un certain nombre de tâches autour des fractions, une discussion est initiée
par deux enseignantes de secondaire 2 concernant une tâche d‘évaluation récemment passée aux
élèves de secondaire 2 de leur école en lien avec l‘expression algébrique (2x  1) . Les enseignants
4
seront ici amenés à expliciter à ce propos ce qu‘ils voient sous les notations et leurs attentes
d‘enseignants par rapport à leurs élèves.

Marie (secondaire 2) : J‘aimerais qu‘ils m‘écrivent l‘expression (2x+1)/4 en utilisant le symbole
de division (), parce que j‘ai travaillé avec eux en classe la division d‘un polynôme par une
constante. Donc, je voudrais voir (2x+1)  4 = (2x4) + (14). Je m‘attendrais à ce que dans cette
question d‘examen ils utilisent le symbole de division et qu‘ils fassent le passage (dans la
notation) à la division.
[Elle dira plus tard « je ne veux pas voir x2 dans un résultat, mais bien x/2 ». Et, dans
l‘interaction avec les autres enseignants du groupe qui la questionnent sur ce choix, elle dira :
« sauf dans les cas où nous avons x/2  x/3, je ne veux pas voir
2
3
1
4
parce là il y a une possible
confusion pour les élèves s‘ils transforment le signe de division en barre de fraction (par
2
2
1
exemple, 3 est 3  4 et non 2  3 1 4 )»
1



4

187
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Clara (secondaire 2 et 4) : J‘aimerais que les élèves dans cette question m‘écrivent ½x + ¼, parce
que je veux préparer mes élèves à la forme générale utilisée pour la fonction linéaire.
Déjà, à travers cette discussion, on peut entrevoir les réflexions engagées par les enseignantes
d‘un même niveau scolaire autour d‘une notation en algèbre et de sa signification possible,
justifiant des choix d‘aller vers tel développement plutôt que tel autre (barre de fraction, division,
forme générale d‘une fonction linéaire, conventions d‘écriture en algèbre et en arithmétique,
etc.). Ces significations sont profondément ancrées dans leur contexte de travail : la façon
d‘exprimer le résultat est guidée soit par la finalité du travail en algèbre fait dans leur classe (par
le travail sur la division de polynômes; par la préparation au travail ultérieur sur les fonctions
linéaires) mais aussi par le besoin de prévenir une possible confusion de la part des élèves dans
des notations plus complexes (telles x/2/x/3).
Par la suite, les autres enseignants du groupe vont à leur tour réagir et expliciter les choix qu‘ils
feraient comme enseignants concernant les réponses attendues/voulues chez leurs élèves.
Cathy (secondaire 1) : J‘utiliserais aussi dans ce cas le symbole de division (), même si je
n‘enseigne pas l‘algèbre comme telle en secondaire 1. Pour moi, le but serait que mes étudiants
reconnaissent
cette
opération
dans
une
telle
notation
et
ses
propriétés
(2  51 1)  4  (2  51)  4  (1 4) .
Sandra (secondaire 3) : Avec (2x  1) , je continuerais avec mes élèves. J‘écrirais
4
2x  1  x  1 parce que je veux qu‘ils voient le taux de variation dans l‘expression obtenue.

4
4
2
4
Jerry et Robert (secondaire 4 et 5) : J‘écrirais 2(x  1 2) pour mettre en évidence les paramètres
 à ces paramètres.
et les transformations associées

On peut voir de nouveau dans cet extrait comment les mathématiques mobilisées par les
enseignants dans cette discussion, autour des notations algébriques, sont finement articulées sur
leur activité professionnelle en contexte et sur leurs finalités comme enseignants. Les
mathématiques de ces enseignants sont en quelque sorte façonnées par leur activité
professionnelle. Ce contexte (référence à la situation d‘enseignement à un niveau donné, aux
confusions possibles des élèves, aux aspects que l‘on veut mettre en évidence, etc.) agit comme
une ressource structurante, qui façonne les connaissances mathématiques mobilisées in situ. Ce
contexte est aussi façonné en retour par ce travail fait par l‘enseignant : le contexte n‘est pas
statique et évolue. De plus, ce contexte fait ressortir la richesse des interprétations mathématiques
possibles pour une même notation, alors que la perspective de chacun des enseignants met en
évidence différents sens à une expression pourtant perçue comme étant simple : (2x  1) . On y
4
voit en effet apparaître la notion de division, de forme générale associée à une fonction linéaire,
de taux de variation, de paramètres dans la notation et de transformations, de respect de
conventions d‘écriture, etc.

188
Nadine Bednarz et Jérôme Proulx
REMARQUES ADDITIONNELLES ET FINALES
Les analyses précédentes nous montrent que les connaissances mathématiques utilisées en action
par ces enseignants, pour manipuler des expressions numériques ou algébriques avec exposants
(1ère illustration), ou en lien avec le travail sur les notations en algèbre (2ème illustration), font
appel à une connaissance intime de l‘expression elle-même : sa structure (des expressions avec
exposants avec additions ou non, avec additions ou non au dénominateur, impliquant des
exposants négatifs, etc. ); sa signification possible lorsqu‘elle réfère à une notation fractionnaire
(la division, les fonctions linéaires, le taux de variation, les paramètres, etc.) ; des significations
construites en contexte inter-reliées à une connaissance des difficultés et des confusions possibles
des élèves, à une sensibilité aux erreurs que font les élèves dans de telles expressions, à des
intentions de prendre en compte ces erreurs, de les prévenir, ou à certaines finalités (mettre en
évidence le taux de variation, le fait qu‘il s‘agit d‘une fonction linéaire, le besoin de respecter
certaines conventions d‘écriture, etc.). Le fait par exemple que Nadia ne poursuive pas la
simplification (extrait 2), même si cela eut été possible, est lié à l‘intention de prendre en compte
certaines erreurs d‘élèves – ce qui change complètement l‘entrée mathématique et la nature des
explications mathématiques offertes aux élèves. Cette intention façonne la façon dont elle agit, de
sorte que la mise en évidence d‘un facteur commun au numérateur et au dénominateur ne sera pas
utilisée, pas plus qu‘elle n‘ira vers le développement ou le calcul des exposants proposés.
Nos résultats rejoignent ceux d‘autres études ethnographiques portant sur les mathématiques au
travail, menées auprès d‘autres groupes professionnels (Noss et al., 2002, 1996 ; Pozzi et al.,
1998). Ainsi, de la même façon que chez les infirmières, par exemple, les stratégies utilisées pour
calculer le dosage de médicaments à administrer au patient sont ancrées dans une connaissance
du médicament lui-même (type de médicament, contraintes d‘emballage, etc.), les connaissances
en acte mobilisées chez les enseignants in situ sont intimement liées à leur activité
professionnelle, à leur connaissance des élèves, aux intentions qu‘ils poursuivent, etc. Au coeur
de la pratique professionnelle d‘un enseignant se trouve donc une connaissance spécifique,
enracinée en contexte, et composée de dimensions multiples imbriquées. Une constante
négociation entre l‘activité professionnelle de l‘enseignant et les mathématiques en usage y est
présente, de sorte que les connaissances en acte mobilisées sont adaptées à la situation locale
rencontrée.
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190
Attitudes de futurs enseignants du primaire par rapport à la résolution de
problèmes mathématiques : quelques résultats d’une recherche effectuée dans
le cadre d’un cours de mathématiques à l’université
Isabelle Arsenault
Université de Moncton
Caroline Lajoie
GREFEM, UQAM
RÉSUMÉ. Les attitudes qu‘adoptent les élèves à l‘égard des mathématiques sont parfois
influencées par celles de leurs enseignants. Or, plusieurs recherches suggèrent que les attitudes
des futurs maîtres du primaire à l‘égard des mathématiques sont souvent négatives, un constat
que font aussi plusieurs formateurs. Nous nous sommes donc attardées à ces attitudes, plus
particulièrement en fait à celles en lien avec la résolution de problèmes mathématiques, chez un
groupe de futurs maîtres du primaire. Nous présenterons dans ce qui suit notre problématique,
notre cadre théorique et notre méthode de recherche, pour ensuite présenter nos résultats de
recherche et conclure.
PROBLÉMATIQUE
Les attitudes des futurs maîtres du primaire à l'égard des mathématiques dont font état les
formateurs et les chercheurs sont souvent négatives. Ainsi, il n‘est pas rare de lire que de
nombreux futurs enseignants du primaire trouvent les mathématiques difficiles, qu‘ils n‘aiment
pas cette discipline ou encore qu‘ils ont une faible estime de leur compétence en mathématiques
(Ball, 1990, Gellert, 2000, Philippou et Christou, 1998, Ruffell, Mason et Allen, 1998 et Theis et
al., 2007). Plusieurs de ces formateurs et chercheurs vont même jusqu‘à suggérer que plusieurs
futurs enseignants du primaire souffrent d‘anxiété dans les cours de mathématiques ou même
qu‘ils présentent plusieurs signes d'une mathophobie sérieuse. Si ces attitudes sont
préoccupantes, plusieurs des idées entretenues par les futurs enseignants du primaire à l‘égard des
mathématiques le sont tout autant. Ainsi, il semblerait que pour plusieurs, les mathématiques
consistent en un ensemble de règles et de procédures à appliquer, plutôt qu‘en une discipline où
le raisonnement et la généralisation sont importants (Ernest, 1989 et Foss et Kleinsasser, 1996,
dans Schuck, 1997).
Suivant divers travaux de recherche, les attitudes qu‘adoptent les enseignants par rapport aux
mathématiques influenceraient celles qu‘adopteront leurs élèves (Australian Education Council,
1991 et National Council of Teachers of Mathematics, 1989, dans Schuck, 1997, Phillips, 1973 et
Aiken, 1970, dans McMillan, 1976). Ces attitudes joueraient un rôle aussi sur les pratiques
d‘enseignement privilégiées (Bush, 1989, Ernest, 1988, dans Thompson, 1992, Gellert, 2000),
des attitudes négatives entraînant souvent un enseignement axé davantage sur les règles et les
procédures que sur la résolution de problèmes et la compréhension de concepts (Bush, 1989,
Carroll, 1995 et Schuck, 1995, dans Gellert, 2000).
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
La formation initiale apparaît comme un terrain propice pour modifier les attitudes des futurs
maîtres. Cependant, comme le remarque (Bishop, 2001), la modification d‘attitudes n‘est pas
facile et nécessite un certain temps. Certaines recherches suggèrent tout de même que la
formation didactique et les stages peuvent avoir une influence sur les attitudes des futurs
enseignants (Collier, 1972 et Hilton, 1970, dans Kulm, 1980, Reys et Delon, 1988, dans
Philippou et Christou, 1998). D‘autres recherches suggèrent quant à elles que la résolution de
problèmes mathématiques pourrait aider à diminuer le niveau d‘anxiété chez les étudiants, tout en
aidant à augmenter la confiance en soi, la persévérance et l‘intérêt à l‘égard des mathématiques.
La résolution de problèmes pourrait aussi aider les futurs maîtres à abandonner l‘idée que les
mathématiques ne sont qu'un amas de règles apprises par cœur et pourrait permettre aux
apprenants de chercher le pourquoi derrière des notions apprises (Mohammed Yusof et Tall,
1999, Owens et al., 1998 et Szydlik, Szydlik et Benson, 2003).
Étant donné que la résolution de problèmes occupe une place importante dans les programmes
d'étude actuels en mathématiques (MELS, 2001, 2004; MÉNB, 2000), nous avons cru bon nous
attarder spécifiquement, dans le cadre de cette recherche, aux attitudes de futurs enseignants du
primaire à l'égard de la résolution de problèmes. De manière plus précise, nous avons cherché,
dans un premier temps, à prendre connaissance de ces attitudes et, dans un deuxième temps, à
suivre l‘évolution de ces attitudes au fil d'un cours de mathématiques comportant une activité
récurrente de résolution de problèmes.
CADRE CONCEPTUEL
Les concepts-clés que nous sentons le besoin de définir ici sont ceux d‘« attitude » et de
« problème ». Pour ce faire, nous référons au travail d‘Arsenault (2008), qui s‘est elle-même
inspirée de divers auteurs en didactique des mathématiques.
Attitudes
Selon Arsenault (2008), une personne adopte une attitude, de manière consciente ou non, à partir
de ses connaissances et expériences antérieures, et cette attitude se manifeste dans son
comportement :
« (…) une attitude, selon nous, est un état d‘esprit, ce qui inclut les croyances, les
perceptions et les sentiments, qu‘un individu adopte par rapport à une personne,
une situation, une idée, un objet ou autre (Lafortune et St-Pierre, 1994). Cette
disposition intérieure peut être influencée par ses expériences antérieures et ses
connaissances (Allport, 1935) et elle se manifeste dans les comportements de la
personne, qu‘ils soient favorables ou non (Lafortune et St-Pierre, 1994).
Cependant, l‘individu n‘est pas toujours conscient des attitudes qu‘il adopte
(Bloom, Hastings et Madaus, 1971, dans Kulm, 1980) » (Arsenault, 2008, p. 25).
À l‘instar de Simon et Schifter (1993), nous considérons qu‘une attitude peut être d‘ordre affectif,
cognitif ou social. Les attitudes d‘ordre affectif (telles que la joie ou la frustration ressentie en
cours de résolution de problèmes) sont reliées aux sentiments, les attitudes cognitives (telles que
l‘idée suivant laquelle la mémorisation est importante en résolution de problèmes) sont liées à des
croyances et des perceptions, et les attitudes sociales sont liées en particulier aux relations avec
les autres.
192
Isabelle Arsenault et Caroline Lajoie
Problèmes
La notion de problème apparaît dans plusieurs écrits en didactique des mathématiques. Si la
plupart des auteurs s‘entendent pour distinguer un problème d‘un exercice, tous ne s‘entendent
pas sur les conditions que doit satisfaire un problème (Lajoie et Bednarz, sous presse). Nous
reprenons ici les conditions retenues par Arsenault (2008). Un problème peut précéder ou suivre
l‘enseignement, tout dépendant si l‘apprentissage visé est en lien avec la construction de
nouvelles connaissances mathématiques (Astolfi, 1993, MEQ, 2001, Pallascio, 2005), avec
l‘établissement de liens entre des connaissances antérieures (Charnay, 1992-1993) ou avec
l‘élaboration de nouvelles méthodes de résolution (Arsac, Germain et Mante, 1988, dans
Charnay, 1992-1993). Un problème présente un défi à la portée de l‘élève (MEQ, 2001, Astolfi,
1993, MENB, 2000) et les moyens de la solution ne sont pas connus a priori de l‘élève (Astolfi,
1993, MEQ, 2001, NCTM, 2000). Quant aux conseils relatifs à l‘utilisation des problèmes dans
l‘enseignement des mathématiques, nous retenons les suivants, qui ont été pris en compte dans le
choix des problèmes utilisés dans la présente recherche. D‘abord, l‘élève doit faire face à des
problèmes dont les contextes et contenus mathématiques varient (MEQ, 2001, MENB, 2000,
NCTM, 2000), des problèmes aussi qui appellent différentes méthodes de résolution, des
problèmes divers quant au nombre de leurs solutions (aucune, une seule, plusieurs, …) (NCTM,
2004, MEQ, 2004), et des problèmes enfin qui rendent possible la validation de la solution par
l‘élève lui-même (plutôt que par l‘enseignant) (MENB, 2000, MEQ, 2001).
MÉTHODE DE RECHERCHE
Notre expérimentation a eu lieu au cours de la session d‘hiver 2006, dans un cours obligatoire de
mathématiques destiné aux futurs enseignants du primaire à l‘Université de Moncton, au
Nouveau-Brunswick. Ce cours est le deuxième d‘une série de quatre ou cinq cours obligatoires
(dépendant de la spécialisation choisie par l‘étudiant, soit maternelle - 4e année ou 5e- 8e année).
Quatre-vingt-quinze étudiants étaient alors inscrits au cours, et ils étaient répartis dans deux
groupes, tous deux sous la responsabilité d‘une des chercheuses.
Au cours de la session d‘hiver 2006, pour les besoins de notre recherche, une activité de
résolution de problèmes a été intégrée à notre cours. Cette activité a pris la forme d‘un journal de
bord dédié à la résolution de problèmes, que les étudiants devaient alimenter régulièrement,
semaine après semaine, tout au long de la session. En fait, à chaque semaine, des problèmes
étaient proposés aux étudiants et ceux-ci devaient les résoudre en laissant toutes les traces de
leurs démarches dans leur journal de bord. De plus, les étudiants devaient aussi y écrire ce qu‘ils
ressentaient en cours de résolution et ils devaient répondre à même leur journal de bord à
quelques questions visant à connaître leur niveau de confiance en regard de chaque problème,
leur appréciation des problèmes, le temps consacré à leur résolution, etc. Enfin, au début et à la
fin de la session, deux questionnaires portant sur les attitudes affectives, cognitives et sociales
ciblées lors de l‘élaboration du projet ont été intégrés au journal de bord. Ces questionnaires
visaient, d‘une part, à faire prendre conscience aux étudiants de leurs attitudes à l‘égard de la
résolution de problèmes, et, d‘autre part, à mieux percevoir de notre côté une évolution éventuelle
de ces attitudes au cours de la session.
Nous avons attendu que la session soit terminée pour solliciter la participation de nos étudiants à
notre projet de recherche. Nous souhaitions ainsi que l‘activité soit perçue par nos étudiants
193
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
comme une activité d‘apprentissage plutôt que comme une expérimentation de recherche. Nous
avons donc présenté notre projet de recherche à nos étudiants et nous avons sollicité leur
participation à notre projet de recherche au cours de la dernière semaine de cours. Nous leur
avons évidemment assuré le respect de leur anonymat et nous les avons informés que leur
décision n‘aurait aucune influence sur leurs résultats. En tout, cinquante-sept personnes (sur une
possibilité de quatre-vingt-quinze) nous ont laissé leurs écrits. Comme nous souhaitions réaliser
une analyse en profondeur des journaux de bord, pour dégager en particulier des signes
d‘évolution des attitudes des étudiants à l‘égard de la résolution de problèmes, nous avons dû
faire un choix parmi tous les volontaires. Notre choix s‘est arrêté sur 11 étudiants. Selon leurs
questionnaires avant et après, ces étudiants semblaient présenter des profils différents quant à la
manifestation et à l‘évolution de leurs attitudes.
ANALYSE
Attitudes d’ordre affectif
À la fin de notre expérimentation, environ la moitié de nos sujets affirment aimer la résolution de
problèmes et certains d‘entre eux disent aimer la résolution de problèmes davantage qu‘ils ne
l‘aimaient au début de la session. Cette augmentation de l‘appréciation de la résolution de
problèmes pourrait probablement s‘expliquer en grande partie du fait que ces personnes ont
connu des succès pendant la session. Les autres sujets, soit ceux qui affirment ne pas aimer, et
même détester la résolution de problèmes à la fin de la session, expliquent qu‘ils se sentent ainsi
parce qu‘ils éprouvent de la difficulté à résoudre les problèmes, parce qu‘ils trouvent que cette
activité prend beaucoup de temps ou encore parce que cette activité demande beaucoup trop de
logique. Nous avons toutefois remarqué que, dans la majorité des cas, ces attitudes négatives
étaient déjà présentes au début de la session, ce qui nous fait croire qu‘elles n‘ont pas été
engendrées par l‘activité de résolution de problèmes proposée dans le cours. Même si la moitié de
nos sujets terminent leur cours en affirmant ne pas aimer, de façon générale, la résolution de
problèmes, tous reconnaissent avoir aimé certains, et même plusieurs problèmes pendant la
session. Les étudiants ont surtout aimé les problèmes qu‘ils ont trouvés faciles, ceux pour
lesquels ils avaient confiance en leur solution et en leur démarche, ainsi que ceux qu‘ils ont pu
résoudre rapidement. Certains problèmes ont aussi été appréciés parce qu‘ils étaient amusants,
intéressants ou encore parce qu‘ils faisaient réfléchir. Dans des cas plus isolés, certains problèmes
ont été appréciés parce qu‘ils représentaient des défis ou encore parce qu‘ils permettaient
d‘apprendre quelque chose de nouveau. Si nos sujets affirment tous avoir aimé certains
problèmes pendant la session, ils affirment tous aussi ne pas en avoir aimé d‘autres ! De manière
générale, les problèmes les moins appréciés sont ceux que les étudiants trouvent difficiles, ceux
pour lesquels ils ne parviennent pas à proposer une solution, ceux pour lesquels ils n‘ont pas
confiance en leur solution et/ou en leur méthode, ainsi que ceux qui prennent plus de temps à
résoudre. Certains étudiants mentionnent aussi ne pas avoir aimé résoudre un problème dont ils
ont eu de la difficulté à comprendre l‘énoncé alors que d‘autres ne semblent pas apprécier les
problèmes qu‘ils ne peuvent résoudre seuls. L‘appréciation d‘un problème semble donc souvent
reliée au niveau de difficulté perçu par l‘étudiant, à la confiance qu‘il a en sa solution et/ou en sa
démarche ainsi qu‘au temps qu‘il consacre à sa résolution.
De manière générale, plusieurs sujets ont plus confiance en eux-mêmes à la fin de la session
qu‘au début. La majorité d‘entre eux ont raison d‘être confiants puisqu‘ils ont résolu plusieurs
194
Isabelle Arsenault et Caroline Lajoie
des problèmes correctement. Leur succès pourrait d‘ailleurs avoir eu un rôle à jouer sur
l‘augmentation de leur niveau de confiance. Il y a tout de même deux personnes qui ont moins
confiance en leurs moyens à la fin de la session qu‘au début de celle-ci, et deux autres qui ne se
considèrent pas bonnes du début à la fin de la session. Pour chacun de nos sujets, le niveau de
confiance exprimé à l'endroit d'un problème à résoudre fluctue selon les problèmes proposés. De
manière générale, nos sujets ont confiance en leurs habiletés à résoudre un problème quand celuici leur semble relativement facile ou lorsqu‘ils ont une idée de la manière dont ils devront s‘y
prendre pour le résoudre, tandis qu‘ils ont moins confiance lorsque le problème leur semble
difficile. Certains étudiants semblent aussi avoir moins confiance lorsqu‘ils ont de la difficulté à
comprendre l‘énoncé du problème. Quant au degré de familiarité avec un problème, un degré
élevé de familiarité peut s‘avérer rassurant pour les étudiants lorsque ceux-ci se rappellent
comment résoudre ce type de problème, mais il peut avoir l‘effet inverse lorsque les étudiants se
souviennent que ce type de problèmes était difficile, ou lorsqu‘ils ne se souviennent pas d‘une
manière dont ils pourraient le résoudre. En contrepartie, beaucoup d‘étudiants ont une faible
confiance en leur solution et/ou en leur méthode lorsqu‘ils se sentent forcés d‘abandonner la
résolution d‘un problème, lorsque leur solution n‘est pas la même que celle de leurs pairs,
lorsqu‘ils sont conscients de ne pas avoir pris toutes les données du problème en considération,
lorsque leur méthode de résolution n‘a pas été vue en classe ou lorsqu‘ils utilisent l‘essai-erreur,
les observations ou la logique, moyens qu‘ils ne considèrent pas toujours comme des
« méthodes » de résolution.
Les étudiants expriment d‘autres sentiments pendant la session et ceux-ci varient d‘un problème à
l‘autre et d‘une personne à l‘autre. Les sentiments plus « négatifs », tels que la frustration, le
doute et la déception, sont exprimés dans les problèmes qui causent des difficultés aux étudiants.
Les sentiments plus « positifs », tels que la satisfaction et la confiance sont exprimés quant à eux
lorsque les étudiants éprouvent peu ou pas de difficultés à résoudre un problème ou lorsqu‘ils
réussissent à surmonter une difficulté en cours de résolution. Nous avons remarqué aussi qu‘au
cours de la session certains étudiants semblent devenir plus « indifférents » face aux problèmes
proposés, surtout lorsque les problèmes en question ne leur causent pas de difficultés. En fait,
nous avons remarqué que, de manière générale, les étudiants expriment davantage de sentiments
au début de la session qu‘à la fin.
Qu‘ils aiment ou non la résolution de problèmes, qu‘ils aient ou non confiance en leurs moyens,
tous les étudiants tentent de résoudre tous les problèmes qui leur ont été proposés pendant la
session. Cependant, tous ne semblent pas avoir le même degré de persévérance. En effet, certains
travaillent plusieurs heures à la résolution de quelques problèmes et ils n‘abandonnent jamais
avant d‘arriver à une solution tandis que d‘autres abandonnent quelques problèmes pendant la
session, parfois en affirmant n‘y avoir travaillé que 30 minutes. D‘autres encore n‘abandonnent
pas souvent, mais se tournent rapidement vers des collègues pour de l‘aide lorsqu‘ils n‘arrivent
pas à résoudre le problème. À la fin de la session, personne ne se dit moins persévérant qu‘avant
l‘expérimentation et plusieurs affirment même être plus persévérants. Il est possible que cette
plus grande persévérance soit due au fait que l‘activité est évaluée dans le cadre du cours.
Attitudes d’ordre cognitif
Le fait que l‘activité de résolution de problèmes soit évaluée ne semble toutefois pas être l‘unique
raison pour laquelle les étudiants persévèrent en résolution de problèmes. En effet, certains
semblent vouloir trouver une solution aux problèmes pour leur satisfaction personnelle. Leur
195
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
persévérance est donc probablement influencée par ce goût d‘arriver à une solution valide. Cette
idée de la recherche d‘une solution valide pour satisfaction personnelle est d‘ailleurs présente
dans les réponses de certains étudiants au questionnaire final. En effet, lorsque questionnés sur
l‘importance d‘obtenir une solution valide en résolution de problèmes, certains affirment que
c‘est important pour eux parce qu‘ils aiment avoir une bonne réponse ou encore parce qu‘ils ont
besoin d‘une bonne solution pour avoir l‘impression d‘avoir terminé le problème. Ces étudiants
précisent tout de même qu‘ils savent que l‘aspect le plus important en résolution de problèmes
n‘est pas la solution, mais plutôt le travail et le raisonnement, propos qui va rejoindre les idées de
tous les autres étudiants. Cette idée, et le fait que la majorité des étudiants pensent encore moins
qu‘avant que l‘importance en résolution de problèmes est d‘arriver à une bonne solution, a
probablement été influencée par la faible importance accordée à la validité de la solution lors de
la correction.
Cette importance accordée ou non par les étudiants à l‘obtention d‘une solution valide pourrait
avoir influencé les habitudes de vérification de certains de nos sujets. Ainsi, pour ceux qui
accordent une importance au fait d‘obtenir une solution valide, la vérification de la solution
devient pratiquement une habitude alors que pour d‘autres qui n‘y accordent que peu
d‘importance, la vérification de la solution est effectuée de moins en moins souvent. Enfin, il est
à noter que plusieurs étudiants affirment vérifier souvent leurs solutions, mais rares sont ceux qui
précisent comment ils ont effectué ces vérifications ou encore qui laissent des traces de leurs
vérifications. Selon ce que nous avons pu observer, les vérifications se limitent souvent à une
validation auprès des pairs ou à une relecture de la démarche et de la solution.
Les problèmes présentés pendant la session semblent avoir influencé l‘idée que plusieurs
étudiants avaient du nombre de solutions qu‘un problème peut admettre ainsi que du nombre de
méthodes avec lesquelles un problème peut être résolu. Nous avons toutefois remarqué que
certains en sont venus à la conclusion que tous les problèmes admettent plus d‘une solution et/ou
que tous les problèmes peuvent être résolus de différentes manières, ce qui n‘est évidemment pas
le cas !
Attitudes d’ordre social
Lorsque nous leur demandons s‘ils aiment ou non discuter de leurs solutions et de leurs méthodes
avec leurs amis, plusieurs affirment effectivement aimer comparer pour voir s‘ils utilisent une
bonne méthode et si la solution qu‘ils ont obtenue est la même que celle de leurs collègues.
Certains mentionnent aussi aimer voir les différentes méthodes utilisées par leurs amis. Plusieurs
étudiants affirment aimer davantage discuter de leurs solutions et méthodes à la fin de la session
qu‘au début. De plus, lorsqu‘ils bloquent devant un problème, certains semblent aller voir leurs
amis plus souvent qu‘avant et plusieurs vont voir l‘enseignante moins souvent qu‘avant.
Même si plusieurs vont voir l‘enseignante moins souvent qu‘avant lorsqu‘ils bloquent, la
majorité des étudiants qui affirment au début de la session que la compréhension de l‘énoncé est
l‘un des aspects les plus difficiles vont voir l‘enseignante pour des précisions sur l‘énoncé d‘un
ou deux problèmes pendant la session. Les difficultés de ces étudiants ne sont toutefois pas
toujours reliées à l‘énoncé, parfois elles sont reliées au problème lui-même, aspect avec lequel
l‘enseignante n‘aide qu‘au dernier problème de la session. À la fin de la session, environ la
moitié de ceux qui trouvaient la compréhension de l‘énoncé difficile comparativement aux autres
aspects de la résolution de problèmes au début de la session ont changé d‘avis à la fin de la
196
Isabelle Arsenault et Caroline Lajoie
session. Il est possible qu‘ils trouvent l‘énoncé vraiment moins difficile à comprendre qu‘avant,
mais il est aussi possible qu‘ils trouvent les autres aspects de la résolution de problèmes plus
compliqués qu‘avant, ce qui diminuerait alors relativement la difficulté de la compréhension de
l‘énoncé.
CONCLUSION
Notre recherche a aussi suscité chez nous d‘autres questionnements en lien avec les attitudes des
futurs maîtres par rapport à la résolution de problèmes et à l‘enseignement à l‘aide de la
résolution de problèmes. Nous présentons ci-dessous quelques questions portant sur les liens
entre les caractéristiques d‘un problème et les attitudes des étudiants, sur l‘influence qu‘a le
temps sur les attitudes et l‘évolution de celles-ci, et d‘autres questions portant sur les attitudes par
rapport à l‘enseignement à l‘aide de la résolution de problèmes. Toutes ces questions proviennent
du travail d'Arsenault (2008).
Quelles caractéristiques d‘un problème influencent l‘appréciation que les futurs enseignants ont
de ce problème? Quelles caractéristiques semblent influencer le plus les étudiants en ce qui a trait
à la confiance qu‘ils ont avant de résoudre le problème? Les sentiments exprimés lors de la
résolution d‘un problème semblent-t-ils être influencés par les caractéristiques du problème en
question? En laissant un certain temps s‘écouler après notre recherche ou après une recherche
similaire à la nôtre, est-ce les attitudes des futurs enseignants par rapport à la résolution de
problèmes sont les mêmes que celles exprimées à la fin de l‘expérimentation ou, est-ce que,
comme dans la recherche de Mohammad Yusof et Tall (1999), elles reviennent comme elles
étaient avant l‘expérimentation? Est-ce que certaines attitudes qui ne semblaient pas avoir évolué
immédiatement après l‘activité de résolution de problèmes ont changé avec le temps? Après un
certain temps, est-ce que les étudiants ont les mêmes perceptions de leurs changements
d‘attitudes que celles qu‘ils avaient immédiatement après l‘activité? Est-ce qu‘ils expriment les
mêmes attitudes que celles exprimées lors de la résolution de problèmes spécifiques lorsqu‘ils
sont questionnés par rapport à ces problèmes après avoir pris un certain recul? Quelles sont les
attitudes des futurs enseignants du primaire par rapport à l‘enseignement à l‘aide de la résolution
de problèmes mathématiques? Est-ce qu‘ils trouvent cela important? Pertinent? Comment se
sentent-ils face à l‘idée d‘enseigner à l‘aide d‘une activité mathématique? Est-ce que leurs
attitudes par rapport à la résolution de problèmes ainsi qu‘à son enseignement évoluent davantage
lorsqu‘ils deviennent à leur tour, enseignants?
En plus de retenir certaines pistes de recherche, nous retenons aussi de cette recherche quelques
idées pour la formation des futurs maîtres du primaire. Tout d‘abord, notre analyse suggère que
les attitudes des futurs enseignants ne sont pas aussi négatives que nous le pensions, et que la
résolution de problèmes pourrait permettre de faire évoluer (du moins légèrement) celles qui le
sont vers des attitudes plus positives.
Si les attitudes affectives semblent difficiles à modifier, il nous apparaît tout de même pertinent,
compte tenu de nos résultats, de proposer aux futurs maîtres du primaire des problèmes
présentant différents niveaux de difficulté, pour que chacun ait l'occasion de relever des défis à sa
portée et ainsi ressentir de la confiance et de la satisfaction. Comme nous l'avons vu
précédemment, l‘accessibilité d‘un problème semble en effet influencer l‘appréciation de celui-ci.
Selon nous, il est important pour les futurs maîtres de connaître des succès en résolution de
197
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
problèmes pour qu‘ils aient la chance d‘apprécier cette activité, et pour qu'ils adoptent
éventuellement des attitudes positives à l'égard de cette activité mathématique qu'ils seront
appelés éventuellement à exploiter avec leurs élèves. Les sentiments « négatifs » ainsi que les
difficultés à surmonter ne sont toutefois pas à éviter complètement. D‘ailleurs, certaines
personnes semblent davantage satisfaites lorsqu‘elles réussissent à résoudre un problème dans
lequel elles ont éprouvé des difficultés et/ou exprimé de la frustration, du doute ou autres
sentiments « négatifs ».
Comme nous l'avons mentionné précédemment, le choix des problèmes n‘a pas seulement un
impact sur les attitudes affectives des étudiants, mais aussi sur leurs attitudes cognitives. Certains
affirment d‘ailleurs à la fin de la session qu‘un problème se résout toujours de plusieurs façons et
d‘autres pensent qu‘un problème admet toujours une seule solution ou encore que le nombre de
solutions dépend de l‘interprétation que fait le lecteur du problème. Il nous semble important de
confronter davantage ces attitudes lors de la formation des maîtres pour que les étudiants soient
conscients que certains problèmes ne se résolvent que d‘une seule façon et qu‘il y a des
problèmes auxquels il est possible de trouver plus d‘une solution, mais indépendamment de
l‘interprétation que nous en faisons. La pertinence de la généralisation en résolution de problèmes
semble être une autre attitude cognitive sur laquelle il faut travailler avec les futurs enseignants
puisque très peu ressentent le besoin d‘utiliser une généralisation pour montrer l‘unicité de leur
solution et, même lorsque demandés, ils ont de la difficulté à faire une généralisation.
La correction des résolutions de problèmes devrait aussi être faite minutieusement puisque celleci semble avoir une influence sur certaines attitudes exprimées par les étudiants. Après avoir
remarqué que certains étudiants semblent accorder une moins grande importance à la validité de
la solution à la fin de la session puisqu‘il n‘y avait aucune ponctuation attribuée à cet aspect de la
résolution de problèmes dans le cadre de notre cours, nous pensons qu‘il est important d‘y
attribuer une certaine importance lors de la correction. Quoique la démarche de la résolution de
problèmes est importante, la validité de la solution ne devrait pas être banalisée par de futurs
enseignants puisqu‘ils vont enseigner aux futurs médecins, ingénieurs et autres professionnels
pour lesquels le résultat final est tout aussi important, sinon plus important, que la démarche
utilisée pour s‘y rendre.
Tout comme la validité de la solution, la vérification de celle-ci ne semble pas aussi présente que
nous l‘aurions souhaité chez de futurs enseignants et elle se limite souvent à la relecture de la
résolution ou encore à la validation par les pairs. Certains d‘entre eux mentionnent d‘ailleurs ne
pas savoir comment vérifier leur solution. Il serait donc important dans la formation des maîtres
de les aider à développer différentes stratégies de vérification puisqu‘ils devront eux-mêmes
encourager leurs élèves à valider leur solution tout en les aidant parfois à le faire.
Enfin, comme la résolution de problèmes est une activité d‘apprentissage aux yeux du Ministère
de l‘éducation du Nouveau-Brunswick, du Ministère de l‘éducation, des loisirs et du sport (du
Québec), et de nombreux chercheurs en didactique des mathématiques, et comme peu d‘étudiants
mentionnent dans leurs écrits les apprentissages qu‘ils ont faits, nous pensons qu‘il serait bon de
faire des retours en salle de classe pour conscientiser les étudiants aux apprentissages effectués
ainsi qu‘à l‘utilité de la résolution de problèmes comme outil d‘apprentissage et de découverte en
mathématiques.
198
Isabelle Arsenault et Caroline Lajoie
ANNEXE – PROBLÈMES UTILISÉS
Blocs
Chantale s‘amuse à disposer des blocs sur une table de manière à former des rangées de même
longueur. Lorsqu‘elle place les blocs en rangées de 5, il lui en reste 4. Lorsqu‘elle place les blocs
en rangées de 4, il lui en reste 1. Comme elle n‘est pas satisfaite du résultat, elle décide alors de
les disposer de manière à obtenir un carré. Cette fois, elle réussit! Si Chantale décidait maintenant
de disposer ses blocs en rangées de 10, quel reste obtiendrait-elle?
(Tiré d‘un examen du cours MAT101 - UQAM)
Métiers
Trois hommes ont chacun deux métiers. Le chauffeur blesse le musicien en riant de ses cheveux
longs. Le musicien et le jardinier ont l‘habitude de pêcher avec Jean. Le peintre achète une
bouteille de gin au médecin consultant. Le chauffeur courtise la sœur du peintre. Jacques doit 5$
au jardinier. Joseph bat Jacques et le peintre au jeu de palet. Un des trois hommes est coiffeur et
pas deux exercent le même métier. Qui fait quoi?
(Tiré de Mason, 1994, p. 155)
Pommes
Un vendeur vend des pommes. Se sentant généreux, il donne la moitié du contenu de son panier
plus une pomme au premier étranger qu‘il rencontre, la moitié de ce qu‘il lui reste moins une
pomme au second étranger et la moitié de ce qu‘il lui reste plus une pomme au troisième étranger
rencontré. S‘il lui reste ensuite une seule pomme, combien en avait-il au départ?
(Provient d‘un document manuscrit d‘Ivan Constantineau, UQAM – inspiré de Musser et Burger,
1991)
Neuf points
Joindre neuf points, disposés en un arrangement carré de trois fois trois points, par quatre
segments rectilignes consécutifs, sans lever le crayon du papier ni repasser sur une partie du
trajet.
(Tiré de Mason, 1994, p. 95)
Généalogie des abeilles
Les abeilles mâles éclosent d‘œufs non fécondés. Elles ont donc une mère, mais pas de père. Les
abeilles femelles éclosent d‘œufs fécondés. Combien d‘ancêtres de 12e génération une abeille
mâle a-t-elle ? De ces ancêtres, combien sont des mâles ?
(Tiré de Mason, 1994, p. 78)
199
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Balances
Sur une balance, je mets une cafetière, des assiettes, des bols et des verres. J‘obtiens trois
équilibres représentés par les trois dessins suivants :
1 - Quel objet est le plus lourd? Quel objet est le moins lourd?
2 - Est-ce que cette balance est en équilibre?
3 - Ajoute ce qu‘il manque à cette balance pour atteindre l‘équilibre.
(Tiré de Philippe Clapponi, 1992-1993)
Fourmi sur l’élastique
Une fourmi marche sur un élastique à partir d‘une extrémité. Elle parcourt 6 cm à la minute. Au
repos, l‘élastique a 24 cm. Après chaque minute, l‘élastique est allongé uniformément de 12 cm.
Il peut s‘allonger à l‘infini. La fourmi se rendra-t-elle à l‘autre bout de l‘élastique? Si oui, en
combien de temps? Sinon, pourquoi?
(Problème classique tiré des notes de cours MAT 1011, UQAM)
200
Isabelle Arsenault et Caroline Lajoie
Âge de l’homme
Un homme est resté enfant le sixième de sa vie; il a joué au hockey le douzième suivant (de sa
vie); puis il s‘est marié après avoir passé un septième (de sa vie) de plus; il a eu une fille née cinq
ans après son mariage; sa fille a vécu la moitié du temps de vie du père. Si l‘homme est mort 4
ans après sa fille, quel âge avait-il lorsqu‘il est mort?
(Tiré d‘une banque de problèmes du cours MAT1011 – UQAM, inspiré du problème classique du
Tombeau de Diophante)
Théorème de Pythagore
Le théorème de Pythagore est probablement le premier théorème appris à l‘école et peut-être
même le seul. Il existe plusieurs preuves de ce fameux résultat mathématique. Certaines seront à
la portée de vos élèves, d‘autres nécessitent des connaissances mathématiques plus avancées que
celles qu‘ils possèderont. Toutefois, vous devriez être en mesure de présenter le « pourquoi » de
ce théorème de plusieurs façons. Je vous demande donc de m‘expliquer une preuve visuelle du
théorème de Pythagore, autre que celle qui est présentée dans votre livre, qu‘elle soit
compréhensible par un élève du primaire ou non.
(Notre problème)
Verres
Si nous voulions remplir un verre avec de l‘eau à un débit constant, 1cm2 par minute par
exemple, il serait possible de dessiner le graphique de la hauteur de l‘eau dans le verre en
fonction du temps.
B
A
C
1 - Suppose que nous remplissions les trois verres A, B et C à un débit constant. Essaie d‘associer
chaque verre avec le graphique qui correspondrait le mieux au comportement de l‘eau en fonction
du temps. N‘oublie pas d‘expliquer clairement pourquoi tu as choisi un certain graphique plutôt
qu‘un autre.
2 - Décris à quoi ressemblerait le verre associé au graphique qui n‘a pas été utilisé.
(Problème et illustration tirés du site CAMI de l‘Université de Moncton, 2005)
201
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Carrés d’un échiquier
Combien de carrés un échiquier ordinaire a-t-il ? Qu‘en est-t-il pour un échiquier n par n ?
(Réadaptation d‘un problème tiré de Mason, 1994, p. 15)
Prédiction mystérieuse
Inscris sur une feuille un nombre compris strictement entre 50 et 100. Ajoute 50 à ce nombre.
Maintenant fais la somme du chiffre le plus à gauche avec le nombre formé des autres chiffres.
(Exemple : avec une somme de 153, tu obtiens 1 + 53 = 54) 1. Tu enlèves ce dernier nombre
obtenu, au premier nombre que tu avais inscrit sur ta feuille. Regarde bien... Tu viens d'écrire 49
sur ta feuille. Explique le fonctionnement de ce mystère.
(Réadaptation d‘un problème tiré de Thérèse Eveilleau, 2005)
Le nombre « 4 »
Retrouvez tous les nombres de 0 à 10 en vous servant, à chaque fois, de quatre « 4 ». Vous
pouvez vous servir de l‘addition, de la soustraction, de la multiplication et de la division.
(Notre traduction d‘un problème tiré d‘Adams, 1989, p. 193)
Casino
Au jeu de dés, un joueur professionnel accepte de parier sur la sortie d‘un six en quatre coups, car
il sait qu‘il y a 671 chances sur 1296 de sortir un six, contre 625 sur 1296 de n‘en sortir aucun.
Par contre, le même joueur professionnel n‘acceptera pas de parier sur la sortie d‘un double six
en 24 lancers de deux dés. Pourquoi?
(Tiré des notes de cours MAT1011 – UQAM, problème classique du Chevalier Méré)
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1
L‘exemple fourni illustre l‘opération à effectuer, mais nous avons réalisé après coup que les nombres choisis ne
respectent pas les contraintes précisées dans le problème, la somme étant supérieure à 150.
202
Isabelle Arsenault et Caroline Lajoie
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204
Réflexions autour de la formation initiale des futurs enseignants du
secondaire : la place du « contrôle »
Mireille Saboya
Université du Québec à Montréal
RÉSUMÉ. Dans notre recherche doctorale (Saboya, 2010) nous nous sommes intéressés au
concept de contrôle vu comme la capacité à vérifier le résultat obtenu, à justifier, valider un
énoncé, une proposition ou la démarche adoptée dans un problème, un engagement réfléchi dans
la tâche. Plusieurs recherches montrent l‘importance de cette composante dans l‘activité
mathématique chez l‘élève et chez les mathématiciens, cette activité apparaissant également
centrale dans le programme de formation. Suite à notre étude, différentes composantes du
contrôle ont été cernées ainsi que des situations et des stratégies d‘intervention susceptibles de
favoriser le développement d‘une activité de contrôle. Dans ce texte, nous proposons des
approches possibles auprès des futurs enseignants afin de les sensibiliser à ce cadre de référence.
INTRODUCTION
Certaines tâches requièrent de la part des élèves, et ce, à différentes niveaux de scolarité, une
activité de contrôle sous l‘angle d‘une vérification du résultat obtenu, la justification d‘un
énoncé, d‘une proposition ou de la démarche adoptée dans un problème. Certaines de ces
dimensions se retrouvent dans les travaux de chercheurs en didactique des mathématiques qui
explicitent des difficultés des élèves pouvant être associées au contrôle qu‘ils exercent sous
l‘angle d‘une attitude à se vérifier, à s‘engager de façon réfléchie dans une tâche et dans la capacité à
choisir stratégiquement entre plusieurs possibilités (Richard, 1998; Coppé, 1993; Dib, 2000-01;
Vivier, 1998; Chalancon, Coppé et Pascal, 2002; Artigue, 2002; Cortés et Kavafian, 1999; Bednarz et
Janvier, 1992; Schmidt, 1994; Butlen et Pezard, 1990-91; Schoenfeld, 1985). Plusieurs études
montrent l‘importance de ces composantes dans l‘activité mathématique de l‘élève (Balacheff, 1987;
Artigue, 1993; Butlen et al., 1989) et chez les mathématiciens (Hadamard, 1975; Nimier, 1989), cette
activité apparaissant également centrale dans le contexte scolaire (MELS, 2003, 2006). Ainsi, en
didactique des mathématiques, nous rattachons l‘acquisition d‘une certaine rationalité1 mathématique
présentée par Balacheff (1987) à la capacité d‘exercer un contrôle sur l‘activité mathématique,
l‘élève y faisant appel à la raison. Pour ce chercheur, l‘importance d‘une conduite rationnelle chez
l‘élève devrait occuper, dans l‘enseignement, le même statut que la construction de savoirs :
« Très tôt, disons dès la sixième 2 , doit être posé le problème de l‘évolution des fondements
rationnels de l‘activité mathématique des élèves en même temps, et avec le même statut, que
celui de la construction des savoirs. » (Balacheff, 1987, p. 170).
1
La rationalité mathématique n‘est réductible ni à la démonstration ni à la logique. Comme présenté par Ourahay,
Houdement et Hitt (2007) dans la présentation du thème 8 (Le développement de la rationalité au fil de la scolarité)
lors du Colloque EMF2006 à Sherbrooke (Québec) : il n‘existe pas qu‘une rationalité, pur produit du raisonnement,
mais « la rationalité s‘applique à des procédures aussi bien de pensée que de raisonnement. (…) La rationalité semble
être un objet soit explicite, soit implicite de l‘enseignement des mathématiques. » (p. 1)
2
Les élèves qui sont en sixième ont 11-12 ans.
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
D‘après Balacheff, on devrait ainsi, dans l‘enseignement, accorder la même place au processus de
construction des connaissances mathématiques qu‘au développement de la rationalité de l‘élève,
ce que nous pouvons associer au développement d‘une activité de contrôle. Dans notre recherche
doctorale (Saboya, 2010) une analyse du concept de contrôle a été menée, il s‘en dégage
différentes composantes.
1. UNE CLARIFICATION DU CONCEPT DE CONTRÔLE
L‘activité de contrôle est associée à un processus qui se développe, se construit sur du long terme
chez l‘élève. Le contrôle se traduit par :




une réflexion de la part de l‘élève, sur toute action, sur tout choix tout au long de la tâche :
au début, en cours ou à la fin de la résolution.
la capacité à prendre des décisions de façon réfléchie, rationnelle.
une prise de distance par rapport à la résolution.
le recours aux fondements sur lesquels on s‘appuie pour valider.
L‘analyse des recherches que nous avons menée confirme que dans une certaine mesure le
concept de contrôle a été étudié sous plusieurs angles, même si tous les auteurs n‘utilisent pas
explicitement dans leurs écrits le mot « contrôle ». Différentes composantes du contrôle sont
mises de l‘avant qui ont été opérationnalisées dans l‘intervention que nous avons menée auprès
d‘élèves du secondaire, l’anticipation, la vérification, la validation, l’engagement réfléchi, le
discernement/choix éclairé, la perception des erreurs/la sensibilité à la contradiction et les
métaconnaissances.
Anticipation (Cipra, 1985; Coppé, 1993)
Il s‘agit de poser une condition de validité du résultat avant de le connaître : une estimation de
l‘ordre de grandeur, une anticipation de la nature du nombre obtenu, une analyse préalable des
propriétés que doit posséder le résultat. L‘anticipation est liée à un retour sur la réponse en lien
avec la question, le problème posé.
Vérification (Richard, 1998; Cipra, 1985; Coppé, 1993; Hadamard, 1945/1975)
Il y a deux types de vérification :


Une vérification provenant d‘une anticipation, on anticipe le résultat et on exerce ensuite
une vérification face au résultat obtenu pour le confronter à celui anticipé.
Une vérification sans anticipation préalable, une fois le résultat obtenu on se pose les
questions suivantes « a-t-il du sens dans le contexte? », « est-il conforme à ce qui est
demandé? ».
La vérification requiert un retour à la tâche, à la question posée. Elle peut porter sur la démarche,
la méthode utilisée, le choix de la méthode utilisée, et/ou le résultat lui-même. Elle se manifeste à
travers un questionnement sur le caractère pertinent de ce résultat, sur sa nature, sur sa forme
globale. La vérification permet de dépasser le doute.
206
Mireille Saboya
Validation (Perkins et Simmons, 1988; Lee et Wheeler, 1989)


La validation s‘appuie sur des fondements (qui vont être explicités) qui permettent de
juger du caractère vrai, faux, partiellement vrai de ce qui est avancé. Dans le cas
d‘énoncés algébriques, elle se traduit par une coordination entre arithmétique et algèbre,
par la capacité de passer d‘un cadre à l‘autre. Ce type de validation permet le
développement d‘une sensibilité aux erreurs, aux difficultés.
La validation peut également s‘exprimer à travers l‘utilisation d‘écritures équivalentes,
une flexibilité dans le passage d‘une écriture à l‘autre; elle requiert un retour au sens des
concepts en jeu.
Engagement réfléchi (Kargiotakis, 1996; Margolinas, 1989)
L‘engagement réfléchi peut s‘exprimer à travers :



Une prise de distance, un arrêt devant la tâche, un esprit critique avant la résolution.
Un retour aux fondements, une recherche de sens (savoir par exemple d‘où proviennent
les conventions d‘écriture, les règles, les concepts en jeu).
Une appropriation du problème en donnant du sens en contexte, faisant appel au choix
d‘une interprétation du problème parmi d‘autres interprétations possibles. Un jugement
réfléchi dans des contextes qui se prêtent à différentes interprétations possibles.
Discernement / Choix éclairé (Krustetskii, 1976; Schoenfeld, 1985)
Le discernement/choix éclairé se traduit par une capacité à choisir parmi différentes écritures
et/ou différentes stratégies celle qui est la plus appropriée, la plus efficace et la moins coûteuse en
temps en ayant préalablement écarté celles qui sont inappropriées.
Perception des erreurs/sensibilité à la contradiction (Piaget, 1974)
La sensibilité à la contradiction peut provenir d‘une anticipation déçue, d‘un effet de surprise face
à un résultat qui ne correspond pas à celui attendu. Dans une classe, la sensibilité à la
contradiction peut s‘exprimer à travers une mise en commun des résultats obtenus dans le groupe
qui ne sont pas équivalents les uns des autres. Le dépassement de la contradiction est issu d‘un
retour sur les concepts en jeu, sur leur signification.
Métaconnaissances (Artigue, 1993; Lenfant, 2002)
Les métaconnaissances sont le fruit :


d‘une réflexion sur les connaissances, elles expriment un savoir sur la pertinence,
l‘efficacité d‘une notion, d‘une écriture dans une tâche donnée.
d‘une réflexion sur la combinaison de deux ou plusieurs connaissances qui débouche sur
une connaissance plus élaborée.
Ce cadre de référence sur le contrôle autour de ces sept composantes a servi dans notre
expérimentation comme base pour l‘élaboration de situations susceptibles de favoriser une
attitude de contrôle. L‘expérimentation a permis d‘opérationnaliser ces composantes autour de
207
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
l‘algèbre et plus particulièrement autour des exposants. À titre d‘exemple, la situation suivante
requiert un engagement réfléchi et une vérification de la part de l‘élève.
Abeilles3
Un essaim d‘abeilles compte environ 60 000 individus. Une
pauvre petite abeille a attrapé une maladie contagieuse et
mortelle, sans le savoir elle revient dans sa ruche. Cette
maladie se propage au rythme suivant : tous les jours, chaque
individu atteint transmet la maladie à 5 autres individus puis
meurt. Dans combien de temps, l‘essaim sera-t-il
complètement décimé?
Nous pouvons remarquer que le contexte se prête à plusieurs interprétations et débouche sur
plusieurs réponses possibles. Par exemple, on peut supposer que les abeilles meurent la journée
où elles sont infectées ou alors qu‘elles meurent la journée d‘après, la réponse donnée au
problème n‘étant plus la même. Ainsi, l‘élève s‘il s‘approprie le problème en donnant du sens en
contexte, peut aller vers différentes interprétations, ce qui demande un certain engagement
réfléchi. De plus, dans le cas où l‘élève cherche quel est l‘exposant de 5 donnant comme réponse
60 000 (le nombre total d‘abeilles dans la ruche), le nombre qu‘il va trouver est un irrationnel, ce
qui oblige à une interprétation, à un retour sur la réponse et amène ainsi à une activité de
vérification.
L‘expérimentation que nous avons menée auprès d‘élèves de troisième année du secondaire
autour des exposants a mis de l‘avant d‘autres composantes du contrôle propres à ce contenu, la
flexibilité d’une écriture à l’autre et le contrôle sémantique et syntaxique.
Flexibilité d’une écriture à l’autre
La flexibilité d‘une écriture à l‘autre a été explicitée sur le terrain en termes de difficultés de
contrôle dans le passage d‘une écriture à l‘autre. Par exemple les élèves ont ressenti de la
5 5 5
; ;
difficulté à voir l‘égalité entre ces écritures
ou encore à être flexibles dans le
6 6 6
passage entre les registres de représentation décimal, verbal, fraction (0,008 c‘est 8 millièmes, on
8
peut l‘écrire
).
1000
Contrôle syntaxique / contrôle sémantique
Pour Brousseau (1986), le contrôle syntaxique permet d‘appliquer les axiomes alors que le
contrôle sémantique est relié à savoir de quoi on parle et « connaître les paradoxes attachés à
certains usages pour les éviter » (Brousseau, 1986, p.43). Bednarz et Saboya (2007) et Kouki
(2007) se sont intéressés quant à eux aux contrôles syntaxique et sémantique dans le contexte de
résolution de problèmes en algèbre et de la résolution d‘équations. Le contrôle syntaxique est
3
Ce problème est tiré de Breton et Morand, 1995, p. 227.
208
Mireille Saboya
défini comme la capacité à gérer des règles de transformation alors que le contrôle sémantique est
attaché à la capacité à ne pas se détacher de la signification des grandeurs qu‘on manipule. À titre
d‘exemple la tâche suivante requiert une activité de contrôle sémantique.
Émilie a calculé 53, elle a trouvé 125. En te servant de ce résultat, elle te propose de relever le
défi de trouver la valeur de chacun des nombres ci-dessous, sans faire de calculs. Es-tu capable
de relever le défi?
 53
(5) 3
 (5) 3
 (53 )
Le contrôle sémantique est attaché au sens, à la signification des exposants. Ainsi, trouver le
signe de l‘expression (sans avoir recours au calcul) fait appel à un contrôle sémantique (exercé
sur cette écriture, ce qu‘elle signifie) de la part de l‘élève : il faut ici par exemple distinguer le
nombre (-5) multiplié par lui-même 3 fois, du nombre 5 multiplié par lui-même 3 fois, dont on
prend ensuite l‘opposé. Cette tâche se distingue de celle qui suit par le type de contrôle exercé, un
contrôle plus syntaxique est requis dans la tâche ci-dessous, il s‘agit de gérer des règles, on s‘éloigne
ainsi de la signification et de l‘interprétation.
Réduis, si possible, les expressions suivantes sans calculatrice en te servant des propriétés des
nombres que tu connais.
1015  10 8  1010
10 2
5ab  15b
5b
2(3ab 2  6ab  4b)  2ab 2
3b
10 4  10 5
10 2  10 3
42 x 43 x 40
38 x 33  36
82 x 84
82 + 81
Le contrôle syntaxique est ainsi lié à un travail sur l‘écriture à travers l‘utilisation, l‘application
de règles portant sur les lois des exposants et sur une flexibilité dans l‘utilisation de ces règles qui
débouche dans certains cas sur différentes simplifications.
Comme nous l‘avons vu, Balacheff (1987) souligne l‘importance de favoriser dans
l‘enseignement le développement en parallèle du savoir et d‘une conduite rationnelle (qui se
traduit pour nous par une activité de contrôle). Ce double enjeu, construction du savoir et
développement d’une activité de contrôle nous a amené à élaborer des situations susceptibles de
favoriser une activité de contrôle et à nous questionner sur les possibles interventions en classe
pouvant favoriser le développement d‘une activité de contrôle chez les élèves autour de ces
tâches. Il ressort de notre recherche (Saboya, 2010) différentes stratégies d‘intervention
susceptibles de favoriser une activité de contrôle.
2. DES STRATÉGIES D’INTERVENTION SUSCEPTIBLES DE FAVORISER LE
DÉVELOPPEMENT D’UNE ATTITUDE DE CONTRÔLE
Certaines recherches explicitent différentes stratégies d‘intervention favorisant une activité de
contrôle (les auteurs n‘en parlent pas dans ces termes), donner du sens, renvoyer la validation
aux élèves et faire des liens. Ces stratégies sont également présentes dans notre expérimentation.
209
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Donner du sens / un contrôle sémantique
« Donner du sens » est un des principes porteurs d‘une activité de contrôle provenant de la
pratique de l‘enseignante avec qui nous avons menée l‘expérimentation. Il est présent dans la
mise en route d‘une tâche, l‘enseignante insistant sur la justification, sur l‘explicitation du
« pourquoi ». De plus, Nadia reformule les tâches proposées en axant sur le sens comme on peut
le voir dans l'exemple ci-dessous :
Tâche initiale
Sachant que x, y et z sont des
nombres, dans chacune des
expressions ci-dessous,
attribue une valeur possible à
ces lettres de manière à
obtenir une égalité vraie.
2x . 2x . 2y = 210
215 . 210 = 2z
10x . 10y = 105 . 10z
5x = 56 . 56
10x = 106. 10y . 10z
33 = 3x. 3y . 3z
Ce que la tâche est devenue
Les égalités ci-dessous peuvent-elles être vraies?
Explique pourquoi.
Égalités vraies?
Démarche
2x . 2x . 2y = 210
215 . 210 = 2z
10x . 10y = 105 . 10z
2x
 20
2x
(x + y)3 = x3 + y3
33 = 3x. 3y .3z
Cette stratégie d‘intervention se manifeste également quand l'enseignante justifie chacune des
a5 a2  a3
étapes de la simplification, les éléments implicites sont ainsi décodés ( 2  2
, le facteur 1;
a
a 1
l‘exposant 1 dans a  a1 ). L‘enseignante relance également les élèves sur une autre validation
que l‘utilisation de la calculatrice (les calculs versus le sens).
Renvoyer la validation aux élèves
Margolinas (1992) met de l‘avant l‘importance du rôle de l‘enseignant en lien avec la validation
lors des phases de retour sur les solutions, de conclusion. Elle précise que la phase de conclusion
est une phase d‘évaluation (et non de validation) quand l‘enseignant délivre un jugement de
validité sans appel sur la réponse de l‘élève. Ce jugement n'appelle pas de réflexion de la part de
l‘élève sur la validité de sa procédure, l‘élève sait tout de suite si sa procédure a marché ou pas, il
n‘a rien à faire pour valider. C‘est quand la phase de conclusion se présente selon une phase de
validation qu‘elle devient intéressante pour nous en ce qui a trait au développement d‘une activité
de contrôle, l‘élève décidant lui-même de la validité de sa réponse et étant appelé à justifier
210
Mireille Saboya
pourquoi ça fonctionne ou non. Il est alors amené à justifier son travail, à vérifier sa démarche et
le résultat obtenu.
Dans le cadre d‘une tâche dans laquelle différentes formules avaient été produites par les élèves,
l‘enseignante présente en premier à la classe les formules erronées et force une validation de la
part des élèves, elle renvoie à une explication, à une signification des formules « Comment peuton expliquer cette formule? Est-elle valide? Si oui, pourquoi? Et si non, pourquoi?».
L‘enseignante favorise également des éclaircissements des propos des élèves pour les pousser à
aller plus loin, pour mieux comprendre « Qu’est-ce que ça veut dire? » Elle reprend la question
d‘un élève et la renvoie à l‘élève qui a produit la démarche en question, elle sensibilise les élèves
au fait qu‘on ne peut pas dire n‘importe quoi, renforçant ainsi l‘importance de la justification.
Faire des liens
Margolinas (1992) distingue également la phase de bilan qui permet la formulation publique des
méthodes de résolution par les élèves qui doivent formuler leurs stratégies. Les connaissances
mises en œuvre par les élèves sont alors portées à la classe toute entière pour être discutées et
validées. Dans l‘expérimentation nous pouvons remarquer que l‘enseignante dirige la discussion
en classe en ayant préalablement repéré les stratégies utilisées, elle laisse la place à
l‘argumentation, à différents points de vue en encourageant une discussion. Dans une telle phase,
les élèves font des liens entre les différentes démarches ressorties. Au moment de l‘introduction
des exposants négatifs, l‘enseignante exploite les réponses des élèves et les amène à faire des
liens entre les différentes écritures proposées en axant sur le sens, sur un travail entre les
différents registres de représentation (décimal, fraction, verbal), sur des écritures équivalentes.
Ainsi l‘enseignante demande aux élèves comment calculer 5 -3. Plusieurs réponses sont avancées
par différents élèves, l‘enseignante prend soin de toutes les noter au tableau sans se prononcer sur
leur validité :





Calculatrice : 0,008
1 divisé par 5 divisé par 5 divisé par 5 : 1  5  5  5
1
1
1 sur 5 à la 3, 1 sur 125 : 3 
125
5
-125
5 divisé en 5 divisé en 5 divisé en 5, divisé en 5, cinq fois : 5  5  5  5  5
Une discussion a ensuite lieu dans la classe autour de la validité de ces formules, discussion
menée par l'enseignante. Les élèves instituent la réponse 0,008 comme valide puisque donnée par
la calculatrice, à partir de là un travail sur les écritures équivalentes et leur sens a lieu. Par
exemple, le nombre décimal 0,008 s‘exprime comme 8 millièmes et peut s‘écrire 8
,
1000
fraction que l‘on peut réduire à 1
et comme 125 est équivalent à 53, il en ressort que
125
8
1
1
0,008 

 3.
1000 125 5
D'autres stratégies d‘intervention porteuses d‘une activité de contrôle sont ressorties après
l‘analyse des données, l’effet clash, piquer la curiosité des élèves et tendre des pièges.
211
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
L’effet clash
Il s‘agit de déstabiliser les élèves, de les mettre en doute de manière à forcer un retour sur la
réponse (qui provient d‘une anticipation) et/ou un retour sur la tâche. Les élèves s‘attendent à
quelque chose et ils sont surpris quand ce n‘est pas ce qu‘ils ont prévu qui sort.
Piquer la curiosité des élèves
Dans la tâche ci-dessous co-construite par l‘enseignante et la chercheure, Nadia pique la curiosité
des élèves pour les pousser vers une stratégie plus efficace.
Placement d’argent
Émilien avait 18 ans quand il a commencé à placer son argent à un taux annuel de
10% par an. Combien d‘argent va-t-il avoir quand il aura pris sa retraite? Et s‘il
meurt à 98 ans et qu‘il cotise jusque là quel héritage va-t-il laisser à ses enfants?
L‘intention en proposant cette tâche était de pousser les élèves à trouver une façon rapide,
efficace de calculer le montant obtenu après plusieurs années (en utilisant le fait que calculer le
10% d‘un nombre revient à multiplier par 1,1), à passer à une méthode générale, plus efficace (les
élèves sont portés à calculer le 10% du premier montant, à l‘ajouter au premier montant, ils
obtiennent ainsi un deuxième montant, ils calculent par la suite le 10% de deuxième montant
auquel ils ajoutent ce deuxième montant et ainsi de suite. Pour piquer la curiosité des élèves et les
pousser à rechercher cette méthode plus efficace et générale, l‘enseignante passe par une mise en
scène où elle est debout face à la classe une calculatrice à la main s‘amusant à calculer le montant
de l‘héritage quelle que soit la date du décès d‘Émilien, dates proposées par les élèves.
Nadia : là je suis avec ma calculatrice et je fais (sans leur dire) « ok, 65 moins 18 ça fait
47 ans, fait que je fais 1,1 exposant 47… et là le gars il va avoir tant » et là je
leur demande « est-ce que vous avez fini? » « mais là c‘est long! », « mais vous
n‘êtes pas vite » et ça fait comme un clic et en plus je prends mon temps là. Je
leur dis « l‘avez-vous la réponse? Vous n‘êtes pas vite! » Puis là il y en a un
« mais là vous avez un truc ou vous l‘aviez faite d‘avance. » Et là je leur dis non,
mais ça c‘est le fun qu‘ils pensent que je l‘ai fait d‘avance, alors je leur dis
« mettons qu‘il prend sa retraite à 59 ans, mais que je ne le sais pas là. » Tu leur
demandes « à quel âge est-ce qu‘il va prendre sa retraite? » Comme ça ils ne
peuvent pas dire que j‘ai calculé d‘avance là ou que j‘ai un truc.
Tendre des « pièges »
L‘enseignante cherche à provoquer l‘erreur en présentant aux élèves des expressions qui ne
« marchent » pas comme 5 2  53 . Elle cherche à travers cette stratégie à développer une
sensibilité à l‘erreur chez les élèves.
Il ressort ainsi de notre recherche, différentes composantes du contrôle, une panoplie de tâches,
de situations et de stratégies d‘intervention susceptibles de favoriser une attitude de contrôle chez
les élèves. Comme formateurs auprès de futurs enseignants du primaire et du secondaire, une
appropriation du cadre de référence du contrôle chez nos étudiants est à privilégier. Mais
comment procéder pour sensibiliser nos étudiants à ce cadre?
212
Mireille Saboya
3. QUELQUES PISTES D’APPROPRIATION DU CONCEPT DE CONTRÔLE PAR LES
FUTURS ENSEIGNANTS
Les résultats de notre recherche nous informent sur l‘émergence d‘un savoir nouveau venant
éclairer une didactique d‘intervention visant le développement du contrôle sous différents
aspects, un concept de contrôle explicité en lien avec la pratique; des problèmes, des exercices,
des questions dont on précise les caractéristiques en lien avec le développement du contrôle et
sur le plan de l‘enseignement, des stratégies d’intervention explicitées favorisant le
développement du contrôle.
Tout d‘abord une question importante à se poser est « Qu‘en est-il du développement d‘une
activité de contrôle chez nos étudiants? Selon la tâche proposée, est-ce qu‘ils vérifient leurs
résultats, leurs démarches, est-ce qu‘ils anticipent, est-ce qu‘ils possèdent de l‘engagement
réfléchi, un contrôle sémantique et syntaxique?.... » Avant de les sensibiliser au développement
d‘une activité de contrôle chez les élèves du primaire et du secondaire, il faudrait s‘assurer que
nos futurs enseignants exercent du contrôle face à différentes tâches, situations, problèmes et/ou
questions. Le choix de telles tâches par le formateur est essentiel et ce, quel que soit le concept
mathématique choisi, ce sont des tâches susceptibles de développer une activité de contrôle. En
s‘appuyant sur les différentes stratégies d‘intervention relevées dans la thèse, le formateur pourra
ainsi favoriser une attitude de contrôle chez les futurs enseignants. Les étudiants sont à ce stade
dans le rôle d‘élèves. À un autre niveau, une fois une certaine activité de contrôle mise en place 4,
le formateur demanderait aux étudiants de se pencher sur l‘analyse des situations, activités,
problèmes, questions qu‘ils ont résolus sous l‘angle du contrôle. Il s‘agira ici de faire ressortir à
travers des exemples concrets les différentes composantes du contrôle travaillées. On place ici les
étudiants dans le rôle de futurs enseignants. Les stratégies d‘intervention susceptibles de
développer une activité de contrôle peuvent être mises de l‘avant en revenant avec les étudiants
sur la façon dont le formateur a présenté les tâches, comment il les a récupérées afin de les
sensibiliser aux gestes, aux décisions prises par le formateur, décisions qui ont un certain
rationnel en arrière.
Une autre possibilité serait de partir avec les futurs enseignants des tâches co-construites entre
l‘enseignante et la chercheure. Dans notre étude, nous avons mené une recherche collaborative,
des situations, tâches, questions, problèmes étaient tout d‘abord proposés par la chercheure à
l‘enseignante. Celles-ci étaient pendant les rencontres enseignante-chercheure discutées et
modifiées, on obtenait ainsi des tâches co-construites par les deux partenaires. Certaines de ces
tâches initiales (telles que proposées par la chercheure) avec leurs tâches redéfinies (ce que la
tâche est devenue après discussion) pourraient être proposées aux étudiants et on leur
demanderait d‘analyser ces tâches et l‘apport des modifications sous l‘angle du contrôle. Nous
pourrions également demander aux étudiants de construire par eux-mêmes ou de modifier des
tâches, des situations, des questions afin qu‘elles permettent de développer une activité de
contrôle. Une autre variante possible serait à partir d'une composante du contrôle de construire
une tâche susceptible de travailler cette composante. Pour analyser les différentes stratégies
d‘intervention susceptibles de développer une activité de contrôle, le formateur pourrait présenter
aux futurs enseignants des transcriptions de séances en classe, transcriptions provenant de la
recherche menée (Saboya, 2010).
4
La question sur les indicateurs de contrôle chez les élèves et étudiants n‘a pas été traitée ici.
213
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Au-delà de la formation académique des futurs enseignants, le cadre de référence sur le contrôle
et les stratégies d'intervention susceptibles de développer une telle activité pourraient être mis à
contribution dans les stages au moment de la planification des leçons. Il ne reste plus maintenant
qu‘à tenter ces pistes d‘appropriation dans la formation pour pouvoir étudier leurs apports et leurs
limites.
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215
Évolution de l’utilisation des contextes dans les chapitres introductifs à
l’algèbre dans les manuels scolaires québécois de 1960 à nos jours
Guylaine Cotnoir
Université de Sherbrooke
RÉSUMÉ. Des travaux de recherche, tant théoriques qu‘empiriques, soulignent l‘importance de
l‘utilisation des contextes dans l‘enseignement et l‘apprentissage des mathématiques Depuis les
années 1970, le recours aux contextes est une recommandation de plus en plus forte dans les
programmes d‘études. C‘est notamment, l‘une des orientations principales que l‘on retrouve dans
le Programme de formation de l’école québécoise. À cet effet, nous nous sommes questionnés à
savoir, comment au fil des réformes des ces dernières années, les contextes ont été exploités dans
les manuels scolaires. Le chapitre introductif à l‘algèbre d‘un manuel par réforme, depuis la
parution du programme-cadre, a été sélectionné sur la base du nombre de rééditions. Une grille de
collecte de données étoffée nous permet de quantifier la présence des contextes et de qualifier le
type de contexte également. Les résultats montrent une variation dans le recours aux contextes à
travers les époques. On remarque un glissement quant à l‘utilisation des contextes dans ces
manuels.
CONTEXTE DE LA RECHERCHE
L‘apparition soudaine d‘une grande quantité de textes dans les manuels scolaires de
mathématiques des années 1990 nous a amenés à nous questionner sur la ou les raisons de cet
effort évident d‘utilisation des contextes. Ces contextes se présentent sous la forme d‘histoires
avec des personnages, des lieux et une action (Maurer, Lopez, Millette et De La Grange, 1994).
Un peu plus tard, des recherches montrent l‘importance du recours aux contextes dans
l‘enseignement et l‘apprentissage des mathématiques (Kurz et Batarelo, 2005; Li et Silver, 2000;
Sharp et Adams, 2002). Plusieurs façons de mettre l‘élève en contexte et plusieurs fonctions
attribuables aux contextes ressortent de l‘analyse de la documentation scientifique. Tout d‘abord,
de nombreux auteurs constatent que bon nombre de connaissances mathématiques sont apprises
sans pour autant être réutilisées par la suite par les élèves (Choi et Hannafin, 1995; Gravemeijer
et Doorman, 1999). En utilisant les contextes dans l‘enseignement et l‘apprentissage de concepts
mathématiques, les élèves développent des connaissances conditionnelles tout en réalisant les
champs d‘application des concepts en appropriation. Certaines études montrent même que
l‘utilisation de contextes permet de développer de nouvelles connaissances par les élèves (Sharp
et Adams, 2002).
Parallèlement, une analyse de la documentation officielle au Québec, du programme cadre au
renouveau pédagogique, permet de voir des changements quant aux directives ministérielles en
lien avec l‘utilisation des contextes. Le recours aux contextes, avant la venue du programmecadre, était axé sur l‘utilité des mathématiques dans la vie d‘un citoyen tandis qu‘avec ce
programme, cette vision de l‘utilisation des contextes semble disparue (Bélanger, Gauthier et
Tardif, 1993). Toutefois, nous remarquons une petite allusion au fait que les mathématiques
trouvent des applications de plus en plus nombreuses dans les sciences (Gouvernement du
Québec, 1969).
Guylaine Cotnoir
Ce n‘est pas avant les années 1980 qu‘apparaissent des directives plus précises quant au recours
aux contextes pour amener les concepts. Selon ce programme, les enseignants doivent rechercher
des mises en situation tirées de la vie courante, des situations concrètes. Ces directives se
retrouvent également dans les programmes des années 1990. Nous y percevons toujours le même
souci qu‘en 1980 en ce qui concerne l‘utilisation des contextes, en apprentissage des concepts
mathématiques ainsi que lors de la résolution de problèmes, pas juste lors de l‘application des
concepts (Gouvernement du Québec, 1981; 1993; 1994). Cependant, malgré la place accordée à
la résolution de problèmes, le ministère de l‘époque (1993-1994), à l‘instar de celui de 1981,
n‘élabore pas sur les contextes à utiliser. Ils ne qualifient pas les types de contextes. Aucune
information, autre qu‘une ―situation‖ ou ―activité originaleˮ, ―variée‖ et ―concrèteˮ, ne guide le
lecteur sur le genre de contextes à utiliser lors de l‘élaboration des problèmes ou des situations
d‘apprentissage. Lenoir et Laforest (2004) avancent que l‘application de ces programmes relevait
des commissions scolaires et que ces dernières ont éprouvé beaucoup de difficulté lors de leur
application. Plusieurs enseignants ont ainsi continué d‘adopter une façon plus traditionnelle
d‘enseigner. Selon Lenoir et Laforest (2004), des ressources didactiques manquantes pourraient
venir expliquer en partie le fait que les enseignantes et les enseignants n‘aient pas adhéré aux
prescriptions. Il semblerait donc que la mise en contexte de l‘enseignement et de l‘apprentissage,
telle que prônée dans le discours officiel des années 1981 et 1993, ne se soit pas déroulé sans
heurts. Nous reviendrons sur cette difficulté de mise en œuvre des programmes un peu plus loin.
Avec le programme de formation des années 2000, l‘utilisation des contextes prend tout son sens
tant pour la mise en œuvre des compétences disciplinaires et transversales, que pour
l‘apprentissage des concepts à l‘étude étant donné l‘approche par compétence (Gouvernement du
Québec, 2003).
Nous venons de dresser le portrait des prescriptions ministérielles de 1970 à nos jours quant à la
place accordée aux contextes dans l‘enseignement et l‘apprentissage des mathématiques. Il serait
maintenant intéressant de se questionner sur l‘actualisation de ces directives par les enseignantes
et les enseignants. Ainsi, nous aimerions savoir quelles ont été les modifications apportées à
l‘enseignement des mathématiques durant ces différentes périodes. Il serait d‘autant plus
intéressant de s‘y pencher puisque nous avons soulevé précédemment des difficultés quant à la
mise en œuvre des directives ministérielles des années 1980 et 1990. Nous ne pouvons jeter un
regard inquisiteur sur les pratiques enseignantes des différentes époques faute de matériel concret
et pertinent. Cependant, il existe un témoin de ces années d‘enseignement, de ces nombreuses
pratiques influencées ou non par les programmes ministériels: le manuel scolaire. Le manuel
scolaire s‘avère un incontournable (Spallanzani, Biron, Larose, Lebrun, Lenoir, Masselter et Roy,
2001) et nous permet, en même temps, de découvrir une possible évolution.
Dans le but de circonscrire le champ d‘étude, nous avons cerné un domaine des mathématiques à
étudier et à documenter, soit l‘algèbre. Ce choix se justifie à différents égards. L‘enseignement et
l‘apprentissage de l‘algèbre, matière nouvelle et difficile pour les élèves, se fait de façon plus
symbolique comparativement à l‘apprentissage d‘autres concepts. Mais des recherches
(Gravemeijer et Doorman, 1999; Kurz et Batarelo, 2005; Li et Silver, 2000; Sharp et Adams,
2002) tendent à montrer l‘utilité du recours aux contextes dans ce domaine mathématique et dans
d‘autres également. Toutefois, peu de recherches se sont intéressées à l‘enseignementapprentissage de l‘algèbre dans les manuels scolaires.
217
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Bien que ces recherches (Marchand et Bednarz, 1999; Spallanzani, Biron, Larose, Lebrun,
Lenoir, Masselter et Roy, 2001; Ducharme-Rivard, 2007) soient des plus intéressantes, elles
s‘éloignent de nos préoccupations à plusieurs points de vue. Premièrement, le regard des auteurs
porte sur la structure mathématique sous-jacente des problèmes présentés aux élèves par ces
manuels scolaires et non sur la place des contextes des problèmes. Une autre étudie les manuels
utilisés au primaire, ce qui n‘est pas propice à l‘étude de l‘enseignement et de l‘apprentissage de
l‘algèbre. Une autre demeure dans un autre domaine que le nôtre, soit l‘enseignement et
l‘apprentissage de l‘arithmétique.
À notre connaissance, il n‘existe pas d‘études qui portent spécifiquement sur l‘utilisation des
contextes en algèbre à travers différentes époques (algèbre-contexte-évolution), ce qui, selon
nous, justifie la pertinence de notre recherche dans les manuels scolaires québécois.
Pour en apprendre davantage sur l‘utilisation des contextes en classe de mathématiques ainsi que
sur les types de contextes proposés, le manuel scolaire s‘avère un inévitable et nous permet, en
même temps, de découvrir une possible évolution de l‘utilisation des contextes que nous avons
choisis de documenter à l‘aide des chapitres introductifs à l‘algèbre dans les manuels scolaires
québécois de 1960 à nos jours.
Dans le souci de répondre adéquatement à cette question, nous proposons au lecteur un cadre
conceptuel visant à documenter l‘usage des contextes à partir de la documentation scientifique.
CADRE CONCEPTUEL
Kulm (1984) et Webb (1984) ont développé le concept de ―contexte‖ (context) qu‘ils distinguent
du concept de ―contenu‖ (content). Le contexte du problème réfère à la forme de l‘énoncé du
problème, à sa présentation. Caldwell (1984) et Kulm (1984) indiquent à ce propos que le
contexte comprend la partie non mathématique du problème. Pour eux, de façon générale le
contexte d‘un problème peut se présenter en trois éléments contextuels: la présentation, le
contexte verbal et le contexte de la tâche.
Quant au terme ―contenuˮ (content) de l‘énoncé d‘un problème, il réfère à l‘aspect mathématique
de cet énoncé. Selon Webb (1984), l‘aspect mathématique regroupe quatre grandes subdivisions,
soit : 1) le sujet mathématique sélectionné (mathematical topic) (arithmétique, géométrie, algèbre
etc.), 2) les informations décrivant le champ d‘application du sujet mathématique choisi (field of
application) (de la vraie vie, de la physique, de la chimie etc.), 3) les informations décrivant le
contenu sémantique (semantic content) (mots clés, vocabulaire mathématique utilisé) et 4) les
informations décrivant les éléments du problème (problem elements) (information donnée sur les
relations, information sur le but: trouver, construire, prouver). Pour Webb (1984), le contenu
réfère ainsi à la substance du problème, aux notions mathématiques abordées, à la sémantique
mathématique de l‘énoncé, ainsi qu‘à la composition de l‘énoncé du problème contenant des
directives sur le but du problème.
218
Guylaine Cotnoir
Tableau 1
Représentation organisée des concepts de contexte et de contenu
Symbolique
Présentation
Verbale
Imagée
Manipulation
Contexte
Contexte verbal
Arrangement des éléments de
personnages, de lieu et de temps
Éléments nécessaires à la résolution
Contexte de la tâche
Indices
Façon de répondre
Contenu
Sujet mathématique
Arithmétique, géométrie, algèbre…
Information décrivant le
champ d‘application
Chimie, biologie… 1
Information décrivant le
contenu sémantique
Mots-clés. Vocabulaire mathématique
utilisé
Information décrivant les
éléments du problème
Les relations, le but (trouver,
construire, prouver…)
Pour nous, le point 2 sur les informations décrivant le champ d‘application (field of application)
du sujet mathématique, s‘apparente davantage au contexte qu‘au contenu. En effet, en décrivant
un champ d‘application, on met en contexte le domaine mathématique abordé en le représentant
dans un lieu, une action ou des personnages. Nous partageons le point de vue de Simpson et
Zakeria (2004), qui, lors d‘une recherche empirique, présentent des problèmes de chimie
physique à leurs étudiants dans le cadre du cours sur les fonctions différentielles et intégrales. Or,
selon eux, le contexte est le thème abordé dans le problème, en l‘occurrence, la chimie. Pour sa
part, Janvier (1990, 1991), avec l‘exemple d‘un schéma d‘un circuit électronique, contextualise
en utilisant le domaine scientifique. Nous pensons que cette vision plus étendue du contexte d‘un
problème (Janvier, 1990; 1991; Simpson et Zakeria, 2004), est plus actuelle étant donné la mise
en place de la récente réforme de l‘éducation qui prône l‘intégration des disciplines et
particulièrement celles des mathématiques et des sciences (Gouvernement du Québec, 2003). Ce
programme axé sur le développement de compétences, tel que mentionné précédemment dans la
problématique, se veut justement basé sur l‘utilisation de situations complexes, contextualisées et
riches. Pour ce faire, l‘intégration d‘autres disciplines est à privilégier. Nous présentons dans le
tableau 1 un résumé de ce que représente le contexte et le contenu tel que les auteurs Caldwell
(1984), Kulm (1984) et Webb (1984) l‘entendent.
En résumé, nous définissons le contexte d‘un problème comme étant la façon de présenter
l‘énoncé (symbolique, verbale, imagée ou avec manipulations) (Caldwell 1984; Kulm, 1984;
1
Nous considérons cet aspect du contenu comme étant une forme de mise ne contexte de l’aspect mathématique.
219
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Webb, 1984). Les situations qui y sont présentées peuvent être issues de la vie de tous les jours,
de la vie du jeune, des mathématiques ou d‘autres disciplines scolaires. Ainsi, le contexte ne
réfère pas uniquement au vocabulaire utilisé.
Les fonctions attribuables aux contextes
Nous avons également répertorié plusieurs fonctions principales attribuables aux contextes. Tout
d‘abord, selon Huang (2004), Koedinger et Nathan (2004), en utilisant des contextes de la vie de
tous les jours, les connaissances antérieures sont activées et permettent ainsi à l‘élève de
s‘engager vers la solution appropriée. Le contexte sert donc de point de départ pour engendrer la
mise en œuvre de la bonne stratégie de résolution, puisqu‘il active des schèmes de résolution déjà
connus. Puis, d‘autres chercheurs (Cooper et Harries, 2002; Doerr et English, 2003; Forman et
Steen, 2000) attribuent aux contextes, le pouvoir de provoquer et de déployer le raisonnement,
c‘est-à-dire de permettre à l‘élève de justifier, d‘expliquer, d‘organiser et de créer à partir des
contextes. Ensuite, des contextes amenés en début de séquence d‘enseignement favorisent la
construction de connaissances par les élèves eux-mêmes (Doerr et English, 2003; Herrington et
Oliver, 2000; Kurz et Batarelo, 2005; Kwon, 2002; Li et Silver, 2000; Nunokawa, 2005; Sharp et
Adams, 2002). Par la suite, plusieurs auteurs s‘accordent à dire que le contexte permet de donner
du sens aux concepts à apprendre (Cooper et Harries, 2002; Doerr et English, 2003; Pape, 2004;
Sharp et Adams, 2002), aux procédures apprises (Simpson et Zakeria, 2004), aux nombres
utilisés dans l‘énoncé (Koedinger et Nathan, 2004) et aux relations entre les concepts et les
procédures (Doerr et English, 2003). Le fait d‘introduire les objets mathématiques dans une
histoire avec des objets de la vie quotidienne permet à l‘élève de donner un sens à tous ces
éléments mathématiques en mettant des mots, des images, des liens sur ces éléments
disciplinaires. Ensuite, les contextes servent également dans l‘application des connaissances
nouvellement acquises (Huang, 2004; Nguala, 2005, 2006; Nunokawa, 2005). Selon ces auteurs,
ces contextes doivent être nombreux, variés et se retrouver en fin de séquence d‘enseignement.
Ajoutons à cela une autre fonction qui se concentre plus particulièrement sur la discipline, celle
de montrer l‘utilité des mathématiques dans la vie de tous les jours. Les élèves ne sont pas
toujours convaincus de la pertinence de ce qu‘ils apprennent en classe et c‘est à ce moment que
l‘utilisation des contextes prend, encore une fois, beaucoup de sens en présentant des moments de
la vie quotidienne où les notions vues en classe sont utilisées (Cooper et Harries, 2002; Griesser,
2001; Kurz et Batarelo, 2005; Nunokawa, 2005). Puis, une autre fonction du contexte est celle de
permettre de faire des liens entre les mathématiques et d‘autres disciplines (Forman et Steen,
2000; Gouvernement du Québec, 2003; Janvier, 1990, 1991; Nunokawa, 2005; Simpson et
Zakeria, 2004). Ensuite, l‘utilisation des contextes permet également de motiver les élèves à la
tâche (De Bock et al., 2003; Doerr et English, 2003; Griesser, 2001; Kurz et Batarelo, 2005;
Nunokawa, 2005; Sharp et Adams, 2002). Cette fonction renvoie donc à une dimension plus
affective. Pour terminer quant aux fonctions attribuables aux contextes, leur utilisation permet
aussi de mettre à profit les connaissances informelles de l‘élève pour favoriser, par exemple, la
construction d‘un algorithme (Doerr et English, 2003; Kwon, 2002; Li et Silver, 2000; Sharp et
Adams, 2002).
La typologie des contextes
Pour élaborer une liste des types de contextes utilisés, nous partirons d‘une nomenclature bien
établie en mathématiques par le MEQ depuis plusieurs années (Gouvernement du Québec, 1988a,
220
Guylaine Cotnoir
1988b). Cependant, nous peaufinerons certaines catégories et en ajouterons d‘autres à la lumière
de la récente documentation scientifique consultée pour ce mémoire. Pour le MEQ un contexte
est réel: « s‘il se produit effectivement dans la réalité » (Gouvernement du Québec, 1988a, p. 20).
Dans ce type de contexte, l‘élève est engagé dans la tâche et l‘effectue réellement. L‘exemple
suivant est amené: «Trouve l‘aire du local de classe dans le but d‘y installer vraiment un tapis»
(p. 20). À la lumière des travaux de Lave (1988) et de sa façon de voir la mise en contexte, nous
pouvons penser que l‘individu et son activité sont inclus dans le contexte. Pour notre part, cette
terminologie ―réelle‖ est davantage attribuable à la tâche qu‘au contexte lui-même. Nous
retiendrons que les contextes réalistes sont des contextes issus de la vie de tous les jours ou des
contextes issus de la réalité sociale qui s‘inspire du réel. Un troisième type de contexte apporté
par le MEQ est le contexte fantaisiste: « un contexte est fantaisiste s‘il est le fruit de
l‘imagination et qu‘il est sans fondement dans la réalité » (Gouvernement du Québec, 1988a, p.
23). Les auteurs amènent, comme exemples, la création d‘un plan de maison contenant des pièces
de forme triangulaire, la création d‘un conte mathématique futuriste, la venue d‘extra-terrestres,
etc. Nous préférons la terminologie « imaginaire » puisqu‘elle se réfère directement à la
définition apportée. Le dernier type de contexte amené par le MEQ est le contexte purement
mathématique. Selon la classification, un contexte est purement mathématique « s‘il fait
exclusivement référence à des objets mathématiques: nombres, relations et opérations
arithmétiques, figures géométriques, etc. » (Gouvernement du Québec, 1988a, p. 23). Nous
ajouterons à ces types de contextes développés par le MEQ un autre type répertorié dans la
documentation scientifique. Plusieurs auteurs utilisent le mot « authentique » sans pour autant lui
donner le même sens, ni la même portée. Nous allons dans cette section faire ressortir les
différentes visions du contexte authentique. Donc, en résumé, en contexte authentique, selon ces
auteurs, l‘élève effectue une tâche réelle que l‘on retrouve dans une pratique sociale et cette tâche
est située dans un macrocontexte qui vient justifier la pertinence de la tâche à effectuer.
Toutefois, pour nous, l‘authenticité d‘un contexte ne renvoie pas seulement à une pratique
véhiculée dans la société, mais doit comporter une tâche qui est tirée de la réalité. La tâche est
donc ici très importante. Dans ces conditions, une tâche authentique est nécessairement contenue
dans un contexte réaliste, elle peut être réalisée pour vrai ou être simulée.
ÉLÉMENTS DE MÉTHODOLOGIE
La collecte de données s‘est concentrée sur les manuels québécois les plus utilisés à leur époque.
Un manuel a été sélectionné sur la base de sa popularité avant la venue du programme cadre,
Mathématiques: 8e et 9e années (Beaudry, Levasseur et Prescott, 1968), un autre après la parution
de ce programme, Mathématiques nouvelles (Ménard, 1970), un troisième édité après la parution
du programme des années 1980, Maths Soleil (Breton, et al., 1983), le quatrième lors de la
parution du programme des années 1990, Carrousel Mathématique (Breton et Fortin, 1994) et un
dernier sélectionné lui également sur sa popularité et issu du renouveau pédagogique,
Panoramath (Cadieux et al., 2005a).
Notre grille de collecte des données comprend plusieurs éléments. Premièrement, le titre de
l‘activité ou le numéro du problème. Deuxièmement, le contexte de l‘activité proposée, cette
section comprend les trois choix suivants: réel, imaginaire et purement mathématique. Ces
termes servent à qualifier le contexte amené par le ou les concepteurs du manuel. Par la suite,
notre grille comprend la section Type de réalité correspondant. Cette partie concerne le texte
accompagnant l‘activité d‘apprentissage et vient préciser les contextes réels sélectionnés dans la
221
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
rubrique précédente. Cette section ne comprend donc pas les contextes imaginaires et purement
mathématiques. Puis Section 4: Tâche rattachée à l‘activité proposée. Cette partie vient encore
une fois des activités issues des contextes qualifiés de réels. Elle découle donc de la partie
précédente et comprend trois choix de réponse. Nous nous demanderons si la tâche rattachée à
l‘activité est vraiment une tâche qui émane du type de réalité sélectionné en amont (activité
humaine ou du domaine naturel). Section 5: Pertinence du contexte pour le raisonnement. Cette
partie vient encore une fois des activités issues des contextes qualifiés de réels. Dans cette partie,
nous nous penchons sur la pertinence de ce contexte pour soutenir le raisonnement de l‘élève lors
de la résolution ou de la recherche de solutions. Section 6: Contenu algébrique. Puisque nous
nous intéressons à l‘enseignement et à l‘apprentissage de l‘algèbre, nous indiquons plus
spécifiquement le contenu algébrique abordé lors de l‘activité ciblée. Section 7: Selon l‘auteur.
Cette partie contient tous les extraits du guide pédagogique ou du manuel du maître qui
pourraient nous éclairer quant aux choix faits par le ou les auteurs sur l‘utilisation des contextes
dans le chapitre.
L‘élaboration de cette grille a débuté après l‘écriture du cadre conceptuel. Des manuels de
différentes époques avec des activités variées ont servi d‘exemples pour la mise en place des
catégories suivantes: type de réalité, type de contexte, pertinence pour le raisonnement, moment
dans la situation d‘apprentissage, intention pédagogique, contenu algébrique, façon de mettre en
contexte. Les grandes catégories de la grille étaient posées. Des problèmes ont été soumis à notre
équipe de direction avec la grille de recueil de données pour des fins de validation. Nous devions
chacun de notre côté remplir la grille et apporter nos commentaires sur sa fiabilité. Des
discussions ont eu lieu sur certaines portions de la grille notamment la pertinence pour le
raisonnement et le contexte de l‘activité. Deux autres rencontres ont été nécessaires, avec une
version légèrement modifiée de la grille et d‘autres problèmes issus des manuels, pour arriver au
produit final présenté dans l‘annexe A.
RÉSULTATS
Succinctement, les résultats obtenus quant à l‘évolution de l‘utilisation des contextes en
enseignement et en apprentissage de l‘algèbre se résument de la façon suivante: 2) une tendance à
l‘augmentation de l‘utilisation des contextes réels à travers les années, phénomène en étroite
relation avec le type d‘entrée privilégiée, 3) une augmentation des contextes issus du domaine
naturel en 1970, puis une diminution du recours à ce type de réalité (de 1983 à 2005), 4) une
remontée des contextes du domaine de l‘activité humaine pour représenter 90 % des contextes
réels en 2005, 5) une diminution des tâches qualifiées d‘artificielles qui passent de 94 % en 1968
à 60% en 2005, 6) les tâches authentiques, elles se voient augmenter de façon significative à
travers les époques étudiées, nous remarquons toutefois l‘absence de ce type de tâche en 1970, 7)
une diminution de la présence de contextes pertinents pour le raisonnement à travers les
différents manuels, ce qui pourrait s‘expliquer par, 8) une augmentation des contextes essentiels
pour le raisonnement de l‘élève, mais également par, 9) une augmentation des contextes non
pertinents pour le raisonnement. Notamment, nous constatons de nouvelles fonctions quant à
l‘utilisation des contextes. Premièrement un prétexte de discussion sur des objets autres que les
mathématiques pour permettre, selon nous, à l‘élève de s‘impliquer davantage dans son
apprentissage et augmenter par le biais des échanges sa culture générale. Deuxièmement, le
recours en grand nombre aux contextes du domaine de l‘activité humaine suppose une visée
sociale quant à la formation d‘un citoyen préparé, connaissant et productif.
222
Guylaine Cotnoir
DISCUSSION
Outre son apport au niveau de la compréhension de l‘organisation de certains manuels et de la
fréquence d‘apparition de plusieurs variables, notre recherche amène un cadre sur ce qui est
entendu quant au concept de contexte. À notre connaissance, il n‘existait pas de recherche
consacrée exclusivement sur ce concept, les différents auteurs qui abordaient ce concept de
contexte le faisaient tous à leur façon, sans pour autant définir ce concept central. Nous avons
également su intégrer la terminologie utilisée par différents auteurs et la rattacher à la vision
contemporaine du concept de contexte. De plus, notre cadre conceptuel vient asseoir des
fonctions attribuables aux contextes qui sont, toujours à notre connaissance, répertoriées pour la
première fois dans un même document. Nous avons, de surcroît, pu dégager des failles
importantes dans l‘utilisation abusive des contextes dans le seul but de répondre à une commande
des instances officielles. En fait, nous présentons un autre cadre d‘analyse des manuels scolaires
présents en classe pour permettre ainsi d‘éclairer davantage les personnes responsables du choix
du matériel didactique à utiliser en classe.
Toutefois, il est important de considérer les résultats obtenus à la lumière de la principale limite
de notre recherche. Notre choix d‘analyser un seul manuel par époque peut sembler discutable
surtout pour ce qui est des années 2000. Nous savons pertinemment que les enseignantes et les
enseignants ne se limitent pas à l‘utilisation d‘un seul manuel lors de la planification de leurs
leçons, mais vont souvent se référer à un ensemble de ressources tant papier qu‘électroniques.
Ajoutons à cela que nous avons analysé le contexte des différentes activités proposées aux élèves
sans jamais tenir compte du genre de problèmes soumis (ouvert ou fermé), de la complexité de la
tâche, ni de la charge cognitive engendrée par cette tâche. Un dernier aspect limitatif à notre
recherche, mais qui amène à des recherches futures, se situe au niveau de la pertinence du
contexte pour soutenir un raisonnement quant au concept mathématique présenté. Dans notre
analyse, nous nous sommes demandée si l‘élève devait tenir compte des éléments du contexte
lors de l‘élaboration de sa réponse. Cependant, il serait intéressant de pousser plus en avant en se
demandant si ce contexte soutient et enrichit effectivement le sens donné au concept et permet à
l‘élève de construire ou de peaufiner sa conception du concept mathématique. Il faudrait, pour ce
faire, s‘intéresser à l‘activité de l‘élève engendrée par le contexte de l‘activité proposée.
Ceci ne constitue pas la seule avenue possible à cette recherche, nous supposons que la
publication des résultats de cette étude peut amener les concepteurs de manuels à ajuster leur
emploi des contextes lors de la présentation des concepts mathématiques.
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Consulté le 18 juin 2009.
227
ANNEXE A
Grille de collecte de données
Titre de l’activité
Contexte de l’activité
proposée
Type de réalité
correspondant
Tâche rattachée à
l’activité proposée
Pertinence du contexte
pour le raisonnement
Contenu algébrique
Selon l’auteur
# 11
Réel
Coût des colis
Naturelle
Artificielle
113
Imaginaire
Purement mathématique
Activité humaine
Authentique fictive
Authentique réelle
Essentiel
Pertinent
Non pertinent
Interprétation d‘un graphique, mode de représentation
Problème 11: Les graphiques de ce type … représentent bien certaines situations de la
vie de tous les jours. » (p. 42)
Particularités de l’enseignement des mathématiques à des élèves en difficulté
en classes régulières ou spéciales
Vincent Martin
Doctorant en éducation
Centre de recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des sciences
(CREAS)
Université de Sherbrooke
Claudine Mary
Professeure agrégée
Centre de recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des sciences
(CREAS)
Université de Sherbrooke
RÉSUMÉ. Notre contribution vise à éclairer, à partir d‘une recension des écrits réalisée dans le
cadre de notre processus doctoral, certaines particularités de l‘enseignement des mathématiques à
des élèves en difficulté en classes régulières ou spéciales. Dans ce sens, nous présentons d‘abord
brièvement deux visions des élèves en difficultés d‘apprentissage en mathématiques et certains
phénomènes d‘enseignement se dégageant des écrits scientifiques consultés. Puis, nous exposons
une perspective alternative de l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté
reposant sur des interventions non remédiatives.
DESCRIPTION DE LA DÉMARCHE
La réflexion que nous présentons est issue d‘un travail réalisé en tutorat au cours de l‘année 2009
sur l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté ou l‘apprentissage des
mathématiques par ces derniers. Au départ, cette réflexion s‘est trouvée alimentée par les deux
questions suivantes:

Qu‘est-ce que certains écrits scientifiques peuvent nous apprendre sur les élèves ou les
classes « en difficulté » et plus particulièrement sur leur spécificité?

Qu‘est-ce que certains écrits scientifiques peuvent nous apprendre sur l‘enseignement des
mathématiques ou sur les interventions en mathématiques auprès de ces élèves ou classes?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons porté un regard sur une trentaine d‘écrits
scientifiques portant sur les élèves en difficulté 1 en classe régulière ou spéciale et sur
l‘enseignement ou l‘apprentissage des mathématiques. Ces textes sont issus de trois horizons
1
Dans les faits, les articles parlent différemment des élèves: élève faible, élève en échec électif en mathématiques,
élève en difficulté d‘apprentissage ou student with learning disabilities. Nous choisissons cependant de les nommer
élèves en difficulté dans un sens large et inclusif, en considérant que cette appellation pourrait inclure l‘ensemble des
élèves rencontrant des difficultés dans le contexte scolaire.
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
sociogéographiques: les textes québécois, les textes franco-européens, ainsi que les textes étatsuniens.2
Notre démarche réflexive nous a amenés à lire chacun des textes ciblés, puis à remplir des grilles
de lecture et à rédiger de brèves synthèses d‘idées. Parallèlement à ceci, plusieurs rencontres se
sont tenues pour nous permettre d‘analyser et de discuter les textes et leurs relations, notamment
sur les bases jetées par les grilles de lectures et les synthèses. De riches échanges sont survenus,
desquelles ont émergé un grand nombre d‘idées. Nous choisissons d‘en aborder quelques-unes
dans ce texte, en l‘occurrence celle des différentes des visions des élèves en difficulté, celle des
phénomènes d‘enseignement associés à l‘enseignement des mathématiques aux élèves en
difficulté, ainsi que celle liée à une certaine perspective d‘enseignement des mathématiques aux
élèves en difficulté.
Visions de l’élève en difficulté
Plusieurs écrits scientifiques révèlent deux perspectives relativement à la problématique des
élèves en difficulté d‘apprentissage en mathématiques (DeBlois et Giroux, 1998; Giroux, 2007;
Giroux et Ste-Marie, 2006; Lemoyne et Lessard, 2003; Mary, Squalli et Schmidt, 2008; Roiné,
2009; Salin, 2006a). La première perspective est centrée sur l‘identification et la description de
dysfonctionnements propres à l‘élève, tandis que la seconde perspective est axée sur
l‘identification des phénomènes didactiques qui sont spécifiques aux interactions dans
l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté ou leur apprentissage par ces derniers.
Ces deux perspectives reposent sur des fondements théoriques et méthodologiques particuliers,
ainsi qu‘elles sont alimentées et supportées par différents foyers (surtout universitaires) de
recherche. De plus, elles influencent l‘enseignement des mathématiques à un certain groupe
d‘élèves et par extension, elles influencent également l‘apprentissage de cette discipline par ce
même groupe d‘élèves.
Dans la première perspective, qui s‘appuie surtout sur des travaux issus de la psychologie
développementale, de la neuropsychologie et des sciences cognitives (Giroux, 2007; Goupil,
2007; Lemoyne et Lessard, 2003), les difficultés d‘apprentissage sont attribuées directement à
l‘élève, c'est-à-dire qu‘elles paraissent liées à ses caractéristiques fonctionnelles et structurales
(Lemoyne et Lessard, 2003). Dans ce sens, l‘élève est vu comme un sujet dont les
caractéristiques doivent être comprises et mesurées, étant donné que d‘elles découlent ces
difficultés d‘apprentissage. De son côté, l‘enseignant cherche à aider l‘élève à pallier ses
difficultés à travers des interventions de nature remédiative qui visent à modifier les processus
cognitifs généraux. L‘élève se trouve alors dans la position de celui qui a besoin d‘aide; il se
trouve en attente d‘interventions adaptées à ses lacunes.
Dans la seconde perspective, qui s‘appuie essentiellement sur des fondements propres à la
didactique des mathématiques, les difficultés d‘apprentissage sont vues comme la résultante de la
rencontre de l‘élève et du système didactique au sein duquel celui-ci est plongé pour apprendre.
Dans ce sens, l‘élève est vu comme un apprenant rencontrant certaines difficultés face à
2
Cependant, il convient de souligner que l‘état de la réflexion présentée ici ne repose pas uniquement sur cet
ensemble original de textes, non seulement parce que des textes se sont ajoutés, mais également car certains textes
ont été délaissés. Ainsi, le corpus a été élargi par de nouvelles lectures sur le sujet, mais il a également été réduit par
la mise de côté de certains textes qui ne portaient pas sur les idées que nous avons choisi de rapporter dans ces lignes.
230
Vincent Martin et Claudine Mary
l‘apprentissage des mathématiques au sein d‘un certain type de contrat didactique 3 passé entre
l‘enseignant (ou les enseignants) et lui (Brousseau et Warfield, 2002; Perrin-Glorian, 1993). De
son côté, l‘enseignant cherche à prendre en compte les connaissances mathématiques de l‘élève
pour mettre en place des conditions favorables à l‘apprentissage à travers des interventions de
nature didactique. En bref, l‘élève, qui présente un potentiel d‘apprentissage des mathématiques
(Mary et al., 2008) en dépit des difficultés d‘apprentissage qu‘il rencontre, est vu comme un
apprenant actif face à un milieu didactique conçu par un enseignant prenant en compte ses
connaissances et son potentiel.
Phénomènes d’enseignement aux élèves en difficulté
L‘étude par Brousseau du cas de Gaël durant les années 70 (Brousseau et Warfield, 2002) et la
recherche dans des classes « faibles » de Perrin-Glorian (1993) constituent des travaux fondateurs
du champ de la didactique des mathématiques sur les élèves en difficultés d‘apprentissage. Ceuxci illustrent bien ce passage à une vision plus systémique de cette problématique que représente la
seconde perspective présentée ci-haut. En bref, ces travaux de recherche réalisés en Europe ont
permis de mettre en exergue diverses caractéristiques propres aux élèves en difficulté, mais ils
ont surtout soulevé l‘idée que l‘origine de certaines difficultés rencontrées par des élèves dans
l‘apprentissage des mathématiques pourrait notamment être attribuable à des effets du contrat
didactique.
À la suite de ces travaux, une multitude de recherches en didactique des mathématiques ont
questionné les interactions didactiques propres à l‘enseignement des mathématiques aux élèves
en difficultés d‘apprentissage. Ces travaux ont permis de mettre en évidence différents
phénomènes didactiques spécifiques à l‘enseignement de cette discipline à ce type d‘élèves
(Salin, 2006b). Selon Giroux (2007, p. 6), ces phénomènes didactiques « témoignent de la
manière dont les contenus d‘enseignement sont affectés, transformés par des intentions
d‘enseignement adapté à une catégorie d‘élèves pour lesquels l‘enseignement régulier, avec ses
méthodes, a échoué ».
Un des phénomènes didactiques mis en lumière par des travaux en didactique des mathématiques
est lié à la progression plus lente du temps didactique 4 en classe spéciale qu‘en classe régulière
(Cherel, 2005; Favre, 1997; Giroux et René de Cotret, 2001; René de Cotret et Giroux, 2003). En
effet, plusieurs travaux de recherches en didactique des mathématiques ont porté sur la
comparaison de l‘enseignement et de l‘apprentissage des mathématiques dans des classes
ordinaires et spécialisées (Cherel, 2005; Favre, 1997; Giroux et René de Cotret, 2001; René de
Cotret et Giroux, 2003). Ces travaux ont tous montré que le temps didactique progresse
différemment dans le système régulier et dans le système spécialisé, c'est-à-dire qu‘il est moins
rapide dans la classe spéciale que dans la classe ordinaire. Dans la recherche de Cherel (2005),
qui a permis d‘étudier l‘intégration partielle de deux élèves d‘une classe spéciale aux leçons de
3
Le contrat didactique relève, au regard d‘une connaissance mathématique visée, d‘une « relation qui détermine –
explicitement pour une petite part, mais surtout implicitement – ce que chaque partenaire, l‘enseignant et l‘enseigné,
a la responsabilité de gérer et dont il sera, d‘une manière ou d‘une autre, responsable devant l‘autre » (Brousseau,
1998, p. 61).
4
Le temps didactique se rapporte à l‘introduction des objets de savoir à enseigner et à leur progression dans la classe.
Pour assurer cette progression, l‘enseignant découpe les objets de savoir à enseigner en fonction du temps
d‘enseignement dont il dispose et des échéances ponctuant le rythme de la vie scolaire (Giroux et René de Cotret,
2001; René de Cotret et Giroux, 2003).
231
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
mathématiques dans deux classes régulières, il a été constaté que les manuels et le programme de
mathématiques déterminent l‘avancée du temps didactique dans le milieu régulier, alors que ce
sont les objectifs de compréhension que l‘enseignante se fixe à l‘égard des élèves qui semblent
régir la progression du temps didactique dans la classe d‘adaptation.
Par ailleurs, certains auteurs, dont Cherel (2005) et Giroux (2007) jugent que plusieurs
phénomènes didactiques participent au ralentissement du temps didactique dans l‘enseignement
des mathématiques aux élèves en difficulté. Giroux et René de Cotret (2001) parlent dans ce sens
de marqueurs du ralentissement du temps didactique dans ce contexte, quoique chaque marqueur
puisse représenter un phénomène didactique en soi.
Un premier phénomène didactique participant au ralentissement du temps didactique réfère à une
certaine économie dans l‘exposé du savoir (Cherel, 2005; Giroux et René de Cotret, 2001; René
de Cotret et Giroux, 2003). Ainsi, dans l‘enseignement des mathématiques aux élèves en
difficulté, les contenus mathématiques sont généralement présentés avec moins de profondeur ou
de manière plus abrégée que dans l‘enseignement ordinaire. René de Cotret et Giroux (2003) ont
donné un exemple de ce phénomène lorsqu‘elles ont comparé l‘enseignement des nombres
relatifs par la même personne enseignante dans deux classes (classe d‘élèves doubleurs et classe
régulière). Celles-ci ont ainsi constaté que les caractéristiques des opposés, la distinction
soustraction-négatif et l‘idée de valeur absolue n‘ont pas été abordées dans la classe de doubleurs,
alors qu‘elles l‘ont été dans la classe régulière.
En lien avec l‘exposé du savoir dans l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté,
Brousseau et Warfield (2002) et Merri et Vannier (sous presses) ont décrié l‘existence d‘un
phénomène didactique référant à une intervention remédiative qualifiée par Watzlawick (1988)
d‘« ultrasolution ». À des fins de rééducation, l‘enseignant cherche dans cette perspective des
remèdes aux difficultés rencontrées par l‘élève dans l‘apprentissage des mathématiques par le
recours à plus de problèmes du même type. Pour sa part, Conne (1999) atteste que l‘enseignant
court le danger d‘une « reconduction dans l’ignorance » consistant à faire faire et refaire aux
élèves ce qu‘ils ont déjà réussi dans le but inconscient d‘une réassurance des élèves et de
l‘enseignant.
Un second phénomène didactique contribuant au ralentissement du temps didactique est en lien
avec l‘algorithmisation des objets de savoir dans l‘enseignement des mathématiques aux élèves
en difficulté, qui amène ces derniers à travailler longtemps et de manière répétitive sur le même
contenu. Ce phénomène se traduit par un exposé qui tend plus directement vers la règle qui
permettra de résoudre les problèmes, c'est-à-dire à une transmission de règles à appliquer au
détriment de la construction de sens (Butlen, Charles-Pezard et Masselot, sous presse; Giroux,
2007; Giroux et René de Cotret, 2001; René de Cotret et Giroux, 2003; Salin, 2006a).
En lien avec cette idée de fournir hâtivement à l‘élève ce dont il a besoin pour accomplir une
tâche, certains auteurs (Cherel, 2005; Favre, 1997, 1999; Giroux et René de Cotret, 2001; René
de Cotret et Fiola, 2006) ont souligné le caractère directif de l‘enseignement des mathématiques
promulgué aux élèves en difficulté. Ainsi, ces études ont mis en lumière le fait que dans
l‘enseignement des mathématiques à des élèves en difficulté, la personne enseignante cherche
souvent à orienter les élèves vers la bonne solution, par exemple en les guidant par une série de
questions ou en leur fournissant trop rapidement les outils nécessaires à la réalisation de la tâche.
232
Vincent Martin et Claudine Mary
Un troisième phénomène didactique prenant part au ralentissement du temps didactique est lié à
l‘investissement du savoir dans l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté, que
certains auteurs évoquent en termes de surinvestissement et de désinvestissement du savoir
(Cange et Favre, 2003; Cherel, 2005; Conne, 1999, 2003; Conne, Favre et Giroux, 2006; Giroux,
2007; Lemoyne et Bisaillon, 2006; Merri et Vannier, sous presses; Salin, 2006b). Effectivement,
certains contenus sont évacués de l‘enseignement spécialisé afin d‘étirer le temps consacré aux
objets de savoir jugés essentiels (Cherel, 2005). À l‘opposé, les objets de savoir qui se trouvent
désinvestis le sont soit parce qu‘ils semblent moins primordiaux ou au contraire parce qu‘ils
semblent trop difficiles (Ibid.). Dans ce sens, un fort accent est souvent mis dans l‘enseignement
des mathématiques aux élèves en difficulté sur la numération (Ibid.) et sur les habiletés de base
(Cange et Favre, 2003; Conne, 1999), alors qu‘à l‘opposé, la résolution de problèmes est souvent
négligée dans un tel contexte (Cherel, 2005; René de Cotret et Giroux, 2003).
Un quatrième phénomène didactique relié au ralentissement du temps didactique dans
l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté relève d‘un manque
d‘institutionnalisation (Butlen et al., sous presse; Cherel, 2005). Cherel (2005) a décrit le fait que
l‘enseignante de la classe spéciale qu‘elle a observée avait tendance à différer
l‘institutionnalisation, c'est-à-dire à ne pas établir de rapport clair entre les connaissances ayant
fonctionné en situation et le savoir institué. Selon l‘auteure, la coexistence de différents faits
didactiques, notamment des termes, des méthodes ou des références à du matériel divers, apparus
au cours de l‘apprentissage était donc maintenue par l‘enseignante, sans qu‘elle en élimine de
peur que les élèves ne perdent les sens qui leur sont rattachés. De plus, celle-ci avance que cette
situation surcharge de connaissances fortement contextualisées la mémoire didactique de la
classe, ce qui peut rendre les échanges didactiques confus et empêcher le changement de statut
des connaissances (Brousseau et Centeno, 1991). De leur côté, Butlen et al. (sous presses) ont
également été témoin de ce manque d‘institutionnalisation dans l‘enseignement des
mathématiques aux élèves en difficulté, par le biais d‘un travail réalisé dans des écoles de ZEP en
France sur les pratiques effectives de professeurs des écoles débutants enseignant les
mathématiques à des élèves issus de milieux très défavorisés. Ainsi, ces auteurs soutiennent que
dans ce contexte, les enseignants prennent en compte les productions de tous les élèves sans
s‘autoriser à en écarter certaines en fonction du niveau de raisonnement et de leur pertinence, afin
de maintenir la paix sociale dans la classe. Les productions sont donc présentées sans
hiérarchisation, ce qui peut être dommageable pour les apprentissages des élèves.
Un cinquième phénomène didactique contribuant au ralentissement du temps didactique dans
l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté est en lien avec une gestion à chaud
des erreurs et de l‘échec. Ce phénomène a été abordé par nombre de recherche en didactique des
mathématiques (Brousseau et Warfield, 2002; Cange et Favre, 2003; Cherel, 2005; Favre, 1997,
1999; Giroux, 2004, 2007; Giroux et René de Cotret, 2001; Perrin-Glorian, 1993; René de Cotret
et Giroux, 2003). Par exemple, une enseignante enseignant à des élèves en difficulté cherche à
résoudre les erreurs et les manifestations d‘incompréhension repérées chez les élèves. Ainsi, afin
de s‘assurer que tout a été bien compris, celle-ci prend le temps d‘interroger chaque élève ou de
vérifier toutes les productions. Cette constatation rejoint les résultats de Favre (1997, 1999), dont
le travail a porté sur la comparaison de l‘enseignement et de l‘apprentissage de la multiplication
dans une classe spécialisée et dans une classe ordinaire du primaire. Celui-ci a pointé le fait que
la résolution de toutes les incompréhensions dont font preuve les élèves durant les leçons de
mathématiques par l‘enseignante ralentit le temps didactique de la classe spéciale par rapport à
233
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
celui de la classe ordinaire, dans laquelle l‘enseignante semble pouvoir se contenter de la
compréhension d‘une majorité d‘élèves pour introduire de nouveaux objets de savoirs. Giroux
(2007), en référence aux travaux de Favre (1997, 1999) et de Giroux (2004), que ce phénomène
didactique mène souvent à la dissolution et à l‘évanouissement du savoir en jeu dans l‘échange
didactique.
Ce phénomène de gestion à chaud des erreurs et de l‘échec se traduit selon Giroux (2004) par un
autre phénomène didactique, se traduisant par un recours à des échanges didactiques serrés pour
l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté. En effet, dans ce contexte, les
échanges didactiques sont souvent menés dans un mode question-réponse (Cherel, 2005; René de
Cotret et Giroux, 2003). Giroux (2004) attribue ce phénomène au fait que la personne
enseignante de la classe spéciale cherche dans le hic et nunc les occasions d‘accorder son
enseignement aux difficultés ou aux erreurs de l‘élève au moment où elles se présentent.
Également relié aux échanges didactiques survenant lors de l‘enseignement des mathématiques à
des élèves en difficulté, Minnasian et Munoz (sous presses) et Cherel (2005) ont mis en lumière
un phénomène didactique d‘exclusion des élèves en difficulté des débats ou des discussions.
Ainsi, Minassian et Munoz (sous presses) ont souligné que les élèves jugés faibles sont parfois
exclus des discussions au profit des élèves jugés « tête de la classe ». L‘enseignant, qui ne semble
pas opérer cette exclusion volontairement, l‘argumente cependant en soutenant que les erreurs ne
doivent pas être visualisées par les élèves. Allant dans ce sens, Cherel (2005) souligne le fait que
la personne enseignante, en voulant prioriser l‘obtention de la procédure la plus économique et
qui pourra être réutilisable ultérieurement, peut évacuer les réponses non conformes ou
divergentes pour ne retenir que celles qui vont dans la direction voulue.
Un autre phénomène didactique associé à la progression du temps didactique dans
l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté a été mis en lumière dans une étude
qui a cherché à caractériser les interactions dans les classes de mathématiques d‘élèves faibles
(Giroux et René de Cotret, 2001; René de Cotret et Giroux 2003). Celui-ci renvoie à un
défilement des objets de savoir, c'est-à-dire à une obsolescence rapide des objets de savoir
(Sensevy, 1998, In René de Cotret et Giroux, 2003). Ainsi, l‘élève se trouve témoin d‘une
succession d‘objets sans qu‘il puisse construire des relations entre ces objets, ce qui rend difficile
la réalisation d‘apprentissages s‘inscrivant dans la durée et fondés sur la compréhension.
Ce phénomène de succession rapide et déconnectée des savoirs nous semble lié à un phénomène
didactique pouvant aussi être observé dans l‘enseignement des mathématiques aux élèves en
difficulté, qui relève de ce que Cange et Favre (2003) ont appelé un morcellement des savoirs.
Évoquant vraisemblablement le même phénomène, René de Cotret et Giroux (2003) traitent de la
segmentation des objets de savoir qui n‘offre pas l‘opportunité de construction dans la durée et
dans la continuité, alors que Butlen et al. (sous presse) mentionnent le découpage du savoir en
micro tâches. Ce phénomène semble pouvoir être expliqué par le fait que la personne enseignante
œuvrant avec des élèves en difficulté tente de travailler dans une logique de réussite à court
terme, voire instantané, et qu‘elle veut éviter de lasser les élèves (Ibid.). Ce phénomène
didactique renvoie à l‘investissement des erreurs par la personne enseignante dans
l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté (Butlen et al., sous presse; Cange et
Favre, 2003).
234
Vincent Martin et Claudine Mary
Par ailleurs, Roiné (2009) a identifié dans le cadre de sa thèse deux nouveaux phénomènes
didactiques associés à l‘enseignement des mathématiques à des élèves en difficulté et découlant
de ce qu‘il a appelé une cécité didactique. Cette dernière est liée à une absence de visibilité dans
l‘enseignement des conditions didactiques susceptibles de faire progresser l‘acquisition de savoir
chez les élèves. Ainsi, l‘enseignant cherche à agir directement sur les mécanismes mentaux qui
sont supposés expliquer les difficultés des élèves, plutôt que d‘agir sur la situation
d‘enseignement, c'est-à-dire « d‘organiser en amont et de piloter en aval un milieu didactique
structuré par une situation pertinente, et enrichi par des interactions finalisées par l‘acquisition
d‘un savoir spécifique » (Ibid., p. 255).
D‘abord, le premier phénomène didactique, appelé « effet pharmakéia » par l‘auteur, fait
référence à l‘ajout par l‘enseignant de dispositifs d‘aide à la représentation ou au transfert censés
aider l‘élève à surmonter ses difficultés, mais qui complexifie la tâche de l‘élève et qui modifie le
contrat didactique en œuvre dans la classe. Ainsi, de remède, les dispositifs se révèlent des
poisons potentiels puisque l‘enseignant ne prend pas en compte les conditions didactiques
associées à leur utilisation. À notre sens, ce phénomène n‘est pas sans rappeler le glissement
métadidactique ou métacognitif identifié par Brousseau (1996).
Puis, le second phénomène didactique est lié à des mises en commun provoquées par l‘enseignant
cherchant à faire expliciter leurs procédures aux élèves, entre autres lorsqu‘elles sont erronées.
Ces mises en commun, qui permettent de mettre en lumière les erreurs des élèves et qui incitent
ces derniers à adopter un regard métacognitif sur leur procédure, ne mettent pas en place les
conditions didactiques pour que ces erreurs puissent réellement être surmontées. Ce phénomène
fait écho à celui de gestion à chaud des erreurs et de l‘échec, puisque les deux rapportent une
véritable chasse à l‘erreur dans l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté. Il
peut également être mis en lien avec le phénomène didactique d‘exclusion des élèves en difficulté
des débats ou des discussions, survenant lors des phases de mise en commun du travail des
élèves.
Ce phénomène de mise en commun dont parle Roiné (2009) apparaît lié à un phénomène
didactique, relevé par Favre (1997) et par Cherel (2005), qui relève d‘une plus grande part
publique du travail de l‘élève dans l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté
qu‘aux autres élèves. Dans ce sens, Favre (1997) a constaté qu‘en fonction du type de classe dans
lequel l‘élève évolue, une plus ou moins grande part de son travail peut être traitée publiquement.
D‘un côté, l‘élève de la classe ordinaire travaille en général de façon privée et il doit rarement
justifier sa réponse, faire état de sa démarche ou prouver ce qu‘il avance, et ce, même lorsqu‘il
est interrogé par la personne enseignante. De l‘autre côté, l‘élève de la classe spéciale est
davantage sollicité par la personne enseignante pour expliciter sa démarche et pour démontrer sa
compréhension. Cherel (2005) a également souligné l‘existence de ce phénomène dans des
classes étudiées dans sa recherche. Cette augmentation de la part publique du travail de l‘élève en
difficulté par l‘enseignant afin de s‘assurer de la compréhension de celui-ci apparaît reliée au
phénomène de gestion à chaud de l‘erreur et de l‘échec abordé précédemment.
Finalement, Butlen et al. (sous presse) ont souligné l‘existence d'un phénomène didactique plus
général lié à l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté, qui consiste en une
diminution des exigences, à un aplanissement des difficultés ou à une simplification des
situations. En effet, ceux-ci ont remarqué, dans le contexte de l‘enseignement des mathématiques
à des élèves en difficultés en zone d‘éducation prioritaire (ZEP), que les enseignants encouragent,
235
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
rassurent et félicitent leurs élèves le plus souvent possible afin de créer un climat de confiance
dans la classe. Ceci les amène souvent à abaisser leurs exigences et à aplanir les difficultés que
les élèves rencontrent. Un cercle vicieux s‘instaure alors, puisque plus les tâches sont simplifiées,
moins les élèves s‘investissent, ce qui au final, met en péril la construction de nouvelles
connaissances par les élèves.
En somme, ces phénomènes d‘enseignement ne découlent pas d‘interventions mal intentionnées,
mais plutôt d‘interventions visant à conduire l‘élève à la réussite et à lui éviter d‘être confronté (à
nouveau) à l‘échec. Toutefois, plusieurs de celles-ci tendent plutôt à provoquer des effets négatifs
chez les élèves. D‘une part, elles peuvent priver l‘élève du défi ou de la confrontation nécessaire,
ce qui peut le mener à un désengagement ou à une démobilisation (René de Cotret et Fiola,
2006). D‘autre part, celles-ci peuvent amener l‘élève à adopter une position d‘attente ou des
stratégies d‘évitement face à la tâche (Brousseau, 1980; Brousseau et Warfield, 2002; Cherel,
2005; DeBlois, 2008; Mary et al., 2008; René de Cotret et Fiola, 2006).
PERSPECTIVE ALTERNATIVE D’ENSEIGNEMENT AUX ÉLÈVES EN DIFFICULTÉ
Nous pouvons penser que plusieurs des phénomènes recensés découlent d‘une vision déficitaire
de l‘élève en difficulté en mathématiques: le morcellement des savoirs, leur algorithmisation,
l‘effet pharmakéia, le surinvestissement et de désinvestissement du savoir, pour ne citer que
ceux-là. Avec cette vision déficitaire, c‘est aussi une vision de l‘enseignement des mathématiques
qui est en jeu.
Pour Roiné (2009), les interventions mises en œuvre par les enseignants en cohérence avec l‘idée
que les difficultés sont inhérentes à l‘élève tendent à provoquer une démathématisation de
l‘enseignement et une dédidactisation du regard de l‘enseignant. Dans le même sens, Mary et al.
(2008) ont fait écho à de nombreux écrits scientifiques en mentionnant que les interventions
remédiatives misant sur l‘individualisation et le surenseignement placent l‘élève dans un état
d‘attente qui réduira son niveau d‘autonomie, en plus de l‘amener à développer la conception
d‘une mathématique indiscutable et sur laquelle il n‘a pas de réel pouvoir.
Dans la seconde perspective, où les difficultés sont vues comme découlant du système didactique
dans lequel l‘élève est plongé, les actions de l‘enseignant s‘orientent vers les conditions
d‘apprentissage mises en place pour permettre à l‘élève d‘apprendre. Cette perspective implique
donc, selon Roiné (2009), que les actions de l‘enseignant soient directement orientées vers le
milieu didactique. Et même si les connaissances et les capacités de raisonnement des élèves sont
prises en compte par les interventions de l‘enseignant, ce ne sera pas parce qu‘il les juge
lacunaires, mais plutôt pour les exploiter (Mary et al., 2008). Ainsi, l‘enseignement, qui n‘aura
pas comme objectif de remédier aux lacunes des élèves, visera au contraire le développement du
potentiel d‘apprentissage des mathématiques de l‘élève à travers des situations exigeant réflexion
et construction de raisonnements (Mary et al., 2008; Mary et Theis, 2007), quitte à accepter que
l‘élève ne dispose pas de tous les préalables mathématiques (Cange et Favre, 2003). Pour y
arriver, l‘enseignant doit faire des choix didactiques pour concevoir et proposer de telles
situations, ainsi que pour pouvoir intervenir lorsque les élèves leur font face.
Dans le sens d‘un tel enseignement des mathématiques, différents auteurs suggèrent des
interventions face aux difficultés rencontrées par les élèves dans l‘apprentissage. Ainsi, Salin
(2006a, 2006b) propose la mise en place de situations intermédiaires et de situations à dimension
236
Vincent Martin et Claudine Mary
adidactique, c'est-à-dire des situations de prévision permettant d‘entraîner les élèves à anticiper
un résultat. Elle suggère également de confronter les élèves à des situations retournées, c'est-àdire des situations qui les forcent à questionner les liens existants entre un milieu matériel sur
lequel l‘action doit être réalisée et un résultat à obtenir, considérant qu‘elles établissent des
conditions à propos du résultat à obtenir. Pour sa part, Giroux suggère de plonger les élèves dans
des dialectiques d‘action variées qui sollicitent un même objet de savoir (Giroux, 2007) tout en
contribuant par un jeu de relances à mailler chacune de ces situations de manière à faire porter
l‘apprentissage non pas sur l‘appropriation des différents contextes, mais sur l‘enjeu
mathématique sous-jacent (Giroux et Ste-Marie, 2006).
Mary et Theis (2007) ainsi que Mary et al. (2008) proposent de faire entrer les élèves dans une
réelle activité mathématique. La résolution se trouve alors en partie à la charge de l‘élève, la
méthode de résolution n‘étant pas fournie à l‘élève, contrairement aux pratiques consistant à
enseigner d‘abord les méthodes et à les appliquer ensuite. Cette approche compte sur les
connaissances des élèves pour mettre en branle des méthodes de résolution qui seront discutées,
validées et revues. La résolution du problème sert alors au développement de nouvelles
connaissances.
De nombreux travaux en didactique des mathématiques ont récemment placé les élèves dits en
difficulté en situation de résolution de problèmes complexes pour étudier ou bien leurs
raisonnements dans de telles situations ou bien le potentiel des situations pour favoriser le
développement de certaines connaissances. Ces travaux sont effectués autour de différents
contenus mathématiques, notamment les nombres rationnels (Blouin et Lemoyne, 2002),
l‘arithmétique (Giroux et Ste-Marie, 2006), l‘algèbre (Lemoyne et Bisaillon, 2006; René de
Cotret et Fiola, 2006) et le raisonnement algébrique (Mary et al., 2008), les statistiques (Mary et
Theis, 2007; Theis et Martin, 2007), ainsi que les probabilités (Martin et Theis, sous presse).
Plusieurs de ces travaux misent sur les interactions entre les élèves, ce qui rejoint l‘idée de Mary
et al. (2008), qui insistent sur l‘importance de la dimension sociale des situations, puisque « les
interactions sociales servent en grande partie à la confrontation des stratégies ou des méthodes de
résolution de problèmes et à la progression du savoir en classe » (p. 174).
En somme, ces mesures proposées par les différents didacticiens vont toutes dans le sens d‘un
enseignement qui, face aux difficultés rencontrées par certains élèves dans l‘apprentissage des
mathématiques, se trouve à intervenir sur le plan didactique, c'est-à-dire à réaliser des
interventions pour modifier les conditions d‘apprentissage au regard des contenus mathématiques
à enseigner tout en misant sur le potentiel mathématique de tous les élèves.
Remarques conclusives
L‘originalité de notre contribution à la question des particularités de l‘enseignement des
mathématiques à des élèves en difficulté en classes régulières ou spéciales est double. D‘une part,
elle présente une recension plus complète et mise à jour des phénomènes d‘enseignement des
mathématiques aux élèves en difficulté par rapport à d‘autres travaux ayant abordé cette question.
D‘autre part, elle a permis de recenser un certain nombre d‘écrits scientifiques rapportant des
interventions non remédiatives pour l‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté,
essentiellement issus du champ québécois de la didactique des mathématiques.
237
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Notre contribution se trouve divisée en trois parties. Nous avons d‘abord présenté deux visions
des élèves en difficultés d‘apprentissage en mathématiques et ensuite certains phénomènes
d‘enseignement associés à une vision déficitaire de l‘élève en difficulté. Nous avons également
mis en lumière une perspective alternative de l‘enseignement des mathématiques aux élèves en
difficulté, qui est soutenue par des auteurs dont les travaux s‘inscrivent en cohérence avec la
vision d‘un élève rencontrant des difficultés au sein d‘un système didactique, mais présentant
néanmoins un potentiel mathématique.
Une telle perspective d‘enseignement des mathématiques aux élèves en difficulté soulève à notre
avis divers questionnements. Que font les enseignants lorsqu‘ils présentent des problèmes
mathématiques complexes à des élèves en difficulté? Comment enseignent-ils les mathématiques
dans ce contexte? De leur côté, quelle expérience mathématique vivent les élèves en difficulté
dans une telle perspective? Notre recherche doctorale permettra dans une certaine mesure de
chercher des réponses à quelques-unes de ces questions, puisqu‘elle visera à décrire et
comprendre le rôle de l‘enseignant dans l‘enseignement des mathématiques à des élèves en
difficulté dans le sens d‘une telle perspective.
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240
Construction négociée en contexte de stage d’un savoir-enseigner les
mathématiques au primaire au sein de la triade de formation.
Lily Bacon
Étudiante au doctorat, Université de Montréal, Québec
Professeure, superviseure de stage, Université du Québec en AbitibiTémiscamingue, Québec
RÉSUMÉ. Notre recherche doctorale (en cours) s‘intéresse à la collaboration de formation
initiale pour l‘enseignement des mathématiques au primaire 1 qui se vit entre des praticiennes (en
exercice et en formation) et une didacticienne dans un contexte de stage. Dans le cadre d‘une
étude de cas, nous avons suivi une stagiaire au cours de son 3 e et avant dernier stage dans une
classe de 1re année du 1er cycle (6-7 ans). Nous avons assisté à des séances d‘enseignement des
mathématiques de la stagiaire auprès de ses élèves et nous avons participé, avec la stagiaire et son
enseignante-associée, aux rencontres de préparation des situations d‘enseignement de même
qu‘aux rencontres consacrées à l‘analyse des situations d‘enseignement observées et de l‘activité
mise en œuvre par la stagiaire.
Nous faisons appel au cadre de la didactique professionnelle pour poser le potentiel que
représentent les échanges issus de la collaboration quant à leur contribution à la transformation de
la pratique d‘enseignement des mathématiques des futurs enseignants. Nous y avons également
recours surtout pour explorer les objets de discussion et d‘analyse relevés par les différents
partenaires de la formation au cours des rencontres pré et post leçons. Pour la didactique
professionnelle, la médiation sociale issue des situations de travail et de formation contribue à
rendre visibles les éléments-clés des situations professionnelles à prendre en compte pour une
activité efficace. Ces éléments, nommés concepts organisateurs, sont conçus comme des
variables qui orientent l‘action. Leur verbalisation et partage lors des échanges constituent en
quelque sorte le savoir de référence lié à la pratique professionnelle concernée.
Nous proposons quelques exemples d‘interactions entre la stagiaire, l‘enseignante-associée et la
didacticienne qui seront abordés de manière à rendre compte du savoir-enseigner les
mathématiques de référence qui s‘organise pour cette triade. Dans ce but, nous ferons ressortir les
concepts organisateurs qui se construisent à travers la négociation entre les différents partenaires
de la formation pour les situations d‘enseignement des mathématiques observées.
PROBLÉMATIQUE
Nous intervenons depuis plusieurs années en tant que didacticienne des mathématiques dans le
programme de baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire (BEPEP) de
l‘Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Notre implication à la fois dans les
cours liés aux mathématiques et à la didactique des mathématiques de même que dans la
supervision du 3e stage du BEPEP 2 nous a offert une position privilégiée pour observer la
1
2
École élémentaire
Ce programme comprend 4 stages : un à chacune des 4 années prévues au cheminement
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
pratique d‘enseignement des mathématiques que développent les futures enseignantes. Au fil de
nos expériences comme superviseure en stage nous avons été interpellée, comme didacticienne,
par la mise en scène par les stagiaires de situations d‘enseignement que l‘on pouvait juger
insatisfaisantes sur le plan des apprentissages mathématiques. Comme formatrice, nous étions
également préoccupée par le fait que ces stagiaires ne relevaient pas spontanément les aspects
problématiques des situations vécues et n‘avaient souvent aucunement conscience des enjeux
didactiques à côté desquels elles étaient passées. Ces observations qui ne constituaient pas des
exceptions sont à l‘origine de notre questionnement de recherche.
Depuis 2001, la formation à l‘enseignement au Québec s‘inscrit dans un contexte de réforme de
son curriculum pour la formation des jeunes et de nouvelles orientations pour la formation des
maîtres. Contexte qui a influencé ce qui est attendu de la pratique enseignante, sa nature et son
développement. L‘épistémologie de l‘agir professionnel qui a pris de l‘ampleur autour des
travaux de Schön et les visées de professionnalisation retenues par le MELS 3 ont orienté la
formation à l‘enseignement vers le développement de compétences professionnelles visant un
enseignant connaissant et compétent qui est en mesure d‘argumenter ses choix et interventions en
s‘appuyant sur des savoirs disciplinaires, pédagogiques et didactiques et qui est capable d‘adapter
avec pertinence son action aux particularités des situations professionnelles rencontrées (MEQ,
2001b). De cette pratique enseignante il est également attendu qu‘elle soit centrée sur les
apprentissages de manière à répondre à l‘une des missions de l‘école qui est de donner du sens et
une portée aux savoirs (MEQ, 2001a; Carbonneau et Legendre, 2002). Ainsi pour l‘enseignement
des mathématiques, cela signifie que le renouvellement de l‘enseignement est envisagé dans le
sens de la mise en œuvre de compétences didactiques qui vont permettre aux enseignantes de
comprendre et d‘agir sur cette « relation sociale particulière » dans laquelle elles se retrouvent
avec leurs élèves au sujet de l‘activité et des objets mathématiques (Jonnaert, 1997, p. 175).
Assurer le développement de compétences qui tiennent compte de la dimension didactique de la
pratique professionnelle devient donc l‘un des enjeux majeurs de la formation en enseignement
(MEQ, 2001b).
Cette perspective du développement professionnel a également influencé sur les moyens de
formation privilégiés. D‘abord, l‘ancrage du développement professionnel des enseignants aux
milieux réels d‘exercice s‘est trouvé réaffirmé et explicité : les stages prévus aux programmes de
formation sont clairement définis dans les écrits officiels non comme un lieu d‘application, mais
bien comme un temps et un espace de formation où collaborent milieux scolaire et universitaire
(MEQ, 2001b). Deuxièmement, la pédagogie de l‘alternance action-réflexion s‘est imposée
comme moteur pour le développement des compétences professionnelles de manière à dépasser
la dimension anecdotique de l‘expérience et assurer une réelle portée éducative au stage (Ball et
Cohen, 1999). Or, ce dispositif de formation, s‘il est posé comme condition nécessaire au
développement professionnel, ne peut toutefois être considéré comme garant d‘apprentissage
(Perrenoud, 2000). Pour Samurçay et Pastré (2004) cela s‘exprime par une nuance importante
entre « prendre de l‘expérience » et « apprendre de l‘expérience ». La pratique réflexive parce
qu‘elle constitue un outil nécessaire à la profession sera envisagée comme objet de formation et
de nombreux efforts sont fournis afin d‘amener les futures enseignantes à développer cette
métacompétence. Cependant, il faut parallèlement considérer que ce sont les objets d‘analyse qui
se trouvent être la pierre angulaire du développement des compétences professionnelles. Car,
3
Ministère de l‘éducation, du loisir et du sport
242
Lily Bacon
comme le soulignait Schön (1996), les enjeux de la pratique à adresser ne sont pas donnés. La
dimension construite des problèmes soumis à la réflexion place le praticien et l‘interprétation
qu‘il fait des situations d‘action rencontrées au premier plan de cette démarche (Couture et
Bouissou, 2003).
Comme nos observations nous l‘ont fait constater, les étudiantes conçoivent peu les situations
d‘enseignement des mathématiques d‘un point de vue didactique. Diverses hypothèses ont été
avancées pour mieux comprendre ce fait. Ball et Cohen (1999) ont pointé du doigt la
connaissance des contenus mathématiques davantage procédurale que conceptuelle souvent notée
chez les futures enseignantes du primaire soulignant que ce type de maîtrise n‘est pas suffisant
pour permettre une analyse pertinente des situations. Il a aussi été rapporté que ce sont davantage
les dilemmes liés à la gestion de classe qui sont au cœur des préoccupations des étudiantes à la
fois parce que les situations d‘exercice en stage les placent en mode survie (Wideen, MayerSmith et Moon, 1998), mais aussi parce que les phénomènes liés à cette dimension sont plus
accessibles et plus rapidement que ceux liés à l‘apprentissage (Durand, 1996). De plus, la
médiation assurée par l‘enseignante-associée et le superviseur universitaire aborde peu cette
dimension didactique. Souvent ces derniers vont considérer la pratique de la stagiaire en regard
de leur propre pratique ou encore vont l‘aborder sous l‘angle psychopédagogique et ne
considèreront pas la spécificité disciplinaire des apprentissages proposant même parfois à la
stagiaire des pistes de solution en contradiction avec certains principes didactiques (Gattuso,
2000). Ce constat a fait dire à de nombreux chercheurs et didacticiens québécois qu‘ils avaient un
rôle important à jouer dans les stages afin de faire émerger l‘enjeu des apprentissages qui est au
cœur de la dernière réforme (MEQ, 2001).
Ainsi compte tenu de notre position privilégiée sur le terrain des stages nous avons orienté notre
questionnement de recherche vers cette médiation de formation particulière qui s‘organise à
travers les interactions entre la stagiaire, son enseignante-associée et la superviseure universitaire
qui est également didacticienne des mathématiques et les objets d‘analyse que ceux-ci retiennent.
Qu‘est-ce qui se dégage de ces échanges entre les membres de la triade de formation dans le
cadre des stages et qui nous renseigne sur les situations professionnelles liées à l‘enseignement
des mathématiques? Les expertises praticienne et didacticienne, qui s‘y rencontrent, permettentelles l‘émergence d‘objets de réflexion non seulement liés aux impératifs du contexte de classe,
mais aussi liés aux apprentissages mathématiques des élèves qui mériteraient d‘être abordés afin
d‘enclencher un changement souhaitable de la pratique de la stagiaire pour l‘enseignement des
mathématiques?
CADRE CONCEPTUEL
Parce qu‘elle s‘intéresse aux phénomènes liés au développement et à la transmission des
compétences professionnelles en situation de travail et de formation (Samurçay et Pastré, 1998),
la didactique professionnelle nous est apparue comme un cadre pertinent pour éclairer les
situations de formation en stage. C‘est à ses fondements et modèles théoriques que nous faisons
appel dans le but de préciser la perspective dans laquelle nous envisageons le développement
professionnel et le rôle qu‘y tiennent les acteurs impliqués en stage et ainsi mieux cerner notre
questionnement initial.
243
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Vision du métier et du savoir professionnel
L‘une des balises théoriques qui apportent un premier éclairage sur le phénomène du
développement professionnel est empruntée au domaine de l‘ergonomie. La didactique
professionnelle s‘appuie, entre autres, sur les travaux en ergonomie cognitive française
(notamment ceux de l‘ergonome Jacques Leplat) qui ont mis en évidence l‘écart inévitable entre
la tâche définie et attendue du prescripteur (de l‘employeur) et l‘activité que met de l‘avant le
travailleur pour répondre de façon pertinente aux situations de travail réelles qui se posent à lui
(Rogalski, 2003). Il s‘agit là d‘une perspective en rupture avec la vision taylorienne du travail qui
a longtemps dominé. L‘individu n‘est plus perçu comme un simple exécutant des tâches conçues
apriori par un tiers (Montmollin, 1996). Il est plutôt considéré comme celui qui bricole, à travers
son activité, une réponse adaptée aux conditions et contraintes des situations réelles d‘exercice.
C‘est ce qui est appelé la part vive de tout travail qui permet l‘adaptation aux spécificités des
situations (Pastré, 2001).
On conçoit alors le savoir détenu par l‘individu comme un savoir à double face. D‘une part, la
forme opératoire de la connaissance de l‘individu qui lui permet d‘agir en situation et d‘autre
part, la forme prédicative de la connaissance qui relève d‘une mise en mots, de l‘explicitation
d‘une certaine compréhension de l‘action (Vergnaud, 1996). L‘idée de compétence en didactique
professionnelle est associée à cette forme opératoire de la connaissance des individus (Barbier,
1996) à cette « intelligence des situations » dont font preuve les travailleurs (Montmollin, 1996).
La didactique professionnelle se fonde sur les propositions de Vergnaud (1996) qui instaure un
rapport dialectique entre action et connaissance et met au premier plan les situations dans le
processus de développement de la pensée et de l‘activité d‘un sujet. Ce choix épistémologique
confère ainsi des caractères situé et cognitif à l‘agir professionnel. Pour Samurçay et Pastré
(1995) la compétence est envisagée « comme un rapport du sujet aux situations de travail »
(p.15).
C‘est donc à partir de cette perspective que nous abordons la vision du MELS (MEQ, 2001)
concernant les compétences professionnelles à développer dans les programmes de formation à
l‘enseignement. Celui-ci décrit la compétence comme un savoir-mobiliser les ressources qui sont
jugées pertinentes en fonction des situations professionnelles rencontrées, de leurs exigences et
contraintes telles qu‘interprétées par l‘enseignante. On y considère donc la compétence comme
étroitement liée à la situation et également indissociable de l‘enseignante et son regard sur la
situation. Nous sommes d‘avis que cela rejoint l‘idée de compétence considérée en didactique
professionnelle.
Processus de développement et d’apprentissage des compétences professionnelles
Cette hypothèse d‘activité comme connaissance opératoire autonome qui émerge en action
appelle une perspective de développement et d‘apprentissage qui tient compte de cette nature
particulière. Que l‘on se situe en situation de travail ou de formation, lorsqu‘il est question de
développement de compétences professionnelles, à quoi forme-t-on au juste et comment?
Les situations professionnelles comme objet de formation
Pour la didactique professionnelle le développement des compétences professionnelles est à
penser non pas uniquement à partir de l‘appropriation des savoirs du domaine, mais également à
244
Lily Bacon
partir de la conceptualisation des situations liées à la profession (Samurçay et Pastré, 1995).
Apprendre des situations représente alors l‘élaboration par le sujet d‘une organisation de son
activité de manière à assurer une certaine efficacité de son action et ainsi maîtriser ou à tout le
moins se débrouiller 4 dans la situation professionnelle concernée (Pastré, 1994).
Ces organisateurs de l‘activité qui s‘élaborent dans l‘action sont appelés des concepts
pragmatiques. La didactique professionnelle fait appel à Vergnaud (1996) et à sa définition du
schème pour parler de cette organisation de l‘activité. Un concept pragmatique pourra ainsi être
détaillé en explicitant les buts auxquels il se rattache, les anticipations qu‘il rend possible, les
règles d‘action qui y sont associées autant pour la prise d‘information, l‘exécution et le contrôle
de l‘action de même que les inférences qu‘il nécessite en regard de la situation spécifique. Les
concepts pragmatiques constituent un outil pour l‘action parce qu‘ils permettent au sujet de
prélever des informations signifiantes qui servent d‘indicateurs dans l‘interprétation de la
situation. On dira dans ce cas qu‘ils ont une visée pragmatique. Les concepts pragmatiques ont
également une visée épistémique en ce sens qu‘ils représentent les dimensions, les variables de la
situation de travail à prendre en compte pour une activité efficace. Le réseau de relation entre les
dimensions ou variables d‘une classe de situation va représenter ce qu‘on a appelé la structure
conceptuelle de la situation. À partir d‘une analyse des situations de travail et de l‘activité des
travailleurs dans ces situations, on repère les dimensions prélevées et jugées pertinentes en regard
avec l‘évolution souhaitée de la situation de travail de même que les différents liens qui les
unissent (Pastré, 2001; Samurçay et Pastré, 1995).
Au fur et à mesure de son expérience, un individu peut construire graduellement les différentes
dimensions des situations de travail et les relations qui les lient. Il élabore ainsi une forme
schématique et déformée de la situation constituée des éléments considérés pertinents pour
l‘action efficace (Samurçay et Pastré, 1995). Les concepts pragmatiques se retrouvent également
dans le discours des gens du métier et font ainsi partie du savoir de référence transmissible
(Pastré, 2001). Un concept pragmatique est donc considéré à la fois comme un savoir détenu pas
un individu et un savoir externe partagé par une communauté de pratique au sujet d‘une classe de
situations.
Les situations d’action et d’analyse de l’activité comme moyen de formation
La didactique professionnelle postule que le processus de développement et d‘apprentissage des
compétences professionnelles se présente comme l‘interaction des représentations et du processus
de conceptualisation d‘un individu avec la détermination des situations d‘action et avec la
médiation des pratiques collectives (Rogalski, 2004). Cette hypothèse suppose l‘idée d‘une
double source au processus de conceptualisation et trouve ses fondements dans la théorie de la
conceptualisation dans l‘action de Vergnaud et la théorie socioculturelle du développement de la
pensée proposée par Vygotski. On conçoit une construction des concepts liés à l‘organisation de
l‘activité professionnelle qui s‘effectue à travers l‘action du sujet, l‘utilisation d‘outils culturels
liés au métier de même qu‘à travers les interactions sociales qui surviennent en situation de
travail. On considère un deuxième niveau de conceptualisation dans le cadre de situations de
communication et d‘analyse de l‘activité réalisée avec les collègues plus expérimentés et les
formateurs. Lors de ces occasions les savoirs de référence sont explicités et validés avec autrui
4
Nuance apportée par P. Mayen lors d‘un séminaire sur la didactique professionnelle qui s‘est tenu à l‘UQAM en
avril 2008
245
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
(Beckers, 2007). La médiation sociale est donc considérée comme étant une clé essentielle pour
la transformation de l‘expérience en apprentissage (Mayen, 2002). Et pour les tenants de la
didactique professionnelle les objets que cette médiation aborde à travers ses échanges ce ne sont
pas que des connaissances, mais également de l‘activité en situation c.-à-d. les éléments propres à
l‘organisation de l‘action (Mayen, 2002). À partir de l‘analyse de l‘activité, les discussions entre
le formé, ses collègues et ses formateurs vont porter sur « l‘identification du but à atteindre et des
anticipations à opérer, à la sélection des informations pertinentes et à leur catégorisation, au
réglage de la conduite par la validation ou la présentation de règles d‘action, de prise
d‘information ou de contrôle, au réglage des raisonnements. » (Mayen, 2002, p. 97).
Un savoir-enseigner les mathématique de référence négocié en contexte de stage
C‘est dans cette perspective que sont envisagées les situations de stage. Nous considérons ce qui
émerge des situations professionnelles vécues en stage et leur interprétation par les différents
partenaires de formation (stagiaire, enseignante-associée, superviseure universitaire) comme une
contribution potentielle à la structuration d‘une certaine pratique enseignante par la stagiaire. La
médiation sociale explicite les diverses lectures qui peuvent être faites des situations vécues par
la stagiaire rendant visibles du même coup les concepts pragmatiques qui servent d‘indicateur au
diagnostic de la situation et qui orientent l‘organisation de l‘action. En raison du contexte de
collaboration de formation entre milieu scolaire et universitaire, nous sommes d‘avis que les
organisateurs de l‘action ne sont pas uniquement partagés, ils sont également négociés. C‘est un
savoir de référence qui est co-construit par les praticiennes et la didacticienne en présence
(Desgagné, 1998).
La supervision pédagogique est conçue comme une zone de dialogue et d‘apprentissage entre
praticiens et didacticiens à travers la négociation de sens et la restructuration des situations et des
interventions (Couture et Bouissou, 2003). Dans cette optique d‘apprendre des situations, la
didactique des mathématiques sera considérée comme outil de formation et servira de cadre pour
baliser les interventions autant de la didacticienne, de l‘enseignante-associée que de la stagiaire
(Bednarz, 2001). C‘est à travers la mise en dialogue de leurs cadres d‘analyse et d‘action
respectifs que les acteurs de la triade seront appelés à construire le sens des situations et de leurs
solutions possibles en cherchant à répondre autant à l‘exigence de la viabilité des situations
d‘apprentissage en contexte réel de classe qu‘à celle liée à la fécondité des situations élaborées et
réalisées en classe pour les apprentissages mathématiques des élèves (Bednarz, 2001).
Objectifs de la recherche
Notre projet de recherche vise à rendre compte de l‘univers co-construit par la stagiaire, son
enseignante-associée et la didacticienne des mathématiques dans le cadre des stages en regard
d‘un savoir-enseigner les mathématiques au primaire. À partir du cadre de la didactique
professionnelle, ce plan social de la formation est abordé par le biais de ce qu‘il structure à
travers les situations d‘analyse de l‘activité de la stagiaire : nous sommes intéressée à éclairer les
situations professionnelles d‘enseignement des mathématiques qui sont interprétées et verbalisées
par les différents acteurs du stage et les tâches qui y sont rattachées. Dans ce but, nous nous
attardons à repérer et décrire les concepts pragmatiques qui sont partagés et négociés à travers les
échanges entre les praticiennes et la didacticienne ainsi que les relations qu‘ils entretiennent entre
eux.
246
Lily Bacon
ORIENTATIONS MÉTHODOLOGIQUES
Notre intention de mieux comprendre ce plan social et ce qu‘il offre en contexte réel de formation
inscrit notre recherche dans la perspective des sciences humaines dont la finalité selon Anadon
(2004) vise la compréhension des phénomènes humains tels qu‘ils peuvent s‘appréhender dans
leur complexité en milieu naturel en prenant en compte les significations des acteurs des
situations et de leurs actions. L‘orientation méthodologique générale qui nous apparaît la plus
appropriée à cette perspective est l‘approche qualitative-interprétative. Le savoir qui en résulte est
« vu comme enraciné dans une culture, un contexte, une temporalité » (Savoie-Zajc, 2004, p.
126). Comme le soulève Anadon (2004), cette perspective appelle une approche méthodologique
qui prend en considération les interactions entre chercheure et acteurs ainsi que leur subjectivité
respective. Elle suppose également une approche méthodologique qui puisse prendre en compte
la dialectique théorie-pratique qui va se jouer dans les échanges et l‘interaction déterminante avec
le contexte. On parle alors d‘une approche de recherche participative. C‘est donc dire que dans
notre recherche, la chercheure ne se place pas dans une position d‘observateur externe, mais
participe plutôt tout comme les autres acteurs (praticiens en exercice et en formation) à cette
situation de formation et y joue l‘un des rôles formalisés i.e. superviseur universitaire.
L‘étude de cas est la démarche retenue pour notre étude. Comme Merriam (1988, pris dans
Karsenti et Demers, 2004, p. 212) l‘a précisé, une étude de cas effectuée dans le cadre d‘une
recherche qualitative-interprétative présente les natures suivantes : heuristique pour permettre
une meilleure compréhension du phénomène étudié i.e. la négociation des concepts pragmatiques
pour l‘enseignement des mathématiques dans le cadre de la supervision pédagogique en stage;
descriptive puisque nous nous proposons de décrire le savoir-enseigner les mathématiques coconstruit au sein de la triade de formation; particulariste parce qu‘il s‘agit d‘un phénomène
considéré comme situé; et finalement inductive car l‘étude de cas s‘effectue dans le rapport entre
le raisonnement du chercheur et les faits observés sur le terrain.
Pour cette étude, deux types de données ont été recueillis. D‘abord des données qui nous
renseignent sur l‘activité mise de l‘avant par le stagiaire en situation d‘enseignement des
mathématiques dans sa classe d‘accueil. Puis d‘autres données qui permettent de prendre
connaissance du sens que les acteurs de la triade de formation accordent aux situations et aux
actions proposées par le stagiaire. Les enregistrements audio et vidéo des situations
d‘enseignement – apprentissage sur les mathématiques menées par le stagiaire auprès des élèves
ainsi que des rencontres de préparation et de l‘analyse de l‘activité du stagiaire par la triade de
formation constituent le matériel qui sera soumis à l‘analyse. Une démarche d‘analyse inductive
de type théorisation ancrée est empruntée pour examiner les interactions entre les partenaires de
la collaboration de formation de manière à rendre visibles l‘interprétation des observables par les
différents acteurs et les variables des situations d‘enseignement que ces derniers retiennent
comme pertinentes pour l‘avancement de la situation.
ANALYSE DES ÉCHANGES DE LA TRIADE EN LIEN AVEC LA TÂCHE DE
GESTION DE L’INTERACTION EN CLASSE
À partir d‘un exemple d‘échanges qui se sont déroulés après une leçon menée par la stagiaire
nous vous offrons un premier regard sur ce qui peut être dégagé du discours de la triade de
formation. Dans cet extrait, un même événement est examiné par la stagiaire et ses formatrices :
247
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
La stagiaire, dans le but de permettre à ses élèves d‘apprendre le comptage par bonds, a offert à
ceux-ci une tâche de comptage par bonds de 2 d‘un ensemble de jetons et par la suite un
comptage à l‘aide une bande numérotée. Ces deux tâches sont menées en grand groupe. En cours
de comptage, une élève exprime à la stagiaire qu‘elle n‘a pas le temps de trouver la suite du
comptage que déjà d‘autres élèves ont énoncé la réponse. Les échanges permettent d‘avoir accès
à la lecture que chaque acteur de la triade de formation fait de l‘événement et des éléments qui
sont retenus comme pertinents pour l‘organisation de l‘activité.
S : stagiaire
E : enseignante-associée
C : chercheure
E : C‘est ça dans une classe, il y a tellement de différence entre les enfants que c‘est de trouver la
ligne pour que tout le monde y trouve son compte. Un moment donné, cette élève a dit : « On n‘a
pas le temps de le faire! ». Faudrait penser un peu à qu‘est-ce qu‘on fait avec ceux qui vont moins
vite? Ceux qui avaient déjà tout compris le principe, auraient peut-être pu passer à l‘exercice tout
de suite. [Ceux] qui auraient eu besoin davantage d‘explications là, je les assois par terre, dans le
petit coin de rassemblement parce qu‘on les connaît quand même les élèves après un trois
semaines. On sait déjà d‘avance avec qui ça va aller très bien. Pour récupérer un peu les amis qui
avaient plus de misère.
Pour l‘enseignante, cet événement représente l‘une des réalités complexes auxquelles on fait face
dans une classe : les élèves n‘en sont pas tous au même point. Elle explicite ici que la situation
actuelle d‘enseignement de comptage par 2, comme toute situation d‘enseignement, exige une
gestion des différences chez les élèves. Elle formule également l‘enjeu important de cette
situation qui est de répondre aux besoins de tous, signalant ainsi le but vers lequel devraient
tendre les actions de la stagiaire. Elle offre une solution en termes de gestion des tâches :
lorsqu‘émergent des différences de rythme entre les élèves, elle suggère de diviser la classe en
sous-groupes.
S : J‘allais plus vite et je les perdais moins. Ceux qui participent, qui comprennent, eux autres
m‘amenaient à aller plus vite. Quand elle m‘a dit ça, j‘ai dit t‘as bien raison. Puis là, je me suis dit
avec les feuilles [exercice], on va pouvoir aller à notre rythme. Mais là, je me suis dit : qu‘est-ce
que je fais avec les plus rapides, les plus lents …
La stagiaire, pour sa part, exprime dans un premier temps l‘une de ses préoccupations qui est de
maintenir l‘attention des élèves. Par la suite, elle verbalise l‘influence qu‘ont eue les réactions des
élèves sur la régulation du déroulement de l‘activité : le rythme de l‘activité s‘est articulé sur les
élèves qui savent déjà. Au fur et à mesure du comptage collectif, parce que des élèves énonçaient
rapidement et spontanément le nombre suivant dans la suite par 2, elle avait tendance à accélérer
la cadence et à demander aussitôt « ensuite? ». Le commentaire de l‘élève lui a fait réaliser que la
tâche n‘est pas entreprise avec succès par tous. Dans l‘action la stagiaire a décidé de devancer le
passage à une tâche individuelle qui était prévue pour plus tard, afin que chacun y aille à son
rythme. Elle soulève finalement son questionnement quant au travail à entreprendre avec les 2
sous-groupes identifiés.
Pour les deux praticiennes (l‘enseignante-associée et sa stagiaire), les informations signifiantes
sont celles qui renseignent sur ceux qui réussissent la tâche et ceux qui ne la réussissent pas. Les
248
Lily Bacon
observables sont donc considérés en termes de rythme de réussite à la tâche chez les élèves : Il y
a des rapides qui ont compris et d‘autres plus lents qui seront plus loin dans la discussion
considérés comme élèves en difficulté. L‘activité préconisée est orientée par les différents
rythmes de réussite de la tâche par les élèves. Un changement de format (travail collectif à travail
individuel) et la différenciation des tâches (exercice pour les rapides et explications
supplémentaires pour les plus lents) sont envisagés comme solution à l‘enjeu vécu et verbalisé.
C : Si on essayait de penser à un portrait [de classe] qui n‘est pas en termes de rythme mais plus
en termes de qu‘est-ce que [les élèves] comprennent …
S : Je pourrais dire qu‘ils sont capables de faire la suite dans leur tête. Ils vont dire deux, quatre,
six là ça va être réglé. Ah oui ! Je l‘avais remarqué. Y a des élèves je pourrais dire : Ah ! Ils se
trompent. Des fois, ils comptaient, puis ils en avaient un seul [jeton], mais ce n‘était pas supposé.
C : Alors ce que ça exige quand je compte par bonds de deux … D‘abord c‘est de connaître la
comptine qui est différente de la comptine un à un. Et je vais te ramener à la petite qui t‘a fait un
commentaire. Elle disait : « je n‘ai pas été en mesure de le faire avant que les autres le disent »,
c‘est que elle, elle ne maîtrise pas la comptine par deux. Donc, toi, quand tu leur demandais de
faire [le comptage par bonds de deux] avec toi, tu leur demandais à la fois de mettre en
application la comptine alors que certains ne la possédaient pas et tu leur demandais de faire le
travail de coordination et là on voyait bien que ce n‘est pas tout le monde qui était en mesure de
le faire…
S : Avant que tu me l‘expliques, j‘avais un peu de difficulté. Qu‘est-ce que je vais faire si elle n‘a
pas compris, sur quoi je reviens pour l‘aider ; on n‘a pas à revenir sur tout …
La chercheure-didacticienne quant à elle, amène la stagiaire à faire une lecture de ces mêmes
indices en termes de compréhension chez les élèves. Elle entreprend de rendre visibles le niveau
de complexité de la tâche proposée et les connaissances mathématiques que l‘accomplissement
de cette tâche exige : entre autres l‘apprentissage de la comptine par bonds de 2; la coordination
de cette nouvelle comptine avec le geste nouveau de prendre deux éléments à la fois. Il y a sousjacent au commentaire de la didacticienne une certaine analyse conceptuelle du nombre et des
processus associés tel le comptage de même qu‘une analyse de la tâche de comptage offerte aux
élèves par la stagiaire. Les réactions des élèves sont interprétées en fonction de ce cadre. La
chercheure-didacticienne fait ressortir l‘importance de lire ce qui surgit chez les élèves en
fonction autant de la situation aménagée que du savoir en jeu. Pour la didacticienne, les besoins
d‘apprentissage qui s‘expriment chez les élèves représentent l‘un des éléments organisateurs de
l‘action en situation d‘enseignement du comptage par bonds.
Ce court échange permet de faire ressortir les variables qui sont retenues pour le diagnostic de la
situation par les acteurs de la formation et qui constituent les organisateurs pertinents de l‘action
ou les concepts pragmatiques. Nous constatons que la stagiaire, l‘enseignante-associée et la
didacticienne ont des perspectives différentes sur la situation d‘enseignement-apprentissage telle
qu‘elle s‘est déroulée. En effet, l‘échange entre les praticiennes et la didacticienne met en tension
deux façons de lire la situation : d‘une part, en termes de rythmes de réussite aux tâches à
concilier (concept pragmatique) et d‘autre part, en termes de besoins d‘apprentissage à considérer
liés aux connaissances mathématiques observées (concept pragmatique). L‘exemple nous montre
néanmoins que ces deux perspectives peuvent être considérées comme convergentes quant à
l‘enjeu soulevé qui est de gérer les différences dans le groupe-classe en s‘assurant que tous
progressent (but). En effet, la suggestion de l‘enseignante de constituer des sous-groupes afin de
répondre à des rythmes distincts (règles d’action) est bonifiée par l‘éclairage de la didacticienne
249
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
qui permet une formulation des intentions pédagogiques pertinentes à poursuivre auprès de
chacun des sous-groupes en regard du contenu mathématique visé (anticipation).
La mise en relation de ces deux interprétations ouvre la voie à une organisation négociée de
l‘activité où la gestion des différences de rythme de réussite s‘articule à la gestion des différences
de connaissance des élèves. L‘activité a pour but que chacun progresse et que l‘attention et
l‘engagement de tous à la tâche soient maintenus. Les indices verbaux et non-verbaux observés
en situation sont construits non seulement en termes d‘indicateurs quant à la réussite spontanée
ou non des élèves à la tâche de comptage, mais également en termes de besoins d‘apprentissage
en regard du savoir mathématique en jeu et de la tâche proposée.
Voici une présentation schématisée des éléments liés à l‘organisation de l‘action dans le cadre
d‘une situation d‘enseignement-apprentissage portant sur le comptage par bonds de 2 en 1 re année
du 1er cycle (6 ans) où la tâche à accomplir consiste à gérer les différences qu‘il y a entre les
élèves de la classe.
Indices verbaux :
Élèves énoncent la comptine par bonds de 2
Élève verbalise qu‘elle n‘a pas le temps de trouver
la réponse que celle-ci est déjà dite.
Indices non-verbaux :
Des élèves ne savent plus où on est rendu
Des élèves n‘ont pris qu‘un seul jeton au lieu de 2.
(Sta; Ens; Did)
But :
Trouver la ligne
pour que chacun y
trouve son compte
Indicateurs :
Connaissances variés
liées au comptage
Concept pragmatique :
Intervention sur
besoins d‘apprentissage
(Did)
Anticipation :
Analyse conceptuelle et
analyse de la tâche
Maîtrise ou non de la
comptine par 2;
Capacité ou non à
coordonner l‘énonciation
de cette comptine avec le
geste de prendre 2 jetons
(Did)
250
Indicateurs :
Rythmes variés de
réussite à la tâche
But :
Garder équilibre
entre exécution tâche
et l‘attention des
élèves
Ne pas perdre les
plus rapides, ni les
plus lents (Sta)
Concept
pragmatique :
Intervention sur indice
de difficulté (élèves
qui ont de la misère)
(Ens)
Règles d’action :
Changer format activité
(collectif à individuel) (Sta)
Former sous-groupes avec
tâches différentes (Ens)
Offrir des explications
supplémentaires articulées sur
les compréhensions des élèves
(Sta)
Anticipation :
L‘expérience apporte
connaissance quant à
la variété des
rythmes
d‘apprentissage dans
la classe.
On sait qui sont les
élèves les plus
rapides et ceux qui
ont besoin de plus
d‘explication
(Ens)
Lily Bacon
CONCLUSION
Cet exemple permet d‘appréhender les différents sens du travail fait par la stagiaire en classe tels
que construits par les différents acteurs de la triade (stagiaire, enseignante-associée, superviseuredidacticienne) et de faire ressortir les différents éléments de la situation jugés pertinents pour
l‘action qui sont verbalisés par les partenaires de la formation comme un savoir de référence. À
notre avis, cet exemple permet également d‘apprécier le potentiel qu‘une telle mise en dialogue
entre praticiennes et didacticienne peut représenter pour la négociation d‘un savoir-enseigner les
mathématiques qui prend en compte autant la viabilité des situations que leur fécondité en regard
des apprentissages mathématiques en jeu.
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252
Rapprocher mathématiques et réalité à l’école :
une bonne intention pavée de quelques difficultés 1
Sophie René de Cotret, Université de Montréal
Membre du CÉDiSCo (Collectif d’Étude en Didactique du Sens Commun)
RÉSUMÉ. L‘école québécoise veut former des élèves qui sauront mettre à profit, dans leur vie,
les savoirs qu‘ils y apprennent afin de devenir des citoyens responsables et autonomes. Dans
l‘enseignement des mathématiques, cela procède, entre autres, par un rapprochement entre
mathématiques et réalité. À partir d‘exemples puisés dans la didactique des domaines
d‘expérience nous verrons quelques difficultés qu‘engendre le rapprochement et, notamment, le
travail de modélisation de situations réelles.
INTRODUCTION
Les liens entre les mathématiques et la réalité préoccupent plusieurs acteurs du milieu scolaire,
qu‘ils soient enseignants, chercheurs, élèves, ministres ou autres. L‘intention de rapprocher
mathématiques et réalité se manifeste notamment dans les programmes d‘études axés sur les
compétences de même que dans des propositions de recherche et d‘enseignement telles que celles
véhiculées par les Parcours d‘Étude et de Recherche (PER) (Chevallard 2007), la didactique des
domaines d‘expérience (Boero et al. 2009, Boero & Douek 2008, Douek 2003) et la didactique
du sens commun (René de Cotret & Larose 2006 et René de Cotret, sous presse).
Bien qu‘ils apparaissent souhaités par plusieurs et qu‘ils visent, à terme, à la fois une meilleure
compréhension des mathématiques, un plus grand pouvoir d‘action sur le monde et une plus
grande autonomie, les rapprochements entre mathématiques et réalité ne sont pas faciles à mettre
en place ni à gérer.
À partir de quelques situations d‘enseignement, tirées de la didactique des domaines
d‘expérience, nous identifierons et nous analyserons quelques difficultés que pose le recours à la
réalité dans le cadre de l‘enseignement des mathématiques. Cette analyse conduira à un
questionnement à propos du travail de modélisation et, plus particulièrement, à propos du choix
des variables et de la base sur laquelle repose la validité des solutions produites. Le type de
contrat didactique en jeu dans de telles situations sera aussi mis en évidence.
1. RAPPROCHER MATHÉMATIQUES ET RÉALITÉ
La velléité de rapprocher les mathématiques et la réalité à l‘école est formulée par divers
intervenants du milieu de l‘éducation. Elle transparaît notamment dans les programmes de
formation de l‘école québécoise.
1
La réflexion menée dans cet article s‘inscrit dans le cadre d‘un projet de recherche sur la didactique du sens
commun subventionné par le CRSH-Canada.
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
1.1 Du point de vue du Ministère de l’éducation
Le ministère de l‘éducation des loisirs et des sports du Québec (MELS) préconise de faire un lien
entre la réalité et les mathématiques à l‘école. Les trois visées du programme de formation de
l‘école québécoise, soit la construction d‘une vision du monde, la structuration de l‘identité et
plus particulièrement le développement d‘un pouvoir d‘action, témoignent de l‘intention de faire
en sorte que les savoirs appris à l‘école soient mis en œuvre dans le quotidien des jeunes.
« Elle [l‘école] n‘est pas sa propre finalité et doit en conséquence préparer à la vie à l‘extérieur de
ses murs. Le décloisonnement entre l‘école et son environnement encourage l‘élève à
entreprendre une démarche de réflexion sur l‘utilité et l‘applicabilité de tel ou tel apprentissage
dans différents contextes. » (MELS, 2003, p.11)
Le programme de mathématique contribue à cette préparation à la vie extérieure notamment
parce que la mathématique « permet d‘appréhender la réalité » et « se trouve dans une multitude
d‘activités de la vie courante. » (MELS, 2003, p. 231). Ainsi l‘apprentissage des mathématiques
outille les élèves pour leur vie courante. De plus, selon le MELS, non seulement les
mathématiques sont-elles utiles pour appréhender la réalité, mais réciproquement la confrontation
avec la réalité est utile à l‘enseignement des mathématiques au secondaire puisque celui-ci : « …
est plus efficace lorsqu‘il prend appui sur des objets concrets ou des éléments de situations tirées
de la réalité. » (MELS, 2003, p. 232).
En visant à relier mathématiques et réalité, l‘école cherche à remplir son mandat qui est : « de
continuer à transmettre les savoirs des générations précédentes, tout en aidant tous les élèves à
développer les habiletés qui leur permettront d‘être des individus instruits et cultivés, des
citoyens engagés, des travailleurs compétents. En somme, on s‘attend à ce qu‘elle forme des
personnes autonomes » (MELS, 2003, p.4)
Cette autonomie, qui devrait se manifester notamment à travers l‘usage des savoirs appris à
l‘école dans des situations de la vie courante, ne semble toutefois pas facile à atteindre. Nous
avons en effet observé, directement ou via des résultats de recherche, plusieurs manifestations du
fait qu‘un savoir appris n‘était pas utilisé lorsqu‘il aurait pourtant été pertinent qu‘il le soit. (René
de Cotret, sous presse).
En voici un exemple tiré d‘une observation faite en 2006 dans le cadre d‘un atelier mathématique
d‘un collège de Marseille auquel participaient, sur une base volontaire, des élèves de 13-14 ans.
À la question « pourquoi les gros bateaux flottent-ils ? » des élèves ont répondu que c‘est parce
qu‘on y introduit une substance flottante. Afin d‘étudier ce phénomène, les élèves ont travaillé
pendant plusieurs mois sur l‘activité des boîtes flottantes (tirée de Chevallard 1989a) pour arriver
à conclure que l‘enfoncement dans l‘eau est constant pour une boîte cubique dans un matériau
donné. Il en découle que plus la boîte est grosse plus elle flotte, ou plus la partie émergeante est
grande. Ce résultat ne semble toutefois pas avoir été utilisé par les élèves lorsqu‘on leur a posé de
nouveau la question lors de la dernière séance sur les boîtes flottantes. Voyons un extrait de
l‘échange qui a alors eu lieu en classe :
« 8 h 52
Prof : Vous avez maintenant une meilleure idée de pourquoi les gros bateaux
flottent ?
E : Il y a du métal autour de quelque chose qui flotte ou fait flotter dedans.
254
Sophie René de Cotret
E : Les ingénieurs calculent pour plus grand.
Quelques minutes plus tôt, il y avait eu cet échange :
8 h 40
Prof : On a réfléchi sur une grande quantité de boîtes sans avoir à les fabriquer. On
a travaillé et réfléchi sur le modèle. En quoi c‘est avantageux ?
E : Ça enlève du travail.
E : Oui, ça enlève du temps. Mais c’est la pratique qui prouve plus que la
théorie. Si on le met dans l‘eau et qu‘il coule !...
P : Les fabricants de bateaux, ils doivent être de quel côté ? Théorique ou
pratique ?
E : Des deux ! » (René de Cotret, 2007, p. 307)
Cet extrait montre qu‘en réponse à une question de la vie quotidienne, Pourquoi les gros bateaux
flottent-ils ?, ces élèves n‘ont pas utilisé les savoirs nouvellement appris, et ce, même si ces
savoirs avaient été précisément développés en réponse à cette question. Le lien entre le savoir
appris et la réalité apparaît donc ici plutôt fragile.
1.2 Du point de vue de la didactique du sens commun
Plusieurs autres phénomènes de non-usage d‘un savoir appris dans une situation quotidienne, tel
que celui évoqué ci-dessus, ont été observés et c‘est pour en faire l‘étude de manière plus
systématique que nous avons développé la didactique du sens commun. La question à l‘origine de
ce développement est la suivante : Pourquoi n‘utilise-t-on pas ce qu‘on a appris quand il serait
pourtant pertinent qu‘on le fasse ? Notre hypothèse de travail est que, si que si le savoir scolaire
appris n‘est pas utilisé, lorsqu‘il serait pertinent qu‘il le soit, c‘est qu‘autre chose l‘est à sa place
et nous proposons qu‘il pourrait s‘agir du sens commun. Cette réflexion nous a conduits à
développer deux pistes de recherche.
D‘une part, nous tentons de développer des outils conceptuels qui permettront d‘appréhender la
dynamique entre les savoirs appris et les savoirs de sens communs et de décrire les articulations
entre ces savoirs. Il nous importe d‘étudier les conditions dans lesquelles le savoir scolaire appris
pourrait être davantage utilisé dans des contextes quotidiens. Nous nous intéressons notamment
aux conditions de validité des savoirs scolaires dans la sphère du quotidien et tentons de définir
quel apprentissage scolaire favoriserait un usage quotidien des savoirs ainsi appris. Cela revient,
entre autres, à se demander : Avec quel « équipement » le savoir doit-il être « livré » pour qu‘il
puisse être mis en usage de manière pertinente dans un contexte social et culturel quelconque ?
Nous référons pour le moment à cet équipement par l‘appellation de « bassin épistémologique »
(René de Cotret, sous presse).
D‘autre part, de façon plus pragmatique, nous cherchons à faire en sorte que les savoirs scolaires
que les élèves apprennent soient utilisés dans leur quotidien. Nous développons à cet effet une
stratégie pour que les élèves se munissent d‘une « clochette de vigilance » laquelle les alerterait
du fait qu‘ils disposent peut-être d‘un savoir plus pertinent que celui qu‘ils s‘apprêtent à utiliser.
255
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Bien que le but de cet article ne soit pas de présenter la didactique du sens commun 2, une brève
description est apparue utile pour éclairer la position depuis laquelle nous observons et
questionnons les rapprochements entre mathématiques et réalité à l‘école.
1.3 Didactique des domaines d’expérience
La didactique des domaines d‘expérience (DDE) s‘intéresse aussi, depuis plus de 20 ans, aux
liens entre mathématiques et réalité. Elle a été développée, par Paolo Boero et l‘équipe de Gênes,
pour répondre à un besoin de concevoir autrement les rapports entre les mathématiques et la
réalité dans la classe, notamment à cause de l‘insatisfaction qui résultait d‘un usage du réel à
simple fin de présenter des applications standardisées pour la construction des concepts
mathématiques (Boero sous presse). La recherche de moyens pour « dépasser certaines difficultés
des élèves, liées au recours à la réalité » (Douek, 2003, p.3) est ainsi à l‘origine de cette
didactique.
Trois ordres de nécessité sous-tendent le développement de la DDE : « Assurer en même temps
un traitement systématique de la réalité ET des contenus mathématiques que l‘on met en jeu pour
la connaître; traiter les divers domaines des mathématiques comme domaines de la réalité
(culturelle) […] ; encadrer la construction des connaissances (mathématiques et non
mathématiques) dans la classe comme processus évolutif d‘enculturation […] » (Boero 2009)
C‘est en s‘appuyant sur la dialectique concept quotidien/concept scientifique de Vygotsky que les
rapports entre les usages quotidiens et les usages scientifiques des savoirs sont pris en charge par
la DDE.
« Elle [la théorie des domaines d‘expérience] prend en considération les deux tendances dans
l‘usage des concepts, l‘une « quotidienne » et l‘autre « scientifique » que l‘école cherche à
développer. Toutefois il ne s‘agit pas de distinguer spécialement des concepts qui seraient
quotidiens et d‘autres qui seraient scientifiques, mais des usages. » (Boero & Douek, 2008,
p.99)3.
Puisque la DDE travaille depuis 20 ans à développer un enseignement qui reliera mathématiques
et réalité selon un usage culturel, et non seulement comme exemple ou un prétexte, il s‘agit d‘un
terrain privilégié pour observer la mise en œuvre d‘un tel enseignement et pour étudier les
difficultés qu‘elle peut engendrer.
2. TROIS QUESTIONS QUE POSE LE RECOURS À LA RÉALITÉ EN CLASSE
À partir de trois situations issues de la DDE nous soulèverons quelques questions que pose le
recours à la réalité en classe. Bien que ces questions soient illustrées à travers des situations
proposées par la DDE, elles n‘y sont pas exclusives et alimentent d‘une manière plus générale la
réflexion sur les façons de mettre en scène et d‘exploiter le rapprochement entre mathématiques
et réalité en classe.
2
Pour en savoir plus sur la didactique du sens commun, le lecteur pourra se référer, notamment, aux textes suivants :
René de Cotret, S. & Larose, R. (2006), René de Cotret, S. & Vincent, S. (2009), René de Cotret, S. (sous presse)
3
Pour en savoir davantage sur la didactique des domaines d‘expérience, le lecteur pourra se référer aux publications
de Boero et de Douek en bibliographie et aussi consulter le site : http://didmat.dima.unige.it.
256
Sophie René de Cotret
2.1 À propos du choix des variables (ou la question du « frottement ») : les ombres du soleil
Une des difficultés rencontrées lors du traitement mathématique de la réalité est liée à la
complexité du phénomène étudié. Cette difficulté se manifeste notamment lors du processus de
modélisation, lequel requiert d‘abord de définir le système étudié en « en précisant les "aspects"
pertinents par rapport à l'étude que l'on veut faire de ce système, soit l'ensemble des variables par
lesquelles on le découpe dans le domaine de réalité où il nous apparaît. » (Chevallard, 1989, p.
53). Ce choix des variables est difficile. Quelles variables retenir, quelles variables laisser
tomber ? En fonction de quels buts et de quels besoins ces choix sont-ils faits ?
Dans les problèmes proposés à l‘école, le système réel étudié n‘est souvent qu‘évoqué
(Chevallard 1989b) et, de ce fait, le travail de définition du système s‘en trouve réduit de sorte
que la question d'un choix pertinent de variables ne se pose pas vraiment. La modélisation d‘une
situation réelle, proposée par la DDE, ne peut, pour sa part, faire l‘économie du choix des
variables et l‘on doit s‘attendre autant à ce que les élèves prennent « trop » ou « trop peu » de
variables en compte dans leur modèle (à cet égard, voir Viennot 1992). Par le type de travail
qu‘elle fait avec les élèves, la didactique des domaines d‘expérience a le mérite de s‘attaquer à ce
problème du choix des variables.
Le domaine des ombres du soleil, travaillé avec les élèves de 10 à 14 ans, en fournit un exemple.
Diverses questions y sont étudiées telles que l‘espace d‘ombre engendré par un objet,
l‘inclinaison des rayons du soleil, le déplacement de l‘ombre en fonction de l‘heure, le
déplacement de l‘ombre selon la position de l‘objet, etc. La modélisation conçue pour étudier ce
dernier phénomène conduit à se confronter à la délicate question du parallélisme des rayons du
soleil.
Depuis qu‘ils sont tout petits les enfants dessinent les rayons du soleil en étoile et non parallèles
les uns aux autres. La DDE propose un dispositif qui conduit les élèves à observer des rayons
parallèles. Or, ce parallélisme n‘est admis qu‘étant donné la très grande distance terre-soleil. On
pourrait dire que le fait d‘admettre le parallélisme des rayons du soleil s‘apparente, d‘une certaine
façon, au fait d‘admettre l‘absence de frottement dans l‘étude de la chute des corps. Dans la chute
des corps, le frottement existe mais on l‘omet lors de la modélisation pour plus facilement étudier
le phénomène, pour le simplifier. De même, dans l‘étude des ombres du soleil, on omet de
préciser que la perception des rayons parallèles est liée à la différence d‘échelle entre le
phénomène observé et la distance de la source lumineuse. En fait, dans un cas comme dans
l‘autre, on omet – volontairement pour le professeur, mais est-ce le cas pour les élèves ? –
certaines variables pour faciliter la conception du modèle.
Cette question de l‘omission d‘une variable à dessein, que l‘on appellera par analogie la question
du « frottement », ne pose pas de problème en soi puisque l‘omission est utile pour organiser
l‘étude du phénomène, pour concevoir un modèle. Toutefois, il importe de se demander jusqu‘à
quel point les élèves sont conscients de ce jeu d‘omission et comment celui-ci est abordé et
négocié. On peut aussi s‘interroger sur la façon de réintroduire éventuellement la variable omise.
L‘important, me semble-t-il, n‘est pas d‘avoir une représentation « fidèle » de la réalité, mais de
reconnaître explicitement la difficulté de modéliser des situations réelles et, en conséquence le
besoin éventuel de « jouer » avec le frottement. Il devrait être possible d‘avouer qu‘en réalité ce
n‘est pas nécessairement comme en théorie; il y a du flou et de l‘incertitude. Il importe de
257
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
clarifier la situation avec les élèves et d‘admettre simplement avec eux qu‘on a parfois un modèle
flou et qu‘on fera parfois comme si c‘était clair …
2.2 À propos de la validation : la Morra chinoise
La validation inhérente au processus de modélisation pose aussi certaines difficultés. On peut
l‘observer lors d‘un travail avec jeu de la Morra chinoise qui s‘inscrit dans des séances sur la
probabilité (6 à 16 ans). Nous verrons que le travail décrit par Boero, Consogno, Guala &
Gazzalo (2009), à propos de ce jeu, incite les élèves à référer à une validité contingente.
Avant d‘introduire le jeu de la Morra chinoise, une première situation cruciale est présentée aux
élèves, il s‘agit de savoir si, lorsqu‘on lance deux dés, il est mieux de choisir une somme paire ou
une somme impaire pour gagner. Plusieurs répondent qu‘il est mieux de choisir une somme paire
puisqu‘il y a six possibilités (2, 4, 6, 8, 10 et 12) contre cinq (3, 5, 7, 9 et 11) pour les sommes
impaires. Un débat dans la classe est engagé et il conduit les élèves à comprendre que toutes les
sommes, de 2 à 12, ne sont pas également possibles. La définition classique de la probabilité est
alors introduite (cas favorables/cas possibles) sous la condition de cas possibles également
possibles.
Suit la situation de la « Morra chinoise » dans laquelle chacun des deux joueurs doit présenter, en
même temps, une main avec un certain nombre de doigts ouverts (de 0 à 5) en disant s‘il pense
que la somme de ses doigts ouverts et de ceux de son adversaire sera paire ou impaire. On peut
s‘attendre à ce qu‘une analogie soit établie avec la première situation. En effet, les 36 cas
possibles illustrant le nombre de doigts levés dans les mains des deux joueurs pourraient être mis
en correspondance avec ceux du lancer des deux dés. Toutefois, les élèves n‘utilisent pas cette
correspondance parce qu‘ils réalisent, soit en discutant, soit en l‘expérimentant, que, malgré
l‘apparente analogie, on ne peut pas utiliser la définition puisque les 36 cas ne sont pas également
possibles. En effet, certaines sommes sont privilégiées du fait qu‘il est plus facile de présenter sa
main avec cinq doigts ouverts plutôt qu‘avec un seul par exemple. Il y a donc un effet lié aux
choix des joueurs.
« L‘exemple de la probabilité élémentaire est intéressant parce que dans le domaine d‘expérience
des événements aléatoires on ne peut pas séparer strictement l‘élaboration théorique de la
référence aux situations aléatoires « physiques » considérées. En particulier, dans la « Morra
chinoise » les joueurs sont là avec leur corps et leur psychologie, et on les prend en compte dans
un cadre d‘argumentation théorique » (Boero 2009).
Les élèves ne vont donc pas, dans cette situation, omettre le frottement ! Un peu comme lors de
l‘étude des boîtes flottantes, les élèves ne se fient pas nécessairement à ce que propose la théorie
pour conclure et préfèrent plutôt s‘appuyer sur la pratique pour prendre une décision. Cette
observation soulève une question quant à la base sur laquelle repose la validité des solutions
produites. Sur une validation par le réel, par le sens commun, ou par le savoir disciplinaire? Selon
les situations, le type de validation choisi peut conduire à des modèles différents.
2.3 À propos du contrat : les plantes dans le pot
Un dernier exemple de difficulté issue du rapprochement entre mathématiques et réalité en classe
est celle qui consiste à savoir si la réponse attendue est celle qui permet de résoudre
258
Sophie René de Cotret
« réellement » le problème ou celle qui conduit à faire des mathématiques (étant entendu que
l‘une ne s‘oppose pas nécessairement à l‘autre).
La mesure des plantes dans le pot est une des tâches proposées aux élèves dans le cadre du
domaine d‘expérience de la croissance des plantes (Boero, sous presse). Les élèves de deuxième
année du primaire ont pour tâche de mesurer une plante sans l‘abîmer. Ils disposent pour cela
d‘une règle graduée dont le zéro ne correspond pas au bord de la règle. Il ne leur est pas permis
d‘enfoncer la règle dans la terre de manière à ce que le zéro arrive au niveau du sol, car cela
risquerait de briser des racines. Le travail avec les élèves s‘organise donc autour de différentes
façons de translater la mesure de la plante qui a été obtenue sans enfoncer la règle dans le sol afin
de retrouver la mesure « réelle» de la plante. Si le but est effectivement de trouver la mesure de la
plante (ce qui peut être le cas car les élèves se posent toutes sortes de questions à propos de la
croissance de la plante), alors accepterait-on comme solution qu‘un élève prenne une corde ou un
papier, qu‘il le place le long de la plante et en reporte ensuite la longueur sur la règle en partant
bien à zéro comme il se doit ? Cette solution, plutôt simple et efficace, satisfait tout à fait à la
tâche, c‘est-à-dire qu‘elle permet de trouver la mesure de la plante. Étonnamment, ce n‘est pas le
cas de la solution travaillée et admise en classe. En effet, la solution travaillée avec les élèves
passe par le report du « petit bout » (celui qui fait que le zéro ne correspond pas au bord de la
règle) et vise à faire ressortir certaines propriétés de la mesure. Elle ne permet pas, toutefois, de
trouver la mesure réelle de la plante puisqu‘il faut, pour cela, pouvoir mesurer ce petit bout. Avec
une seule règle on n‘y arrive pas ! (à moins de prendre une corde ou un papier, auquel cas il est
alors plus simple de s‘en servir pour mesurer directement la plante comme proposé ci-dessus).
La question qui survient alors est : Qu‘est-ce qui motive la recherche de la mesure de la plante ?
Trouver la réponse ou apprendre des mathématiques ? Et, en conséquence, qu‘est-ce qui
permettra de juger de la validité de la solution réalisée ? Boero et Douek répondent en partie à ces
questions :
« La validation par l'expérience est marginale dans la résolution des situations problèmes (elle a
lieu seulement quand « il faut faire marche arrière » ou avec des élèves en très grande difficulté
pour les aider entrer en contact avec le travail de la classe). La place de l'expérimentation et de la
prise en considération des résultats qu'on peut en tirer par observation se trouve surtout dans les
phases de mise en place d‘un domaine d'expérience et de son contexte externe. Autrement elle
romprait le contrat didactique et fragiliserait certains apprentissages. En effet, la validation par
l‘expérimentation réduit la nécessité d‘élaborer une expression verbale sur le mode plus
« scientifique » (il suffirait de montrer), et la nécessité d'argumenter. Du même coup, on affaiblit
les objectifs d'apprentissage du raisonnement et la formation d'une rationalité sur le mode
scientifique. » (Boero & Douek 2008, p. 110)
On voit bien la difficulté de demeurer dans une résolution « réelle » du problème, celle qui peut
se permettre de passer par l‘expérimentation, car elle empêche la réflexion nécessaire à
l‘apprentissage. Le rapprochement entre mathématiques et réalité doit donc respecter tout de
même une certaine distance afin de ne pas porter préjudice aux apprentissages mathématiques
visés. Et pour que cette distance soit comprise et acceptée par les élèves, il faut installer un
contrat didactique en conséquence.
Les deux modalités, résoudre et apprendre, peuvent très bien se compléter et s‘enrichir dans
certains cas, mais dans d‘autres, comme celui-ci, elles peuvent se heurter et il importe de ne pas
259
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
laisser les élèves dans une hésitation quant à ce qui est attendu. C‘est une question de contrat
qu‘il importe d‘expliciter afin que les élèves sachent quelles sont les règles du jeu auquel on les
convie et qu‘ils aient ainsi la possibilité d‘y gagner ! Les élèves doivent savoir jusqu‘où la
modélisation réalisée a pour fonction la résolution du problème « réel », auquel cas il faut garder
le frottement, ou bien la modélisation a pour fonction de nous apprendre quelque chose de plus
général, auquel cas il peut valoir le coût de laisser tomber le frottement au profit de nouvelles
connaissances. Il importe donc d‘installer une dynamique pour que les élèves opèrent dans le
contrat souhaité et s‘y retrouvent.
3. L’ÉCOLE PEUT-ELLE FORMER AUTRE CHOSE QUE DES ÉLÈVES? DES
CITOYENS PAR EXEMPLE?
Quelles conclusions peut-on tirer des observations précédentes ? Il ressort que le rapprochement
entre mathématiques et réalité à l‘école demande certaines précautions liées les unes aux autres.
Tout d‘abord, dans le processus de modélisation de situations réelles, une première précaution
consisterait à traiter explicitement la question du « frottement » » dans le choix des variables,
c‘est-à-dire à préciser avec les élèves les variables qui seront éventuellement et temporairement
omises afin de faciliter l‘étude du phénomène en jeu ; le phénomène alors étudié ne correspondra
pas nécessairement au phénomène initial, mais ce qui aura été perdu en fidélité sera peut-être
gagné en efficacité.
Le choix des variables, lors de la conception du modèle, conduira dans la foulée à se questionner
sur la validité du modèle conçu afin de décider si on s‘en remettra à une validité théorique ou
contingente (deuxième précaution). Par exemple, le jeu de la Morra chinoise pourrait, a priori,
être modélisé par le lancer des deux dés, mais lorsqu‘ils y jouent, les élèves constatent que les
nombres de doigts levés ne sont pas également possibles, à l‘opposé des faces des dés. Ils
souhaitent donc tenir compte de ces contingences physiques dans l‘élaboration du modèle.
Enfin, comme le travail sur la réalité en classe vise, notamment, à développer de nouvelles
connaissances mathématiques, le but de la résolution des problèmes proposés peut s‘écarter de la
simple solution « pratique », laquelle serait suffisante dans la vie quotidienne. Ainsi, une autre
précaution consiste à prendre soin d‘installer un contrat didactique qui fera en sorte que l‘élève
sait à quel jeu on lui demande de jouer : trouver un résultat ou faire des mathématiques.
Ces précautions, qui ne sont que quelques-unes parmi d‘autres, remettent-elles en question la
possibilité que l‘école enseigne des savoirs par l‘entremise de situations très proches de celles qui
peuvent être vécues dans la vie quotidienne ou hors de ses murs, pour reprendre l‘expression du
MELS ? En d‘autres termes, l‘école, dans sa forme actuelle, peut-elle former autre chose que des
élèves, des citoyens par exemple ? Ou pour cela devrait-elle changer de paradigme et passer du
paradigme de la visite des savoirs à celui du questionnement du monde, tel que le propose
Chevallard (2010) pour la mise en oeuvre de parcours d‘étude et de recherche ?
260
Sophie René de Cotret
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262
Recours à un simulateur pour enseigner les probabilités: quels défis et
occasions pour des enseignants du début du secondaire 1?
Laurent Theis (Université de Sherbrooke)
Annie Savard (Université McGill)
Centre de recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des sciences
(CREAS-Sherbrooke)
Résumé. Dans le cadre de cette recherche, nous avons accompagné 5 enseignants du début du
secondaire à mettre sur pied des situations d‘apprentissage en mathématiques qui visaient à
développer des concepts probabilistes dans des contextes de jeux de hasard. Pour ce faire, nous
avons développé un programme de simulation, qui permet de générer un grand nombre d‘essais
dans un court laps de temps. L‘analyse de la réalisation des activités en classe révèle que les
enseignants se servent généralement des simulateurs pour démontrer aux élèves que les jeux de
hasard génèrent des pertes à long terme pour les joueurs. Cependant, le travail sur d‘autres
concepts probabilistes que la loi des grands nombres s‘avère plus difficile: le lien entre
probabilités théoriques et fréquentielles n'est pas toujours établi et les variables didactiques
utilisées ne permettent pas toujours une exploitation optimale des concepts probabilistes.
INTRODUCTION
Depuis2 l‘implantation, au Québec, des nouveaux programmes de formation au primaire et au
secondaire (Gouvernement du Québec, 2001, 2004), l‘enseignement des probabilités et du
concept de hasard est obligatoire et ce, dès le début de l‘enseignement primaire. Ainsi, des
concepts comme la variabilité des résultats d‘une expérience aléatoire sont abordés dès le début
du primaire (Gouvernement du Québec, 2008a), mais se complexifient au fur et à mesure que
l‘élève progresse. Au début du secondaire, l‘élève formalise davantage ses connaissances sur les
probabilités. C‘est au premier cycle du secondaire qu‘apparaissent des termes comme l‘univers
des possibles et le recours à des grilles, des schémas et des diagrammes de Venn (Gouvernement
du Québec, 2008b).
En pratique, cet enseignement des probabilités ne s‘appuie cependant que rarement sur des
contextes authentiques et est réalisé principalement à travers une approche exclusivement
théorique des probabilités plutôt que d‘une approche qui inclut également les probabilités
fréquentielles. L‘approche fréquentielle nécessite de simuler des phénomènes aléatoires afin de
dégager une fréquence. Il semblerait qu‘étudier la fréquence d‘apparition d‘un événement à très
large échelle dans la vie courante demeure cependant un phénomène plutôt rare (Bordier, 2001),
ce qui justifie le fait d‘en proposer en classe afin de favoriser l‘apprentissage des structures
probabilistes. Toutefois, dans la pratique, les enseignants de mathématiques du secondaire ne se
1
Une version raccourcie de cet article a été publiée dans les Actes de la rencontre ICOTS de 2010 (Theis, L. et Savard, A. (2010).
Linking probability to real-world situations : how do teachers make use of the mathematical potential of simulation programs?
Actes de colloque de l‘International Conference on teaching statistics (ICOTS), Ljubljana, Slovénie, 11 au 16 juillet 2010)
2
Cette recherche a obtenu un soutien financier du FQRSC (# 2008-JA-124845), du CRSH (# 410-2007-2500) et du MELS
(Direction des ressources didactiques).
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
sentent pas suffisamment outillés pour utiliser les probabilités fréquentielles en classe avec les
élèves.
Une difficulté à proposer une approche fréquentielle des probabilités de la part des enseignants
réside dans la quantité d‘expérimentations requises pour obtenir des résultats valables. En effet,
lancer une pièce de monnaie une centaine de fois ne permet qu‘une approximation rudimentaire
des probabilités théoriques. Plus le nombre d‘essais est grand, plus les résultats se rapprochent de
la loi des grands nombres. L‘apport d‘un outil virtuel permettrait donc de simuler un très grand
nombre de fois en très peu de temps. D‘autre part, des études soutiennent le rôle important que
les outils virtuels pourraient jouer sur la motivation des élèves et la meilleure compréhension de
concepts mathématiques (Freiman et al., 2010; Vahey, 2000). Malheureusement, peu
d‘enseignants ont des simulateurs en classe et ils se risquent peu à aborder les probabilités
fréquentielles, préférant plutôt présenter les probabilités théoriques. Dès lors, les élèves sont
initiés à un apprentissage des probbailités théoriques et ils développent fréquemment des
conceptions (Konold, 1995) sur les probabilités, basées sur un raisonnement et des conceptions
déterministes (Savard, 2008). Ceux-ci sont utilisés dans différentes situations de la vie qui
impliquent les probabilités et influencent à la fois les performances scolaires et leur
comportement en dehors de l‘école (Musch et Ehrenberg, 2002).
Par ailleurs, des adolescents sont fréquemment exposés à des publicités faisant la promotion des
jeux de hasard et d‘argent, dans lesquelles ceux-ci sont socialement acceptées (Griffiths, 2003).
Ils semblent également attirés par l‘image de réussite véhiculée par les séries mondiales de Poker,
les publicités pour les jeux de hasard et d‘argent et les casinos en ligne. Dans une autre partie de
la recherche décrite dans cet article, nous avons documenté, à l‘aide de questionnaires, les
pratiques de jeux de hasard et d‘argent de 256 élèves fréquentant trois écoles différentes. Ce sont
les élèves des quatre enseignants ayant participé à ce projet. Nos résultats préliminaires montrent
que presque tous les participants connaissent quelqu‘un dans leur entourage qui utilise certaines
stratégies pour déterminer les numéros avec lesquels ils jouent dans des loteries. En même temps,
si les élèves plus jeunes croient que la chance joue un rôle important dans les jeux de hasard et
d‘argent, ceux qui sont plus vieux croient davantage qu‘ils peuvent contrôler l‘issue de ces jeux,
manifestant ainsi une conception appelée « illusion de contrôle » (Langer, 1975). Il est également
intéressant de constater que, parmi les 256 élèves interrogés, 41 % ont déjà joué au Poker et 15 %
ont déjà participé à des jeux de hasard et d‘argent en ligne, alors que l‘âge légal pour participer à
des jeux de hasard et d‘argent est de 18 ans.
MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
Afin de sensibiliser les élèves du début du secondaire aux enjeux liés aux jeux de hasard et
d‘argent, nous avons développé un programme de recherche à travers duquel nous avons formé
des enseignants du premier cycle du secondaire à enseigner les probabilités. Nous avons
poursuivi différents objectifs à travers ces formations : Tout d‘abord, au niveau de
l‘enseignement des probabilités, nous espérions que les enseignants soient en mesure de faire
évoluer leurs pratiques d‘un enseignement des probabilités largement basé sur une approche
théorique et algorithmique vers un enseignement qui intègre également une approche
fréquentielle. Le projet visait également à faire thématiser les jeux de hasard et d‘argent dans la
pratique d‘enseignement des participants. Au niveau des élèves, nous espérions leur permettre de
264
Laurent Theis et Annie Savard
construire une meilleure compréhension des probabilités à travers les activités développées par
les enseignants et de développer des attitudes plus réalistes envers les jeux de hasard et d‘argent.
Afin d‘atteindre ces objectifs, nous avons mis en place une recherche de formation continue
d‘enseignants (in-service teacher development study, Cobb et al., 2003), à l‘intérieur de laquelle
nous avons formé quatre enseignants du premier cycle du secondaire à l‘enseignement des
probabilités dans un contexte de jeux de hasard et d‘argent. Pour ce faire, nous avons donné une
formation théorique aux enseignants sur les enjeux liés à l‘enseignement des probabilités, la
pensée probabiliste, et les jeux de hasard et d‘argent. Nous avons également mis à leur
disposition et analysé différents outils pouvant servir lors de l‘enseignement des probabilités.
Parmi ceux-ci se retrouvaient des publicités de Loto-Québec, que nous avions sélectionnées parce
qu‘ils avaient un potentiel d‘exploitation de différentes conceptions liées aux probabilités en
classe. Nous avons finalement développé dans le cadre de ce projet, et conjointement avec Net
Maths et les enseignants participants, un logiciel de simulation des probabilités. Ce logiciel sera
présenté plus en détails dans une des sections suivantes.
Nous avons accompagné les enseignants à mettre sur pied des situations-problèmes qui
permettraient aux enseignants de faire développer des conceptions probabilistes plus adéquates
chez leurs élèves. De manière générale, notre rôle de formateur lors de ce travail de construction
se situait au niveau de l‘aide aux enseignants pour formater l‘activité afin de maximiser les
occasions d‘apprentissage des élèves. Notre rôle consistait alors à questionner les situations
proposées, à faire expliciter leurs choix aux enseignants et à confronter ces choix aux éléments
théoriques vus dans la formation.
Les enseignants ont par la suite expérimenté les situations-problèmes développées en classe. Pour
chaque enseignant, une des activités de leur séquence d‘enseignement des probabilités a été
enregistrée. Il est important de mentionner dans ce contexte que cette activité ne concernait pas
nécessairement la situation-problème élaborée dans la formation, mais pouvait également toucher
d‘autres aspects de leur enseignement des probabilités, comme l‘utilisation des simulateurs dans
un contexte autre que ces situations-problèmes. Des transcrits des interventions de l‘enseignant et
de ces interactions avec les élèves ont été réalisés et ces transcrits sont à la base de notre analyse.
Dans le cadre de cet article, nous nous intéressons spécifiquement à la manière dont les
enseignants se servent du logiciel de simulation dans leur enseignement.
DESCRIPTION DU LOGICIEL DE SIMULATION
Comme mentionné précédemment, un des outils que nous avons fourni aux enseignants est un
logiciel de simulation. La figure 1 en donne un aperçu.
Notre logiciel comporte plusieurs caractéristiques. Tout d‘abord, il comporte différents jeux, dont
une simulation du paradoxe de Monty Hall, des dés, des tirages dans un boulier, des roulettes, un
jeu de Black Jack, une simulation de la loterie 6/49 et des tirages « pile ou face », tels qu‘illustrés
dans la figure 1. Nous allons nous servir de ce dernier exemple pour illustrer ces différentes
fonctions.
Le simulateur peut être utilisé en trois modes différents. Dans une premier, appelé « pas à pas »,
l‘utilisateur voit chacun des tirages se faire un à un. Dans le jeu illustré, dans lequel on lance 3
pièces et on gagne si les trois sont des « pile », chaque tirage est initié manuellement par
265
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
l‘utilisateur et le logiciel affiche de manière séparée chacun des résultats. Le mode « rapide »
affiche également chacun des résultats, mais le fait de manière automatique et le mode « turbo »
permet de faire un grand nombre de simulations en un court laps de temps. Dans ce dernier mode,
on ne peut cependant pas voir chacun des résultats intermédiaires. Les deux premiers modes, plus
lents, nous semblaient essentiels pour que les élèves qui l‘utilisent puissent bien comprendre le
fonctionnement du jeu qu‘ils simulent. Par ailleurs, il peut aussi être utile pour augmenter la
crédibilité du logiciel aux yeux des élèves : s‘ils savent pas comment le logiciel procède, ils
pourraient avoir tendance à attribuer les résultats à la manière dont le logiciel fonctionne.
Dépendamment des objectifs poursuivis, les paramètres des différentes activités peuvent être
ajustés. Pour le jeu de « pile ou face » illustré ici, le nombre de pièces de monnaie peut être ajusté
selon le nombre de pièces lancées, le mode d‘utilisation, le nombre de simulations ainsi que la
règle du jeu. Il en est de même pour la condition gagnante, qui pourrait être changée en « que des
face », « que des pareilles » ou encore « que des différentes ».
Figure 1. Simulation d‘un jeu de « pile ou face »
Le simulateur permet également l‘affichage des résultats obtenus de différentes manières. D‘un
côté, les quantités de gains et de pertes sont affichées directement. Ces nombres sont également
accompagnés du pourcentage de gains et de pertes ainsi que d‘un diagramme à bandes qui
représente ces pourcentages. D‘un autre côté, un graphique montre l‘évolution des pourcentages
de gain au fur et à mesure que le nombre de tirages augmente.
Finalement, le logiciel permet d‘ajuster les gains et les pertes réalisés dans les jeux de hasard et
d‘argent. Les paramètres de l‘activité peuvent être modifiés pour que le montant gagné dans
266
Laurent Theis et Annie Savard
chacune des parties soit plus ou moins grand et les gains et pertes totales sont affichées en fin de
simulation.
Le logiciel de simulateur a alors le potentiel d‘aborder différents concepts avec les élèves : Le
graphique permet d‘illustrer la loi des grands nombres : si, au début, les pourcentages varient
encore beaucoup, ils se stabilisent lorsque le nombre de tirages augmente. Il permet également
d‘illustrer la variabilité des résultats. En faisant successivement des séries de 1000 essais, avec
les mêmes paramètres, on peut se rendre compte que les résultats seront similaires, mais
probablement pas identiques d‘un essai à l‘autre. A un niveau didactique, il offre également
l‘opportunité pour l‘enseignant d‘obtenir rapidement des probabilités fréquentielles pour un jeu
donné, qui permettent ensuite de développer une réflexion sur les probabilités théoriques sousjacentes. Cet élément est alors particulier à un outil de simulation, parce que lors de la réalisation
d‘essais manuels, il devient souvent trop long d‘en réaliser assez pour avoir des probabilités
élevées de se rapprocher des probabilités théoriques. Finalement, l‘illustration des gains et des
pertes obtenues à la fin de chaque série de simulations permet d‘aborder le concept d‘espérance
de perte ou de gain et d‘illustrer les pertes à long terme encourus par les utilisateurs des jeux de
hasard et d‘argent.
La simulation de la loterie 6 / 49 diffère sensiblement des autres jeux, puisqu‘elle n‘offre que des
résultats bruts, et ne fournit pas des graphiques des gains obtenus. Comme le montre la figure 2,
le logiciel dénombre l‘apparition de chacune des 7 issues possibles de la loterie (aucun numéro
correct, 1 numéro correct, 2 numéros corrects, etc.) et les pourcentages correspondants. Par sa
nature, cette activité, dont la structure probabiliste sous-jacente est plus complexe que les autres
jeux et probablement inaccessible à des élèves du début du secondaire, ne permet alors pas de
travailler les mêmes objets que les autres outils. Ainsi, cet outil peut s‘avérer efficace pour
illustrer les pertes encourues en jouant à ce type de loteries. Il est par exemple possible de faire
un grand nombre d‘essais, de calculer le montant dépensé et des gains récupérés, pour ainsi avoir
une meilleure idée des pertes qui s‘accumulent. L‘outil de simulation permet également
d‘illustrer plus concrètement ce que signifient les probabilités théoriques sous-jacentes à la loterie
6/49. Les probabilités d‘une chance sur presque 14 millions de gagner le gros lot peuvent alors se
traduire par le fait que l‘ensemble de la classe fait 10 000 essais et que les chances que, parmi
tous les essais, un seul soit gagnant, sont toujours très petites. Une telle expérience pourrait alors
contribuer à évaluer avec plus de justesse l‘ordre de grandeur qui se cache derrière la probabilité
d‘1 chance sur presque 14 millions. Par contre, contrairement aux autres simulations, cet outil ne
présente que peu de potentiel pour faire le lien entre les probabilités fréquentielles et théoriques.
Le gain du gros lot survient beaucoup trop rarement pour pouvoir se baser sur les résultats
obtenus à partir du logiciel pour tirer des conclusions sur les probabilités théoriques. Par ailleurs,
les probabilités théoriques des autres événements (obtenir 4 numéros gagnants, par exemple),
sont, dans ce contexte, moins intéressants à investiguer.
267
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Figure 2. Simulation de la loterie 6 / 49
RÉSULTATS
Nous sommes actuellement en cours d‘analyse des transcrits des activités des enseignants dans
lesquels ils ont utilisé les logiciels de simulation en classe. Dans cet article, nous allons présenter
les résultats préliminaires de nos analyses. Les constats suivants seront discutés : a) La principale
utilisation que font les enseignants de leur logiciel de simulation est de leur montrer que les jeux
de hasard et d‘argent génèrent des pertes à long terme, et b) Les enseignants ont de la difficulté à
maximiser le potentiel d‘utilisation des logiciels de simulation lors de l‘exploitation de différents
concepts probabilistes qui auraient potentiellement pu être travaillés.
A) Recours aux simulateurs pour montrer que les jeux de hasard génèrent des pertes à long
terme
Les quatre enseignants dont nous avons analysé les pratiques d‘utilisation du logiciel de
simulation en classe ont utilisé celui-ci pour montrer à leurs élèves que les jeux de hasard et
d‘argent génèrent des pertes à long terme. Justin, par exemple, propose aux enfants de sa classe
de choisir un jeu pour voir si les loteries permettent de faire des gains à long terme. Un des jeux
exploités est alors un jeu de pile ou face, dans lequel 3 pièces de monnaie sont utilisées et où,
pour gagner, il faut avoir trois symboles identiques. La mise est de 1$, et les gains de 2$. Après
avoir fait 1000 simulations, Justin explique aux élèves que ce jeu génère des pertes à long terme.
Finalement! Après avoir joué mille fois! Quand j‘ai une chance sur quatre de
gagner, j‘ai gagné 249 fois. Ce qui m‘a rapporté 498 dollars. Malheureusement,
étant donné que j‘ai perdu 751 fois, ça veut dire que j‘ai perdu 751 dollars, ce qui
revient à un total d‘une perte de 253 dollars. Et, juste après, c‘est marqué
espérance de gain par partie. Point 25 ici. Ça veut dire que à la longue, si je
continuais c‘est l‘équivalent de perdre 25 sous par partie. Donc, c‘est pas un jeu
gagnant.
Ce ne sont donc pas les élèves qui développent des constats sur les pertes encourues ou encore
sur les chances de gagner, mais c‘est l‘enseignant qui les explique aux élèves. Par ailleurs,
268
Laurent Theis et Annie Savard
l‘espérance de perte n‘a pas été calculée par les élèves, mais directement fournie par le logiciel de
simulation. Par contre, même si l‘espérance de gain ou de perte n‘a pas fait l‘objet
d‘approfondissement ici, il est possible que cela ait été le cas dans une activité précédente.
Les gains ou les pertes réalisées à long terme dans des jeux de hasard et d‘argent sont également
discutés dans la classe de Michèle. Pour le faire, Michèle effectue 1000 essais avec le logiciel de
simulation de la loterie 6 / 49. Les résultats, selon lesquels elle aurait récupéré 130 $ en gains,
pour avoir eu 3 numéros corrects à 13 reprises, sont confrontés au coût des 1000 billets, soit 2000
$. Michèle demande alors aux élèves s‘il s‘agit d‘un bon investissement ou non. Cette situation
ne sert cependant pas la suite à investiguer d‘autres concepts probabilistes.
Emma et Christina ont utilisé les simulations de la loterie 6 /49 d‘une façon similaire afin de
trouver si le jeu permet à l‘utilisateur de gagner plus d‘argent qu‘il n‘en a dépensé. Leurs
étudiants devaient faire un certain nombre de simulations avec le logiciel du 6 / 49 et comparer
les gains que ces essais auraient généré dans la vie réelle avec les dépenses encourues pour
acheter les billets. Dès lors, les enseignants essaient de faire comprendre de manière explicite et
directe que les jeux de hasard et d‘argent génèrent des pertes à long terme. Pour le faire, ils ont
principalement utilisé la capacité du logiciel de générer un très grand nombre d‘essais dans un
court laps de temps. La plupart ont eu recours à un contexte réaliste d‘une loterie 6 / 49, dans
laquelle le logiciel leur permet de recréer des conditions similaires à la vie réelle. Seulement
Justin a choisi un jeu différent, à savoir le « pile ou face », qui n‘est pas offert par Loto-Québec.
Il est également intéressant de constater que les enseignants ne se sont pas vraiment basés sur un
raisonnement probabiliste dans ces situations. Elles permettaient essentiellement de comparer les
gains aux dépenses, mais n‘étaient pas l‘occasion d‘aborder d‘autres concepts reliés aux
probabilités.
B) Difficultés des enseignants dans l’utilisation des logiciels pour travailler sur des concepts
reliés aux probabilités
Même si les simulateurs ont permis d‘illustrer les pertes à long terme encourus dans des jeux de
hasard et d‘argent, les enseignants ont eu beaucoup plus de difficultés à faire ressortir d‘autres
concepts probabilistes. Par exemple, à la fois Emma et Christina avaient comme objectif que les
élèves déterminent si le choix de certains nombres dans la loterie 6 / 49 (dates d‘anniversaire,
nombres chanceux, etc.) permet d‘augmenter les chances de gagner. En principe, ces activités
auraient pu être une opportunité intéressante pour les enseignants de discuter de l‘efficacité de
ces stratégies. D‘ailleurs, de nombreux élèves entretiennent des conceptions erronées à cet égard.
Cependant, de la manière dont ces activités ont été abordées en classe, il a été difficile pour les
élèves d‘en arriver à des constats concluants et de modifier leurs conceptions. Dans la classe de
Christina, les élèves devaient proposer six numéros en se servant de différentes stratégies (des
schémas particuliers sur le billet de loterie, des nombres chanceux, etc.). Les nombres choisis ont
été simulés par l‘enseignante sur son propre ordinateur (entre 200 et 500 essais) et les étudiants
devaient déterminer s‘ils ont gagné plus d‘argent qu‘ils n‘en ont dépensé. La manière dont les
variables de la situation sont placées ne permet cependant pas de répondre à la question posée.
Ainsi, les essais permettent de déterminer si les gains excèdent les dépenses, mais ne permettent
pas de comparer les résultats obtenus avec des nombres choisis au hasard avec ceux de nombres
choisis en fonction de certains critères. De toute manière, même si le dispositif avait permis de
répondre à la question, le nombre d‘essais (entre 200 et 500) n‘aurait pas été suffisant pour
répondre de manière convaincante à la question posée. Par ailleurs, les concepts de hasard ou de
269
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
l‘illusion de contrôle n‘ont pas été discutés par la suite. Dès lors, des étudiants qui croient qu‘ils
ont de meilleures chances de gagner s‘ils choisissent des nombres particuliers n‘auront pas eu
l‘occasion de voir cette conception ébranlée lors de l‘activité proposée.
Le dispositif expérimental dans la classe d‘Emma pour répondre à la même question était
légèrement différent, mais comportait aussi, comme nous allons le voir, des lacunes. Dans sa
classe, les étudiants ont été séparés en deux groupes distincts. Un des groupes devait effectuer
500 simulations de la loterie 6 / 49, en ayant recours à des numéros choisis au hasard. L‘autre
groupe devait faire la même chose, mais en utilisant des nombres qui avaient été choisis en
fonction d‘une certaine stratégie (dates d‘anniversaire, nombres chanceux). Ils devaient alors
déterminer laquelle des deux stratégies permettait de trouver un premier événement de 5 numéros
corrects. Dans cette configuration, les étudiants ne réfléchissent alors pas sur le nombre
d‘événements dans lesquels on obtient 5 numéros gagnants dans chacun des dispositifs, mais ils
se basent sur la première apparition d‘un tel événement. Par ailleurs, comme l‘obtention de 5
numéros corrects est un événement très rare dans ce type de loterie, choisir ce critère n‘est pas
adéquat pour déterminer l‘efficacité d‘une stratégie par rapport à une autre. De toute manière,
dans le cas de stratégies équiprobables, il faut bien qu‘une des deux stratégies amène une
apparition plus rapide de l‘événement recherché. Cela ne permet cependant pas de conclure sur
une plus grande efficacité de cette stratégie. Par ailleurs, en plaçant le dispositif expérimental de
la sorte, les étudiants sont amenés à réfléchir sur un événement unique plutôt que sur un ensemble
d‘événements.
Notre analyse préliminaire révèle également qu‘il était difficile pour les enseignants d‘aborder
d‘autres concepts probabilistes que les pertes encourues à long terme. Par exemple, dans l‘extrait
précédent, la comparaison des différentes stratégies n‘est plus mentionnée plus tard dans
l‘activité. Dans les activités des trois autres enseignants, on peut également constater que les
leçons se terminent souvent par un travail en équipes, qui n‘est pas suivi d‘un retour en grand
groupe. Une telle discussion aurait alors permis aux étudiants de discuter des concepts appris et à
l‘institutionnalisation des connaissances de s‘opérer. Il faut également mentionner que les extraits
dans lesquels les enseignants ont effectivement utilisé les logiciels de simulation n‘étaient pas
nécessairement en lien avec les situations-problèmes probabilistes qu‘ils ont élaborées au cours
des rencontres de formation.
Une autre caractéristique générale des activités analysées est qu‘ils se basent exclusivement sur
des probabilités fréquentielles et n‘établissent pas le pont entre les fréquences observées et les
probabilités théoriques sous-jacentes. En tant que tel, la transition d‘une approche essentiellement
théorique vers une approche qui incorpore les probabilités fréquentielles constituait un pas
important pour les enseignants. En effet, en début d‘année, les enseignants nous avaient confirmé
qu‘ils se basaient exclusivement sur une approche théorique dans l‘enseignement des
probabilités. Cependant, l‘absence de lien entre les approches théoriques et fréquentielles dans les
activités observées peut être problématique dans le sens qu‘elle pourrait mener les élèves à
considérer les deux approches comme des entités complètement différentes.
La manière dont sont placées les variables didactiques dans les différentes activités peut alors
contribuer à la difficulté à concilier les différentes approches des probabilités. Par exemple,
lorsqu‘ils travaillent avec les simulateurs du jeu de roulette, à la fois Michèle et Justin laissent
aux étudiants la liberté de décider s‘ils vont miser sur les nombres pairs ou impairs ou encore
rouges ou noirs. Dans les deux classes, les élèves ont fini par utiliser les quatre possibilités dans
270
Laurent Theis et Annie Savard
le désordre, ce qui les a empêchés de tirer des conclusions sur l‘équiprobabilité sous-jacente à
cette situation. Il en va de même pour les liens entre les probabilités théoriques et fréquentielles.
Comme les étudiants ne se sont pas servis d‘une méthode systématique pour recueillir leurs
données, il est devenu difficile de tirer des conclusions sur les résultats obtenus et les probabilités
théoriques de gagner. Avec une approche plus systématique, ces situations pourraient alors mener
à une discussion avec les élèves sur les différences entre les probabilités théoriques de gagner et
les résultats obtenus après un certain nombre d‘essais.
CONCLUSION
Nos résultats préliminaires montrent que les enseignants participants se sont principalement
servis des simulateurs pour faire comprendre aux élèves que les loteries génèrent des pertes à
long terme. Dans ce sens, les simulateurs leur ont permis d‘aller au-delà de ce qui aurait été
possible avec des essais effectués manuellement ou encore un enseignement basé sur les
probabilités théoriques. De la même manière, ils ont réussi à réorienter leurs stratégies
d‘enseignement vers une approche davantage expérimentale. Cependant, les enseignants ont eu
des difficultés importantes à aborder d‘autres concepts liés aux probabilités à travers l‘utilisation
des simulateurs. Les contraintes utilisées rendaient difficile la construction de ces concepts et
d‘établir des liens entre les probabilités fréquentielles et théoriques.
Quelles sont alors les causes de ces difficultés? Est-ce qu‘il aurait été pertinent de renforcer
certaines parties de la formation que nous avons offerte aux enseignants? Par exemple, même si
nous avons présenté quelques conceptions erronées fréquemment observées, il aurait été pertinent
d‘approfondir les discussions sur ces conceptions. Par ailleurs, le potentiel de l‘utilisation des
logiciels des simulateurs aurait également pu faire l‘objet de plus de discussions explicites. En
effet, ceux-ci ont été présentés aux enseignants et ils ont pu les expérimenter lors des formations,
mais nous n‘avons peut-être pas suffisamment travaillé sur l‘intégration des outils dans les
activités proposées. Par ailleurs, le fait que les enseignants les ont utilisés principalement dans
des activités autres que celles développées au cours de la formation a fait en sorte que celles-ci
échappent d‘une certaine façon aux discussions menées dans le groupe. Nos résultats semblent
alors montrer que l‘intégration des logiciels de simulation dans l‘enseignement n‘est pas
nécessairement facile et qu‘elle bénéficierait également d‘un accompagnement plus structuré.
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272
L’apport pour la formation et la pratique enseignante : analyse et synthèse de
différents modèles de raisonnement mathématique dans la littérature
scientifique
Doris Jeannotte
Université du Québec à Montréal
RÉSUMÉ. L‘insistance sur la nécessité de développer le raisonnement mathématique en classe
prend de plus en plus d‘importance depuis les trente dernières années. Plusieurs écrits de
recherche se sont penchés sur la question. Toutefois, plusieurs auteurs mentionnent encore la
difficulté pour les enseignants d‘en favoriser le développement (Lithner, 2008; Stylianides,
2005). Le texte suivant se veut une réflexion sur l‘apport possible de trois modèles du
raisonnement mathématique, soit celui de Cabassut (2005), Lithner (2008) et Stylianides (2005)
pour l‘enseignement des mathématiques et le développement du raisonnement mathématique.
PROBLÉMATIQUE
Les programmes de formation de l‘école québécoise [PFEQ] octroient une place de choix au
raisonnement mathématique en lui attribuant le rôle d‘une des trois compétences du programme
de mathématiques au primaire comme au secondaire (ministère de l'Éducation, 2007). De ce fait,
les enseignants doivent favoriser le développement de cette compétence et l‘évaluer. En fait, le
Québec n‘est pas le seul endroit au monde où le raisonnement mathématique est placé au premier
plan. C‘est aussi le cas par exemple des États-Unis (National Council of Teachers of Mathematics
[NCTM], 2000) et de l‘Ontario (ministère de l'Éducation de l'Ontario [MEO], 2005) . Ces
orientations politiques sont entre autres motivées par une réaction courante. En effet, certains
disent que les apprentissages faits dans les écoles sont sans compréhension (rote learning)
(Lithner, 2008; Stylianides, 2005). Tel que le mentionnent Ball & Bass (2003, p. 28), « the notion
of mathematical understanding is meaningless without a serious emphasis on reasoning ».
Ces changements de programmes amènent des besoins particuliers pour la formation des maîtres
et la formation continue. « The aim of developing mathematical reasoning in classrooms calls on
the research community to clarify what is mathematical reasoning and what it looks like in school
contexts » (Reid, 2002, p. 6). Ces dernières années, les écrits et les projets de recherches portants
sur le raisonnement mathématique se sont multipliés et quelques modèles ou cadres d‘analyse ont
été développés. D‘ailleurs, il est maintenant de mise de considérer que le raisonnement
mathématique couvre plus que le raisonnement déductif. Chacun contribue à sa façon à la
recherche sur le raisonnement mathématique, à la formation des maîtres ou à l‘enseignement et à
l‘apprentissage du raisonnement mathématique. De façon plus précise, on peut se demander
comment développer le raisonnement mathématique en classe.
L‘objectif de ce papier est de faire la synthèse des apports possibles pour la formation des maîtres
et l‘enseignement des mathématiques au secondaire de trois modèles développés au cours des
dernières années. Plus particulièrement, nous nous intéressons aux apports concernant le
développement du raisonnement mathématique en classe de mathématique.
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
CADRE D’ANALYSE
Pour permettre l‘analyse des modèles en fonction des apports pour le développement du
raisonnement mathématique autant du point de vue de la formation des maîtres que de
l‘enseignement, une première réflexion sur le raisonnement mathématique, ainsi qu‘une sur le
concept de modèle, sera approfondie. De plus, nous déterminerons différents angles possibles
pour l‘analyse de l‘apport des modèles à la formation des maîtres et à l‘enseignement des
mathématiques au secondaire quant au développement du raisonnement mathématique.
Le raisonnement mathématique
Dans le PFEQ, il est spécifié que le raisonnement mathématique est constitué de raisonnements
généraux (déductif, inductif, analogique et par réfutation) ainsi que de raisonnements spécifiques
à chacun des champs de la mathématique (ministère de l'Éducation, 2007). Dans le cadre de ce
texte, seuls des modèles s‘intéressant au raisonnement mathématique d‘un point de vue général
seront analysés. De façon très large, nous parlerons pour l‘instant du raisonnement mathématique
comme d‘une activité intellectuelle (un processus de pensée), ou comme du résultat de cette
activité qui met en relation des objets de la pensée pour en arriver à une conclusion.
Le modèle
Legendre (2005) définit le modèle, dans le domaine de la recherche en éducation, comme une
« représentation fonctionnelle et simplifiée d‘une classe d‘objets ou de phénomènes à l‘aide de
symboles, organisés en une forme plus ou moins structurée, dont l‘exploration et la manipulation,
effectuée de manière concrète ou abstraite, entraînent une compréhension accrue et permettent
l‘énoncé d‘hypothèses de recherche » (p. 892). Un modèle permet donc une réflexion sur l‘objet
d‘étude (ici le raisonnement mathématique) par une simplification du réel en s‘attardant sur les
composantes et relations jugées pertinentes dans le contexte de la recherche (Sauvé, 1992). Il
permet aussi une meilleure communication sur l‘objet d‘étude en fournissant un vocabulaire et
des symboles communs (Lee, 1997). Un cadre d‘analyse (analytic framework) est donc un
modèle au sens de Legendre.
Un cadre pour l’analyse des modèles
Les différents modèles de raisonnement mathématique élaborés par les chercheurs en didactique
des mathématiques peuvent avoir différentes utilités comme mieux comprendre le raisonnement
mathématique utilisé par les élèves, mieux comprendre le développement du raisonnement
mathématique, mieux comprendre les pratiques d‘enseignement liées au développement du
raisonnement mathématique par les élèves ou encore développer des tâches d‘enseignementapprentissage, analyser l‘apprentissage en fonction des tâches, etc. Ces modèles peuvent aussi
avoir une visée d‘amélioration de la formation des maîtres ou des pratiques d‘enseignement.
C‘est avec ces différents buts en tête que les apports des différents modèles seront explorés.
DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
Afin de guider notre exploration des différents modèles, l‘anasynthèse a été privilégiée comme
démarche méthodologique. « L‘anasynthèse est un cadre général qui permet de baliser l‘analyse
274
Doris Jeannotte
et la synthèse d‘une pluralité de données conceptuelles ou empiriques pour la conceptualisation
de modèles théorique » (Guay, 2004, p. 19) (voir figure 1).
Ensemble de
départ
Analyse
Synthèse
Prototype
Simulation
Modèle
Boucles de rétroaction
Figure 1. L‘anasynthèse (Legendre, 2005; adapté de Sylvern, 1972)
Cette démarche de recherche permet l‘atteinte de certains critères de scientificité par différents
processus tels qu‘établis par Gohier (1998). En effet, les boucles de rétroactions et les étapes de
validation (validation par différents intervenants responsables (prototype) et extérieurs au projet
(simulation)) permettent de s‘assurer par exemple, de la pertinence et de la cohérence du modèle
développé. Toutefois, aux fins de ce papier, seules les trois premières étapes ont été exploitées.
En effet, le prototype correspond à une synthèse inédite ayant subi plusieurs boucles de
validation, ce qui n‘est pas le cas ici.
L’ensemble de départ
La première étape de l‘anasynthèse consiste en une revue de la littérature pour identifier les
éléments pertinents à l‘objectif de la recherche, ici les écrits rapportant des modèles de
raisonnement mathématique.
L’analyse
L‘analyse du corpus de départ est la seconde étape de l‘anasynthèse. Elle permet l‘identification
et la cueillette des données pertinentes dans l‘ensemble de départ (Legendre, 2005). Durant
l‘étape d‘analyse, différents types d‘analyses sont utilisés, entre autres l‘analyse de contenu
permet d‘extraire l‘information du corpus sélectionné pour mieux comprendre ce que les auteurs
disent du raisonnement en mathématiques. Il est alors possible de mettre les divergences, les
convergences et les absences en relief entre les différents modèles.
À l‘instar de Guay (2004) et Rocque (1994), une adaptation de L‘Écuyer (1978) a été retenue
pour la mise en œuvre de l‘analyse de contenu : 1. Lectures préliminaires et établissement d‘une
liste des énoncés; 2. Choix et définition des unités de classification : types d‘unités, définitions et
critères de choix; 3. Processus de catégorisation et de classification : définition d‘une catégorie,
sous-étapes de classification, qualités essentielles des catégories; 4. Description scientifique :
analyse qualitative; 5. Interprétation des résultats.
La synthèse
Enfin, une synthèse est produite à partir de l‘analyse de documents qui portent sur les différents
modèles de raisonnement mathématique (ensemble de départ). À ce moment, les données
275
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
recueillies lors des analyses sont réunies pour former un discours cohérent et structuré. Dans cette
synthèse, les convergences, les divergences et les absences seront mises en évidence. Elle permet
aussi de préciser les relations entre les descripteurs. La synthèse est ensuite étudiée pour y repérer
les manques et les sections vagues. Un retour à l‘analyse et à l‘ensemble de départ permettra
d‘améliorer le champ notionnel, l‘analyse et la synthèse jusqu‘à l‘élaboration du prototype
QUELQUES MODÈLES DE RAISONNEMENT MATHÉMATIQUE – RÉSULTAT DE
L’ANALYSE DE CHACUN DES MODÈLES
Quelques modèles ont été développés pour l‘étude du raisonnement mathématique. Entre autres,
Lithner (2008), Stylianides (2005), Cabassut (2005) ont chacun élaboré un cadre d‘analyse du
raisonnement en mathématique ayant chacun un but différent. Ces modèles étant relativement
récents, ils n‘ont pas été, à notre connaissance, explorés, repris ou critiqués par d‘autres
chercheurs que les auteurs eux-mêmes. Comme ces modèles n‘ont pas été conçus a priori pour
apporter à la formation et à l‘enseignement des mathématiques directement, peu d‘indicateurs de
la variable « cadre organisationnel » seront présents.
Le modèle de Cabassut
Pour son étude de la démonstration en France et en Allemagne, Cabassut a développé un cadre,
qu‘il dit philosophique, basé sur le cadre de Toulmin (triplet données, règle de validation,
conclusion). Il représente le raisonnement par le schéma suivant :
Raisonnement: activité de l'esprit qui infère une proposition
conclusion à partir de propositions prises comme prémisses
Raisonnement qui ne valide
pas la vérité d'une proposition
Raisonnement de validation de la vérité d'une
proposition (ou validation en abrégé)
Argumentation (de validation): validation
de la plausibilité/probabilité de la vérité
d'une proposition
Démonstration/preuve: validation
de la nécessité/certitude de la vérité
d'une proposition
Figure 2. Le raisonnement tiré de Cabassut (2005), p. 24
Selon Cabassut (2005), il y a donc deux types de raisonnements. Les raisonnements de validation
(ou uniquement validation) visent « à établir la connaissance de la vérité d‘une proposition »
(p.26). Les raisonnements mathématiques appartiennent, selon lui, à cette première catégorie. Les
raisonnements qui ne valident pas la vérité d‘une proposition visent plutôt « la connaissance
d‘une proposition suivant certains critères de bien, de beau, de souhaitable ou autres » (p.26). Il
classe parmi ce deuxième type de raisonnement, les raisonnements pour décider, pour persuader
ou pour découvrir. Toutefois, il mentionne que ces visées peuvent aussi être celles du
raisonnement de validation, mais qu‘elles ne sont pas nécessaires. Ainsi, il est possible de
décider, de persuader ou de découvrir sans s‘appuyer sur la vérité des propositions. Dans ce cas,
le raisonnement n‘en est pas un de validation.
276
Doris Jeannotte
Cabassut différencie deux types de raisonnement de validation : le raisonnement de nécessité et le
raisonnement de plausibilité, ce qui peut être lié au raisonnement démonstratif et au raisonnement
plausible de Pòlya (1958). Selon la conception de vérité de l‘institution où se produit le
raisonnement, un raisonnement peut être considéré comme plausible pour un niveau scolaire et de
nécessité dans un autre. Pour ce qui est de l‘application des algorithmes, s‘il est impossible à
l‘auteur d‘expliciter la règle de validation alors il est impossible de dire s‘il s‘agit d‘un
raisonnement de validation.
Quelques apports
Ce modèle ayant été construit pour étudier la place des raisonnements de validation en classe de
mathématique ne se positionne pas sur les pratiques d‘enseignement lié au raisonnement.
Toutefois, il permet de prendre en compte différents types de raisonnements en mathématiques
selon l‘institution dans laquelle il a été produit. Il permet d‘étudier quels types d‘arguments sont
mis de l‘avant dans les raisonnements (visuel, mathématique, d‘autorité) tout en tenant compte de
sa visée et de l‘institution dans laquelle il se manifeste. Il permet de mentionner aussi que
l‘enseignant cherchant à développer le raisonnement mathématique chez ces élèves doit valoriser
les raisonnements de validation autant pour la plausibilité (par exemple par la conjecture) que
pour la nécessité de la validation (par exemple par la démonstration). On peut aussi souligner
l‘importance pour l‘enseignant d‘expliciter (à tout le moins pour lui-même) sa propre conception
du raisonnement mathématique. En effet, pour mieux comprendre les raisonnements des élèves,
les enseignants s‘appuient sur leur propre conception comme référence. Pour que le jugement soit
le plus cohérent possible, une prise de conscience s‘avère nécessaire.
Le modèle de Lithner (2008)
Premièrement, Lithner (2008) présente un modèle conceptuel du raisonnement dans les classes de
mathématiques lors de la résolution de problème. Il définit le raisonnement comme « the line of
thought adopted to produce assertions and reach conclusions in task solving. It is not necessarily
based on formal logic, thus not restricted to proof, and may even be incorrect as long as there are
some kinds of sensible (to the reasoner) reasons backing it » (p.257). Il met ici un élément clé du
raisonnement en lumière : il doit être supporté par des raisons valables (du point de vue du
raisonneur). Par tâche, il est entendu ce que l‘on demande de faire à l‘élève en classe. Il ajoute
qu‘il ne prend en compte que le raisonnement en tant que produit qui s‘observe comme une
séquence de raisonnement qui débute avec la tâche et se termine avec la réponse.
Il divise le raisonnement en deux grandes classes : le raisonnement par imitation et le
raisonnement créatif (voir figure 1). Le raisonnement par imitation se divise en raisonnement
mémorisé (par exemple, se rappeler une preuve apprise par cœur et la recopier) et raisonnement
algorithmique (AR). Le raisonnement algorithmique, pour sa part, satisfait les deux conditions
suivantes : la stratégie est de se rappeler un algorithme, il n‘y a pas de création de nouvelles
solutions; le reste du raisonnement est dit trivial pour l‘agent qui raisonne. Toutefois, la définition
de raisonnement utilisée par Lithner nécessite des raisons pour supporter le raisonnement. Il
s‘agit d‘un élément clé aussi souligné par Cabassut (2005).
Un raisonnement est qualifié de créatif (raisonnement créatif mathématiquement fondé) s‘il
répond aux trois critères suivants : la séquence de raisonnement est nouvelle (on peut penser que
certaines parties de la séquence peuvent être partiellement remémorées) ; la validité ou la
277
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
plausibilité de la conclusion est supportée par des arguments; les arguments sont fondés sur les
mathématiques pertinentes (connaissances et propriétés) aux raisonnements. Le raisonnement
créatif ne peut donc pas être décliné en un argument d‘autorité.
Raisonnement
raisonnement
imitatif
raisonnement
mémorisé (MR)
AR familier
raisonnement
créatif
raisonnement
algorithmique (AR)
AR
circonscrit
AR guidé
Figure 3. Les différents types de raisonnement selon Lithner (2008)
Quelques apports
Ce modèle met en parallèle les raisonnements qui selon l‘auteur sont souhaitables (raisonnements
créatifs) de ceux non souhaitables. Il met en lumière différents supports des raisonnements autres
que les connaissances mathématiques et qui, tout en pouvant être un passage obligé, nécessitent
d‘être changé par des supports valables du point de vue de l‘activité mathématique. Ce modèle
peut aussi permettre à un enseignant souhaitant favoriser le développement du raisonnement en
mathématique de choisir des problèmes à résoudre qui nécessitent de la part des élèves une
séquence de raisonnement nouvelle ou reconstruite basée sur des arguments valides et
mathématiquement fondés, comme les problèmes non routiniers. De plus, la théorie des situations
didactiques permet à l‘auteur de cibler différents rôles de l‘enseignant et de l‘élève comme la
création d‘une bonne situation didactique sous la forme d‘un problème par l‘enseignant et la part
de responsabilité de l‘élève dans la résolution du problème. Pour l‘auteur, l‘enseignant est un
médiateur, il ne doit pas transmettre des savoirs qui eux sont plutôt construits par l‘élève. Selon
Lithner, l‘utilisation de manuels scolaires est à l‘origine de certains raisonnements imitatifs. On
peut donc inférer que Lithner suggère une diminution de son utilisation ou à tout le moins une
réécriture des manuels permettant une meilleure dévolution des tâches aux élèves.
Le modèle de Stylianides (2005)
Pour sa thèse de doctorat, Stylianides (2005) a élaboré un cadre d‘analyse du raisonnement
mathématique et de la preuve cohérente, selon l‘auteur, avec la nature du raisonnement et de la
preuve en mathématique. Ce cadre a été conçu a priori pour l‘analyse de manuels (curriculum
analysis) pour l‘enseignement des mathématiques en début de secondaire (middle school). Ces
analyses ont pour but de déterminer quelles sont les opportunités de développer le raisonnement
278
Doris Jeannotte
mathématique (inductif ou déductif) rencontrées dans les manuels scolaires. La figure 4 présente
son modèle. En ce sens, il axe l‘analyse du raisonnement sur les activités mathématiques où il se
manifeste. En particulier sur l‘activité de faire des généralisations mathématiques et d‘appuyer
des affirmations mathématiques.
Raisonnement-et-preuve
Faire des généralisations
Appuyer des affirmations
mathématiques 1
mathématiques
Composantes et
sous-composantes
du raisonnement et
de la preuve
Identifier un pattern
 Pattern plausible
 Pattern défini
 Précurseur de
Visée du pattern, de
conjecture
la conjecture et de

Non-précurseur
la preuve
de conjecture
Contexte
Établir des
conjectures
Fournir une preuve2
 Preuve générique
 Démonstration
Fournir un
argument (autre
qu‘une preuve)3
Argument
 Empirique
 rationnel
 Explication
 Vérification
 Réfutation
 Génération de
nouveau savoir
 Extra-mathématique
 Quasi-mathématique
 Mathématique
 Précurseur de
preuve
 Non-précurseur
de preuve
Figure 4. Traduction du cadre analytique de raisonnement-et-preuve (Stylianides, 2005, p.21).
Quelques apports
Pour lui, le raisonnement-et-preuve couvre une vaste étendue d‘activités mathématiques qu‘il a
séparées en quatre groupes : identifier un pattern, conjecturer, fournir une preuve et fournir un
argument (autre qu‘une preuve). En ce sens, un enseignant qui veut favoriser le développement
du raisonnement mathématique doit organiser et planifier les contenus à apprendre, peu importe
le sous-domaine, à travers ce type d‘activités. Plus précisément, les trois premiers types
d‘activités sont dits souhaitables puisqu‘ils demandent à l‘élève de raisonner inductivement (deux
premières) et déductivement (troisième). Les visées des différentes activités peuvent aussi guider
l‘organisation et la planification des activités pour permettre à l‘élève d‘avoir un portrait global
de l‘activité mathématique dans laquelle le raisonnement mathématique est utile.
D‘un autre côté, ce modèle invite aussi à une réflexion sur les types d‘activités mathématiques
réalisés en classe à savoir si ces quatre types couvrent ou non l‘ensemble des activités
mathématiques. Par exemple, l‘activité de définir, de résoudre, de symboliser, en mathématique
sont-elles couverte par ce modèle?
Ensuite, un des rôles sous-entendus de l‘enseignant est, pour Stylianides de promouvoir le
raisonnement mathématique en classe : « Teachers lack images of what it means to promote
reasoning and proving in the classroom » (Stylianides, 2005, p.5). C‘est par la réalisation des
activités explicitées dans son modèle que les élèves sont en mesure d‘utiliser diverses formes de
1
Ces deux activités sont liées au raisonnement inductif
Cette activité est liée au raisonnement déductif
3
Cette activité n‘est pas souhaitable
2
279
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
raisonnements en classe de mathématiques. Ces raisonnements s‘appuient sur un bagage de
savoirs partagés par la classe. On peut donc extrapoler qu‘un des rôles de l‘enseignant est de
gérer, d‘une façon ou d‘une autre, ce savoir pour s‘assurer qu‘il est partagé par l‘ensemble de la
classe. L‘enseignant nécessite alors des modèles d‘activités mathématiques, des connaissances et
des patterns de raisonnement impliqué dans ces raisonnements. Ce modèle s‘occupe d‘une partie
des activités. Enfin, le modèle de Stylianides présuppose une organisation temporelle sur
plusieurs années, débutant dès le primaire, les tâches étant adaptées au niveau de l‘élève. Le
raisonnement mathématique n‘est pas l‘affaire d‘un chapitre ou d‘un niveau scolaire, une
cohérence est nécessaire à travers tout le parcours scolaire.
SYNTHÈSE DES APPORTS DES DIFFÉRENTS MODÈLES
Premièrement, les trois modèles, selon les auteurs, prennent en compte la nature inductive et
déductive du raisonnement. Le raisonnement par analogie n‘est pas abordé directement, même si
deux des auteurs en mentionnent l‘existence (Cabassut, 2005; Stylianides, 2005). Ces modèles ne
fournissent donc pas d‘exemples de ce que pourrait être un raisonnement par analogie en classe
de mathématique ni d‘exemples d‘activités liés à ce type de raisonnement. Dans la littérature sur
le raisonnement mathématique, on retrouve d‘autres types de raisonnement comme le
raisonnement abductif aussi traité comme un raisonnement général. Le type d‘inférence utilisé
dans ce cas est quelque peu différent du raisonnement inductif ou déductif.
Deuxièmement, remarquons que ces trois modèles répondent à différents besoins et portent un
regard différent sur le raisonnement en mathématiques. Tout en traitant le raisonnement
mathématique d‘un point de vue général (sans lien avec un sous-domaine des mathématiques), les
deux premiers modèles le rattachent à une activité de l‘esprit, ce qui permet l‘étude des
raisonnements des élèves en tant que produit. Toutefois, les classifications de Lithner et de
Cabassut diffèrent puisque ce dernier fait une classification en fonction de raisonnement de
validation ou non et le premier en fonction de raisonnement « souhaitable » ou non. Le dernier
modèle, quant à lui, le rattache à un type d‘activités mathématiques, ce qui permet l‘étude des
tâches d‘apprentissage et piste sur la structuration et la mise en œuvre des contenus par
l‘enseignant. Le modèle de Stylianides (2005) a été développé pour l‘analyse de curriculum et
non de raisonnement d‘élèves.
Troisièmement, à l‘instar de Lithner (2008), Cabassut (2005) considère l‘utilisation d‘algorithmes
comme un raisonnement, pourvu qu‘il soit possible d‘expliciter la justification. Toutefois,
Stylianides (2005), pour sa part, n‘en tient pas compte dans son modèle. Ceci ne veut pas dire
qu‘il ne la considère pas. En fait, il ne la considère pas lorsqu‘elle est utilisée dans une activité
autre que les quatre incluses dans son modèle. On pourrait se questionner sur la place des
algorithmes. En postulant que le raisonnement mathématique est une activité complexe, les
automatismes ont leur place (Morin, 2005), mais ne doivent pas limiter la création de séquences
inédites de raisonnements. En ce sens, positionner l‘utilisation d‘algorithmes comme
raisonnement imitatif et non souhaitable apparaît réducteur. Dans un même ordre d‘idée, les trois
modèles ne donnent que peu d‘indices sur la place qu‘occupent les algorithmes dans le
raisonnement mathématique, leur fonction. Comprendre en quoi les algorithmes viennent
favoriser un raisonnement flexible peut s‘avérer utile au développement du raisonnement.
280
Doris Jeannotte
En plus des algorithmes, quelques mots sur la place des connaissances s‘avèrent nécessaires. Le
PFEQ les inclut comme composante du raisonnement, ce qui est mis en lumière par les modèles
de Lithner et Stylianides. En effet, ces deux auteurs mentionnent l‘importance des connaissances
mathématiques en stipulant que le raisonnement doit être mathématiquement fondé. En
s‘appuyant tous les deux sur Ball et Bass (2003), ils mentionnent que le raisonnement
mathématique s‘appuie sur un ensemble de connaissances partagées par une communauté (par
exemple la classe). Le raisonnement, en plus d‘utiliser différents patterns de raisonnement,
s‘appuie sur des connaissances mathématiques de l‘élève, mais aussi de la classe. Mais ces
connaissances se développent aussi par le raisonnement, et ainsi de suite. Comment caractériser
cette relation entre développement des connaissances et développement du raisonnement?
CONCLUSION
Pour l‘enseignement des mathématiques, plusieurs aspects du raisonnement sont nécessaires à
conceptualiser. Pour pouvoir choisir les activités d‘enseignement/d‘apprentissage, un premier
aspect est la caractérisation des activités mathématiques permettant le développement du
raisonnement mathématique, ce que Stylianides (2005) a fait avec son modèle. Toutefois, on peut
se questionner sur les deux grandes catégories d‘activités du modèle de Stylianides à savoir,
existe-t-il d‘autres types d‘activités mathématiques qui ne sont pas pris en charge par ce modèle?
De plus, le raisonnement mathématique s‘appuie aussi sur des contenus mathématiques qui eux
sont spécifiques (dans certains cas) à un sous-domaine des mathématiques. En effet, la
compréhension que l‘on a de ces contenus joue certainement un rôle dans les raisonnements que
l‘on met en place pour réaliser une activité mathématique. Par exemple, l‘interprétation que
l‘élève fait de la lettre en algèbre peut favoriser ou nuire à son raisonnement lors de la résolution
d‘équations. Aucun de ces modèles ne prend en considération ces contenus. Il s‘agit ici d‘un
élément qui reste à développer.
Un second aspect est la caractérisation du raisonnement en tant qu‘activité intellectuelle. Quelles
formes prennent les raisonnements mathématiques? Cabassut (2005) parle plutôt en termes de
raisonnement de validation. Lithner (2008) mentionne les raisonnements imitatifs et créatifs,
opposant les premiers au second. Cette opposition ne fait qu‘expliciter le pourquoi de l‘insistance
sur le raisonnement mathématique dans les programmes et n‘apporte selon nous qu‘un faible
éclairage sur le type d‘activité à privilégier. Enfin, ces modèles du raisonnement parlent peu du
rôle des connaissances dans le développement du raisonnement mathématique. Une
conceptualisation du raisonnement mathématique en didactique des mathématiques devrait
apporter des éléments de réponses à ces différentes questions dans le but de guider la formation
initiale et continue des maîtres.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier mes directeurs madame Kieran et monsieur Cyr ainsi que mes collègues
Claudia et Sarah qui, par leurs commentaires pertinents sur des versions préliminaires de ce
papier, ont su alimenter ma réflexion.
281
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
BIBLIOGRAPHIE
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STYLIANIDES, G. J. (2005). Investigating students' opportunities to develop proficiency in reasoning
and proving: a curricular perspective. Thèse non publiée, University of Michigan, Michigan.
282
Étude de la créativité mathématique dans les solutions aux problèmes
proposés dans la communauté virtuelle CASMI
Dominic Manuel
Université de Moncton
RÉSUMÉ. Même si plusieurs chercheurs en didactique des mathématiques recommandent la
résolution de problèmes riches et le développement de la créativité mathématique en salle de
classe, le changement est encore attendu. L‘article présente les résultats d‘une recherche
effectuée sur la résolution de problèmes provenant du site CASMI, une communauté virtuelle
d‘apprentissage. Selon les chercheurs, il existe un lien entre la richesse de problèmes et la
créativité mathématique. Notre étude, à caractère quantitatif, tend à répondre aux objectifs
suivants : (1) vérifier scientifiquement si les problèmes mathématiques posés sur ce site sont
réellement riches, (2) vérifier à quel point les solutions soumises aux problèmes posés sur le site
sont créatives, et (3) vérifier s‘il existe une relation entre les deux composantes (la richesse des
problèmes et la créativité mathématique des solutions). Nous présentons et discutons des résultats
de recherche et nous proposons des recherches futures possibles.
PROBLEMATIQUE ET BUTS DE LA RECHERCHE
La créativité mathématique est un sujet de recherche relativement récent et peu développé.
Pourtant, le besoin de former des gens capables de résoudre des problèmes complexes de façon
créative et innovatrice devient de plus en plus important dans la société du XXIe siècle. Ceci ne
fait qu‘augmenter les attentes à l‘égard de l‘enseignement et de l‘apprentissage des
mathématiques. Ainsi, les programmes d‘études de mathématiques au Nouveau-Brunswick et
ailleurs dans le monde mettent l‘accent sur le développement d‘habiletés de haut niveau. Or,
plusieurs auteurs mentionnent que les changements en salle de classe se font attendre (Chan,
2008; Sheffield, 2008). La résolution de problèmes, occupant une place de plus en plus centrale
en enseignement des mathématiques, demeure l‘affaire d‘application de procédures et de
techniques routinières (Poirier, 2001). Pourtant, il existe quelques recherches qui démontrent que
les problèmes ouverts semblent laisser plus de place aux défis cognitifs et aux stratégies variées
et originales inventées par les élèves (Klavir et Hershkovitz, 2008) pouvant mener à une
multitude de solutions (Leikin, 2007). D‘autres chercheurs stipulent que l‘utilisation des
communautés virtuelles d‘apprentissages pourrait possiblement contribuer à ce changement de
paradigmes (Piggott, 2007; Renninger et Shumar, 2004). Cependant, nous n‘avons pas trouvé de
recherches qui appuient cet aspect, ni de définition de créativité ou de façon de l‘évaluer dans un
tel contexte.
Notre recherche traite ainsi de la créativité mathématique en utilisant le site CASMI 1 , une
communauté virtuelle d‘apprentissage mettant au premier plan la résolution de problèmes en
mathématiques par les élèves francophones du Nouveau-Brunswick, d‘autres provinces
canadiennes et d‘ailleurs dans le monde en utilisant le format électronique (Freiman, Lirette-Pitre
1
Le site porte maintenant le titre CAMI pour Communauté d‘apprentissages multidisciplinaires interactifs au lien
www.umoncton.ca/cami. Nous utilisons l‘acronyme CASMI dans ce texte puisque la communauté portait ce nom lors de la
recherche.
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
et Manuel, 2007). Ceci permet de produire un espace virtuel collectif de solutions (dans le sens
introduit par Leikin (2007)) qui pourrait possiblement contenir des solutions créatives à des
problèmes riches. Le but de cet article est de présenter un sommaire des résultats de notre
recherche dont les objectifs sont : (1) vérifier scientifiquement si les problèmes mathématiques
posés sur ce site sont réellement riches, (2) vérifier à quel point les solutions soumises aux
problèmes posés sur le site sont créatives, et (3) vérifier s‘il existe une relation entre les deux
composantes (la richesse des problèmes et la créativité mathématique des solutions).
Le ministère de l‘Éducation du Nouveau-Brunswick propose six résultats d‘apprentissages
transdisciplinaires qui doivent être développés dans toutes les matières scolaires incluant les
mathématiques, et ce, chez tous les élèves de la maternelle à la 12 e année (MÉNB, 2005). Un de
ces résultats d‘apprentissage retrouvé dans ce cadre théorique est la pensée critique, où l‘élève
doit être en mesure de « manifester des capacités d‘analyse critique et de pensée créative dans la
résolution de problèmes et la prise de décision individuelle et collective » (MÉNB, 2005, p. 11).
Par contre, le programme ne précise pas ce qu‘est une pensée créative et ne donne aucune
stratégie permettant de la développer en mathématiques.
Comme retombée, notre recherche permet de définir la créativité mathématique et de
l‘opérationnaliser dans un contexte de résolution de problèmes. Cette recherche permet aussi de
donner un premier aperçu sur l‘impact d‘une communauté virtuelle d‘apprentissages quant au
développement de la créativité mathématique chez les élèves.
Nos définitions de recherche accompagnées des grilles d‘analyse créées peuvent servir d‘outils
pour les enseignants afin de leur permettre de choisir les problèmes riches dans la communauté
virtuelle ainsi qu‘évaluer la créativité mathématique des solutions de leurs élèves. De plus, étant
donné que nous avons déterminé un lien entre ces 2 variables, les résultats sont aussi des pistes
pour l‘équipe pédagogique du site CASMI qui leur permettront d‘améliorer la richesse des
problèmes posés et de pouvoir cultiver le développement de la créativité mathématique chez les
membres qui résolvent les problèmes.
CADRE CONCEPTUEL : DEFINITIONS DE RECHERCHE
Pour pouvoir définir le problème mathématique riche, nous avons effectué une recension des
écrits par rapport à ce que les chercheurs en didactique des mathématiques considéraient comme
étant un bon problème mathématique. Nous avons retenu les critères que nous pouvions évaluer
dans les énoncés de problèmes. Nous avons ainsi défini le problème mathématique riche de la
façon suivante : le problème mathématique riche est un problème qui va respecter le maximum
des caractéristiques suivantes : est ouvert (Diezmann et Watters, 2004; Takahashi, 2000) ; est
complexe (Diezmann et Watters, 2004; OCDE, 2000) ; est mal défini (Murphy, 2004) ; est
contextualisé (Greenes, 1997) ; possède diverses interprétations possibles (Hancock, 1995).
Nous nous sommes inspirés des idées de Mann (2005), Haylock (1997) et Singh (1988) pour
définir la créativité mathématique et ainsi, notre définition est la suivante : la créativité
mathématique se définit par la fluence, la flexibilité et l’originalité des solutions correctes de
qualité à un problème mathématique. Nous avons aussi défini l‘espace virtuel collectif de
solutions (en nous inspirant de la définition d‘espace collectif de solutions énoncé par Leikin
(2007)) comme étant l‘ensemble des solutions soumises de façon électronique dans une
communauté virtuelle d‘apprentissage par des membres à un problème. Nous avons défini la
284
Dominic Manuel
fluence comme étant le nombre de réponses correctes dans l‘espace virtuel collectif de solutions,
tandis que la flexibilité représentait le nombre de bonnes stratégies dans ce même regroupement
de solutions. Finalement, nous avons défini l‘originalité comme étant les réponses et stratégies
correctes statistiquement peu fréquentes dans l‘espace collectif.
CADRE METHODOLOGIQUE ET OUTILS DE COLLECTE DE DONNEES
Notre recherche était à caractère quantitatif respectant la typologie de la recherche exploratoire de
Van der Maren (1996). Notre démarche était divisée en 3 parties dont chaque partie étudiait un de
nos buts de recherche. En premier lieu, nous avons analysé la richesse des 180 problèmes qui
étaient posés dans la communauté virtuelle CASMI en utilisant une grille que nous avons validée.
En second lieu, nous avons évalué la créativité mathématique des espaces virtuels collectifs de
solutions de 50 problèmes, choisis aléatoirement à l‘aide du logiciel SPSS, en utilisant une grille
que nous avons créée et validée. Finalement, nous avons déterminé s‘il existait une relation entre
la richesse des problèmes posés sur le site CASMI et la créativité mathématique des solutions.
La grille créée pour évaluer la richesse d‘un problème mathématique consistait en une série de
critères que nous avons élaborés pour chacun des types (caractéristiques) de problèmes faisant
partie de notre définition de recherche. Par exemple, pour un problème ouvert, nos 2 critères
étaient : le problème contient au moins une question pour laquelle il peut y avoir plusieurs
réponses possibles ; et le problème contient au moins une question pour laquelle plusieurs
stratégies possibles peuvent être utilisées pour le résoudre. Pour chaque critère, nous attribuions
le score 1 s‘il était respecté et le score 0 si non. La richesse du problème était donc la somme des
critères respectés. La grille est présentée à l‘annexe A.
Pour ce qui est de notre grille d‘évaluation de la créativité mathématique, nous ajoutions 1 point
pour chaque bonne réponse (fluence) et 1 point pour chaque bonne stratégie (flexibilité) retrouvée
dans l‘espace virtuel collectif de solutions. Pour la variable « originalité », nous comptions le
nombre de bonnes réponses et le nombre de bonnes stratégies utilisées par 5 % ou moins des
membres ayant résolu le problème et nous multipliions cette valeur par 2 (noté TO). Par la suite,
nous comptions le nombre de bonnes réponses et de stratégies utilisées par entre 5 % et 20 %
(inclusivement) des membres (notée MO). Le score pour la variable « originalité » était donc la
somme entre TO et MO divisé par le nombre total de solutions dans l‘espace virtuel collectif de
solutions.
RESULTATS DE LA RECHERCHE
Après avoir effectué des analyses préliminaires des données (Tabachnick et Fidell, 2007), même
si nos 2 variables principales (richesse du problème et créativité mathématique) étaient des
valeurs continues, nous avons dû apporter des corrections à nos données en créant des catégories
pour toutes nos variables.
En utilisant les tests de normalités, nous avons conclu que la richesse des problèmes posés sur le
site CASMI était presque uniformément distribuée (asymétrie de 0,099 avec erreur type de 0,181
et voussure de 0,176 avec une erreur type de 0,36) avec une moyenne de 4 sur une possibilité
maximale de 8. En évaluant les fréquences relatives de chaque critère de notre grille, nous avons
remarqué que 4 critères étaient presque toujours respectés (plusieurs bonnes réponses : 61,1 %,
285
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
plusieurs bonnes stratégies possibles : 94,4 %, problèmes contextuels : 90,6 % et problèmes se
résolvant en utilisant plusieurs étapes : 87,8 %) tandis que les 4 autres étaient plutôt négligés
(problèmes menant à la découverte des régularités et à la généralisation des résultats : 28,9 %,
problèmes demandant de faire des choix et les justifier : 11,7 %, problèmes menant à la création
et à l‘étude d‘autres questions : 2,8 %, et problèmes mal définis : 22,8 %).
Pour ce qui est de nos composantes de la créativité, nous avons utilisé les statistiques descriptives
afin de déterminer la présence de chacune dans les espaces virtuels collectifs de solutions. Nos
tests préliminaires ont démontré que la très grande majorité de membres se limitent à une seule
réponse et une seule stratégie lorsqu‘ils résolvent les problèmes et ces dernières sont souvent
semblables à celle des autres. Toutefois, nous avons pu quand même observer des traces de
créativité mathématique dans les espaces virtuels collectifs de solutions. Pour la variable
« fluence », nous avons observé que plus d‘une bonne réponse était trouvée dans les espaces
virtuels collectifs dans 48 % des problèmes. Pour ce qui est de la variable « flexibilité », nous
avons observé une bonne variation dans les stratégies utilisées. Dans 24 % des problèmes,
seulement une stratégie était utilisée. Par contre, dans 36 % des problèmes, 2 stratégies
différentes étaient utilisées. Dans 24 % des problèmes, on trouvait 3 différentes stratégies et le
reste des problèmes (14 %), on trouvait plus de 3 différentes stratégies. Nous avons quand même
remarqué que quelques stratégies, par exemple, procéder par tâtonnement, étaient très souvent
utilisées. Finalement, pour la variable « originalité », nous avons trouvé des solutions originales
dans 44 % des problèmes analysés. Par contre, nous avons remarqué que plusieurs solutions
étaient semblables au niveau du contenu. Nous avons alors présumé que ceci était dû au fait que
les membres travaillaient en groupe pour résoudre les problèmes et chacun soumettait la solution,
ce qui a probablement influencé les résultats au niveau de l‘originalité.
Nous présentons quelques exemples de problèmes riches et moins riches à l‘annexe B. De plus,
quelques exemples de solutions d‘un espace virtuel collectif de solutions à un problème sont
présentés dans cette même annexe afin de voir la créativité mathématique trouvée dans celles-ci.
Nous avons utilisé le test du rapport de vraisemblance (chi-carré) pour évaluer la possibilité
d‘une relation entre la richesse des problèmes posés sur le site CASMI et la créativité
mathématique des espaces virtuels collectifs de solutions aux problèmes. Les résultats nous
démontrent qu‘il existe un lien de dépendance statistiquement significatif (L 2 [2] = 9,706,
p = 0,008) entre la variable « fluence » et « richesse du problème mathématique » selon l‘examen
des fréquences résiduelles standardisées. La taille de l‘effet est moyenne (V = 0,422) entre ces
deux variables. Il existe aussi un lien de dépendance statistiquement significatif (L 2 [2] = 10,07,
p = 0,007) entre les variables « originalité » et « richesse du problème mathématique » selon
l‘examen des fréquences résiduelles standardisées. La taille de l‘effet est moyenne (V = 0,441)
entre ces deux variables. Par contre, il n‘y a pas de lien de dépendance statistiquement significatif
(L2 [2] = 7,718, p = 0,26) entre les variables « flexibilité » et « richesse du problème
mathématique ». Nous présenterons plus de détails dans les résultats lors du congrès.
DISCUSSION PAR RAPPORT À LA RICHESSE DES PROBLÈMES POSÉS SUR LE
SITE CASMI
Après avoir déterminé la richesse de tous les 180 problèmes posés sur le site CASMI, nous avons
remarqué que la distribution de celle-ci était presque parfaitement normale. Étant donné que la
286
Dominic Manuel
moyenne de la richesse des problèmes en général était de 4,17, nous pouvons conclure que les
problèmes posés sur le site CASMI sont en général moyennement riches (selon les catégories de
notre codage En observant les histogrammes obtenus dans les résultats, nous pouvons conclure
qu‘en général, environ trois quarts des problèmes ont une richesse variant de trois à cinq. La
vision de l‘équipe pédagogique du site CASMI, qui est de proposer des problèmes riches sur le
site, n‘est donc pas tout à fait respectée, car le site contient une bonne part de problèmes peu ou
moyennement riches.
Nous pouvons aussi conclure que parmi les huit critères qui étaient utilisés pour évaluer la
richesse des problèmes, quatre étaient souvent respectés, tandis que les autres étaient plutôt
négligés. Dans la catégorie des problèmes ouverts, 61,1 % des problèmes avaient plusieurs
bonnes réponses possibles et 94,4 % des problèmes pouvaient être résolus en utilisant au moins
deux différentes bonnes stratégies possibles. Ce type de problèmes était l‘un des plus utilisés.
Pour ce qui est des problèmes complexes, nous avons pu conclure que seulement les problèmes
qui se résolvaient en utilisant plus d‘une étape étaient nombreux (avec un taux de 87,7 %). Les
autres critères : celui qui demandait explicitement à l‘élève de faire des choix et de les justifier
(11,7 %) ; celui qui demandait à l‘élève de se créer d‘autres problèmes (2,8 %) ; et celui qui
demandait à l‘élève de découvrir des régularités, de généraliser et/ou de prouver
mathématiquement des résultats (28,9 %) était plutôt négligé dans les énoncés des problèmes. Les
problèmes mal définis étaient aussi assez négligés. Effectivement, seulement 22,8 % des
problèmes respectaient cette caractéristique. Par contre, les problèmes contextuels étaient
grandement présents dans les problèmes posés sur le site CASMI, car 90,6 % de ces derniers
respectaient ce critère.
Par contre, nous pouvons encore nous questionner sur les définitions de certains critères de la
richesse des problèmes. Selon notre définition de recherche, le problème ouvert est un problème
qui possède plusieurs réponses et stratégies correctes (Takahashi, 2000). En revenant sur l‘étude
réalisée par Klavir et Hershkovitz (2008) dans laquelle les élèves devaient identifier le nombre
qui n‘appartenait pas dans la suite de nombres 15, 20, 23, et 25. Malgré le fait que ce problème
corresponde à notre définition de problème ouvert, il est « trop ouvert » en admettant tous les
nombres comme réponse possible. Par exemple, un élève peut dire que la bonne réponse est le
nombre 20, car c‘est son numéro préféré ou encore c‘est la date de son anniversaire. Il est donc
difficile d‘observer de traces de raisonnement mathématique dans ce type de réponses. Nous
pouvons donc nous questionner sur l‘influence de ce type de problème sur notre score de
richesse. D‘autres critères sont intéressants à explorer, Entre autres, Piggot (2008) a ressorti
comme critère de richesse du problème son potentiel d‘enrichir les habiletés mathématiques des
élèves ainsi que de les faire découvrir de nouveaux concepts mathématiques. Nos résultats nous
amènent ainsi vers un ajustement à faire dans notre grille.
Nos résultats nous permettent également de faire des suggestions aux concepteurs de problèmes
qui d‘inclure les critères de richesse qui sont plutôt négligés dans les problèmes, sans toutefois
laisser tomber ceux qui sont respectés régulièrement.
Tout d‘abord, nous recommandons fortement la formulation de problèmes mal définis, car ces
problèmes sont souvent les types de situations que les gens de la société vivent dans leur vie
quotidienne (Murphy, 2004). Des problèmes dont certaines données sont manquantes, ou qui
contiennent des informations en surplus, ou encore qui ne peuvent pas être résolus compte tenu
des données peuvent permettre aux membres de développer davantage les habiletés à :
287
GDM 2010 – COMMUNICATIONS



définir ou rechercher les informations manquantes ;
pouvoir choisir les données qui sont essentielles ;
pouvoir découvrir et justifier pourquoi un problème ne peut pas être résolu.
De plus, les problèmes mal définis peuvent apporter la possibilité aux élèves d‘être plus créatifs,
car chacun peut interpréter les informations manquantes ou en surplus de leur propre façon. Par
conséquent, ceci peut enrichir l‘espace virtuel collectif de solutions.
De plus, nous recommandons de concevoir des problèmes qui permettent aux élèves de faire des
choix et de les justifier. En procédant ainsi, nous pouvons avoir un espace virtuel collectif de
solutions contenant des choix avec des justifications créatives. Ceci peut aussi créer des
occasions de faire des discussions mathématiques dans lesquelles la construction du sens
mathématique est promue dans un processus de communication où les idées mathématiques
importantes sont partagées sous forme de dialogues (Steinbring, Sierpinska et Bartolini-Bussi,
1998).
Aussi, nous recommandons de concevoir des problèmes qui vont permettre aux élèves de
découvrir des régularités, de généraliser des résultats ou encore de prouver mathématiquement
des résultats. En procédant ainsi, les élèves auront la chance de jouer le rôle de mathématicien et
de découvrir des régularités tout en développant des habiletés de haut niveau cognitif. Ces types
de problèmes permettent une étude plus profonde au niveau mathématique comparativement à
ceux dont il faut seulement trouver une ou plusieurs réponses (Brousseau, 1997).
Finalement, nous recommandons aux concepteurs pédagogiques du site CASMI de donner des
occasions aux élèves de continuer leurs explorations du problème en leur permettant de poser
d‘autres questions ou d‘autres problèmes. Des exemples de questions ou de problèmes qui
pourraient être posés par les élèves seraient de déterminer comment la réponse d‘un problème
varie si nous changeons certaines contraintes aux données. Ceci ne ferait que développer la
créativité mathématique, car plusieurs pourraient explorer différentes options originales du
problème.
DISCUSSION PAR RAPPORT À LA CRÉATIVITÉ MATHÉMATIQUE DES ESPACES
VIRTUELS COLLECTIFS DE SOLUTIONS AUX PROBLÈMES POSÉS SUR LE SITE
CASMI
De façon générale, nous avons trouvé que les solutions retrouvées dans l‘espace virtuel collectif
CASMI ne répondent pas toujours aux critères de créativités qui sont l‘originalité, la fluence et la
flexibilité.
Nous avons remarqué que pour la variable « fluence », dans 52 % des problèmes, seulement une
bonne réponse était trouvée. Lorsque le problème demandait de trouver plusieurs réponses, nous
avons remarqué que la fluence était plus élevée. Nous pouvons quand même voir que dans 42 %
des problèmes, d‘autres bonnes réponses ont été trouvées. Les résultats obtenus lors du test de
normalité démontrent que la très grande majorité des espaces virtuels collectifs de solutions aux
problèmes ne contient que quelques bonnes réponses. Nous remarquons quand même une petite
part des problèmes dont l‘espace virtuel collectif de solutions contenait un grand nombre de
bonnes réponses.
288
Dominic Manuel
Nous avons remarqué pour la variable « flexibilité » qu‘il semble y avoir une plus grande variété
de stratégies utilisées. Effectivement, dans 76 % des problèmes, plus d‘une stratégie étaient
utilisée. Nous avons quand même remarqué que les stratégies étaient quand même limitées. La
procédure par tâtonnement était utilisée fréquemment. Les résultats des tests de normalité nous
montrent qu‘en général, deux à trois stratégies différentes sont utilisées pour résoudre les
problèmes.
Pour ce qui est de la variable « originalité », en observant les résultats des tests de normalité,
nous pouvons remarquer que très peu de problèmes analysés (5 de 50) contenaient plusieurs
solutions originales (les scores pour cette variable étaient supérieurs à 0,5). Dans presque la
moitié de problèmes (23 de 50), nous avons identifié certaines solutions originales. Toutefois, un
grand nombre de problèmes (22 de 50) ne contenaient pas de solutions originales.
Comme le démontrent les résultats de notre recherche, il semble y avoir des traces de créativité
dans les espaces virtuels collectifs de solutions. Par contre, pourquoi les solutions ne sont-elles
pas plus créatives? Nous aurions cru que les solutions auraient été plus créatives surtout pour les
problèmes plus riches puisque certains auteurs avaient déjà mentionné cet aspect (Cline, 1999;
Freiman, 2006; Freiman et Sriraman, 2007; Sheffield, 2003). Est-ce dû au fait que les problèmes
ne sont pas assez riches? Est-ce dû au fait que les élèves ont tendance à suivre les méthodes
proposées par leurs enseignants? Ou encore, est-ce le fait que les enseignants ainsi que les élèves
n‘ont pas la formation nécessaire par rapport au développement de la créativité mathématique?
En revenant sur la notion du contrat didactique défini par Poirier (2001), il semble que les élèves
se contentent davantage d‘obtenir une bonne réponse et d‘utiliser une stratégie pour arriver à
cette réponse. Par contre, nous retrouvons quand même des traces de créativité mathématique
dans un petit nombre de solutions. On peut se demander comment augmenter ce nombre de
solutions. Les auteurs comme Sheffield (2009) avancent qu‘un travail sur la compréhension plus
profonde de concepts et de propriétés mathématiques soit nécessaire. Et ce travail devrait se faire
sous forme de partage et de discussion entre les élèves. Cette forme de travail est non seulement
possible en salle de classe, mais aussi dans la communauté virtuelle CASMI à l‘aide du forum de
discussion (Freiman et Lirette-Pitre, 2009). Par contre, nous avons observé que le forum de
discussion est rarement utilisé (Freiman et Lirette-Pitre, 2009). En fait, les élèves semblent
davantage utiliser cet outil de communication lorsqu‘une activité d‘apprentissage est associée aux
échanges en ligne. Dans un tel cas, l‘exploitation du forum de discussion donne accès à un
environnement riche d‘informations, et ce, autant pour l‘enseignant que pour l‘élève.
Effectivement, lorsque le travail se fait sur papier, seuls les résultats des échanges à l‘oral sont
présentés. Dans le forum de discussion, des interactions écrites, qui ne correspondent pas
nécessairement au résultat final, sont conservées sous forme de traces. Dès lors, le forum s‘avère
un outil intéressant pour la conceptualisation, car il présente des informations qui, en plus de
permettre à l‘enseignant de mieux comprendre le raisonnement des élèves, permet aussi aux
élèves de mieux comprendre leur propre raisonnement. Il existe aussi de recherches menées par
l‘équipe du site MathForum sur les équipes mathématiques virtuelles (Virtual Math Teams)
(Stahl, 2009). Dans ces recherches, les élèves résolvent des problèmes en petits groupes en ligne
et ont les occasions de donner un sens aux problèmes et aux concepts mathématiques qui y sont
reliés. Des recherches plus poussées dans cette direction seront toutefois nécessaires.
Nous pouvons faire plusieurs recommandations afin d‘aider au développement de la créativité
mathématique dans les solutions aux problèmes posés sur le site CASMI. Dans un premier temps,
289
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
il serait bon que les enseignants aient des formations par rapport à la créativité mathématique.
Étant donné qu‘en général, les solutions aux problèmes posés sur le site CASMI ne sont pas
créatives, il est possible que ce concept soit inconnu de leur part. Alors, il serait bénéfique de les
sensibiliser au sujet et de les amener à découvrir des stratégies pédagogiques efficaces afin
d‘aider l‘élève à développer leur créativité mathématique.
De plus, en utilisant le site CASMI de façon plus pédagogique, nous pouvons augmenter les
chances des élèves à développer la créativité mathématique. Premièrement, nous avons
mentionné dans le premier chapitre qu‘il est recommandé de donner aux élèves la chance de faire
des discussions mathématiques dans lesquelles la construction du sens mathématique est promue
dans un processus de communication où les idées mathématiques importantes sont partagées sous
forme de dialogues (Steinbring, Sierpinska et Bartolini-Bussi, 1998). Le forum de discussion peut
possiblement être un environnement étant capable de permettre ces occasions. Nous
recommandons alors à l‘équipe pédagogique du CASMI de proposer des forums dans lesquels les
membres pourront discuter des problèmes mathématiques posés sur le site et débattre leurs idées.
Il est donc suggéré aux enseignants de profiter de cet environnement et d‘encourager les élèves à
débattre leurs solutions aux différents problèmes. Cette recommandation nous semble très
importante et pertinente même si elle ne découle pas directement de nos résultats. En effet,
puisque les solutions soumises par les membres aux problèmes proposés ne peuvent pas être
consultées par toute la communauté, les enseignants peuvent jouer un rôle important en
alimentant les piratages et les discussions entre les élèves et en les guidant dans ce processus
collectif de création. Nos résultats discutés dans la sous-section précédente démontrent que le
développement de la créativité pourrait se faire si les idées mathématiques derrière les solutions
étaient partagées entre les membres de la communauté d‘apprenants. Le forum de discussion
disponible sur le site peut possiblement offrir ces occasions.
Deuxièmement, le CASMI possède une section dans laquelle une analyse des problèmes est
effectuée après que ce dernier a été affiché. Nous recommandons à l‘équipe pédagogique du
CASMI de mettre l‘accent sur les idées créatives ressorties dans l‘espace virtuel collectif de
solutions, c‘est-à-dire de faire un bilan de toutes les différentes réponses possibles trouvées ainsi
que les différentes stratégies qui ont été utilisées. Parmi les solutions exemplaires ressorties, il
serait alors bon aussi de mettre l‘accent sur celles qui contiennent des idées originales.
Troisièmement, nous avons aussi mentionné que chaque membre qui résout un problème sur le
site CASMI reçoit une rétroaction formative personnalisée. Nous recommandons que ces
rétroactions mettent davantage l‘accent sur le développement de la pensée créative en incitant les
élèves à essayer de trouver d‘autres réponses possibles ou de trouver différentes stratégies
possibles qui lui permettraient de résoudre le problème. De plus, il serait aussi possible de lancer
le défi de trouver des idées originales par rapport aux problèmes mathématiques.
En procédant ainsi, les élèves ainsi que les enseignants seront possiblement en mesure d‘enrichir
leurs idées en voyant d‘autres possibilités de solutions. De plus, ils pourront faire des analyses
critiques par rapport aux différentes idées qui sont ressorties dans le forum de discussion ainsi
que dans les solutions exemplaires ressorties, ce qui leur permettra de développer davantage la
pensée critique ; un des résultats d‘apprentissage transdisciplinaires qui se trouve dans les
programmes d‘études du Ministère de l‘Éducation du Nouveau-Brunswick.
290
Dominic Manuel
DISCUSSION PAR RAPPORT À LA RELATION EXISTANT ENTRE LA RICHESSE
DES PROBLÈMES POSÉS SUR LE SITE CASMI ET DE LA CRÉATIVITÉ
MATHÉMATIQUE DES ESPACES VIRTUELS COLLECTIFS DE SOLUTIONS
Selon les résultats obtenus, il semble y avoir un lien entre la richesse d‘un problème
mathématique posé sur le site CASMI et la créativité mathématique de l‘espace virtuel collectif
de solutions avec les variables « fluence » et « originalité ». Nous pouvons alors conclure que les
problèmes plus riches proposés sur le site CASMI semblent être liés à des solutions plus
créatives. De même, les problèmes moins riches sur le site CASMI semblent être liés à des
solutions moins créatives.
Nous recommandons ainsi aux enseignants de choisir des problèmes riches, c‘est-à-dire des
problèmes qui vont respecter le plus de critères parmi les suivants :








qui ont plusieurs réponses possibles ;
qui peuvent être résolus en utilisant plusieurs bonnes stratégies possibles ;
qui se résolvent en utilisant plusieurs étapes (actions, utilisation de plusieurs stratégies ou
la même à plusieurs reprises, utilisation de différentes opérations, etc.) ;
qui demandent aux élèves de faire des choix et de les justifier ;
qui demandent aux élèves de se poser d‘autres questions ou problèmes en lien avec celui
résolu et de l‘explorer en profondeur ;
qui demandent aux élèves de découvrir des régularités, de généraliser des résultats et/ou
de prouver mathématiquement les résultats ;
qui contiennent des informations ou données manquantes. L‘élève devra par conséquent
faire une recherche pour trouver ces informations manquantes ou créer ses propres
définitions de travail (valeurs) ;
qui sont contextualisés.
RECHERCHES FUTURES
Nous avons mentionné au premier chapitre que notre recherche était une démarche initiale afin de
vérifier si les communautés virtuelles d‘apprentissages telles que le CASMI pourraient être de
ressources utiles afin de développer la créativité mathématique chez les jeunes. Nous voyons
donc plusieurs possibilités d‘autres recherches qui pourraient nous aider à répondre davantage à
cette question de recherche.
Comme première idée, nous pourrions effectuer cette même recherche dans une autre
communauté virtuelle, par exemple Math Forum. Nous avons démontré dans notre recherche que
les problèmes plus riches posés sur le site CASMI sont liés à plusieurs solutions originales
possédant plusieurs bonnes réponses. En effectuant une étude dans une autre communauté
virtuelle d‘apprentissage, nous pourrons comparer les résultats entre les deux recherches.
Nous avons mentionné comme limite que les caractéristiques choisies pour évaluer la richesse
d‘un problème mathématique touchaient seulement les contenus des problèmes. Une deuxième
piste de recherche pourrait consister à élargir la définition de la richesse d‘un problème
mathématique en ajoutant des caractéristiques se reliant à l‘élève et faire une observation en salle
de classe. Cette recherche pourrait possiblement nous donner des pistes quant aux problèmes que
291
GDM 2010 – COMMUNICATIONS
les élèves membres de la communauté virtuelle CASMI préfèrent. Comme retombée, nous
pourrons voir s‘il existe un lien entre la richesse des problèmes et les préférences des élèves.
Une troisième piste de recherche serait d‘étudier davantage la pensée créative chez chaque élève
membre de la communauté virtuelle CASMI. Nous avons mentionné que notre choix d‘objet à
l‘étude était d‘évaluer la créativité mathématique non pas chez un individu, mais plutôt chez
l‘ensemble de membres qui ont produit un espace virtuel collectif de solutions de chaque
problème. En nous penchant sur les solutions soumises comme produit d‘un élève, nous
pourrions évaluer les espaces individuels de solutions de ceux qui participent régulièrement à la
résolution de problèmes sur le site CASMI et voir à quel point la créativité évolue au cours des
cycles. Nous pourrions aussi former un groupe d‘élèves et les observer lors du processus de
résolution de problèmes sous forme d‘entrevues ou de dialogues afin de connaître davantage leurs
idées, leurs émotions et leurs perceptions.
Une quatrième idée de recherche serait de développer des ateliers de formation avec les élèves et
les enseignants portant sur la créativité mathématique et d‘en évaluer l‘impact. En effet, nous
pourrions procéder avec une recherche expérimentale en ayant un pré-test et un post-test. La
formation aurait lieu dans une période située entre le passage des deux tests afin de voir l‘effet de
la formation. Dans un ordre d‘idées semblable, nous pourrions aussi créer des ateliers de
formations pour les enseignants et réaliser des entrevues à différents moments afin de déterminer
comment leurs pratiques pédagogiques ont évolué depuis le début de la formation.
Une cinquième idée possible de recherche serait de faire une comparaison entre la créativité
mathématique de problèmes provenant de manuels scolaires ainsi que ceux qui proviennent du
site CASMI. En évaluant la créativité mathématique des espaces collectifs de solutions dans les
deux cas, nous serions en mesure de voir si la créativité mathématique est plus présente dans
l‘espace collectif des solutions sous format papier ou sous format électronique.
Une dernière idée possible d‘une recherche future serait de faire une analyse plus qualitative des
problèmes les plus riches ainsi que les espaces virtuels collectifs de solutions les plus créatives.
Nous pouvons voir des traces d‘espaces collectifs de solutions créatives (dont plusieurs bonnes
réponses étaient trouvées et qui contenaient plusieurs idées originales). Il serait intéressant
d‘analyser en détail les contenus de chaque solution ainsi que les problèmes auxquels les
solutions sont associées. Cette recherche pourrait possiblement nous donner des idées plus
profondes sur les caractéristiques de problèmes qui apportent des solutions créatives.
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STAHL, G. (2009). Studying Virtual Math Teams. New-York, NY. Srpinger.
STEINBRING, H., SIERPINSKA, A., et BARTOLINI-BUSSI, M. G. (Eds.). (1998). Language and
communication in the mathematics classroom. Reston, VA: NCTM.
TAKAHASHI, A. (2000). Open-ended Problem Solving Enriched by the Internet. NCTM annual
meeting: http://www.mste.uiuc.edu/users/aki/open_ended/.
VAN der MAREN, J.-M. (1996). Méthodes de recherche pour l'éducation (2e éd.). Montréal, QC:
Presses de l'Université de Montréal.
294
Dominic Manuel
ANNEXE A
Tableau 1
Grille d'analyse finale de la richesse d'un problème mathématique.
Grille d’analyse
Richesse d’un problème mathématique
IDENTIFICATION DU PROBLÈME
1. Manchot
3. Dauphin
2. Girafe
4. Hibou
OUI = 1
NON = 0
Le problème contient au moins une question ou un objectif (but) pour lequel il peut y avoir plusieurs bonnes réponses
possibles.
O
N
On demande explicitement de trouver le plus de solutions possibles dans l‘énoncé du problème (n‘est pas calculé
dans le total).*
O
N
Le problème contient au moins une question ou un objectif (but) pour lequel au moins deux bonnes stratégies peuvent
être utilisées pour le résoudre.**
O
N
Le problème contient au moins une question ou un objectif (but) pour lequel au moins 2 étapes (actions, utilisation de
plusieurs stratégies ou la même à plusieurs reprises, utilisation de différentes opérations, etc.) doivent être utilisées
pour trouver la ou les réponses (1 étape = 1 opération).
O
N
Le problème demande explicitement ou implicitement à l‘élève de faire un choix et de le justifier.
O
N
Le problème demande explicitement à l‘élève de se poser d‘autres problèmes ou d‘autres défis ou encore de se poser
des questions de la forme suivante : « Que se passerait-il si on avait… ? » « Que se passerait-il si on n‘avait pas… ? »
ou « Et si les contraintes du problème changent? ». Aussi il pourra tenter de les résoudre.
O
N
Le problème amène implicitement ou explicitement l‘élève à découvrir des régularités et/ou à généraliser des
résultats mathématiques et/ou à prouver mathématiquement des résultats.
O
N
Le problème ne contient aucune donnée ou information disponibles dans l‘énoncé pour le résoudre ou il manque des
données ou informations nécessaires pour le résoudre. Par conséquent, l‘élève doit rechercher ou définir par luimême les données ou les informations nécessaires pour le résoudre.
O
N
Le problème est impossible à résoudre, car les informations ou les données sont insuffisantes et ne peuvent être
recherchées ou définies (l‘élève doit donc découvrir que le problème ne peut pas être résolu et l‘indiquer dans sa
réponse).
O
N
O
N
Numéro du problème : ____________
Niveau :
Liste des critères
CATÉGORIE : PROBLÈME OUVERT
CATÉGORIE : PROBLÈME COMPLEXE
CATÉGORIE : PROBLÈME MAL DÉFINI
CATÉGORIE : PROBLÈME CONTEXTUEL
Le contenu mathématique du problème est placé dans un contexte réel ou fictif (histoire quelconque) en lien avec les
mathématiques. ***
RICHESSE DU PROBLÈME
_______
*Ce critère sert surtout à faire la comparaison entre les problèmes demandant explicitement de trouver le plus de solutions possible et ceux qui ne
le demandent pas. C‘est pourquoi nous ne calculons pas ce résultat dans le score de la richesse du problème puisqu‘il est calculé dans le critère
précédent.
**On peut sélectionner au moins deux différentes stratégies qui se trouvent au tableau 1
***Nous ne considérons pas une situation dans laquelle une personne résout un problème dans un manuel scolaire ou un livre d‘énigmes comme
une situation contextuelle. Nous considérons ces cas comme étant des contextes purement mathématiques.
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GDM 2010 – COMMUNICATIONS
ANNEXE B
Tableau 2
Exemples de problèmes accompagnés d’une analyse
Exemple de problème
Analyse
Maria a fait des économies en plaçant de pièces de
monnaie dans sa tirelire. Un beau jour de
printemps, elle a décidé de compter son argent. Elle
a commencé à former des piles de 1 $. En
regroupant ensemble ses pièces de 1, 5, 10 et 25
cents et en s'assurant que chaque fois, elle obtenait
une pile différente. D'après-vous, peut-elle en faire
beaucoup? Dressez la liste des possibilités que
vous pouvez trouver.
Ce problème est considéré comme étant riche. Tout d‘abord, il
est contextualisé, car le contenu mathématique est placé dans
une situation d‘un jeune et sa tirelire. De plus, ce problème
contient plusieurs solutions possibles. Plusieurs stratégies
peuvent être utilisées pour résoudre le problème (matériel de
manipulation, essais et erreurs, calcul). Même si le problème
n‘est pas mal défini, car toutes les informations nécessaires
pour le résoudre sont présentes, ce problème peut donner
l‘occasion aux élèves de déterminer des régularités qui
pourraient les aider à trouver les possibilités plus facilement.
Score de richesse : 5
L‘horloge de la Gare Le P’tit Train indique 15 h
48. Quel angle forment les aiguilles?
Score de richesse : 3
Il existe des superstitions par rapport aux nombres.
Par exemple, le nombre 13 est reconnu comme
étant malchanceux. Dans les grandes villes, les
immeubles n'ont pas d'étages qui portent ce
numéro.
Le nombre 666 est un autre nombre « mal aimé ».
Pourtant, il est très spécial et mérite une attention
particulière de la part des mathématiciens. En effet,
il peut être décomposé comme une suite de
plusieurs nombres naturels consécutifs. Nous vous
lançons le défi de trouver ces nombres. Pouvezvous trouver plus d'une solution?
Score de richesse : 4
296
Ce problème est considéré comme étant peu riche. Les
solutions sont quand même nombreuses, car la question n‘est
pas spécifique. Un élève peut répondre que l‘angle est obtus
ou il peut aussi déterminer la mesure exacte de l‘angle en
degrés. Cette mesure peut aussi varier, car la position des
aiguilles peut varier un peu (selon la position où l‘aiguille des
heures et des minutes). Plusieurs stratégies peuvent être
utilisées pour résoudre ce problème (ex : matériel de
manipulation, calcul). Finalement, le problème est aussi
contextualisé. Par contre, ce problème n‘est pas mal défini et il
ne permet pas aux élèves de développer des habiletés de plus
haut niveau, par exemple, déterminer des régularités,
généraliser des résultats, etc.
Ce problème est considéré comme étant moyennement riche.
Ce problème est contextualisé, car il fait un lien avec les
superstitions connues dans la société. De plus, ce problème
contient plusieurs bonnes réponses possibles (221 à 223, 1 à
36, 165 à 168, etc). Ce problème peut aussi être résolu en
utilisant différentes stratégies, par exemple, l‘utilisation des
propriétés des nombres, former des équations algébriques,
utilisation de la calculatrice, essais et erreurs, etc. Le défi de
trouver différentes réponses possibles peut apporter une
certaine complexité au problème. Ce problème n‘est toutefois
pas mal défini et ne permet pas de développer les habiletés de
haut niveau, comme par exemple, généraliser des résultats.
Dominic Manuel
Solutions au dernier problème du tableau précédent
Solution 1 :
salut
Moi pour commencer jai alors diviser 666 par 3 qui ma donner 222 alors jai essayer 22 mais sa
ne fonctionnait pas alors jai essayer 221 qui ma donner la bonne réponse -221,222,223=666.
Apres jai commencer par essaie erreur jai trouver en 2ieme 70,71,72,73,74,75,76,77,78=666. En
3ieme jai trouver 165,166,167,168=666. En 4ieme j'ai du chercher pour un bout et jai trouvé
50,51,52,53,54,55,56,57,58,59,60,61. et en dernier jai trouver 1 à 36. Se qui donne tout se que j'ai
trouver BYE!!
Dans cette solution, l‘élève a trouvé 4 bonnes réponses, donc l‘espace virtuel collectif de solution
aurait un score de 4 comme fluence en considérant cette solution. Pour ce qui est des stratégies
utilisées, on peut en reconnaître 2 selon les explications de sa solution. Pour trouver la première
réponse, l‘élève s‘est servi des propriétés des nombres en divisant 666 par 3 et en ajoutant et
soustrayant 1 du quotient trouvé pour obtenir les 2 autres nombres. L‘autre stratégie utilisée est
essais et erreurs. En cherchant, l‘élève a réussi à trouver 3 autres solutions. Bref, le score de la
flexibilité serait de 2.
Solution 2 :
Bonjour!!!!!
Moi j'ai commencer par calculer avec la calculatrice et j'ai eu l'idée de esayer
1+2+3+4+5+6+7+8+9+10+11+12+13+14+15+16+17+18+19+20+21+22+23+24+26+27+28+29
+30+31+32+33+34+35+36 et s'est égale à 666 après j'ai fait 666/3 et j'ai trouver 222 et j‘ai
trouver221+222+223 et c'est égale à 666 et j'ai fait esaie et erreur et j'ai trouver
50+51+52+53+54+55+56+57+58+59+60+61 et sa ma donner 666 ey j'ai trouver trois solution en
tout.
Dans cette solution, l‘élève confirme qu‘il a trouvé 3 réponses, qui sont correctes. Pour trouver
les 3 différentes solutions, l‘élève a utilisé 3 différentes stratégies. Pour la première, il a utilisé la
calculatrice comme matériel de manipulation et a additionné les nombres jusqu‘à ce qu‘il
obtienne la réponse voulue. Par la suite, il a utilisé la même propriété des nombres décrite dans la
solution 1 pour trouver la même réponse. Finalement, l‘élève a procédé par essais et erreurs pour
trouver sa dernière solution. En conclusion, les scores pour la fluence ainsi que la flexibilité sont
de 3.
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GDM 2010 – COMMUNICATIONS
Solution 3 :
1. Façon
3/666 = 222
221 + 222 + 223= 666
2. Façon
x + x + 1 + x + 2 = 666
3x + 3 = 666
3x = 666 – 3
3/3x = 663/3
3/663 = 221
x = 221
Dans cette solution, l‘élève a seulement trouvé une bonne réponse : 221 à 223. Ceci donne un
score de 1 pour la fluence. Cependant, ce qui rend la solution intéressante est le fait qu‘il a obtenu
cette même réponse en utilisant 2 stratégies différentes. Comme première stratégie, l‘élève a
utilisé cette même propriété des nombres qui fut décrite dans les 2 autres solutions. Comme
seconde stratégie, l‘élève s‘est créé une équation algébrique pour obtenir la même solution. Un
score de 2 est attribué pour la flexibilité. Il est à noter que la représentation des fractions dans
cette solution n‘est pas bien indiquée. Nous négligeons cet aspect étant donné que cette erreur
n‘influence pas les composantes de la créativité mathématique.
Il est à noter que dans les 3 solutions, nous n‘avons pas mentionné l‘originalité comme
composante de la créativité. Nous aurions besoin de l‘ensemble de l‘espace virtuel collectif de
solutions pour pouvoir comparer les fréquences relatives des réponses ainsi que les stratégies
trouvées.
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