Qualification du contrat de commission et loi
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Qualification du contrat de commission et loi
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Qualification du contrat de commission et loi applicable le 17 novembre 2014 AFFAIRES | Contrat - Responsabilité CIVIL | Contrat et obligations | Droit international et communautaire L’article 4, paragraphe 4, de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles s’applique à un contrat de commission de transport uniquement lorsque l’objet principal du contrat consiste dans le transport proprement dit de la marchandise concernée. CJUE 23 oct. 2014, aff. C-305/13 Les faits de l’espèce et la procédure Une société ayant son siège en France a acquis un transformateur en provenance des États-Unis. Elle a alors confié à une seconde société française l’organisation, en qualité de commissionnaire principal de transport, du déplacement de ce matériel du port d’Anvers à Lyon. Cette seconde société, agissant sous son nom, mais pour le compte de la première, a elle-même conclu avec une société de droit allemand un contrat de commission en vue de faire exécuter ce transport par voie fluviale, cette dernière société ayant fait appel à un propriétaire, domicilié, en France, d’une péniche immatriculée en Belgique. Or, lors du chargement à Anvers, le transformateur a glissé en cale, ce qui a provoqué le chavirement du bateau qui a sombré avec sa cargaison. La société qui avait acheté le transformateur a, dans ces conditions, agi devant un tribunal français en réparation de son préjudice contre la seconde société française ainsi que contre la société allemande, qui a appelé en garantie le propriétaire de la péniche et son assureur. À la suite de ce recours, la cour d’appel a jugé la loi française applicable aux contrats de commission et à la responsabilité en découlant, et a condamné la société allemande à payer des dommages et intérêts, tout en admettant la créance de la société ayant subi le dommage au passif de la seconde société française, qui avait été mise entre-temps en liquidation judiciaire. Pour ce faire, la cour d’appel a retenu, en application de l’article 4, § 4, de la Convention de Rome, du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles, que le droit allemand n’avait aucune vocation à s’appliquer au contrat de transport de marchandises liant la société française victime et la société allemande, dès lors qu’il avait été conclu par une société établie en France, par l’intermédiaire d’une autre société française, et en vue de l’acheminement d’un matériel jusqu’à son lieu de déchargement également situé en France. La société allemande a alors contesté cette décision en faisant valoir qu’elle fournissait la prestation caractéristique du contrat de commission de transport liant les parties et qu’étant établie en Allemagne, les juges d’appel avaient à tort, compte tenu des circonstances de la cause, appliqué la loi française. La problématique juridique Les parties s’accordaient sur la qualification du contrat et estimaient qu’il s’agissait d’un contrat international de commission de transport. La difficulté était de déterminer la loi applicable à ce contrat et ce, en vertu de la Convention de Rome, précitée, étant indiqué que cette Convention était applicable, en l’espèce, compte tenu de la date de conclusion du contrat mais qu’elle a été remplacée, à compter du 17 décembre 2009 par le règlement – dit Rome I – du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Les parties n’ayant pas choisi la loi applicable à leurs relations comme elles auraient pu le faire en application de l’article 3 de cette Convention, il y avait donc lieu, pour déterminer cette loi, de se Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) tourner vers son article 4, qui distingue essentiellement les principes suivants, du moins pour ceux qui sont directement en rapport avec l’espèce : § 1er : dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément aux dispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; § 2 : sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, son administration centrale ; § 4 : « Le contrat de transport de marchandises n’est pas soumis à la présomption du paragraphe 2. Dans ce contrat, si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays. Pour l’application du présent paragraphe, sont considérés comme contrats de transport de marchandises les contrats d’affrètement pour un seul voyage ou d’autres contrats lorsqu’ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises ». Le problème juridique était sérieux, en l’absence de précédents jurisprudentiels. La Cour de cassation (Com. 22 mai 2013, n° 12-13.052, D. 2014. 1059, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ) a, en conséquence, saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de trois questions préjudicielles, auxquelles il est répondu par l’arrêt rapporté du 23 octobre 2014. La position de la CJUE La Cour de justice répond successivement aux trois questions préjudicielles posées. La qualification du contrat Par la première question, la Cour de cassation demandait à la Cour de justice si le contrat de commission de transport, par lequel un commettant confie à un commissionnaire, lequel agit en son propre nom et sous sa responsabilité, l’organisation d’un transport de marchandises qu’il fera exécuter par un ou des transporteurs pour le compte du commettant, peut avoir principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises au sens de l’article 4, § 4, dernière phrase. La question peut surprendre au premier abord puisque, du point de vue du droit français, le contrat de commission est différent du contrat de transport. Néanmoins, sous l’angle du droit européen, la question se justifie puisqu’il résulte des termes mêmes de l’article 4, § 4, que « sont considérés comme contrats de transport de marchandises les contrats d’affrètement pour un seul voyage ou d’autres contrats lorsqu’ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises », ce qui conduit à retenir que la notion de contrat de transport doit être appréciée largement (pour une illustration, V. CJCE 6 oct. 2009, n° C-133/08, Intercontainer Interfrigo SC c. Balkenende Oosthuizen BV, D. 2010. 236 , note F. Jault-Seseke ; ibid. 1585, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke ; ibid. 2323, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2011. 1445, obs. H. Kenfack ; Rev. crit. DIP 2010. 199, note P. Lagarde ; RTD com. 2010. 453, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast ; ibid. 455, obs. P. Delebecque ; RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; RD transports 2009, n° 210, obs. L. Grard ; JCP 2009. II. 550, note L. d’Avout et L. Perreau-Saussine ; RLDA mars 2010, p. 7, obs. M.-E. Ancel). Bien plus, la Cour de justice a déjà indiqué qu’il y a lieu de recourir à « des critères uniformes et autonomes pour assurer à la Convention de Rome sa pleine efficacité dans la perspective des objectifs qu’elle poursuit » (V. CJUE 15 mars 2011, aff. C-29/10, pts 32 s., à propos de l’art. 6 de la Convention de Rome, D. 2011. 957 ; ibid. 2434, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2012. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Dr. soc. 2011. 849, note E. Grass ; Rev. crit. DIP 2011. 447, note F. Jault-Seseke ; RTD civ. 2011. 314, obs. P. Remy-Corlay ; RTD eur. 2011. 476, obs. E. Guinchard ; JDI 2012. 187, note C. Brière ; JCP 2011. 664, obs. Martel ; Europe 2011. Comm. 205, obs. L. Idot). Au regard de ces éléments, la Cour de justice répond que l’article 4, § 4, « s’applique à un contrat de commission de transport uniquement lorsque l’objet principal du contrat consiste dans le Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) transport proprement dit de la marchandise concernée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ». Cette position s’explique de la manière suivante. La Cour considère que, n’ayant pas le déplacement de la marchandise en tant que tel pour objet principal, le contrat de commission de transport ne peut pas être, par principe, considéré comme un contrat de transport (pt 27) mais qu’il n’en demeure pas moins qu’en tenant compte de la finalité de la relation contractuelle, de la prestation réelle effectuée et de l’ensemble des obligations de la partie qui doit fournir la prestation caractéristique, un contrat de commission de transport peut s’avérer avoir trait à la spécificité d’un contrat de transport, s’il a principalement pour objet la réalisation du déplacement, en tant que tel, de la marchandise (pt 28). La loi applicable en application de l’article 4, § 4 Poursuivant la perspective retenue par sa première question et supposant que le contrat de commission de transport peut être considéré comme un contrat de transport de marchandises au sens de l’article 4, § 4, la Cour de cassation a demandé ensuite, en substance, à la Cour de justice si la loi applicable à un contrat de transport de marchandises doit, à défaut de pouvoir être fixée en application de la deuxième phrase de l’article 4, paragraphe 4, de la Convention de Rome, être déterminée en fonction de la règle générale prévue au paragraphe 1er de cet article ou de la présomption générale énoncée au paragraphe 2 du même article. Cette question se justifiait par le fait que l’article 4, § 4, prévoit, pour le contrat de transport de marchandises, une présomption selon laquelle le contrat a les liens les plus étroits avec le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal et dans lequel est aussi situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur, ce qui doit conduire à appliquer précisément la loi de ce pays. Or, en l’espèce, la présomption ne pouvait pas s’appliquer car il résultait des circonstances de l’espèce que les deux critères cumulatifs de sa mise en œuvre n’étaient pas réunis. Par conséquent, il s’agissait de savoir si la loi applicable devait être celle du pays avec lequel le contrat présentait les liens les plus étroits conformément à l’article 4, § 1er, ou la loi du pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, en ce qui concerne les sociétés, son administration centrale, en application de l’article 4, § 2. La Cour de justice retient, face à cette difficulté, la position suivante : « la loi applicable à un contrat de transport de marchandises doit, à défaut de pouvoir être fixée en application de la deuxième phrase (de l’art. 4, § 4), être déterminée en fonction de la règle générale prévue au paragraphe 1er (de l’art. 4), c’est-à-dire que la loi régissant ce contrat est celle du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ». Cette position repose sur la lettre même de l’article 4, § 4, qui écarte pour les contrats de transport de marchandises l’application de l’article 4, § 2, la Cour de justice considérant que l’exclusion de cet article vaut même dans l’hypothèse où l’absence de coïncidence des deux critères énoncés dans la deuxième phrase de l’article 4, § 4, ne permet pas de mettre en œuvre la présomption éditée par cette même deuxième phrase. La loi applicable en application de l’article 4, § 2 La troisième question préjudicielle posée par la Cour de cassation concernait la présomption posée par l’article 4, § 2, étant indiqué que cette question n’a un intérêt que dans l’hypothèse où il apparaîtrait en définitive, au regard des circonstances de l’affaire, que le contrat litigieux n’est pas assimilable à un contrat de transport et où l’article 4, § 4, n’a donc pas vocation à s’appliquer. La Cour de cassation demanda en substance si l’article 4, § 2, permet au juge national de déterminer la loi applicable à des rapports contractuels tels que ceux en cause, dans lesquels il a été substitué au premier commissionnaire de transport un second commissionnaire ayant son siège dans un autre État membre, en fonction du seul lieu d’établissement du commissionnaire principal. La Cour de justice lui répond de la manière suivante : « dans l’hypothèse où il est fait valoir qu’un contrat présente des liens plus étroits avec un pays autre que celui dont la loi est désignée par la présomption figurant (à l’art. 4, § 2), le juge national doit comparer les liens existant entre ce contrat et, d’une part, le pays dont la loi est désignée par la présomption et, d’autre part, l’autre pays concerné. À ce titre, le juge doit tenir compte de l’ensemble des circonstances, y compris Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) l’existence d’autres contrats liés au contrat en cause ». En d’autres termes, et ainsi que la Cour de justice l’indique elle-même (arrêt, pt 49), il y a lieu de faire une appréciation globale de l’ensemble des éléments objectifs qui caractérisent la relation contractuelle et d’apprécier celui ou ceux qui sont les plus significatifs, étant indiqué qu’il convient, à ce titre, de prendre en compte l’existence de liens étroits du contrat en cause avec un ou plusieurs autres contrats faisant partie, le cas échéant, de la même chaîne de contrats ainsi que le lieu de livraison des marchandises. La portée de l’arrêt face au règlement Rome I du 17 juin 2008 Il a été précédemment indiqué que si l’espèce devait être soumise à la Convention de Rome eu égard à la date de conclusion du contrat, le cadre juridique a évolué depuis le 17 décembre 2009, avec l’entrée en application du règlement – dit Rome I – du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Il est dès lors utile de noter que l’article 5 de ce règlement prévoit des dispositions spécifiques aux contrats de transport, en distinguant le transport de marchandises et le transport de passagers. Dans ce cadre, il est probable que les enseignements de l’arrêt rapporté sur la qualification du contrat de transport de marchandises resteront d’actualité. Concernant la détermination de la loi applicable, il y a désormais lieu de se tourner vers les règles, plus structurées, de conflit de lois prévues par l’article 5. Selon l’article 5, § 1er, la loi applicable à ce contrat est la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l’expéditeur se situe aussi dans ce pays. Toutefois, si ces conditions ne sont pas satisfaites, la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s’applique. Par ailleurs, s’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre, la loi de cet autre pays s’applique, en vertu de l’article 5, § 3. Site de la Cour de justice de l’Union européenne par François Mélin Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017