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Flux n° 69 Juillet - Septembre 2007 RÉSUMÉS/ABSTRACTS Xavier Desjardins, Bertrand Leroux - Les schémas de cohérence territoriale : des recettes du développement durable au bricolage territorial La loi Solidarité et renouvellement urbains de 2000 relance la planification urbaine en France. L’émergence de la notion de développement durable donne une nouvelle jeunesse au vieux problème de l’articulation entre politiques de déplacements et planification de l’usage des sols. Les schémas de cohérence territoriale (SCOT) sont l’instrument créé pour assurer cette coordination à l’échelle de l’aire urbaine. Toutefois, la boîte à outils que le SCOT doit mettre en œuvre pour instaurer la ville durable se révèle bien insuffisante. Elle n’est de plus, pas toujours utilisée de manière complète par les acteurs locaux. Toutefois, grâce au bric-à-brac institutionnel local et à la multiplicité des procédures de projet laissées aux acteurs locaux, peuvent émerger des articulations inattendues entre gestionnaires des déplacements et urbanistes. The implementation of new French master plans (schémas de cohérence territoriale) : from sustainable development recipes to do-it-yourself solutions. The french planning system have been reformed in 2000 by the Urban renewal and solidarity Act (Loi Solidarité et renouvellement urbains). The new emphasis on “sustainable development” gives a new youth to the old problem of coordination of transport planning with land use planning. A new master plan, the SCOT (“schéma de cohérence territoriale”, territorial cohesion scheme) is designed to ease the definition of a common project between the different city councils of a same metropolitan area. The SCOT seems to be unable to create, by itself, a more sustainable city and to reduce the need to travel by car. But, thanks to tangle of the local institutions and to the multiciplicy of local project procedures some unexcepted relationships between trafic managers and urban planners may happen. Hélène Reigner, Frédérique Hernandez - Les projets des agglomérations en matière de transport : représentations, projets, conflits et stratégie de « détournement » des réseaux La perspective adoptée ici nous a permis d’interroger la « panne de problématisation » (Offner, 2006) en matière de 118 politiques locales de transport et de déplacement. Ce qui est mis en avant, c’est la non explicitation, par les agglomérations, de la globalité de leur projet, de leurs stratégies et de leurs priorités. En effet, mis côte à côte, la cartographie des multiples projets, à première vue épars, portés par les représentants des agglomérations (Aix-en-Provence, Aubagne et Grenoble) dessine un modèle cohérent bien qu’implicite, d’organisation des déplacements. Ce modèle générique d’organisation de la circulation permet aux agglomérations, en quête d’attractivité, de combiner, à leur échelle, accessibilité et protection vis-à-vis de l’automobile. Cependant, les agglomérations ne sont que partiellement maîtresses des réseaux qui traversent et structurent leur territoire. La concrétisation de ce modèle générique se heurte à d’autres représentations du territoire, et donc à d’autres représentations de l’usage des réseaux, portées par d’autres acteurs, agissant à d’autres échelles. Ainsi, l’enjeu central, bien qu’implicite, pour les représentants des agglomérations, consiste à construire une représentation de la ville et des réseaux de transport qu’elle accueille, qui accule les gestionnaires du réseau de type autoroutier à l’évolution urbaine de l’usage de ce réseau. Ce faisant, ces voiries peuvent être utilisées pour concrétiser le projet urbain des agglomérations. Plutôt que d’expliciter leur projet et ses implications à différentes échelles, au risque d’entrer en conflit frontal avec les autres gestionnaires du réseau, notamment l’État, les agglomérations développent des stratégies, projet par projet, de façon à « détourner » l’usage des réseaux dont elles ne sont pas gestionnaires. Au total, adopter une démarche compréhensive pour saisir le point de vue des agglomérations conduit à relativiser les critiques relatives aux politiques de transport et de déplacement tant en termes de déficit de problématisation que d’inefficacité des procédures. Urban Transport Policies : representations, projects, conflicts and strategies to hijack networks The outlook adopted here has enabled us to pose the question of the “breakdown of problematization” (Offner, 2006) in the area of local transportation and travel policies. The focus is on the non-explicitness, among conurbations, concerning the Résumés/Abstracts globality of their projects, their strategies and their priorities. Indeed, placed side-by-side, the mapping, which seems sparse at first glance, of many projects put forward by the representatives of conurbations (Aix-en-Provence, Aubagne and Grenoble) gives rise to a consistent, though implicit, model of travel organisation. This generic model of the organisation of traffic enables conurbations seeking attractiveness to combine accessibility and protection vis-à-vis the automobile on their own scale. Conurbations are, however, only partially masters of the networks that cross and structure their territory. The concretisation of this generic model runs up against other representations of the territory, and therefore other representations of how the networks are used, brought forward by other actors acting on other scales. Thus, the central, though implicit, challenge for the representatives of the conurbations consists in constructing a representation of the city and the transportation networks it is home to, which pushes the managers of motorway-type networks toward an urban evolution in the use of this network. While doing this, these roads can be used to concretise the urban projects of the conurbations. Rather than explaining their projects and their implications at different scales, with the risk of entering into full-frontal conflict with the other network managers, notably the State, the conurbations are developing strategies, project by project, to “divert” the use of networks that they do not manage. In all, adopting a comprehensive method for understanding the point of view of the conurbations leads to relativising the critiques of transportation and travel policies in terms of the deficit of problematization and the ineffectiveness of procedures. Cyprien Richer - Quelles politiques intermodales dans la planification territoriale ? Analyse des pôles d’échanges dans les plans de déplacements urbains. L’objet de ce travail est d’examiner la « mise en scène » des pôles d’échanges dans 14 plans de déplacements urbains (PDU) mis en conformité avec la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain). Cet article propose d’approfondir la manière dont les autorités organisatrices de transport urbain (AOTU) « pensent » les pôles d’échanges lors du contexte particulier que constitue l’élaboration du PDU. On se demande si les pôles d’échanges, au-delà de leur participation à la « phraséologie » des procédures de planification, peuvent constituer un nouvel outil pour l’action publique locale. Pour cela, une déconstruc- tion du discours des projets de déplacements urbains est effectuée pour saisir si les pôles d’échanges incarnent des problématiques d’intégration spatiale et intersectorielle dans des procédures qui sont censées mettre en œuvre ces enjeux. Concernant la question spatiale, l’analyse montre que les pôles d’échanges et l’intermodalité apparaissent rarement dans les PDU comme des vecteurs d’interfaces entre les institutions. Suite aux changements de statuts et de périmètres des AOTU, les projets de pôles d’échanges semblent plutôt au service de l’identification du territoire communautaire. Au niveau intersectoriel, les PDU peinent à identifier des nodosités territoriales (selon l’expression de Claude Raffestin) qui pourraient en être le support de l’interface entre urbanisme et transport. Les PDU indiquent plutôt leur intention de « favoriser l’urbanisation à proximité de lignes de transport collectif » comme si les nœuds d’articulation des réseaux n’avaient pas de rôle particulier à jouer dans la structuration du territoire. Au final, les résultats de cette recherche insistent sur le fait que, dans l’esprit des PDU, les pôles d’échanges semblent surtout associés à la construction d’un modèle de ville « insulaire », en servant tantôt de filtre (via les parcs-relais), tantôt de démultiplicateur de l’accessibilité au centre de l’agglomération et à toutes les échelles. Which intermodal policies in territorial planning ? Interchanges stations analysis in the urban travel plans. This work examines the role of the interchange station in 14 PDU (urban travel plans) in conformity with law SRU. This article proposes to look further the way the French AOTU (urban transport organizing authority) think about the interchange station in the context of PDU development. One wonders whether the interchange station, beyond their participation in the « phraseology » of planning procedures, can constitute a new tool for the local public action or not. For that, a « deconstruction » of the PDU speech is carried out to include/understand if the interchange station incarnate problems of space and intersector integration in procedures which are supposed to implement these stakes. Concerning the space question, the analysis shows that the interchange station and the intermodality seldom appear in the PDU like vectors of interfaces between the institutions. Following the change of statute and perimeter of the AOTU, the projects of interchange station seem rather to be a tool of identification of the Community territory. At the intersector level, the PDU hardly identify « territorial nodes » which could be the 119 Flux n° 69 Juillet - Septembre 2007 support of the interface between town planning and transport. The PDU rather indicate their intention « to support the urbanization near lines of collective transport » as if the multiple joints of the networks did not have a particular role to play in the structuring of the territory. With final, the results of this research insist on the fact that, in the spirit of the PDU, the interchange station seem especially associated with construction with an “insular” model of city, while being used sometimes as a filter (via the Park-and-ride), sometimes as increaser accessibility in the center of the agglomeration and at all the scales. Caroline Gallez, Hanja-Niriana Maksim - À quoi sert la planification urbaine ? Regards croisés sur la planification urbanisme-transport à Strasbourg et à Genève Depuis une quinzaine d’années, on assiste dans de nombreux pays européens à une relance de la planification urbaine. Cette refonte s’inscrit dans un contexte de généralisation de l’idée de développement durable et d’évolution de l’organisation du pouvoir local, liée à la multiplication des échelles d’intervention et à la diversification des acteurs locaux. Au-delà des convergences qui sous-tendent ces réformes, les pratiques révèlent des différences liées aux cultures politiques, aux traditions en matière d’aménagement du territoire et aux contextes locaux. En s’appuyant sur les monographies de deux agglomérations transfrontalières, Strasbourg (France) et Genève (Suisse), cet article s’interroge sur le rôle de la planification urbaine et sur son évolution au cours des quarante dernières années. Le propos est plus particulièrement centré sur les problématiques d’urbanisme et de transport, dont la mise en cohérence constitue l’un des leitmotivs des lois sur l’aménagement du territoire, et un enjeu récurrent des stratégies de développement urbain durable. Les plans ou schémas directeurs servent-ils à cadrer et à orienter les politiques locales, permettent-ils d’appuyer la mise en place d’une « gouvernance métropolitaine » ? Loin de la vision surplombante que pourraient suggérer les textes officiels, les procédures de planification apparaissent, dans les deux exemples étudiés, comme des moments particuliers du processus de production des politiques locales. Elles ne sont pas produites en dehors ni à distance des politiques publiques qu’elles sont censées orienter. L’analyse diachronique souligne les diffé- 120 rences des logiques institutionnelles et des jeux d’intérêts qui président, dans les deux agglomérations, à l’élaboration de ces procédures. Les manières de penser et d’agir sur la coordination entre transports et urbanisme présentent quant à elles de fortes similitudes, associées à une large diffusion des doctrines d’action dominantes. Écartelée entre le renouvellement des orientations de l’action publique et l’avènement de nouveaux territoires, la relance de la planification urbaine apparaît comme porteuse d’une forte contradiction. Limitant tour à tour le développement durable à l’énoncé de normes ou à la légitimation des projets locaux, elle ne permet pas, en particulier, de l’instaurer comme un véritable problème politique. What’s urban planning used for? Comparable perspectives on urban and transport planning in Strasbourg and Geneva Over the last two decades, urban planning has been relaunched in several European countries. Beyond common tendencies underlying the reform of planning procedures (generalization of sustainable development, reorganization of local government), large differences appear in practice, that result from differences in political cultures, planning traditions and local contexts. Based on the case-studies of Strasbourg (France) and Geneva (Switzerland), this article discusses the role of urban planning and its evolution over the last four decades. It focuses on the coordination between transport and urban planning policies, which is generally viewed as a major condition of success of urban sustainable development strategies. What are urban plans used for ? Are they used to guide local policies or implement urban governance ? Both case studies show that planning procedures form a part of the policy-making process. They are not elaborated before or independently from the policies they are supposed to guide. Comparative analysis reveals important differences in the institutional factors and interests that govern local changes in the coordination of transport and urban planning. However, ideas underlying those questions are mostly similar in the two urban areas, as a result from the influence of widely spread doctrines. Torn between the renewal of public policy goals and the outcome of new territories, the reform of urban planning is in fact highly contradictory. Limited either to the stipulation of norms or to the legitimization of local policies, sustainable development, especially, fails to be addressed as a real political problem.