dossier Le règlement des marchés : marchés privés

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dossier Le règlement des marchés : marchés privés
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En marchés privés(1), la norme Afnor P 03-001(2) prévoit des dispositions précises relatives au décompte
définitif. La norme Afnor s’applique quand elle est notée comme document contractuel dans le marché.
L’entrepreneur établit un mémoire définitif qui sert de base au décompte définitif établi par le maître
d’œuvre. Mais ce décompte dit « définitif » ne peut plus être contesté ni par le maître de l’ouvrage,
ni par l’entrepreneur lorsque ces deux parties l’ont signé sans réserves.
Marchés privés
Le règlement
© E. Galvani/FFB
Etablissement du mémoire définitif
et contestation du décompte définitif
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Le règlement des marchés : marchés privés
SOMMAIRE
L’ÉTABLISSEMENT
DU DÉCOMPTE DÉFINITIF
Le mémoire définitif
Le décompte définitif – procédure
de la notification du décompte définitif
CONTESTATION
DU DÉCOMPTE DÉFINITIF
Le mémoire en réclamation
Suites données à la réclamation
de l’entrepreneur
LE CARACTÈRE DÉFINITIF
DU DECOMPTE ACCEPTÉ
PAR LES DEUX PARTIES
© J. Genri
MODÈLE DE MÉMOIRE
EN RÉCLAMATION
L’ÉTABLISSEMENT DU DÉCOMPTE DÉFINITIF
Le mémoire définitif
Après la réception des travaux, l’entrepreneur doit établir un mémoire définitif
comprenant l’intégralité des sommes qu’il
estime lui être dues en application du marché, y compris les variations de prix(3). La
norme Afnor prévoit que ce mémoire doit
être établi dans un délai de soixante jours à
compter de la réception(4).
Passé ce délai de soixante jours ou celui
indiqué dans le CCAP, le maître d’œuvre,
après mise en demeure restée sans effet,
peut rédiger ce mémoire aux frais de l’entrepreneur(5).
Comme en marchés publics, l’entrepreneur
a intérêt à présenter un dernier décompte
mensuel pour les travaux exécutés au cours
du dernier mois. En effet, selon la norme
Afnor, le délai de paiement d’un acompte
mensuel est de trente jours(6) à compter de
la remise de la situation au maître d’œuvre.
Le délai de paiement du solde peut être de
135 jours à compter de la réception des
travaux (60 jours + 45 jours + 30 jours).
Opérations
Maître
de l’ouvrage
Entrepreneur
Maître d’œuvre
Réception des travaux
†
Etablissement du mémoire définitif
†
- Vérification du mémoire définitif
- Etablissement du décompte
définitif et transmission
au maître d’ouvrage
†
60 jours
†
†
Maître
de l’ouvrage
Notifie à l’entrepreneur
le décompte définitif
45 jours(7)
Entrepreneur
Acceptation du décompte définitif
ou
observations écrites envoyées
au maître d’œuvre et au maître
d’ouvrage
30 jours
Au-delà :
FORCLUSION
†
Maître
de l’ouvrage
PAIEMENT
Le décompte définitif
Le mémoire définitif établi par l’entrepreneur est vérifié par le maître d’œuvre qui
établit un décompte définitif qu’il transmet
au maître de l’ouvrage.
Le maître de l’ouvrage le notifie alors à
l’entrepreneur dans un délai de quarantecinq jours à compter de la réception du
mémoire définitif par le maître d’œuvre
(ou si le mémoire définitif a été établi par
le maître d’oeuvre du fait de la carence
Norme
Afnor
Délais
Réponse aux observations
de l’entrepreneur
de l’entrepreneur, dans un délai de quatre
mois à compter de la réception des travaux).
Le décompte définitif doit être signé par le
maître de l’ouvrage ; le décompte définitif
II Bâtiment actualité n° 8 • dossier • 18 avril 2006
30 jours après
l’expiration
du délai de
45 jours pour
la notification
du décompte
définitif
30 jours
Au-delà :
FORCLUSION
Art. 19.5.1
Art. 19.6.1
Art. 19.6.2
Art. 19.6.3
Art. 20.4.1
Art. 19.6.4
signé par le maître d’œuvre n’engage pas
le maître de l’ouvrage, sauf cas exceptionnel où le maître d’oeuvre est le mandataire
du maître de l’ouvrage(8).
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Le règlement des marchés : marchés privés
Si dans le délai de quarante-cinq jours
(ou de quatre mois), le maître
de l’ouvrage n’a pas notifié
le décompte définitif à l’entrepreneur,
il est réputé avoir accepté le mémoire
définitif remis au maître d’œuvre,
après mise en demeure restée infructueuse pendant quinze jours(9).
L’entreprise est donc payer sur la base
de son mémoire définitif.
Lorsque l’entrepreneur remet au maître
d’œuvre dans le délai prévu à la norme
le mémoire définitif des sommes qu’il
estimait lui être dues en application de
son marché, et qu’ensuite le maître de
l’ouvrage ne notifie à l’entrepreneur aucun
décompte définitif émanant du maître de
l’ouvrage, les tribunaux considèrent que
le maître de l’ouvrage est tenu de payer le
solde du prix des travaux calculé d’après le
montant du mémoire définitif(10).
Une fois la notification du décompte définitif faite à l’entrepreneur, celui-ci a le choix
de le signer ou de faire des observations
par écrit.
Comme en marchés publics, une fois signé
par le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur,
le décompte devient définitif et aucune
partie ne peut le remettre en cause.
Procédure de notification du décompte définitif
Remise par l’entrepreneur du mémoire définitif à compter
de la date de la réception des travaux.
Dans les 60 Jours
†
au maître d’œuvre
Si le délai pour la remise du mémoire définitif n’est pas respecté, le maître de l’ouvrage
peut, après mise en demeure infructueuse, faire établir ce mémoire par le maître
d’œuvre aux frais de l’entrepreneur.
Le maître d’œuvre établit le décompte définitif et le transmet
†
au maître de l’ouvrage
Le contrat conclu entre le maître d’œuvre et le maître de l’ouvrage fixe ce délai.
Le maître d’ouvrage signe et notifie le décompte définitif dans un délai de :
45 jours à dater de la réception
du mémoire définitif
par le maître d’œuvre
4 mois, à compter de la réception
des travaux, si le mémoire définitif
a été établi par le maître d’œuvre
†
à l’entreprise
A l’inverse des marchés publics, si le maître de l’ouvrage privé n’a pas notifié
le décompte définitif à l’entrepreneur dans les délais ci-dessus, il est réputé avoir
accepté le mémoire définitif remis au maître d’œuvre, après mise en demeure restée
infructueuse pendant 15 jours.
CONTESTATION DU DÉCOMPTE GÉNÉRAL
Le mémoire en réclamation
Le silence de l’entrepreneur pendant le
délai de trente jours à compter de la
notification du décompte définitif vaut
acceptation tacite de ce décompte. Il en est
de même de certaines réponses ambiguës,
comme, par exemple, la simple indication
faite par l’entrepreneur qu’il maintient ses
prétentions(12).
Comme en marchés publics, même si ce
n’est pas précisé dans la norme Afnor,
l’entrepreneur a intérêt à présenter ses observations sous la forme d’un mémoire en
réclamation (voir page IV).
En effet, les points du décompte que l’entrepreneur entend contester ou les sommes
qu’il entend réclamer en plus au maître
de l’ouvrage doivent être décrits le plus
précisément possible pour que sa demande
ne soit pas rejetée ultérieurement, le cas
échéant, par le tribunal au motif que ses
réserves sont trop vagues.
Suites données à la réclamation
de l’entrepreneur
En cas de remarques de l’entrepreneur
sur le décompte définitif, le maître de
l’ouvrage dispose, à son tour, de trente jours pour répondre(13). Son silence vaut
acceptation.
Au contraire des marchés publics,
le silence pendant trente jours
du maître de l’ouvrage en marchés
privés vaut acceptation des remarques
de l’entrepreneur sur le décompte
définitif. L’entreprise sera donc payée
sur la base de sa réclamation.
La contestation par l’entrepreneur du décompte définitif qui lui est notifié n’a
pas pour conséquence de repousser le
paiement. En effet, le maître de l’ouvrage
doit payer les sommes qui découlent du
décompte qu’il a notifié, dans un délai de
trente jours suivant l’expiration du délai de
notification de quarante-cinq jours (ou de
quatre mois si le mémoire définitif a été
établi par le maître d’œuvre du fait de la
carence de l’entrepreneur)(14).
Quant aux sommes dont le paiement s’avérerait fondé à la suite d’une contestation
du décompte définitif, par l’entrepreneur,
elles doivent être payées dans un délai de
vingt jours à dater de la remise au maître
de l’ouvrage de la pièce constatant l’arrêt
définitif des comptes(15).
© E. Galvani/FFB
A compter de la notification du décompte
définitif par le maître de l’ouvrage, l’entrepreneur a trente jours pour présenter, par
écrit, ses observations éventuelles au maître d’œuvre et au maître de l’ouvrage.
Un décompte définitif établi unilatéralement par le maître de l’ouvrage ne peut
pas lier l’entrepreneur(11).
Comme en marchés publics, l’entrepreneur
peut refuser de signer le décompte ou
faire des réserves partielles. Les réserves
partielles doivent être très précises car tous
les points du décompte non contestés par
l’entrepreneur seront considérés comme
définitifs puisqu’ils auront reçu l’accord des
deux parties.
Bâtiment actualité n° 8 • dossier • 18 avril 2006 III
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Le règlement des marchés : marchés privés
Si les parties n’arrivent pas à trouver une
solution au litige qui les oppose, elles
peuvent soumettre leur différend aux tribunaux judiciaires. Le tribunal compétent est
le tribunal de commerce si les deux parties
sont commerçantes, sinon le litige doit être
porté devant le tribunal de grande instance.
Le demandeur peut introduire le litige soit
devant le tribunal du lieu du défendeur,
soit devant celui du lieu d’exécution des
travaux.
Les parties peuvent également avoir prévu
dans le marché, qu’elles feront appel à l’arbitrage ou à la conciliation.
Si une clause compromissoire
est introduite dans un marché,
elle n’est valable que si les deux
parties sont commerçantes. Si le maître
de l’ouvrage n’est pas commerçant,
la clause d’arbitrage est sans valeur.
MARCHÉS PRIVÉS
Modèle de mémoire en réclamation
à adresser simultanément au maître d’œuvre et au maitre de l’ouvrage
Recommandée AR
Destinataires :
Maître d’œuvre (architecte)
et maître de l’ouvrage
Présentation du marché et exposé général
des différents chapitres de la demande
I - Présentation du marché
marché n° ..................................
lot principal : .................................
lot n° ..................................
lots accessoires : .............................
lot n° .................................
lot n°..................................
mandataire commun, le cas échéant ................................................
Le marché consiste en l’exécution de :
II - Présentation des chapitres de la demande.
Chaque chapitre, après un rappel des faits, détaille les conséquences financières directes ou
indirectes, des modifications des conditions d’exécution indépendantes de l’entreprise ou du
groupement.
Exemple :
Chapitre I - Travaux supplémentaires
A - Exposé des faits
Au cours de la réalisation du chantier, un certain nombre de travaux supplémentaires nous ont été
demandés. Ils n’étaient pas prévus initialement, ni dans le CCAP ni dans le CCTP ni dans les plans
fournis à l’appui du dossier d’appel d’offres. Seuls certains de ces travaux ont été acceptés à ce
jour, d’autres refusés dans les conditions suivantes :
................................................................................................................................
................................................................................................................................
Toutes justifications nécessaires figurent en annexe au présent mémoire.
Nous maintenons donc notre demande relative à ces travaux supplémentaires refusés jusqu’à
maintenant.
B - Le droit
Citer les articles adéquats du CCAP-CCTP, du CCAG, du code des marchés publics, citer la jurisprudence du Conseil d’Etat adéquate.
Ne pas omettre systématiquement les aspects défavorables.
C - Chiffrage
Evaluation des travaux supplémentaires.
En annexe, mettre tout justificatif : par exemple, les comptes rendus de chantier, les lettres de
réserves ou références des lettres, les ordres de services, les réponses positives ou plus ou moins
évasives du maître d’œuvre ou/et du maître de l’ouvrage, les justificatifs permettant de confirmer
les calculs.
Chapitre II - Immobilisation du personnel et du matériel
Du fait des retards de l’exécution d’autres corps d’état, le personnel et le matériel ont été immobilisés du ................................................... Cette immobilisation a engendré pour l’entreprise ou
le groupement des frais très importants que nous justifions et chiffrons dans ce présent chapitre.
A - Exposé des faits
.......................
B - Le droit
............................
C - Chiffrage
avec tout justificatif
Chapitre III (à l’appréciation du chef d’entreprise).
IV Bâtiment actualité n° 8 • dossier • 18 avril 2006
LE CARACTÈRE DÉFINITIF
DU DÉCOMPTE ACCEPTÉ
PAR LES DEUX PARTIES
Un décompte accepté par les deux parties
est définitif et ne peut être revu, sauf, bien
entendu, en cas d’accord de volonté des
parties de modifier le décompte général
et définitif.
Une atténuation de ce principe est apportée par l’article 1269 du nouveau code
de procédure civile, selon lequel aucune
demande en révision de compte n’est recevable, sauf si elle est présentée en vue d’un
redressement :
• en cas d’erreur matérielle,
• d’omission,
• de faux,
• ou double emploi,
• ou de présentation inexacte,
• ou de fraude.
La jurisprudence est très stricte quant à
l’application de cette dérogation à la règle
d’irrévocabilité du décompte accepté qui
ne peut être admise que dans des cas très
limités. Par exemple, lorqu’on a oublié de
compter une prestation prévue et exécutée
ou si la même prestation a été comptée
deux fois, ou si une erreur de calcul purement matérielle a été commise(16).
En revanche, dès que l’erreur peut être
regardée comme relevant d’une interprétation des clauses contractuelles, la rectification du décompte est impossible. Il en est
ainsi lorsqu’il a été oublié d’appliquer une
clause de révision de prix : dans ce cas, le
décompte ne peut être recalculé(17).
Sous prétexte d’erreur, ne peuvent pas non
plus être discutées la vérification des métrés ou quantités d’ouvrages ou la qualité
des matériaux.
La jurisprudence sur l’irrévocabilité du décompte général est semblable qu’il s’agisse
des juridictions judiciaires ou des juridictions administratives.
(1) Ce dossier remplace celui paru dans Bâtiment actualité en
1998. Voir « le règlement des marchés publics » dans Bâtiment
actualité n° 4 du 21 février 2006.
(2) Norme Afnor P 03-001 – décembre 2000 portant cahier des
clauses administratives générales applicable aux travaux
de bâtiment faisant l’objet de marchés privés disponible
à l’Afnor : afnor.fr
(3) Cass. Civ. 3e – 2 juillet 2002.
(4) Article 19.5.1 de la norme Afnor P 03-001 – décembre 2000.
(5) Article 19.5.4. de la norme Afnor P 03-001.
(6) Article 20.3.1 de la norme Afnor P 03-001.
(7) Quatre mois à compter de la réception des travaux
si le mémoire définitif est établi par le maître d’œuvre du fait
de la carence de l’entrepreneur.
(8) Cour. Cass. civ. 3e - 17 mars 1982.
(9) Article 19.6.2 de la norme Afnor P 03-001.
(10) Cour. Cass. Civ. 3e - 11 juillet 2001.
(11) Cour. Cass. Civ. 3e, 4 janvier 1996, Crédit Immobilier
des Pyrénées Orientales c/ SOGEA et autres.
(12) Cour. Cass. Civ. 3e, 4 décembre 1991, Bull. civ. III n° 303.
(13) Article 19.6.4 de la norme Afnor P 03-001.
(14) Article 19.6.2 de la norme Afnor P 03-001.
(15) Article 20.4.3 de la norme Afnor P 03-001.
(16) Cour. Cass. Civ. 1er, 25 juin 1985, Bull. Cass. V n° 203.
(17) Cour. Cass. Civ. 3e, 4 janvier 1978, Bull. Cass. n°6.