Télécharger l`article au format PDF
Transcription
Télécharger l`article au format PDF
L’Encéphale (2013) 39, 401—407 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP MÉTHODOLOGIE Étude des qualités psychométriques de la version française du How I Think Questionnaire dans un échantillon d’adolescents français Psychometric properties of the French version of the How I Think Questionnaire N.-K. Van Leeuwen a, E. Chauchard a, H. Chabrol a,∗, J. Gibbs b a Centre d’études et de recherches en psychopathologie, université de Toulouse-Le Mirail, Octogone, 21, rue d’Alsace-Lorraine, 31000 Toulouse, France b Ohio State University, 1835 Neil avenue, Columbus, Ohio 43210, États-Unis Reçu le 19 janvier 2012 ; accepté le 19 octobre 2012 Disponible sur Internet le 26 mars 2013 MOTS CLÉS Fidélité ; Validité ; How I Think Questionnaire ; Adolescence KEYWORDS Reliability; Validity; How I Think Questionnaire; Adolescence ∗ Résumé L’objectif de cette étude est d’étudier les qualités psychométriques de la version française du questionnaire anglo-saxon des distorsions cognitives auto-complaisantes délinquantogènes, le How I Think Questionnaire (HIT-Q) (Barriga et al., 2001 [2]) en testant sa fidélité et sa validité sur un échantillon de 972 adolescents. Les résultats rapportent une très bonne consistance interne de l’échelle et une corrélation inter-items élevée (␣ de Cronbach = 0,91 ; MIC = 0,22). Les validités convergente, discriminante et critériée sont satisfaisantes. La version française du questionnaire des distorsions cognitives auto-complaisantes se présente comme un questionnaire ayant de bonnes propriétés psychométriques. Ce questionnaire constitue donc un bon outil d’évaluation des cognitions délinquantogènes dans un échantillon d’adolescents français. © L’Encéphale, Paris, 2013. Summary Certain research has pointed out the relative importance of cognitive distortions in the development of antisocial behavior. Distortions of social cognitions that facilitate aggression and other types of antisocial behavior have been described as self-serving cognitive distortions (Barriga et al., 2001 [2]). Considering the importance of the assessment of delinquent cognitive distortions, an instrument has been validated to measure self-serving cognitive distortions: the How I Think Questionnaire (HIT-Q, Barriga et al., 2001 [2]). Thus, the aim of the present study was to evaluate the convergent, discriminant and concurrent validity of a French version of the HIT-Q and its four dimensions (self-centered, blaming other, minimizing/mislabeling and assuming the worst). Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Chabrol). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2013. http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.10.013 402 N.-K. Van Leeuwen et al. Method. — A sample of 972 French high-school students completed the Youth Psychopathic traits Inventory (YPI ; Andershed et al., 2002 ; Andershed et al., 2007 [26,27]) used to evaluate the convergent validity of the HIT-Q. To investigate discriminant validity, participants also completed the Sociomoral Reflection Measure-Short Form (SMR-SF ; Gibbs et al., 1992 [28]) and the Interpersonal Reactivity Index (IRI ; Davis, 1983 [29]) used to assess cognitive and affective empathy. To measure antisocial behavior, the French versions of the Self-Reported Delinquency Questionnaire (SRDQ ; Le Blanc and Frechette, 1989 [22]), the Antisocial Behavior Scale (ABS ; Schawb-Stone et al., 1996 [23]), the Self-Reported Delinquency Behavior (SRDB ; Elliott and Menard, 1996 [24]) and three items of the Sexual Experiences Survey (SES ; Koss et al., 2007 [25]) were used. Two samples were composed based on the same socio-demographic (age and gender) and socio-economic characteristics and ethnic background. French males scoring in the upper quartile on the antisocial behavior total score were classified in the antisocial group (n = 135) and the rest of the sample in the non-antisocial group (n = 306). Convergent and discriminant validity was determined using Pearson coefficients of correlation. One-way analyses of variance were used for mean scores comparisons. Regression analysis was used to evaluate the relative contribution of self-serving cognitive distortions to the prediction of antisocial behavior. Results. — The French version of the HIT-Q showed acceptable reliability and validity and also a satisfying convergent and discriminant validity. The HIT-Q and its dimensions were positively and highly correlated to psychopathic traits (r = 0.50 to r = 0.61, p < 0.05) ; these findings suggested a good convergent validity. The correlation between self-serving cognitive distortions and social moral reasoning (r = −0.23 to r = −0.28, p < 0.05) and empathy (r = −0.13 to r = −0.20, p < 0.05) appeared to be negative and low ; this relationship was conclusive and showed a satisfying discriminant validity. Mean comparison showed that participants in the antisocial group reported higher scores of self-serving cognitive distortions and its dimensions than the non-antisocial group. Self-serving cognitive distortions significantly predicted antisocial behavior ( = 0.58, SE = 0.02, p < 0.001) and explained 34% of the variance. Discussion. — The study of the convergent validity of the HIT-Q with the YPI as external criteria showed they were closely linked, which suggests self-serving cognitive distortion may be the cognitive expression of psychopathic traits. The discriminant validity of the HIT-Q with moral reasoning and empathy was satisfying and similar to previous results (Lardén et al., 2006 [20]). In concordance with previous studies, delinquent cognitive distortions appeared to be a significant predictor of antisocial behavior and moreover, participants in the antisocial group reported higher scores of self-serving cognitive distortions (Capuano, 2007 ; Barriga and Gibbs, 1996 ; Nas et al., 2008 [10—12]). Conclusion. — The present study showed that the French version of the HIT-Q presents good psychometric properties. © L’Encéphale, Paris, 2013. Introduction Les distorsions cognitives délinquantogènes ont fait l’objet de nombreuses études anglo-saxonnes sur les comportements antisociaux. Gibbs et al. [1] proposent une typologie de distorsions cognitives de niveau primaire et secondaire. Le niveau primaire décrit les attitudes et les croyances égocentriques et le niveau secondaire fait plutôt référence à des rationalisations qui ont pour objectif de neutraliser les sentiments de culpabilité relatifs à un acte antisocial et de préserver l’image de soi. En référence à cette conceptualisation, le How I Think Questionnaire (HIT-Q) a été proposé par Barriga, et al. [2], afin de mesurer les cognitions délinquantogènes et leur implication dans les comportements antisociaux [3—6]. En lien avec la typologie de Gibbs et al. [1], quatre sous-dimensions du HIT-Q évaluent les cognitions délinquantogènes. D’abord, la catégorie des cognitions « égocentriques » relatives aux croyances et attitudes centrées sur soi. La deuxième catégorie « minimisation » considère les comportements antisociaux comme acceptables voire admirables, ne représentant pas de danger. La troisième catégorie « blâme des autres » considère les sources extérieures comme responsables d’actions nuisibles. La dernière catégorie « anticipation du pire » présuppose des rationalisations destinées à se déculpabiliser comme par exemple imputer des intentions malveillantes à autrui ou juger que certaines situations sociales soient inévitables. L’implication des cognitions délinquantogènes dans les comportements antisociaux a été montrée [7—9]. Les comportements antisociaux font référence à des actes répréhensibles comme la transgression de règles sociales ou morales nuisibles pour autrui incluant les comportements agressifs et les comportements délinquants [2]. Ces comportements antisociaux trouveraient leurs origines majoritairement dans des distorsions cognitives notamment dans la difficulté d’interpréter correctement des situations. Deux études antérieures ont montré que les adolescents Qualités psychométriques de la version française du How I Think Questionnaire présentant des actes délinquants rapportaient significativement plus de distorsions cognitives délinquantogènes que leurs pairs non-délinquants [10,11]. Dans l’étude de Capuano [12], ces distorsions cognitives auto-complaisantes étaient un prédicateur significatif d’agression physique. Bien que le lien entre les distorsions cognitives et les traits psychopathiques soit encore mal connu, les comportements antisociaux associés aux traits psychopathiques seraient associés à un plus grand nombre de comportements déviants [13]. Cette association serait un facteur prédictif de la stabilité et de la sévérité des troubles du comportement chez les adolescents [14]. Salekin et Frick [15] rapportent trois dimensions centrales (l’insensibilité, l’égocentrisme et l’impulsivité) dans les troubles psychopathiques qui se rapprochent des dimensions du modèle primaire des distorsions cognitives de Gibbs et al. [1]. Les distorsions cognitives délinquantogènes neutralisent l’empathie, c’est-à-dire que les sujets ne sont plus réceptifs à la détresse de l’autre [9,16—19]. Dans l’étude de Lardén et al. [20], l’empathie et le raisonnement moral apparaissent corrélés négativement aux distorsions cognitives. Les distorsions cognitives délinquantogènes jouent un rôle majeur dans le déterminisme des comportements antisociaux et justifient l’importance d’un outil permettant leur évaluation. Les objectifs de cette étude sont donc de proposer une version française du HIT-Q, d’étudier sa fidélité, sa validité convergente et discriminante et de déterminer sa validité prédictive afin de permettre son utilisation dans une population d’adolescents francophones. Méthode Sujets Neuf cent soixante 12 adolescents français (594 garçons, 378 filles) dont l’âge moyen était de 16,92 ans (écarttype = 1,14 ans, étendue : 14 à 22 ans), scolarisés dans des lycées généraux et professionnels de la région Midi-Pyrénées au cours de l’année 2009—2010, ont rempli la batterie de questionnaires. Les participants ont tous signé un consentement libre et éclairé après avoir été informés de l’anonymat et de la confidentialité de leurs données. Aucune compensation n’a été offerte. Le nombre de participants était suffisant pour une étude de validité et de fidélité. Afin d’étudier la validité critériée, l’échantillon a été dichotomisé en deux groupes « conduites antisociales » et « sans conduites antisociales ». Afin d’homogénéiser les échantillons, les participants des deux groupes étaient de même origine ethnique et partageaient les mêmes caractéristiques socio-démographiques (âge) et socio-économiques. L’échantillon masculin (n = 717) regroupe 161 délinquants (23 %) et 556 non-délinquants (77 %) (âge moyen des sujets du groupe avec conduites antisociales = 17,1 ± 1,1 ; âge moyen des sujets du groupe sans conduites antisociales = 16,8 ± 1,1, p > 0,05 ; étendue = 14—22 ans). Instruments Le HIT-Q a été développé par Barriga et al. [2] pour évaluer les distorsions cognitives délinquantogènes. Les items 403 sont cotés sur une échelle type-Likert en 6 points (de 1 = pas du tout d’accord, à 6 = tout à fait d’accord). Cet outil comprend 54 items mais seulement 39 items (Tableau 1) évaluent les distorsions cognitives délinquantogènes qui se réfèrent aux quatre catégories de comportements antisociaux (le mensonge, le vol, le mépris et l’agression physique) du DSM-IV [21]. Par exemple, l’item 2 de la sous-dimension de l’égocentrisme « Parfois il faut mentir pour obtenir ce que l’on veut » est une distorsion cognitive concernant le mensonge. Ces 39 items sont regroupés en quatre souséchelles : égocentrisme, blâme des autres, anticipation du pire et minimisation/catégorisation. Dix items mesurent l’anticipation du pire, neuf mesurent l’égocentrisme, huit mesurent la minimisation/catégorisation et dix items évaluent le blâme des autres. L’échelle compte au final 38 items. Le score total se calcule en additionnant les scores de chaque item et en divisant par le nombre total d’items (38). Ainsi, un participant avec un score moyen de 4 est, dans l’ensemble, plutôt d’accord avec les cognitions délinquantogènes. Un participant avec un score moyen de 4 présente, dans l’ensemble, de légères distorsions cognitives délinquantogènes. La traduction du questionnaire en français a été effectuée dans un premier temps par une psychologue trilingue (français, anglais, néerlandais) puis dans un second temps une rétro-traduction a été effectuée par une psychologue anglophone. Les deux versions ont été comparées afin de garantir la fiabilité de la version française. L’autorisation des auteurs a été obtenue. Les conduites antisociales ont été mesurées à partir d’un questionnaire composite constitué du questionnaire de délinquance auto-révélée (QDAR) de Le Blanc et Frechette [22], de l’Antisocial Behavior Scale de Schwab-Stone et al. [23], du Self-Reported Delinquent Behavior (SRDB) d’Elliott et al. [24]. Trois items issus du Sexual Experience Survey de Koss et al. [25] ont été ajoutés au questionnaire. Les sujets indiquaient pour chaque item le nombre de fois où ils ont commis un acte antisocial (coté sur 4 points, de 0 = « jamais » à 4 = « 5 fois ou plus »). Le critère d’inclusion dans le groupe « conduites antisociales » a été défini par un score se situant dans le quartile supérieur des scores de l’échantillon. Le score total varie de 0 à 56 et l’alpha de Cronbach pour cette échelle était de 0,92. Les traits psychopathiques ont été évalués par la version française du Youth Psychopathic traits Inventory (YPI) [26,27]. L’YPI est un auto-questionnaire comprenant 50 items (c’est-à-dire, « Je me sens souvent calme quand les autres sont effrayés »). Les sujets doivent indiquer leur degré d’accord aux items selon une échelle de type-Likert en 4 points (de 1 « pas du tout d’accord » à 4 « tout à fait d’accord »). L’échelle propose trois sousdimensions : l’affectivité, le style de vie et les relations interpersonnelles. Dans cette étude, le score total de l’échelle a été utilisé. L’alpha de Cronbach pour l’YPI était de 0,81. Le Sociomoral Reflection Measure-Short Form [28] est une échelle en 3 points (de 1 = pas important, à 3 = très important), composée de dix items, qui évalue le raisonnement moral. Plus le score aux items (c’est-à-dire, « En général à quel point est-ce important pour toi de dire la vérité ? ») est élevé plus le sujet a un raisonnement moral. Le score total varie de 10 à 30. Dans notre étude, la cohérence interne de l’échelle de raisonnement moral était de 0,69. 404 Tableau 1 N.-K. Van Leeuwen et al. Classification des items par sous-dimensions du How I Think Questionnaire (HIT-Q). Items du HIT-Q 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Anticipation du pire Je ne peux rien faire au fait de perdre souvent patience Ca ne sert à rien d’éviter les conflits Je n’arrive pas à éviter les problèmes, peu importe les efforts avec lesquels j’essaie Je serais toujours envahi(e) si je ne pousse pas les gens autour de moi Les gens cherchent toujours à me harceler On devrait faire du mal aux gens, avant qu’ils ne le fassent On devrait voler aussi, si on ne le fait pas, quelqu’un d’autre le fera On devrait voler aussi, les gens te voleraient s’ils en avaient la possibilité Je pourrais aussi bien dire la vérité ou mentir, dans tous les cas les gens ne me croiraient pas Tout le monde vole, pourquoi pas moi Tu ne peux pas faire confiance aux gens parce qu’ils te mentiront toujours 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Égocentrisme Parfois il faut mentir pour obtenir ce que l’on veut Quand je vois quelque chose qui me plaît, je le prends Quand je suis en colère, cela m’est égal que quelqu’un soit blessé Lorsque je veux quelque chose, la façon dont je réussis à l’obtenir m’est égale Lorsque j’ai vraiment envie de faire quelque chose, je me fiche de savoir si c’est légal ou non Les règles sont généralement destinées aux autres Obtenir ce dont on a besoin est la seule chose importante Si je mens à quelqu’un, cela me regarde (c’est mon problème) On devrait prendre ce dont on a besoin, quitte à blesser quelqu’un 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 Minimisation Si une personne te manque de respect, tu dois te venger Tout le monde ment, ce n’est pas la fin du monde. C’est fou de ne pas voler lorsqu’on sait qu’on ne se fera pas prendre Seuls les lâches fuient les combats Les boutiques gagnent assez d’argent pour que l’on puisse piquer ce dont on a besoin Mentir à quelqu’un n’est pas grave lorsqu’on ne connaît pas la personne Tout le monde enfreint la loi, ce n’est pas la fin du monde Voler une voiture ne fait de mal à personne tant qu’il n’arrive rien au véhicule et que le véhicule est restitué au propriétaire Blâme des autres Je fais des erreurs parce que je fréquente les mauvaises personnes Si quelqu’un ne verrouille pas sa voiture, c’est qu’il cherche à se la faire voler Ce n’est pas grave de mentir quand quelqu’un est assez stupide pour tomber pour me croire Si le propriétaire d’une maison ou d’un magasin est cambriolé, c’est faute de ne pas l’avoir davantage sécurisé À force de te poser trop de questions, les gens te forcent à mentir Les gens essaient toujours de me provoquer pour se battre Si quelqu’un néglige à ce point de surveiller son portefeuille, il mérite de se le faire voler Si les gens ne coopèrent pas avec moi, ce ne sera pas de ma faute si quelqu’un est blessé Quand je perds mon sang froid, c’est parce que les gens essaient de m’énerver Parfois il faut blesser les gens lorsqu’on a des problèmes avec eux L’Interpersonal Reactivity Index (IRI) [29], est une échelle dont les items sont cotés en 5 points (de 1 « Ne me décrit pas bien » à 5 « Me décrit très bien ») permettant de mesurer les dispositions cognitives et affectives liées à l’empathie. N’ont été retenus que les 13 items correspondant à l’empathie affective : la préoccupation empathique (c’est-à-dire, « J’ai souvent de la tendresse, le sentiment d’être concerné(e) par des personnes moins chanceuses que moi ») et l’empathie cognitive : la prise de recul (c’està-dire, « Quand je suis fâché(e) avec quelqu’un, je tente habituellement de me mettre à sa place »). Le score varie de 13 à 65, les sujets ayant obtenu un score élevé à cette échelle révèlent de bonnes dispositions empathiques. L’alpha de Cronbach de l’IRI était de 0,61. Analyses statistiques Afin de comparer les qualités de la structure unifactorielle et de la structure à quatre facteurs, des analyses factorielles confirmatoires (CFA) et exploratoires du HIT-Q ont été réalisées afin de retenir le meilleur modèle [30,31]. La Qualités psychométriques de la version française du How I Think Questionnaire consistance interne pour chaque sous-dimension du questionnaire des cognitions délinquantogènes a été évaluée avec le coefficient alpha de Cronbach et des corrélations moyennes inter-items (MIC). Pour que la consistance interne de l’échelle soit satisfaisante, le coefficient ␣ devrait être égal ou supérieur à 0,70 [32] et le MIC égal ou supérieur à 0,20 [33]. Les coefficients de corrélations de Pearson ont été rapportés entre le score total du HIT-Q et ses sous-dimensions et les différentes échelles. La validité convergente du HIT-Q s’est effectuée avec l’YPI puisque les deux échelles partagent des caractéristiques communes. La validité concourante a été évaluée par des analyses corrélationnelles (r de Pearson) entre le HIT-Q et ses sousdimensions et le YPI. L’échelle de raisonnement moral et d’empathie ont permis de tester la validité discriminante. La validité critérielle a été définie à l’aide d’un t test entre le groupe présentant des « conduites antisociales » et le groupe « sans conduites antisociales » à l’échelle des cognitions délinquantogènes. La contribution unique des distorsions délinquantogènes à la prédiction des comportements antisociaux a été rapportée par le coefficient , par la statistique t et le degré de significativité du coefficient (p) de l’analyse de régression multiple. Les analyses statistiques ont été réalisées avec la version 8 de STATISTICA. Résultats Analyse factorielle Les paramètres d’ajustements de la structure à quatre facteurs (anticipation, égocentrisme, minimisation, blâme des autres) n’étaient pas satisfaisants (Goodness-of-Fit Index [GFI] = 0,83, Root Mean Square Residual [RMR] = 0,06, Root Mean Square Error of Approximation [RMSEA] = 0,07). L’analyse factorielle exploratoire avec rotation varimax n’a pas permis de dégager un modèle plus satisfaisant. La majorité des items saturaient dans un seul facteur ce qui favoriserait l’utilisation d’une structure unifactorielle. Une analyse factorielle de second ordre a permis de repérer les items avec une faible saturation factorielle. L’item 3 (c’està-dire, « Certaines personnes mériteraient d’être remises à leur place ») rapportait un mauvais ajustement et a donc été supprimé. Une nouvelle CFA a permis de rendre compte de meilleurs paramètre d’ajustements pour la structure unifactorielle avec l’exclusion de l’item 3 (GFI = 0,84, RMR = 0,05, RMSEA = 0,07). Enfin, le critère d’information d’Akaike [34] permet de retenir le meilleur modèle en comparant leurs indices respectifs. L’indice AIC été plus faible dans la structure uni factorielle (2,90 versus 3,08) suggérant que ce modèle est légèrement meilleur que la structure à quatre facteurs. Analyse de fidélité du How I Think Questionnaire L’alpha de Cronbach des quatre sous-échelles du HIT-Q varie de ␣ = 0,71 à ␣ = 0,74 et les corrélations moyennes inter-items varient de MIC = 0,21 à MIC = 0,25. L’alpha de Cronbach pour la totalité des items du questionnaire est de ␣ = 0,91 et la corrélation moyenne inter-items est de MIC = 0,22. 405 Corrélations entre le score total et les sous-dimensions du How I Think Questionnaire Le Tableau 2 rapportent les coefficients de corrélation entre le score total au HIT-Q et les scores obtenus aux sous-dimensions « anticipation du pire », « égocentrisme », « minimisation » et le « blâme des autres » qui varient de r = 0,65 à r = 0,86, p < 0,05. Les coefficients de corrélations étant élevés entre les sous-dimensions du HIT-Q, l’utilisation du score global semblerait préférable afin d’éviter des problèmes de multicollinéarité. Validité convergente du How I Think Questionnaire Une corrélation positive est rapportée entre le score global au HIT-Q, ses sous-scores et le YPI (p < 0,05). Un coefficient de corrélation de 0,61 est observé entre les scores totaux au HIT-Q et de l’YPI (Tableau 2). Les coefficients de corrélation entre les sous-dimensions du HIT-Q et le YPI varient de 0,50 à 0,58 (p < 0,05). Validité discriminante du How I Think Questionnaire L’analyse de la validité discriminante entre le score total au HIT-Q, ses sous-scores et le raisonnement moral et l’empathie montre des corrélations négatives significatives (p < 0,05). Le Tableau 2 rapporte les coefficients de corrélation qui varient de −0,23 à −0,28 entre le score total au HIT-Q et ses sous-scores et le raisonnement moral. Les coefficients de corrélation varient de −0,13 à −0,20 entre les distorsions cognitives et ses composantes et l’empathie. Validité critériée du How I Think Questionnaire Les analyses comparatives ont permis de vérifier que les sujets du groupe avec conduites antisociales (n = 161) rapportent un score significativement plus élevé au HIT-Q que les sujets du groupe qui n’en présentent pas (n = 556) (112,51 ± 26,14 versus 85,95 ± 20,01, t = −13,78, p = 0,001). Une analyse de régression multiple prédisant le score du questionnaire des conduites antisociales a mis en évidence la contribution unique et indépendante des distorsions auto-complaisantes à la prédiction de ces comportements. Le score total au HIT-Q contribue significativement à la prédiction des conduites antisociales ( = 0,53, SE = 0,03, p < 0,001). Vingt-neuf pour cent de la variance totale est expliquée par le modèle. Discussion L’objectif de la présente étude est d’étudier les qualités psychométriques de la version française du HIT-Q en étudiant sa fidélité, ses validités critériées et de construit. L’étude de la fiabilité a montré que l’échelle présente une bonne consistance interne, ce constat est renforcé par des corrélations inter-items satisfaisantes. De meilleurs paramètres d’ajustement sont apparus dans le modèle mono factoriel que dans le modèle à quatre facteurs du HIT-Q favorisant l’utilisation du score global de 406 N.-K. Van Leeuwen et al. Tableau 2 Corrélations entre l’échelle des distorsions délinquantogènes et ses sous-dimensions et le raisonnement moral, les traits psychopathiques et l’empathie. 1. Distorsions cognitives 2. HIT-Q anticipation du pire 3. HIT-Q égocentrisme 4. HIT-Q minimisation/catégorisation 5. HIT-Q blâme des autres 6. Raisonnement moral 7. Traits psychopathiques 8. Empathie 1 2 3 4 5 6 7 8 — 0,86 — 0,87 0,65 — 0,87 0,66 0,71 — 0,88 0,70 0,67 0,67 — −0,28 −0,24 −0,28 −0,23 −0,23 — 0,61 0,50 0,58 0,53 0,51 −0,22 — −0,18 −0,13 −0,20 −0,17 −0,13 −0,33 −0,11 — l’échelle. L’étude de la validité convergente en utilisant l’YPI a permis de mettre en évidence de fortes corrélations positives significatives qui soutiennent l’hypothèse que les distorsions cognitives auto-complaisantes peuvent être considérées comme l’expression cognitive de traits psychopathiques. La divergence entre le questionnaire des cognitions auto-complaisantes et l’échelle de raisonnement moral et d’empathie est satisfaisante ; en effet les analyses de la validité discriminante observées dans la présente étude sont congruentes avec les données de la littérature rapportant également des associations négatives entre ces facteurs [9,16—20]. Dans notre échantillon, similairement à des résultats antérieurs, le groupe des adolescents présentant des conduites antisociales présente davantage de distorsions auto-complaisantes que leurs pairs n’en présentant pas [10,11]. Plus spécifiquement, les adolescents ayant des conduites antisociales semblent davantage anticiper le pire, minimiser les situations, blâmer autrui et présenter des cognitions égocentriques. Comme dans l’étude de Capuano [12], l’analyse de régression multiple a confirmé la contribution unique des distorsions cognitives aux conduites antisociales. Les résultats de cette recherche confirment la validité de cet outil, qui permettra une meilleure prévention des comportements antisociaux. Il pourrait permettre d’identifier les distorsions cognitives de l’adolescent afin d’orienter l’accompagnement thérapeutique. Par exemple, un adolescent présentant des cognitions particulièrement égocentriques pourrait apprendre à prendre en considération le point de vue d’autrui et un adolescent ayant plutôt tendance à minimiser les conséquences de ses actes pourrait apprendre à en appréhender les répercussions [2]. Cependant, des recherches complémentaires sur l’étude des distorsions cognitives délinquantogènes au sein d’une population d’adolescent français doivent être menées. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Gibbs J, Potter G, Goldstein A. The EQUIP program: teaching youth to think and act responsibly through a peer-helping approach. Champaign, IL US: Research Press; 1995. [2] Barriga AQ, Gibbs JC, Potter GB, et al. How I Think (HIT) Questionnaire manual. Champaign, IL: Research Press; 2001. [3] Barriga AQ, Landau JR, Stinson BL, et al. Cognitive distortion and problem behaviors in adolescents. Crim Justice Behav 2000;27:36—56. [4] Dodge KA, Price JM, Bachorowski JA, et al. Hostile attributional biases in severely aggressive adolescents. J Abnorm Child Psychol 1990;99:385—92. [5] Liau AK, Barriga AQ, Gibbs JC. Relations between self-serving cognitive distortions and overt vs. covert antisocial behaviour in adolescents. Aggress Behav 1998;24:335—46. [6] Lochman JE, Dodge KA. Social-cognitive processes of severely violent, moderately aggressive, and nonaggressive boys. J Consult Clin Psychol 1994;62:366—74. [7] Dodge KA, Coie JD. Social-information processing factors in reactive and proactive aggression in children’s peer groups. J Pers Soc Psychol 1987;53:1146—58. [8] Gibbs JC. Moral development and reality: beyond the theories of Kohlberg and Hoffman. Thousand Oaks, CA: Sage Publications Ltd; 2003. [9] Sykes GM, Matza D. Techniques of neutralization: a theory of delinquency. Am Sociol Rev 1957;22:664—70. [10] Barriga AQ, Gibbs JC. Measuring cognitive distortion in antisocial youth: development and preliminary validation of the ‘How I Think’ questionnaire. Aggress Behav 1996;22:333—43. [11] Nas CN, Brugman D, Koops W. Measuring self-serving cognitive distortions with the ‘‘How I Think’’ Questionnaire. Eur J Psychol Assess 2008;24(3):181—9. [12] Capuano AM. Empathy and cognitive distortion: examining their relationship with aggression in adolescents (Master’s thesis). 2007, Retrieved 2011; http://etd.ohiolink.edu/send-pdf. cgi/Capuano%20Angela.pdf?bgsu1180535095 [13] Frick PJ, Cornell AH, Barry CT, et al. Callous-unemotional traits and conduct problems in the prediction of conduct problem severity, aggression and self-report of delinquency. J Abnorm Child Psychol 2003;31:57—470. [14] Moran P, Ford T, Butler G, et al. Callous and unemotional traits in children and adolescents living in Great Britain. Br J Psychiatry 2008;192:65—6. [15] Salekin R.T., Frick PJ. Psychopathy in children and adolescents: the need for a developmental perspective. J Abnorm Child Psychol 2005;33:403—9. [16] Bandura A. Social cognitive theory of moral thought and action. Handbook of moral behavior and development, Vol. 1: Theory; Vol. 2: Research; Vol. 3: Application. Hillsdale, NJ England: Lawrence Erlbaum Associates, Inc.; 1991, p. 45—103. [17] Beck AT. Prisoners of hate: the cognitive basis of anger, hostility, and violence. New York: Harper Collins; 1999. [18] Gibbs JC. Moral development and reality: beyond the theories of Kohlberg and Hoffman. 2nd ed Boston: Pearson Allyn & Bacon; 2010. Qualités psychométriques de la version française du How I Think Questionnaire [19] Polaschek DLL. Empathy and victim empathy. In: Ward T, Laws DR, Hudson SM, editors. Sexual deviance: issues, controversies. Thousand Oaks, CA: Sage; 2003. p. 172—89. [20] Lardén M, Melin L, Holst U, et al. Moral judgement, cognitive distortions and empathy in incarcerated delinquent and community control adolescents. Psychol Crime Law 2006;12(5):453—62. [21] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 4th ed Washington DC, USA: American Psychiatric Association; 1994. [22] Le Blanc M, Frechette M. Male criminal activity from childhood through youth: multilevel and developmental perspective. New York: Springer-Verlag; 1989. [23] Schawb-Stone M, Chen C, Greenberger E, et al. No safe Haven II: the effects of violence exposure to urban youth. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1999;38:359—67. [24] Elliott DS, Menard S. Delinquent friends and delinquent behavior: temporal and developmental patterns. In: Hawkins JD, editor. Delinquency and crime: current theories. Cambridge: Cambridge University Press; 1996. p. 28—67. [25] Koss MP, Abbey A, Campbell R, et al. Revising the SES: a collaborative process to improve assessment of sexual aggression and victimization. Psychol Women Q 2007;31: 357—70. [26] Andershed H, Kerr M, Stattin H, et al. Psychopathic traits in non-referred youths: a new assessment tool. In: Blauw E, [27] [28] [29] [30] [31] [32] [33] [34] 407 Sheridan L, editors. Psychopaths: current international perspectives. The Hague (NL): Elsevier; 2002. p. 131—58. Andershed H, Hodgins S, Tengström A. Convergent validity of the Youth Psychopathic Traits Inventory (YPI): association with the Psychopathy Checklist: Youth Version (PCL:YV). Assessment 2007;14:144—54. Gibbs J, Basinger K, Fuller D. Moral maturity: measuring the development of sociomoral reflection. Hillsdale, NJ England: Lawrence Erlbaum Associates, Inc.; 1992. Davis MH. Measuring individual differences in empathy: evidence for a multidimensional approach. J Pers Soc Psychol 1983;44:113—26. Tabachnick BG, Fidell LS. Using multivariate statistics. 4th ed Boston: Allyn and Bacon; 2001. Thompson B. Ten commandments of structural equation modeling. In: Grimm LG, Yarnold PR, editors. Reading and understanding multivariate statistics. Washington, DC: American Psychological Association; 2000. Cronbach LJ. Coefficient alpha and the internal structure of tests. Psychometrika 1951;16:297—334. Briggs SR, Cheek JM. The role of factor analysis in the development and evaluation of personality scales. J Pers Disord 1986;54:106—48. Jöreskog KG, Sörbom D. Lisrel 8: structural equation modelling with the simplis command language. Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates Inc.; 1993.