KYSTE HYDATIQUE DE LA RATE ROMPU DANS L`ESTOMAC

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KYSTE HYDATIQUE DE LA RATE ROMPU DANS L`ESTOMAC
KYSTE HYDATIQUE DE LA RATE
ROMPU DANS L’ESTOMAC
J. OUADFEL*, A. BOUGTAB*, A. AMRAOUI*; R. FIKRI-0**, A. ASSEM*, L. ELALLAME*, S. BALAFREJ*
RESUME
Nous rapportons un cas exceptionnel de rupture dans
l’estomac d’un kyste hydatique splénique. Cette complication était la conséquence d’un retard de consultation. Elle soulève le problème du dépistage de la maladie hydatique dans un pays d’endémie.
Les difficultés posées par le traitement de la perforation gastrique sont également abordées.
MOTS-CLES : Kyste hydatique splénique, estomac,
rupture.
INTRODUCTION
La fréquence du kyste hydatique splénique (KHS) est
faible, même dans les régions d’endémie hydatique telles
que le Maroc [1,4,6,]. Ses complications sont la suppuration et la rupture. L’ouverture du KHS dans un organe
voisin comme l’estomac reste exceptionnelle. Le cas que
nous en rapportons peut de nos jours paraître historique.
OBSERVATION
Il s’agissait d’un homme de 24 ans sans antécédents pathologiques particuliers qui souffrait depuis 5 mois avant son
hospitalisation de douleurs du flanc et de l’hypochondre
gauches et d'épisodes de vomissements. Parallèlement le
malade constatait une augmentation du volume de son
abdomen. Quinze jours avant l’hospitalisation le patient
avait présenté des vomissements importants et des diarrhées fétides suivis d’une diminution nette du volume de
l’abdomen. A l’entrée le malade avait un état général très
altéré. Il était pâle et sa température était à 39°. Il présentait
devant nous des vomissements très fétides. L’examen de
l’abdomen relevait une nette voussure de la région épigastrique, sonore à la percussion. La sonde gastrique ramenait à chaque appui sur la voussure un liquide d’aspect
laiteux très fétide. L’hématocrite était à 27 % et les globu-
les blancs à 16000/mm3. Sur la radiographie de l’abdomen
sans préparation on notait un large niveau hydro-aérique
sous phrénique gauche qu’on avait supposé être la poche à
air d’un estomac très dilaté [fig 1].
La projection de la sonde gastrique montrait que cette
image hydro-aérique était indépendante de l’estomac, et
que celui-ci était rejeté vers la droite. L’echographie n’a
pas été concluante. Un transit gastrique fait a la gastrographine montrait l’extravasation de liquide vers l’hypochondre gauche [Fig 2]. L’intervention chirurgicale était menée
par une incision médiane sus ombilicale. Après ouverture
de l’aponévrose apparaissait en regard de la voussure un
péritoine très épaissi [Fig 3]. La paroi était en effet la limite
antérieure d’une cavité occupant pratiquement tout l’étage
sus-mésocolique.
En dehors d’un énorme caillot sanguin, cette cavité ne
contenait que très peu de liquide. L’odeur qui s’en dégageait était particulièrement fétide. Le fond de la cavité
avait un aspect encéphaloïde. Il était occupé entre autres
par la face antérieure d’un estomac plaqué en arrière et
fixe. Une perforation intéressait la face antérieure du
fundus [fig 4]. La rate était amputée à son pôle supérieur
par une cavité dont le fond était blanchâtre. L’exploration
du reste de la cavité abdominale trouvait un kyste
hydatique appendu au grand épiploon. On a procédé à la
résection de ce kyste puis à une splénectomie. La couche
membranaire tapissant la cavité et le foie était difficilement
décolable. Après une abondante toilette, la perforation
gastrique était suturée sur une sonde de Pezzer, autour de
laquelle avait été tubulisé le grand épiploon.
Une grosse sonde de drainage était placée au niveau de
l’hypochondre gauche. L’examen anatomo-pathologique de
la rate confirmait la nature hydatique des lésions. Au
quatrième jour post-opératoire, la réintervention était
décidée pour lâchage de la suture gastrique. La sonde de
Pezzer n’était plus en place. on s’est décidé cette fois à la
fermeture directe de la perforation. On a procédé par
ailleurs à l’élimination de débris membraneux détachés de
la couche membranaire devenue entre temps plus ramollie.
* Service des urgences chirurgicales viscérales
(Pr S. Balafrej), CHU Avicenne, Rabat, Maroc.
** Service de réanimation des urgences chirurgicales (Pr. A. Sbihi).
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J. OUAFDEL, A.BOUGTAB, A. AMRAOUI, K. FIKRI-O,
A. ASSEM, L. ELALLAME, S. BALAFREJ
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Trois jours après, on réintervenait encore une fois pour
lâchage de la suture. La perforation était plus importante et
la muqueuse gastrique était très exubérante. La libération
de la grosse tubérosité permit au plus l’extério-risation de
la perforation à la partie supérieure de l’incision pariétale.
Le sonde nasale était poussée jusqu’au jéjunum. Quatre
jours plus tard alors que l’alimentation par la sonde
jéjunale avait été commencée, le patient faisait un arrêt
cardiaque qui avait été récupéré. Vingt quatre heure après,
survenait un second arrêt cardiaque cette fois ci fatal.
possible pour traiter le KHS. Des difficultés étaient par
contre apparues pour le traitement de la perforation gastrique. Sa suture, aussi bien sur sonde de pezzer que directe
s’était à chaque fois soldée par un lâchage.L’étage abdominal sus mésocolique était transformé par le kyste en une
énorme cavité, recouverte par une épaisse couche membranaire. Il réalisait ainsi un milieu particulièrement défavorable à toute suture digestive. Seul l’abouchement à la
peau de la perforation gastrique a mis fin au cycle des
lâchages. Il n’empêcha pas cependant le décés du patient
quelques jours après.
COMMENTAIRES
CONCLUSION
La rupture du KHS dans l’estomac est rarissime. On en
veut pour preuve l’absence d’une telle complication dans
plusieurs séries de KHS provenant du Maghreb, région
pourtant très affectée par ce fléau [1,3,4,5,6,8,9,10]. GERINROSE, SILVESTIN, NOTE et MARCIS [in 6] ou encore
ALESSI [2] en ont par contre rapporté quelques cas.
Dans sa localisation splénique le kyste hydatique est
caractérisé par l’importance des adhérences qu’il contracte
avec le diaphragme, la paroi, l’estomac et le colon. Son
évolution est en moyenne de 3 à 4 ans [6]. IL demeure
donc longtemps asymptomatique, se révélant par une
p e s a n t e u r, des douleurs et une sensation de masse de
l’hypochondre gauche. L’échographie sinon le scanner
posent avec précision le diagnostic. L’ouverture du KHS
dans un organe de voisinage (estomac, colon) sanctionne
donc un retard de diagnostic. Elle peut se produire au
niveau d’une adhérence hysto-gastrique.Dans notre cas, la
fistulisation dans l’estomac s’est probablement produite en
deux temps. Les différentes adhérences du KHS ont aboutit
dans un premier temps à l’exclusion de la cavité abdominale sus mésocolique dans laquelle s’est par la suite
ouvert le kyste. Après une période de croissance, comme
en témoignait l’augmentation progressive du volume
abdominal est survenue la rupture dans l’estomac. Pour
DEVE [7] une telle issue donne lieu à l’hydatidémèse.
L’ouverture est ainsi marquée par des douleurs épigastriques suivies par des hématémèses mêlées de vésicules
hydatiques. Chez notre patient des vomissements étaient
survenus brusquement 15 jours auparavant et avaient
abouti à une diminution nette de la voussure épigastrique.
Leur nature était cependant difficile à préciser. Grâce au
transit gastrique à la gastrographine montrant l’extravasation du produit, la diagnostic de perforation gastrique
était posé. Seule la splénectomie était dans notre cas
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Le retard de consultation, et l’issue fatale chez notre
patient donnent tout son sens à ce voeux fait par DEVE [7]
de voir créés dans les pays à grande endémie hydatique, de
véritables dispensaires anti-hydatiques calqués sur l’organisation des dispensaires anti-tuberculeux.
Fig 1 : Radiographie sans préparation
Large niveau hydro-aérique sous phrénique gauche
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Fig 2 : Extravasation de la gastrographine
intra-gastrique par une perforation proximale
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Fig 4 : Enorme cavité d’aspect encéphaloïde
Issue de la sonde gastrique par la perforation
Fig 3 : Incision médiane
susombilicale
Voussure délimitée par un
péritoine très épaissi
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