La webcam en astronomie : une révolution ! (1)
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La webcam en astronomie : une révolution ! (1)
La webcam en astronomie : une révolution ! (1) 1. Introduction Comme en photographie classique, l’imagerie numérique est en train de détrôner la photographie argentique chez les astronomes amateurs. Le passage au numérique s’explique par un certain nombre d’avantages décisifs de cette nouvelle technologie, comme la facilité d’acquisition et de traitement des images. Mais en astronomie, l’avantage essentiel du numérique est la possibilité de fractionner une prise de vue en de nombreux clichés de relativement courte durée, et de ne garder de ceux-ci que les meilleurs – ceux qui n’ont pas été trop dégradés par la turbulence atmosphérique. Les heureux élus peuvent ensuite être additionnés et traités électroniquement à l’aide de logiciels puissants. Le résultat est spectaculaire ; il suffit de feuilleter les pages de Ciel et Espace ou de Sky and Telescope pour constater que les photographies d’amateur atteignent aujourd’hui la qualité de celles obtenues, voici quelques années seulement, par les grands observatoires professionnels ! Bien entendu, ces derniers ont aussi pris le virage du numérique et font aujourd’hui appel à de très performantes – et très coûteuses ! – caméras CCD1. Il existe aussi des caméras CCD conçues pour l’astronomie d’amateur, mais celles-ci sont, pour beaucoup, encore inabordables. Les amateurs peuvent cependant se tourner vers un matériel beaucoup plus accessible, la modeste webcam, initialement prévue pour la visioconférence. Toutes les webcams ne conviennent pas à la prise de vue astronomique. La plus réputée est la Philips Toucam pro (I ou II). Très légère, elle est équipée d’un véritable capteur couleur CCD. Son objectif se dévisse et peut être remplacé par une bague au coulant 31,75 mm, ce qui permet de l’adapter à un télescope ou à une lunette (Fig. 1) ; cette bague, que l’on trouve de plus en plus facilement dans le commerce, peut être filetée pour la munir d’un filtre. Pour l’imagerie dite « planétaire » (Lune, Soleil, planètes – on peut aussi s’amuser avec les étoiles doubles !), le principe de la prise de vue est simple. La caméra, à l’origine, travaille en mode « flux » : elle enregistre un nombre choisi d’images par unité de temps (par exemple 10 images par seconde) ; au bout de 60 secondes, elle aura donc accumulé 600 images, que l’on peut additionner et traiter. Mais pour la plus grande joie des astronomes amateurs, un petit génie de l’électronique, Steve Chambers, a apporté une modification à la caméra qui permet à celle-ci d’effectuer des poses longues – 1 Fig. 1. Philips Toucam pro, capteur couleur d’origine ¼″, modifiée longue pose et couleurs optimisées. On voit ici l’objectif, qui a été remplacé par une bague au coulant 31,75 mm. Le mot CCD est une abréviation de Charged-Coupled Device (dispositif à transfert de charges). 8 plusieurs dizaines de secondes –, et donc de s’attaquer à l’imagerie du ciel profond. Par exemple, la caméra pourra enregistrer un total de 250 images de 10 secondes chacune. Je reviendrai plus loin sur les paramètres d’acquisition, le compositage et le traitement d’images planétaires et du ciel profond. Fig. 2. Philips Toucam pro équipée d’un capteur Sony noir et blanc, modifiée longue pose et mode raw. La coque a été remplacée car le capteur 1/3″ entrait difficilement dans la coque d’origine. On remarque ici le placement d’un filtre à l’extrémité de la bague filetée. Fig. 3. La webcam est placée dans le porte-oculaire grâce à la bague au coulant 31,75 mm. De plus, si on est un peu débrouillard en électronique – ce qui n’est pas mon cas ! –, on peut remplacer le capteur couleur d’origine ¼″ par un capteur CCD noir et blanc ou couleur plus sensible de 1/3″ et même de ½″ (Fig. 2). Il est également facile d’optimiser cette caméra grâce à un logiciel mis au point par Etienne Bonduelle qui est téléchargeable sur Internet : passer en mode « raw » (littéralement « mode brut »), optimiser les couleurs,… Bref, la caméra Philips Toucam pro offre beaucoup de possibilités, que nous devons notamment à ceux qui ont bien voulu partager leurs découvertes sur Internet. Ajoutons qu’une caméra Philips Toucam pro II ne coûte qu’environ 80 euros, mais on en trouve également d’occasion sur ebay, déjà modifiées. J’en possède deux et c’est avec elles que je passe de nombreuses nuits sous la voûte étoilée ! D’autres webcams sont intéressantes : citons ici les caméras Philips Vesta pro et Logitech Quickcam. Quelques sites Internet utiles : • Steve Chambers : http://www.pmdo.com/wintro.htm • Etienne Bonduelle : http://astrosurf.com/astrobond/ebrawf.htm#AviRAW • Danny Loudèche (bagues webcam) : http://www.astromeca.com/ 2. Les logiciels Il existe de nombreux logiciels traitant les images astronomiques. Je vais vous présenter les plus connus, ceux que j’utilise le plus : 9 • QCfocus de Patrick Chevalley, téléchargeable et gratuit : acquisition d’images. Je l’utilise pour l’acquisition d’images planétaires. http://www.astrosurf.org/astropc/qcam/programme.html • Astrosnap Pro d’Axel Canicio : acquisition d’images. La version démo est gratuite ; je l’utilise pour l’acquisition d’images du ciel profond. La version payante offre de nombreuses fonctions très intéressantes (mise en station, autoguidage, etc.). http://www.astrosnap.com/index_fr.html • Iris de Christian Buil, téléchargeable et gratuit : acquisition, compositage et traitements d’images. De prime abord, ce logiciel n’est pas très convivial, mais il propose des leçons permettant d’en éclaircir le fonctionnement. http://www.astrosurf.org/buil/iris/iris.htm • Registax de Cor Berrevoets, téléchargeable et gratuit : compositage et traitement d’images. http://registax.astronomy.net/ • Photoshop 7, payant : logiciel photo. Je l’utilise pour les finitions. • ImageReady 7, fourni avec Photoshop 7. Je l’utilise pour réaliser des animations. • AstroNotes d’Olivier Gousseau, téléchargeable et gratuit. C’est un petit programme très utile, qui permet de noter sur le terrain les réglages, les paramètres et les conditions d’acquisition de la webcam. http://ogousseau.free.fr/astronotes.htm • Simulateurs de planètes et satellites ; ils sont téléchargeables et gratuits : Mars Previewer 2.0 http://www.interstars.net/index.php?logiciel=Mars%20Previewer Jupiter 2.0 de Sylvain Rondi http://www.astrosurf.com/rondi/jupiter/index.htm Satellites of Saturn 2.0 http://members.cox.net/astro7/dansoftware.html 3. L’acquisition des images planétaires Je vous propose de commencer par la planète Mars, qui est actuellement à la « une » de l’actualité. Je fournirai tout au long du processus de réalisation images et explications. La technique expliquée ici est appelée L(RVB) ; on ajoute une image de luminance à l’image couleur. 10 Le matériel utilisé : Télescope Meade ETX 105, dont le rapport f/d est de 15. Pour les images de planètes, on peut pousser le rapport jusqu’à 25 à 45, grâce à l’utilisation d’une ou de deux lentilles de Barlow. Ici, j’utilise une lentille de Barlow × 3 (gentiment prêtée par Claude), ce qui porte le rapport f/d à 45. Le seul inconvénient de l’utilisation d’une Barlow, c’est la forte amplification de la turbulence de l’air qui peut déformer l’image. Il est donc souhaitable d’attendre que la planète soit assez élevée dans le ciel pour commencer les acquisitions, la turbulence étant généralement plus forte à basse altitude. Les conditions météo – vent fort par exemple – peuvent gêner également. Webcam Philips Toucam pro couleur pour obtenir une image couleur ou « RVB » (le rouge, le vert et le bleu étant les trois couleurs primaires). L’utilisation d’un filtre bloquant le rayonnement infrarouge et ultraviolet permet d’obtenir un meilleur rendu de l’image. Philips Toucam pro noir et blanc, dont le capteur est plus sensible que le capteur couleur, et qui permet d’obtenir une image noir et blanc plus détaillée que l’image couleur ; il fournira l’image de luminance ou image « L ». L’utilisation d’un filtre rouge accentuera davantage les détails de la planète… rouge ! Nous voilà donc parés ; mais pour réaliser de belles images, il y a encore quelques étapes à respecter. Le nettoyage des optiques par exemple est crucial : de simples poussières peuvent altérer l’image. Un mélange de 60% d’alcool isopropylique et 40% d’eau déminéralisée conviendra parfaitement ; il suffit de demander à un pharmacien de le préparer en précisant qu’il s’agit de nettoyer des instruments d’optique. Le mélange est appliqué à l’aide d’un mouchoir en papier ou du papier toilette doux, ou d’un coton-tige pour les endroits d’accès difficile ; on laisser sécher et on utilise un spray à air sec pour chasser les peluches éventuelles. Notons qu’il existe des techniques d’imagerie numérique pour effacer les traces laissées sur les images ; j’y reviendrai lorsque je parlerai des images lunaires, solaires et du ciel profond. La mise à température est très importante, car si toute l’optique (télescope, caméra, filtres, lentilles,…) n’est pas en équilibre thermique il y a risque de déformation de l’image, de dépôt de buée, etc. On sortira donc le matériel bien avant le moment choisi pour l’observation. Si l’on prévoit d’observer longtemps, une résistance chauffante ou même un sèche-cheveux peut être d’une grande utilité pour combattre la buée par nuit de forte humidité. La mise en station est cruciale. Un bon suivi permettra de garder la planète dans le champ du capteur, le grossissement étant important avec l’emploi d’une lentille de 11 Fig. 4. Filtre « bricolé » à l’aide d’une boîte de spindle cd, de deux pics à brochettes et d’un peu d’adhésif. Barlow. La collimation doit être irréprochable. La mise au point doit s’effectuer lorsque les instruments sont à température. Il existe plusieurs techniques très simples. J’utilise un filtre à aigrettes (Fig. 4) : il s’agit juste de disposer deux tiges en croix devant la lame de fermeture. En visant une étoile brillante comme Véga, Capella ou Sirius, on voit apparaître des aiguilles autour Fig. 5. Mise au point effectuée sur Vega avec 5s de l’étoile de pose. (Fig. 5) ; c’est moins évident avec un télescope de petit diamètre. Des poses de quelques secondes permettent de mieux faire apparaître les aiguilles. Il suffit d’affiner la mise au point jusqu’à obtenir de belles aigrettes. Si la caméra n’a pas été modifiée pour permettre les longues poses, on peut utiliser un disque de Hartmann ; il s’agit d’un disque percé de trois ou quatre trous que l’on place devant la lame de fermeture (Fig. 6). En visant une étoile brillante on voit apparaître sur l’écran de contrôle trois Fig. 6. Disque « bricolé » en bois fin, percé de trois trous circulaires (merci à Claude, maquettiste !). Fig. 7. La mise au point est effectuée lorsque les trois « étoiles » n’en font plus qu’une. ou quatre « étoiles » ; il suffit d’affiner la mise au point pour fondre ces images et obtenir une seule « étoile » sur l’écran (Fig. 7). Ce disque est aussi utilisé pour vérifier la collimation du télescope. Avant de lancer les acquisitions, il faut encore régler les paramètres de la caméra. L’apparence de l’écran le logiciel Qcfocus et les fenêtres de commande d’une caméra Toucam sont présentés dans les Figs. 8 à 10. On règle ainsi le nombre d’images par seconde, la vitesse, le gain (= la sensibilité), la luminosité, etc. Les réglages peuvent varier d’une instrumentation à une autre. Il faut tester ! Il faut également créer un répertoire où le film (fichier .avi) sera sauvegardé sur le disque dur de l’ordinateur. 12 Fig. 8. L’écran de contrôle du logiciel QCfocus. Fig. 9. Écran de contrôle de la caméra. 13 Fig. 10. Contrôle des paramètres d’acquisition. Une fois cette étape terminée, on peut lancer les acquisitions. Pour les images de Mars présentées ici, j’ai filmé durant 200 secondes à raison de 5 images par seconde pour chaque film (couleur et noir et blanc), qui comprend donc un total de 1 000 images. Il faut veiller à ne pas filmer trop longtemps, sinon la rotation de la planète altérera l’image. Fig. 11. Images brutes extraites des films .avi. Mars apparaît plus petit en noir et blanc (à droite) car la taille des capteurs est différente (1/4″ pour le couleur, 1/3″ pour le noir et blanc ). La taille de l’image couleur sera ajustée ultérieurement à celle de l’image noir et blanc. 14 Voici ce que l’on obtient à l’écran avec les Toucam couleur et noir et blanc (Fig. 11). Pour un profane, ces images peuvent paraître bizarres : elles contiennent des « grains » – elles sont « bruitées ». En fait, il ne s’agit que d’une seule image, disons un instantané. Les problèmes disparaîtront lors des traitements informatiques, que nous aborderons dans le prochain numéro… Joël Bavais Le PC portable auquel est reliée la Webcam. Le télescope Meade ETX 105 (Maksutov-Cassegrain) de 105 mm utilisé pour réaliser les images de cette série d’articles. 15