Identités alimentaires de la jeune diététicienne nutritionniste
Transcription
Identités alimentaires de la jeune diététicienne nutritionniste
UNIVERSITÉ TOULOUSE - JEAN JAURES INSTITUT SUPÉRIEUR DU TOURISME, DE L’HÔTELLERIE ET DE L’ALIMENTATION MASTER ALIMENTATION Parcours « Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation » MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE Identités alimentaires de la jeune diététicienne nutritionniste Présenté par : Aurélie Caumont Année universitaire : 2015 - 2016 Sous la direction de : Anne DUPUY UNIVERSITÉ TOULOUSE - JEAN JAURES INSTITUT SUPÉRIEUR DU TOURISME, DE L’HÔTELLERIE ET DE L’ALIMENTATION MASTER ALIMENTATION Parcours « Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation » MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE Identités alimentaires de la jeune diététicienne nutritionniste Présenté par : Aurélie Caumont Année universitaire : 2015 - 2016 Sous la direction de : Anne DUPUY L’ISTHIA de l’Université Toulouse Jean Jaurès n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les projets tuteurés et mémoires de recherche. Les opinions qui y sont développées doivent être considérées comme propres à leur auteur(e). « La nourriture est beaucoup plus chargée en symboles qu’en glucides, lipides et protides. On mange plus de symboles que de chimie » Boris Cyrulnik (De la parole comme d'une molécule, 1991). Remerciements Je tiens tout d'abord à remercier mon maître de mémoire, Mme Anne Dupuy pour son aide et ses conseils éclairés. Je remercie également les autres professeurs qui ont pu me guider dans mes recherches. Je remercie également les personnes que j'ai pu interviewer, et qui m’ont laissé un peu de leur temps. Je remercie également mes proches pour leur soutien dans mes études et projets. Sommaire REMERCIEMENTS ................................................................................................................... 8 SOMMAIRE ........................................................................................................................... 10 INTRODUCTION .................................................................................................................... 11 PARTIE 1 : CADRE THÉORIQUE .............................................................................................. 14 CHAPITRE 1 : POLITIQUE NUTRITIONNELLE EN FRANCE ..................................................................... 15 CHAPITRE 2 : LE METIER DE DIETETICIEN NUTRITIONNISTE................................................................. 22 CHAPITRE 3 : L’ALIMENTATION DU JEUNE ADULTE ........................................................................... 33 PARTIE 2 : HYPOTHÈSES ........................................................................................................ 43 CHAPITRE 1 : PROBLEMATIQUE ET CONSTRUCTION DES HYPOTHESES .................................................. 44 CHAPITRE 2 : HYPOTHESE 1 : LE COUPLAGE DES NORMES SOCIALES ET PROFESSIONNELLES TEND A UNE RATIONALITE ALIMENTAIRE CHEZ LES JEUNES DIETETICIENNES NUTRITIONNISTES, DANS LE CONTEXTE DE LA NUTRITIONNALISATION ................................................................................................................ 46 CHAPITRE 3 : HYPOTHESE 2 : DANS LE CONTEXTE DE MODERNITE ALIMENTAIRE ET D’UNE REDEFINITION DE LA JEUNESSE, UN DECOUPLAGE ENTRE IDENTITE PROFESSIONNELLE ET PRATIQUES ALIMENTAIRES QUOTIDIENNES APPARAIT ............................................................................................................ 55 PARTIE 3 : MÉTHODOLOGIE PROBATOIRE ............................................................................ 63 CHAPITRE 1 : METHODOLOGIE DE COLLECTE DE DONNEES ................................................................ 65 CHAPITRE 2 : PROTOCOLE DE RECHERCHE ...................................................................................... 71 CHAPITRE 3 : PROPOSITION D'OUTILS PROBATOIRES ........................................................................ 76 CONCLUSION ........................................................................................................................ 82 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................... 85 TABLES DES SIGNES ET ABREVIATIONS ................................................................................. 90 TABLE DES ANNEXES ............................................................................................................. 92 ANNEXE A : GUIDE D’ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 1 ..................................................................... 93 ANNEXE B : GUIDE D’ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 2 ..................................................................... 94 ANNEXE C : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 1 ................................................................................. 97 ANNEXE D : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 2 ............................................................................... 103 ANNEXE E : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 3................................................................................ 107 ANNEXE F : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 4 ................................................................................ 118 ANNEXE G : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 5 ............................................................................... 128 ANNEXE H : QUESTIONNAIRE QUANTITATIF « REPRESENTATION DES DIETETICIENNES »....................... 136 LISTES DES TABLEAUX ......................................................................................................... 144 TABLE DES MATIERES ......................................................................................................... 145 10 Introduction 11 L a nutritionnalisation, caractéristique de la modernité alimentaire, est présente quotidiennement dans la vie des Français, par les campagnes du Plan National Nutrition Santé, ou dans les médias, par la diffusion de normes nutritionnelles, avec en arrière-plan des préoccupations de santé publique dans une lutte contre l’obésité et autres maladies métaboliques. Aussi, les Français et les femmes, notamment, sont mis en présence de normes esthétiques, et cela à travers toutes les époques, avec une évolution notable. Aujourd’hui, les canons de beauté s’attachent à la minceur : « il nous faut être belles, bien nourries certes, mais point trop » (Hubert, 2004). Ce « carcan » est d’autant plus pesant, car véhiculé par les médias, où l’image de ces « belles » femmes est diffusée, et les femmes sont alors soumises à des pressions sociale, culturelle, et morale (Hubert, 2004). Ainsi, les diététiciennes seraient au cœur de ces préoccupations, à la fois dispensaires de la « bonne parole nutritionnelle » mais également femmes dans une société occidentale basée sur une image particulière de la « belle » femme. J’ai choisi de m’attacher à ce sujet, de par ma propre expérience. Egalement diététicienne nutritionniste, je trouvais intéressant d’étudier le rapport des étudiants à l’alimentation, et en me focalisant davantage sur les jeunes diététiciennes nutritionnistes récemment diplômées. J’ai privilégié les femmes plutôt que les hommes, notamment par les motivations à exercer le métier qui diffèrent, d’ordre plus sportives pour les hommes, et plus sociales pour les femmes. Aussi, le rapport à l’alimentation est différent entre hommes et femmes, elles-mêmes plus perméables au discours nutritionnel. Ma question de départ a été la suivante : la formation de diététique entraîne-t-elle une modification des habitudes alimentaires chez ses étudiantes ? Au fil des recherches et de mes questionnements, j’ai choisi de me resituer sur l’alimentation des diététiciennesnutritionnistes, afin d’obtenir une vision plus globale et de saisir toute la complexité du sujet, notamment à travers la définition des politiques publiques de santé, l’identité professionnelle, le contexte générationnel. Dès lors une problématique a pu être dégagée : Quelles identités influencent les modèles, les représentations et les pratiques alimentaires des jeunes diététiciennes nutritionnistes ? 12 Dans un temps, nous replacerons notre sujet par l’étude des différents concepts, au moyen d’une revue littéraire, à savoir : les politiques nutritionnelles en France, par leur définition et contextualisation ; le métier de diététicien nutritionniste avec les caractéristiques des études et une sous-partie abordant les étudiantes ; et enfin l’alimentation du jeune adulte, catégorie dans laquelle se situent les diététiciennes, avec différents sous-thèmes : pratiques alimentaires, le « bien manger », l’identité alimentaire des jeunes et les particularités féminines. Dans une seconde partie, nous aborderons la construction de notre problématique, ainsi que deux hypothèses qui peuvent en découler et leurs analyses au vu des entretiens exploratoires effectués. Enfin dans une dernière partie, nous proposerons une méthodologie probatoire, après avoir défini les outils, afin de confirmer ou infirmer nos hypothèses. 13 PARTIE 1 : CADRE THÉORIQUE 14 Afin de contextualiser l’étude présente, un éclairage est nécessaire sur les thèmes qui la composent, et cela dans le but d’aboutir à une problématique. En premier lieu, le thème des politiques nutritionnelles en France sera développé, au travers de leur définition et leur contextualisation dans la modernité alimentaire. Ensuite, sera fait un focus sur le métier de diététicien-nutritionniste et les étudiants. Enfin nous verrons les éléments caractérisant l’alimentation des jeunes, échantillon dans lequel se situent les sujets de notre étude, et cela à travers l’alimentation, leurs pratiques alimentaires, leurs représentations et un rapport plus spécifique des jeunes femmes à l’alimentation. Chapitre 1 : Politique nutritionnelle en France En France, la politique nutritionnelle s’articule autour de deux programmes, cela depuis 2010, avec « un programme gouvernemental quinquennal relatif à la nutrition et à la santé (Code de la santé publique article L. 3231-1) ainsi qu’un programme gouvernemental pour l’alimentation (Code rural, article L. 230-1) »1. Ils sont définis par trois textes : le Plan National Nutrition Santé (PNNS), le Plan Obésité (PO) et le Plan National pour l’Alimentation (PNA). Le premier texte est la base de cette politique, initié en 2001 et encore présent de nos jours. Il fera l’objet d’une sous-partie afin de le développer. Le Plan Obésité s’attache à la prévention et la prise en charge de l’obésité « afin d’enrayer la progression de la maladie et de faire face à ses conséquences médicales et sociales »2. Ces deux textes s’unissent donc autour de la nutrition et sont complémentaires. Le Plan National pour l’Alimentation « vise à assurer à la population l'accès, dans des conditions économiquement acceptables par tous, à une alimentation sûre, diversifiée, en quantité suffisante, de bonne qualité gustative et nutritionnelle, produite dans des conditions durables. Elle vise à offrir à chacun les conditions du choix de son alimentation en fonction de ses souhaits, de ses contraintes et de ses besoins nutritionnels, pour son 1 Manger Bouger. Qu’est-ce que le PNNS ? [en ligne]. Disponible sur http://www.mangerbouger.fr/PNNS/Le-PNNS/Qu-estce-que-le-PNNS (consulté en novembre 2015). 2 Ministère des Affaires Sociales et de la Santé. Plan Obésité 2010 – 2013, 2011, p. 5 [en ligne]. Disponible sur http://socialsante.gouv.fr/IMG/pdf/Plan_Obesite_2010_2013.pdf (consulté en novembre 2015). 15 bien-être et sa santé »3. Dans cet exposé, nous nous intéresserons davantage au PNNS, étant donnée sa primauté et son évolution à travers les années. 1. Un Programme National Nutrition Santé améliorant l’état de santé de la population… En 2001, l’Agence Nationale Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), devenue l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), lance le Programme National Nutrition Santé. Il a pour objectif d’améliorer l’état de santé général de la population française, via la nutrition. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la santé relève d’un « état de complet de bienêtre physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité », et cela depuis 19464. C’est dans ce cadre que la nutrition s’intègre dans le bienêtre, permettant ainsi de « sauvegarder un capital physiologique de bien-être, également parce que la nutrition permet de contrôler son corps. Appartenant aux différents éléments du bien-être qui désormais définissent la santé, la nutrition renvoie donc elle-aussi à la santé. » (Romeyer, 2015, p 44). Aujourd’hui, la 3ème version du PNNS touche à sa fin, le programme est reconduit jusqu’en 2020 avec le PNNS 4. Les objectifs du programme sont définis par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), et s’articulent autour de quatre thèmes : « Réduire l’obésité et le surpoids dans la population ; Augmenter l’activité physique et diminuer la sédentarité à tous les âges ; Améliorer les pratiques alimentaires et les apports nutritionnels, notamment chez les populations à risque ; Réduire la prévalence des pathologies nutritionnelles. »5 3 Legifrance.gouv.com. Code rural et de la pêche maritime, [en ligne]. Disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071367&idArticle=LEGIARTI0000226573 88&dateTexte=&categorieLien=id (consulté en novembre 2015). 4 Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. 1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948. 5 Ministère des Affaires Sociales et de la santé. Manger Bouger. Le PNNS 2011 – 2015, [en ligne]. Disponible sur http://www.mangerbouger.fr/PNNS/Le-PNNS/Le-PNNS-2011-2015 (consulté en novembre 2015). 16 Cependant, il est nécessaire d’étudier l’évolution des différents PNNS, afin de comprendre comment a évolué en France la vision de la nutrition ainsi que l’ancrage des PNNS au sein de la vie quotidienne des Français. Le premier programme alarme sur la situation de l’état nutritionnel français et de l’obésité. L’utilisation de termes forts « l’angoisse », « confusion », « gronde », « excès », « inquiétant » 6 , permettait d’expliquer la nécessité d’un tel programme nutritionnel en France, de l’ancrer au sein des esprits et de « construire l’intérêt public de la question » (Romeyer, 2015, p 48) tout en légitimant l’action publique. Le second programme, lancé en 2006, argumente la nécessité du programme en déterminant des moyens d’action : « enjeu majeur de santé publique », « véritable politique », « un plan d’action », « un ciblage », « mobilisation de tous les acteurs », « faire évoluer les comportements »7. La rédaction du troisième programme, qui débute en 2011, a été confiée à une agence de communication. En 2011, il n’y a plus de nécessité à persuader de l’urgence de la situation, il constitue l’étape de professionnalisation dans une approche globale de la nutrition. Avec des caractéristiques linguistiques et des lignes éditoriales différentes, les trois PNNS ont donc des visées diverses. Cependant, trois aspects ressortent chez chacun d’eux (Romeyer, 2015, p 50 – 51) : « Ils sont unanimes sur la nécessité de « mettre en place » […] Le PNNS 1 est « un système de surveillance », « un réseau » ou encore « un comité », c’est-à-dire qu’il faut se donner les moyens de mesurer précisément l’ampleur du problème. Pour le PNNS 2, ce qui est important c’est la mise en œuvre de « formations », de « repérage » et un « étiquetage » [afin de] repérer les critères de bonne nutrition définis par les réglementations promues par ce texte et les labelliser comme les « bons » repères. Le troisième PNNS entend, lui, mettre en place des « interventions 6 Ministère des Affaires Sociales et de la Santé. Manger Bouger. Le PNNS 2001-2005. Editorial de Bernard Kouchner, p. 2. [en ligne] Disponible sur http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan.pdf (consulté en novembre 2015). 7 Ministère des Affaires Sociales et de la Santé. Manger Bouger. Le PNNS 2006-20010. Editorial de Xavier Bertrand, p. 2. [en ligne] Disponible sur http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/PNNS_2011-2015.pdf, (consulté en novembre 2015). 17 spécifiques » pour certains publics, comme les femmes par exemple. Il met en place une « stratégie de communication » et un « observatoire » ; Deuxième élément transversal aux trois textes, la présence d’un risque qu’il s’agit de réduire ; La nécessité de « réduire » est omniprésente dans les trois programmes […] Ce qu’il faut réduire, c’est le troisième élément transversal, le surpoids, l’obésité, l’exposition aux risques ou la consommation de tel ou tel aliment. Et dans chaque programme, le taux de réduction à atteindre est affiché. » Ainsi ces textes promeuvent des comportements favorables en fonction des différentes populations, en se précisant lors de chaque programme. On a alors une évolution du discours et une précision dans l’action. Cependant les PNNS ne s’attachent pas seulement à la dimension biologique pure de la nutrition. En effet, elle prend en compte « la triple dimension biologique, symbolique et sociale de l’acte alimentaire »8, et cela avec une approche positive, avec la promotion de moyens d’action et non par l’interdiction, et avec un dynamisme orienté vers le plaisir, la convivialité et la gastronomie. Ainsi, c’est certainement dans ce dynamisme et dans cette logique de promotion d’un mode de vie sain, en adéquation avec les valeurs que peuvent partager les Français, que les programmes nationaux de nutrition ont pu porter leurs fruits. En effet, selon l’Etude Nationale Nutrition Santé (ENNS) de 2006, les Français ont semble-t-il bien assimilé les recommandations du PNNS, notamment par l’augmentation de la consommation de fruits et légumes, la diminution de la consommation de sel, et l’augmentation de l’activité physique. Cependant des disparités sont constatées selon les groupes de population, et c’est dans ce cadre que le rapport du Pr Serge Hercberg de 2012 intervient en proposant des mesures « pour réduire le caractère abrupt du gradient social de la santé, les actions doivent être universelles, mais se caractériser par une échelle et une intensité proportionnelles au désavantage social ».9 8 Ministère des Affaires Sociales et de la Santé. Manger Bouger. Le PNNS 2001-2005, p. 9. [en ligne] Disponible sur http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/1n1.pdf (consulté en novembre 2015). 9 Rapport – Propositions pour un nouvel élan de la politique nutritionnelle française de santé publique dans le cadre de la Stratégie Nationale de Santé, Pr Serge Hercberg, p 128, 2013 [en ligne]. Disponible sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000068.pdf (consulté en novembre 2015). 18 Actuellement, le PNNS est donc un « continuum de trois textes », selon Romeyer, qui reflète avant tout leurs évolution et pérennisation, notamment dans leurs discours mais aussi dans leurs similitudes. Pourtant, il est nécessaire de transposer les différents PNNS au sein de la situation alimentaire actuelle dans les pays occidentaux, à savoir la modernité alimentaire, sujet qui sera abordé dans la partie suivante. 2. … Et médicalisant la vie quotidienne ? La modernité alimentaire se réfère à l’état actuel de l’alimentation. L’évolution des pratiques et normes des individus a impacté notamment l’espace social alimentaire (Poulain, 1997), définit par six éléments : Le mangeable, à savoir ce que les individus définissent comme aliments ; Le système alimentaire, qui regroupe la production, transformation et distribution de l’alimentation ; Le culinaire, qui reprend les opérations techniques et symboliques contribuant à l’appropriation d’un aliment ; Les modèles de consommation, regroupant les manières de table, position et formes des repas ; La temporalité alimentaire, avec notamment les cycles de consommation ; La différenciation sociale, dans laquelle l’alimentation marque les différences sociales, ethnoculturelles, genrées. La modernité alimentaire s’articule autour de divers thèmes, tendant à modifier les liens sociaux (Poulain, 2013). On retrouve la patrimonialisation, la politisation, la judiciarisation, le bien-être animal, l’environnementalisation et la médicalisation. Dans notre contexte étudié, à savoir celui des politiques nutritionnelles françaises, nous nous intéressons principalement à la médicalisation. Elle désigne « le processus par lequel cet acte de la vie quotidienne – l’alimentation – est défini, décrit, et pensé en termes médicaux » (Burnier, Dubois, 2012). Cette notion de médicalisation est employée dans divers domaines de la vie quotidienne. La médicalisation de l’alimentation peut être catégorisée en deux fonctions : la première faisant partie de la prise en charge du régime alimentaire dans le cadre d’une pathologie et la seconde dans le cadre de la prévention, 19 correspondant à la « diffusion des connaissances nutritionnelles dans le corps social à travers différents vecteurs » (Poulain, 2013). Les différentes politiques nutritionnelles en France rentrent dans ce cadre-là, avec une fonction que l’on pourrait qualifier de normalisatrice (Foucault, 1976, in Poulain 2012). En effet, les PNNS imposent dans leurs différentes campagnes des normes de consommation et de pratique à adopter : 5 fruits et légumes par jour, 30 minutes d’activité physique par jour et cela à travers différents moyens : campagnes télévisées, publicités dans des magazines, livrets d’éducation nutritionnelle adaptés à chaque population et besoin… Ainsi la diffusion de ces normes, ces règles nutritionnelles, tend à évoquer un terme différent de la médicalisation, celui de la nutritionnalisation (Poulain, 2013). La nutritionnalisation serait d’autant plus facilitée par la pression d’un modèle esthétique mince (Poulain, 2013), avec la préservation du corps dans le « désenchantement du monde » de Weber. La médicalisation tend alors également à modifier les rationalités, où de nouvelles formes s’imposent aux anciennes. La vulgarisation des informations ainsi apportées au profane, permet une diffusion facilitée et massive, comme explicité dans la partie précédente. Cette vulgarisation, peut aussi permettre de parler « démédicalisation », selon Hélène Romeyer, étant donné les supports différents diffusés aux professionnels et ceux destinés au grand public. En effet, pour ces derniers, le langage adopté est dénué de termes médicaux, ou de référence à des pathologies, laissant transparaître un discours peu anxiogène. A travers ces documents, une particularité française se laisse entrevoir, à savoir le lien entre l’alimentation et le plaisir. Les politiques nutritionnelles mettent davantage en avant le bien-être, avec la mise en avant des pratiques culinaires par la diffusion de recettes ou encore l’outil « La Fabrique à menu »10, que la lutte contre les pathologies métaboliques. Démédicaliser permet d’articuler les connaissances de la nutrition autour des dimensions socioculturelles de l’alimentation (Basdevant, 2011). Pour autant, il ne faut pas dénigrer l’aspect de politisation que les PNNS soustendent. En effet ces programmes sont rédigés par des « experts » de la nutrition dans le cadre de problème de santé publique et des dernières crises sanitaires. La présence de l’Etat 10 Manger, Bouger. La Fabrique à menu. [en ligne]. Disponible sur http://www.mangerbouger.fr/Manger-Mieux/Vosoutils/Fabrique-a-menus (consulté en novembre 2015). 20 dans la nutrition permet donc de légitimer l’importance de ce domaine et aussi de se protéger lors de véritable crise. Les politiques nutritionnelles en France sont donc diffusées, principalement, au grand public par des vecteurs médiatiques, et les véritables experts de la nutrition sont rarement présents, alors que l’action publique en faveur de ce domaine tend à se séparer du domaine de l’alimentation. Dès lors il est intéressant de se pencher sur les premiers dispensaires du discours du PNNS, les diététiciens nutritionnistes. Quelle est leur véritable place dans une société qui se nutritionnalise ? Suivent-ils les mêmes évolutions que leur domaine de prédilection, sans cesse en mutation scientifique et sociale ? Ces questions seront abordées dans la partie suivante de notre cadrage théorique. 21 Chapitre 2 : Le métier de diététicien nutritionniste Au vue de l’omniprésence de la promotion d’une alimentation saine que ce soit à travers des politiques de santé publique ou bien les autres médias, il serait judicieux de penser que le métier de diététicien-nutritionniste est une profession reconnue et fortement répandue. C’est dans ce cadre que nous allons nous intéresser à ce métier dans cette partie afin de pouvoir faire un état des lieux de la profession et exposer les difficultés qu’il peut rencontrer et également nous focaliser sur les étudiants de cette filière. 1. Le métier et les études… Afin d’appréhender au mieux les aspects du métier, une approche basée sur le cadre réglementaire du métier ainsi que sur son évolution sera nécessaire. 1.1. Cadre réglementaire et champs d’action La profession de diététicien est réglementée depuis 1952, et s’est développée notamment grâce au Professeur Jean Trémolières, considéré comme l’un des pères de la nutrition moderne en France. Le métier est reconnu comme une profession paramédicale depuis l’arrêté ministériel du 25 septembre 1995 et a été redéfini récemment comme « toute personne qui, habituellement, dispense des conseils nutritionnels et, sur prescription médicale, participe à l'éducation et à la rééducation nutritionnelle des patients atteints de troubles du métabolisme ou de l'alimentation, par l'établissement d'un bilan diététique personnalisé et une éducation diététique adaptée. Les diététiciens contribuent à la définition, à l'évaluation et au contrôle de la qualité de l'alimentation servie en collectivité, ainsi qu'aux activités de prévention en santé publique relevant du champ de la nutrition. »11 Communément, on parle de diététicien, pour autant l’emploi d’un qualificatif est possible, d’où l’emploi régulier dans cet exposé du terme « diététicien-nutritionniste ». Le métier s’exerce dans divers champs d’activité. Le domaine principal d’action regroupe les établissements de soin. En effet il regroupe environ 70 à 76 % des diététiciens 11 Legifrance.gouv.com. Loi relative à l'organisation de certaines professions de santé [en ligne]. Disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000822417&categorieLien=id (consulté en novembre 2015). 22 en activité12. Dans ce cas, les diététiciens sont le garant d’une alimentation équilibrée et en adéquation avec les besoins des patients, car ils font le lien entre la restauration collective et les services médicalisés. Ils participent également au diagnostic diététique, à un rôle d’éducateurs dans la gestion de nouveaux régimes alimentaires adaptés aux pathologies des patients et également de prévention. Pour autant, ce secteur peine à recruter davantage étant donné les restrictions économiques qu’il connaît. De plus, il est confronté à des difficultés de reconnaissance, notamment par l’absence de service de nutrition dans certaines structures, par une assimilation du métier de diététicien à celui de cuisinier ou de responsable de cuisine, omettant l’aspect des soins, ou encore par une scission des responsabilités floue avec certains soignants13, qui pour certains prennent possession des missions des diététiciens. Ainsi s’est ainsi créé un « « cercle vicieux » : ayant peu de débouchés professionnels dans le système de soin, les diététiciens ont dû trouver d’autres débouchés, l’existence de ces débouchés étant utilisée maintenant pour continuer à bloquer leur meilleure insertion dans le système de soins »14. Ensuite, les diététiciens peuvent exercer dans le secteur du libéral, avec 13 % de diététiciens actifs. Ils reçoivent principalement des patients qui viennent spontanément ou dans de rares cas sur prescription médicale. Ils peuvent s’occuper de rééquilibrer leurs alimentations ou assurer des suivis diététiques personnalisés notamment face à des pathologies particulières. Le diététicien peut également devenir formateur ou intervenant dans des entreprises ou collectivités. Le secteur libéral connaît aussi des difficultés, certains professionnels cumulent d’autres activités 15 , étant données les charges financières importantes. Le troisième secteur dans lequel le diététicien intervient est celui de la restauration collective. Il veille au respect des recommandations nutritionnelles par la création de menus équilibrés et adaptés aux besoins des convives et à la sécurité alimentaire. 12 Professeur Michel Krempf – AFDN. Rapport sur l’évolution du métier de diététicien [en ligne]. Disponible sur www.afdn.org/fileadmin/pdf/rapport_krempf.pdf (consulté en décembre 2015). 13 Professeur Michel Krempf – AFDN. Rapport sur l’évolution du métier de diététicien [en ligne]. Disponible sur www.afdn.org/fileadmin/pdf/rapport_krempf.pdf (consulté en décembre 2015). 14 Professeur Michel Krempf – AFDN. Rapport sur l’évolution du métier de diététicien [en ligne]. Disponible sur www.afdn.org/fileadmin/pdf/rapport_krempf.pdf (consulté en décembre 2015). 15 Pôle Emploi. Fiche métier Diététicien(ne) [en ligne]. Disponible sur http://www.pole-emploi.fr/actualites/dieteticien-ne-@/article.jspz?id=61874 (consulté en janvier 2016). 23 Plus rare, il est possible de rencontrer des diététiciens dans des structures de santé publique, où ils jouent un rôle de prévention en matière de nutrition et de promotion de la santé. On retrouve les diététiciens dans d’autres domaines, de façon beaucoup plus singulière, à savoir dans les industries alimentaires et pharmaco-diététiques dans l’élaboration de produits ou des call centers, ou encore dans des structures de recherche. Ainsi de nouveaux secteurs d’activité pour la profession se développent. En 2013, un rapport sur les professions de santé de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), fait un état des lieux notamment des secteurs d’activités des diététiciens-nutritionnistes. Pour un pourcentage, presque similaire, entre les diététiciens de moins de 25 ans et ceux âgés entre 50 à 54 ans, les secteurs d’activité diffèrent : le secteur sanitaire est largement plus représenté chez les plus jeunes, tout comme le secteur de la communication, marketing et médias tandis que chez les diététiciens plus âgés, les secteurs prépondérant sont l’enseignement, la recherche, l’administration, le contrôle. Dans le domaine du soin, tout secteur confondu on note 10 % d’écart d’activités au profit des plus âgés. La précarité de la situation des jeunes diététiciens est remarquable par le fort taux d’embauche en intérim. Actuellement, le secteur qui se développe le plus en France est celui des centres d’amaigrissements. Le leader en France, Natur House, a gagné 25 % en croissance lors de l’année de 2014 et comptabilise aujourd’hui 538 centres, 78 de plus qu’en 2014 et est le premier employeur de diététicien16. Il est en concurrence directe avec le secteur du libéral. Après avoir exposé dans cette partie un contexte général sur le métier, il est nécessaire d’aborder le(s) parcours à emprunter afin de mieux cerner les particularités de ce métier. 1.2. Les diplômes qualifiants L’exercice de la profession est autorisé par l’obtention de deux diplômes : le Brevet de Technicien Supérieur (BTS) Diététique créé en 1949 et Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) de Génie Biologique option Diététique plus récent. 16 Natur House [en ligne]. Disponible sur http://www.naturhouse.fr/ (consulté en février 2016). 24 Le BTS Diététique regroupe différentes disciplines : biochimie, physiologie, bases physiopathologiques, nutrition, connaissance de l’aliment, régime, techniques culinaires, gestion et droit. Cet examen est préparé dans des établissements publics, privés sous contrat et privés. L’examen est national. En 2000, 2522 candidats se sont présentés et 953 ont été admis, soit 37,79 % de succès. C’est un des BTS avec le plus faible taux de réussite. Pour le second examen, le DUT, la première année est commune aux autres DUT de Génie Biologique. Les matières enseignées y sont très générales, on retrouve des mathématiques, de la physique, de la chimie et de la physiologie notamment. C’est en seconde année où les enseignements sont spécialisés suivant l’option : sciences de l’alimentation, la physiopathologie, les régimes thérapeutiques et également la gestion qualité et la communication. Les étudiants menant à terme leurs études obtiennent en grande majorité le diplôme, avec 90 % de réussite. Ces formations sont donc très denses sur deux ans, compte tenu des connaissances à acquérir, disparates entre elles, et incomplètes, par l’absence d’enseignement véritable de psychologie et sociologie, ou encore de pratique, sur les méthodes pour mener à bien une consultation ou une intervention de type formation. Les études de diététique ont une seconde singularité, à savoir la durée des études qui est moindre que dans les autres pays européens, pour la même profession, comme le résume l’AFDN : Tableau 1 : Tableau comparatif des années d’étude du métier de diététicien, selon les pays européens Pays Irlande Hollande Autriche Allemagne Belgique Danemark Suède Royaume-Uni Grèce Espagne Italie France Nombre d’heures d’enseignements et de stage 7 200 6 720 6 600 5 244 5 148 4 958 4 800 4 350 3 840 3 600 3 567 2 400 Années 4,5 4 3 3 3 3 3 4 4 3 3 2 Source : AFDN 25 Les programmes sont différents dans chacun des pays. Cependant, la plupart des pays fonctionne sur le même principe de bachelor, après trois ans d’études les élèves obtiennent le Bachelor of Sciences (BcS), ce qui offre une reconnaissance des capacités, et les études sont susceptibles d’être poursuivies jusqu’à un doctorat. Dans ce tableau, seuls la France, le Danemark et l’Allemagne ne sont pas diplômants pour le BcS. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, en France, un projet d’une formation universitaire unique est réfléchi, afin de créer un Diplôme d’état homogénéisant les connaissances, équivalent au grade de la licence. Cette formation aura pour but « d’harmoniser les cursus paramédicaux, les pratiques diététiques, d’aligner la formation au niveau européen, […] d’améliorer la coopération interprofessionnelle et d’affirmer et légitimer la place du diététicien dans la santé, l’alimentation et la nutrition. »17 Ce cursus en bac + 3 aura la possibilité d’être prolongé à un niveau de master voire de doctorat. Pour autant, la mise en place de ce nouveau cursus est compliquée par le changement de qualification qui sera engendré. En effet, le passage à un niveau de licence crée à la fois un diplôme semblable au statut de cadre et donc au-dessus du niveau exigé actuellement pour le recrutement de diététiciens. En attendant la modification de la formation, l’Association Française des Diététiciens Nutritionnistes (ADFN) a pris les devants en rédigeant la charte du diététicien, établie sur quatre points : « Respect des principes d’objectivité, d’équité, d’intégrité et de transparence ; Promotion de la santé et du bien-être des personnes par une alimentation adaptée, en proposant à tous les individus les possibilités d’optimiser pleinement leur « potentiel » santé ; Promotion et développement professionnel ; Reconnaissance des compétences des autres professions travaillant au bénéfice de la santé des personnes et engagement à réaliser son exercice professionnel en collaboration pluridisciplinaire. » 18 17 AFDN. Vivre et faire vivre la profession de Diététicien – Nutritionniste [en ligne]. Disponible sur http://www.afdn.org/fileadmin/pdf/ppt-vivre-et-faire-vivre-la-profession.pdf (consulté en mars 2016). 18 AFDN. Charte de déontologie du diététicien – nutritionniste [en ligne]. Disponible sur http://www.afdn.org/fileadmin/pdf/charte-deontologie.pdf (consulté en mars 2016). 26 Cette charte permet de montrer l’unité des diététiciens afin de pouvoir être reconnue et faire avancer les pourparlers sur le remaniement de la formation. Et c’est dans ce contexte, où le métier est en évolution dans ses secteurs d’activité et où la formation est récente et en ballotage, que des jeunes se lancent dans les études de diététicien. C’est ce qui nous amène à la partie suivante abordant les étudiants, leurs motivations, et les aspects identitaires que la formation de diététicien pourrait faire évoluer chez ses étudiants. 2. … et les étudiants Les étudiants en formation pour devenir des diététiciens nutritionnistes sont en majorité des femmes, représentant près de 95 % des 8 525 professionnels recensés en 2013, comme indiqué dans le rapport de la DREES. Afin de pouvoir saisir les enjeux qui s’articulent autour de ces études nous développerons les causes qui motivent le choix de cette formation et le contexte identitaire qui en découle, en nous attardant principalement sur les femmes. 2.1. Motivations à exercer… 2.1.1. Contexte actuel de la modernité alimentaire Le choix de la formation de diététicien, qui fait partie des professions paramédicales et de rééducation, repose de manière prépondérante sur des motivations intrinsèques au métier : conseiller les patients, travailler dans le domaine du soin, participer à la rééducation alimentaire, travailler dans le domaine de l’alimentation avec l’alliance de la cuisine,… Pour autant, la modernité alimentaire, et plus particulièrement, la médicalisation et la nutritionnalisation de la société crée un véritable effet d’aubaine pour les étudiants. La majorité des étudiants proviennent en effet de filière scientifique, avec des baccalauréats Scientifique (S) ou Sciences et Technologies de la Santé et du Social (ST2S). On retrouve bon nombre d’étudiants, 13 %19, pour qui la filière de la diététique est un second choix, après une première année ou un premier cursus échoué ou déprécié, notamment après une 19 DigiSchoolOrientation.com. BTS Diététique [en ligne], Disponible sur http://www.orientation.com/diplomes/btsdietetique.html (consulté en mars 2016). 27 première année commune aux études de santé (PACES). Egalement, de nombreuses reconversions sont recensées chez les étudiants de diététiques, 27 %, dont les critères de la modernité alimentaire, participe aux motivations extrinsèques à choisir cette profession. Les étudiants en diététique retiennent alors davantage la pensée d’Hippocrate, « que ton alimentation soit ta première médecine », véhiculé à travers les politiques nutritionnelles ou tous les médias disponibles : télévision, magazine de santé, réseaux sociaux et se dirigent vers cette formation. C’est ainsi que se crée un engouement pour le métier de diététicien, avec pourtant une redéfinition des perspectives de carrières, comme nous allons le développer. 2.1.2. Légitimité Le BTS Diététique, ainsi que le DUT Génie Biologique option Diététique, sont des filières sélectives, avec, notamment, un taux de pression de 4 pour l’académie de Toulouse, de 1,62 pour l’académie de Marseille, ou encore 3,5 pour l’académie de Clermont – Ferrand, pour les BTS, faisant partie des taux de pression les plus élevés dans ces académies. La profession, qui est saturée, comme vu précédemment, connaît pour autant une augmentation du nombre de formations dispensées et la poursuite d'études est de plus en plus souhaitée et souhaitable pour les étudiants afin d’obtenir plus de compétences et se démarquer des autres diplômés. Ainsi la formation est en évolution à la fois dans les techniques et des sciences, comme vu précédemment avec la resectoriarisation des activités mais également par des conditions sociales et économiques, comme la précarité de la profession ou la montée des politiques de santé publique (Gagnon, Guay, 1988). Les formations envisagées sont de l’ordre de formations de courte durée de type licence professionnelle, certificats, ou diplôme universitaire, à la filière universitaire (licence, maîtrise,…) ou encore préparant à l'entrée dans des grandes écoles (écoles d'ingénieurs,…), et sont spécialisées davantage en nutrition et diététique ou dans le domaine de l'enseignement, de la qualité, de l’agro-alimentaire, de la restauration collective, des pathologies ou populations particulières, ou encore en sciences sociales. A travers la poursuite des études, les diplômés recherchent principalement plus de légitimité, que l’on peut définir « comme un processus culturel par lequel une autorité ou un pouvoir est reconnu et accepté par un groupe social déterminé » et cela dans « le milieu 28 de travail qui reconnaît l’autorité cognitive et le pouvoir professionnel et un milieu social plus large » (Gagnon, Guay, 1988, op. cit.). Cette nécessité d’être plus qualifié montre les faiblesses de la formation initiale. Cette volonté de poursuite des études afin d’obtenir plus de légitimité et de responsabilités participe à la construction d’une identité particulière des jeunes diplômés, qui sera davantage développée dans la partie suivante. 2.2. … Et identité professionnelle La socialisation est un « processus par lesquels l’individu devient membre d’un groupe social. Il intègre les valeurs, les normes et attitudes de ce groupe. Ces valeurs, normes, ne sont pas statiques et participent à la construction des identités »20. On distingue la socialisation primaire qui « correspond à la période de l’enfance. Ce processus s’effectue d’abord dans la famille qui en constitue l’instance principale ; son action est essentielle pour la structuration de l’identité sociale » (Castra, 2013) et la socialisation secondaire qui « se fonde sur les acquis de la socialisation primaire, les prolonge et éventuellement les transforme. Elle permet aux adultes de s’intégrer à des groupes spécifiques (travail, association, parti politique…) » (Castra, 2013, op. cit.). Dans le cadre de notre étude, nous allons principalement nous intéresser à la socialisation secondaire, plus précisément la socialisation professionnelle et l’identité de l’individu. L’identité est un « processus par lequel s’exprime ce que l’on « est ». Il s’agit d’un construit social au moins autant qu’un déterminisme »21. La construction de l’identité prend alors en compte trois concepts : l’un individuel, attrait à la personne, l’un social et l’autre culturel attrait au collectif. L’identité professionnelle est permise, selon Carr-Saunders et Wilson par, « la mise en place d’une formation spécifique fondée sur un « corps systématique de théorie » » (Dubar, 2000, p 132). La socialisation secondaire est « l’incorporation de savoirs spécialisés, que nous appellerons savoirs professionnels, qui constituent des savoirs d’un genre nouveau. Ce sont des machineries conceptuelles comprenant un vocabulaire, des recettes, un programme formalisé et un véritable « univers 20 Tibère Laurence. Socio – Anthropologie de l’Alimentation. M1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, ISTHIA, 2015. 21 Tibère Laurence. Socio – Anthropologie de l’Alimentation. M1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, ISTHIA, 2015. 29 symbolique » » (Dubar, 2000, p 99, op. cit.). Ainsi la place des études est prépondérante dans l’évolution de l’identité professionnelle de l’individu, elle-même faisant partie d’une dynamique de légitimation (Dubar, 2000, p 134, op. cit.). La socialisation professionnelle est composée, selon Hughes dans un article sur la « fabrication d’un médecin », par trois mécanismes que l’on peut transposer tout aussi bien pour les diététiciennes-nutritionnistes (Dubar, 2000, p 139 – 142, op.cit.). Le premier étant « l’immersion dans la culture professionnelle qui apparaît brutalement comme l’ « « inverse » de la culture profane », qui est une étape qui peut se dérouler notamment, lors du commencement des études, ou lorsque des règles diététiques apprises se retrouvent en opposition avec des normes ou pratiques de l’individu. Pour autant, cette ambiguïté entre « l’identification progressive et le rôle » peut se dissiper par un « renoncement aux stéréotypes professionnels concernant la nature des tâches, la conception du rôle, l’anticipation des carrières et l’image de soi » (Dubar, 2000, p 139, op. cit.). Le second mécanisme implique « l’installation de la dualité entre le modèle idéal qui caractérise la dignité de la profession et le modèle pratique qui concerne les tâches quotidiennes et les durs travaux ». Ici, l’idéalisation du métier peut en être l’exemple. Le dernier mécanisme caractérise la phase de « conversion ultime, par abandon et refoulement des stéréotypes, et de dualité entre le « modèle idéal » et « normes pratiques ». Il concerne l’ajustement de la conception de soi, c’est-à-dire de son identité en voie de constitution impliquant « la prise de conscience de ses capacités physiques, mentales et personnelles, de ses goûts et dégoûts » ». Ici, l’individu fait le lien entre son identité primaire et son identité professionnelle, dite spécialisée. Pour Goffman, l’une des clés de la conception de l’identité réside en la qualité d’une personne en fonction de sa capacité à respecter les règles de l’interaction. Ces règles d’interaction sont notamment retrouvées dans différents cadres, « partagés par toutes les personnes en présence, orientant leurs perceptions de la situation ainsi que les comportements qu'elles adoptent par rapport à elle » (Nizet, Rigaux, 2014). Goffman distingue alors les cadres primaires, ne renvoyant à aucun autre, des cadres transformés leurs ressemblant avec une signification différente. Les cadres primaires peuvent être d’ordre naturel, résultant de l’action des forces, des lois de la nature ou d’ordre social résultant d’intentions, des actions humaines. Les cadres transformés résultent de deux 30 processus différents : la modalisation où « les participants savent et reconnaissent qu’une altération systématique a lieu » (Goffman, 1991, p 54) et la fabrication qui résultant « des efforts délibérés, individuels ou collectifs, destinés à désorienter l'activité d'un individu ou d'un ensemble d'individus et qui vont jusqu'à fausser leurs convictions sur le cours des choses » (Goffman, 1991, p 93, op. cit.). Cependant, cette situation crée des dissonances, entre les individus non au fait de la situation et ceux qui le sont. Pour autant il y a des situations « bénignes » et d’autres « abusives ». Si l’on transpose la consultation diététique, on se retrouve dans une situation bénigne où le patient n’a pas de préjudices mais dont le cadre de l’interaction est le résultat un processus de fabrication. La consultation diététique nécessite également le respect de règles, « acte formel et conventionnalisé par lequel un individu manifeste son respect et sa considération envers un objet de valeur absolue, à cet objet ou à son représentant » (Nizet, Rigaux, 2014, op. cit.). Le diététicien marque une forme de respect envers son patient, notamment dans la critique de son alimentation, dans le but de son bien-être mais également l’inverse où le patient s’attache à respecter le professionnel en face de lui, ceci dans le but de « préserver sa face », « valeur sociale positive qu’une personne revendique à travers la ligne d’action que les autres supposent qu’elle a adoptée au cours d’un contact particulier » (Goffman in Nizet, Rigaux, 2014 op. cit.), ici être diététicien. Ainsi, ces concepts et mouvements étudiés, jouent sur l’identité de la diététicienne nutritionniste dont sa représentation se construit en partie autour de son alimentation et son modèle alimentaire. Celui-ci est un ensemble de connaissances issu et transmis par les générations précédentes afin de sélectionner les ressources, les préparer, et les consommer. C’est aussi un système symbolique qui reflète les valeurs des groupes sociaux et qui contribue à la construction des identités. Le modèle alimentaire peut évoluer en fonction de différentes causes : politiques, économiques, culturelles et symboliques, environnementales, techniques et scientifiques et biologiques (Poulain). L’enjeu de notre étude étant de cerner lesquels de ces facteurs peuvent rentrer en jeu. 31 Afin de pouvoir davantage contextualiser notre étude et répondre à la problématique qui se pose dans notre contexte, développée ultérieurement, il est nécessaire d’étudier l’alimentation des étudiants et jeunes adultes indépendants, groupe dans lequel l’échantillon de notre étude se situe. 32 Chapitre 3 : L’alimentation du jeune adulte La jeunesse est considérée comme le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Pour autant, il est difficile de normer cette période. Erik Erikson scinde la jeunesse sur deux catégories dans sa théorie du développement psychosocial, sur les huit étapes qu’elle comprend. La jeunesse « peut être définie sociologiquement comme la phase de préparation à l'exercice de ces rôles adultes, ce que les sociologues appellent la socialisation. » (Galland, 1991, p 129). Généralement, on considère la jeunesse comme « l’entrée dans la vie adulte », caractérisé par trois étapes : le début de la vie professionnelle, le départ de la famille d'origine, et être parent. Pour autant, Olivier Galland conçoit que devenir adulte est aujourd’hui plus difficile à définir qu’autrefois, dans un entretien d’Anne Rapin22: « Quand devient-on vraiment adulte, aujourd’hui, dans la société française ? L’étape majeure est devenue celle d’avoir un enfant. Les autres phases, qui marquaient auparavant le passage à l’âge adulte, sont devenues plus floues et progressives, qu’il s’agisse de l’accès au travail, […] ou du départ de chez ses parents. […] Tous ces seuils, très nets autrefois […] sont aujourd’hui plus incertains. Tandis qu’avoir un enfant reste un tournant décisif, puisque l’individu est alors confronté à des responsabilités irréversibles qui changent profondément son statut. [...] Ainsi, entre la fin de l’adolescence, la fin des études et le premier enfant, s’intercale une nouvelle période de plusieurs années, variable selon les parcours évidemment. Auparavant, il y avait une simultanéité de toutes les étapes introduisant le jeune au statut d’adulte, qui rendait les frontières et les définitions des âges beaucoup plus claires » En effet, un rapport de l’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) définit comme période d’âge des 12 – 30 ans comme une période qui « constitue une transition entre l’alimentation de l’enfance et celle des adultes », traduisant ainsi la difficulté de la définition de la jeunesse. 22 Ministère des Affaires étrangères et du Développement international [en ligne] Disponible http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/france_829/label-france_5343/les-numeros-label-france_5570/lf51-lesjeunes_10104/france-nouvelle-generation_10107/devenir-adulte-est-plus-complique-pour-les-jeunes-aujourdhui_20116.html (consulté en mars 2016). sur 33 Dans le domaine de l’alimentation, ces étapes du passage à la vie d’adulte sont repérables (Garabuau-Moussaoui, 2002, p 32) : « Le départ du foyer parental, moment d'inversion en termes d'alimentation ; L'entrée dans la vie professionnelle, où le rapport à l'alimentation se « normalise » ; La mise en couple, où la nourriture est un marqueur de la construction du couple ; La naissance du premier enfant qui une fois en âge de participer aux repas des parents, marque la naissance de la famille et du même coup, le passage de ses parents à l'âge adulte. » Dans notre cas, nous nous préoccuperons principalement des trois premières étapes, étapes que vivent principalement l’échantillon de l’étude. Dans cette partie, nous établirons une vue d’ensemble sur l’alimentation des jeunes, ensuite nous aborderons, la représentation du « bien manger », puis les enjeux de l’alimentation avec son aspect identitaire et social et enfin dans une dernière partie, les particularités que l’on retrouve dans l’alimentation des jeunes femmes. Ces différents points nous serons d’autant plus précieux, car ils seront repris dans notre enquête probatoire. 1. Les pratiques alimentaires Dans cette partie nous aborderons les principales caractéristiques de l’alimentation chez les jeunes, grâce au rapport de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain sur l’alimentation des étudiants, aux résultats de l'enquête CCAF du CREDOC 2007, publiés en 2012 dans l'ouvrage Comportements et consommations alimentaires en France de Pascale Hébel. Chez les jeunes, le nombre de repas est autour de 3 par jour, ceci entrant « dans la norme valorisée par le PNNS de structuration des prises en 3 repas principaux, dont le petit déjeuner, avec éventuellement un goûter » (Tibère, Poulain, 2010). Le repas qui a tendance à ne pas être consommé chez les jeunes est le petit-déjeuner, notamment chez les 15 – 24 ans et cela par manque de temps notamment. Les produits laitiers sont dans la grande majorité des cas évoqués lors de la définition d’un repas et font ainsi parti de la norme d’un repas. Pour autant, selon le rapport de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain, 35 % des étudiants n’en consomment pas. 16 % des 34 étudiants sont en conformité avec le PNNS et consomment trois produits laitiers par jour, et surtout les 22 – 26 ans. Néanmoins, les jeunes sont davantage en conformité avec la catégorie des plus âgés, selon le rapport de l’INPES. Les fruits et légumes font partie du « bien manger » selon les étudiants la plupart s’accorde sur le fait « qu’il faudrait consommer davantage ». L’enquête de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain rapporte qu’environ « 58% des repas de la veille comprennent des fruits et légumes ». La consommation de fruits et de légumes est valorisée mais pour autant, cette catégorie alimentaire se heurte à des incompréhensions sur les recommandations du PNNS, notamment avec le message « 5 fruits et légumes par jour », qui est imprécis selon les étudiants. En effet, dans la génération des jeunes, selon l’INPES, seulement 6 % déclarent ainsi en avoir mangé au moins cinq fois la veille. Concernant la viande, les situations varient énormément : 43 % des étudiants n’en consomment pas, 44% en mangent une seule fois par jour et 13% deux fois, selon le rapport de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain. Ces différences de consommation s’expliquent dans un temps par des raisons budgétaires, mais sont également d’ordre culturel et éthique avec l’aspect religieux ou dans le respect du bien-être animal. Le poisson est majoritairement absent dans les repas des étudiants, cela s’expliquant par son coût, des difficultés à le cuisiner, voire même à le choisir, selon les deux études. Les étudiants, sont 53% à considérer qu’ils mangent trop souvent des féculents, selon l’étude de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain. Cependant, selon l’INPES, les jeunes sont le groupe de population qui en consomme le moins, notamment les 19 – 30 ans, mais en étant tout de même dans les recommandations du PNNS. Le pain, fait partie du modèle alimentaire français et est consommé par une grande majorité des étudiants. Il est « explicitement signalé par les enquêtés au moment du petit-déjeuner et au goûter ». Pour autant, le pain est moins cité lors du déjeuner et dîner, considéré comme « allant de soi », alors qu’il fait partie du repas (Tibère, Poulain, 2010, op. cit.). La consommation de boissons sucrées est plus fréquente chez les jeunes que chez les adultes : 39 % des 12-30 ans en ont bu au moins une fois la veille, et en plus grande quantité chez les 19 – 25 ans, selon l’INPES. 35 Le rapport de l’INPES relève que les lieux des repas sont différents chez les jeunes. La prise du repas au domicile reste fréquente, mais « diminue légèrement au profit de repas pris chez des amis, au restaurant ou au fast-food ». Les jeunes sont dans ce sens, les garants du modèle français et ainsi rentre dans le cadre d’une sociabilité alimentaire avec la commensalité. Cependant, ces résultats sont à nuancer étant donné, l’intervalle des âges de l’étude de l’INPES et également les contraintes auxquelles doivent faire face les jeunes : période d’étude, dépendance financière, temps de préparation… Comme explicité, précédemment, on retrouve des « jeunesses » et chacun renfermant sa définition de l’alimentation et ses pratiques. 2. Le bien manger A travers les deux études principales, la notion de bien manger a été analysée. Dans les deux cas cette notion a deux aspects : l’un en lien avec la nutrition et le second axé sur l’hédonisme, par des biais liés à la culture, la religion, le goût, l’origine du produit… Dans l’ensemble « bien manger » revient à allier des quantités suffisantes et une variété des produits. Le rapport de Laurence Tibère et de Jean-Pierre Poulain, relate que « bien manger » est pour 61 % des étudiants « manger équilibré » (61%), avec une forte surreprésentation des filles. Globalement, les messages du PNNS sont largement connus des jeunes, bien que l’on retrouve une différence entre la norme nutritionnelle et la pratique. En effet, pour certains ces normes sont considérées comme contraignantes ou trop strictes. Ainsi certaines refusent de se plier à ses règles, se justifiant comme étant un changement de style de vie qui ne sont pas près d’adopter. Chez certains jeunes, notamment les moins diplômés, on retrouve des difficultés de compréhension (Garabuau – Mousaoui, 2001). L'autre aspect du « bien manger », relatif au plaisir peut s’avérer en opposition avec le premier. Pour certains « bien manger » est en opposition au « bon manger » nutritionnel, lié à des plats servis en grande quantité, ou avec des produits plus riches en calories. Le « bien manger » s’attache également pour certains, comme le révèle le rapport sur l’alimentation des étudiants, à l’origine des produits, surtout s’ils sont de la région d’origine de l’étudiant. On retrouve également dans le « bien manger » des questions plus en lien 36 avec l’éthique notamment axées sur le bien-être animal ou le mode de production des produits (Tibère, Poulain, 2010 op. cit.). Pour autant ces deux aspects ne sont pas en opposition totale, certains jeunes tentent de lier la recherche de plaisir à travers le « bien manger » nutritionnel (Garabuau – Mousaoui, 2001 op.cit.). 3. Identité et sociabilité alimentaire Le départ du foyer parental, et l'entrée dans la vie professionnelle, sont deux étapes de la vie d’un individu, sources d’évolution chez l’individu. Dans chacun des cas, l’alimentation évolue en même temps que la condition de l’individu. La période de vie étudiante est un véritable chamboulement pour les individus, « dont l'enjeu est la transformation progressive du lycéen en étudiant (Dubet, 1994) » (Boyer, Coridian, Erlich, 2001) et également la période de transition entre le contexte familial et la vie d’adulte. Ainsi s’ensuit une modification des cadres, comme l’identifie Goffman, et des modes de vie jouant sur l’identité de l’individu. En effet, devenir étudiant conduit à un début de vie autonome, source d’angoisse ou d’euphorie. « La perspective d’accéder à une plus grande autonomie, tant sur le plan matériel que dans les modes de vie, est à la fois souhaitée et inquiétante. Cela implique une série de prise de décisions et la construction de choix dans des domaines habituellement « gérés » par les adultes. Cette situation est renforcée dans le cas des étudiants dits « décohabitants » pour lesquels le nouveau statut d’étudiant s’accompagne d’un éloignement par rapport aux parents, à la famille et au cadre de vie habituel. Ces jeunes adultes en devenir doivent faire de nombreux apprentissages : gestion individuelle des nouvelles formes de sociabilité mais aussi, gestion des contraintes matérielles. Gestion du stress également, face aux incertitudes et aux challenges liées à la formation et à l’avenir professionnel. Ce stress se traduit principalement par des symptômes dépressifs, somatiques et des troubles du comportement alimentaire. » (Tibère, Poulain, 2010, op. cit.) Ainsi, la part de l’alimentation a une place prépondérante au sein de ces changements. Elle est source de découvertes, d’apprentissages, en décalage ou en 37 continuité par rapport au modèle familial, grâce à la liberté alimentaire nouvellement acquise. Les habitudes alimentaires interviennent dans la construction de l’identité de la personne, en liant les héritages familiaux et culturels mais aussi l’individualisation des choix identitaires. Le modèle alimentaire des étudiants, hérité des parents et inscrit dans « l’allant de soi », est alors remis en cause « et la subjectivité intervient davantage, ramenant la décision à l’individu dans une plus grande réflexivité » (Tibère, Poulain, 2010, op. cit). Ce qui importe, c’est : « que manger, quand manger, comment manger ? » et aussi « comment payer ? », notamment par la dépendance financière prépondérante pour les étudiants. Ces questions remettent alors en question les modèles alimentaires antérieurs des étudiants et de nouveaux apparaissent, permettant de concilier héritage et questionnements liés à la nouvelle situation. Pour autant, la jeunesse est caractérisée par d’autres étapes, comme vu précédemment, et chacune va en modifiant l’aspect alimentaire. L’indépendance financière apportée par l’entrée dans le monde du travail tend à modifier les comportements des individus et cela vers un possible retour aux normes familiales, l’organisation de la vie quotidienne s’y rapprochant de nouveau. Le pouvoir d’achat est lui aussi modifié : les jeunes ne dépendent plus de leurs parents, et leurs ressources sont ainsi augmentées. Le choix des produits s’en retrouve impacté et les pratiques culinaires également : les individus peuvent alors investir dans des appareils qu’ils ne possédaient pas avant : four, robot,… Comme vu précédemment, les frontières de la jeunesse et ses étapes clés sont difficilement définissables. Ainsi, la mise en couple peut se dérouler lors du départ du domicile familial ou de l’entrée dans la vie professionnelle, rendant plus complexe l’adaptation des modèles alimentaires. En effet, deux modèles alimentaires se rencontrent et peuvent être en opposition. Le couple doit alors faire preuve de concessions, d’ajustements afin d’éviter des tensions. Ce passage à la vie à deux est un moment « de découvertes de certains produits, plats ou manière de préparer et donc synonyme d'enrichissement des pratiques culinaires. » (Moncé, 2015) 38 4. Particularités féminines Dans cette partie, nous aborderons dans un premier temps les différences que l’on retrouve chez les jeunes femmes dans leur alimentation, par rapport aux hommes et dans une plus large partie, le rapport à l’alimentation, à l’alimentation équilibrée et au régime, notamment grâce au rapport de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain. 4.1. Alimentation des jeunes femmes, les grandes lignes Selon l’INPES, « la consommation alimentaire des jeunes femmes de 12 – 30 ans apparaît ainsi plus favorable à la santé que celle des hommes du même âge. Les femmes ont un « meilleur niveau de connaissances nutritionnelles que les hommes, étant davantage à connaître les repères du PNNS ». D’ailleurs, à la question, « « que signifie pour vous « bien manger » », la réponse la plus fréquente est « manger équilibré » (61%), avec une forte surreprésentation des filles. » Elles sont plus nombreuses à manger au moins cinq fois des fruits et légumes dans une journée, et moins nombreuses à consommer des boissons sucrées », toujours selon l’INPES. En effet, les jeunes femmes consomment davantage de fruits au petit-déjeuner et les étudiants qui consomment des légumes le soir sont majoritairement des femmes, selon la même étude de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain. Selon l’enquête, les femmes sont moins enclines à manger au fast-food que les hommes : « 20 % des femmes de 16-30 ans y mangent au moins une fois par semaine contre 38 % des hommes ». Sur les repas, les jeunes femmes ont le plus tendance à en sauter, notamment le petit-déjeuner. Ces repas non consommés s’expliquent pour deux raisons : « pour économiser », lorsque l’étudiant rencontre des difficultés financières ou dans une logique, tout autre, pour assurer un contrôle de poids. Cependant, le repas du midi est davantage sauté par les hommes, alors que les femmes préfèrent faire des « repas hyper simplifiés ou organisés autour d’une salade », selon le rapport de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain. Concernant l’approvisionnement, les étudiantes ont plus tendance à aller sur les marchés que les hommes. 39 4.2. Le rapport alimentation et modèle corporel 4.2.1. Les modalités de contrôle alimentaire Les entretiens réalisés dans l’étude de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain montrent qu’une majorité des jeunes filles ont un certain contrôle de leur alimentation. Lorsqu’elles sont questionnées par rapport à la pratique de régime, la majorité répond, ne pas en faire mais plutôt « faire attention », « d’équilibrer » ou « raisonner » leur façon de s’alimenter, selon le rapport de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain. Les stratégies mobilisées pour « faire attention » ou pour équilibrer l’alimentation peuvent varier, mais généralement, nous observons quelques éléments communs : Le contrôle des quantités : et notamment sur les produits qui ne rentrent pas dans la norme du « bien manger », à savoir les produits sucrés et gras ; La sélection de certains aliments, notamment les aliments dits « sains » par les jeunes femmes, c’est-à-dire les fruits et légumes, l’élimination d’autres considérés comme moins « sains », cités précédemment, mais également la viande ; Le contrôle du grignotage : considéré comme une « transgression des normes sociales, diététiques, et esthétiques » ; La modification des modes de cuisson afin de limiter la consommation de graisses ; L’origine des produits, soit le respect de la saisonnalité, la proximité géographique, le mode de production, notamment l’agriculture biologique ; La pratique d’activité physique, permettant de « contrôler le corps et le poids », et rentrant dans une logique de bien-être et santé. Cette notion de « faire attention » est liée pour certaines jeunes femmes interrogées dans l’enquête sur l’alimentation des étudiantes, à une volonté de perte de poids. D’autres attachent le terme « faire attention » à des valeurs symboliques, telles que le bien-être animal, l’agriculture biologique etc. Pour autant, il semblerait que « faire attention » se rattacherait à faire un régime. Dans « faire attention », les femmes font des changements dans leur alimentation semblables aux changements alimentaires de celles qui font un régime (Labarre, 2004). Néanmoins, le terme « régime » se rattache davantage à l’idée de privation et de restrictions, selon les différents entretiens réalisés, dans le cadre de l’étude de 40 l’alimentation des étudiants. Cette norme du « faire attention » est permise par sa légitimation, de diverses façons : La « légitimation charismatique », véhiculée par les médias notamment et les personnalités « modèles » ; La « légitimation de type rationaliste », transmise par le discours nutritionnel diffusé par les professionnels de la santé ; La « légitimation de type légal bureautique » diffusée par les politiques de santé publiques, les recommandations nutritionnelles ; La « légitimation traditionnelle », à savoir, que « faire attention » est une norme, présente dans l’ensemble de la société, transmise depuis des générations et intensifiée récemment, par le développement des politiques nutritionnelles et la légitimation charismatique. Ainsi, après avoir repéré les différentes modalités qu’utilisent les jeunes femmes pour la gestion de leur alimentation, Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain se sont attardés à étudier les rapports au corps, développés dans la partie suivante et enrichis par diverses lectures. 4.2.2. Les rapports au corps Le rapport entre alimentation et corps est étroitement lié. De ce fait aborder la question du corps et de l’image paraît nécessaire, notamment lors que « la « bonne forme corporelle » donne à voir le niveau de réussite de la maîtrise de soi, de son existence » (Apfeldorfer, 2008). Ainsi, certaines femmes interrogées ne sont pas satisfaites de leur corps, « la pression sociale tend à uniformiser ce désir de minceur des femmes » (Corbeau, 2007), et sans pourtant prendre en compte le fait que le corps est déterminé, avant tout par la génétique. On remarque une dissonance chez les jeunes femmes entre l’idée qu’elles ont de leurs corps et la réalité. Dans l’étude de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain, les jeunes femmes qui se considèrent comme « bien » ont un Indice de Masse Corporelle (IMC) compris dans la fourchette basse de la normalité et même dans la maigreur (entre 17,8 et 41 20,7) 23 . Dans un article d’Annie Lacuisse-Chabot, de 2004, on remarque également une incohérence entre représentation et réalité du corps : sur 142 jeunes étudiantes, seulement 25 % trouvent le bon IMC, en acceptant les faibles marges d’erreurs. Aussi, « en cas d’erreur probante, il ne s’agit jamais d’une sous-estimation mais toujours d’une surestimation de son IMC par rapport à la réalité. Ces jeunes filles rencontrent une véritable difficulté à évaluer ce qu’est la normalité pondérale. » Ces différences dans les deux études d’ajustement entre réalité et représentation se retrouvent également dans le domaine de la santé, car les classes de l’IMC ont été modifiées : la catégorie d’un IMC « normal » est passé de 20 à 18,5 (Masson, 2004). Ainsi, les femmes ont de meilleures connaissances que les hommes sur le « bien manger » et ont un comportement plus en adéquation. Néanmoins, dans différentes sources, il existe un rapport au corps particulier, dans lequel les jeunes femmes usent de stratagèmes, pour « faire attention », influencées par diverses sources : externes, construisant une norme du corps, la minceur, premier facteur de catégorisation, et par le propre jugement de l’individu, qui peut être faussé. Cette partie nous a permis d’aborder différents thèmes en lien avec notre sujet, des politiques nutritionnelles, avec leurs caractéristiques dans la modernité alimentaire. Aussi, avec l’étude du métier de diététicien, nous avons pu entrevoir les raisons qui poussent les jeunes femmes à se lancer dans ces études, partagées entre médicalisation, nutritionnalisation et nouvelles débouchées. Le tout créant une identité professionnelle influant sur sa capacité d’interaction, et basée sur l’alimentation. Enfin nous avons cerné l’alimentation des jeunes étudiants, où l’introduction de nouvelles représentations et pratiques alimentaires se réalise, dans le cadre de nouvelles socialisations notamment. Pour autant il est nécessaire de rappeler que ces évolutions diffèrent selon les individus, créant des « jeunesses » avec des identités différentes et des représentations alimentaires, définissant des mangeurs pluriels. L’alimentation liée à la santé, prend en compte la norme de « minceur » qui fait rentrer les jeunes femmes, leur alimentation et leur rapport au corps dans un jeu mettant en scène normes médicales et esthétiques. 23 IMC de moins de 16,5 : dénutrition ou famine ; 16,5 à 18,5 : maigreur ; 18,5 à 25 : corpulence normale ; 25 à 30 : surpoids ; 30 à 35 : obésité modérée ; 35 à 40 : obésité sévère ; plus de 40 : obésité morbide ou massive 42 PARTIE 2 : HYPOTHÈSES 43 Chapitre 1 : Problématique et construction des hypothèses Placée dans un contexte de médicalisation et nutritionnalisation par le PNNS, la population se retrouve soumise à la diffusion de différentes préconisations, et cela ayant un impact, dans le sens des politiques nutritionnelles, sur les comportements alimentaires. La diététicienne nutritionniste, encore en études, se retrouve confrontée aux changements inhérents à la vie étudiante mais également aux nouvelles normes étudiées dans le cadre de la formation. Ainsi, elle se retrouve confrontée dans divers cadres, impliquant son alimentation ou sa représentation. Au fil des lectures, il est apparu que la jeune diététicienne est une mangeuse plurielle et emplie de complexité. La jeune diététicienne, évoluant dans le contexte de la nutritionnalisation et faisant partie d’une génération partagée entre normes médicales et normes esthétiques, il est intéressant d’étudier son alimentation et de se demander : Quelles identités influencent les modèles, les représentations et les pratiques alimentaires des jeunes diététiciennes nutritionnistes ? Afin de répondre à ma problématique, des entretiens exploratoires ont été réalisés. Mes deux premiers enquêtés sont des individus qui n’ont pas de lien avec la diététique, ce qui a pu me permettre de saisir leurs représentations vis-à-vis du métier de diététiciens. Ensuite pour les entretiens exploratoires avec des diététiciennes nutritionnistes, j’ai choisi des personnes avec des similitudes dans nos parcours, afin de créer un lien plus facilement et comprendre certains de leurs propos plus aisément. De plus, ayant vécu les mêmes épreuves que les diététiciennes interrogées, cela pourrait me permettre d’obtenir des informations précises et sincères. 44 Tableau 2 : Présentation des profils interviewés en entretien exploratoire Enquêté Sexe Âge Situation professionnelle O.G Femme 21 ans Etudiante G.D Homme 22 ans M.M Femme 22 ans S.P Femme 23 ans A.D Femme 22 ans Etudiant Diététicienne nutritionniste depuis 2014 Employée dans un centre d’amaigrissement Diététicienne nutritionniste depuis 2014 Etudiante Diététicienne nutritionniste depuis 2015 Etudiante Situation Vit en couple Vit seul Entretien exploratoire Entretien n ° 1 Entretien n ° 2 Vit en couple Entretien n ° 3 Vit seule Entretien n ° 4 Vit en couple Entretien n ° 5 Dans les deux premiers entretiens, j’ai rédigé un guide d’entretien rapide (cf. Annexe A : Guide d’entretien n ° 1), en dirigeant mes questions sur leurs connaissances du métier de diététicien nutritionniste, puis en me focalisant sur la diététicienne et les représentations qu’ils peuvent avoir de ce métier. Dans les entretiens réalisées auprès des diététiciennes, j'ai cherché à aborder des thèmes larges sur le sujet (cf. Annexe B : Guide d’entretien n ° 2) tels que le parcours scolaire, la profession et ses représentations, la cuisine, les changements alimentaires et le lien avec l’alimentation des personnes de leurs générations. Les retranscriptions des entretiens sont retrouvables dans les annexes C, D, E, F et G. Ainsi deux hypothèses se sont dégagées après l’étude de mon cadre théorique et mes entretiens exploratoires : Hypothèse 1 : Le couplage des normes sociales et professionnelles tend à une rationalité alimentaire chez les jeunes diététiciennes-nutritionnistes, dans le contexte de la nutritionnalisation ; Hypothèse 2 : Dans le contexte de modernité alimentaire et d’une redéfinition de la jeunesse, un découplage entre identité professionnelle et pratiques alimentaires quotidiennes apparaît. 45 Chapitre 2 : Hypothèse 1 : Le couplage des normes sociales et professionnelles tend à une rationalité alimentaire chez les jeunes diététiciennes nutritionnistes, dans le contexte de la nutritionnalisation A travers cette hypothèse, il s’agit de l’aspect professionnel qui sera développé, à travers deux thèmes, abordés dans les entretiens exploratoires et également retrouvés dans un article de Maria Clara de Moraes Prata Gaspar, Cultura y dietética: normas y representaciones de una alimentación sana entre dietistas francesas y brasileñas, à la suite du Congrès International, organisé par l’Observatoire de l’Alimentation et la Fondation Alicia : « Otras maneras de comer: Elecciones, convicciones, restricciones » Ces deux sous-hypothèses concernent, dans un premier temps, les représentations de la diététicienne auprès des personnes qui sont extérieures au domaine, ainsi que des diététiciennes elles-mêmes. Ensuite une seconde sous-hypothèse, sera développée sur la rationalité entre les connaissances acquises et les pratiques ou représentations alimentaires, avec leurs explicitations. 1. Les représentations de la diététicienne Dans mes entretiens, l’image de la diététicienne a été abordée, et notamment celle que se font les personnes qui ne sont pas en lien avec la profession. La notion de minceur est revenue systématiquement, mais avec des représentations variée : « Plutôt grande et très très fine. Mais vraiment maigre plus que mince. » (O.G, entretien n°1). L’interviewé n ° 2 dit ne pas avoir d’apriori sur le physique de la diététicienne « c’est pas parce qu’elle va te conseiller sur ton alimentation, que c’est quelqu’un qui doit être mince, ça peut-être une personne basique, comme n’importe qui » (G.D, entretien n°2). Pour autant, il cite une représentation des diététiciennes basées sur le physique, lorsqu’il lui ait demandé d’expliciter : « Quelqu’un de svelte tu vois » (G.D, entretien n°2). Les diététiciennes partagent également ces mêmes représentations, même avec tout de même plus de nuance : « [Est-ce dans ton imaginaire, avant de commencer tes études, tu avais une idée de la diététicienne ?] Non du tout. Boh qu’elle devait pas être obèse, mais sinon non. » (M.M, entretien n°3) 46 « Je pense qu’elle doit avoir une certaine image à tenir. » (S.P, entretien n°4) « Puis physiquement, une personne fine » (A.D, entretien n°5) Lorsqu’il est question de l’image de la diététicienne, le critère de la corpulence, n’est pas cité en premier. Les premières représentations étaient basées sur un aspect davantage professionnel du métier, à savoir ses missions et sa place. « Je pensais que c’était un peu comme le médecin de l’alimentation. Tu arrivais avec ta blouse c’était vraiment une consultation médicale. » (S.P, entretien n°4) « Déjà je pensais que tu étais super importante dans les structures, vraiment indispensable, parce que bon l’alimentation c’est partout quoi et c’est indispensable, t’avais ta blouse, tes dossiers et tout. » (A.D, entretien n°5) Cependant, afin d’être légitime, le critère de l’apparence reste, chez nos interrogés n ° 1 et n ° 2 et dans les commentaires les jeunes femmes un critère essentiel : « [Et si tu consultes une diététicienne qui est ronde, c’est une gêne pour toi ? Est-ce que tu aurais confiance en elle ?] Beh c’est comme si tu vas chez un cordonnier qui a des chaussures trouées. [...] tu te dis « est-ce que je suis ses conseils ou pas ? » » (O.G, entretien n°1) « Après je me dirais « ouais elle est grosse, s’il faut c’est bidon ce qu’elle me dit. » » (G.D, entretien n°2) Cette légitimité s’instaure dans un contexte professionnel, permettant de reconnaître, ou non, les capacités de la diététicienne. Ainsi, cette sorte de pression de la personne susceptible d’être en attente de la diététicienne et de ses conseils, laisse apparaître chez les jeunes diététiciennes, une prise de conscience : « Justement tout le monde le dit… Après c’est vrai qu’en y passant si une diététicienne n’est pas fine aux yeux des gens ce n’est pas crédible, elle donne des conseils sans les appliquer. » (S.P, entretien n°4) « Elle doit être à son poids de forme quoi. Elle doit pas être obèse. [Et maigre ?] Non. Après parce que moi j’aime pas et puis après ça donne l’image de la diet qui vraiment ne mange rien. Ça donne la mauvaise image de la diététicienne. » (A.D, entretien n°5) 47 Outre le fait d’être en surpoids, c’est aussi la maigreur, et des troubles alimentaires qui peuvent être sous-tendus qui dérangent. La jeune diététicienne consciente de l’image à donner afin d’être légitime, tente de se rapprocher de celle attendue par les profanes, hypothétiques patients : « Je pense que tu dois être un minimum bien, dans la normale niveau poids. C’est aussi pour correspondre à ce que les gens veulent. Voir une diet obèse, ils vont pas trop y croire. » (A.D, entretien n°5) Cette image, attendue par les autres, se retrouve également dans le milieu professionnel. Il apparaît qu’une diététicienne, si elle ne correspond pas à la représentation commune « Moi je vois ma gérante, si la diététicienne est costaud, elle la prendra pas » (M.M, entretien n°3), pourrait ne pas être embauchée. La minceur apparaît comme un atout (Masson, 2012). Cette vision, se retrouve notamment dans le milieu du libéral, où les consultations sont majoritairement dédiées à des pertes de poids : « en libéral, c’est ciblé sur la perte de poids, je pense qu’il y a une mauvaise image » (M.M, entretien n°3) ; « Mais comme tout le monde pense « amincissement », du coup oui c’est un peu basé sur le physique à la base » (A.D, entretien n°5). Ainsi, les diététiciennes se retrouvent, sous cette pression à surveiller leurs poids pour être en adéquation avec l’image de la diététicienne : « Beh le fait d’avoir pris du poids et d’être à un certains poids je me disais « mais les gens, ils vont s’imaginer tout un tas de choses. » On représente le métier, donc c’est vrai que j’étais pas bien. J’étais vraiment pas bien. » « Je maîtrise plus ce que je fais. Pour éviter de prendre du poids tu vois. » (M.M, entretien n°3) « Tu te dis « beh non ça aurait dû être l’inverse ». Mais ça me dérange pas plus que ça. C’est surtout dans le concept quoi. C’est con, tu fais diet et tu grossis. » (S.P, entretien n°4) Une différence dans la considération du poids est reconnaissable. Chez l’interviewée n ° 3 l’impact d’une prise de poids est vécu plus difficilement que chez l’interviewée n ° 4. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que la première diététicienne serait en exercice et immergée quotidiennement dans l’exercice de la profession et les conseils de perte de poids : « Après c’est peut-être parce qu’on est pas dans le métier. On travaille pas, donc c’est 48 plus pour moi que je le fais » (S.P, entretien n°4), lorsque l’on aborde le fait de manger «équilibré ». Pour autant, les interrogés semblent ne pas être réellement gênés si l’image, qu’ils se font de la diététicienne, n’est pas avérée : « Mais après voilà c’est pas parce que la personne est le contraire de ce qu’elle veut me faire appliquer que ça va jouer. Elle est professionnelle, si elle y arrive dans son métier c’est pas pour rien. Elle a fait des études, elle a les connaissances pour faire ce qu’elle fait et voilà. Moi j’y connais rien, elle, elle a un avis professionnel et voilà. Elle est censée savoir faire. Pour moi c’est pas un problème. » (G.D, entretien n°2) « Et puis si les gens viennent voir une diet, c’est parce que t’es pro et tu sais mieux que ce qui est bon ou pas. » (A.D, entretien n°5) Ainsi, malgré une représentation sociale de la diététicienne, l’aspect professionnel apparaît dans les entretiens, comme justifiant des possibles nuances entre l’image de la diététicienne et la réalité. 2. Une rationalité en lien avec la pratique professionnelle Sur l’alimentation en elle-même, les jeunes diététiciennes semblent adopter certaines pratiques, afin d’être en cohérence entre leurs connaissances et pratiques : « Beaucoup de femmes interrogées, dans leurs discours justifient leurs opinions, pratiques et normes par le fait d’avoir étudié et de travailler dans le domaine de la nutrition. » (Gaspar, 2015). Ainsi, une rationalité en finalité est retrouvée, régulant « la décision à partir des conséquences de nos actes ». Il s’agit là de parler du raisonnable, du probable, du déterminé (Poulain, 2004), de la rationalité scientifique qui « prend la place d’une série de raisons d’agir fondées sur des valeurs, des traditions, voire des routines. Elle invite à revisiter ces pratiques, ces usages parfois désignés comme erronés, à les abandonner et à refonder un nouvel ordre alimentaire éclairé par la science. » (Fischer, 2013) Cette notion de rationalité scientifique, est retrouvée chez les diététiciennes nutritionnistes interrogées dans leurs discours et pratiques. En effet, lorsqu’il leur ait demandé d’évoquer leurs journées alimentaires, des termes scientifiques, ou communs pour les diététiciens sont employés 49 pour la caractériser : « entremet », « crudités », « féculents », « composantes » (A.D, entretien n°5) ; « D’habitude je prends une collation, une compote sans sucres ajoutés. […] Et après le soir toujours protéines, pas de féculents, légumes plutôt, et produit laitier. Et en boisson toujours de l’eau. » (M.M, entretien n°3). Ces propos sont également identifiables chez Maria Gaspar : « Lors de la description d'une alimentation équilibrée, elles citent plusieurs substances et composants nutritionnels, en particulier les protéines, les glucides, les vitamines, les minéraux, les acides gras saturés / insaturés, fibres, etc. » Ces termes, ou l’application de connaissances, sont observables, lors d’actes quotidiens, comme faire ses courses « Par exemple, pour les compotes, je vais me diriger vers les compotes sans sucres ajoutés, parce que je sais ce que ça veut dire. Je sais la différence avec allégé ou les normales, donc je regarde pas la composition. » La composition nutritionnelle des produits est rarement regardée par nos diététiciennes : « Je regarde pas l’étiquetage ni rien. J’y passerai trop de temps » (M.M, entretien n°3) ; « Ça dépend, surtout les nouveaux » (S.P, entretien n°4) ; « Je regarde jamais les étiquettes, toutes les compositions jamais » (A.D, entretien n°5). Ce qui a tendance à plus intéresser nos interrogées, c’est la composition des produits, avec la liste des ingrédients : « A la limite la liste des ingrédients. Genre, je veux tester un nouveau gâteau. Si le premier ingrédient dans la liste c’est beurre ou sucre je laisse tomber. Faut pas abuser non plus. » (A.D, entretien n°5) « Beh déjà, c’est pas forcément qu’ils soient plus gras, mais c’est vraiment les ingrédients, comment ils sont composés. Genre les conservateurs… » (S.P, entretien n°4) Les diététiciennes auraient propension à se diriger vers des produits plus naturels, en adéquation avec une rationalité scientifique, aux valeurs transmises durant leurs enseignements, notamment, et par le PNNS. « Et des produits diététiques, t’en achètes ? Non pas du tout. […] Il faut se méfier. [Les galettes de riz] c’est pas calorique mais ça a un index glycémique très élevé donc c‘est pas top. C’est pas diététique et c’est au rayon diététique. » (M.M, entretien n°3) « J’essaie de manger un peu naturel tu vois. Les trucs les moins modifiés possibles quand je fais mes courses. » (A.D, entretien n°5) 50 « Selon les diététiciens, manger équilibré c’est une alimentation variée, où l’on peut manger de tout, en quantités adéquates et raisonnables » (Gaspar, 2015), nos diététiciennes interrogées vont également dans ce sens : « C’est déjà les bases, avoir tous les produits de l’alimentation : produits laitiers, protéines, féculents, légumes. C’est aussi avoir du sucre et des matières grasses. Pas se priver. » (M.M, entretien n°3) « Vraiment sur la variété. » (S.P, entretien n°4) « Manger de tout. En quantité raisonnable je pense. […] T’as droit à tout, féculents, matières grasses. Faut juste gérer. Et ça tout le monde ne le sait pas, comme les diet peuvent le savoir. » Ainsi, ces discours laissent à penser qu’il y aurait une valeur partagée par la profession, un « bien manger » nutritionnel. Ces valeurs tendraient à effectuer chez nos interrogées des changements alimentaires : « [Tu as changé ton alimentation durant le BTS ?] Ouais. [Qu’est-ce que t’as changé ?] Beh en fait je mangeais pas du tout comme ça. C’était pas du tout équilibré en fait. Et du coup j’ai rééquilibré en faisant le BTS. » (M.M, entretien n°3) « La première année non. La seconde année on va dire un peu. La troisième année oui et maintenant oui. En BTS, je pense que c’est parce qu’on avait pas le temps. Ouais je mange plus de légumes, je mange moins de féculents. Moins gras aussi. Et moins sucré. Parce que tu vois ma mère elle cuisine beaucoup de trucs au caramel, et ça j’en fais moins. » (S.P, entretien n°4) « Alors la première année non. Le seul truc c’est le petit dej. Avant j’en prenais pas et dès que j’ai commencé les cours j’ai senti qu’il me le fallait, sinon j’avais tout le temps faim. Après j’ai commencé à tester plus de plus trucs, vraiment à plus cuisiner, à varier. Et c’est vraiment cette année où j’ai commencé à mettre des légumes, acheter des produits laitiers, des fruits… A structurer mieux. » (A.D, entretien n°5) Et cela dans le but d’être plus rationnelles, à la fois en adéquation avec les connaissances acquises, et pour leur bien-être personnel : 51 « Beh déjà de savoir ce que c’est une alimentation équilibrée, […] savoir ce que c’est les protéines, les féculents, ce que ça apporte quoi. Les bases du PNNS quoi. […] Le but c’était de rééquilibrer mon alimentation.» (M.M, entretien n°3) « Autant appliquer ce que j’ai appris en cours. Ça peut avoir des impacts sur la santé. » (S.P, entretien n°4) « Je pense pour moi. Parce que manger des pâtes tout le temps c’est pas possible. Et que je mangeais pas forcément bien, ça pouvait avoir des conséquences sur ma santé. » (A.D, entretien n°5) Mais également, en moindre mesure certes, par le fait d’être diététicienne, afin notamment de ne pas « perdre la face » (Goffman, 1991), dans le cadre professionnel : « Je pense que vu que c’est quelque chose que j’allais diffuser dans mon métier, déjà c’était bien de le faire moi. » (M.M, entretien n°3) « Je me suis dit « voilà t’as fini tes études, enfin t’as passé ton BTS, tu peux bien manger maintenant ». » (S.P, entretien n°4) Ces changements, initiés dans le sens du PNNS, et ce mode d’alimentation équilibrée entraîne chez les diététiciennes certains mécanismes, ou réflexions sur leurs modes de consommation passés. « Même pour moi associer deux féculents ça me fait bizarre » (S.P, entretien n°4) « C’est bête mais souvent j’ai le truc « teh t’as pris que deux produits laitiers aujourd’hui ». Ou quand j’ai pris mes 3 fruits je suis contente. Ou genre manger des fritures 2 fois, dans la semaine ça m’embête un peu. Je raisonne pas du tout en terme de calories, tout ça, ça, ça m’intéresse pas mais je fais par rapport aux repères du PNNS tu vois. Puis pareil avec les patients que je peux rencontrer, c’est plus simple. » (A.D, entretien n°5) Ces réflexes qu’ont les diététiciennes interrogées, s’éloignent tout de même de l’idée préconçue « qu’une diététicienne ne mangeait rien, 3 graines et c’est fini », « à la limite, oui, le côté maladif » (O.G, entretien n°1). Les écarts qui peuvent faire culpabiliser diététiciennes, sont davantage liés à leur vision de l’alimentation équilibrée, lorsque cellesci s’en éloignent, comme manger en trop grande quantité : 52 « [Et tu as déjà eu un sentiment de culpabilité en mangeant quelque chose ?] Oui… (rires) C’est plus en quantité, que sur le produit. » (M.M, entretien n°3) « Mais quand je fais de gros gros écarts… Ouais peut-être… Enfin c’est pas vraiment de la culpabilité. Des gros écarts d’affilés quoi. » (S.P, entretien n°4) « Quand je mange un truc mais en trop grande quantité. Ou que je fais beaucoup d’excès, parce que j’ai pas le choix, genre j’ai du travail, je suis stressée et tout. Là je peux culpabiliser. » (A.D, entretien n°5) Ces idées pouvant se lier à un rapport plus ou moins tendu à l’alimentation : « Disons que c’est plus maîtrisé. Je maîtrise plus ce que je fais. Pour éviter de prendre du poids tu vois. » (M.M, entretien n°3) « Mais après tu vois c’est de deux façons. Comme tu sais ce que tu manges t’es plus cool parce que tu te dis qu’en équilibrant après le reste ça va aller. Mais de l’autre tu sais aussi ce qu’il y a dedans et tu te dis « ah ouais quand même c’est super gras. Mais je réfléchis plus tu vois ! » (S.P, entretien n°4) « Je pense que je connais les aliments et ce qu’ils apportent et que je sais quoi faire si je mange pas des trucs supers, je sais m’adapter après tu vois, je suis plus. Mais d’un autre côté, je calcule pas mal. Mais après je suis pas du tout dans la paranoïa ! Je sais les repères, je les applique tant mieux, je les applique pas tant pis. » (A.D, entretien n°5) Les diététiciennes ont une double vision sur leur rapport à l’alimentation, d’un côté la maîtrise de ce qu’elles mangent mais de l’autre, manger sans conformisme aux règles du PNNS, ferait partie des qualités liées à la profession du diététicien. Il s’agit là d’un autre type de rationalité, la rationalité en valeur, qui « consiste à disjoindre le comportement de ses conséquences et à trouver la rationalité du comportement dans le respect d’un système de valeurs » (Poulain, 2004), valeurs partagées entre les patients et les diététiciennes : « Après quand on fait pas forcément ce qu’on dit, on comprend un peu mieux les gens dans leur quotidien. Par exemple, tu grignotes et la personne en face son gros problème c’est les grignotages, la diet elle va être plus apte à proposer des solutions. » (M.M, entretien n°3) 53 « Après c’est que de la théorie ce qu’on apprend. Et puis si toi tu manges nickel, c’est plus dur de comprendre le patient. Et si la diet mange mal, ça n’empêche pas qu’elle puisse donner de bons conseils. C’est comme les tabacologues qui fument. » (S.P, entretien n°4) « Et aussi de toute façon quand t’as un patient qui te dit « j’adore le chocolat », tu peux que rigoler, dire que toi aussi mais qu’il faut faire gaffe. Tu manges dans des quantités raisonnables et voilà. On a tous nos travers et heureusement ! » (A.D, entretien n°5) Ici, se développe une coexistence entre le « modèle idéal » et le « modèle pratique », dans un cadre où la diététicienne et son patient, où elle adapte son comportement. Ainsi, cette rationalité s’inscrit dans les demandes de patients potentiels : « Ça peut-être rassurant, parce que tu te dis que la nana elle n’est pas forcément dans l’extrême, tu peux aussi te dire qu’elle te comprend » (O.G, entretien n°1) « Ouais pas comme un psy mais qui est là pour t’écouter et en fonction elle s’adapte pour améliorer » (G.D, entretien n°2) Il apparaît dans cette hypothèse que la nutritionnalisation et la socialisation professionnelle impliqueraient des changements de rationalité chez nos jeunes diététiciennes, traduits par des normes et attitudes différentes, après leurs études et des expériences professionnelles. Au-delà de l’identité professionnelle et des rationalités dans les comportements alimentaires qu’elle engendre, les diététiciennes de notre étude sont également placées dans d’autres cadres, qui pourraient également influencer sur leurs comportements. Ainsi se dessine notre seconde hypothèse, à savoir un découplage entre identité professionnelle et pratiques alimentaires quotidiennes, dans le contexte de modernité alimentaire et d’une redéfinition de la jeunesse. 54 Chapitre 3 : Hypothèse 2 : Dans le contexte de modernité alimentaire et d’une redéfinition de la jeunesse, un découplage entre identité professionnelle et pratiques alimentaires quotidiennes apparaît « Les pratiques alimentaires sont des mises en scène des préoccupations, des aspirations, des engagements, etc., d’une époque et d’une société données. » (Poulain, 2013). La jeune diététicienne nutritionniste mettrait ses pratiques alimentaires en combinaison d’une part avec la représentation de sa profession, mais également dans le cadre d’un double déterminisme : « un déterminisme culturel à travers les systèmes de valeurs qui pilotent les pratiques, et un déterminisme matériel à travers les emplois du temps, les contraintes budgétaires, les savoir-faire culinaires... » (Poulain, 2004), déterminismes semblables à leur génération, et analysés ici à travers le modèle alimentaire français et les contraintes générationnelles. 1. Le modèle alimentaire français Afin de contextualiser ce point de l’hypothèse, la définition du modèle alimentaire française proposée dans un Cahier de Recherches du CREDOC « Comparaison des modèles alimentaires Français et Etats-Uniens » sera un appui. Le modèle alimentaire français actuel repose trois caractéristiques pratiques de la vie quotidienne, régularisant et ritualisant l’alimentation : « Trois repas principaux par jour, un temps de préparation et une durée des repas relativement élevée, un repas structuré par au moins 3 composantes prises dans l'ordre. » S’ajoutent à cela, d’autres valeurs telles que la place de la diversité alimentaire, qui est importante, le goût des aliments ainsi que la présence d’un savoir-faire. Le « discours normatif » (Corbeau, 2007) valorisant les savoirs est présent dans la représentation de l’alimentation des diététiciennes. En effet, le thème de la cuisine, dans les entretiens, a été reçu avec dynamisme et apparaît comme l’un des sources de motivation au choix des études de diététique : « On a tous dit la cuisine je crois ! » (M.M, entretien n°3) ; « L’alimentation c’est un sujet qui m’intéresse et j’aime bien la cuisine, faire la cuisine, donc 55 je me suis orienté vers là. » (S.P, entretien n°4) ; « Et puis j’aimais bien cuisiner, la bouffe. » (A.D, entretien n°5). La définition du modèle alimentaire français est basée de manière prépondérante sur ce savoir-faire, mais également sur la façon de présenter et consommer les aliments, avec notamment la notion de convivialité. Ainsi, chacune des diététiciennes apprécie aller au restaurant et notamment entre amis. On observe une déconnexion entre l’alimentation festive et quotidienne (Corbeau, 2007) : « D’habitude je prends une collation, une compote sans sucres ajoutés. Mais là aujourd’hui ma copine elle est venue donc on a fait un goûter ! » (M.M, entretien n°3) « Quand je mange chez moi je mange bien équilibré, il y a de tout et quand je mange avec des amis, je mange très mal, quand on mange dehors. » (S.P, entretien n°4) La convivialité définie sur la commensalité, est importante chez nos diététiciennes interrogées, comme chez « plus de 50 % des français » (Gaspar, 2015) : « Maintenant ça me fait plaisir de partager un repas avec eux. Parce qu’au final l’alimentation nous réunit tous. On va échanger, parler de ci de ça… » (S.P, entretien n°4) « Quand on se voit déjà c’est autour de l’alimentation. Tapas, goûter, resto… Donc déjà on se fait goûter les trucs, on change des restos et tout. C’est vraiment un moment où on partage. C’est nécessaire. » (A.D, entretien n°5) Plus qu’un partage de nourriture, c’est un partage d’expériences et anecdotes que l’on retrouve, nécessaire à une sociabilité : « Tu vois après je pense que manger avec les autres et comme les autres c’est garder une vie sociale. J’ai des copains, ils mangent d’abord chez eux pour faire bien attention et qui après nous rejoignent. Mais bon je trouve ça débile. […] Des amis qui font du sport. Tu perds le côté social quoi. Mais mes amies diet elles sont toutes comme moi. Ça nous fait plaisir de nous retrouver ensemble autour d’un repas. Plus qu’avant, quand j’étais pas diet. Avec ça me fait plaisir, parce que je retrouvais mes amis. Maintenant ça me fait plaisir de partager un repas » (S.P, entretien n°4). 56 Cette commensalité est source de plaisir chez nos différents interrogés, plaisir en valeurs par la connexion avec l’alimentation24. « Quand je vais au Mc Do avec des potes, c’est un plaisir d’y aller parce que je sais que je me retrouve avec eux. » (G.D, entretien n°2) « J’ai plus de plaisir, avec mes amis, d’avoir partagé un moment avec eux tu vois. » (S.P, entretien n°4) Cependant la notion de plaisir est ambivalente, dans ces citations elle « favorise une régulation naturelle, appuyée sur le partage du repas » et « est reconnue par les nutritionnistes comme une composante importante de l’équilibre alimentaire » : « Après de ma formation, c’est surtout se faire plaisir en mangeant. Ça peut être n’importe quel aliment, du moment où ça me fait plaisir de manger. » (M.M, entretien n°3). Toutefois, le plaisir « [pour les clients] c’est ce qui va être dessert, sucreries, tout ce qui est sucré » (M.M, entretien n°3) « c’est manger gras, sucré selon ses envies » (S.P, entretien n°4) et peut être un facteur de surpoids, lorsqu’il est considéré « en décalage par rapport à la morale de la sobriété, et de la minceur, en tant que normes légitimes. » En ce sens, on s’approche du plaisir en finalité, étant donnée la prise en compte des conséquences25. Dans ce contexte, se crée un effet d’aubaine pour les marques, qui joue sur la nutritionnalisation : « Il y a un gros marché qui s’est développé. Comme ce qu’il m’est arrivé l’autre jour avec des gâteaux sésames, j’étais persuadée que c’était un truc pas calorique et j’ai comparé et j’ai vu que c’était aussi calorique que mes Pépito » (O.G, entretien n°1) Le modèle alimentaire français est également basé sur la diversité des produits régions françaises et également sur l’appropriation de produits venus d’ailleurs. « Moi plaisir, c’est le bon produit tu vois. C’est plus intéressant de manger tout seul chez toi une salade avec des bons produits, diététiques, ou bio. » (G.D, entretien n°2) 24 Dupuy Anne. Socio – Anthropologie du plaisir alimentaire. M1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, ISTHIA, 2016. 25 Dupuy Anne. Socio – Anthropologie du plaisir alimentaire. M1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, ISTHIA, 2016. 57 « Et puis dans la classe y’avaient plusieurs origines, c’était sympa de découvrir certains plats typiques. » (M.M, entretien n°3) « Les fruits et les légumes, c’est plus le prix et la provenance. » (S.P, entretien n°4) « Et après sinon je regarde beaucoup la provenance. J’essaie d’acheter au maximum français, privilégier les produits locaux tu vois. » (A.D, entretien n°5) A travers ces produits, et ces échanges, le patrimoine alimentaire est partagé par tous, et les effets de patrimonialisation, environnementalisation permettent de resserrer les liens sociaux. La définition du « bien manger » est alors retrouvée dans tous ces sens : « bien manger » hédonique, par la convivialité ou des produits en accord avec les valeurs des interrogés, au « bon manger » nutritionnel, et « bien manger » nutritionnel. Cependant, il s’agit d’une définition du modèle alimentaire français, rarement appliquée dans sa globalité, par tous les Français. Les diététiciennes se retrouvent dans cette nuance, comme les autres jeunes de leur génération, en s’appuyant sur les caractères et les tendances qui fondent essentiellement le modèle alimentaire français, et en acceptant également d’autres contraintes. 2. Les mêmes conditions générationnelles Comme développé précédemment, la jeunesse est difficilement définissable par ses différentes étapes, sans véritables définitions d’âge et ainsi, on parlerait « des jeunesses ». Cette étape, du passage à l’âge adulte, est source de changements chez l’individu. Chez nos diététiciennes, les mêmes similitudes sur le plan alimentaire que chez les autres jeunes sont observables. Dans un premier temps, on retrouve le départ du domicile familial, notamment dans les cadres des études dans le supérieur, avec l’adaptation à une nouvelle vie : « Fallait gérer l’arrivée dans une grande ville, savoir où faire les courses, les cours et tout… C’était toujours pareil. » (A.D, entretien n°5). Comme 51 % des étudiants interrogés dans l’étude de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain, notre diététicienne n’est pas satisfaite de l’offre alimentaire proposée par le restaurant universitaire : « Déjà au RU, tu peux pas manger super équilibré. Des fois c’est limite. » (A.D, entretien n°5). Aussi, nos diététiciennes se sont retrouvées en difficultés, lors de l’apprentissage culinaire, comme bon nombre d’étudiants 58 (Tibère, Poulain, 2010). L’une d’elle, a apprécié les enseignements de techniques culinaires, notamment pour l’initiation aux bases de la cuisine : « ça m’a bien aidée ! On a appris les bases de la cuisine, donc maintenant je sais cuisiner. C’est vrai que ça c’était un plus. » (M.M, entretien n°3) Chez les jeunes, faire la cuisine implique également une organisation : « Je fais ma liste avec mes menus et j’achète ce qu’il faut. Je suis organisée. » (A.D, entretien n°5). Cependant, elle peut apparaître comme une contrainte (Tibère, Poulain, 2010), idée que l’on retrouve également chez les diététiciennes interrogées : « J’ai pas forcément le temps de faire tout nickel. » (A.D, entretien n°5). « Je me dis que par facilité, je pourrais faire autre chose. Parce que c’est long à préparer. Ça prend vraiment du temps. » (M.M, entretien n°3) A l’instar de l’analyse effectuée dans la partie précédente, les diététiciennes interrogées ont changé leurs alimentations, depuis le début de leurs études vers une pratique plus équilibrée. Ce changement n’est pas uniquement cantonné à leur secteur car 13,5% des étudiants interrogés par Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain estiment manger plus équilibré depuis qu’ils ont quitté le foyer familial. Cette rupture entre les pratiques familiales et les nouvelles adoptées, est caractéristique du passage à la vie étudiante. Ces changements sont associés comme dans le rapport de Laurence Tibère et Jean-Pierre Poulain à une situation présentant plus de liberté « tant au niveau des choix alimentaires » : « mais après par contre j’ai découvert la charcuterie et le fromage » (S.P, entretien n°4) ; « que des possibilités d’invention et d’appropriation culinaires » : « tu fais ta popote » (A.D, entretien n°5), « je teste au niveau des pâtisseries. En remplaçant le sucre par du sirop de glucose » (M.M, entretien n°3) Pour autant ces changements peuvent être sources d’incompréhensions au sein de la famille : « J’ai essayé de leur dire que moi j’avais changé mes habitudes alimentaires depuis 3 ans et que manger tout ça tous les jours, tout le temps ça ne plaisait plu, mais elles n’avaient pas l’air convaincues. » (S.P, entretien n°4) 59 Ou même d’écœurements : « Tu retrouves les saveurs, des plats de maman, tes habitudes d’avant. A la fin j’étais écœurée. » (S.P, entretien n°4) « Genre ma grand-mère cuisine assez gras. Et maintenant je suis habituée à pas trop cuisiner gras. Et quand j’y vais, je le sens et des fois ça m’écœure. » (A.D, entretien n°5) Chez nos diététiciennes, le rapport à ces changements, voire jugements par rapport à l’alimentation de la famille peut être mal interprété : « Vu que c’est la famille, je pense qu’ils ont pas envie que je les considère comme des patients. » (M.M, entretien n°3) Ces changements sont également sources de partage : « Maintenant c’est ma mère qui fait des recettes que je lui apprends c’est marrant. » (A.D, entretien n°5) L’étape de la mise en couple est également retrouvée dans le parcours des diététiciennes, considérée comme un « rite de passage où s’opère une fixation des habitudes alimentaires » (Corbeau, 2007), qui entraîne certaines difficultés : « Et à l’appart, comme on aime pas les mêmes légumes, je fais pas comme je peux. […] C’est juste que c’est pas évident à deux. » (A.D, entretien n°5) « Et puis j’étais avec K. et qu’il mangeait tout le temps gras. Genre on pouvait manger 3 fois des frites dans la semaine, ça lui faisait plaisir. Ça je lui avais dit [que je n’aimais pas]. » (S.P, entretien n°4) Au sein de notre échantillon de diététicienne, une seule était indépendante financièrement (M.M, entretien n°3). Cette période est là aussi la redéfinition de certaines pratiques alimentaires, comme vue dans notre cadre théorique, où l’alimentation aurait tendance à se normaliser et s’approcher du modèle incorporé en socialisation primaire (Moncé, 2015) : « J’ai plus besoin maintenant de faire une collation, comme je finis tard le soir. » « Plus de resto oui. Parce que j’ai avancé dans l’âge et je suis plus indépendante. » « C’est vrai que je me dirige vers les conserves ou les surgelés non cuisinés comme j’ai un frigo avec congélateur maintenant. » 60 Un dernier point, qui rapprocherait nos diététiciennes des autres jeunes femmes est en lien avec certaines modalités de contrôle alimentaire. Ainsi, « faire attention » fait également partie des pratiques des diététiciennes « D’habitude je fais plus attention, c’est que cette semaine » ; « je fais attention aux matières grasses quand je cuisine » (S.P, entretien n°4). Les modifications des pratiques alimentaires, « outils principaux du management corporel » (Labarre, 2012), du « faire attention » paraissent semblables à celles d’un régime (Labarre, 2004), sans pour autant que les jeunes femmes utilisent ce terme, dans une tendance de légitimité traditionnelle. Il en est de même chez une de nos diététiciennes : « Tu as déjà suivi un régime? Un vrai régime? Non. Un rééquilibrage alimentaire ? Non. » (M.M, entretien n°3), où selon elle, lorsque la question est posée explicitement, elle n’a pas suivi de rééquilibrage. Cette distanciation avec le terme « régime » pourrait cependant s’expliquer par le fait, que pour une diététicienne, « régime » soit relié aux termes « régime thérapeutique », alimentation spécifique dans le cadre des soins, et cela par une rationalité scientifique. 3. Un désengagement dans les règles diététiques ? Une différence entre les représentations de l’alimentation de nos diététiciennes, est observable, comme sur la vision de l’équilibre alimentaire sur la durée : « Déjà pour moi ça se fait sur une journée. » (M.M, entretien n°3) « Manger équilibré, c’est sur toute la semaine. » (S.P, entretien n°4) « Sur le long terme oui. Pour moi ça se construit une alimentation équilibrée sur de longues périodes. » (A.D, entretien n°5) Sur leurs pratiques alimentaires également, se définit des différences. La première interrogée, décrit une alimentation totalement équilibrée au quotidien : « Franchement, on mange équilibré » (M.M, entretien n°3), tandis que ses consœurs, ne jugent pas être en adéquation avec les règles du PNNS, en la qualifiant, notamment, de « bancale » (S.P, entretien n°4) : « Elle est pas vraiment en harmonie avec ce qu’on apprend en cours, ou même le PNNS. J’ai pas toutes les composantes, j’ai pas autant de légumes qu’il faudrait et tout. […] Mais après je suis pas catastrophique loin de là. » (A.D, entretien n°5) 61 Au sein même de nos interrogées, les pratiques et représentations diffèrent. Toutes regrettent d’avoir fait le choix de cette orientation, par le peu de débouchés qu’il existe : « Au niveau des débouchés, oui » (M.M, entretien n°3), « J’ai des regrets de pas pouvoir en faire ce que je veux plus tard » (S.P, entretien n°4) « Quand je vois le peu de débouchés oui. Mais après non parce que j’ai appris des trucs et maintenant je continue les études dans un truc qui me plaît tu vois. Donc mitigée un peu. » (A.D, entretien n°5) Ces difficultés rencontrées dans le métier et évoquées dans le contexte théorique, sont souvent évoquées chez nos interrogées : « On parle plus du contexte professionnel que de l’alimentation ! » (M.M, entretien n°3). Les deux dernières diététiciennes, encore en études semblent donc avoir un rapport à l’alimentation plus détendue que la première, en exercice dans un centre d’amaigrissement. Ainsi, le contexte professionnel pourrait expliquer ce phénomène par une différence d’engagement dans le métier. Ainsi, les pratiques alimentaires des jeunes diététiciennes s’inscriraient également dans un modèle alimentaire français et un contexte générationnel, similaires aux autres jeunes, « on est comme tout le monde, on mange comme eux » (M.M, entretien n°3), sans véritable jugement de leurs parts : « elle est humaine et elle fait ce qu’elle veut » (O.G, entretien n°1). Les hypothèses de recherche développées n’ont pu être qu’en partie vérifiées. De ce fait, une partie développant une méthodologie probatoire est nécessaire, afin des réponses plus ciblées à notre problématique. 62 PARTIE 3 : MÉTHODOLOGIE PROBATOIRE 63 La première partie de notre étude, présentant le cadre théorique avec des références bibliographiques a permis de contextualiser notre travail, avec les concepts essentiels : les politiques nutritionnelles française, leurs ressemblances, impacts sur la population générale et son insertion dans la modernité alimentaire. Le métier de diététicien a également été abordé, avec son cadre règlementaire, et l’aspect identitaire des diététiciens. Enfin, a été réalisé un cadrage plus général sur l’alimentation des étudiants et jeunes adultes, avec les spécificités féminines, afin d’être en adéquation avec l’échantillon de la population étudiée. Ces recherches sur les concepts clés, ont permis d’aboutir à la problématique suivante : Quelles identités influencent les modèles, les représentations et les pratiques alimentaires des jeunes diététiciennes-nutritionnistes ? Ainsi deux hypothèses ont pu être formulées : Hypothèse 1 : Le couplage des normes sociales et professionnelles tend à une rationalité alimentaire chez les jeunes diététiciennes-nutritionnistes, dans le contexte de la nutritionnalisation ; Hypothèse 2 : Dans le contexte de modernité alimentaire et d’une redéfinition de la jeunesse, un découplage entre identité professionnelle et pratiques alimentaires quotidiennes apparaît. Dans cette dernière partie, sera explicitée une méthodologie probatoire afin de répondre aux hypothèses formulées précédemment, à savoir leurs validations ou leurs infirmations. Dans un premier temps, nous présenterons les différentes méthodes de collecte de données et plus particulièrement les méthodes qui seront privilégiées dans notre recherche probatoire, puis nous reprendrons les hypothèses construites auparavant afin d’expliciter les points à faire ressortir dans la construction de nos outils probatoires et enfin dans une dernière partie nous présenterons ces outils. 64 Chapitre 1 : Méthodologie de collecte de données Afin d’obtenir des réponses aux hypothèses formulées au sein de la partie précédente, il est nécessaire d’effectuer de nouvelles recherches auprès de l’échantillon de l’étude et cela au moyen de deux méthodes : qualitative ou quantitative. Ces méthodes ont chacune leurs avantages et inconvénients et s’ajustent plus ou moins aux situations étudiées. Ainsi, elles forment des outils complémentaires pour obtenir des résultats plus larges dans le cadre d’une étude probatoire. 1. Méthode qualitative Ce procédé s’applique à un faible nombre d’individus, afin de recueillir et analyser des « données descriptives, telles que les paroles écrites ou dites et le comportement observatoire des personnes » (Taylor et Bogdan, 1984). Cette méthode ne permet pas une approche globale d’un phénomène étudié afin d’en obtenir des généralités. Elle permet principalement d’offrir un aperçu des représentations et perceptions des individus, de chercher à comprendre, décrire, évaluer, afin d’en ressortir des idées et hypothèses (Kakai, 2008). La méthode qualitative, ne peut être généralisée à l’ensemble de la population, étant donné l’échantillon de recherche relativement faible. En effet, cette méthode ne permet pas de faire résulter des données statistiques afin de généraliser les résultats de l’étude. L’enquête qualitative permet de prendre en compte certaines subtilités des phénomènes étudiés (Cardon, Desanti, 2007), notamment par l’utilisation de relances, de questions supplémentaires permettent de saisir d’autres dimensions au sujet premier : La reformulation-clarification : « Vous voulez dire que… » ; L’interprétation : « Ce que vous dites ne s’explique-t-il pas par… » ; Le recentrage : reprendre la question de départ ; Les marques d’écoute : « Je vois… » ; Les demandes d’éclaircissement : « Je ne comprends pas bien… » ; Les silences significatifs. 65 La méthode qualitative est fondée sur différents procédés : directif, semi-directif, non-directif et biographique, dans lequel l’interviewer prend plus ou moins de place afin de diriger l’entretien dans un sens ou non. Ici seront détaillées les méthodes employées dans le cadre de ma méthodologie probatoire. 1.1. L'entretien individuel semi-directif L’entretien permet de rendre compte « des systèmes de représentations et des pratiques sociales des individus », et cela par l’accès au point de vue des interrogées, leurs vécu et expériences (Cardon, Desanti, 2007). Ce type d’entretien nécessite une attitude de l’enquêteur « plus ou moins directive » (Cardon, Desanti, 2007, op. cit.), où il attend des informations particulières, mais laisse une marge de liberté à l’échange, et cela dans un climat serein. Il se base sur un guide d’entretien, élaboré en amont durant la phase exploratoire. Il se compose de thème et sous-thèmes. Le guide d’entretien d’enquête est plus précis et formalisé que le guide d’entretien exploratoire qui est moins formel. Dans cette méthode, l’interviewer accompagne l’enquêté, en « faisant preuve d’empathie, de relance et d’incitation » (Cardon, Desanti, 2007 op. cit.), pour avoir plus approfondissements dans le discours, après avoir abordé des questions ouvertes. Ce procédé permet à l’enquêté de construire plus facilement son propre discours. Ce qui est intéressant dans cette méthode, comme avec le focus group, c’est le choix de la population qui permet, dans une population précise du cadre de l’étude, d’échantillonner afin d’obtenir aussi différents parcours, dans une approche plus globale. Le lieu de la passation de l’entretien est également à prendre en compte, afin de participer au climat serein et de confiance de l’entretien. 1.2. Focus group Le focus group est un entretien mais réalisé avec plusieurs personnes, de 6 à 12, dans l’idéal. Cette technique repose sur la dynamique de groupe, permettant d’obtenir des approfondissements dans les questions. Cette méthode permet de confronter les opinions, 66 avec leurs convergences et divergences et dans ce cas, d’obtenir davantage d’informations, compte tenu de l’argumentation des interrogés nécessaire26. L’échantillon est important, car c’est de lui que dépendra la bonne synergie. Par exemple, que les individus de l’échantillon aient des distinctions entre eux pour assurer une certaine complémentarité mais également qu’ils sont compatibles en évitant d’avoir un leader ou des personnalités très opposées, ce pourrait entraver les échanges et la libre expression. Afin de réaliser un focus group, deux personnes, extérieures à l’échantillon sont nécessaires : Un animateur qui lance le débat, favorise les échanges, et doit être capable également de gérer la dynamique, le temps et l’atteinte des objectifs ; Un observateur qui se trouve, en périphérie du groupe et qui note et analyse les comportements, réactions de chacun. Pour mener à bien un focus group, un guide d’animation est nécessaire. Il permet de structurer la séance et les thèmes à aborder. Pour autant, mener un focus group demande beaucoup d’organisation. Il est nécessaire de trouver un temps où chaque personne puisse se rendre disponible, s’assurer de la venue de tous, d’avoir du matériel adapté et un lieu adapté. Dans ces deux méthodes, la retranscription est nécessaire. Afin de faciliter le travail de l’interviewer, il est intéressant de commenter les retranscriptions, permettant ainsi le repérage des thèmes et sous-thèmes qui ressortent. Concernant leur analyse, on retient principalement l’analyse thématique, où l’on fait ressortir la structure, les processus et les thématiques significatifs de chacun, afin de préparer une grille d’analyse thématique. Egalement, une analyse structurale, peut être appliquée, permettant ainsi de « dégager les éléments de structure communs au discours des interviewés ou, à l’inverse, les éléments de différenciation, afin de déterminer des groupes distincts au sein de la population étudiée » (Couvreur, Lehuede, 2002). Ensuite on 26 CHU Nice, Docteur Pia. Recherche qualitative : La méthode des Focus Group. Guide méthodologique pour les thèses en Médecine Générale [en ligne]. Disponible sur http://www.nice.cnge.fr/IMG/pdf/Focus_Groupes_methodologie_PTdef.pdf (consulté en mars 2016). 67 retrouve l’analyse par entretien qui « repose sur l’hypothèse que chaque entretien est porteur du processus psychologique ou sociologique que l’on veut analyser » (Couvreur, Lehuede, 2002), par une étude longitudinale. L’analyse propositionnelle du discours vise à reconstituer l’image que l’interviewé a des, relations entre différents objets, dans son discours. Dernier type d’analyse, l’analyse des relations par opposition qui propose deux postulats : « l’existence d’une correspondance entre les éléments d’un système pratique et les éléments d’un système symbolique. Cependant, l’analyse des entretiens semi-directifs, laisse place à l’interprétation du transcripteur. La méthode qualitative suit ce déroulé : Tableau 3 : Organisation d'une enquête qualitative Étapes Choix des thèmes à aborder dans le questionnaire Choix du/des profils de participants Construction du guide d’entretien ou d’animation Test du guide Recrutement du / des participants Entretien Analyse des données Précisions Définition des informations recherchées en liant avec la problématique et les hypothèses Définir les critères de recrutement (ex : âge, sexe, CSP, ...) Traduction en question et relance Ordonnancement des questions en « entonnoir » (du plus large au plus précis, voire au plus délicat) Modifier, plusieurs fois si nécessaire, le guide Avec un questionnaire filtre pour respecter les critères de recrutement définis Introduction à l'entretien sans trop de précision Présentation du / des participants Suivi des questions Conclusion et remerciement Tri et traitement des données Analyse des contenus Source : Thibaud Moncé, « L'alimentation des jeunes adultes » 68 2. Méthode quantitative Cette méthode permet d’apporter de la statistique à l’étude d’un phénomène part l’interrogation d’un grand nombre d’individus, apportant une représentativité. Elle permet de dégager les déterminismes sociaux en montrant leurs influences27. Le choix de l’échantillon est primordial afin de répondre de manière adéquate aux hypothèses émises et d’avoir le plus de représentativité. Pour le déterminer, on utilise deux méthodes d’échantillon : probabiliste ou non probabiliste. La première méthode « vise à une sélection aléatoire dans la population-mère, où chaque individu doit avoir la même chance que les autres de participer à l’enquête », tandis que la méthode non-probabiliste vise à « identifier dans la population mère, quelques critères de répartition significatifs puis d’essayer de respecter cette répartition dans l’échantillon d’individus interrogés »28. Après avoir défini l’échantillon, il faut déterminer sa taille, en prenant en compte la « taille de la population mère », afin d’avoir une représentation fiable, un « degré de précision » et un « degré de confiance »29. Il est également nécessaire de prendre en compte les contraintes liées à l’enquête : les moyens, le temps et l’homogénéité de la population. La méthode quantitative peut être administré par l’enquêteur, en face ou par téléphone, ou par l’interrogé lui-même, « auto-administré ». L’outil principal de la méthode est le questionnaire, établi sur plusieurs types de questions : Ouvertes, dans un but exploratoire par l’obtention de données qualitatives ; Fermées mais qui nécessitent une bonne connaissance du terrain ; Echelles d’évaluation de type Licker, ou Osgood. Afin d’analyser les questionnaires, la saisie informatique est nécessaire, avec notamment, un codage des « questions ouvertes. Des traitements statistiques sont alors envisageables qu’il s’agisse de tris à plat, de tableaux croisés ou d’analyse des données. » (Couvreur, Lehuede, 2002, op. cit.). L’analyse statistique comme avantage de se rendre compte de l’importance du phénomène, de saisir ses mutations grâce à des données 27 Malacrida Alicia. L’enquête quantitative et la construction du questionnaire – Anthropologie de l’Alimentation. M1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, ISTHIA, 2015. 28 Le Maux, Benoît. Statistiques, logiciels et enquête. Université de Rennes 1 - CREM CNRS, 2014. 29 Malacrida Alicia. L’enquête quantitative et la construction du questionnaire – Anthropologie de l’Alimentation. M1 Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, ISTHIA, 2015. 69 établies dans le temps, de catégoriser les individus, suivant leurs comportements ou opinion (Couvreur, Lehuede, 2002, op. cit.). Cette méthode permet également de croiser des données, afin de se rendre compte de relations entre elles. Ici, sont détaillées les différentes étapes de la méthode qualitative : Tableau 4 : Organisation d'une enquête quantitative Étapes Choix des thèmes à aborder dans le questionnaire Échantillonnage Construction du questionnaire Test du questionnaire Administration du questionnaire Analyse des données Précisions Définition des informations recherchées en liant avec la problématique et les hypothèses Définir les critères, la taille de l'échantillon et le mode d'échantillonnage (aléatoire, quotas) Traduction des thèmes en question Ordonnancement des questions en « entonnoir » (du plus large au plus précis, voire au plus délicat) Modifier, plusieurs fois si nécessaire, le questionnaire En face à face ou auto-administré Tri et traitement des données Analyse des contenus Source : Thibaud Moncé, « L'alimentation des jeunes adultes » Ainsi, après avoir défini les grands principes de la méthodologie de collecte, dans la partie suivante seront détaillées les méthodologies utilisées pour la probation des hypothèses. 70 Chapitre 2 : Protocole de recherche Dans ce chapitre, les méthodologies susceptibles d’être en adéquation pour répondre à nos hypothèses seront abordées. 1. Hypothèse 1 : Le couplage des normes sociales et professionnelles tend à une rationalité alimentaire chez les jeunes diététiciennes nutritionnistes, dans le contexte de la nutritionnalisation Pour rappel, cette hypothèse part de deux postulats, l’un concernant la représentation de la diététicienne et l’autre sur une rationalité existante entre les pratiques alimentaires et les connaissances des diététiciennes. Dans le premier cas, une corrélation a été faite entre ce que les personnes extérieures au métier attendent d’une diététicienne, sur son esthétisme et ce que les diététiciennes retiennent. Pour tous, la diététicienne doit être une femme mince, sans soucis de poids, afin d’obtenir une légitimité dans l’exercice du métier envers ses patients mais également des employeurs. Alors, la diététicienne mettrait en place un certain contrôle du poids, afin d’être en adéquation avec l’image de la profession. Dans un second temps, nous avons observé des changements au sein de l’alimentation des diététiciennes nutritionnistes, durant leurs études et qui se poursuivent après l’obtention de leur diplôme. Ces changements s’appliqueraient dans un temps dans une rationalité en finalité, étant donné la prise en compte de l’aspect scientifique et de l’impact biologique de l’alimentation sur le corps, et dans le sens de l’équilibre alimentaire. Cette rationalité se retrouve dans les discours et actes quotidiens des diététiciennes interrogées. Egalement ces changements, s’inscriraient dans une logique professionnelle où les diététiciennes adopteraient ces comportements afin de préserver une légitimité envers les patients. Pour autant, les diététiciennes adoptent une rationalité en valeurs, lorsque leur alimentation s’éloigne des principes du PNNS et se rapprochent de ceux des patients, coexistence du « modèle idéal » et du « modèle pratique ». Ces différentes données ont pour objectif principal de mettre en évidence une identité professionnelle des diététiciennes nutritionnistes justifiée par une pression sociale, une rationalité scientifique et une rationalité en valeurs. 71 La méthodologie probatoire pourrait s’articuler au travers de deux méthodes : l’une à destination du grand public et l’autre des diététiciennes nutritionnistes. La première permettrait dans un temps de capter les connaissances et les représentations des individus sur l’alimentation équilibrée. Ensuite, un état des lieux sur les connaissances de la profession sera fait par des questionnements sur les études et les champs d’action de la profession. Ensuite, sera abordée l’image qui caractérise les diététiciennes, selon les jeunes. La seconde méthode se focaliserait essentiellement sur les diététiciennes nutritionnistes, avec l’impact de l’image des autres sur leurs comportements et également leurs changements alimentaires, avec des redéfinitions concernant leurs visions et le regard des autres sur leur alimentation. 1.1. Questionnaire « Représentation des diététiciennes » Les thèmes abordés dans le questionnaire seront les suivants : L’alimentation équilibrée La diététique Etudes et champs d’action de la profession Représentation esthétique de la femme et de la diététicienne Le questionnaire pourra être diffusé sur internet afin d’en faciliter l’analyse. Les personnes visées par ce questionnaire sont des jeunes, étudiant, ou non, sans critères d’IMC, n’ayant jamais eu de contact avec la diététique. Le recueil d’une centaine de questionnaires exploitables sera nécessaire. La limite de l’utilisation de cette méthode pourrait être liée au manque de connaissances des jeunes sur ce métier. 1.2. Focus Group « Impacts de la représentation de la diététicienne et des études » Ce focus group reprendra différents thèmes, en lien avec l’alimentation des diététiciens et leurs ressentis : La diététique Le contexte professionnel L’image attendue La notion du plaisir 72 La culpabilité Les changements alimentaires Il sera idéalement composé de huit diététiciennes, et il pourra être réalisé plusieurs fois, afin de multiplier les données et d’obtenir des propos plus détaillés et argumentés et de confronter des expériences ou remarques similaires. Les diététiciennes ne seront pas forcément en activité professionnelle. Au contraire, un échantillon composé de professionnelles en activités, et de professionnelles en étude sera d’autant plus intéressant. Il devra se réaliser dans un environnement adapté capable d’accueillir un tel groupe de personnes et avec du matériel adéquat : caméra, micro, afin de faciliter la retranscription et d’un rétroprojecteur pour diffuser certaines images en lien avec le focus group. L’entretien comportera également une pause au milieu du focus. Elle sera organisée avec un goûter, où différents aliments : du salé, du sucré, des fruits, des gâteaux, de l’eau, des sodas… Ainsi, l’observateur pourra analyser les choix de diététiciennes, et un retour sur les observations sera possible par l’animateur. Il durera entre 2 heures et 3 heures. 73 2. Hypothèse 2 : Dans le contexte de modernité alimentaire et d’une redéfinition de la jeunesse, un découplage entre identité professionnelle et pratiques alimentaires quotidiennes apparaît Cette hypothèse s’appuie sur deux types de déterminisme, un qui serait lié à l’aspect culturel, soit l’identité du mangeur français par le modèle alimentaire spécifique et un déterminisme matériel qu’il est possible de lier au contexte générationnel des diététiciennes de notre étude. Le modèle alimentaire français a été abordé sur divers points le caractérisant : les pratiques quotidiennes, la diversité des produits, le goût, le savoir-faire, la convivialité en lien avec la commensalité, le plaisir. Les différentes étapes de la jeunesse ont également été détaillées : départ du domicile familial, indépendance, mise en couple, avec une redéfinition des pratiques alimentaires que cela peut supposer. Aussi, nous avons pu rapprocher certaines pratiques de contrôle que mettent en place les diététiciennes et les étudiantes. Il sera tenté de vérifier cette hypothèse au moyen d’entretiens individuels semidirectifs, afin de saisir les singularités des différents parcours de vie. L’entretien abordera divers thèmes : Les pratiques alimentaires Le modèle alimentaire français Rapport au corps L’échantillon sera constitué de diététiciennes nutritionnistes âgées de moins de 25 ans. Il durera environ 1h30 et portera sur une dizaine de diététiciennes. Les entretiens pourront être analysés de manière comparative au rapport de Laurence Tibère et JeanPierre Poulain. 74 Dans nos méthodes du focus groupe, et des entretiens semi-directifs, l’usage des différents pronoms personnels « on », « nous » et « je » pourra être une méthode intéressante, étant donné la réalisation des entretiens et focus par une diététicienne. En effet, chaque pronom apporte un sens différent et permettrait de recueillir davantage d’informations. Le « on » permet de projeter ses inquiétudes, afin de permettre notamment aux interviewés le partage de leurs craintes. Le « nous » permet d’extérioriser des affirmations identitaires. Enfin, l’utilisation du « je » permet d’impliquer le sujet, et de le poser comme acteur. Il permet l’individualisation, et l’affirmation de différences (Corbeau, 2004). Egalement, l’interviewer pourra tutoyer les diététiciennes, avec leurs accords, afin d’obtenir davantage de proximité et être plus à même, pour elles, de se confier. 75 Chapitre 3 : Proposition d'outils probatoires Ce chapitre recensera les différents outils détaillés précédemment. Ces outils ne sont pas présentés de manière définitive et seront susceptibles d’être modifiés. 1. Hypothèse 1 : Le couplage des normes sociales et professionnelles tend à une rationalité alimentaire chez les jeunes diététiciennes nutritionnistes, dans le contexte de la nutritionnalisation 1.1. Questionnaire « Représentation des diététiciennes » Durée estimée : 20 minutes Le questionnaire se situe en annexe H. 1.2. Focus Groupe « Impacts de la représentation de la diététicienne et des études » Ici est recensé le guide d’animation pour la mise en place du focus group. Il est présenté à l’état d’ébauche, car sa construction se basera sur les résultats de l’enquête quantitative du questionnaire « Représentation des diététiciennes ». Contexte : Salle équipée du DTICE de l'Université Toulouse Jean-Jaurès Durée estimée : 2 heures Tableau 5 : Guide d'animation du focus group Thèmes abordés Questions Présentation des animatrices, du contexte de l’étude, de l’organisation du focus, proposition du tutoiement Tour de tables des participantes : prénom, âge, cadre de vie, activité professionnelle, études,… Les motivations à exercer le métier La profession est-elle suffisamment représentée ? Le contexte Quelles sont les difficultés du métier, ses évolutions ? professionnel Quel regard portez-vous sur les études ? Réorientation et poursuite des études Qu’est-ce que la diététique ? La diététique Qu’est-ce que bien manger ? (bien manger, bon manger, beau manger, manger nutritionnel…) 76 Qu’est-ce que l’équilibre alimentaire ? (variété des produits, saison, composantes,…) Pouvez-vous nous parler de la mise en application des connaissances assimilées lors des études ? (impacts sur l’alimentation, sur la santé, sur « le moral », sur la corpulence) Que vous évoque cette assiette : L’image attendue Pensez-vous que la diététique a une mauvaise image auprès du grand public ? Quelles sont les idées reçues ? Les retours que vous avez ? Quelles sont les réactions des autres, de votre entourage, à la vue de votre alimentation ? Vos ressentis ? Déconcertée, surprise, déstabilisée, amusée, agacée, stressée… Cela vous impacte-t-il ? Pensez-vous être légitimité s’il n’y a pas d’adéquation avec les attentes des patients ? Et vous quelle idée aviez-vous d’une diététicienne avant de faire vos études ? Est-ce différent aujourd’hui ? Et si cette personne était diététicienne : Qu’en pensez-vous ? Dans le contexte professionnel, les patients font référence au PNNS ? A la pression médiatique ? Les rôles des médias et Qu’en pensez-vous ? PNNS dans les normes Etes-vous influencées ? esthétiques Cela joue-t-il sur vos pratiques ? Qu’évoque pour vous le terme de « normes » ? 77 N’est-ce pas perturbant pour le public d’entendre autant de règles ? Et vous ? Pause goûter Qu’est-ce qu’un plaisir ? Définition dans le contexte professionnel, par rapport à celle de la vie quotidienne Plaisir alimentaire, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ? Plaisir et diététique, est-ce conciliable ? Si je vous montre cette image qu’en pensez-vous ? La notion du plaisir La culpabilité Les changements alimentaires Conclusion Qu’est-ce qu’un excès ? (quantité, fréquence, choix du produits…) Vous arrive-t-il de culpabiliser ? Pourquoi ? Dans quel contexte ? Après avoir mangé quoi ? L’organisation de l’alimentation au quotidien : courses, équipements, faire la cuisine, choix des produits… Avez-vous modifié vos habitudes alimentaires depuis le départ du domicile familial ? (repas plus équilibré, suppression de certains aliments, grignotages, augmentation de la consommation de certains aliments…) Les transformations dans les modèles alimentaires par rapport au modèle parental Les transformations dans des situations précises : sorties, invitations chez d’autres personnes, quand on est hôte… Les aspects positifs et négatifs de ces changements Avez-vous quelque chose à ajouter ? Qu'avez-vous pensé de cet échange ? 78 2. Hypothèse 2 : Dans le contexte de modernité alimentaire et d’une redéfinition de la jeunesse, un découplage entre identité professionnelle et pratiques alimentaires quotidiennes apparaît Contexte : Domicile de l'interrogé Durée estimée : 1 heure Dans un premier temps je te remercie de m’accorder un peu de ton temps. J’ai voulu t’interroger car dans le cadre de mon master, je dois réaliser un mémoire que j’ai choisi de faire sur les diététiciennes et l’alimentation, et donc c'est pour cela que j’ai voulu m’entretenir avec toi. Si ça ne te dérange pas, je vais enregistrer notre entretien pour que je puisse l’analyser plus facilement. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. Tableau 6 : Guide d'entretien Thèmes Questions possibles Dans un premier temps acceptezPrise de données vous le tutoiement ? Je te propose de te présenter Alimentation Journée alimentaire Combien de repas prends-tu par jour ? Comment se composent-ils ? Habituellement, où prends-tu tes repas ? Seule, ou accompagnée ? Pourrais-tu me raconter ta journée alimentaire d’hier ? Ton alimentation a-t-elle changé dans les dernières années ou mois ? Quels sont les changements ? Pourquoi as-tu effectué ces changements ? Relances et notes Nom, Prénom Âge Situation familiale Situation professionnelle Conformité au modèle alimentaire français et aux normes nutritionnelles Contexte, influence des pairs, plaisir d’être ensemble Composantes, heures, structure, environnement Etudes, mise en couple, déménagement, profession, nouvelles connaissances, valeurs Produits (produits sucrés, produits frais), techniques, composants, prise alimentaires, horaires… Autonomie, contrainte budgétaire, place de la commensalité, manque de savoir- 79 faire culinaire, ou non, temps, travail… Modèle alimentaire français Alimentation et santé Représentation esthétique de la femme et de la diététicienne Organisation alimentaire Fais-tu la cuisine ? Apprécies-tu la Contrainte, plaisir, héritage faire ? D’où vient ta façon de familial, curiosité culinaire, cuisiner ? expérimentation Budget, organisation, courses à la Où fais-tu tes courses ? semaine, au jour le jour, liste… Comment choisis-tu tes Attrait pour la nouveauté, aspect produits ? nutritionnel, habitude, prix… Structure de la journée, structure Qu’est-ce qui caractérise des repas, produits, savoir-faire, l’alimentation des Français selon cuisine, plaisir, convivialité, toi ? commensalité… Quelles sont les différences avec Produits, pratiques, structure des les autres pays ? repas… Que penses-tu de la gastronomie Savoir-faire français, produits française ? français, prestige Trouves-tu légitime que le repas gastronomique français ait été reconnu comme patrimoine immatériel de l'humanité par l'UNESCO ? Qu’est-ce que signifie le terme Régime, thérapeutique, régime régime ? amincissant As-tu déjà suivi un régime ? Sans forcément consulter une diététicienne Un rééquilibrage alimentaire ? Pour être en bonne santé qu’elle Facteur primordial, nécessaire, est la place de l’alimentation ? facteur parmi tant d’autres Que penses-tu du phénomène de Réseaux sociaux, mise en avant modèle « healthy » ? d’un mode de vie sain, sport… PNNS : 30 minutes d’activités Pratiques-tu une activité physique ? physiques quotidiennement As-tu l’habitude de te peser ? Pourquoi ? Regard au niveau de A-t-il évolué dernièrement ? l’évolution du poids Ton poids te convient-il ? As-tu déjà été mal à l’aise vis-à-vis Pourquoi ? Quelles de ton corps ? circonstances ? Bonne corpulence, trop mince, Que penses-tu de l’image des mannequins dans les magazines ? trop maigre, trop retouchée Pour toi, qu’est-ce que grossir ? 80 Pour toi, qu’est-ce que maigrir ? Désir de changement ? Par quels Es-tu satisfaite de ton apparence ? moyens ? D’après toi, sur cette photo où te situes-tu ? 30 L’Échelle de Stunkard et les valeurs d’IMC respectives. Conclusion Où aimerais-tu te situer ? Aurais-tu d’autres remarques ? Je te remercie pour le temps que tu m’as accordé. 30 1 : IMC à 18,3, corpulence maigre ; 2 : IMC à 19,3, corpulence normale ; 3 : IMC à 20,9, corpulence normale ; 4 : IMC à 23,1, corpulence normale ; 5 : IMC à 26,2, surpoids ; 6 : IMC à 29,9, surpoids ; 7 : IMC à 34,3, obèse ; 8 : IMC à 38,6, cbèse ; 9 : IMC à 45,4, obèse 81 Conclusion 82 A travers ce mémoire, nous avons pu entrevoir les différents cadres auxquels les diététiciennes sont attachées. Le PNNS d’abord, dans un contexte de nutritionnalisation, qui pose différentes normes nutritionnelles à l’ensemble de la population. Ensuite, dans le contexte professionnel, où de nouvelles normes sont inculquées par les études et dispensées dans leurs pratiques des techniciennes. Enfin, par un contexte de génération, partagées entre études, indépendance, mise en couple, les diététiciennes seraient soumises à des changements du modèle alimentaire. La nutritionnalisation et la socialisation professionnelle impliqueraient des changements de rationalité chez nos jeunes diététiciennes, traduits par des normes et attitudes différentes, s’appliquant à leurs pratiques alimentaires. La pression sociale entretenue par le besoin de légitimité les amènerait alors à adopter certains mécanismes dans leurs alimentations. Aussi, les pratiques alimentaires des jeunes diététiciennes s’inscriraient également dans un modèle alimentaire français, par l’intériorisation de ses valeurs, et dans un contexte générationnel, similaires aux autres jeunes, en vivant les mêmes étapes. Les jeunes diététiciennes partageraient alors les mêmes « marqueurs d’identité » que leurs pairs. Ainsi, dans une interaction entre ces cadres, ces identités, la jeune diététicienne nutritionniste construirait sa propre identité de mangeur, entre équilibre alimentaire, rationalité scientifique, quête de légitimité, modèle alimentaire français, et effet de génération. Les diététiciennes apparaissent comme un exemple même de mangeur, dont « l’alimentation, un acte social total, ne peut être réduite à sa dimension biologique » et dont « les pratiques alimentaires [participent] à la construction des identités sociales » (Poulain, in Gaspar, 2015). Les diététiciennes avec leurs connaissances techniques seraient influencées par les normes culturelles, ainsi la nutrition et la culture se mélangent. En effet, la médicalisation de l’alimentation tendrait à homogénéiser les connaissances diététiques, car connues par tous. Ainsi un « relativisme nutritionnel » (Fournier, 2014) apparaîtrait, où les règles nutritionnelles seraient appliquées différemment selon les cadres dans lesquels les jeunes diététiciennes nutritionnistes s’intègrent. 83 Le contexte de notre mémoire, initié durant une année universitaire de master 1, ne permet pas une analyse et une recherche plus approfondie de l’objet de notre étude. C’est pourquoi une méthodologie a été proposée, afin de poursuivre les recherches entreprises sur les jeunes diététiciennes et l’alimentation. Notre étude s’est attardée principalement sur un échantillon de jeunes femmes, sans enfants. Pour autant, la nutritionnalisation, s’engageant dans tous les domaines de la vie, il serait également intéressant d’élargir les recherches à d’autres classes d’âge ou sur d’autres étapes de la vie. Notamment, la période de la première maternité, où nos diététiciennes acquièrent toutes les connaissances scientifiques sur l’allaitement ou l’alimentation du tout petit, durant leurs études, mais restent également des femmes, sans expérience face à une première grossesse, comme tout à chacune. 84 Bibliographie 85 AÏACH Pierre, FASSIN Didier. Les métiers de la santé : enjeux de pouvoir et quête de légitimité. Paris : Anthropos (Sociologiques), 1994, p. 94. APFELDORFER, Gérard. « Le corps comme icône en souffrance ». Corps, 2008, no 4, p. 71-78. BASDEVANT Arnaud. Médecine et chirurgie de l’obésité, Paris : Lavoisier, 2011, 800 p. BOYER Régine, CORIDIAN Charles, ERLICH Valérie. L'entrée dans la vie étudiante. Socialisation et apprentissages. Revue française de pédagogie, 2001, volume 136, p. 97 – 105. [en ligne] Disponible sur http://www.persee.fr/doc/rfp_05567807_2001_num_136_1_2829 (consulté en mars 2016). BURNIER Daniel, DUBOIS Lise, Médicalisation de l’alimentation, in POULAIN Jean-Pierre, Dictionnaire des cultures alimentaires, Paris : Presse Universitaire de France, 2012, p. 831 – 836 CASTRA Michel, Socialisation, in Paugam Serge, Les 100 mots de la sociologie, Paris : Presses universitaires de France, coll. « Que Sais-Je ? », p. 97 – 98 [en ligne] Disponible sur https://sociologie.revues.org/1992 (consulté en janvier 2015). CORBEAU Jean-Pierre, CRENN Chantal DELAVIGNE Anne-Elene, et al. Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé (INPES). Impact des discours nutritionnels sur les comportements alimentaires : Une approche socio-anthropologique qualitative auprès de groupes « ciblés », 2007, 177 p. [en ligne]. Disponible sur http://citeres.univtours.fr/p_vst/textes_en_ligne/rapport_inpes.pdf (consulté en décembre 2015). CORBEAU Jean-Pierre, « Les « jeux du manger » ». XVIIème congrès de l’AISLF, CR 17 « Sociologie et anthropologie de l’alimentation », Lemangeur-ocha.com, 2004, 14 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.lemangeur-ocha.org/fileadmin/images/sciences_ humaines/01_corbeau _Jeux_manger.pdf (consulté en décembre 2015) COUVREUR Agathe, LEHUEDE Franck, Essai de comparaison de méthodes quantitatives et qualitatives à partir d’un exemple : le passage à l’euro vécu par les consommateurs. CREDOC, Cahier de recherche, 2002, n ° 176, 107 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.credoc.fr/pdf/Rech/C176.pdf (consulté en mars 2016). DE MORAES PRATA GASPAR Maria Clara, Cultura y dietética: normas y representaciones de una alimentación sana entre dietistas francesas y brasileñas, à la suite du Congrès International, organisé par l’Observatoire de l’Alimentation et la Fondation Alicia : « Otras maneras de comer: Elecciones, convicciones, restricciones. », 2015, 1277 – 1297 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.odela.org/congreso/wpcontent/uploads/PUBLICACION_omdc_ junio 2015.pdf (consulté en mars 2016). DE SINGLY François, L'enquête et ses méthodes : le questionnaire. Nathan, (Collection 128), 2000. 125 p. DESANTI, Raphaël, CARDON, Philippe, L’enquête qualitative en sociologie. RueilMalmaison : ASH, (Collection ASH étudiants), 2007, 99 p. DREES. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Daniel SICART. Document de travail, Les professions de santé, 2013 [en ligne]. Disponible sur http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/seriestat183.pdf. (consulté en février 2016). DUBAR Claude, La Socialisation, 3ème édition. Paris : Armand Colin, 2000, 255 p. 86 DUBOYS DE LABARRE, Mathieu. « L’expérience du régime au féminin ». Dans : HUMBERT, Annie (dir.) Corps de femmes sous influence. Questionner les normes. Les cahiers de l’OCHA, Paris, nO10, 2004. Disponible sur http://www.lemangeur-ocha.com/dossiers/corps-defemmes-sous-influence-questionner-les-normes-symposium-de-locha-novembre-2003/ (consulté en novembre 2015). DUBOYS DE LABARRE Mathieu, Injonction à la minceur, in POULAIN Jean-Pierre, Dictionnaire des cultures alimentaires, Paris : Presse Universitaire de France, 2012, p. 744 – 749 ENNS. Etude Nationale Nutrition Santé. Situation nutritionnelle en France selon les indicateurs d’objectif et les repères du Programme National Nutrition Santé – Résumé des résultats présentés au colloque, 2007, 6 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.invs.sante.fr/content/download/20470/123865/version/1/file/enns_resumes_ resultats_2007.pdf (consulté en décembre 2015). FISCHLER Claude, Les Alimentations Particulières : Mangerons-nous encore ensemble demain ? Odile Jacob, 2013, 272 p. FOURNIER Tristan, Face à l’injonction diététique, un « relativisme nutritionnel » en France. SociologieS, 2014 [en ligne]. Disponible sur http://sociologies.revues.org/4628 (consulté en janvier 2016). GAGNON Éric, GUAY Louis. Légitimité professionnelle et reconnaissance sociale : l’exemple des ingénieurs forestiers du Québec. Sociologie et sociétés, 1988, Volume 20, numéro 2, p. 141-162. [en ligne] Disponible sur http://id.erudit.org/iderudit/001316ar (consulté en mars 2016). GALLAND Olivier. Sociologie de la jeunesse. L’entrée dans la vie. Paris : Armand Colin, 1991, 256 p. GARABUAU-MOUSSAOUI Isabelle (dir.), PALOMARES Élise, DESJEUX Alimentations contemporaines, Paris : Éditions l'Harmattan, 2002, 397 p. Dominique, GARABUAU-MOUSSAOUI Isabelle, La cuisine des jeunes : désordre alimentaire, identité générationnelle et ordre social, Anthropology of food, 2001 [en ligne] Disponible sur http://aof.revues.org/975 (consulté en mars 2016). GOFFMAN Erving. Les cadres de l’expérience. Paris : Les Editions de Minuit, 1991, 576 p. HÉBEL Pascale, Comportements et consommations alimentaires en France, CREDOC, Paris : Lavoisier, 2012, 120 p. HUBERT Annie, Introduction, Corps de femmes sous influence. Questionner les normes. Les Cahiers de l'Ocha N°10, Paris, 2004, 141 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.lemangeurocha.com/dossiers/corps-de-femmes-sous-influence-questionner-les-normes-symposiumde-locha-novembre-2003/ (consulté en novembre 2015). IFN. Institut Français pour la Nutrition. Actes du colloque « Des Aliments et des Hommes : Entre science et idéologie, définir ses propres repères » POULAIN, Jean-Pierre, Les rationalités des mangeurs, 2004, 135 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.alimentationsante.org/wp-content/uploads/2011/07/Actes-2004.pdf (consulté en mars 2016). INPES. Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Sous la direction de François Beck, Jean-Baptiste Richard. Les comportements de sante des jeunes. Analyses du Baromètre santé 2010 [en ligne]. Disponible sur 87 http://www.inpes.sante.fr/Barometres/barometre-sante-2010/comportement-santejeunes/pdf/Alimentation-12-30-ans.pdf (consulté en février 2016). KAKAI Hygin, Contribution à la recherche qualitative, cadre méthodologie de rédaction de mémoire, Université de Franche-Comté, 2008, 4 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.carede.org/IMG/pdf/RECHERCHE_QUALITATIVE.pdf (consulté en mars 2016). LACUISSE-CHABOT Annie, L’impérialisme de la minceur, In HUBERT Annie, Corps de femmes sous influence. Questionner les normes. Les Cahiers de l'Ocha N°10, Paris, 2004, 141 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.lemangeur-ocha.com/dossiers/corps-de-femmes-sousinfluence-questionner-les-normes-symposium-de-locha-novembre-2003/ (consulté en novembre 2015). MASSON Estelle, Femmes, minceur et régimes, in POULAIN Jean-Pierre, Dictionnaire des cultures alimentaires, Paris : Presse Universitaire de France, 2012, p. 580 – 586 MASSON Estelle, Le mincir, le grossir, le rester mince, In HUBERT Annie, Corps de femmes sous influence. Questionner les normes. Les Cahiers de l'Ocha N°10, Paris, 2004, 141 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.lemangeur-ocha.com/dossiers/corps-de-femmes-sousinfluence-questionner-les-normes-symposium-de-locha-novembre-2003/ (consulté en novembre 2015). MATHE Thierry, FRANCOU Aurée, COLIN Justine, HEBEL Pascale, Comparaison des modèles alimentaires Français et Etats-Uniens. CREDOC, Cahier de recherche, 2011, n°283, 96 p. [en ligne]. Disponible sur http://www.credoc.fr/pdf/Rech/C283.pdf (consulté en mars 2016). MONCÉ Thibaud. L'alimentation des jeunes adultes. Mémoire de Master 1 Alimentation, Parcours Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation, Toulouse : ISTHIA, 2015 NIZET Jean, RIGAUX Natalie, La sociologie de Erving Goffman, 2ème édition. Paris : La Découverte « Repères », 2014, 128 p. POULAIN Jean-Pierre, La cuisine c’est plus que des recettes ! Essai sur l’espace social alimentaire, in POULAIN Jean-Pierre, Pratiques alimentaires et identités culturelles, les études vietnamiennes, 1997, n°125 et 126, p. 31 – 126 POULAIN Jean-Pierre, Modèle alimentaire, in POULAIN Jean-Pierre, Dictionnaire des cultures alimentaires, Paris : Presse Universitaire de France, 2012, p. 881 – 888 POULAIN Jean-Pierre, Affirmation des particularismes individuels et évolution des modèles alimentaires, in Fischler Claude, Les alimentations particulières. Mangerons-nous encore ensemble demain ? Odile Jacob, 2013, p. 247 – 259 Région Midi Pyrénées. Programme de recherche SHS. Tibère Laurence, Poulain Jean-Pierre, L’alimentation des étudiants : adaptation et réorganisation des modèles alimentaires, 2010, 130 p. ROMEYER Hélène, Le bien-être en normes : les programmes nationaux nutrition santé, Questions de communication, 2015, n°27, mis en ligne le 01 septembre 2017. [en ligne]. Disponible sur http://questionsdecommunication.revues.org/9685. (consulté en février 2016). Académie d’Aix Marseille. APB taux de pression en BTS par spécialité et par établissement, 2015, 2 p [en ligne]. Disponible sur http://www.cio-digne-manosque.ac-aix88 marseille.fr/spip/sites/www.cio-digne-manosque/spip/IMG/pdf/taux_de_pression_bts _2015-2.pdf (consulté en février 2016). Académie Clermont Ferrand. Dossier de Presse InfoSup, 2013, 6 p [en ligne]. Disponible sur https://www.ac-clermont.fr/fileadmin/user_upload/Orientation/ Banque__dossier_20132014/bts_03.pdf pdf (consulté en février 2016). Académie de Toulouse. Post-Bac, Taux de pression dans les filières sélectives, 2013, 6 p [en ligne]. Disponible sur http://web.ac-toulouse.fr/automne_modules_files/ pDocs/public/r23453_61_apb3_-_taux_de_pression_-_juin2013.pdf. (consulté en février 2016). 89 Tables des signes et abréviations AFDN : Association Française des Diététiciens Nutritionnistes AFSSA : Agence Nationale Française de Sécurité Sanitaire des Aliments ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation BcS : Bachelor of Sciences BTS : Brevet de Technicien Supérieur DREES : Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques DUT : Diplôme Universitaire de Technologie ENNS : Etude Nationale Nutrition Santé IMC : Indice de Masse Corporelle INPES : Institut national de prévention et d'éducation pour la santé OMS : Organisation Mondiale de la Santé PACES : Première année commune aux études de santé PNA : Plan National pour l’Alimentation PNNS : Plan National Nutrition Santé PO : Plan Obésité S : Bac Scientifique ST2S : Bac Sciences et Technologies de la Santé et du Social 90 Annexes 91 Table des annexes ANNEXE A : GUIDE D’ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 1 ..................................................................... 93 ANNEXE B : GUIDE D’ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 2 ..................................................................... 94 ANNEXE C : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 1 ................................................................................. 97 ANNEXE D : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 2 ............................................................................... 103 ANNEXE E : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 3................................................................................ 107 ANNEXE F : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 4 ................................................................................ 118 ANNEXE G : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 5 ............................................................................... 128 ANNEXE H : QUESTIONNAIRE QUANTITATIF « REPRESENTATION DES DIETETICIENNES »....................... 136 92 Annexe A : Guide d’entretien exploratoire n ° 1 Dans un premier temps je te remercie de m’accorder un peu de ton temps. J’ai voulu t’interroger car dans le cadre de mon master, je dois réaliser un mémoire que j’ai choisi de faire sur les diététiciennes et l’alimentation. C'est pour cela que j’ai voulu m’entretenir avec toi, je te remercie de m'accorder un peu de ton temps. Si ça ne te dérange pas, je vais enregistrer notre entretien pour que je puisse l’analyser plus facilement. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. Généralités Connais-tu cette profession ? Ses missions ? Les études ? Penses-tu que les diététiciennes ont une véritable légitimité dans l’éducation alimentaire ? Les bons outils pour ? Imaginaire de la diététicienne et pratiques professionnelles Quel est le premier mot qui te vient à l’esprit quand si je te dis diététicienne ? Pourquoi ? As-tu déjà rencontré une diététicienne ? Pour quelles raisons ? Stress, angoisse à son encontre ? Peur du jugement ? Si tu devais en rencontrer une, aurais-tu appréhension ? Qu’est-ce qui fait une bonne diététicienne selon toi ? Dans ton imaginaire, comment vois-tu une diététicienne ? Si tu en rencontres une différente de ton idée quelle serait ta réaction ? La diététicienne type a-t-elle un physique précis dans ton imaginaire ? Par exemple, consulter une diététicienne ronde serait une gêne pour toi ? Aurais-tu confiance en elle ? Dans ton esprit, comment vois-tu le mode de vie d’une diététicienne ? Son alimentation ? Sport ? Penses-tu que la diététicienne doit être irréprochable dans son mode de vie au vue de ce qu’elle préconise ? Une certaine rationalité ? Si je te dis plaisir et diététique ? 93 Annexe B : Guide d’entretien exploratoire n ° 2 Dans un premier temps je te remercie de m’accorder un peu de ton temps. J’ai voulu t’interroger car dans le cadre de mon master, je dois réaliser un mémoire que j’ai choisi de faire sur les diététiciennes et l’alimentation, et donc c'est pour cela que j’ai voulu m’entretenir avec toi. Si ça ne te dérange pas, je vais enregistrer notre entretien pour que je puisse l’analyser plus facilement. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. Données sociales Nom, Prénom Âge Situation familiale Vis-tu seule ? au domicile familial ? en couple ? en colocation ? Parcours scolaire Quel type de bac as-tu ? La diététique a-t-elle été ta première orientation à la sortie du bac ? Si oui, o Pourquoi ? o Attrait pour la diététique, aider les autres, la cuisine, expérience personnelle dans la diététique o Prise en compte des avis d’autrui ? Si non, o Quelle a été la première voie choisie ? o Prise en compte des avis d’autrui ? o Pourquoi le choix de la diététique ? o Prise en compte des avis d’autrui ? PNNS, magazine, influence dans le choix ? Remarques des autres (famille, amis proches, inconnus) pour le choix de vos études / quand vous faisiez vos études / après La profession Que pensez-vous du métier de diététicien-nutritionniste ? Mérite-t-il des améliorations ? Penses-tu que le métier est en évolution ? L’importance du métier ? Regret d’avoir choisi cette voie ? Image de la diététicienne Dans ton imaginaire, as-tu une idée de la diététicienne avant de commencer les études ? As-tu déjà rencontré des personnes en ayant ? Quelles idées ? Justement, penses-tu qu’être diététicienne est un métier basé sur l’apparence ? Crois-tu que la diététicienne doit avoir un physique particulier au vu de son travail ? Il y a une mauvaise image de la diététique ? Evolution par rapport toi ? Hygiène de vie : tabac, alcool (aller plus loin que l’alimentation) 94 Cuisine Qu’as-tu mangé aujourd’hui ? Hier ? -> journée type Comment se composent tes repas ? (entrée, plat, dessert) Repas classique / sophistiqué Comment juges-tu ton alimentation ? Ça t’ennuie de manger équilibré des fois ? Parles-tu d’alimentation avec tes amis ? Dans quels contextes ? Et avec votre famille ? Comment les autres jugent ton alimentation ? (remarques de la famille, amis, camarades de classe, collègues) Apprécies-tu cuisiner ? Temps de cuisine Faisais-tu la cuisine avant d’entrer en BTS ? Quels sont tes souvenirs des cours de cuisine dispensés durant la formation de BTS Diététique ? (plaisir d’apprendre, de cuisiner, de tester, de découvrir de nouvelles choses) As-tu changé tes habitudes alimentaires pendant le BTS Diététique ? (repas plus équilibré, suppression de certains aliments, grignotages, augmentation de la consommation de certains aliments…) Achats : où sont-ils effectués ? qu’est-ce que tu regardes quand tu fais tes courses, quand tu choisis tes produits ? produits du rayon diététique ? Changements alimentaires Avez-vous changé certains de tes comportements suite au BTS Diététique ? o Alimentation : choix des produits, des restaurants, des modes de cuissons o Technique culinaire o Relations aux autres o Curiosité : découverte de nouveaux produits, nouvelles saveurs o Statut dans la famille o Quels changements ? Habitudes ? Nouveautés ? Jugements // aux évolutions Penses-tu être plus détendu par rapport à l’alimentation, à ton alimentation qu’avant tes études ? Par rapport aux autres ? Le fait que tu sois diététicienne, vois-tu une évolution du comportement des autres pendant des repas ? Alimentation comme les autres Différence avec les autres de ton âge ? C’est quoi l’alimentation de quelqu’un de notre âge ? Ton alimentation s’en éloigne ? Les gens ont les clés pour manger équilibré d’après toi ? Diététique, plaisir et culpabilité Qu’est-ce que « manger équilibré » ? Pensez-vous manger équilibré ? Qu’est-ce que manger ? Qu’est-ce que la nutrition ? 95 Qu’est-ce que la diététique ? Pensez-vous être légitime à donner des conseils alimentaires si votre alimentation n’est pas équilibrée ? Si je dis plaisir alimentaire, qu’est-ce qui te vient à l’esprit ? Si je dis plaisir et diététique Vous êtes-vous déjà senti coupable en mangeant qqc ? Sport et poids Pratiques-tu une activité physique ? Tu pèses-tu ? A quelle fréquence ? Pourquoi ? As-tu pris du poids ou perdu durant les études ? / depuis le départ du domicile familial ? As-tu déjà suivi un régime ? Quel type ? Quand ? Comment s’est passé cette expérience ? Quelqu’un t’avait-t-il conseillé ? As-tu déjà vécu une situation où tu t’es senti mal avec votre corps ou une partie de votre corps ? 96 Annexe C : Entretien Exploratoire n ° 1 Date : Lundi 29 Février Contexte : Domicile de l'interrogé Durée : 20 minutes. Enquêté : O.G, Femme 21 ans, étudiante Intervieweur : I I : Dans un premier temps je te remercie de m’accorder un peu de ton temps. J’ai voulu t’interroger car dans le cadre de mon master, je dois réaliser un mémoire que j’ai choisi de faire sur les diététiciennes et l’alimentation. C'est pour cela que j’ai voulu m’entretenir avec toi, je te remercie de m'accorder un peu de ton temps. Si ça ne te dérange pas, je vais enregistrer notre entretien pour que je puisse l’analyser plus facilement. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. Principalement, je vais m’intéresser à l’image des diététiciennes. O.G : D’accord, ok. I : Connais-tu la profession ? O.G : Que veux-tu dire par connaitre ? I : Est-ce que tu en as déjà entendu parler ? O.G : Oui. I : Est-ce que tu connais les missions qu’elles peuvent avoir ? Je te parle seulement des diététiciennes femmes. O.G : Pour moi une diet’ c’est quelqu’un qui te fait maigrir, clairement. Je pense aussi qu’elles peuvent travailler en hôpitaux, mais pour moi ça s’arrête là. I : L’amaigrissement donc, pas d’autres secteurs d’activités ? O.G : Non. I : Connais-tu les études pour devenir diététicienne ? O.G : Je pense que ça doit être un BTS, mais sinon aucune idée. I : Donc un bac + 2 ? O.G : Oui. I : Est-ce que tu penses que les diététiciennes ont une réelle légitimité dans l’éducation alimentaire ? Est-ce qu’elles servent vraiment à quelque chose ? Est-ce qu’elles ont vraiment les outils pour ? O.G : Je pense qu’il faut diviser la question en deux, est-ce qu’elles ont vraiment les outils pour ? Je ne sais pas. Est-ce qu’elles sont légitimes ? Oui, je pense que oui. Mais après la nutrition c’est quand même une science qui est hyper remise en cause. Tous les 2 matins tu as un nouveau régime. Donc oui je pense qu’il y a des choses qui sont sûres et que tu ne peux pas revenir dessus, mais faut pas qu’elles s’emballent trop, elles ne vont pas nous refaire le monde. 97 I : SI je te dis diététicienne, quel est le premier mot qui te viens à l’esprit ? O.G : Tout ce qui est autour de la minceur, etc. Après c’est mon vécu aussi. Je pense que je n’aurais pas du tout la même approche si je n’avais pas eu ce vécu par rapport à certaines diététiciennes, j’aurais peut-être d’autres représentations, mais, moi, quand on me dit diététicienne pour moi ce n’est pas une bonne représentation qui me vient à l’esprit. I : C’est péjoratif ? O.G : Plutôt oui. I : Donc tu dis minceur par rapport à ton vécu ? O.G : Oui. I : Donc tu as déjà rencontré une diététicienne ? O.G : Oui, plus d’une même. Quand j’étais petite, j’ai vu diverses diététiciennes, au début c’était un peu comme un certain culte de la minceur, il fallait que les enfants et même tout le monde soient nickel, minces et tout ça. Et on m’a fait faire énormément de régimes différents, et pour un résultat bidon, en fait, avec tous des méthodes différentes. Certains c’étaient des trucs très stricts, d’autres par médicaments et maintenant avec le recul je me demande « mais comment on peut faire ça à un enfant ? », parce que déjà faire des régimes aux enfants je trouve ça ridicule et c’est vrai que pour moi ça a jamais été des personnes très tendres. J’en ai rencontré vraiment beaucoup, pourtant je n’étais pas non plus en obésité extrême, ou je ne sais trop quoi. Pour moi c’est vraiment pas du tout une bonne représentation. I : Qui t’a orienté vers les diététiciens ? C’étaient les médecins ? Tes parents ? O.G : C’était le médecin traitant, non mon père ne voulait pas. Après quand ma mère est partie travailler, j’avais comme un sentiment d’abandon et j’ai eu une grosse prise de poids et je pense que ça aurait été plus efficace de voir un psy plutôt qu’une diet. Le problème a été pris à l’envers, je pense. Quand il y a un problème ailleurs et que tu essaies de résoudre ce problème mais pas le bon au final ça sert à rien, ça fait une courbe de poids qui est comme ça (montre une flèche qui augmente)… A 6 ans c’est pas tellement normal, tu vois. I : Est-ce que tu rendais compte à ton âge que tu allais voir une diététicienne, ou tu réalisais pas tellement… O.G : SI tu réalises… Franchement, fallait voir ce qu’ils donnaient comme régime… Il y en avait une, je finissais de manger et j’avais faim encore. C’était limite de l’acharnement, et moi je l’ai très mal vécu et il y avait cette angoisse de se dire « putain quand je vais passer sur la balance, est-ce que je vais avoir pris ou pas ? » c’était limite presque terrorisant d’y aller. I : Le stress, l’angoisse. Tu avais peur du jugement ? O.G : Oui complètement, tu as tes parents qui te disent « putain je te paie la diététicienne et tu manges n’importe quoi à côté », tu as la diététicienne qui te dit que ce n’est pas bien. En plus de ça il se peut que tes copains à l’école ils le sachent, déjà qu’en plus il y a un regard parce que tu ne fais pas le même poids que eux. C’est limite traumatisant, c’est vraiment une mauvaise expérience. I : Et si aujourd’hui te devais en rencontrer une ? 98 O.G : Non, maintenant j’assume totalement le fait d’avoir 10 kilos en plus. I : Et si on sort du contexte de la minceur, tu as une maladie métabolique il te faut vraiment un régime approprié, une maladie au rein par exemple et il te faut un régime spécial car c’est la maladie qui veut ça et non dans un désir de minceur. Ça changerait ton appréhension, ton angoisse ? O.G : Déjà ça ne viendrait pas de moi, donc ça me ferait encore plus chier, mais je pense que je me protégerais. Vu que c’est moi qui choisirai la personne ou quoi, je n’irai pas voir n’importe qui, je pense que je prendrais des conseils extérieurs et ça ne se reproduirait pas une deuxième fois. I : Et une peur du jugement toujours, étant donné que c’est dans le cadre d’une maladie et non pas un désir de minceur ? O.G : En fait maintenant le jugement je m’en fous, puisque quand tu as toujours été comme ça au final tu t’en fous. Tu dis, je ferais jamais un 36 et tu vies comme ça. Je suis comme ça et pas autrement, je vais bien, je fais du sport. On le sait que tout le monde ne peut pas faire un 38 on n’est pas toutes pareilles loin de là et donc au bout d’un moment tu t’en fous clairement. I : Qu’est ce qui fait une bonne diététicienne selon toi ? O.G : Euh, je ne sais pas. Je pense qu’il y a le fait qu’elles essaient de comprendre la personne et ce qu’elles voient en face d’elle. I : Un individu pas un poids ? O.G : Oui plus qu’un poids mais un individu, une histoire. I : Un aspect psychologique ? O.G : Oui voilà, qu’elles te sortent pas un papier en te disant qu’il faut manger 100 g d’haricots verts, 200 g de machins tous les jours. Dans ton assiette c’est féculent, c’est bon quoi à un moment. J’ai ce souvenir-là, qu’elles nous prennent un peu pour des cons, fin c’est tellement individuel l’alimentation, je veux dire je le vis comme ça, d’ailleurs parler de ce que je mange je n’aime pas, je n’aime pas qu’on regarde ce que je mange j’ai horreur de ça, limite maintenant ça me gêne. Parce qu’on est tellement venu mettre le nez dans mon assiette et se mêler de ce que je mangeais. Enfin je veux dire je me souviens des repas de quand j’étais petite il y avait la balance sur la table, il fallait tout peser. Maintenant, c’est plus jamais. I : Est-ce que tu penses que si tu avais cette expérience mais que ça serait venu de toi, ça serait différent ? Parce que là tu étais contrainte finalement. O.G : Je ne sais pas, j’étais petite, il faudrait mettre ça dans un contexte où j’étais plus grande. Oui peut-être que je l’aurais vécu différemment, je ne sais pas. I : Dans ton imaginaire, comment tu vois une diététicienne ? O.G : (rires) Plutôt grande et très très très fine. C’est bête mais cheveux courts, je sais pas pourquoi ! Quelqu’un de très sec. I : Masculin au final ? O.G : Oui presque, mais vraiment maigre plus que mince. 99 I : Donc un physique précis, et des qualités personnelles, en terme de personnalité ? O.G : Pour la personnalité quelqu’un qui est à la limite du rustre, qui n’est pas du tout attentionné, un peu dur. Toujours au vécu que j’ai eu, ce n’était pas vraiment des gens qui … fin avec moi ça a été dur. I : Et si tu en rencontres une avec un physique, une image différente que celle que tu as, comment tu réagirais ? O.G : Je me dirais que tout est possible, non après oui ce n’est pas parce que tu es diététicienne que tu fais forcément un 38 et que tu es une « connasse ». Je suis sûre qu’il y a des diététiciennes qui sont très bien. Tu ne peux pas toujours tout cataloguer. Après ça ne choquerait pas. I : Et si tu consultes une diététicienne qui est ronde, c’est une gêne pour toi ? Est-ce que tu aurais confiance en elle ? O.G : Beh c’est comme si tu vas chez un cordonnier qui a des chaussures trouées. C’est bête mais ça dépend, qu’est-ce que tu appelles ronde ? C’est sûr que si elle fait 150 kilos, tu vas lui dire, qu’est-ce que tu vas me donner des conseils alors que tu aurais besoin d’y aller. I : Pas ronde, mais avec un physique qui est différent de la maigreur que tu me parlais tout à l’heure, avec un physique un peu plus enveloppé. Plus mince que toi mais pas non plus sèche. O.G : Ca peut-être rassurant, parce que tu te dis que la nana elle n’est pas forcément dans l’extrême, tu peux aussi te dire qu’elle te comprend. Et en même temps tu te dis « est-ce que je suis ses conseils ou pas ? ». T’as deux extrêmes. I : Comment tu vois le mode de vie d’une diététicienne ? O.G : Je ne sais pas. J’étais persuadée qu’une diététicienne ne mangeait rien, 3 graines et c’est fini. Et maintenant quand je te vois manger à toi, au secours quoi. Mais pour moi avant les diététiciennes ne mangeaient pas grand-chose. I : Presque des troubles du comportement alimentaire, ou qui mangeaient équilibré et sain ? Plus le côté maladif ? O.G : A la limite oui le côté maladif, c’est con la mauvaise image que j’ai. J’ai tellement eu… I : Même pas une alimentation équilibrée, restrictive plutôt ? O.G : Si équilibré quand même, mais plus proche de la restriction. Je ne dis pas que les diététiciennes sont anorexiques, loin de là, mais très gros contrôle. I : Pas d’écarts autorisés, par exemple… O.G : Si après elles sont humaines donc je pense que si des écarts, mais elles devaient tout le temps contrôler. Et encore le fait qu’elles se contrôlent à elles ce n’est pas un problème mais je me dis qu’est-ce que ça pourrait être de vivre avec une diététicienne, ça je ne pourrais pas. Vivre avec quelqu’un qui est diététicienne je me sentirais fliquée en permanence. Alors qu’au contraire pas du tout, je sais pas. I : Et le sport ? O.G : Alors pour moi je n’associe pas du tout diététicienne et sport. 100 I : Que l’alimentation, pas l’hygiène de vie en général? O.G : Dans ma tête elles sont très maigres mais pas musclées. Je l’associe pas au sport. Plutôt au « bien manger ». I : Est-ce que tu penses qu’une diététicienne doit être irréprochable dans son mode de vie, vu ce qu’elle préconise ? O.G : Non je ne pense pas. Enfin, c’est sûr tu arrives chez une diététicienne elle boit un coca c’est moyen mais devant ses patients elle doit être irréprochable, ne pas manger un sandwich, mais en dehors elle est humaine et elle fait ce qu’elle veut. Mais à ce compte-là elle sait qu’elle aussi elle est comme tout le monde qu’elle n’aille pas te dire « il ne faut surtout pas manger ça ». Moi c’est ça qui me dérange, c’est qu’elles aient l’impression, de ce que j’ai le souvenir, et quand t’as une diet qui te dit « jamais un goûter, non tu es fou à la limite une demi pomme pas plus », mais tu te dis « est-ce qu’elles se rendent compte qui vont à l’école, qu’ils voient les autres enfants manger d’autres trucs », enfin qu’elles aient un peu plus les pieds sur terre et qu’elles se rendent compte du monde qui entoure. I : Et si tu consultes une diététicienne, tu sors tu vas dans un restaurant, elle aussi et elle se prend un hamburger, juste avant elle t’a donné un régime avec tant de grammes de trucs ? O.G : C’est contradictoire, la femme elle est mince, quelle chanceuse, quelle « connasse », vivement que je sois comme ça. Mais en même temps tu te dis « super elle te dit de manger ça et au final c’est tu fais ce que je dis, mais pas ce que je fais ». Donc c’est à double tranchant. I : Dernière question, si je te dis plaisir et diététique. Est-ce que c’est lié ? O.G : Pour moi ce n’est pas contradictoire. Ça peut-être lié, pour moi dans mes études on nous a appris en restauration, que le plaisir c’est ok mais il faut quand même ne peut pas mettre une bouteille d’huile et respecter ce que tu mets dans l’assiette. I : Est-ce que tu penses que les diététiciennes savent allier les deux côtes ? O.G : Je ne sais pas. I : Dans leur vie personnelle et professionnelle ? O.G : Dans leur vie personnelle, j’espère pour elle. Je pense, elles sont humaines. Dans leur vie professionnelle, c’est-à-dire dans ce qu’elles recommandent ? I : Oui, sont-elles capables de donner des conseils allant dans ce sens, alliant plaisir et diététique ? Manger en termes de saveur, de plaisir et nutrition équilibrée. O.G : Je pense qu’aujourd’hui oui par rapport à l’époque, il y a 18 ans quand j’ai commencé très très tôt. Aujourd’hui on a quand même avancé pour pouvoir allier plaisir et minceur, après il y a un gros marché qui s’est développé. Faut faire gaffe au marketing aussi. Comme ce qu’il m’est arrivé l’autre jour avec des gâteaux sésames, j’étais persuadée que c’était un truc pas calorique et j’ai comparé et j’ai vu que c’était aussi calorique que mes pepitos, donc du coup j’ai bouffé mes gâteaux au chocolat, tu vois. Si c’est pour 3 calories en moins, qu’estce que c’est, c’est rien. I : C’est pour le plaisir où la bonne conscience que tu avais acheté ces gâteaux ? O.G : En fait c’était parce que j’avais goûté et bien aimé. 101 I : Et derrière tu t’étais dit une idée diététique mais sans plus ? O.G : Si c’est bon et que ça fait du bien je m’étais dit « vas-y, prend-les », et en plus ce n’était pas très cher. Mais après j’étais hyper déçue. I : Et tu en rachèteras ? O.G : Oui j’ai bien aimé, parce que c’était bon. Après si je voudrais un truc pas calorique il ne faudrait pas que j’aille pas vers ça. En vrai je me surveille tout le temps dans mon assiette, mais pas en quantité enfin si j’ai ma petite voix dans ma tête qui dit « tu ne te serviras qu’une fois » mais c’est tout le temps je me dis qu’il faut que j’ai des légumes et des féculents et tout ça. I : Tu regardes ton assiette, en termes de qualité du choix des produits ? O.G : Oui, mais maintenant je le fais inconsciemment, j’ai appris étant donné que je cuisine moi-même. Mais par exemple je m’étais de l’huile d’olive pour me donner bonne conscience. Par exemple si je fais une quiche la plus part du temps, je vais faire des végétariennes, mettre beaucoup de légumes limite, pour me donner bonne conscience, j’essaie de faire bon mais au maximum sain. I : D’accord. Eh bien j’en ai fini avec mes questions. Merci beaucoup de ta participation et de ton intérêt pour mon étude. 102 Annexe D : Entretien Exploratoire n ° 2 Date : Mardi 1 mars Contexte : Domicile de l'interrogé Durée : 20 minutes. Enquêté : G.D, Homme, 22 ans, étudiant Intervieweur : I I : Dans un premier temps je te remercie de m’accorder un peu de ton temps. J’ai voulu t’interroger car dans le cadre de mon master, je dois réaliser un mémoire que j’ai choisi de faire sur les diététiciennes et l’alimentation. C'est pour cela que j’ai voulu m’entretenir avec toi, je te remercie de m'accorder un peu de ton temps. Si ça ne te dérange pas, je vais enregistrer notre entretien pour que je puisse l’analyser plus facilement. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. Principalement, je vais m’intéresser à l’image des diététiciennes. G.D : D’accord. I : Est-ce que tu connais cette profession ? G.D : Oui. Je connais un peu. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? I : Les missions… G.D : Je sais qu’elles ont pour mission de conseiller les gens sur leurs régimes alimentaires qu’ils peuvent avoir, par exemple au niveau des sportifs, le régime qu’ils ont besoin pour être performant, genre les protéines, les glucides… Ensuite, je sais que la plupart travaille dans des hôpitaux donc elles conseillent les patients pour leurs régimes alimentaires. Je sais que c’est un métier qui se fait en BTS, en 2 ans. Je pense pas que ça soit la seule mission que de conseiller… Ah si elles confectionnent les menus pour les individus, que ce soit des menus équilibrés. I : Tu penses que les diététiciennes elles ont une véritable légitimité dans l’éducation alimentaire ? Est-ce qu’elles ont les bons outils ? G.D : Je pense pas. Je pense qu’elles ont pas assez le pouvoir de changer les choses. Elles ont pas assez de pouvoir d’action. Par exemple, juste pour une année en plus en qualité, une licence pro, tu peux devenir responsable qualité et il a plus de missions. Après que diététicienne, même avec un bac + 3, t’as moins d’impact. I : Si je te dis diététicien, quel est le premier mot qui te vient à l’esprit ? G.D : Femme ! J’ai le cliché, pour moi c’est des femmes. C’est rare que j’entende parler d’hommes. I : T’as déjà rencontré une diététicienne ? G.D : Non jamais. I : Si tu devais en rencontré une dans le cadre médical, tu aurais une appréhension ? G.D : Pas du tout, non. I : Une peur du jugement, une angoisse sur le jugement de ton alimentation ? 103 G.D : Non pas du tout. Je pense… C’est pas une angoisse, mais comme j’aime bien manger et que je me prive de rien, c’est une alimentation riche en calories, pas saine, je pense qu’elle me ferait la réflexion que c’est pas équilibré, et qu’elle me conseillerait de privilégier tel produit plutôt qu’un autre, par exemple. Mais c’est pas quelque chose que j’appréhenderai. C’est pas quelque chose qui me stresserait. I : D’accord. Et qu’est-ce qui fait une bonne diététicienne selon toi ? G.D : C’est quelqu’un à l’écoute de ce qu’on lui dit. Genre, t’es en surpoids, elle va pas te donner un truc super restrictif. C’est quelqu’un qui va être à ton écoute, qui va planifier des choses dans le temps et qui va te faire changer ton alimentation progressivement. I : Comment tu imagines une diététicienne ? G.D : Physiquement ? I : Tout, les qualités qu’elle peut avoir, le physique. G.D : Honnêtement, c’est quelqu’un de doux, de pas méchant. Ouais pas comme un psy mais qui est là pour t’écouter et en fonction elle s’adapte pour améliorer. Niveau physique, c’est pas parce qu’elle va conseiller sur ton alimentation, que c’est quelqu’un qui doit être mince. Ça peut-être une personne basique, comme n’importe qui. I : T’as pas de représentation physique donc. G.D : Non j’ai pas le cliché de la personne super mince, qui passe sa journée à dire « faut que je mange ça », « faut que je fasse attention à ça ». C’est pas quelqu’un qui va se contrôler. J’ai pas d’apriori. I : Si tu dois consulter une diététicienne, tu veux maigrir et en face de toi la diététicienne est ronde. Tu réagirais comment ? T’aurais confiance ? G.D : Ouais honnêtement ouais. Après je me dirais « ouais elle est grosse, s’il faut c’est bidon ce qu’elle me dit ». Mais après voilà c’est pas parce que la personne est le contraire de ce qu’elle veut me faire appliquer que ça va jouer. Elle est professionnelle, si elle y arrive dans son métier c’est pas pour rien. Elle a fait des études, elle a les connaissances pour faire ce qu’elle fait et voilà. Moi j’y connais rien, elle elle a un avis professionnel et voilà. Elle est censée savoir faire. Pour moi c’est pas un problème. I : Et dans ton esprit, la diététicienne, elle a un mode de vie particulier ? Comment elle peut gérer son alimentation ? G.D : Je pense pas que ça soit quelque chose qui prenne part dans son quotidien. Elle va pas s’imposer quelque chose de strict. Genre « je suis diététicienne, donc va falloir que j’applique exactement ce qu’il faut appliquer : tant de glucides, tant de lipides, tant de protéines, éviter les sucreries etc ». Je pense pas que c’est quelqu’un qui contrôle sa vie, par rapport à son métier. Au contraire, je pense qu’un minimum elles connaissent les produits qu’il faut pas consommer mais ça leur arrive d’en consommer. C’est pas quelque chose qui va rentrer dans leur quotidien. Elles ont une vie à côté et elles sont pas obligées d’appliquer les préconisations. I : Donc d’après toi, elles ont pas un mode de vie plus sain, que les autres personnes ? G.D : Forcément, elles ont les connaissances donc elles savent mieux ce qu’il faut pour avoir une alimentation saine et une hygiène de vie correcte. 104 I : Donc pas forcément de différences selon toi. G.D : Je pense que ça dépend surtout de la personne, de la psychologie de la diététicienne. Peut-être que t’en as qui sont carrés qui appliquent leurs conseils « je suis diététicien, je fais tous les trucs, plus que la normale ». Mais je suis sûre t’en as des normales, qui changent pas forcément leurs modes de vie. I : Tu crois justement que la diététicienne devrait être irréprochable dans son mode de vie ? G.D : Non justement, par ce que si elle a le sentiment de devoir être irréprochable, que c’est une obligatoire, beh elle changerait dans son métier. Au moindre client qu’elle verra ça sera « beh regardez-moi je fais ça, je suis comme ça, vous avez qu’à faire pareil ». Je pense qu’il faut pas se forcer à se donner une image de diététicien. Ça pourrait changer son jugement et sa capacité à conseiller le patient. I : Et c’est quoi du coup cette image ? G.D : Beh quelqu’un de svelte tu vois. Mais j’ai pas d’image. Même je connais personne qui va voir des diététiciens. Même à la pub, quand on te montre en général, c’est une personne normale, ils te montrent jamais de personne forte. I : Et d’après toi, tu crois qu’il doit y avoir une certaine rationalité entre ce qu’elles disent et ce qu’elles devraient faire ? Par exemple elle te conseille de manger équilibrée mais elle fait absolument pas ça. G.D : C’est pas quelque chose qui me choquerait. Comme je disais tout à l’heure, elles sont pas obligées d’avoir le physique ou la mentalité de faire les choses que leurs patients doivent appliquer. C’est pas une obligation. Et puis même, au contraire, faut pas qu’elle se dise « je suis grosse donc je suis pas en capacité. Je suis comme je suis, je suis professionnelle et je sais ce qui est bon pour eux, même si mon physique…». Voilà quoi. I : Et si je te dis plaisir et diététique, tu penses que c’est conciliable ? G.D : Oui. Oui je pense que c’est possible de manger sainement en se faisant plaisir. Tant qu’on respecte les quantités et qu’on est pas irraisonnable je pense que c’est tout à fait faisable. Puis même si on veut plus manger en quantité pour se faire plaisir, beh après c’est à la personne de se bouger après, faire plus d’activités. Tu peux manger sainement en se faisant plaisir. Tu concilies les conseils que tu donnes dans ta vie professionnelle dans la vie personnelle. Si tu sais te détacher du métier quoi. Faut pas rester cantonner à l’image du métier, montrer l’image d’une diet bien svelte à son patient, donc chez moi j’impose les mêmes règles. Et puis il faut qu’elle ait la même alimentation que les autres. T’es en décalage sinon. I : Et le plaisir et la diététique c’est compatible, selon toi ? G.D : Ouais. Je pense que oui. Quand je vais au Mc Do avec des potes, c’est un plaisir d’y aller parce que je sais que je me retrouve avec eux. C’est de la mal bouffe ou aller au resto, mais c’est un plaisir. I : Mais qu’est-ce que tu entends par plaisir toi ? G.D : Moi plaisir, c’est le bon produit tu vois. La convivialité. Pas forcément des trucs lourds. C’est avec qui tu manges. Aller au fast food c’est pas un plaisir. Ça dépend avec qui t’es. C’est sur t’y vas tout seul t’as aucun plaisir. C’est plus intéressant de manger tout seul chez toi une salade avec des bons produits, diététiques, ou bio. 105 I : D’accord, je vois. Je n’ai plus de questions. Je te remercie pour ta participation. G.D : Avec plaisir. 106 Annexe E : Entretien Exploratoire n ° 3 Date : Lundi 29 Février Contexte : Domicile de l'interrogé Durée : 47 minutes. Enquêté : M.M, Femme 22 ans, diététicienne-nutritionniste diplômée en 2014, employée dans un centre d’amaigrissement Intervieweur : I I : Dans un premier temps je te remercie de m’accorder un peu de ton temps. J’ai voulu t’interroger car dans le cadre de mon master, je dois réaliser un mémoire que j’ai choisi de faire sur les diététiciennes et l’alimentation, et donc c'est pour cela que j’ai voulu m’entretenir avec toi. Si ça ne te dérange pas, je vais enregistrer notre entretien pour que je puisse l’analyser plus facilement. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. On va aborder plusieurs thèmes, parcours, scolaire, la profession, l’image de la diététicienne, les changements alimentaires, la cuisine etc. Dans un premier temps, je vais te laisser te présenter, ton prénom, ton âge, ta situation familiale, si tu vis seule, si tu travailles etc. M.M : Très bien. Donc je m’appelle M.M. j’ai 22 ans, je suis diététicienne depuis 2 ans. J’ai fait une licence l’année dernière et depuis je travaille chez N. en CDD, bientôt en CDI, voilà. Je vis accompagnée depuis… presque 4 ans. I : D’accord, très bien. Quel type de bas tu as ? M.M : Un bac ST2S, Sanitaire et Social. I : La diététique a-t-elle été ta première orientation à la sortie du bac ? M.M : Oui. I : Pourquoi t’as fait ce choix ? M.M : C’est quelque chose qui me plaisait et du coup j’ai fait ce bac pour m’orienter vers ce BTS. I : D’accord. Et quand est-ce que t’as eu l’idée de faire diététicienne ? M.M : Quand ma mère est allée voir une diet. I : Et qu’est-ce qui t’a plu ? M.M : Je sais pas ! (rires) C’était le libéral, le cabinet et ça m’a plu. Je me suis dit « teh c’est chouette c’est ça que je veux faire » I : D’accord. Donc t’étais jeune ? M.M : Ouais j’étais plus jeune. Beh j’étais même pas au lycée je crois. I : Du coup tu as pris en compte les avis des autres personnes pour cette formation ? Tes parents, tes amis… M.M : Mes parents. Mais après… C’est tout 107 I : D’accord. Donc tu dis que c’est le fait d’aller en cabinet libéral qui t’a donné envie de faire ce métier. Et est-ce que tu crois que les magazines, les projets de minceur, le PNNS, les publicités qu’on peut voir à la télé, est-ce que ça a créé un attrait pour toi vers ce métier ? M.M : Non. Non. Parce que c’est vrai que j’avais pas fait le rapprochement. Les magazines pas du tout. Et le PNNS c’est vrai qu’à l’époque c’était pas aussi représenté que maintenant. I : D’accord. Donc tu n’as pas eu de remarques concernant le choix de tes études, mais une fois que tu y étais ? Pourquoi ce choix ? M.M : Euh oui. On nous a demandé pourquoi on voulait s’orienter vers la diet, ce qui nous plaisait. On a tous dit la cuisine je crois ! Mais après c’est vrai que le PNNS on l’a beaucoup vu en cours, mais avant… I : Tu me parles de l’aspect culinaire mais est-ce que d’autres aspects du métier t’ont attirée ? M.M : Le rapport avec le patient… L’aide en fait. L’aide médicale. I : D’accord. Et sur la profession en elle-même qu’est-ce que tu en penses ? M.M : Je trouve que c’est un beau métier. Parce que du coup, on est au service des personnes, on est vraiment là pour un confort au niveau de la santé mais on est pas du tout représenté. C’est surtout ça qui est dommage. I : Tu penses que ça mérite des améliorations ? M.M : Oui. Je pense qu’au niveau des structures on devrait être beaucoup plus représenté. Ça devraient pas être des mi-temps, mais des temps pleins, il devrait pas y en avoir qu’une… Voilà, ils devraient, mettre plus en avant cet aspect-là. I : Et tu crois que le métier est en évolution ? M.M : Pas du tout ! (rires) Non je pense que ça évolue pas du tout. Du moment où il n’y a pas de financement, y’aura pas de postes de créés. I : Et tu crois pas justement qu’il y ait des centres d’amaigrissement, ou les call center, des choses comme ça, qui se développent, c’est une évolution dans le métier ? Ou à domicile par exemple. M.M : C’est une évolution. Mais pour moi c’est une évolution qui n’a pas forcément besoin de diététicien en fait. C’est plus une évolution « médiatique » je dirais, plutôt que vraiment avec un diététicien, un professionnel. I : C’est-à-dire ? M.M : Comme dire… Si tu veux là, le call center, pour moi-même si c’est pas un diététicien qui le fait, ça se verra pas. On verra pas la différence. Il suffit de former une personne sur le diabète et à répondre aux questions types et voilà c’est tout. Y’a pas de réelles utilités. I : C’est plus pour jouer l’aspect marketing quoi. M.M : Voilà c’est ça. I : Et tu penses que le métier a une place d’avenir ? M.M : Pour moi il devrait. Mais pour l’instant il a pas de place. I : Tu as des regrets d’avoir choisi cette voie ? 108 M.M : Euh. Au niveau des débouchés oui, du coup. Près c’est vrai que c’est un métier qui me plaît mais le fait qu’il n’y ait vraiment pas de débouchés, je me dis que j’aurai du faire autre chose. I : T’aurais choisi quoi ? Dans le paramédical ? M.M : Ça je sais pas du tout. Franchement, je sais pas. I : D’accord. Donc maintenant on va passer à l’image de la diététicienne. Est-ce dans ton imaginaire, avant de commencer tes études, tu avais une idée de la diététicienne ? Qu’estce que c’est une diététicienne, comment elle doit être, qu’est-ce qu’elle doit faire… M.M : Non du tout. Boh qu’elle devait pas être obèse, mais sinon non. I : Est-ce que t’as rencontré des gens qui avaient des idées préconçues sur les diététiciennes ? M.M : Avant de faire mes études ? I : Oui. M.M : Non. I : Et après ? M.M : Pendant et après oui. Comme quoi, pour être diététicienne, il fallait être fine, il faut manger comme on leur dit à eux… Voilà c’est vraiment… Ouais voilà ils ont une image. I : C’est qui qui peut dire des choses comme ça ? C’est ton entourage ? Ou dans le cadre professionnel ? M.M : Ça peut être l’entourage aussi. Le fait de se dire « ah elle est diététicienne… ». Ou quand on est invité chez des gens et quand ils savent qu’on est diététicienne, il réfléchisse direct au menu, en se disant « mince j’aurai peut-être pas dû faire ça ». Voilà ça va être des choses comme ça. Après, moi dans mon boulot, c’est les gens qui me disent « mais vous mangez comme moi ? »… I : Et qu’est-ce que tu réponds ? M.M : Je leur dis que non pas forcément. Parce que eux, ils sont en perte de poids et j’ai pas forcément besoin de manger comme eux. I : Et ils font quelle tête ? M.M : Beh non ils comprennent. Ils réalisent et se disent « beh oui c’est pas parce qu’on est diet qu’on doit manger comme eux, en perte de poids. » I : Et manger équilibré ? il vaut mieux dire ça ? M.M : Oui oui ! Je vais pas leur dire « je mange n’importe comment ! » Non non après pour eux c’est sûr, une diet elle mange équilibrée. I : Tu manges équilibré ? M.M : Oui. Oui. Franchement on mange équilibré. Sauf des fois où on se fait des plaisirs mais on mange équilibré. 109 I : Et justement, tu crois que le métier de diététicienne, c’est un métier basé sur l’apparence ? Est-ce que tu crois que c’est un critère qui rentre en jeu quand on dit diététicienne ? M.M : Ouais je pense. Franchement je pense. Moi je vois ma gérante, si la diététicienne est costaud, elle la prendra pas. I : Ah oui ? M.M : Oui. Parce qu’elle reflète l’image de la structure, donc du coup il faut pas qu’elle soit costaud. I : Même si c’est une super diet ? M.M : Ouais. C’est sur elle la prendra pas. Puis même les gens, ils viennent te voir pour perdre du poids et si toi t’es costaud, ils vont se dire « bon ça marche pas du tout ce qu’elle va me dire, elle, elle est pas fine, ce qu’elle va me dire ça va pas marcher » I : Et tu crois, que la diet doit avoir un physique particulier pour son travail ? M.M : Elle doit être à son poids de forme quoi. Elle doit pas être obèse. I : Et maigre ? M.M : Non. Après parce que moi j’aime pas et puis après ça donne l’image de la diet qui vraiment ne mange rien. Ça donne la mauvaise image de la diététicienne. Celle qui prive, celle qui représente vraiment la privation. I : Y’a une mauvaise image de la diet tu crois ? M.M : Oui je pense. Des diététiciennes en libérale oui. Pas en structure. Mais en libéral, qui sont ciblées sur la perte de poids, je pense qu’il y a une mauvaise image. Pour la diététique équivaut à privation. Mais nutritionniste de suite ça passe mieux. I : Donc d’après toi, les gens ont une mauvaise image de la diététique ? M.M : Ouais. C’est de suite la privation en fait. I : Et quand ils te voient ? ou les conseils que tu peux donner ? M.M : La première chose c’est « mais je vais pouvoir manger tout ça ? ». Et là du coup oui, là ils sont contents et ils finalement ils se disent « je suis pas privé, j’ai droit à pleins de choses » I : Au final quand les gens connaissent le métier… M.M : Ça passe beaucoup mieux. I : Oui. Et donc ça c’est plutôt ton activité professionnelle, et de ton côté personnel, ton entourage, ils ont une mauvaise image de la diététique ? M.M : Ils ont une image comme quoi la diététicienne, elle va jamais au Mc Do, elle mange pas de pizza, tous ces aliments plus gras. Après ils se rendent vite compte qu’on est comme tout le monde, on mange comme eux. I : Justement, on va parler de ta journée alimentaire. Qu’est-ce que tu as mangé aujourd’hui ? Une journée type. 110 M.M : Aujourd’hui j’ai mangé, toujours basique, du pain, du pain aux céréales, à la farine mélangée, avec du beurre dessus pour la matière grasse, un bol de thé, et un actimel 0 % pour le produit laitier. (rires) Le petit dej idéal ! Et un verre de jus de fruits. Tous les matins ! I : Et à midi ? M.M : J’ai mangé, alors, j’ai pas pris d’entrée. J’ai mangé du jambon d’York, deux tranches, avec de la purée de pomme de terre et de la salade. Et un yaourt. Et voilà. Après bon… D’habitude je prends une collation, une compote sans sucres ajoutés. J’en prends une le matin à 10 h normalement. Mais là aujourd’hui ma copine elle est venue donc on a fait un goûter ! (rires) Et après le soir toujours protéines, pas de féculents, légumes plutôt, et produit laitier. Et en boisson toujours de l’eau. I : Donc c’est ce que tu manges quotidiennement. Comment tu juges ton alimentation ? M.M : Oh elle est bien. Elle est bien. Elle est équilibrée. I : Tu parles d’alimentation avec tes amis ou ton entourage… M.M : Non pas du tout. I : Dans les repas ou quoi, y’a jamais le thème qui revient ? M.M : Beh non, le fait que je sois diet, on en parle pas. I : Ah oui ? Ça peut créer des conflits ? M.M : Non mais… Je sais pas… Vu que c’est la famille, je pense qu’ils ont pas envie que je les considère comme des patients. I : Et tes amis ? M.M : Beh s’ils sont pas dans le milieu de la diététique on en parle pas. I : Et avec tes amis de diététique ? M.M : On parle pas forcément d’alimentation… On parle plus du contexte professionnel que d’alimentation ! I : Les autres, ils jugent ton alimentation du coup ? Des petites remarques… M.M : Oui j’en ai un ouais. Du style « ah mais tu manges ça ? », beh oui, je mange comme toi, je vais au Mc Do … Ouais c’est vrai, ils sont étonnés de me voir aller au Mc Do. Parce que je suis diet je devrais pas aller au Mc Do, parce que c’est pas équilibré. Si on prend pas le contexte professionnel là oui c’est bon. I : D’accord. Maintenant parlons cuisine. Tu aimes bien cuisiner? M.M : J’aime bien oui ! Mais je n’ai pas du tout le temps. Et même quand j’ai le temps j’ai pas forcément l’envie. Je vais pas forcément cuisiner. Des fois ça m’arrive, mais je vais surtout cuisiner des pâtisseries, plutôt que des plats. Mais en général c’est pas moi qui cuisine. I : D’accord. Et donc en BTS, on a des cours de cuisine, tu cuisinais avant ? M.M : Pas du tout ! I : Donc ça a été un peu la découverte? 111 M.M : Ouais et ça m’a bien aidée ! On a appris les bases de la cuisine, donc maintenant je sais cuisiner. Puis ce qu’on faisait c’était bon, on a les recettes, on peut les refaire. C’est vrai que ça c’était un plus. I : T’as des souvenirs des cours de cuisine? M.M : Oui. Des bons souvenirs. C’était bon enfant, c’était pas strict, c’était relax. Mais non très bons souvenirs. I : Bonne ambiance du fait qu’il y ait des camarades ? M.M : Oui. Et puis aussi tester, goûter les préparations des autres… C’était convivial! I : Tes camarades t’ont fait découvrir des choses? M.M : En cours non, car on avait des recettes définies, mais en dehors oui. Et puis ça dépend. Ça dépend du lieu où l’on va. Et puis dans la classe y’avaient plusieurs origines du coup c’était sympa de découvrir certains plats typiques. I : Tu as changé ton alimentation durant le BTS ? M.M : Ouais. I : Qu’est-ce que t’as changé ? M.M : Beh en fait je mangeais pas du tout comme ça. C’était pas du tout équilibré en fait. Et du coup j’ai rééquilibré en faisant le BTS. I : Comment tu peux expliquer ces changements ? M.M : Beh déjà de savoir ce que c’est une alimentation équilibrée. Et puis après oui les aliments qui sont à privilégier par rapport à d’autres, ce genre de choses. Et puis savoir ce que c’est les protéines, les féculents, ce que ça apporte quoi. Les bases du PNNS quoi. I : Ces changements c’étaient pour toi, ou tu penses que derrière, il y avait autre chose ? M.M : Non, je pense que vu que c’est quelque chose que j’allais diffuser dans mon métier, déjà c’était bien de le faire moi. Et puis après, même, le but c’était de rééquilibrer mon alimentation. I : Donc à la fois, pour toi mais aussi l’aspect professionnel derrière. M.M : Oui. I : Et pour tes courses, tu les effectues où ? M.M : En grande surface. I : Et comment tu choisis tes produits? Tu compares, tu lis les étiquettes ?... M.M : Pas du tout! Absolument pas ! Après c’est parce que je sais vers comme me diriger. Par exemple, pour les compotes, je vais me diriger vers les compotes sans sucres ajoutés, parce que je sais ce que ça veut dire. Je sais la différence avec allégé ou les normales, donc je regarde pas la composition. I : Donc au final, les connaissances que t’as, tu les appliques dans ta vie quotidienne. M.M : Oui. Mais après je regarde pas l’étiquetage ni rien. J’y passerai trop de temps. Puis je prends souvent les mêmes produits, c’est une routine. Après quand je veux prendre un 112 produit que je connais pas, là je vais regarder, un petit peu. Genre les yaourts, je vais regarder, les matières grasses, le sucre, pour savoir où on en est. I : Pourquoi ? M.M : Parce que c’est vrai que j’ai pas envie d’avoir des yaourts super sucrés. Et puis par curiosité. Et voir si la marque est vraiment comment elle le prétend. I : Et des produits diététiques, t’en achètes ? Les produits du rayon diététique plutôt. M.M : Non pas du tout. Parce que voilà quoi, c’est les produits du rayon diététique. Puis c’est souvent des plats tout prêts aussi. Et puis c’est mélangé avec le bio. C’est pas un rayon défini en fait. Par exemple le konjac on le retrouve dans ce rayon, parce que c’est une algue et que ça n’apporte rien. Mais après y’a pas une gamme de produits énormes donc c’est là. I : Et tout ce qui est galettes de riz… M.M : Il faut se méfier. C’est pas calorique mais ça a un index glycémique très élevé donc c‘est pas top. C’est pas diététique et c’est au rayon diététique. I : Donc maintenant on va passer plus aux changements dans ton alimentation. Donc tu m’as dit que pendant le BTS tu avais changé ton alimentation. Et depuis que tu travailles ? M.M : Travailler chez N. où tu donnes des plans à des gens en phase de perte de poids, ça m’a fait changer mes habitudes. Genre on peut décaler le fruit du repas et le mettre en collation. Beh ça je le fais tu vois. J’ai plus besoin maintenant de faire une collation, comme je finis tard le soir. I : D’accord. Et qu’est-ce qui a changé après ? Pa exemple, les choix des produits, le nombre de restaurant, le mode de cuisson… M.M : Le choix des produits… Ça a plus changé maintenant. Avant pendant le BTS, c’étaient plus des produits frais et maintenant c’est vrai que je me dirige vers les conserves ou les surgelés non cuisinés comme j’ai un frigo avec congélateur maintenant. Après au niveau du BTS, c’est que avant, j’avais dans mon assiette toujours une protéine et soit un féculent, soit un légume. Et j’avais pas le féculent et le légume. Donc ça je l’ai modifié. I : Quand est-ce que tu as fait ce changement ? M.M : Pendant le BTS. Et les entrées j’en a jamais trop fait… Je cuisine avec plus d’épices, j’utilise moins de sel. Et matières grasses ça a pas changé, je cuisinais pas gras. I : Et tu as plus de nouveautés dans ton alimentation ? Tu testes plus de choses ? M.M : Je teste au niveau des pâtisseries. (rires) En remplaçant le sucre par du sirop de glucose pour diminuer la teneur en glucides du produit et les calories. Et après… J’ai pas trop le temps de tester d’autres trucs. I : Pourquoi tu remplaces le sucre par du sirop ? M.M : Beh d’abord je veux voir si y’a une différence au niveau du goût. Et si je vois qu’il n’y en a pas et que ça diminue la teneur en sucre, je me dis que dans tous les cas c’est bénéfique. I : Niveau nutrition c’est bénéfique. Et niveau plaisir ? 113 M.M : C’est pareil, c’est équivalent. Vraiment ça n’a aucune incidence. Je teste pas sur tout. J’ai fait des cookies, je m’attendais à ce que ça change, ça a pas changé la texture. J’utilise les produits dont la diététique promeut un peu. I : Et dans ton alimentation, tu as changé pour être plus en règle en avec l’équilibre alimentaire ? M.M : Oui. Pour moi. Parce que je l’avais. I : Depuis que tu as fait tes études, tu fais plus de resto, plus de plaisir ?… M.M : Plus de resto oui. Parce que j’ai avancé dans l’âge et je suis devenue indépendante. I : Est-ce que tu vois une évolution dans le comportement des autres pendant un repas, du fait que tu sois diététicienne ? M.M : C’est plutôt des gens que je connais pas, ou que je vois pour la première fois. Et de suite c’est « ah bon… ». Ils réfléchissent un peu, je pense qu’ils se remettent en question. Ils doivent se poser des questions « qu’est-ce qu’elle pense de moi ? est-ce que ce que j’ai fait à manger c’est bien ? »… Mais après les gens que je connais, non. Ils le savent. I : Et tu penses que tu as un rapport plus détendu sur l’alimentation. C’est-à-dire d’avoir les connaissances, tu es plus détendue, tu dramatises mois de faire un écart, un plaisir… Ou au contraire ça te fait plus peur ?... M.M : Je dirais que c’est le contraire. Avant je connaissais pas ce qu’était un plaisir tu vois, donc je connaissais pas l’impact qu’ils avaient. Tandis que là je connais. C’est à moi après à rééquilibrer par derrière pour compenser l’écart. I : Tu penses que tu as un rapport plus tendu maintenant… M.M : Disons que c’est plus maîtrisé. Je maîtrise plus ce que je fais. Pour éviter de prendre du poids tu vois. I : Et par rapport aux autres de ton âge, tu vois une différence dans ce rapport à l’alimentation ? M.M : Non. Après c’est sur si je mange sur plusieurs repas avec d’autres, et que je les vois se resservir plusieurs fois, dans ma tête je vais me dire « ouh la la ». Mais ça m’impacte pas vu que c’est pas moi. I : D’accord. Maintenant on va parler un peu plus sport et poids. Tu fais du sport ? M.M : Non pas actuellement. I : D’accord. Tu te pèses régulièrement ? M.M : Je dirais une fois par semaine. Pour maintenir mon poids. I : Tu as déjà suivi un régime? M.M : Un vrai régime? Non. I : Un rééquilibrage alimentaire ? M.M : Non. I : T’as déjà senti une situation où tu n’étais pas à l’aise à ton corps ? M.M : Oui, ça oui. Puis en plus en étant diet, c’était pire ? 114 I : Ah oui? M.M : Oui. Beh le fait d’avoir pris du poids et d’être à un certains poids je me disais « mais les gens, ils vont s’imaginer tout un tas de choses. » On représente le métier, donc c’est vrai que j’étais pas bien. J’étais vraiment pas bien. I : D’accord. Toi tu te sentais pas bien, mais également le regard des autres ? M.M : Oui. I : Parce que t’avais pris du poids ou parce que tu avais pris du poids et tu es diététicienne ? M.M : Les 2. Après c’était moi qui m’imaginait ça. Ce qu’eux pensaient. J’ai pas eu de remarques ou quoi. I : D’accord. Maintenant on va passer à une partie plus « bilan ». M.M : D’accord. I : Qu’est-ce que manger équilibré pour toi ? M.M : Déjà pour moi ça se fait sur une journée. Voire même sur la semaine. Ça se fait pas sur un repas. C’est déjà les bases, avoir tous les produits de l’alimentation : produits laitiers, protéines, féculents, légumes. C’est aussi avoir du sucre et des matières grasses. Pas se priver. I : Tu m’as dit tout à l’heure que nutritionniste, ça passait mieux que diététicienne… C’est quoi la nutrition d’après toi. M.M : Beh pour nutritionniste c’est un médecin. Et diététicienne c’est issu du BTS. I : Et entre le terme nutrition et diététique, tu vois une différence ? M.M : Pour moi y’en a pas. Diététique c’est diet. Donc c’est la privation. I : Alors que nutrition… M.M : Nutrition c’est l’alimentation en général. C’est nourrir. C’est beaucoup moins négatif. I : Tu crois être légitime à donner des conseils à des personnes, si ton alimentation est pas équilibrée… M.M : Oui parce qu’au final c’est mon métier. Et puis les gens ils connaissent pas mon alimentation. Ça ne regarde que moi. Après moi c’est pour eux que je vais le faire. Mais après c’est sûr, c’est un peu mieux si on fait ce qu’on dit aussi. I : Du coup t’es diététicienne, donc bon tu vas pas manger n’importe quoi non plus. M.M : Voilà c’est ça. I : Pour toi ? Pour l’image que tu donnes aux autres ? M.M : Oui. Beh c’est sûr que oui. Vu que je suis diet, je dois bien manger aussi, mais ils sont pas au courant de ce que je mange. I : Et si tu avais une alimentation moins équilibrée, sans forcément le légume à chaque repas, le produit laitier, en sautant le petit-déjeuner par exemple, en grignotant… Est-ce que tu te sentirais mal de donner des conseils d’équilibre alimentaire à côté ? 115 M.M : Un petit peu je pense. Après quand on fait pas forcément ce qu’on dit, on comprend un peu mieux les gens dans leur quotidien. Par exemple, tu grignotes et la personne en face son gros problème c’est les grignotages, la diet elle va être plus apte à proposer des solutions. I : D’accord. Et si je te dis plaisir alimentaire, qu’est-ce qui te vient à l’esprit ? M.M : Disons que de part, mon travail actuellement, tout ce qui va être plaisir, c’est ce qui va être dessert, sucreries, tout ce qui est sucré. Après de ma formation, c’est surtout se faire plaisir en mangeant. Ça peut être n’importe quel aliment, du moment où ça me fait plaisir de manger. I : Que ce soit quelque chose de sucré, de salé… M.M : Oui. Ça peut être un plat, une pomme… Du moment où t’as envie de le manger et que ça te fait plaisir, voilà. I : Dans l’esprit des gens, y’a souvent une séparation… M.M : Ouais. Beh eux ça va être plus ce qui va être interdit en fait. I : Et si je te dis plaisir et diététique, c’est conciliable ? M.M : Oui. I : Peu importe le plaisir ? Une sucrerie… M.M : Oui. I : Et tu as déjà eu un sentiment de culpabilité en mangeant quelque chose ? M.M : Oui… (rires) C’est plus en quantité, que sur le produit. Au lieu de manger un gâteau, je vais manger la moitié du paquet. Je vais me dire « t’abuses ». Si je l’ai mangé c’est que j’en avais envie, ça me fait plaisir. Mais c’est la quantité, c’est ne pas savoir s’arrêter qui fait culpabiliser. I : Pourquoi tu penses avoir abuser ? M.M : Parce que c’était pas de la faim, et puis c’est pas un aliment que tu dois manger tous les jours non plus. Et puis trop en manger c’est même plus un plaisir à la fin. I : Tu t’autorises des plaisirs ? M.M : Oui, mais c’est rare. Les pâtisseries j’en fais pas tout le temps. Après on fait plus de plaisir salé que sucré, genre Mc Do, pizza… I : Quel discours tu as devant un client te dit « ah je vais au Mc Do, des fois… » ? M.M : Beh s’il est dans une logique de perte de poids, je vais lui faire comprendre que c’est pas forcément dans son objectif. Après je dédramatise la chose. Je vais pas lui interdire. C’est juste que pour lui comprenne. Lui expliquer pourquoi, c’est pas top. Et puis je vais demander le contexte. Si c’est quelque chose qui lui faisait envie, je préfère qu’il se fasse plaisir, plutôt que d’être frustré, et de se lâcher sur autre chose. Je dédramatise mais en lui disant que c’est quelque chose qui doit rester exceptionnel. I : Du coup t’allies un minimum plaisir et diététique. M.M : Ouais. Pour moi il ne faut pas que les gens soient frustrés. Donc des fois faut se faire plaisir. 116 I : Tout comme toi ? M.M : Oui voilà c’est ça. I : Et tu penses que ton alimentation est éloignée d’une personne lambda, qui a le même âge que toi, qui est en couple, qui travaille… ? M.M : Je pense qu’il y a une petite différence parce qu’ils font moins attention, à ce qu’il y a dans l’assiette. Par exemple, féculents midi et soir, pas souvent des légumes ou autre, donc ils vont pas forcément faire attention. Je pense que ça se joue surtout pour les jeunes de mon âge, au niveau de l’alcool. Après au niveau des plaisirs, je pense qu’il y en a plus dans leurs alimentations, mais sinon je pense pas qu’il y ait de différences énormes. Avec tout ce qu’on entend, et tout ce qui passe à la télé, les gens ils sont un minimum éduqués sur l’alimentation. I : Tu la vois comment l’alimentation de quelqu’un de ton âge ? M.M : Je dirais que c’est du pas cher, plus de conserves que de produits frais, plus de féculents que de légumes. Peut-être plus de pizza, Mc Do… I : Tu penses que ton alimentation s’en éloigne beaucoup ? M.M : Non je ne pense pas. C’est pas vraiment éloigné. Mais y’a quand même une petite différence. I : Elle s’en approche par quoi ? M.M : Le fait de se faire des restos, aller boire un verre, manger un pizza… De sortir de la routine quoi. I : Ça t’ennuie de manger équilibré des fois ? M.M : Ouais des fois ouais ! Je me dis que par facilité je pourrais faire autre chose. Parce que c’est long à préparer. Ça prend vraiment du temps. I : C’est pour ça que tu crois que certaines personnes ne mangent pas équilibré ? M.M : Ouais. Parce qu’ils ont pas forcément le temps pour tout préparer. I : Et tu crois qu’ils ont les connaissances pour manger équilibré ? M.M : Oui je pense. Je pense qu’ils ont toutes les clés pour et que seuls ils y arrivent pas. Je vois les clients qu’on a, ils essaient avant de venir de rééquilibrer l’alimentation. Mais tout seul, ils y arrivent pas. Ils ont besoin d’être aidés, aiguillés… I : Ils ont les connaissances comment ? M.M : Par le PNNS, Manger Bouger, tout ce qu’on entend. Ce qu’on voit dans les magazines aussi. Les gens savent très bien qu’il faut boire de l’eau, limiter les sucres et le gras. On l’entend tellement qu’ils le savent. I : J’ai terminé avec mes questions. Tu as des remarques peut-être ? M.M : Je crois qu’on a fait le tour là ! Franchement j’ai pas vraiment de remarques. C’est complet (rires). Après peut-être le tabac et l’alcool… Parce que t’as beaucoup de diet qui sont fumeuses. Parce que c’est une hygiène de vie quand même, la diététique. I : D’accord, je vois. Je te remercie pour ta participation. M.M : Avec plaisir. 117 Annexe F : Entretien Exploratoire n ° 4 Date : Mardi 1 mars Contexte : Domicile de l'interrogé Durée : 48 minutes. Enquêté : S.P, Femme, 23 ans, diététicienne-nutritionniste diplômée en 2014, étudiante Intervieweur : I I : Dans un premier temps je te remercie de m’accorder un peu de ton temps. J’ai voulu t’interroger car dans le cadre de mon master, je dois réaliser un mémoire que j’ai choisi de faire sur les diététiciennes et l’alimentation, et donc c'est pour cela que j’ai voulu m’entretenir avec toi. Si ça ne te dérange pas, je vais enregistrer notre entretien pour que je puisse l’analyser plus facilement. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. Je vais te poser des questions sur toi, ton âge, ta situation familiale… puis ton parcours scolaire. On va ensuite parler du métier de diététicienne, ensuite de l’image de la diététicienne, de la cuisine, des changements alimentaires, du sport et de l’alimentation des autres. Pour commencer, ton prénom, ton âge ? S.P : D’accord. Alors S., j’ai 23 ans. J’habite seule en appartement sur Toulouse. J’ai fait des études en diététique et maintenant je suis en master. I : Quel bac tu as ? S.P : J’ai fait un bac S. I : Ça a été ta première orientation après le bac ? S.P : Diététique ? I : Oui. S.P : Oui. J’ai eu une année ou je ne savais pas quoi faire, où j’ai travaillé en assistante de laboratoire et après je me suis dirigée vers la diététique. I : Pourquoi ? S.P : Parce qu’après le bac, j’ai eu un trou d’un an où je ne savais pas trop quoi faire, je voulais m’orienter vers le médical ou paramédical, mais je me sentais pas de faire médecine. J’ai regardé un peu les métiers dans ce domaine-là et j’ai trouvé diététique. I : Un truc en particulier, tu voulais te diriger dans le paramédical, mais tu avais un attrait pour la diététique, ou pour aider les autres, pour la cuisine ? S.P : L’alimentation c’est un sujet qui m’intéresse et j’aime bien la cuisine, faire la cuisine, donc je me suis orienté vers là. I : Tu as eu une expérience personnelle avec la diététique ? S.P : Pas du tout. I : Tu as pris en compte les avis d’autrui par rapport à cette orientation ? Est-ce que tu as eu des avis ? S.P : Non, mais après dans mon entourage ce n’est pas un métier très connu, on en parle pas trop. 118 I : Est-ce que tu penses que le PNNS, les magazines etc… ont pu influencer ton choix ? De voir des publicités en lien ? S.P : Avant de faire diététique je ne connaissais pas du tout le PNNS, après les publicités c’est vrai qu’on en voit beaucoup, les campagnes et tout. Mais pas plus que ça, avant de faire diététique. Après maintenant oui, j’y suis plus sensible. I : Tu avais fait le lien entre la diététique, le PNNS, les campagnes comme manger, bouger avant de faire le BTS? S.P : Non, avant je connaissais pas le PNNS, et les campagnes je ne faisais pas trop attention j’ai pas trop de souvenirs, je n’ai pas l’impression que ça m’ait marqué avant de faire diététique, maintenant beaucoup plus. I : Tu as des remarques des autres par rapport aux choix de tes études, tes amis qui t’ont fait des remarques sur la diététique, pourquoi la diététique ? S.P : Avant non, après oui on est catégorisé comme celle qui mange des légumes, qui mange plus de gâteaux et qui ne va plus au mac do et on se prend toujours des remarques quand on fait des écarts, mais sinon pas spécialement. Après maintenant, j’ai plus un cercle d’amis qui sont presque tous dans l’alimentation donc ils ne disent plus grand chose. I : On va maintenant parler de la profession en elle-même, qu’est-ce que tu en penses de la profession ? S.P : (rires) Ce sont des études qui m’ont vachement plu, vachement intéressée. Même la profession en elle-même est très intéressante et qu’il y a beaucoup de choses à faire pour aider les gens parce qu’il y a quand même une grosse demande. Mais malheureusement ce n’est pas un métier qui est très reconnu et qu’au final ce n’est pas un métier que j’ai pu vraiment découvrir au travers de mes stages, que ce soit en hôpitaux ou dans d’autres structures, la diététicienne n’a pas vraiment d’importance. Mais le libéral m’aurait bien plu par contre, tu vois tes patients, tu leurs fais vraiment une prise en charge. I : Est-ce que tu penses que ce métier mérite des améliorations ? S.P : Oui ! (rires) Déjà il mérite d’être plus reconnu, et puis donner plus de tâches et de responsabilités aux diététiciennes dans les structures. Pour les études que l’on fait on est capable de faire plus de choses. I : Tu penses que ce métier est en évolution ? S.P : Il pourrait mais ça fait longtemps qu’on dit qu’il devrait évoluer et changer et que rien ne se passe, j’ai perdu un peu espoir là-dessus. I : Tu ne crois pas que vu qu’il y a le développement de centres d’amaigrissement ou des call centers, c’est un façon de se développer, autres que les hôpitaux ? S.P : Si c’est vrai, je n’y avais pas pensé. I : Est-ce que tu as des regrets d’voir choisi cette voie ? S.P : Non, car c’est des études qui m’ont beaucoup passionnée, où j’ai appris pleins de choses. Après j’ai des regrets de ne pas pourvoir en faire ce que je veux plus tard. Après non j’ai pas du tout de regrets d’avoir choisi cette voie. 119 I : On va parler de la diététicienne en elle-même. Est-ce que avant de commencer tes études tu avais une idée de la diététicienne dans ton imaginaire, une idée préconçue ? Est-ce que tu t’imaginais quelque chose, sur elle, sur le métier ? S.P : Je pensais que c’était un peu comme le médecin de l’alimentation. Tu arrivais avec ta blouse c’était vraiment une consultation médicale. Mais après je ne savais pas vraiment comment ça se passait car j’étais jamais allée voir une diététicienne, j’ai voulu le faire avant de prendre les études puis au final je n’ai pas eu le temps, mais j’avais pas d’idée très précise. Mais je pense que comme les idées reçues de tout le monde, je pensais qu’être diététicienne c’était vraiment être clean dans ton alimentation, manger que des légumes, pas faire d’écarts, pas manger de pâtisseries, de fast food. I : Tu as déjà rencontré des gens qui avaient des idées sur la diététicienne ? S.P : Oui quasiment tout le monde. I : Quelles idées ? S.P : Sur le fait qu’une diététicienne ça doit forcément bien manger et donner l’exemple. Pour eux, ils n’associent pas que l’équilibre alimentaire c’est un tout. Pour eux, tout le temps ça doit être très carré et stricte l’alimentation. Après sur d’autres points non, vu que c’est un métier qui n’est pas très connu, c’est la seule image qui en ressort. I : Est-ce que tu penses que ce métier est basé sur l’apparence ? S.P : Euh, l’apparence pour qui, pour la diététicienne en elle-même ? I : Oui. S.P : Euh quand même oui, parce que la plus part des consultations c’est pour perdre du poids et améliorer son image corporelle et donc forcément c’est basé sur l’apparence physique. I : Et donc tu penses que la diététicienne doit avoir un physique particulier ? S.P : Justement tout le monde le dit… Après c’est vrai qu’en y passant si une diététicienne n’est pas fine aux yeux des gens ce n’est pas crédible, elle donne des conseils sans les appliquer. Je pense qu’elle doit avoir une certaine image à tenir. I : Est-ce qu’il y a une mauvaise image de la diététique ? S.P : Euh, c’est dur à dire vu qu’on y est dedans. Je pense que pour les gens la diététique c’est chiant, c’est strict, c’est faire attention à tout, tout peser et tout calculer. I : C’est une hygiène de vie ? S.P : C’est une hygiène de vie qui faut tenir tous les jours et à long terme. I : Sur l’alimentation ou sur d’autres points ? S.P : Sur l’alimentation. I : Et le sport, le tabac, l’alcool ? S.P : Je ne sais pas ! (rires) Après oui c’est comme quelqu’un qui fait du sport ça n’empêche pas qu’il fume à côté, quelqu’un qui mange bien ça n’empêche pas qu’il fume aussi. Après c’est un tout qu’il faudrait mais je ne pense pas que dans la tête des gens c’est associé, je pense que c’est différencié. 120 I : Pour toi la diététique c’est plus l’alimentation. S.P : L’alimentation et le sport je suis d’accord que le sport rentre en jeu, après tous les autres alcool, tabac et tout pas forcément, tu fais pas le rapprochement. I : On va parler de la cuisine… S.P : Ouiiiiii ! I : Parle-moi de tes repas classiques, ils se composent comment ? S.P : (rires) Aujourd’hui j’ai mangé des œufs durs, une pizza trois fromages, de la compote et du fromage blanc. Au goûter j’ai mangé des fondants au chocolat (rires) et ce soir je mangerais une salade (rires) et ce matin j’ai mangé un bol de céréales et une clémentine. I : Hier ou demain ? S.P : Avant-hier j’ai mangé un ragout de bœuf fait moi-même avec du riz et hier un américain, mais ça faut pas le dire (rires). D’habitude je fais plus attention, c’est que cette semaine. I : Comment tu fais d’habitude ? S.P : Quand je mange chez moi je mange bien équilibré, il y a de tout et quand je mange avec des amis, je mange très mal quand on mange dehors, on se fait plaisir. I : C’est quoi un plaisir pour toi ? S.P : C’est manger gras, sucré selon ses envies. I : Et les envies c’est forcément gars et sucré ? S.P : Après je pense quand on se restreint, quand tu te dis qu’il faut manger équilibré, te mettre certaines conditions te faire plaisir c’est ne plus avoir ces conditions et contraintes. I : Et tu te restreins ? S.P : Pas sur la quantité, mais je fais plus attention à la qualité, les choix des produits et varier l’alimentation. Avant je ne mangeais quasiment pas de légumes, je mange beaucoup de fruits maintenant et je fais attention aux matières grasses quand je cuisine. I : Par rapport à avant le BTS ? S.P : Oui. I : Comment tu juges ton alimentation ? S.P : Bancale ! (rires) Ca dépend des semaines, des jours, ça dépend mais après le BTS m’a aidé à mieux manger. C’est aussi lié à la culture en Nouvelle-Calédonie personne ne mange des légumes à tous repas, ici c’est ancré dans les modes alimentaires. Là-bas c’est beaucoup des féculents, voire deux féculents, riz ou pain, frite et pain, pomme de terre et riz, ça maintenant je peux plus, ça me fait bizarre. Quand je suis seule bien et pas seule pas bien. I : Manger équilibré ça t’ennuie ? S.P : Non pas du tout, j’aime ça. Je ne sais pas si ça me rassure dans ma tête mais je me dis par rapport à tout ce que j’ai appris c’est bien pour ma santé et tout. Quand je cuisine chez moi et que je mange seule, ça me fait plaisir de faire des plats équilibrés. I : Tu parles d’alimentation avec tes amis ? Ils sont tous dans la même branche, le même secteur ? 121 S.P : J’en parle beaucoup, ils sont quasiment tous dans ce secteur ou beaucoup font du sport. Mais après c’est un sujet qui revient souvent, c’est peut-être parce que je suis diététicienne et que quand on va manger dehors, c’est un sujet qui va revenir et lancer la discussion. Ça revient souvent. I : C’est souvent dans les sorties que vous en parlez ? S.P : Oui, même sans sortir. I : L’alimentation en général, l’aspect nutrition, cuisine ? S.P : De tout, l’aspect cuisine aussi. J’ai un copain qui me demande comment cuisiner des légumes, des trucs comme ça. I : Et avec ta famille tu en parles de l’alimentation ? S.P : Beaucoup moins, je ne sais pas si c’est le fait que je ne les vois pas. Ou même quand il y avait ma mère et ma sœur, vu que chez moi on ne fait pas attention à ça et que pour elles se faire plaisir c’est manger de tout et ce n’est pas que dans leurs têtes « manger gras et se faire plaisir », c’est qu’on a tellement eu l’habitude de manger comme ça que de ne pas manger comme ça, ça ferait bizarre. Quand elles sont venues en vacances pour elles il fallait se faire plaisir comme ça et ne pas se contrôler. I : Vous n’avez pas parlé d’alimentation ? S.P : J’ai essayé de leur dire que moi j’avais changé mes habitudes alimentaires depuis 3 ans et que manger tout ça tous les jours, tout le temps ça ne plaisait plu, mais elles n’avaient pas l’air convaincues. Donc j’ai abandonné et je m’y suis pliée ! (rires) I : Ça ne t’a pas fait bizarre de remanger « normal » et équilibré après leur départ ? S.P : Non ça m’a trop fait plaisir. Je pense que c’est l’habitude, avant je le faisais pas mais quand elles sont reparties j’ai remarqué que ça m’a fait plaisir de pourvoir remanger comme je le voulais. I : Et au début ça t’a pas fait plaisir de manger comme elles ? S.P : Au début oui, parce que tu retrouves les saveurs, des plats de maman, tes habitudes d’avant. A la fin j’étais écœurée. I : Comment les autres jugent ton alimentation, ta famille, tes camarades de classes ou tes collègues en stage ? S.P : Tout aussi bancale ! (rires) C’est souvent la remarque qu’on prend, tu es diététicienne mais tu ne fais pas si attention. Ce n’est pas mauvais quand ils le disent, c’est plutôt cool, au final quand tu es diététicienne tu te fais aussi plaisir, tu ne manges pas que des légumes, ce n’est pas stricte. I : La cuisine en elle-même, est-ce que tu aimes cuisiner ? Est-ce que tu cuisines beaucoup ? S.P : J’adore cuisiner ! Je cuisine beaucoup, autant que je peux. I : Et avant de faire le BTS tu cuisinais ? S.P : Je commençais oui, mais chez ma mère c’était quand même elle qui cuisinait le plus mais c’est avec elle que j’ai appris. 122 I : En BTS on a des cours de techniques culinaires, tu les as appréciés ? Tu gardes quoi comme souvenirs ? S.P : Oui, franchement je les ai bien appréciés. Après pour moi ce n’était pas de la cuisine où tu te faisais plaisir, c’était avec de la contrainte. Des fois j’ai beaucoup aimé et des fois ça m’a contrariée. I : Quoi comme contraintes ? S.P : Les contraintes d’hygiène surtout, après faire des plats équilibrés c’est normal et tant mieux j’ai appris des choses, mais l’hygiène c’était chiant. I : Grâce à ces cours, tu as appris des nouvelles choses les recettes etc. mais est-ce que tu as testé des autres choses avec les autres ou seulement le prof t’a apporté ? S.P : C’était un peu de tout, car on a tous des manières différentes de faire des choses, genre faire cuire du riz. On a tous appris des choses dans l’ensemble. Mais après en BTS on suivait des recettes sur un programme, mais en troisième année on était plus libre de choisir nos recettes par rapport à une pathologie ou une maladie imposée et là j’ai appris des recettes des autres, des techniques… I : D’accord. Tes courses où les fais-tu ? S.P : Dans un supermarché et maintenant ça fait pas longtemps depuis 2 mois je vais au marché. Pas toutes les semaines mais quand j’arrive à me lever, pour acheter des fruits et des légumes, c’est soit le même prix soit moins cher. I : Quand tu fais tes courses, qu’est-ce que tu regardes, comment tu choisis tes produits ? Tu regardes les étiquettes ? S.P : Oui mais ça dépend des produits, surtout les produits que je ne connais pas, quand je vais manger quelque chose de nouveau, je regarde. Les fruits et les légumes c’est plus le prix et la provenance. Et la viande non pas spécialement, c’est plus les produits industriels. I : Pourquoi ? S.P : Pour voir ce qu’il y a dedans, les ingrédients et après la valeur nutritionnelle. I : Ça t’apporte quoi de regarder ? S.P : Je me rends compte que ça peut être vachement gras. I : Et du coup ça te fait poser des produits ? S.P : Ça dépend des produits, quand je trouve que c’est vraiment excessif oui. Mais après je regarde beaucoup pour comparer deux marques car je sais qu’au final je prendrais un de ces produits. Je compare les marques. I : Pour prendre le moins gras ? S.P : Pour prendre celui qui est le mieux composé, mais sur les ingrédients, surtout. I : D’accord. Donc là on va passer aux changements que tu as eu dans ton alimentation, pendant le BTS, une fois diplômée… Tu as changé quelque chose ? S.P : La première année non. La seconde année on va dire un peu. La troisième année oui et maintenant oui. En BTS, je pense que c’est parce qu’on avait pas le temps. Et puis j’étais avec K. et qu’il mangeait tout le temps gras. Genre on pouvait manger 3 fois des frites dans la 123 semaine, ça lui faisait plaisir. Ça je lui avais dit. C’était compliqué d’ailleurs, je lui avais dit que je faisais quand même des études en diététique et lui il s’en foutait quoi. Bref. Et depuis… Ouais je mange plus de légumes je mange moins de féculents. Moins gras aussi. Et moins sucré. Parce que tu vois ma mère elle cuisine beaucoup de trucs au caramel, et ça j’en fais moins. Mais après par contre j’ai découvert la charcuterie et le fromage… I : Ça s’est fait progressivement les changements ? S.P : Non d’un coup plutôt. Je me suis dit « voilà t’as fini tes études, enfin t’as passé ton BTS, tu peux bien manger maintenant ». I : Parce que tu es diet? S.P : Non pas parce que je suis diet, mais autant appliquer ce que j’ai appris en cours. Ça peut avoir des impacts sur la santé. I : Ça te permet de justifier ton côté diet ou c’est vraiment pour toi ? S.P : Non c’est vraiment pour moi. Après c’est peut-être parce qu’on est pas dans le métier. On travaille pas, donc c’est plus pour moi que je le fais. I : Tu as changé des aliments et ta façon de cuisine aussi ? S.P : Oui je mets moins d’huile. I : Et tu as changé aussi par rapport aux nouvelles personnes que tu as rencontrées, ce qu’elles faisaient à manger, les produits qu’elles utilisaient… S.P : Oui. D’autres produits genre charcuterie, fromage et tout. Et si oui. Sur les techniques de cuisine aussi. La Réunion aussi vu qui y’avait une Réunionnaise. I : Ca a changé ton statut dans la famille ? S.P : Oui. Mais comme je suis éloignée je sais pas. Quand elles sont venues, j’ai voulu faire à manger, j’ai bataillé. Mais ça lui faisait trop plaisir de me faire à manger. I : Ça t’a manqué ? S.P : Oui. Et c’est pour ça que ça m’a fait plaisir de recuisiner quand elles sont parties et du coup, j’ai retrouvé ma cuisine ça m’a fait plaisir. I : Y’a des produits que tu as abandonnés dans tes changements ? S.P : C’est tout ce qui chips et tout ça. I : D’accord. Tu penses être plus détendue concernant l’alimentation depuis que t’as fait le BTS ? S.P : C’est-à-dire ? I : Par exemple, comme tu as plus de connaissances maintenant, ça change ton rapport à l’alimentation ? S.P : Oui je pense. Mais après tu vois c’est de deux façons. Comme tu sais ce que tu manges t’es plus cool parce que tu te dis qu’en équilibrant après le reste de ça va aller. Mais de l’autre tu sais aussi ce qu’il y a dedans et tu te dis « ah ouais quand même c’est super gras ». On est peut-être plus impliquée. Parce que je connais l’alimentation. I : Donc pas forcément plus tendue. 124 S.P : Non. Mais je réfléchis plus tu vois ! Sur l’équilibre et tout… I : D’accord je vois. Et tu sens une évolution des comportements des autres sur toi depuis que t’es diet ? S.P : Pas forcément, comme on est tous dans l’alimentation. Mais après t’as des petites remarques des gens extérieurs quoi : « t’es diet, tu manges au Mc Do, oh la la ». Mais je sais que c’est pour rire. Ça m’atteint pas du tout. I : D’accord. Maintenant on va parler de l’alimentation des autres personnes de ton âge. Tu crois qu’il y a des différences entre ton alimentation et celles des autres jeunes ? S.P : Euh. Oui je pense. Ils doivent moins calculer les fréquences et tout. Moins manger équilibré. Mais après pas tant que ça. Je vais au Mc Do, je sors, et tout tu vois. Donc je peux pas dire que ça soit vraiment en opposition. Tu vois après je pense que manger avec les autres et comme les autres c’est garder une vie sociale. J’ai des copains, tu vois, ils font ça. Ils mangent d’abord chez eux pour faire bien attention et qui après nous rejoignent. Mais bon je trouve ça débile. I : Des diet ? S.P : Non des amis qui font du sport. Tu perds le côté social quoi. Mais mes amies diet elles sont toutes comme moi. Ça nous fait plaisir de nous retrouver ensemble autour d’un repas. Plus qu’avant, quand j’étais pas diet. Avant ça me fait plaisir, parce que je retrouvais mes amis. Maintenant ça me fait plaisir de partager un repas avec eux. C’est ce côté-là qui est présent. Parce qu’au final l’alimentation nous réunit tous. On va échanger, parler de ci de ça… I : C’est quoi pour toi l’alimentation de quelqu’un de ton âge ? S.P : Je pense que c’est pas beaucoup de légumes. Pas mal de féculents. Et des produits industriels quand même, des trucs tout prêts. I : Et tu crois que les jeunes ont les clés pour manger équilibré ? S.P : Oui. Avec tout ce que tu as maintenant à la télé, t’as largement la possibilité de savoir les trucs de l’équilibre alimentaire. I : Donc qu’est-ce que c’est manger équilibré pour toi ? S.P : Vraiment sur la variété. Et sur la qualité des produits. Genre pas des produits industriels, pas des plats préparés… I : C’est quoi la qualité des produits industriels pour toi ? S.P : Beh déjà, c’est pas forcément qu’ils soient plus gras, mais c’est vraiment les ingrédients, comment ils sont composés. Genre les conservateurs… I : Donc manger équilibré c’est les bons produits en terme d’apports nutritionnels mais aussi les ingrédients ? S.P : Ouais. Et la variété. Tout mélangé ensemble. C’est allié nutrition, et qualité du produit. I : Tu penses manger équilibré toi? S.P : Ça dépend des jours! C’est bancale. Je peux pas dire que je mange équilibré. Manger équilibré c’est sur toute la semaine. Genre une fois un américain par semaine, ou une fois 125 une pizza c’est pas grave. Mais si je mange ça 3 jours par semaine là pour moi c’est déséquilibré. Je le fais pas sur la journée, mais sur la semaine. I : Donc t’as des semaines équilibrées ? S.P : Ouais quand même. Je mange souvent avec des amis, mais comme c’est moi qui cuisine c’est équilibré. Oui j’ai des semaines équilibrées. I : Donc au final ton alimentation est pas si bancale que ça. S.P : Ouais finalement ça va, ça colle à ce que j’ai dit, les bons produits et tout. Mais après des fois je culpabilise. Genre l’américain d’hier je culpabilisais ça m’a dégoutée. Si c’est pour manger bien d’un côté et manger ça après c’est nul. I : Tu culpabilises souvent ? S.P : Non. Mais quand je fais de gros gros écarts… Ouais peut-être… Enfin c’est pas vraiment de la culpabilité. Des gros écarts d’affilés quoi. Manger super gras. Même pour moi associer deux féculents ça me fait bizarre. I : Ça veut dire quoi manger pour toi? S.P : C’est se faire plaisir. C’est même plus que subvenir à ses besoins. C’est vachement rythmé quand même, chez moi. Ça rythme ma journée de manger. I : Et tu me dis manger c’est se faire plaisir. Tu te fais des plaisirs ? S.P : Ah ouais. Mais moi franchement quand je me fais mes plats, ça me fait plaisir. I : Se faire plaisir, c’est pas vraiment gras ou sucré… S.P : Ouais. Genre faire à manger c’est un plaisir, manger une pâtisserie c’est un plaisir. Ça dépend du moment, du produit. Mais après manger un produit gras seule et manger un truc gras avec mes amis c’est pas pareil. J’ai plus de plaisir, avec mes amis, d’avoir partagé un moment avec eux tu vois. I : D’accord je vois. C’est quoi la nutrition pour toi? S.P : La nutrition ça serait pas comme la diététique, mais ça serait les sciences de l’alimentation. I : Et la diététique? S.P : C’est l’étude saine de l’alimentation. C’est surtout sain. Genre quand on parle de mal bouffe c’est plutôt la nutrition. C’est tout ce qui englobe l’alimentation et la diététique c’est l’alimentation saine. I : Ok. Et tu penses être légitime à donner des conseils sur l’alimentation, si toi tu manges pas équilibré ? S.P : Oui. Après c’est que de la théorie ce qu’on apprend. Et puis si toi tu manges nickel, c’est plus dur de comprendre le patient. Et si la diet mange mal, ça n’empêche pas qu’elle puisse donner de bons conseils. C’est comme les tabacologues qui fument. I : Donc on a parlé du plaisir et si je te dis plaisir et diététique ? S.P : Pour moi ça va totalement ensemble. Parce que dans la tête des gens diététique c’est pas se faire plaisir, alors que pour moi c’est totalement associé. Moi j’ai fait des études de 126 diététique, et je mange bien, et c’est pas pour autant que je me fais pas plaisir. Ça doit aller ensemble. I : Tu t’es déjà senti coupable de manger quelque chose ? S.P : Ouais. Genre hier. Mais c’est vraiment dans la quantité quoi. Quand tu manges au-delà de ce que tu peux, je pense. I : D’accord. Et en lien avec tu te pèses régulièrement ? S.P : Rarement. Une fois par mois. Et encore. Je vais me peser… Genre quand y’avait ma mère et ma sœur, je me suis pesée, parce qu’on a fait pas mal de resto, j’ai mangé plus que d’habitude, je vais me peser mais pour pouvoir me situer un peu. Sinon non je me fis plus à ce que je vois. I : Tu connais ton IMC ? S.P : Oui, quand comme on le calculait en cours, oui je le connais. I : T’as pris du poids durant tes études ? S.P : Je crois que j’ai dû prendre 2 kilos. Mais pourquoi je sais pas ! I : Tu l’as mal vécu? S.P : Ouais, surtout quand tu fais diet. Tu te dis « beh non ça aurait dû être l’inverse ». Mais ça me dérange pas plus que ça. C’est surtout dans le concept quoi. C’est con, tu fais diet et tu grossis. Après quand je rentrais chez moi, je prenais 5 kilos à chaque fois… Donc je sais pas si c’est ça. Mais après avec la diététique t’inclus plus de composantes. Donc est-ce que c’est pas ça qui m’a fait prendre du poids aussi, je sais pas ! Avant j’avais que le plat. Là j’ai le plat, le dessert, l’entrée… I : Et ton plat est pas moins conséquent ? S.P : Beh justement c’est là où j’ai du mal à me réguler. Je mange mon plat jusqu’à aller à la satiété. Et après j’ai plus de place pour le dessert mais je le mange quand même. I : T’as déjà suivi un régime ? Un équilibrage alimentaire ? S.P : Un régime non. Un rééquilibrage alimentaire, beh je pense que je me le suis fait du coup, toute seule. I : Tu t’es déjà senti mal à l’aise avec ton corps ? S.P : Quand j’ai pris du poids ouais. Avant j’étais super fine alors deux kilos, ça s’est vu direct tu vois. Mais ça me fait encore bizarre tu vois. C’est que j’ai pris du gras quoi. Je fais plutôt à mon corps que le chiffre sur la balance. I : J’ai terminé avec mes questions. Tu as des remarques peut-être ? S.P : Non, non. Mais c’est très bien comme truc ça fait réfléchir. I : Oui un peu ! Je te remercie pour ta participation en tout cas. 127 Annexe G : Entretien Exploratoire n ° 5 Date : Mercredi 2 mars Contexte : Domicile de l'interrogé Durée : 35 minutes. Enquêté : A.D, Femme, 22 ans, diététicienne-nutritionniste diplômée en 2015, étudiante Intervieweur : I I : Dans un premier temps je te remercie de m’accorder un peu de ton temps. J’ai voulu t’interroger car dans le cadre de mon master, je dois réaliser un mémoire que j’ai choisi de faire sur les diététiciennes et l’alimentation, et donc c'est pour cela que j’ai voulu m’entretenir avec toi. Si ça ne te dérange pas, je vais enregistrer notre entretien pour que je puisse l’analyser plus facilement. Tout ce que tu diras restera anonyme et confidentiel. Je vais te poser des questions sur toi, ton âge, ta situation familiale… puis ton parcours scolaire. On va ensuite parler du métier de diététicienne, ensuite de l’image de la diététicienne, de la cuisine, des changements alimentaires, du sport et de l’alimentation des autres. Pour commencer, ton prénom, ton âge ? A.D : Ça marche ! Donc je m’appelle A. j’ai 22 ans. Alors S., j’ai 23 ans. J’habite en couple sur Toulouse. J’ai fait des études en diététique et maintenant je suis en licence là. I : Quel bac tu as ? A.D : J’ai fait un bac S. I : Le BTS Diététique a été ta première orientation après le bac ? A.D : Oui. Je savais pas quoi faire. J’ai hésité entre ça et orthophoniste. Comme j’ai fait un bac S je voulais partir vers du paramédical parce que médecine je pense que j’y serais pas arrivée. Du coup j’ai pris diet. I : Pourquoi ? A.D : J’ai pris diététique parce que je pensais qu’orthophoniste c’était un peu plan plan. Et comme on parle toujours d’obésité et tout ça beh, je me suis dit qu’il devait y avoir de l’avenir. I : C’est quoi qui t’attrayait principalement dans le métier ? L’aide aux autres, la cuisine ?... A.D : Déjà parce que c’était logique avec mon bac d’aller dans ce secteur. Et puis j’aimais bien cuisiner, la bouffe. Et aider les gens ça m’intéressait aussi quand même. I : Tu as eu une expérience personnelle avec la diététique ? A.D : Moi non. Mais ma mère en a consulté une quand j’étais au lycée. Elle lui avait donnée un livret, des documents avec des chouettes graphiques et tout. Ça aussi ça m’a motivé à choisir cette voie. J’avais trouvé ça intéressant. I : Tu as pris en compte les avis d’autrui par rapport à cette orientation ? Est-ce que tu as eu des avis ? A.D : Oui. Mes parents déjà. Savoir si c’était vraiment pour moi ou pas. 128 I : Est-ce que tu penses que les campagnes du PNNS ou ce qu’on voit dans les magazines ça a pu influencer ton choix. A.D : Euh je sais pas. Je trouvais toutes ces pubs super bien faites. Mais après je crois pas que ça ait influencer. Je suis pas sûre d’avoir fait le lien avec le BTS. Mais après c’est ça aussi qui te dit que y’a des problèmes d’obésité, donc il faut y remédier, donc diet ça peut avoir des débouchés. Mais de façon vraiment claire et précise c’est pas ça non. I : Tu as des remarques des autres par rapport aux choix de tes études, tes amis qui t’ont fait des remarques sur la diététique, pourquoi la diététique ? A.D : Non du tout. Enfin si. J’adore le chocolat depuis que je suis gamine, c’est mon goûter. Alors on me charriait en disant, que je devais arrêter comme je faisais ça mais sinon non. I : On va maintenant parler de la profession en elle-même, qu’est-ce que tu en penses de la profession ? A.D : Je pense qu’elle est absolument pas valorisée. A part faire maigrir, les gens savent pas à quoi tu sers. (rires) Et puis même dans les études sont pas vraiment en adéquation avec le métier. Elles sont trop courtes pour tout ce qu’on doit apprendre. Et puis avec les stages que j’ai pu faire, tu vois pas trop l’importance de la diet. Concrètement t’as pas des missions folles, enfin moi ça m’a pas trop plu. Après j’ai fait un stage en libéral, et là ça m’a plu parce que là t’as un suivi avec le patient, tu as vraiment un retour sur ton travail, et là c’est intéressant. I : Est-ce que tu penses que ce métier mérite des améliorations ? A.D : Oui ! (rires) Déjà changer les études, comme ça y’aura plus de légitimité. Et puis vraiment engager des diet dans les structures où y’en a pas. Et dans les structures de santé publique, pour des missions d’équilibre alimentaire, d’éducation un peu. I : Tu penses que ce métier est en évolution ? A.D : Je sais pas. En évolution mais dans le mauvais sens peut-être. Mes copines diet qui cherchent du travail, en trouvent pas. Y’a pas de places dans les hôpitaux… Mais après maintenant y’a beaucoup de prestataires à domicile, alors qu’avant t’en entendais pas parler. I : Est-ce que tu as des regrets d’avoir choisi cette voie ? A.D : Quand je vois le peu de débouchés oui. Mais après non parce que j’ai appris des trucs et maintenant je continue les études dans un truc qui me plaît tu vois. Donc mitigée un peu. I : Maintenant, on va aborder la diététicienne en elle-même. Avant de commencer tes études tu avais une idée de la diététicienne ? Les missions, les qualités à avoir, l’allure… A.D : Déjà je pensais que tu étais super importante dans les structures, vraiment indispensable, parce que bon l’alimentation c’est partout quoi et c’est indispensable, t’avais ta blouse, tes dossiers et tout. Après je pensais que c’étaient que des nanas et au final c’est vrai. Et puis physiquement, une personne fine, qui adore cuisiner, qui mange pleins de légumes, pleins de couleurs dans son assiette. I : Tu as déjà rencontré des gens qui avaient des idées sur la diététicienne ? A.D : Oh oui ! 129 I : Quelles idées ? A.D : Que tu manges que des légumes, que tu sais pas t’amuser, que t’es hyper carrée, que tu analyses la bouffe de tout le monde. Que tu dois être bien fine aussi. Mais bon après tu restes professionnelle quoi et s’arrêter à ça c’est idiot. Pas de Mc Do, pas de coca, pas de sucreries… Des choses dans le genre. I : Et tu penses que ce métier est basé sur l’apparence ? A.D : Beh avant de faire le BTS je t’aurais dit oui. Maintenant un peu moins. Parce que certes t’as le côté de la nana qui fait maigrir les gens mais de l’autre t’as tout l’aspect thérapeutique. Où les personnes ont besoin de toi, mais parce que c’est vraiment indispensable. Genre maladies rénales, ou dénutrition. Ou obésité. Pas 5 kilos à perdre avant l’été. Mais comme tout le monde pense « amincissement », du coup oui c’est un peu basé sur le physique à la base. I : Et tu penses que la diététicienne doit avoir un physique particulier ? A.D : Beh honnêtement je crois que oui. Je pense que tu dois être un minimum bien, dans la normale niveau poids. Et c’est bête mais bien habillée aussi tu vois. C’est aussi pour correspondre à ce que les gens veulent. Voir une diet obèse, ils vont pas trop y croire. I : Est-ce qu’il y a une mauvaise image de la diététique ? A.D : Je pense oui. Pour les gens qui vraiment n’y connaissent rien, et que ça les intéresse pas forcément, je pense qu’ils doivent se dire que c’est vraiment prise de tête. I : C’est une hygiène de vie pour toi la diététique? A.D : Euh. Oui. Je pense. Ça concerne ton alimentation du quotidien. I : Et le sport, le tabac, l’alcool, ça rentre en compte? A.D : Je pense que c’est différent ça encore. T’as ton hygiène de vie qui prend en compte ta façon de manger, d’acheter, de consommer certains trucs, de faire du sport, mais voilà. Et la diététique pour moi c’est que l’alimentation. C’est un des facteurs qui fait que t’es en bonne santé. I : D’accord. Maintenant, on va aborder le thème de tes journées types et la cuisine. A.D : Cooool I : Tes repas ils se composent comment ? Comment as-tu mangé aujourd’hui par exemple. A.D : Alors tous les matins je prends un petit dej. Tartines de pain, avec du beurre, du miel, un café et un jus de fruits. Tous les jours ça. A midi au RU, j’ai pris du chou rouge en entrée, le plat c’était du riz, avec du poisson en sauce ça allait. Et en dessert un entremet qui avait au citron là. Je prends souvent des crudités, elles sont bonnes je trouve. En plat c’est souvent féculents, comme ça je prends pas de risques (rires). Et en dessert ça dépend. Fromage quand j’aime bien. Oui fruits. Ou la pâtisserie, des fois elles sont bonnes alors je la prends. Et le soir c’est souvent salade avec un petit truc, genre bruschetta, tarte, ou une salade composée. Ou sinon des féculents mélangés avec un peu de viande ou un peu de poisson. Et en dessert soit fruits, soit yaourt. Après dans la journée je prends des trucs aux pauses entre les cours. Des barres céréales ou des Kinder. I : Comment tu juges ton alimentation ? 130 A.D : Elle est pas vraiment en harmonie avec ce qu’on apprend en cours, ou même le PNNS. J’ai pas toutes les composantes, j’ai pas autant de légumes qu’il faudrait et tout. Mais après franchement ça va. Déjà au RU tu peux pas manger super équilibré. Des fois c’est limite. Et à l’appart, comme on aime pas les mêmes légumes, je fais pas comme je peux. Mais je mange mieux qu’à une époque c’est clair. I : Manger équilibré ça t’ennuie ? A.D : Non. C’est juste que c’est pas évident à deux. Et que j’ai pas forcément le temps de faire tout nickel. Mais après je suis pas catastrophique loin de là. J’ai des réflexes que certains n’ont pas qui font que je mange quand même pas trop mal. Après j’aime bien quoi. Tu fais ta popote, tu finis sur un truc qui fait du bien à la fin de ton repas, léger, frais c’est cool. Tu te sens pas lourd quoi. I : Manger équilibré, c’est quelque chose de léger pour toi ? A.D : Non. En fait ce que je veux dire c’est que je trouve agréable de finir sur un truc frais, genre un fruit, un yaourt. C’est léger ça passe bien avec un plat tu vois, qui peut être un peu plus copieux, si t’as des féculents tu vois. Après moi j’ai un appétit de moineau. Je mange pas mal sur toute la journée mais sur un repas c’est pas énorme les quantités que je prends. I : D’accord, je vois… Tu parles d’alimentation avec tes amis ? A.D : Oui pas mal. Déjà ceux de la fac et du BTS ouais. Quand on se voit déjà c’est autour de l’alimentation. Tapas, goûter, resto… Donc déjà on se fait goûter les trucs, on change des restos et tout. C’est vraiment un moment où on partage. C’est nécessaire. On teste et donc forcément on en parle. Ou on se dit « regarde la recette que j’ai vu » ou « j’ai testé un truc trop bon ». On parle que de ça, c’est marrant. On est tous gourmands je crois. Et après avec mes amis qui sont pas dans ça oui. Enfin, c’est surtout elles qui m’en parlent, si tel produit est bien, comment je cuisine, si je mange équilibré ! (rires) Ou ma mère m’en parle, si c’est bien ce qu’elle mange, ce qu’elle devrait changer et tout. C’est marrant. I : Tu parles plus de nutrition ou de cuisine ? A.D : Avec mes copines qui sont dans la diet, on parle vraiment bouffe. Et les autres c’est plus le côté nutrition, diététique, équilibre tu vois. Ils demandent des conseils au final. I : Comment les autres jugent ton alimentation, ta famille, tes camarades de classes ou tes collègues en stage ? A.D : Ma famille eux ils voient bien mon évolution. Ils trouvent que c’est plus équilibré. Après les gens qui me connaissent moins ou en dehors des copines de diet, là ils chambrent un peu. Que je mange que du chocolat, parce que j’adore, que c’est abusé et tout, que je vais tout le temps au resto… Mais après c’est pas méchant du tout. Ils sont plus étonnés qu’autre chose je pense. I : D’accord. Et sinon, la cuisine en elle-même tu aimes bien ? Est-ce que tu cuisines beaucoup ? A.D : Oui franchement j’aime bien. Je fais mes petites expériences c’est cool. Tu fais à manger et après t’as le plaisir de le manger. Et quand c’est bon je suis trop fière. (rires) I : Et avant de faire le BTS tu cuisinais ? 131 A.D : Oui un peu. Comme ma mère bossait des fois le week-end je faisais à manger pour mon père et ma sœur. Mais des trucs bateaux. Mais je savais me débrouiller en arrivant à Toulouse quoi. Maintenant c’est ma mère qui fait des recettes que je lui apprends c’est marrant. I : En BTS on a des cours de techniques culinaires, tu les as appréciés ? A.D : Oui, c’était bien. On était entre copines c’était cool. I : Tu gardes quoi comme souvenirs ? A.D : Déjà on rigolait bien. Puis après j’ai après vraiment les bases quand même. Faire les différentes pâtes, faire des coulis, des crèmes. Des trucs que j’aurais jamais fait toute seule. Et puis les copines aussi elle te filait des astuces. Chacun faisait son truc et tu goûtais les trucs des autres. Tu voyais comment ils avaient fait, ce qu’ils avait mis dedans c’était bien. I : D’accord. Et pour faire tes courses, tu t’organises comment ? A.D : Je l’ai fait dans un supermarché. Je fais ma liste avec mes menus et j’achète ce qu’il faut. Je suis organisée. I : Tu suis ta liste scrupuleusement ? A.D : Oui. Après j’achète des trucs en plus des fois. Mais bon je m’enflamme pas trop j’ai un budget à respecter. I : Quand tu fais tes courses, qu’est-ce que tu regardes, comment tu choisis tes produits ? Tu regardes les étiquettes ? A.D : Je regarde jamais les étiquettes, mais vraiment. Toutes les compositions jamais. A la limite la liste des ingrédients. Genre, je veux tester un nouveau gâteau. Si le premier ingrédient dans la liste c’est beurre ou sucre je laisse tomber. Faut pas abuser non plus. Et après sinon je regarde beaucoup la provenance. J’essaie d’acheter au maximum français, privilégier les produits locaux tu vois. I : Pourquoi ? A.D : Beh pour un même produit, je trouve ça plus sympa de faire profiter des agriculteurs français. Ça me donne bonne conscience ! (rires) Ah des fois si je regarde les acides gras saturés. I : Ça t’apporte quoi de regarder ? A.D : Beh ça me permet de voir si ce produit c’est un peu « de la merde » ou pas quoi. I : Et ça te fait poser des produits ? A.D : Oui, franchement oui. Quand je trouve les valeurs ou les ingrédients un peu excessifs, avec 1000 additifs, ça m’intéresse pas non plus. J’essaie de manger un peu naturel tu vois. Les trucs les moins modifiés possibles quand je fais mes courses. I : Pourquoi ? A.D : Beh, c’est bête parce que c’est étudié pour, mais je me dis qu’un jour ça aurait des conséquences sur la santé. I : D’accord. Donc là on va passer aux changements que tu as eu dans ton alimentation, pendant le BTS, une fois diplômée… Tu as changé quelque chose ? 132 A.D : Alors la première année non. Fallait gérer l’arrivée dans une grande ville, savoir où faire les courses, les cours et tout… C’était toujours pareil. Des pâtes ! Le seul truc c’est le petit dej. Avant j’en prenais pas et dès que j’ai commencé les cours j’ai senti qu’il me le fallait, sinon j’avais tout le temps faim. Après j’ai commencé à tester plus de plus trucs, vraiment à plus cuisiner, à varier. Et c’est vraiment cette année où j’ai commencé à mettre des légumes, acheter des produits laitiers, des fruits… A structurer mieux. I : Pourquoi tu as fait tous ses changements d’après toi ? A.D : Je pense pour moi. Parce que manger des pâtes tout le temps c’est pas possible. Et que je mangeais pas forcément bien, ça pouvait avoir des conséquences sur ma santé. I : Tu as change des aliments et ta façon de cuisine aussi ? A.D : Oui. Et puis même maintenant je sens quand c’est gras. Genre ma grand-mère cuisine assez gras. Et maintenant je suis habituée à pas trop cuisiner gras. Et quand j’y vais, je le sens et des fois ça m’écœure. I : Et tu as changé ton alimentation aussi par rapport aux nouvelles personnes que tu as rencontrées… A.D : Pas vraiment. Peut-être je teste des recettes des uns des autres mais après y’a pas eu tant de changements que ça. I : D’accord. Tu penses être plus détendue vis-à-vis de l’alimentation de puis que t’as fait le BTS ? A.D : Bonne question ! (rires) Je pense que je connais les aliments et ce qu’ils apportent et que je sais quoi faire si je mange pas des trucs supers, je sais m’adapter après tu vois, je suis plus. Mais d’un autre côté, je calcule pas mal. C’est bête mais souvent j’ai le truc « teh t’as pris que deux produits laitiers aujourd’hui ». Ou quand j’ai pris mes 3 fruits je suis contente. Ou genre manger des fritures 2 fois, dans la semaine ça m’embête un peu. Je raisonne pas du tout en terme de calories, tout ça, ça, ça m’intéresse pas mais je fais par rapport aux repères du PNNS tu vois. Puis pareil avec les patients que je peux rencontrer, c’est plus simple. I : Donc tout de même tu raisonnes un peu sur ce que tu manges… A.D : Beh quand on te rabâche pendant 2 ans qu’il faut tant de ça, de ça et de ça et que toi tu le dis à tes patients, ça finit par rentrer dans ta tête quoi. Mais après je suis pas du tout dans la paranoïa ! Je sais les repères, je les applique tant mieux, je les applique pas tant pis. Même si au fond, ça doit m’embêter un peu. I : D’accord je vois. Et tu vois une évolution des comportements des autres sur toi depuis que t’es diet ? A.D : Comme je disais tout à l’heure t’as quelques taquineries mais ça va. Après les gens sont plutôt agréablement surpris tu vois que je mange pas forcément équilibrée et nickel. I : D’accord. Maintenant on va aborder le thème de l’alimentation des autres personnes de ton âge. Tu crois qu’il y a des différences entre ton alimentation et celles des autres jeunes ? A.D : Oui. I : Tu penses qu’il y a des différences entre ton alimentation et celles des autres jeunes ? 133 A.D : Un peu ouais. Genre ils connaissent le PNNS eux aussi, comme tu le vois tout le temps à la télé, mais après ils doivent pas calculer autant. Genre 3 fois des pâtes dans la semaine ça doit pas en embêter beaucoup. Mais surtout pour les gens qui savent pas trop cuisiner. Ceux qui aiment ils doivent bien manger de tout, je pense. Je pense que la différence c’est surtout que les jeunes doivent manger plus de trucs industriels. Et encore… Les étudiants plus. Mais après manger comme je mange c’est donné à tout le monde. Le RU c’est le même menu quoi. Après je suis pas un être complètement différent parce que j’ai fait diet. Je vais au resto, je vais au mc do, je mange des nems, je me fais livrer des sushis, normal quoi. Pas obligée de manger toujours nickel parce que je suis diet. Je pense qu’il y a pas mal de similitudes dans les alimentations. Juste que peut-être que les diet calculent plus. I : C’est quoi pour toi l’alimentation de quelqu’un de ton âge ? A.D : Comme je disais, des féculents. De la viande. Pas trop de poisson et de légumes. Des gâteaux aussi. I : Et du coup ton alimentation s’en éloigne ? A.D : Un peu oui. Parce que je pense plus varier. Et mis à part à la fac, j’ai pas de gâteaux chez moi. I : Tu crois que les jeunes ont les clés pour manger équilibré ? A.D : Oui ! Le PNNS est super clair quand même. A part pour les légumes et fruits avec les 5 portions, mais ça c’est tout le monde qui comprend pas, ils sont pas clairs sur ça, les gens comprennent pas. I : Et qu’est-ce que manger équilibré pour toi ? A.D : Manger de tout. En quantité raisonnable je pense. Et éviter les produits indus. C’est pas une alimentation stricte, manger équilibré. Au contraire, t’as droit à tout, féculents, matières grasses. Faut juste gérer. Et ça tout le monde ne le sait pas, comme les diet peuvent le savoir. I : Tu penses manger équilibré toi? A.D : Sur le long terme oui. Pour moi ça se construit une alimentation équilibrée sur de longues périodes. Sur la ligne des repas des petits « écarts » ça signifie rien. Mon poids est stable, j’ai pas de problème de santé, c’est quelque part je mange bien. Après si tu regardes des semaines, des fois c’est cata. Parce que j’ai eu tels trucs, tels trucs qui font que j’ai mangé différemment des autres jours, mais c’est rare. Et le reste de mon quotidien n’en est pas impacté pour autant. I : Ça veut dire quoi manger pour toi? A.D : C’est se nourrir mais avec d’autres trucs : être en famille, se faire plaisir… Manger c’est plus large comme terme je trouve. I : D’accord. C’est quoi la nutrition pour toi? A.D : La nutrition c’est plus l’aspect pathologique ou qui touche à des populations précises un peu. I : Et la diététique? 134 A.D : La diététique c’est plus, un truc quotidien, sain. Que tout le monde peut appréhender un peu. I : Ok. Et tu penses être légitime à donner des conseils sur l’alimentation, si toi tu manges pas équilibré ? A.D : Oui. Parce que premièrement, j’ai pas une alimentation chaotique, j’ai pas de problèmes de santé. Et puis si les gens viennent voir une diet, c’est parce que t’es pro et tu sais mieux que ce qui est bon ou pas. Et aussi de toute façon quand t’as un patient qui te dit « j’adore le chocolat », tu peux que rigoler, dire que toi aussi mais qu’il faut faire gaffe. Tu manges dans des quantités raisonnables et voilà. On a tous nos travers et heureusement ! I : Et d’après toi, plaisir et diététique c’est conciliable ? A.D : Oui. Comme je disais manger équilibré c’est sur du long terme, tu peux te faire plaisir quoi. Après plaisir c’est variable selon les gens. Des fois manger une bonne salade composée avec des bons produits c’est un plaisir. Tout comme un muffin peut me faire plaisir ou manger des chips. Ça dépend du contexte. Et des gens aussi tu vois. Mais c’est conciliable ouais. Sinon les sucreries et tout ça n’existeraient pas ! (rires) I : Tu t’es déjà senti coupable de manger quelque chose ? A.D : Oui. Quand je mange un truc mais en trop grande quantité. Ou que je fais beaucoup d’excès, parce que j’ai pas le choix, genre j’ai du travail, je suis stressée et tout. Là je peux culpabiliser. Je culpabilise quand de base ça va pas ! Sinon je m’en veux pas d’avoir mangé du chocolat au goûter tu vois. I : D’accord. Et en lien avec tu te pèses régulièrement ? A.D : Une fois par semaine à peu près. Enfin quand je rentre chez mes parents. Parce qu’à Toulouse j’ai pas de balance. Pour vérifier comme ça, voir la stabilité. Après je suis pas une accro. Si j’ai pris 500 g je m’inquiète pas. Si la semaine d’après j’ai repris là je vais me dire « bon qu’est-ce que t’as fichu ? » mais voilà c’est tout. I : T’as pris du poids durant tes études ? A.D : Non j’ai même perdu. Comme je me dépensais plus qu’au lycée et j’ai perdu, alors que la première année tu vois je mangeais vraiment pas top et j’ai pas pris. Comme je faisais beaucoup de déplacements à pied je compensais. I : T’as déjà suivi un régime ? Un équilibrage alimentaire ? A.D : Pas de régime. Mais j’ai rééquilibré mon alimentation quoi. I : Tu t’es déjà senti mal à l’aise avec ton corps ? A.D : Oui ! Au lycée quand j’avais grossi. Ou même quand je fais les magasins, j’essaie des trucs, beh ça me va pas parce que je suis trop mince aussi, que j’ai pas ce qu’il faut ! (rires) Mais c’est rare. C’est quand j’ai fait des excès sans plaisir où je me sens pas bien. I : D’accord. J’ai terminé avec mes questions, je te remercie. Tu as des remarques peut-être ? A.D : Non, non. C’était très bien. Merci à toi ! 135 Annexe H : Questionnaire quantitatif « Représentation des diététiciennes » 136 137 138 139 140 141 142 143 Listes des tableaux TABLEAU 1 : TABLEAU COMPARATIF DES ANNEES D’ETUDE DU METIER DE DIETETICIEN, SELON LES PAYS EUROPEENS........................................................................................................................... 25 TABLEAU 2 : PRESENTATION DES PROFILS INTERVIEWES EN ENTRETIEN EXPLORATOIRE ............................... 45 TABLEAU 3 : ORGANISATION D'UNE ENQUETE QUALITATIVE .................................................................. 68 TABLEAU 4 : ORGANISATION D'UNE ENQUETE QUANTITATIVE ................................................................ 70 TABLEAU 5 : GUIDE D'ANIMATION DU FOCUS GROUP ........................................................................... 76 TABLEAU 6 : GUIDE D'ENTRETIEN ..................................................................................................... 79 144 Table des matières REMERCIEMENTS ................................................................................................................... 8 SOMMAIRE ........................................................................................................................... 10 INTRODUCTION .................................................................................................................... 11 PARTIE 1 : CADRE THÉORIQUE .............................................................................................. 14 CHAPITRE 1 : POLITIQUE NUTRITIONNELLE EN FRANCE ..................................................................... 15 1. Un Programme National Nutrition Santé améliorant l’état de santé de la population… ...................................................................................................................... 16 2. … Et médicalisant la vie quotidienne ? .................................................................... 19 CHAPITRE 2 : LE METIER DE DIETETICIEN NUTRITIONNISTE................................................................. 22 1. Le métier et les études… .......................................................................................... 22 1.1. Cadre réglementaire et champs d’action ....................................................... 22 1.2. Les diplômes qualifiants .................................................................................. 24 2. … et les étudiants ..................................................................................................... 27 2.1. Motivations à exercer… ................................................................................... 27 2.1.1. Contexte actuel de la modernité alimentaire ............................................ 27 2.1.2. Légitimité ..................................................................................................... 28 2.2. … Et identité professionnelle .......................................................................... 29 CHAPITRE 3 : L’ALIMENTATION DU JEUNE ADULTE ........................................................................... 33 1. Les pratiques alimentaires ....................................................................................... 34 2. Le bien manger......................................................................................................... 36 3. Identité et sociabilité alimentaire............................................................................ 37 4. Particularités féminines ........................................................................................... 39 4.1. Alimentation des jeunes femmes, les grandes lignes .................................... 39 4.2. Le rapport alimentation et modèle corporel ................................................. 40 4.2.1. Les modalités de contrôle alimentaire ....................................................... 40 4.2.2. Les rapports au corps .................................................................................. 41 PARTIE 2 : HYPOTHÈSES ........................................................................................................ 43 CHAPITRE 1 : PROBLEMATIQUE ET CONSTRUCTION DES HYPOTHESES .................................................. 44 CHAPITRE 2 : HYPOTHESE 1 : LE COUPLAGE DES NORMES SOCIALES ET PROFESSIONNELLES TEND A UNE RATIONALITE ALIMENTAIRE CHEZ LES JEUNES DIETETICIENNES NUTRITIONNISTES, DANS LE CONTEXTE DE LA NUTRITIONNALISATION ................................................................................................................ 46 1. Les représentations de la diététicienne................................................................... 46 2. Une rationalité en lien avec la pratique professionnelle ........................................ 49 CHAPITRE 3 : HYPOTHESE 2 : DANS LE CONTEXTE DE MODERNITE ALIMENTAIRE ET D’UNE REDEFINITION DE LA JEUNESSE, UN DECOUPLAGE ENTRE IDENTITE PROFESSIONNELLE ET PRATIQUES ALIMENTAIRES QUOTIDIENNES APPARAIT ............................................................................................................ 55 145 1. 2. 3. Le modèle alimentaire français ............................................................................... 55 Les mêmes conditions générationnelles ................................................................. 58 Un désengagement dans les règles diététiques ? .................................................. 61 PARTIE 3 : MÉTHODOLOGIE PROBATOIRE ............................................................................ 63 CHAPITRE 1 : METHODOLOGIE DE COLLECTE DE DONNEES ................................................................ 65 1. Méthode qualitative................................................................................................. 65 1.1. L'entretien individuel semi-directif................................................................. 66 1.2. Focus group...................................................................................................... 66 2. Méthode quantitative .............................................................................................. 69 CHAPITRE 2 : PROTOCOLE DE RECHERCHE ...................................................................................... 71 1. Hypothèse 1 : Le couplage des normes sociales et professionnelles tend à une rationalité alimentaire chez les jeunes diététiciennes nutritionnistes, dans le contexte de la nutritionnalisation ................................................................................................... 71 1.1. Questionnaire « Représentation des diététiciennes » .................................. 72 1.2. Focus Group « Impacts de la représentation de la diététicienne et des études » ........................................................................................................................ 72 2. Hypothèse 2 : Dans le contexte de modernité alimentaire et d’une redéfinition de la jeunesse, un découplage entre identité professionnelle et pratiques alimentaires quotidiennes apparaît ...................................................................................................... 74 CHAPITRE 3 : PROPOSITION D'OUTILS PROBATOIRES ........................................................................ 76 1. Hypothèse 1 : Le couplage des normes sociales et professionnelles tend à une rationalité alimentaire chez les jeunes diététiciennes nutritionnistes, dans le contexte de la nutritionnalisation ................................................................................................... 76 1.1. Questionnaire « Représentation des diététiciennes » .................................. 76 1.2. Focus Groupe « Impacts de la représentation de la diététicienne et des études » ........................................................................................................................ 76 2. Hypothèse 2 : Dans le contexte de modernité alimentaire et d’une redéfinition de la jeunesse, un découplage entre identité professionnelle et pratiques alimentaires quotidiennes apparaît ...................................................................................................... 79 CONCLUSION ........................................................................................................................ 82 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................... 85 TABLES DES SIGNES ET ABREVIATIONS ................................................................................. 90 TABLE DES ANNEXES ............................................................................................................. 92 ANNEXE A : GUIDE D’ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 1 ..................................................................... 93 ANNEXE B : GUIDE D’ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 2 ..................................................................... 94 ANNEXE C : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 1 ................................................................................. 97 ANNEXE D : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 2 ............................................................................... 103 ANNEXE E : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 3................................................................................ 107 146 ANNEXE F : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 4 ................................................................................ 118 ANNEXE G : ENTRETIEN EXPLORATOIRE N ° 5 ............................................................................... 128 ANNEXE H : QUESTIONNAIRE QUANTITATIF « REPRESENTATION DES DIETETICIENNES »....................... 136 LISTES DES TABLEAUX ......................................................................................................... 144 TABLE DES MATIERES ......................................................................................................... 145 147 Résumé Dans un contexte de modernité alimentaire, avec la diffusion quotidienne de messages nutritionnelles et de normes esthétiques, véhiculés par les médias, la femme se retrouve sous le coup de différentes pressions. Les jeunes diététiciennes nutritionnistes sont au cœur de ses préoccupations, à la fois en tant que dispensatrices de la « bonne parole nutritionnelle » mais également femmes dans une société occidentale basée sur une image particulière de la « belle » femme. Nous contextualiserons notre étude, par l’approche des politiques nutritionnelles françaises, la profession de diététicien, et les jeunes adultes et leurs rapports à l’alimentation, pour aboutir à une problématique concernant l’influence des identités sur les représentations alimentaires des jeunes diététiciennes. Notre travail sera appuyé par des entretiens exploratoires réalisés auprès de jeunes diététiciennes de 22 à 23 ans, récemment diplômées, mais également sur des entretiens de jeunes sans lien avec ce milieu, afin de dégager deux hypothèses. Enfin, nous proposerons une méthodologie probatoire, après avoir défini les outils, afin de confirmer ou infirmer nos hypothèses. Mots clés : diététique – nutritionnalisation – identité – représentation – modèle alimentaire – jeunesse Abstract In a context of food modernity, with daily diffusion in the media of nutritional messages and aesthetic standards, women are constantly pressured. Young nutritionists are at the core of these concerns, both as holders of the « good nutritional speech » and as women in a Western society based on a particular image of the « beautiful » woman. We will contextualize our study by analyzing French nutritional policy, the profession of dietician, and the relation of young adults to food, to highlight the issue of the influence of young dieticians’ identities on their dietary perceptions. Our research will be supported by exploratory interviews with 22 to 23 years old dieticians who recently graduated, and conversations with young persons unrelated to this field from which two assumptions will be drawn. Finally, after defining our tools, we will use a probationary methodology to prove or disprove our assumptions. Keywords: dietary - nutritionnalisation - identity - representation - food model - yout