Dantzig entre amour et haine
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Dantzig entre amour et haine
Date : 27 AOUT 15 Page de l'article : p.78-79 Journaliste : Marie-Françoise Leclère Pays : France Périodicité : Hebdomadaire OJD : 383570 Page 1/1 CULTURERENTRÉE LITTÉRAIRE - Dantzig entre amour et haine Sexuel, érudit, politique. Le portrait acéré d'une epoque. PAR MARIE-FRANÇOISE LECLÈRE P armi les bonheurs de cette rentrée litteraire, ne ratez pas le nouveau roman de Charles Dantzig. Propos: raconter l'amour au temps de la haine, quand des fouks poussées par des politiciens démagos, des populistes homophobes et quèlques forcenés d'obédiences diverses manifestaient centre le mariage gay. Défiler en masse pour refuser un droit, c'était nouveau. Et révoltant. Aujourd'hui, Charles Dantzig continue le combat. A sa manière, toute d'élégance. Qu'on n'imagine donc ni un plaidoyer, ni un pamphlet, ni un de ces romans « à sujet » qu'il déteste, ceux «qui racontent des histoires avec une succession défaits et de pensées rationnellement enclenchés». L'auteur de P« Encyclopédie capricieuse du tout et du rien », faut il le rappeler7, n'écrit pas «sur». Pour lui, la forme prime, celle qui exclut « l'avancée logique » et procède « a sauts et gambades», par fragments, notations brèves, portraits à la pointe sèche, formules lapidaires, listes, citations, pastiches, souvenirs vrais ou inventés, élans de tendresse et accès de colère, drôleries et cruautés. Cette forme éclatée convenait par définition au « Dictionnaire égoïste de la littérature française » et, bien sûr, à I' « Encyclopédie ». Appliqué au roman, elle ne nous avait pas totalement convaincue. Jusqu'à cette « Histoire de l'amour et de la haine » ardente, étincelante, qui reflète le mouvement même de la vie. En vingt-quatre chapitres, d'« âges » à « sexe » en passant par « commandements de la mort », « gaietés » ou« nuisibles », on y partage l'existence de sept personnages. Au premier rang, Ferdinand, 20 ans, « orage de cheveux blonds » et «nez de lionceau », amoureux transi d'un séduisant «garçon à filles», Jules. Il se sent isolé, humilié, nié, surtout, par son gros vulgaire de père, le très « viril» député Furnesse. La haine, entre eux... Il y a aussi Pierre Messe, la soixantaine, un grand écrivain désabusé qui n'écrit plus depuis sept ans et survit en s'assignant des tâches qu'il n'accomplira pas, comme celle d'aimer Ginevra ; Aaron, vendeur au BHV qui vit avec Armand, banquier et Lapidaire. Charles Dantzig livre un feu d'artifice d'une folle gaieté et, parfois, d'une rare violence «artiste des dîners»; et puis Anne, si belle et qui se juge «inapteal'amour». D'innombrables gloires sont convoquées auprès d'eux: Proust, Joyce, aussi bien que Marlene Dietrich et Laurel et Hardy, premier couple d'hommes à adopter un enfant (dans un film...). On prend à ce feu d'artifice, d'une folle gaieté et parfois d'une rare violence, un plaisir extrême, qu'il y soit question du désir, de l'amitié, de la masturbation, de l'angoisse, de la gentillesse ou de l'« expressivité des chaussures». Mais le plus fort, c'est que dans ces éclairs, notre époque apparaît. Et avec elle, une voix, une esthétique, un art de vivre • Histoire de l'amour et de la haine », de Charles Dantzig (Grasset, 480 p ,22e) « Les plus beaux corps de cette histoire étaient : I) habillé, Pierre Messe; 2) nu, Ferdinand; 3) nue et habillée, Anne. » Histoire de l'amour et de la haine Tous droits réservés à l'éditeur GRASSET 5790994400508