Une zone lexicale « transgressive » en français et en hongrois

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Une zone lexicale « transgressive » en français et en hongrois
THOMAS SZENDE
Une zone lexicale « transgressive » en français et en hongrois
1. Introduction
Chacun d’entre nous s’est posé au moins une fois la question : quel secteur de la
langue enseigner ? La richesse lexicale et la diversité stylistique (deux thèmes que ce
colloque entend articuler) constituent pour tout enseignant de langue un défi
permanent.
Parmi les catégories « hors normes » du lexique, l’insulte constitue un objet
d’étude aux contours flous, et néanmoins stimulant.
Nous prenons comme postulat de départ l’idée que les seules insultes décrites
comme telles ne suffisent pas à identifier l’acte de langage qu’est l’insulte. D’abord
parce que tout mot ou locution peut devenir insultant en fonction de la situation
d’énonciation. Ensuite parce que savoir identifier les insultes ne se résume pas à établir
des listes d’expressions ; il s’agit aussi de comprendre les mécanismes de leur mise en
œuvre discursive.
Dans cette double optique, nous observerons ici quelques insultes en hongrois et en
français, sans perdre de vue les espaces de disqualification typiques dans les cultures
que ces langues reflètent, en nous intéressant à un cas particulier d’insulte, celle qui
fige l’autre, le voisin, l’ennemi, dans son ethnie.
2. L’insulte
Le phénomène de l’insulte se manifeste dans les circonstances les plus diverses de
la vie courante. C’est un objet revendiqué d’abord par le droit ; s’y intéresse aussi la
linguistique afin de mettre en évidence le sémantisme des termes mobilisés, la valeur
stylistique des actes de violence verbale, mais aussi le contexte d’emploi et les effets
de réception de l’insulte. Ce qui choque et blesse : c’est l’évocation des défauts tels
que la société les stigmatise.
Certaines traitent l’interlocuteur de noms d’animaux, d’autres se rattachent aux
champs notionnels : « Dieu et Diable » ou à la fonction excrémentielle. L’emploi des
mots interdits traduit un désir de transgression. Nous savons que c’est souvent par la
pratique des gros mots que l’enfant transgresse ses premiers tabous et découvre la
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puissance du verbal. Indéniablement, c’est le domaine sexuel qui fournit le corpus le
plus abondant des insultes. En puisant dans la sexualité, l’insulte permet de nommer ce
qui est tu dans la famille et l’école.
La permanence de cet usage de la langue, comme le rire libérateur ou la dérision,
fait partie intégrante des rapports humains et on connaît depuis les recherches de
Labov (1993) sur le parler des ghettos noirs des États-Unis la fonction intégrative de
l’insulte.
S’insulter entre pairs permet d’affirmer son appartenance au groupe et la
construction d’une identité commune. Léglise et Leroy (2008) se sont intéressées aux
discours des médiateurs de rue dans les quartiers difficiles de Tours et chargés d’une
mission de médiation. Dans le discours des médiateurs, les énoncés « Sale connard,
va » ou « t(u) es qu’une merde », par exemple, seront catégorisés comme affectueux
s’ils sont prononcés à l’intérieur du groupe, de même, suite à une désémantisation,
les insultes « fils de pute » ou « bâtard » portent la marque de la proximité
communautaire dans le langage des quartiers.
Nous n’avons pas l’intention d’entreprendre ici un inventaire exhaustif de tous les
types d’insultes ; il s’agit tantôt de mots isolés : salopard, anyád, tantôt de locutions
injurieuses : va te faire foutre ! menj a francba !, tantôt de séquences plus corpulentes.
L’insulte est rendue possible par des effets linguistiques divers. Il y a la valeur
lexicale. Certains contenus seront plus mobilisés que d’autres : « gros » sera activé
davantage que « mince ». Certains termes qui n’ont en apparence rien d’injurieux
peuvent prendre une connotation péjorative du fait de la nature de l’environnement
linguistique dans lequel ils sont insérés. « Boudin » n’est pas une injure mais peut la
devenir. Il y a aussi la structure syntaxique : le terme péjoratif est employé avec des
modalités de catégorisation, par exemple : « espèce de ». Il y a le suprasegmental,
choix du registre vocal, surmarquage de l’intonation. Tout terme peut se charger
d’injure par la simple force d’évocation.
N’oublions pas qu’il y a aussi la perception ; l’injure ne fonctionnera pleinement
que si l’interlocuteur la perçoit comme telle. Le pouvoir qu’a un nom de blesser n’est
pas mécanique, ce pouvoir repose notamment sur la sédimentation des usages sociaux.
Les insultes ont leurs particularités nationales, ce qui est insultant pour les Français ne
l’est pas forcément pour les Hongrois.
Lorsque l’on étiquette les gens, on fait volontiers usage de traits récurrents associés
à une langue, à un pays ou à une ethnie. C’est ainsi que les discours ordinaires mettent
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souvent en circulation des représentations dépréciatives. Selon les Hongrois, les
Russes sont portés sur la bouteille, selon les Français, ce sont plutôt les Polonais, les
filles de l’Est (vues de France) seraient des prostituées, et les Françaises (vues de
Hongrie, par exemple) auraient des mœurs légères.
3. L’insulte raciste
On parle d’insulte raciste lorsque la personne cible estime l’être du fait de son
‘origine’ ou de son ‘appartenance’ ou ‘non-appartenance’ à un groupe ethnique.
Ce type d’insulte vise l’individu et, à travers lui, une catégorie sociale ou tout un
peuple.
Rappelons l’échelle conçue par le psychologue Allport (1979) (Scale of Prejudice
and Discrimination), qui, graduée de 1 à 5, tente de mesurer le préjugé dans une
société : (Scale 1 – Antilocution ; Scale 2 – Avoidance ; Scale 3 – Discrimination ;
Scale 4 – Physical Attack ; Scale 5 – Extermination).
Dans cette échelle, le degré 1 Antilocution indique la parole du groupe majoritaire
qui sert à véhiculer des images et des stéréotypes négatifs (« hate speech ») sur un
groupe minoritaire. Ce degré est décrit comme la première étape du préjugé, peu ou
moyennement offensive, mais qui peut préparer le terrain pour des manifestations plus
graves du préjugé.Quelles que soient les circonstances, l’Autre est potentiellement
objet de rejet. Les minorités nationales, ethniques ou religieuses sont parmi les
populations les plus exposées au racisme.
Nous nous interrogerons dans ce qui suit sur les insultes qui visent l’identité de
deux groupes de destinataires :
-
les Tsiganes vivant en Hongrie et
les populations arabes en France.
Les contextes sont différents, mais nous repérons des analogies fortes dans leurs
situations quotidiennes : ghettoïsation, désocialisation, stigmatisations et violences
verbales qui s’ajoutent aux discriminations.
Le racisme en France rime surtout avec l’immigration, et en Hongrie avec le rejet
d’une minorité ethnique. Sous cet angle particulier, l’un des équivalents français du
terme hongrois cigány sera le mot arabe.
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4. Le discours raciste
Une approche naïve du texte raciste suppose qu’il y a des mots racistes et des mots
qui ne le sont pas, sans considération pour leur mise en texte. Ainsi, Rastier (2008)
rappelle que le mot bougnoule qui est indéniablement un mot raciste, est en fait
marginal dans les sites racistes. Mieux encore, il apparaît trois fois plus fréquemment
sur les sites antiracistes. Le racisme n’est pas seulement affaire de mots, il relève aussi
de la rhétorique, riche en sous-entendus et en antiphrases (du style : « ce n’est pas être
raciste que de dire cela … »).
Parmi les différentes modalités de la dépréciation de l’Autre, le schéma binaire
« Nous ˂---˂ Les autres » est fondamental dans la rhétorique des textes qui nous
intéressent. Les mots désignant l’adversaire encouragent l’idée qu’un certain groupe
d’individus jugé négativement constitue une menace imminente, par son
comportement, par sa présence massive, etc.
Nous avons plus tendance à minimiser les différences individuelles entre les
membres de l’exogroupe qu’entre les membres de notre propre groupe. Inutile de dire
que ceux que l’on appelle d’une manière homogénéisante Tsiganes en Hongrie ou
Arabes en France sont des groupes infiniment plus hétérogènes que ce qui vit dans
l’imaginaire commun.
Parmi les contextes socio-discursifs propices à l’émergence de l’insulte de type
raciste, observons deux espaces de production de l’insulte : 1. l’Internet et 2. le stade
de foot.
L’Internet, lieu de rencontre fédérateur, et puissant moyen de propagande fournit
un corpus illimité d’insultes. Afin d’échapper aux sanctions pénales, les éditeurs des
sites racistes tentent de garder des apparences de respectabilité et évitent les
formulations trop explicites. Nous ne sommes pas en mesure de livrer ici une
comparaison des stratégies discursives employées dans les pays et dans les cadres
juridiques respectifs. Rappelons simplement que les sites racistes jouent souvent sur
l’équivoque, l’euphémisation et la dissimulation. Là où l’on attendrait arabe ou noir,
on dit simplement 18e arrondissement de Paris. Et en hongrois, "etnikum" « ethnie »
ou "kisebbségi" « issu de la minorité » peuvent se substituer au terme « cigány ».
La péjoration du groupe visé peut associer aux caractères physiques des contenus
culturels.
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Une affiche anti-musulmans placardée par le Front national en région Provence
Côte d’Azur et sur Internet dans le cadre de la campagne pour les élections régionales
(14-21 mars 2010) et qui représente une femme intégralement voilée à côté d’une carte
de France recouverte du drapeau algérien ; s’y dressent des minarets en forme de
missiles. Sous couvert de dénoncer l’islam politique radical, l’affiche joue sur
l’amalgame et tend à faire courir le préjugé Islam = Arabes = Envahisseur, et assimile
la migration d’êtres humains à une invasion guerrière.
Mais l’Internet n’est pas exempt de contenus susceptibles d’inciter ouvertement à
la haine raciale, notamment lorsque le regard raciste se focalise sur des différences
anatomiques. L’affiche électorale fictive qu’on trouve sur Kuruc.info assimile les
tsiganes à des bêtes sauvages ou à des demi-singes. Le texte est un détournement de la
célèbre épigramme (Huszt, 1831) de Ferenc Kölcsey, poète et critique littéraire
hongrois, auteur des paroles de l’hymne national hongrois (1790-1838) : « Influence,
crée, enrichis et la patrie s’illuminera », se retrouve transformée en ‘Dresse-les et la
patrie s’illuminera’. Égalité des droits pour tous, indépendamment de tout,
en particulier de l’intellect.
L’assimilisation de l’Autre à une espèce animale, nous conduit à une autre
technique rhétorique récurrente, celle de la péjoration de l’Autre sur le code sensoriel
de l’odorat. La mise en parallèle des deux langues démontre que parmi les marqueurs
du rejet social, en bonne place figure l’odeur. Il suffit de taper sur un moteur de
recherche Google pour trouver 24 500 fois "sale arabe", quant à l’énoncé "büdös
cigány", il a 26 800 attestations. On voit qu’il s’agit d’une séquence discursive très
vivace aussi bien en français qu’en hongrois.
Lorsqu’on traite un arabe d’arabe ou un tsigane de tsigane, pour les attaquer on ne
les compare pas à « quelque chose d’autre », on insiste simplement sur « ce qu’ils
sont ». L’élément « sale » introduit la dimension péjorative, büdös cigány et « sale
arabe » ne signifient pas « arabe mais sale » ou cigány mais sale, mais plutôt
« arabe/cigány, donc sale/puant ».
Pour reprendre notre jeu d’équivalences, l’une des traductions du syntagme
hongrois ‘büdös cigány’ pourra être ‘sale arabe’. Les deux expressions ponctuent la
parole raciste dans des conditions semblables. Certains sites se sentent intouchables.
Comme ce blog sur le site FUNPIC (Büdös cigány. Különlegesen meleg, nyári
napokon találkozhatunk ezzel az egyáltalán nem ritka cigányfajjal…) qui donne une
définition du « tsigane puant ». Celui-ci a plusieurs catégories :
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-
« tsigane puant » ayant l’odeur de la merde (cigus fekalicus)
« tsigane puant » ayant à la fois l’odeur de la merde, de la pisse, de la
bouche et des intestins (cigus choctellicus)
« tsigane puant » qui va jusqu’à manger la merde (cigus undoritis, jeu de
mots fondé sur le terme ‘undor’ « nausée »)
Le néologisme est un moyen éprouvé de corréler des dimensions et champs
sémantiques ordinairement séparés. On assiste ainsi à une explosion de termes
péjoratifs anti-tsiganes innovants ; voici quelques-uns parmi ceux qui insistent sur la
couleur du groupe visé :
-
Erısen pigmentált « fortement pigmenté »
Próbanéger « noir d’essai »
Bantu « bantou »
Brazil « brésilien »
Bokszos = « enduit de cirage »
Hógolyó « boule de neige / Viking « viking » (jeu sur le contraste)
Rézbırő « peau rouge (indien) »
Pirított magyar « hongrois sauté » (‘cuit à feu vif’)
Széntabletta « charbon actif » « carbo medicinalis »
Afin d’accroître l’impact sur le lecteur, les sites racistes créent des combinaisons
lexicales destinées à amalgamer des idées, telles que « Français de papier » (à la place
de Français de souche), « néo-Français », immigrationnisme ; « antimagyar » et aussi
toute une gamme de moyens stylistiques pour exprimer le doute et la suspicion. On a
recours ainsi à des noms propres malmenés, à des patronymes retravaillés :
Mohamerde (Mohamed), Kóser Lajos (Kósa Lajos, maire de Debrecen), à des
variations phonétiques/graphiques se moquant d’accents étrangers « - Ripoublique » =
prononciation à l’arabe, - « Segílyes cigányok » = les Tsiganes qui vivent des
allocations.
Le stade de foot est un autre espace de parole propice au lexique transgressif.
Les insultes proférées par les chœurs ultras dans les tribunes de foot contribuent à leur
façon à la « cohésion du groupe » des supporters.
Les insultes racistes agitent régulièrement le milieu du football en France.
Le 16/02/2008 : le défenseur de Valenciennes Abdeslam Ouaddou, d’origine
marocaine, est victime des insultes « sale négro » et « sale singe » de la part d’un
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supporter de Metz pendant toute la première mi-temps du match Metz-Valenciennes
comptant pour le championnat de France de Ligue 1. Énervé, Ouaddou décide d’aller
s’expliquer avec le fauteur de trouble à la mi-temps et grimpe dans la tribune.
Il prendra un carton jaune pour ce geste…
Un mémoire soutenu en 2007, à l’Université de Debrecen, se penche sur les
expressions utilisées par les supporters de foot. Lorsque les joueurs de l’équipe
adverse ne sont pas blancs, on profère contre eux des cris de singes (majomutánzás) et
des insultes du type : « Il faudrait lui pisser dessus pour qu’il ait l’odeur d’un être
humain » („Le kéne hugyozni, hogy emberszaga legyen!”).
Le schéma binaire « Nous vs Eux » peut prendre une tournure inattendue. Au cours
d’un match Fradi – Vasas (deux équipes emblématiques de Hongrie), dans chacune
des équipes joue un footballeur de couleur noire. La situation est inédite : les injures
adressées par les supporters expriment une grande intensité émotionnelle qui traduit
cependant une certaine confusion identitaire : l’un des joueurs d’origine camerounaise,
est traité systématiquement de tsigane.
5. Conclusions
Divers arguments militent en faveur de l’exploitation des zones transgressives du
lexique dans l’apprentissage des langues. J’en relève trois : 1. notre mission
d’enseigner une langue ‘vivante’ ; 2. le statut central des malentendus dans la
communication interculturelle ; 3. la nécessaire prise en compte des motivations des
apprenants.
Au vu de ces trois éléments qui ne sont pas exclusifs, enseigner une langue
étrangère peut signifier aussi confronter l’apprenant, avec toute la prudence requise,
aux insultes, aux mots et aux gestes qui les accompagnent.
Saïd Benjelloun, (2008) auteur d’un manuel d’arabe maghrébin raconte qu’il n’a
pas été aisé d’y inclure un chapitre sur les insultes et qu’on se heurte nécessairement à
des réactions du genre : « voyons, ça ne se fait pas d’apprendre à insulter ». Ce qui est
admis dans la production littéraire est refusé à la pédagogie. Le professeur de langue
en tant qu’intermédiaire culturel, doit constamment jouer les équilibristes. Deux
écueils à éviter : 1. présenter les insultes et les discours haineux d’une manière neutre,
2. en parler comme si c’était un dysfonctionnement de la langue qui survienne dans un
ensemble harmonieux …
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Les dictionnaires, témoins du statut social des mots, régulent aussi les significations et
les valeurs stylistiques. À l’instar des manuels et des pratiques pédagogiques,
les ouvrages lexicographiques, qu’ils soient monolingues ou bilingues doivent veiller à
ne pas banaliser les insultes racistes. Voici une rapide comparaison quant au traitement
de quelques termes racistes dans deux dictonnaires monolingues et deux bilingues :
Le
RobertCollins
Le Petit
Robert
Dictionnaire
Hachette
BICOT
(indigène
d’Afrique du
Nord)
Vieilli.
Fam.
Péj.
(injure
raciste)
-
BOUGNOUL, E
(Maghrébin,
arabe)
Fam.
Péj.
(injure
raciste)
(injure raciste)
Péj. =
wog
Offensive
= wog,
North
African
CROUILLE
(Nord-Africain)
Pop.
Péj.
-
Péj. =
North
Africain
-
-
Péj. =
term
applied
to North
African
in
France
=
offensive
term
applied to
North
Africans
living in
France
Pop. =
wog
OxfordHachette
Offensive
= North
African
Arab
(injure
raciste)
RATON
(Maghrébin)
Fam.
Péj.
(injure
raciste)
Il n’y pas de traitement unifié ; chaque ouvrage a sa politique de sélection et de
commentaire. Nous n’aurons pas le temps d’ouvrir ici un débat sur la légitimité de la
présence des injures racistes dans le dictionnaire. Il est certain qu’une précision sur le
contexte d’emploi est de rigueur et qu’il ne faut laisser croire aux apprenants, aux
utilisateurs des dictionnaires que les barrières sont tombées. De cette série d’observations,
émergent quelques constations finales qui demanderaient à être développées.
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La composante lexicale de la langue constitue un lieu d’affrontements identitaires ;
son étude ne peut donc se désengager du présent.
Les intentions discursives (informer, argumenter ou … insulter) tendent à une
certaine universalité, mais les opérations de construction du sens, les stratégies de
mises en œuvre lexicales et les procédés de ritualisation marquent des différences
propres à telle ou telle communauté linguistique.
Les insultes sont fondées sur un savoir partagé, constituent un lieu fécond du
culturel et sont difficilement transférables d’une langue à l’autre.
Quant à l’insulte raciste, l’enseignant de langue, doit apprendre à la démasquer à
l’anticiper. Nous touchons là à l’une des finalités primordiales de l’enseignement des
langues et des cultures étrangères : faire mesurer à nos apprenants le pouvoir des mots,
et d’une façon plus générale, élever des locuteurs responsables de leur langue et de la
langue de l’Autre.
Références bibliographiques
ALLPORT Gordon Willard (1979), The Nature of Prejudice, Massachusetts, Addison –
Wesley Publishing Company.
LABOV William (1993), Le parler ordinaire. La langue dans les ghettos noirs des ÉtatsUnis, Paris, Éditions de Minuit.
LEGLISE Isabelle et LEROY Marie (2008), « Insultes et joutes verbales chez les "jeunes" :
le regard des médiateurs urbains », in : Insultes, injures et vannes. En France et au Maghreb
(Touzine A. éd.), Paris, Karthala, p. 155-174.
RASTIER François (2006), « Sémiotique des sites racistes », Mots. Les langages du
politique, n° 80., p. 73-85.
BENJELLOUN Saïd (2008), « Sexe et religion dans les insultes marocaines », in : Insultes,
injures et vannes. En France et au Magreb, (Touzine A. éd.), Paris, Karthala, p. 33-41.
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THOMAS SZENDE
INALCO, Paris
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