Ces Libanais du Sénégal qui ont conquis Paris
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Ces Libanais du Sénégal qui ont conquis Paris
lundi 17 mai 2010 Ces Libanais du Sénégal qui ont conquis Paris Les Libanais dans le monde 5 Ils sont arrivés en France munis de leur langue, leur richesse culturelle et une nostalgie pour le pays où ils ont grandi, le Sénégal. Loin de leurs familles, ces Libanais d’Afrique comptent surtout sur eux-mêmes et sur les réseaux sociaux pour bien réussir leur parcours universitaire et professionnel. PARIS, de Pauline MOUHANNA À Paris ou au sud de la France, il n’est pas difficile de reconnaître un Libanais du Sénégal. Il garde souvent la générosité des Orientaux, l’hospitalité des Sénégalais et adopte un ton parfois sarcastique lorsqu’il parle des Libanais originaires du Liban. Ils s’appellent Diana, Dior, Georges, Haïtham, Marie, Marwan, Nadia et Taha. Ces Libanais du Sénégal ont entre 21 et 30 ans. Ils ont choisi la France comme destination. Un choix émis naturellement, sans hésitation, un souhait d’enraciner ce qui est devenu presque une habitude. L’émigration des Libanais du Sénégal en France a débuté depuis plus de 30 ans. Une jeunesse qui vient de loin Ce sont leurs parents qui, au départ, sont venus poursuivre des études supérieures en médecine ou en pharmacie. Des années plus tard, plus de la moitié des étudiants libanais inscrits dans des lycées français à Dakar s’installent chaque année dans la ville lumière ou au sud du pays, notamment à Montpellier, Toulouse, Bordeaux et Lyon. « Il existe évidemment des facteurs qui nous encouragent à nous rendre en France : la langue, la proximité géographique, mais aussi les partenariats éducatifs instaurés entre la France et le Sénégal », raconte Georges, 28 ans, informaticien. Les réseaux sociaux aident également ces jeunes à mieux se débrouiller. Nadia, 27 ans, responsable d’études en marketing international, explique : « Nous savons qu’il y aura des amis sur place qui pourront nous fournir leur aide au début. C’est comme si les relations nouées au Sénégal se recomposent en France. » C’est pour entamer des études en finances, en commerce, en marketing ou en communication qu’ils quittent le pays. Poussés par leurs parents, ils s’envolent vers de nouveaux horizons. Dans leurs bagages, ils apportent leur passeport sénégalais, plus rarement le passeport libanais. « C’est plus simple d’utiliser le premier que le second », raconte Dior, de mère sénégalaise et de père libanais, étudiante en communication. « D’ailleurs, mes amis libanais ont eu plus de difficultés à venir étudier en France. Ils ont dû présenter à l’ambassade des attestations selon lesquelles ils s’engagent, une fois leurs études achevées, à rentrer au Sénégal. » Diana, 25 ans, étudiante en gestion, explique qu’elle ne dispose pas de passeport libanais. Mais elle se souvient encore du dernier contact qu’elle a eu avec des administrations publiques libanaises. « Je tentais en vain d’expliquer à la personne au guichet que je ne comprenais pas l’arabe. Elle me répondait en arabe. Je me suis sentie étrangère. » Sa sœur Nadia a dû également faire face à la même situation. Ces souvenirs les marquent toujours. Ce qui caractérise ces jeunes, d’ailleurs, c’est leur bonne mémoire. Haïtham, 24 ans, travaillant dans le domaine des finances comme employé de banque, et Taha, 28 ans, consultant en finances, n’ont pas oublié les différentes étapes qu’ils ont traversées depuis leur arrivée en France. Pour cette raison, ils comptent créer un site d’entraide dédié aux Libanais du Sénégal. « Nous sommes une vingtaine à vouloir mettre au profit de ces jeunes nos propres expériences », explique Taha. Des expériences riches mais parfois dures. Nadia se rappelle encore combien elle a souffert pour louer un appartement à Paris. « À chaque fois qu’on me voyait, on me bombardait des questions. Tu es libanaise ? D’où viens-tu ? De quelle région ? Et, expressément, de quelle religion ? » Des mots qui font réagir Dior. « Avec mon nom de famille, Alaeddine, et ma couleur de peau, je fais souvent face à une discrimination en France. » Quant à Haïtham, il va jusqu’à dire : « J’ai l’impression qu’ici, un Libanais chrétien passe mieux qu’un Libanais musulman. » Un vécu parfois douloureux, mais qui semble avoir renforcé la personnalité de ces jeunes. Pour eux, le plus important, c’est de ne pas oublier d’où ils viennent. « Lorsqu’on vient d’Afrique et qu’on a rencontré des gens qui vivent dans la misère, on ne peut que garder les pieds sur terre », note Marie, 29 ans, consultante. Marwan, en stage de fin d’études en finances, insiste : « Quand je me présente, je mets en avant le fait que je suis Libanais du Sénégal. » Une perception complexe des Libanais du Liban À les entendre, la différence est énorme entre un Libanais Une rencontre passionnante avec Evelyne Accad, écrivain libano-suisse Lors d’une conférence donnée en avril, dans la salle des conférences de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université libanaise (UL), nous avons eu l’occasion de rencontrer Evelyne Accad, auteure, poète, chanteuse et compositrice hors du commun, qui déploie une énergie exceptionnelle au service de la femme. Elle a naturellement choisi Roula Zoubiane, Evelyne Accad et Barbara Khoury. la langue française comme mode d’expression, non seulement parce qu’elle est de mère suisse, mais aussi parce qu’elle a fait ses études dans un collège français à Beyrouth : « L’arabe est resté une langue que je parle mais dans laquelle je ne suis pas assez à l’aise à l’écrit », affirme-telle. En 1975, tourmentée par la guerre qui faisait saigner son pays, Evelyne Accad commence à composer. Elle chante alors de sa voix mélodieuse son féminisme et sa révolte contre les oppressions infligées à la femme dans le monde. « Je veux vivre pour effacer la honte (...) je veux vivre pour apprendre à ma sœur à relever la tête », chante-t-elle. Ce sujet fait aussi l’objet de nombre de ses œuvres, dont L’excisée et Blessures des Mots : journal de Tunisie... Et c’est en tant qu’hôtesse de l’air, révoltée contre les mariages arrangés et assoiffée de liberté, qu’elle quitte à bord d’un avion de la Middle East Airlines, très jeune, le Liban pour Chicago. « Le choc de deux cultures différentes et la marginalisation ressentie lors du voyage m’ont permis, dit-elle, de retrouver mon identité enracinée au Liban. » À la question de savoir ce que représente pour elle l’identité, l’auteure répond : « C’est un mélange harmonieux de cultures, de religions, de langues, de croyances et d’histoires. L’identité ne réside nullement dans l’appartenance à un groupe, qui se soucie uniquement de faire fructifier sa communauté au détriment des autres. Au contraire, elle requiert une grande ouverture d’esprit, une acceptation des différences et une tolérance inouïe. » Dans sa littérature, Evelyne Accad apporte de l’originalité en associant au récit d’autres genres littéraires, notamment la poésie qui rappelle la tradition du « zajal » libanais (dans Femmes du crépuscule), et une terminologie scientifique qui aboutit au « roman médical » (dans Voyages en cancer). Nada SLEIMAN Étudiante en 5e année de littérature Un groupe de Libanais du Sénégal rencontrés à Paris. du Sénégal et un autre du Liban. Selon Haïtham, ces derniers sont tellement « frimeurs et passionnés par le paraître ». « À chaque fois qu’on les croise, il veulent se mettre en avant, dit-il. Le Libanais du Sénégal, lui, est plus modeste. J’ai des amis fortunés, mais ils ne le montrent pas. » Dior ne semble pas tout à fait d’accord. Elle lui rappelle que même en Afrique, le Libanais manque souvent d’humilité. « Le plus important à leurs yeux est d’être vus, et que leurs actions soient reconnues par toute la communauté », souligne-t-elle. C’est l’usage, par le Libanais issu du Liban, de plusieurs langues à la fois qui irrite parfois Nadia. « Ils glissent des mots en anglais dans la conversa- tion, histoire de monter qu’ils parlent trois langues », lancet-elle. Haïtham raconte comment c’est en fréquentant l’un d’eux qu’il s’est aperçu qu’un vrai problème de confessionnalisme existe au Liban. « Au Sénégal, nous vivons en communauté, chrétiens et musulmans, précise-t-il. La question de la différence religieuse ne se pose même pas. » En fait, la plupart de ces jeunes gardent souvent une image négative de leurs concitoyens du Liban, due à plusieurs facteurs. Un cliché véhiculé par certains médias et des reportages peignant souvent une société hypocrite, superficielle, cachant sous son modernisme différents genres d’archaïsme. Certains citent des reportages télévisuels, dont « Beyrouth, capitale mondiale de la chirurgie », diffusé sur France Télévisions, à la suite duquel ils ont dû faire face à des critiques parce qu’ils sont libanais. Cette mauvaise image est confortée par l’inexistence, à quelques exceptions près, de relations amicales liant ces jeunes à leurs concitoyens du Liban. Ces derniers ne sont souvent que des collègues de travail ou des connaissances universitaires. Néanmoins, ceux qui se sont déjà rendus au Liban sont moins critiques envers le système local. Marie insiste sur le fait qu’elle est rentrée « métamorphosée » du Liban. Haïtham, quant à lui, est bouleversé lorsqu’il parle de la reconstruction du pays. « Je me rends chaque trois ans sur place et je suis toujours ébloui par la capacité incroyable du peuple libanais à vouloir se redresser », raconte-t-il. Depuis son arrivée en France, il essaye de parler aussi que possible la langue que tenaient tant à lui apprendre ses parents. « Au Sénégal, je leur répondais en français, se souvient-il. Depuis que je suis en France, c’est devenu un réflexe de parler l’arabe avec ceux qui le comprennent. » Son attachement au Liban émeut Diana et Nadia qui rêvent d’y aller pour la première fois. Et quand il leur raconte Beyrouth, les jeunes filles dévorent ses paroles. Surgissent alors les images d’une ville critiquée, mais surtout adulée. Les 130 ans de l’immigration libanaise au Brésil L’Association culturelle Brésil-Liban (ACBL), à São Paulo (www.libanbylody. com.br), présidée par Lody Brais, a officiellement inauguré, le 23 avril 2010, l’année de la commémoration des 130 ans de l’immigration libanaise au Brésil. Cette commémoration coïncidait avec la visite dans ce pays du président Michel Sleiman (du 21 au 27 avril 2010), accompagné notamment de son épouse Wafa’ et des ministres Tarek Mitri, Salim Sayegh, Mona Afeiche et Mohammad Rahhal. Le chef de l’État avait, rappelons-le, exhorté les membres de la diaspora à rentrer au pays. « Vos ancêtres sont allés à l’aventure, ils ont participé à la construction du Brésil, vous pouvez désormais faire le chemin inverse », avait-il déclaré. Cet événement s’était déroulé à l’Assemblée législative de São Paulo, en présence des autorités brésiliennes et libanaises. La session a été inaugurée par le député brésilien Saïd Mourad, en présence du ministre des Affaires sociales, Salim Sayegh, représentant le président. Le Liban était à l’honneur avec un tampon de la poste brésilienne et de la loterie nationale illustrant les 130 ans de l’émigration libanaise au Brésil. La cérémonie était suivie d`une exposition de photos des émigrés de la collection Brésil-Liban de Roberto Khatlab, des posters des associations libanaises au Brésil, d’objets d’art de sculptures et de peintures où se sont démarqués des artistes tels que Maria Helena Beyruti et Sonia Madruga qui a fait don de son tableau intitulé Mahjar (émigration en arabe) au musée de l’Émigration LERC/NDU (www.ndu.edu.lb/lerc). Ce musée avait d’ailleurs collaboré culturellement à l’organisation de cet événement au Lody Brais et Roberto Khatlab près du tableau de Sonia Madruga, offert au musée de l`Émigration LERC/NDU. Brésil, par l’intermédiaire du chercheur Roberto Khatlab, représentant de l’ACBL au Liban et auteur du catalogue officiel de l`événement. M. Khatlab, directeur du Centre des études et cultures de l’Amérique latine à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK – www.usek.edu. lb), a également animé des conférences et des rencontres portant sur les échanges académiques entre le Liban et cette partie du monde. Il a notamment rappelé que c’est Timbre pour les 130 ans d’immigration libanaise au Brésil. grâce à la visite, en 1880, de l’empereur brésilien Dom Pedro II (de Alcantara) au Liban que cette émigration a pris son essor. M. Khatlab consacre à ce sujet un livre qui paraîtra aux éditions « Editora Zahle », et qui portera sur les voyages de Dom Pedro II en Orient arabe. Il sera basé sur le journal personnel de l’empereur. Couverture du catalogue de la commémoration des 130 ans de l’immigration libanaise au Brésil. Cette page (parution les premier et troisième lundis de chaque mois) est réalisée en collaboration avec l’Association RJLiban. E-mail : [email protected] – www.rjliban.com