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MARDI 12 AVRIL 2016 72E ANNÉE – NO 22158 2,40 € – FRANCE MÉTROPOLITAINE WWW.LEMONDE.FR ― FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO Politique Semaine décisive pour François Hollande Panama papers David Cameron affaibli en pleine campagne contre le Brexit LIR E PAGE 1 0 International Haut-Karabakh : reportage sur une guerre sans fin ▶ Le premier ministre britannique a rendu publique sa feuille d’impôt; l’opposition ne s’en satisfait pas LIR E PAGE 2 Pérou Les Fujimori en passe de revenir aux affaires ▶ Un cinglant revers pour David Cameron, en pleine campagne contre la sortie de l’Union européenne LIR E PAGE 6 ▶ Révélations des Environnement Une candidature française à la tête de l’instance de l’ONU sur le climat « Panama papers ». La Floride, centre de l’argent sale : enquête sur du fric à Miami LIR E PAGES 4 E T 7 1 LIR E PAGE 8 ÉDITORIAL Education Le « livret des parents », argumentaire contre la fessée LA BONNE RÉACTION DE L’EUROPE → LIR E PAGE 2 2 A Londres, le 9 avril. SIPANY/SIPA LIR E PAGE 1 2 Attentats La France est toujours l’objectif La mue de l’économie collaborative C’ est la France et non la Belgique que visait le commando des attentats qui ont fait 32 morts et 270 blessés à Bruxelles le 22 mars. C’est ce qu’a permis d’établir l’interpellation, vendredi 8 mars, de Mohamed Abrini, l’un des hommes les plus recherchés d’Europe, soupçonné d’avoir pris part aux attentats du 13 novembre à Paris et à ceux de Bruxelles. Le doute demeure toutefois sur les objectifs précis du commando. D’après « plusieurs éléments (…), il ressort que l’objectif du groupe terroriste était de frapper de nouveau la France et que c’est, pris de court par l’enquête, qui avançait à grands pas, qu’ils ont finalement décidé dans l’urgence de frapper Arts Hubert Robert : le Louvre célèbre l’un de ses fondateurs Le musée expose 150 œuvres de l’artiste qui en fut aussi l’un des conservateurs. Ce visionnaire a témoigné de manière onirique, dans ses toiles, des destructions et mutations de Paris, avant et pendant la Révolution française. CULTURE - LIR E PAGE 1 4 MUSÉE DE L’ERMITAGE /PAVEL DEMIDOV Bruxelles », a confirmé le parquet belge, dans un communiqué, dimanche 10 avril. Selon les informations du Monde et de plusieurs médias, le centre d’affaires de la Défense, à Paris, et l’association catholique intégriste Civitas auraient pu être visés. Ces éléments, qui doivent encore être confirmés, proviennent d’un rapprochement entre des déclarations en garde à vue de Mohamed Abrini et des expertises techniques sur du matériel informatique appartenant à l’un des kamikazes de Bruxelles. Des questions persistent sur l’actualité de ces cibles, qui pourraient avoir été listées avant les attentats du 13 novembre, et sur l’identité du donneur d’ordre, possible- ment basé en Syrie. Ces révélations amènent toutefois à des parallèles. La Défense était un objectif d’Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats de Paris, tué dans un raid des forces de l’ordre à Saint-Denis le 18 novembre. L’enquête a permis d’établir que l’homme s’apprêtait à se faire exploser dans le quartier d’affaires avec son complice mort à ses côtés, Chakib Akrouh. Le siège de Civitas, lui, est situé à Argenteuil (Val-d’Oise), une commune où a été découvert, dans un appartement occupé par Reda Kriket, tout un arsenal d’explosifs et d’armement. → LIR E élise vincent L A S U IT E PAGE 9 ▶ Airbnb, Uber, Blabla- ▶ Mais pour atteindre ▶ Le monde de l’entre- car, Drivy : les plates-formes numériques promettaient d’être un nouveau modèle économique la taille nécessaire à sa survie, l’Internet collaboratif se professionnalise, s’éloignant de l’idéal des débuts prise est en train de récupérer un modèle en principe créé pour les particuliers Réfugiés La double vie d’une clinique d’Istanbul LIRE LE CAHIER ÉCO PAGES 6-7 Une histoire vraie enin révélée S’occupant de patients turcs le jour, l’établissement accueille la nuit venue des Syriens. Ces dernier sont soignés gratuitement par des médecins qui ont euxmêmes fui leur pays. ENQUÊTE - LIR E PAGE 1 3 Automobile Les cabriolets n’ont plus la cote En vogue il y a dix ans, les voitures décapotables se vendent de moins en moins, détrônées par la mode des SUV. Seul le haut de gamme résiste. STYLES - LIR E PAGE 1 8 © Zero One ilm GmbH www.arpselection.com www.lecinemaquejaime.com 13 avril Algérie 200 DA, Allemagne 2,80 €, Andorre 2,60 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,40 €, Cameroun 2 000 F CFA, Canada 4,75 $, Chypre 2,70 €, Côte d'Ivoire 2 000 F CFA, Danemark 32 KRD, Espagne 2,70 €, Espagne Canaries 2,90 €, Finlande 4,00 €, Gabon 2 000 F CFA, Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,60 €, Guyane 3,00 €, Hongrie 990 HUF, Irlande 2,70 €, Italie 2,70 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,40 €, Malte 2,70 €, Maroc 15 DH, Pays-Bas 2,80 €, Portugal cont. 2,70 €, La Réunion 2,60 €, Sénégal 2 000 F CFA, Slovénie 2,70 €, Saint-Martin 3,00 €, Suisse 3,60 CHF, TOM Avion 480 XPF, Tunisie 2,80 DT, Turquie 11,50 TL, Afrique CFA autres 2 000 F CFA 2| INTERNATIONAL 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Des volontaires karabakhtsis creusent une tranchée dans le village de Talich (nord), le 7 avril. RAFAEL YAGHOBZADEH/ HANS LUCAS POUR « LE MONDE » Dans la guerre sans fin du Haut-Karabakh La reprise des combats dans cette région sécessionniste d’Azerbaïdjan ravive les blessures du passé REPORTAGE GÉORGIE talich (haut-karabakh) L RUSSIE envoyé spécial orsque le bombardement azéri a débuté, samedi 2 avril à 3 heures du matin, Valere Babayan a pris ses nièces sous le bras et dévalé en courant les pentes du village de Talich, à la pointe nord du Haut-Karabakh. La voiture avait été soufflée par un obus ; deux minutes après, c’était au tour de la maison. Pendant la fuite, Anahit, 12 ans, a été touchée au bras par un éclat. Trois jours plus tard, après que la position a été reprise aux forces armées de l’Azerbaïdjan, M. Babayan est revenu à Talich. Cette fois, l’ancien directeur de l’école était en uniforme et portait une kalachnikov. Une trentaine d’autres « volontaires » ont suivi, en majorité des hommes du village, souvent âgés, d’autres venus de l’Arménie voisine. Leur rôle s’est limité à entasser les carcasses des vaches et des chèvres et à creuser de modestes tranchées. Selon les volontaires, trois civils qui n’avaient pas fui ont été exécutés le samedi matin. La photo de leurs cadavres, oreilles tranchées, a réveillé le souvenir des atrocités de la guerre de 1988-1991. Un journaliste arménien a confirmé au Monde avoir vu la scène. Accrochages réguliers Pour le reste, la défense de la localité est assurée par les troupes régulières de la république autoproclamée, qui ont positionné blindés et artillerie sur les hauteurs alentour. Une unité des forces spéciales arméniennes est discrètement cantonnée à l’entrée du village. Aucune trace de civils. Les destructions sont trop importantes et le cessez-le-feu, conclu à Moscou le 5 avril, trop précaire. Jeudi 7 avril, on y entendait régulièrement des tirs d’armes automatiques. Talich a toujours été une ligne de front. Haut lieu de la guerre d’indépendance livrée à l’Azerbaïdjan par le Karabakh et son ARMÉNIE Erevan AZERBAÏDJAN Talich Martakert Chouchi Stepanakert AZ. 50 km IRAN HautKarabakh Territoire contrôlé par les forces arméniennes grand frère arménien, le village et ses environs sont restés, depuis l’armistice de 1994, le théâtre d’accrochages réguliers. C’est même une histoire plus ancienne qui émerge, plus vieille encore que cette année 1923 quand Staline a attribué ce territoire très majoritairement arménien à l’Azerbaïdjan. Ici, pour désigner l’ennemi azéri, on parle du « Turc ». Depuis le traumatisme du génocide de 1915, la résistance karabakhtsie et sa victoire militaire de 1994 contre une armée plus nombreuse et mieux équipée ont fait de cette région montagneuse un symbole de la renaissance nationale arménienne, une cause sacrée. Depuis, le revanchisme azéri se heurte à l’intransigeance arménienne. Le Groupe de Minsk, dirigé, dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, par la Russie, les Etats-Unis et la France, n’a jamais pu esquisser de solution diplomatique. L’offensive azérie, dont les buts restent flous – tester les défenses karabakhtsies, rappeler au monde ce conflit oublié, ou bousculer, avec le soutien de la Turquie, les équilibres régionaux ? –, a agi comme un cruel rappel. Les bombardements azéris ont atteint jusqu’à la ville de Martakert, 5 000 habitants, épargnée depuis 1994. Là, comme une dizaine d’autres, la maison de la famille Grigoryan a été à moitié détruite. En 1992, Vasguen, le père, avait participé à la libération de Marta- kert, tankiste dans une unité où combattaient également son père et ses cinq frères. Son fils aîné a suivi la même voie. Impassible à la vue de son salon jonché de débris, Mania, la mère, reconnaît tout juste être « un peu inquiète » à l’idée de voir son cadet, 18 ans dans deux mois, partir à son tour pour le service d’une durée de deux ans. Suspendu à ses montagnes, le Karabakh semble irrigué de cette détermination farouche. Les haines ancestrales s’y nourrissent des récits des combats de la guerre d’indépendance, donnant à la république autoproclamée des airs de Sparte du Caucase. Au moment de l’offensive azérie, les volontaires ont afflué par centaines, Karabakhtsis ou Arméniens. Père et fils ensemble, fils invoquant la mémoire d’un père tué, anciens combattants disant simplement vouloir « rassurer les petits à l’avant »… Formation militaire dès 14 ans Le recours à ces forces n’a pas été nécessaire : l’essentiel de l’attaque azérie a duré deux jours, au terme desquels Bakou a pu revendiquer la prise de trois « hauteurs » dans le nord et le sud-est du territoire. Selon les bilans donnés par les deux camps, 31 soldats azéris sont morts, 44 Karabakhtsis, et une dizaine de civils. Les effectifs de l’armée du HautKarabakh sont un « secret militaire ». La plaisanterie veut que celle-ci compte 150 000 soldats… soit la totalité de la population. En réalité, le chiffre est plus proche de 25 000, y compris des citoyens arméniens qui peuvent choisir d’effectuer leur service dans les forces karabakhtsies. Les hommes sont mobilisables jusqu’à 45 ans. A l’école, héritage soviétique, les enfants commencent une formation militaire à l’âge de 14 ans. « Nous ne sommes pas des machines de guerre ou des cyborgs, tempère le ministre des affaires étrangères du Haut-Karabakh, Karen Mirzoyan. Nous sommes en guerre depuis notre indépendance, notre capitale est située à 25 kilomètres Les haines se nourrissent de récits de la guerre d’indépendance, donnant à la région des airs de Sparte du front, et nous en sommes à nos sixièmes élections parlementaires. Nous sommes un pays normal ! » C’est à la fois vrai et faux. Devant l’impossibilité d’obtenir un rattachement à l’Arménie, le Karabakh a entrepris de construire un semblant d’Etat, avec institutions, drapeau, représentations diplomatiques à l’étranger et même un aéroport – inutilisé à cause de la menace azérie d’abattre tout avion qui oserait s’y aventurer. Stepanakert, ladite « capitale », ressemble à une proprette préfecture ; les routes sont souvent meilleures qu’en Arménie. Mais cela n’est dû qu’à la générosité des Arméniens de la diaspora et au soutien d’Erevan, qui finance la moitié des besoins du Karabakh et la totalité de son budget militaire. Pour le reste, l’économie relève de la survie. « Nous sommes ramollis ! » Dans sa quête de reconnaissance, le Karabakh cherche aussi l’exemplarité. En 2003, il a ainsi supprimé la peine de mort. Il serait aussi moins corrompu que le voisin arménien. Là encore, c’est à moitié vrai. Les héros de la guerre sont devenus politiques, et les politiques se sont rapidement mués en hommes d’affaires. La faible population limite simplement les abus. Le débat public reste dominé par le consensus sur les questions sécuritaires, et aucune force d’opposition politique véritable n’a émergé, explique Albert Voskanyan, directeur de l’une des rares ONG du Karabakh. « On ne peut toutefois pas parler d’Etat milita- risé, note-t-il. Depuis peu, il est devenu possible de faire une carrière politique sans passé militaire. » Depuis la récente offensive azérie, des critiques se sont fait entendre. Elles sont d’abord techniques : face au réarmement massif de l’Azerbaïdjan, Arménie et HautKarabakh ont du mal à suivre. Elles concernent aussi la solidité de l’alliance entre Erevan et Moscou, qui fournit également Bakou en armes et entend ménager ce partenaire riche de ses hydrocarbures. Elles touchent enfin aux tréfonds de la société karabakhtsie. « Nous avons gagné la guerre de 1994 en perdant 5 000 hommes, quand les Azéris en avaient perdu 25 000 », tonne Saro Saryan, ancien combattant, figure de la vie locale et directeur du musée historique de Chouchi, le centre historique du Karabakh. « Nous avons voulu croire que la situation resterait éternellement ainsi et nous nous sommes ramollis ! » Avec ses vestiges d’églises remontant au Ve siècle ou ses pièces d’artisanat, le musée de Chouchi se veut un témoignage de la présence historique arménienne sur les terres du Karabakh. Il retrace surtout la prise de la ville, en 1992, « à 1 500 contre 5 000 », rappelle le directeur. Rien, en revanche, sur l’expulsion des habitants azéris qui a suivi ou la conquête de certains territoires avoisinants, situés hors du territoire karabakhtsi mais qui offraient à la nouvelle république une continuité territoriale avec l’Arménie. M. Saryan est à lui seul un concentré de l’histoire de la région. Né à Bakou, « ville cosmopolite devenue invivable avec le réveil du nationalisme azéri », il est parti pour le Karabakh en 1988, après le pogrom contre les Arméniens de Soumgaït. Il y a quelques jours, il a appris que son fils, militaire, avait été blessé à la jambe à Martakert, là même où il avait reçu sa première blessure, vingt-quatre ans plus tôt. Il n’a pas su s’il devait se réjouir ou pleurer. p benoît vitkine LES DATES 1988 Le 20 février, le Parlement de la région autonome du Haut-Karabakh déclare sa sécession vis-àvis de l’Azerbaïdjan, auquel celle-ci a été rattachée par l’Union soviétique en 1923. Un pogrom contre les Arméniens éclate dans la ville de Soumgaït, provoquant un exode des Arméniens d’Azerbaïdjan. 1991 Arménie et Azerbaïdjan accèdent à l’indépendance à la chute de l’URSS. Les nouvelles autorités de Bakou suppriment son statut d’autonomie au Haut-Karabakh, qui, en réponse, se proclame indépendant. La guerre éclate. 1992 Le Groupe de Minsk pour le Haut-Karabakh est créé au sein de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il comprend dans un premier temps la Russie, les Etats-Unis et la France. 1994 L’Arménie l’emporte militairement et occupe 13 % du territoire azéri. Le 16 mai, un armistice est signé à Moscou. De 30 000 à 40 000 personnes sont mortes pendant le conflit. Aucun accord de paix n’a été signé à ce jour. international | 3 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 L’anniversaire très politique du crash de Smolensk Les conservateurs polonais utilisent la catastrophe pour discréditer le gouvernement alors dirigé par Donald Tusk S ix ans après le crash de l’avion du président polonais Lech Kaczynski à Smolensk, en Russie, la Pologne dirigée par le parti conservateur Droit et justice (PiS) a voulu rendre un hommage plus solennel que par le passé aux 96 victimes de la catastrophe. Le 10 avril 2010, la délégation présidentielle se rendait aux cérémonies des 70 ans du massacre des officiers polonais par l’Armée rouge à Katyn, près de la frontière biélorusse, lorsque l’avion s’est écrasé. Les commémorations ont réuni dimanche 10 avril plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les rues de Varsovie. De 6 heures à minuit, des messes, des prières et des rassemblements ont été organisés à travers toute la Pologne. Un hommage imposant, mais qui, loin de faire l’objet d’une union nationale, s’est transformé en une démonstration de force des partisans du parti au pouvoir. Car la catastrophe de Smolensk, si elle est considérée comme le plus grand drame de la Pologne d’après-guerre, dans lequel ont péri des dizaines de hauts responsables politiques et militaires polonais, a aussi contribué à creuser le clivage politique le plus profond depuis la chute du communisme. Epais brouillard Le PiS et son président Jaroslaw Kaczynski, frère jumeau du défunt chef de l’Etat, ont toujours rejeté les conclusions officielles de l’enquête menée sous le précédent gouvernement libéral. Les experts ont notamment reconnu comme causes de l’accident les mauvaises conditions météo (un épais brouillard), le mauvais état de l’aéroport, ainsi que des erreurs conjointes des pilotes polonais et des contrôleurs aériens russes. En avril 2015, de nouveaux fragments des boîtes noires ont dévoilé que les pilotes auraient fait l’objet de pressions pour atterrir. Des faits que le nouveau pouvoir semble bien décidé à remettre en cause. « Nous avons été les témoins durant six ans de tentatives de mensonges autour de la mémoire des victimes, et sur ce qui s’est vraiment passé », a déclaré pendant les commémorations le ministre de la défense, Antoni Macierewicz. Celui-ci, qui a fait de la promotion de la théorie de l’attentat son principal credo politique, a mis en place une nouvelle commission d’enquête sur la catastrophe. Son chef, Waclaw Berczynski, a déclaré, l’avant-veille des cérémonies, qu’« avec une très grande probabilité, pratiquement avec quasi-certitude, on peut dire que l’appareil s’est désintégré en vol », sans apporter aucune preuve à ces allégations. « La responsabilité morale de la tragédie, quelles qu’en soient les causes, est à mettre sur le compte du gouvernement de Donald Tusk », a déclaré pour sa part, sous les ovations, Jaroslaw Kaczynski. Le PiS dénonce depuis toujours des manquements dans l’organisation par la chancellerie de la visite de l’ancien premier ministre. Dans les milieux conservateurs, de plus en plus de voix appellent à faire comparaître l’actuel président du Conseil européen devant le Tribunal d’Etat. Dans ce contexte, et devant une foule dont l’immense majorité est acquise aux thèses du PiS, l’appel du président Andrzej Duda au « pardon mutuel » et à « l’unité de la nation » a résonné dans le vide. Symbole supplémentaire du caractère partisan de l’événement, aucun parti d’opposition n’a été invité aux cérémonies officielles à la présidence de la République. Depuis l’estrade dressée devant le palais présidentiel, les organisateurs des commémorations, liés au quotidien nationaliste Gazeta Polska, ont lancé des appels à « expliquer les mensonges de la tragédie », dénonçant la « propagande médiatique » et celle « des commissions d’enquête officielles ». Un Le chef du parti Droit et justice, Jaroslaw Kaczynski, rend hommage à son frère jumeau et défunt chef de l’Etat, Lech Kaczynski, le 10 avril à Varsovie. KACPEL PEMPER/ REUTERS film à la gloire de Lech Kaczynski a été projeté. Au sein du PiS, l’ancien président a été porté au rang de héros national – une narration qui, depuis six ans, cimente l’électorat du parti. « Nous sommes là pour nous souvenir des morts, et parce que nous sommes contents d’avoir enfin un gouvernement qui mettra en œuvre le testament politique de Lech Kaczynski, s’enthousiasme Bernadetta, 60 ans, venue de Gdansk (nord de la Pologne) pour l’occasion. Nous espérons, maintenant que les conditions politiques sont réunies, que la vérité va enfin émerger. » Un Polonais sur deux considère que toutes les causes du drame n’ont pas été élucidées. Et un sur quatre semble souscrire à la théorie de l’attentat. Le fait que les L’appel du président Duda au « pardon mutuel » et à « l’unité de la nation » a résonné dans le vide autorités russes soient toujours en possession de la carcasse de l’avion et des originaux des boîtes noires, six ans après les faits, les conforte dans cet avis. Mais seuls 18 % des Polonais font part de leur volonté de commémorer cette tragédie, comme si l’hystérie politique autour de la catastrophe de Smolensk commençait à les lasser. Maria Elena Boschi, atout ou talon d’Achille de Renzi? L’opposition italienne accable la ministre des réformes, citée dans une affaire de favoritisme rome - correspondant S ouriante, elle est sortie, lundi 4 avril, d’une heure de face-à-face avec les magistrats de Potenza (Basilicate), qui l’ont entendue comme témoin dans une affaire de trafic d’influence. Souriante, elle est entrée peu après au siège du Parti démocrate (PD) pour entendre Matteo Renzi la défendre devant le conseil national de la formation de centre gauche. Il est rare que le visage de Maria Elena Boschi, 35 ans, ministre des réformes et des relations avec le Parlement, trahisse ses tourments. Plus jeune, sa beauté « acqua e sapone » (« eau et savon ») comme disent les Italiens, lui ont systématiquement valu d’endosser le rôle de la Vierge Marie dans les reconstitutions de crèche vivante à Laterina, la petite commune de Toscane où elle a grandi. C’est pourtant sur elle que s’acharne l’opposition depuis « l’affaire Guidi », du nom de la ministre du développement économique, contrainte à la démission, fin mars, pour avoir favorisé, par un amendement sur la loi de finances 2015, les activités de son compagnon en autorisant le développement d’un forage pétrolier au large de la Basilicate. « Maria Elena est d’accord », avait confié imprudemment la démis- Selon un sondage publié dimanche, 45 % des Italiens souhaitent la démission de la ministre sionnaire. Depuis, le poison du soupçon de conflit d’intérêts ronge le gouvernement. Selon un sondage publié dimanche, 45 % des Italiens souhaitent la démission de Mme Boschi en bloc et deux motions de censure déposées par l’opposition l’attendent au Parlement. La cote de popularité de M. Renzi est en baisse. Maria Elena Boschi a-t-elle subi, elle aussi, des pressions des lobbys pétroliers, comme le supposent les juges du parquet de Potenza chargés de l’affaire qui, dévidant la pelote de l’enquête, retrouvent son nom dans d’autres volets de l’affaire ? « Je n’ai pas subi de pression, je voulais que ça aille vite, leur a-t-elle répliqué. Je n’ai fait que mon devoir de ministre en faisant voter un amendement du gouvernement. » Pour l’instant, elle résiste crânement aux assauts. De la même manière, elle s’est sortie indemne d’une autre affaire, concernant son père Pier- luigi, soupçonné de banqueroute frauduleuse dans la faillite de Banca Etruria dont il était le viceprésident. Le gouvernement a adopté in extremis un décret pour sauver les établissements bancaires malmenés par la crise et leurs dirigeants. Pierluigi Boschi était parmi eux. Conflit d’intérêts encore une fois ? Maria Elena Boschi représente la synthèse du renzisme : jeune, bosseuse, cultivant des liens à droite comme à gauche, c’est elle qui coache l’équipe de Florentins qui entoure le chef du gouvernement. L’atteindre, c’est blesser le premier ministre qui en a fait la « clé de voûte » de son pouvoir au point de susciter des rumeurs malveillantes qu’elle feint de ne pas entendre. « Renzi connaît le poids symbolique de Boschi, explique un proche. En la défendant, il se défend lui-même. » C’est lui, Matteo Renzi, qui a endossé, dimanche 3 avril, la paternité de l’amendement sur les forages. « Si les juges veulent m’entendre, je suis disponible », a-t-il fanfaronné. Deux mois plus tôt, c’est également lui qui avait assumé la loi sur les unions civiles, qui ne comportait plus, lors de son vote final, le droit pour un des membres d’un couple d’adopter l’enfant de son conjoint. Une mesure, sacrifiée sur l’autel des équilibres politiques, à laquelle tenait pourtant Maria Elena Boschi. Ils ne sont pourtant pas partis du même pied. Après ses débuts d’avocate dans l’un des plus gros cabinets de Florence, elle soutient un des concurrents de gauche de Matteo Renzi aux primaires pour les municipales de 2009. Magnanime, le vainqueur pardonne et l’enrôle dans son équipe de candidat aux élections pour la présidence du Parti démocrate en 2012. Ils sont tous deux l’expression d’un catholicisme réformiste, provincial et franciscain. Il a été scout, elle a été enfant de chœur. Ça rapproche. Présentée comme « l’amazone », « la pasionaria », « la lionne » de Matteo Renzi, elle se veut un exemple de la « méritocratie ». Maîtresse d’elle-même au point de paraître lointaine, elle semble recevoir les coups avec détachement : « Je ne suis pas de celles qui s’enferment pour taper du poing sur les murs quand ça ne va pas, dit-elle. Mes poings, je les garde dans mes poches. » Jusqu’à présent, son calme n’a pas été pris en défaut. « Vous êtes trop belle pour être communiste », lui a déclaré Silvio Berlusconi la première fois qu’il l’a vue. « Il n’y a plus de communistes. Et je préfère les compliments de ma mère », avait rétorqué la ministre. p philippe ridet « Pour beaucoup de Polonais, c’est un jour important. Indépendamment de nos orientations politiques, il fallait être là, comme on était là il y a six ans, soutient Bartek, 23 ans. Je pense que les théories du complot sont la conséquence de certains manquements de l’Etat polonais et de l’Etat russe juste après la catastrophe. » Selon lui, « tous les partis sont responsables » du clivage existant : « Le gouvernement de l’époque ne s’est pas montré efficace et n’a pas pris les bonnes décisions. L’appareil d’Etat a montré certaines défaillances. Il a manqué des gestes diplomatiques forts pour mettre la pression sur les Russes. Le PiS, lui, s’est approprié ce drame national pour en faire le drame de son propre camp. » p jakub iwaniuk ()%$%+"$ '& (#"!+*$#%)(& varsovie - correspondance LES DATES 10 AVRIL 2010 Le président Lech Kaczynski et 95 autres personnes périssent dans un crash près de Smolensk, en Russie. 29 JUILLET 2011 La commission d’enquête polonaise estime que les responsabilités de l’accident sont partagées entre la Pologne et la Russie. 4 FÉVRIER 2016 Le parti conservateur au pouvoir Droit et justice crée une nouvelle commission d’enquête. Alain Paré Philanthrope mélomane Mieux qu’adoucir les mœurs, la musique imprègne l’âme de ceux qui la révèrent. Voyez Alain Paré, batteur de jazz de formation : très tôt, il a abandonné ses baguettes pour gagner sa vie. Doué pour le conseil, il a prospéré à la tête de ses sociétés, réservant une place privilégiée dans son cœur à la musique. Jusqu’au jour où il a tout arrêté : « J’ai fait un peu de bénévolat dans le conseil, puis j’ai eu envie de donner autrement… et de faire donner les autres » retrace Alain Paré, à propos de sa Fondation Inter Fréquence qu’il a créée en 2012, sous l’égide de la Fondation de France. Inter Fréquence agit pour la culture, aidant à l’éclosion de projets où la musique est au centre. Son but : donner vie aux spectacles, pour que des talents en herbe puissent apporter un moment de grâce aux spectateurs venus les découvrir. « Notre ambition est de soutenir chaque année toujours plus d’artistes émergents, pour le bonheur d’un maximum de spectateurs » résume Alain Paré. En 2015, grâce à un budget d’environ 300 000 !, Inter Fréquence a soutenu par le biais d’associations culturelles près de 300 artistes, qui ont conquis plus de 50 000 personnes. Inter Fréquence a par exemple coinancé le Mégaphone Tour, un radio-crochet organisé chaque année pour dénicher de nouveaux artistes et les faire ensuite “tourner” en France. A l’international, la fondation a notamment coinancé l’Only French Festival, qui met en scène des artistes francophones en Afrique et en France. Très investi dans sa nouvelle vie, Alain a su convaincre 25 donateurs de soutenir sa fondation. « S’engager pour la culture, c’est comme l’humanitaire : plus tu plonges dans l’action, plus tu te rends compte du besoin ! » Une nouvelle partition jouée avec talent par l’ancien jazzman, à l’heure où l’argent est plus que jamais nécessaire pour organiser des concerts, nouvelles scènes d’une culture pour tous. Fondation de France La Fondation de toutes les causes www.fondationdefrance.org 4 | international 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 David Cameron pris au piège de la transparence La publication des déclarations fiscales du premier ministre britannique soulève de nouvelles questions londres - correspondant C hacun de ses « aveux » partiels suscite de nouvelles questions. David Cameron n’a pas réussi, ce week-end, à stopper la déferlante des « Panama papers » qui, sans le menacer en tant que premier ministre, continue de l’affaiblir comme chef de la campagne pour le maintien du RoyaumeUni dans l’Union européenne au référendum du 23 juin, alors que les partisans du « Brexit » ne cessent de marquer des points. Même sa décision sans précédent de rendre publique sa feuille d’impôts, samedi 9 avril, ne semble avoir ni étanché la soif de révélation de la presse ni allégé la pression de l’opposition, qui réclame une intervention de sa part au Parlement. Il devait y annoncer, lundi, une loi pour rendre pénalement responsables les sociétés qui favorisent l’évasion fiscale. En quelques jours, Downing Street est passée du no comment absolu au grand déballage fiscal. Le 4 avril, le premier ministre avait allégué du respect de sa vie privée pour refuser de répondre aux premières révélations sur le rôle de son père dans la gestion d’un fonds fiduciaire (trust fund) enregistré au Panama. Samedi, il a soudain tenu la promesse qu’il avait faite en 2012 : rendre public le montant de ses revenus et de ses impôts. Les Britanniques ont ainsi appris que M. Cameron avait perçu plus de 200 000 livres (247 000 euros) en 2015 et payé 76 000 livres (94 000 euros) d’impôts sur le revenu. Entre-temps, le premier ministre avait fini par admettre, jeudi 7 avril, que son épouse Samantha et lui-même avaient bénéficié entre 1997 et 2010 de Blairmore, le fonds offshore que son père, Ian, décédé en 2010, avait géré pendant près de trente ans par l’inter- médiaire du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca sans payer le moindre impôt. Il a affirmé avoir cédé en 2010, avant d’entrer à Downing Street, les parts qu’il détenait dans Blairmore et réalisé à cette occasion une plus-value de 19 000 livres déclarée au fisc, mais exonérée. Mais cet assaut tardif de transparence n’a pas permis à M. Cameron de reprendre la main. Dès dimanche, la presse a soulevé un nouveau lièvre : le don de 200 000 livres effectué par sa mère en 2011 après la mort de son époux. D’après la loi fiscale, ce Ce revers survient après d’autres polémiques préjudiciables à la campagne contre le « Brexit » don bénéficierait d’une exonération de 80 000 livres de droits de succession si Mary Cameron, la mère du premier ministre, reste en vie jusqu’en 2018. « La feuille d’impôts de Cameron esquive le cadeau de 200 000 livres de sa mère », s’est indigné le populaire Mail on Sunday, alors que de tels arrangements sont communs dans les familles aisées. Confettis de l’empire Outre l’accent mis sur cette disposition fiscale avantageuse, la presse s’interroge sur la provenance de cet argent : sans doute le fonds Blairmore, mais aussi un deuxième fonds que M. Cameron père gérait dans un autre paradis fiscal, Jersey. Les médias insistent aussi sur le fait que l’absence de transparence sur les revenus antérieurs à 2009 ne permet pas d’évaluer le bénéfice que le premier ministre a pu tirer des fonds offshore. Classé à la gauche du Labour, son chef, Jeremy Corbyn, s’est DeBonneville - Orlandini “OUI JE SAIS, JE SUIS SUR BFMTV” bien gardé, dimanche, de crier « Cameron démission ! » comme quelques centaines de manifestants l’avaient fait la veille devant Downing Street. Se défendant de reprocher une quelconque faute au premier ministre, M. Corbyn a exigé de lui une déclaration formelle devant le Parlement, car « il doit encore répondre à de grandes questions ». M. Cameron « a trompé l’opinion » et il a « perdu la confiance des Britanniques », a déclaré le chef de l’opposition, qui « veut voir » les feuilles d’impôts antérieures à 2009. M. Corbyn, qui a promis de publier lui aussi le montant de ses revenus et de ses impôts, réclame « la transparence » non seulement sur les actionnaires des sociétés et des fonds de placement, mais aussi sur les acteurs du système politique, journalistes compris. A la BBC, il s’est aussi interrogé sur la façon dont Londres encourageait ses territoires d’outre-mer, confettis de son empire, à prospérer comme des paradis fiscaux. Contagieuse, la revendication de la « transparence » vise désormais l’ensemble du gouvernement, au premier chef le ministre des finances, George Osborne, numéro deux du gouvernement. La pression sur les deux têtes de l’exécutif, qui sont aussi les deux principaux propagandistes du oui à l’Europe au référendum, pourrait affaiblir leur camp. « Ça n’a pas été une grande semaine », a reconnu M. Cameron samedi, ajoutant qu’il aurait « dû mieux gérer cette histoire » et qu’il avait « appris la leçon ». Selon Jeremy Corbyn, le chef du Labour, David Cameron « a trompé l’opinion » Ce revers cinglant survient après d’autres polémiques potentiellement préjudiciables à la campagne contre le « Brexit » : la démission fracassante, à la mimars, de Iain Duncan Smith, ministre du travail eurosceptique, et les accusations selon lesquelles M. Cameron, pour se ménager les faveurs de Pékin, aurait sacrifié 15 000 emplois dans la sidérurgie en refusant les droits de douanes souhaitées par l’Union européenne contre l’acier chinois. Seule consolation pour M. Cameron, les eurosceptiques conservateurs n’utilisent pas dans la bataille du référendum, pour le moment, les « Panama papers », qui épinglent également l’un des principaux financiers du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP). Peut-être estiment-ils aussi que le scandale sape de lui-même l’autorité du premier ministre sans qu’ils aient besoin d’en rajouter. Selon un sondage publié vendredi, un an après sa reconduction, la cote de satisfaction de David Cameron (58 % d’opinions défavorables, 34 % favorables) est au plus bas depuis 2013. p philippe bernard Ukraine : M. Iatseniouk se résout à la démission Un proche du président Petro Porochenko devrait devenir premier ministre A près des semaines de résistance acharnée, Arseni Iatseniouk a fini par céder. Dimanche 10 avril, dans une déclaration solennelle à la télévision, le premier ministre ukrainien a annoncé sa démission à la nation, au nom de la « stabilité » nécessaire à la tête du pays. M. Iatseniouk, qui était arrivé au pouvoir en février 2014 dans la foulée de la révolution de Maïdan, n’a toutefois pas caché son amertume, évoquant une crise politique « créée artificiellement ». Le départ du premier ministre était en fait devenu inévitable et devrait permettre d’esquisser une sortie de la crise politique dans laquelle les dirigeants ukrainiens sont empêtrés depuis près de deux mois. Proche du néant dans les sondages d’opinion, accusé de chapeauter un système de corruption généralisée et de bloquer l’adoption de réformes structurelles, M. Iatseniouk semblait même avoir été lâché par les capitales occidentales, dont il fut longtemps le favori. Transition bien balisée Le 16 février, il n’avait échappé que de très peu à un vote de défiance du Parlement. Immédiatement après, deux partis minoritaires avaient quitté la coalition, ouvrant la voie à de périlleuses élections anticipées. Même si la politique ukrainienne n’est jamais avare de surprises, la validation par le Parlement de la démission, prévue mardi, devrait être une formalité. La transition semble avoir été bien balisée. Dans son discours, Arseni Iatseniouk a même livré le nom de son successeur : Volodymyr Hroïsman, président du Parlement et fidèle du président Petro Porochenko. Dans un entretien diffusé dimanche mais qui avait été enregistré auparavant, M. Porochenko a lui aussi évoqué une candidature de M. Hroïsman. Ce renouvellement au sommet – qui devrait s’accompagner d’un remaniement, avec notamment le départ de la ministre des finances, Natalia Jaresko – devrait donner un nouveau souffle à M. Porochenko, lui aussi sévèrement critiqué pour son manque de combativité face à la corruption et son implication dans les révélations des « Panama papers ». Il risque aussi, dans le même temps, de priver le président d’un paravent confortable. Reste aussi à connaître l’amplitude de la nouvelle coalition et sa capacité à aller à l’encontre des intérêts oligarchiques. A Kiev, les observateurs n’excluent pas une alliance limitée aux partis de MM. Porochenko et Iatseniouk, à laquelle quelques ralliements donneraient une majorité. Qu’a obtenu Arseni Iatseniouk en échange de sa coopération ? Ces dernières semaines, les médias ukrainiens ont assuré qu’il convoitait la direction de la Banque centrale ou celle de la Cour suprême, des postes stratégiques. Le futur ex-premier ministre, dont le bilan est loin d’être négatif – il peut notamment se targuer d’avoir restructuré l’armée, réduit la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie ou assaini les finances publiques – ne devrait en tout cas pas disparaître du paysage politique. Dimanche, il a indiqué voir sa mission future comme « plus large que celle de chef du gouvernement ». p benoît vitkine Avec les bâtiments à énergie positive, les villes sont désormais actrices de leur propre énergie. Grâce aux services énergétiques d’EDF et de ses filiales, les bâtiments peuvent consommer moins d’énergie et même la produire sur place. Notre avenir est électrique. Et il est déjà là. edf.fr/collectivites L’énergie est notre avenir, économisons-la ! EDF 552 081 317 RCS Paris, 75008 Paris – Photo : Laurent Chéhère – 3D : Waldo Lee. LA VILLE AUSSI PEUT RECHARGER SES BATTERIES 6 | international 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Au Pérou, Keiko Fujimori gagne le premier tour de la présidentielle La fille de l’ex-président affrontera le candidat de la droite libérale lima - envoyé spécial L e premier tour de l’élection présidentielle au Pérou, dimanche 10 avril, a été remporté largement par la populiste Keiko Fujimori, 40 ans, avec 39 % des voix. Sa formation, Force populaire, frôle la majorité parlementaire, avec une soixantaine d’élus (sur 130), selon des estimations. Lors du second tour du scrutin, le 5 juin, elle affrontera Pedro Pablo Kuczynski, 77 ans, dit « PPK » (centre droit), qui a obtenu 21 % des suffrages. Keiko Fujimori vit son « moment Marine Le Pen », estime Mirko Lauer, 69 ans, chroniqueur au quotidien de gauche La Republica. Comment prendre ses distances avec le père, l’autocrate Alberto Fujimori, 77 ans, président du Pérou entre 1990 et 2000, sans pour autant renoncer à son héritage, à son capital symbolique ? Une semaine avant le premier tour, lors du seul débat télévisé entre les candidats à la présidence, Mme Fujimori a surpris avec une déclaration solennelle : « Plus jamais un 5 avril », date du coup de force par lequel son père a dissous le Congrès et s’est arrogé les pleins pouvoirs, en 1992. Elle a signé une profession de foi où elle s’engageait à respecter les libertés et l’Etat de droit, répondant ainsi aux principales objections contre sa candidature. Alberto Fujimori purge une peine de vingt-cinq ans de prison pour violations des droits de l’homme et corruption. « Je n’en crois pas un mot », s’est empressé de déclarer l’ancien président Alejandro Toledo (20012006), qui briguait un nouveau mandat, sans succès. « Comme elle entretient une relation dynastique avec son père, beaucoup ont mis du temps à comprendre que Keiko avait sa propre force, explique M. Lauer. Elle se doit de maintenir un équilibre entre la tradition politique représentée par Fujimori et son effort de renouvellement et de modération. » Une société fracturée La filiation et le respect de la famille, si importants dans la tradition japonaise dans laquelle elle a été élevée, suscitent des interrogations. A 19 ans, elle avait remplacé sa mère comme première dame d’un régime autoritaire. Aussi bien les vieux opposants qu’une partie de la jeunesse universitaire pensent qu’Alberto Fujimori continue à tirer les ficelles du fond de sa prison dorée, où il reçoit trois cents visiteurs par mois. Le 5 avril, cinq jours avant le scrutin de dimanche, ils étaient des dizaines de milliers à manifester à Lima et en province, avec le mot d’ordre « Keiko ne passera pas ». Gabriel Zapata, 31 ans, diplômé en philosophie, était l’un des organisateurs de la manifestation de Lima. « Keiko et son entourage représentent la continuité de l’autoritarisme et de la corruption, affirme-t-il. Cela dit, le fujimorisme est une véritable mystique, à contre-courant de la crise de la re- Keiko Fujimori devant ses partisans à Lima, dimanche 10 avril au soir. LUKA GONZALES/AFP présentation politique qui frappe les partis traditionnels. » Lors de son dernier meeting avant le premier tour la candidate a déclaré : « J’ai la fierté de savoir que Force populaire est devenu le parti le mieux organisé, un parti qui va perdurer au-delà d’un patronyme. » Adriana Urrutia, 28 ans, politologue formée à Sciences Po Paris, confirme : « Keiko a sillonné inlassablement le pays pendant cinq ans, à l’écoute de tous les secteurs sociaux. Elle a jeté les bases d’un parti centralisé, entouré d’organisations satellites pour mieux encadrer ses sympathisants, notamment parmi la jeunesse. » La mutation du fujimorisme en parti a compté sur les conseils avisés d’un homme d’affaires à succès, José Chlimper Ackerman, 60 ans, candidat à la vice-présidence de la République. « Pepe Chlimper est le maître à penser de Keiko, assure M. Lauer. Il l’a poussée à se moderniser et à tourner la page Fujimori. » Adriana Urrutia renchérit : « Chlimper l’a amenée à se séparer des élus fujimoristes Keiko Fujimori vit son « moment Marine Le Pen », estime Mirko Lauer, du quotidien « La Republica » qui donnaient le la au Congrès et à les remplacer par des candidats plus jeunes, à l’image de Keiko elle-même. » L’évolution de Keiko Fujimori a été favorisée par un politologue de l’université d’Harvard (Etats-Unis), Steve Levitsky, 45 ans, qui l’a invitée à s’expliquer sur le prestigieux campus. C’est là-bas qu’elle a esquissé son tournant. Ce spécialiste de l’Amérique latine estimait que le fujimorisme pouvait devenir un parti de droite moderne, démocratique, capable de remporter des élections qui se jouent au centre du spectre politique. Le Pérou est une société fracturée par des clivages sociaux, raciaux et territoriaux. « Le vote des Péruviens reste très marqué par les perceptions raciales, souligne Mme Urrutia. On choisit le candidat métis, plutôt que le Blanc de la haute société de Lima. Or, Keiko, comme son père, avec leurs traits asiatiques, surmonte ce clivage, tout comme la polarisation entre droite et gauche, ou encore la différence entre la côte, les Andes et l’Amazonie. Elle parvient à s’adresser au peuple dans sa diversité. » Sur le podium de ses meetings, lors de ses rencontres avec ses partisans, Keiko Fujimori danse sur les rythmes des diverses musiques régionales, transpire, revêt les parures colorées des Indiens et les vêtements traditionnels du riche folklore péruvien. Aux EtatsUnis, elle a fait ses études supérieures à Boston, trouvé un mari et observé la vie politique américaine. Elle a appris qu’elle devait non seulement tenir un discours, mais incarner un rêve. « S’il lui faut faire des concessions pour convain- cre les dubitatifs et les méfiants à l’égard de sa métamorphose, elle les fera », note la jeune politologue. A l’échelle locale, Force populaire fonctionne comme une franchise. Et c’est là que le bât blesse. « Force populaire est le parti qui comptait le plus de candidats au Congrès financés par les narcos, quand ils ne sont pas eux-mêmes des trafiquants », dénonce Jaime Antezana, 50 ans, chercheur indépendant, spécialiste du trafic de stupéfiants. Au Pérou, comme en Colombie, on peut parler de « narco-politique ». Le clan italien, le clan juif, le clan de la région de Chimbote, les deux clans liés à des universités privées, investissent dans les élections pour protéger leurs affaires. Premier producteur de cocaïne au monde, le Pérou exporte sa drogue vers l’Europe via le Brésil. « Si Keiko est élue, le Pérou redeviendra un narco-Etat, comme du temps de son père », avertit M. Antezana. La lutte contre la drogue et les trafiquants est totalement absente du débat électoral. p paulo a. paranagua L’initiative diplomatique française sur le Proche-Orient à la peine A la veille d’une tournée européenne de M. Abbas, l’Autorité palestinienne lance un nouveau projet de résolution destiné au Conseil de sécurité jérusalem - correspondant A peine lancée, déjà contrariée. La nouvelle initiative française dans le conflit israélo-palestinien, qui vise à réunir un large groupe de soutien international afin de relancer les négociations, paraît mal engagée. Selon plusieurs sources diplomatiques, le calendrier prévu à l’origine – une réunion ministérielle courant avril, puis une conférence d’ici à l’été – est compromis. La première ne se tiendrait que fin mai-début juin, avant le ramadan. La rencontre au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, elle, aurait lieu à l’automne. Washington a fait savoir que les semaines précédant l’élection américaine du 8 novembre seraient très défavorables. En revanche, la période entre le scrutin et l’entrée en fonction du nouveau président, fin janvier 2017, pourrait permettre à Barack Obama de s’engager. Le flou sur la stratégie américaine est une source d’inquiétude pour les Israéliens. L’initiative française est portée par le diplomate Pierre Vimont, qui a déjà effectué un large tour des acteurs concernés. Le groupe de contact est censé réunir les membres du Quartet (ONU, Russie, Etats-Unis, UE), les principaux pays européens et ceux de la Ligue arabe, soit une quinzaine d’Etats. L’une des raisons invoquées, côté français, pour justifier le glissement de calendrier est le rapport venant de choc que le Quartet doit publier dans les prochaines semaines. Il devrait tracer des pistes pour une reprise des négociations et pourrait donc nourrir l’initiative française. Pour l’heure, M. Vimont a surtout adopté une position d’écoute, sans trop s’avancer sur l’ordre du jour des deux conférences. Du côté israélien, on ne jure que par les négociations bilatérales. Mais on fait preuve d’une habile retenue dans la critique contre Paris. D’autant que Jean-Marc Ayrault, le ministre français des affaires étrangères, a précisé qu’il n’y aurait pas d’automaticité dans la reconnaissance de la Palestine par Paris, en cas d’échec. C’était, pourtant, ce que semblait indiquer son prédécesseur, Laurent Fabius. « Si on avait maintenu ce lien, dit un diplomate français, on aurait perdu le soutien de certains pays européens comme l’Allemagne. » « Confiance à la France » Dans ce contexte, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, a commencé une tournée internationale. Il sera à Paris vendredi 15 avril pour s’entretenir avec François Hollande, puis à Moscou le 18, à Berlin le 19, avant de s’envoler vers New York. Conseiller diplomatique de M. Abbas, Majdi Al-Khaldi assure au Monde que l’Autorité « fait confiance à la France et à son sérieux », tout en espérant des progrès réels. Il souhaite que le futur groupe de soutien international rappelle par écrit « les paramètres déjà connus à toute résolution du conflit ». Sans attendre les résultats de la démarche française, l’Autorité palestinienne a lancé un nouveau projet de résolution destiné au Conseil de sécurité des Nations unies, dont l’objet est de condamner la colonisation israélienne en Cisjordanie. Il fait l’objet de concertations avec les pays de la Ligue arabe. Ceux-ci doivent décider rapidement de la meilleure date pour le soumettre au vote, selon M. Khaldi. Le texte appelle au gel de toutes les constructions israéliennes et au démantèlement des avant-postes, qui sont illégaux, y compris aux yeux de l’Etat hébreu. Il fait aussi référence au communiqué du Quartet, daté du nicolas demorand le 18/20 mond 15 un jour dans le monde 18:15 19:20 le téléphone sonne 21 septembre 2010, qui évoquait une durée d’un an pour conduire toutes les négociations de paix. Cette résolution serait la voie unique ouverte devant M. Abbas, si l’initiative française échouait. Le président palestinien n’aurait rien d’autre à présenter à son opinion publique, qui s’est détournée de lui. M. Abbas guette aussi l’issue prochaine des discussions avec les services de sécurité israéliens, au sujet des incursions militaires en zone A, placée en principe sous le plein contrôle de l’Autorité. En l’absence de geste de bonne volonté de Benyamin Nétanyahou, le président palestinien se trouvera conforté dans sa logique d’internationalisation du conflit. p piotr smolar avec les chroniques d’Arnaud Leparmentier et d’Alain Frachon dans un jour dans le monde de 18 :15 à 19 :00 |7 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Miami, l’autre reine de l’offshore En plein boom immobilier, la ville de Floride est l’un des centres mondiaux de l’argent sale E lle recevait chez elle, dans son deux-pièces de Brickwell Avenue, face à la mer, avec le même sourire avenant que celui étalé sur sa carte de visite online. Représentante du cabinet panaméen Mossack Fonseca à Miami, Olga Santini a du goût – son immeuble, le Palace Condominium, avait été le cadre d’un des épisodes de la série « Deux flics à Miami » – et un sens certain des affaires. D’après un mail de janvier 2013 que Le Monde a pu consulter dans les 11,5 millions de documents de ce cabinet de montages offshore, Olga Santini a aidé à constituer plus de 200 sociétés entre août et décembre 2012 dans trois paradis fiscaux, les îles Vierges britanniques, les Samoa et les Seychelles. Une activité soutenue et juteuse, destinée à fournir des sociétésécrans aux investisseurs étrangers désireux de placer discrètement leur argent dans le marché immobilier en plein boom de Miami. En cinq mois, les revenus d’Olga Santini se sont élevés à 81 683 dollars, correspondant aux 30 % de commissions versées par Mossack Fonseca à ses intermédiaires pour la création de ce type de sociétés, facturées aux clients entre 750 dollars et 1 400 dollars l’unité. Olga Santini a viré la quasi-inté- gralité du montant à la Bank of America, dans l’agence Coral Gables, située à quinze minutes de chez elle. Interrogée par le Miami Herald, partenaire des « Panama papers », la dame assure n’avoir rien fait d’illégal. « Indépendante, je travaille pour de nombreuses autres sociétés… Je ne représente pas le siège du cabinet Mossack Fonseca et ne suis pas une employée de cette organisation ». Près de 150 000 occurrences font référence au nom de la ville dans la base des documents confidentiels des « Panama papers » Une goutte d’eau Bien qu’elle prenne ses distances avec Mossack Fonseca, Olga Santini a utilisé l’adresse mail du cabinet panaméen avec ses clients. En 2009, elle est intervenue dans une conférence « antiblanchiment d’argent » à Miami en tant que « représentante de Mossack Fonseca ». Cinq ans plus tard, un signet sur le site du cabinet la présente comme « Mme Santini du bureau de Mossack Fonseca à Miami ». Et sa page LinkedIn, aujourd’hui inaccessible, indiquait qu’elle était « MF Consult » depuis 2004. Le cabinet panaméen détient en effet plus d’une quarantaine de bureaux dans le monde. Miami apparaît comme l’une de ses importantes zones d’activités, et le nom de la ville renvoie à près de 150 000 occurrences dans les « Panama papers », celui d’Olga San- tini à 27 000. Une goutte d’eau rapportée à la masse des fichiers, mais qui en dit long sur l’emprise de ces montages financiers offshore sur Miami. La ville partage une longue histoire avec les circuits obscurs du blanchiment. Avec sa fièvre immobilière, elle est devenue un des centres mondiaux de l’argent sale. Etre propriétaire d’une société offshore y est légal, tant que l’on paie ses impôts et déclare ses actifs aux autorités – une règle aisément contournée grâce au secret bancaire des paradis fiscaux. Contrairement aux banques, qui doivent se renseigner sur le détenteur des fonds, les intermédiaires et cabinets d’avocats tels que Mossack Fonseca ne sont pas soumis à suivre cette norme stricte du « know-your-customer ». Une souplesse qui explique en grande partie pourquoi 53 % des ventes de biens immobiliers à Miami, en 2015, ont été faites « cash », c’est-à-dire payées en une fois, sans crédit, généralement par virement. C’est le double de la moyenne nationale observée sur le territoire des Etats-Unis. Ce chiffre atteint même 90 % sur le marché de l’immobilier récent. « Les gens qui veulent laver leur argent sale essaieront toujours de pénétrer le système par ses maillons les plus faibles, explique Joe Kilmer, ancien agent chargé de la lutte anti-drogue, au Miami Herald. Il y a tellement d’immobilier vendu et acheté dans le sud de la Floride qu’il est facile de s’y cacher en pleine lumière. » Manque évident de vérifications A regarder de près, la correspondance interne de Mossack Fonseca et d’Olga Santini révèle un manque évident de vérifications des ayants droit des sociétés. Le cabinet panaméen a ainsi ouvert une société-écran pour Marco Lustgarten, homme d’affaires vénézuélano-autrichien, basé à Miami et accusé d’avoir organisé un vaste trafic de blanchiment d’argent de la drogue. Il en a créé au moins treize pour Mauricio Cohen Assor, 82 ans, et Leon Cohen-Levy, 51 ans, père et fils originaires de Miami, bâtisseurs d’hô- « Je suis un homme de lois, je ne viole pas la loi » ancien président de la Cour suprême du Brésil, Joaquim Barbosa a été le magistrat qui a porté l’accusation dans le « Mensalao », l’affaire de corruption et de pots-devin au Congrès qui a failli coûter la place au président Luis Inacio Lula da Silva. Il figure aujourd’hui dans les « Panama papers » pour avoir créé une société offshore dans l’achat d’un appartement de 335 000 dollars, à Miami, en 2012. Pourquoi votre nom s’est-il retrouvé dans une telle affaire ? Il ne faut pas confondre « planning fiscal » avec « évasion ou fraude fiscale ». J’avais des ressources issues du fruit de mon travail et de mes investissements. J’ai trouvé que c’était une bonne idée de faire un placement à l’étranger et il y avait de bonnes offres d’achat d’appartements à Miami début 2012. Je suis allé en toute transparence dans ma banque au Brésil et ai autorisé le virement vers le compte de l’entreprise de Floride chargée de l’opération, une « title company » qui est le type de d’entreprise qui joue aux Etats-Unis un rôle similaire à celui de notaire. C’est à elle ou à un avocat que l’acheteur paye le prix de la transaction. Qu’est-ce qu’il y a d’illégal dans tout cela ? La valeur de l’appartement a été déclarée depuis 2012 aux impôts brésiliens comme l’exige la loi. Le fisc de mon pays est au courant de tout. Mais pourquoi avoir créé une société offshore ? Aux Etats-Unis, la fiscalité est plus légère pour les entreprises. C’est pour cela que le pays attire autant d’investisseurs du monde entier. C’est pour cela aussi que les personnes les plus avisées sont conseillées pour créer une société afin d’acheter des biens localement. J’ai tout fait en transparence, comme le prouve le nom de ma société : Assas JB Corp, Assas pour le nom de ma fac à Paris, JB pour mes initiales et mon surnom dans le monde juridique. Je suis un homme de loi, je ne viole pas la loi. A l’instar de milliers de mes concitoyens, je n’y ai vu qu’un bon investissement. C’est tout. Avez-vous un quelconque regret, votre société est tout de même domiciliée dans les îles Vierges britanniques, connues pour leur opacité ? Pas du tout ! Pour moi, si c’est licite, c’est bon. D’ailleurs, je ne savais même pas où la société avait son siège juridique, c’est vous qui me l’apprenez. J’ai fait entièrement confiance à mon avocate. p propos recueillis par n. bo. tels de luxe condamnés à dix ans de prison en 2011 pour avoir caché 150 millions de dollars au fisc. Olga Santini a aussi travaillé avec une importante proportion de clients Brésiliens, confirmant l’adage « Au premier million de dollars, tu files à Miami. » La filiale brésilienne de Mossack Fonseca a d’ailleurs été citée, début mars, dans le cadre du scandale de corruption du géant Petrobras, cette entreprise pétrolière publique, qui déstabilise jusqu’à la présidente du pays, Dilma Rousseff. Dans les documents d’Olga Santini figure Marcos Pereira Lombardi, patron de presse et propriétaire d’une chaîne de stations essence, accusé d’entente illicite sur les prix à la pompe. Il a acheté deux condominiums pour 2,7 millions de dollars dans la Trump Tower de Sunny Isles Beach. Miguel Jurno Neto y est aussi surnommé le « doleiro », il a été accusé d’avoir financé un système de pots-de-vin destinés aux élus du Congrès. Il a revendu son appartement de Miami en 2012, deux ans après l’avoir acheté. On trouve aussi Paulo Octavio Alves Pereira, propriétaire de 13 % du parc hôtelier de Brasilia et marié à la nièce de l’ancien président brésilien Juscelino Kubitschek. Il a dû quitter son poste de gouverneur de la capitale après avoir été accusé de détournement de fonds. Un an plus tard, en 2011, il achetait pour 2,95 millions de dollars un appartement au nord de Miami Beach. En 2015, les étrangers ont acheté à Miami et à Palm Beach, pour 6,1 milliards de dollars (5,35 milliards d’euros) de biens immobiliers, soit plus d’un tiers des ventes. Les agents, avocats et « indépendants » spécialisés dans le montage offshore, telle Olga Santini, se comptent par centaines dans la ville. Ironie du calendrier, le fisc américain a décidé en mars, soit quelques jours à peine avant les révélations des « Panama papers », d’accroître sa surveillance sur les transactions les plus vulnérables aux manipulations : les sociétés-écrans achetant des appartements de plus de 1 million de dollars en liquide. C’était un début. p nicolas bourcier Les affaires sans complexe de Richard Attias Ce qu’il faut savoir Coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), la rédaction du Monde et 108 autres dans 76 pays ont eu accès à une masse d’informations inédites qui mettent en lumière le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux. Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias. Les « Panama papers » révèlent que, outre des milliers d’anonymes, de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs. EN QU ÊT E Perquisition à la Société générale Une discrète perquisition a eu lieu mardi 5 avril à la Société générale, l’une des banques épinglées dans le scandale des « Panama papers » pour avoir ouvert quelque 979 sociétés offshore, par l’intermédiaire du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca. Le siège du groupe à La Défense (Hauts-de-Seine) a été perquisitionné par les enquêteurs de l’Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales, comme l’a indiqué Le Journal du dimanche, dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte le 4 avril par le parquet national financier pour « blanchiment de fraudes fiscales aggravées ». Le businessman et son épouse, Cécilia, ont des sociétés dans plusieurs paradis fiscaux, « en toute légalité », dit-il Son groupe compte des filiales en France, aux Etats-Unis, au Maroc ou aux Emirats arabes unis. Et donc bientôt peut-être dans les Caraïbes. Richard Attias est de ces hommes d’affaires qui reconnaissent recourir à des sociétés aux îles Vierges britanniques et au Delaware, cet Etat américain au régime fiscal opaque auquel l’administration Obama veut mettre fin. S’il a choisi l’offshore c’est, dit M. Attias, pour des raisons prati- « Il ne faut pas diaboliser ces Européens tentés d’aller au Panama. La fiscalité est étouffante » RICHARD ATTIAS ques et pour développer ses activités « en toute légalité ». L’une de ses anciennes sociétés, The Experience by Richard Attias Ltd, a été enregistrée aux îles Vierges britanniques le 20 janvier 2010 par la firme panaméenne Mossack Fonseca, à la demande d’un cabinet de consultants de Dubaï. Selon les « Panama papers », Richard Attias est l’un des cinq actionnaires de cette société. Son épouse, Cécilia Attias, a été associée dans la holding du groupe, dont 30 % des parts ont été acquises en 2014 par le géant de la communication et de la publicité WPP. Le reste de l’actionnariat est composé de holdings domiciliées au RoyaumeUni, en Arabie saoudite, aux îles Caïmans et aux îles Vierges britanniques. Un « patchwork » à l’image de la planète Attias, un monde global et désinhibé. The Experience by Richard Attias Ltd. a été mise en liquidation en novembre 2014. « N’ayant pas eu d’activités dans cette région avec cette société, elle a été dissoute. Aussi simple que cela », explique Richard Attias en réponse aux questions du Monde. Des activités aux Caraïbes qui semblent avoir simplement tardé à se matérialiser. « Je vais annoncer prochainement un très grand forum que l’Etat des Bahamas m’a demandé d’organiser », affirme l’homme d’affaires en soulignant la qualité des infrastructures locales. Position tranchée Il est également question d’un autre forum, au Panama. « J’ai rencontré [Juan Carlos Varela], le président du Panama, il y a deux mois. Il m’a tellement séduit que je vais organiser un forum au Panama en 2017. C’est un type formidable, très business-business ! Il faut se pencher sur ce pays. » L’apôtre francophone du « nation branding », le marketing d’un pays, assume sa position, tran- chée, sur les questions fiscales. « Pourquoi tous ces Européens, et il y a des cadors parmi eux, sont-ils tentés d’aller [mettre leur argent] au Panama ? Il ne faut pas les diaboliser. La fiscalité est étouffante. Ils ne peuvent plus entreprendre, ils ne peuvent plus investir. Je suis marocain, je ne paie pas d’impôts, c’est un privilège et c’est très bien comme ça ! – Vous n’en payez pas au Maroc ? – Non, parce que je suis résident à Dubaï. » L’homme d’affaires affirme que ses sociétés payent leurs impôts dans chacun des pays où il a une activité. Il a créé, en 2009, une nouvelle société, dormante pour l’instant, pour investir dans la nouvelle économie. Newco, c’est son nom, est établie dans l’Etat américain du Delaware. « C’est là où les procédures administratives sont les plus simples, et les sociétés se créent en vingt-quatre heures », précise-t-il. p anne michel et joan tilouine Chefs d’entreprise Cadres dirigeants Services juridiques Experts comptables 2 jours sur le nouveau DROIT des CONTRATS Ord.-231 du 10 /02/16 applicable dès le 1er octobre 2016 ! #!)*(! %3/50-#34 '61 /,( *, )73!-/( 23-/(.&05( 8"++$ ! N e soyez pas surpris si dans le futur nous créons une filiale en Amérique latine. » Richard Attias préfère prévenir. L’homme d’affaires franco-marocain, spécialisé dans la communication d’influence, a l’offshore heureux. Et même l’offshore en couple, avec son épouse, Cécilia, ex-Sarkozy. Citoyen marocain, il dirige à New York Richard Attias & Associates, un groupe dont le siège est à Dubaï. M. Attias s’est fait une spécialité d’organiser des forums où s’entremêlent conférences et réseautage, business et politique, et cela dans des pays émergents, souvent africains : Gabon, Congo-Brazzaville, Rwanda, Egypte. Son New York Forum Africa se déroule chaque année depuis 2012 à Libreville, au Gabon, sous le patronage du président Ali Bongo. Il y essuie régulièrement les critiques de l’opposition ou de la société civile. %' "" $& '& %% 8 | planète 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Négociations climat : Tubiana revient dans le jeu Paris soutient finalement l’architecte de la COP21 pour présider l’instance des Nations unies sur le climat L e dossier semblait clos. En dépit de la crédibilité acquise par la France lors de la conférence sur le climat, la COP21, Paris ne présenterait pas de candidature à la tête de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), l’instance où sont rendus les grands arbitrages dans la lutte contre le réchauffement. Lâchée par François Hollande et sa ministre de l’environnement, Ségolène Royal, l’ambassadrice chargée du climat, Laurence Tubiana, avait renoncé à ajouter son nom sur la liste des successeurs potentiels à la Costaricaine Christiana Figueres – qui quittera ses fonctions le 6 juillet –, transmise début avril au secrétariat général de l’ONU. C’était sans compter l’art du revirement dans lequel excelle l’exécutif. La négociatrice Laurence Tubiana pourra finalement défendre ses chances à la CCNUCC. C’est donc dans une ambiance particulière que s’ouvre une semaine chargée pour la présidence française de la COP21, avec plusieurs réunions de travail dès lundi 11 avril au matin, une rencontre, mercredi 13, entre Ségolène Royal et Xie Zhenhua, le négociateur en chef de la Chine, puis une série de rendez-vous de la ministre de l’environnement à Washington, du 14 au 16 avril, dans le cadre de l’assemblée de printemps de la Banque mondiale. Pendant ce temps-là, la négociatrice en chef coprésidera à Paris, avec le Maroc (pays hôte de la pro- e 19 édition chaine COP, en novembre), une session informelle des chefs de délégation d’une cinquantaine de pays pour réfléchir à la mise en œuvre de l’accord de Paris. Car le binôme Royal-Tubiana ne fonctionne bien que lorsqu’il est séparé ! Laurence Tubiana ne participe plus aux comités de pilotage, ces bilans mensuels exigés par Laurent Fabius pendant la préparation de la COP21 en 2015 et réunissant une cinquantaine de personnes (conseillers ministériels, scientifiques, personnalités de la société civile), depuis que la ministre de l’environnement en assure le pilotage. Tour de passe-passe Ségolène Royal cache mal son inimitié pour la chef négociatrice, même si elle feint de voler à son secours. « C’est vrai qu’elle [Tubiana] est très très déçue, a réagi la ministre de l’environnement lors d’une conférence de presse, le 6 avril. Je lui ai donné mon accord pour regarder si on pouvait rouvrir le délai de candidature. » « Si c’est le cas, je la soutiendrai sans problème », a-telle ajouté, elle qui expliquait, quelques jours plus tôt, que la négociatrice avait mieux à faire que briguer ce poste à la CCNUCC, par ailleurs réservé à un candidat qui aurait les faveurs du secrétaire général, Ban Ki-moon. Par quel tour de passe-passe Ségolène Royal, hostile à cette candidature début avril, s’est dite prête à la soutenir une semaine plus tard ? Entre ces deux dates, le téléphone de François Hollande Laurence Tubiana, le dernier jour de la COP21, le 12 décembre 2015, au Bourget (Seine-Saint-Denis). JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH POLITICS POUR « LE MONDE » Ségolène Royal cache mal son inimitié pour la chef négociatrice 0123 PRIX DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE Le prix Le Monde de la recherche universitaire récompense des travaux de thèse remarquables pour leur impact sur notre environnement scientifique, économique et social Le concours est présidé par Edgar Morin, sociologue et philosophe, pour les sciences humaines et sociales, et par Cédric Villani, mathématicien, pour les sciences dites « dures ». En sciences humaines et sociales, trois docteurs seront primés et leurs travaux seront publiés aux Presses universitaires de France (PUF). Dans la catégorie des sciences « dures », cinq docteurs seront primés et leurs travaux seront publiés dans un ouvrage collectif aux éditions Le Pommier et dans le magazine Pour la Science. Le Monde éditera également un cahier spécial à l’occasion de la cérémonie de remise des prix. La Ligue de l’enseignement, en partenariat avec Le Monde, remettra un prix à l’auteur d’une thèse faisant appel à ses valeurs fondatrices : l’éducation, la laïcité et la citoyenneté. LE PRIX LE MONDE DE LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE est ouvert aux docteurs francophones de toutes disciplines ayant soutenu leur thèse entre le 31 octobre 2014 et le 31 décembre 2015. PLUS D’INFOS ET INSCRIPTIONS www.lemonde.fr/prix-recherche/ Mail : [email protected] Les inscriptions seront enregistrées jusqu’au mardi 31 mai 2016 inclus. a sonné à plusieurs reprises. Ancien envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète, Nicolas Hulot est l’un des premiers à lui avoir signalé qu’il serait dommage que la France se passe de la candidature et de l’expertise de Laurence Tubiana, alors que tout restait à faire pour traduire dans les faits les engagements de Paris. Laurent Fabius serait intervenu lui aussi pour sauver le soldat Tubiana. « Fabius et Tubiana sont largement associés au succès de la COP21, rappelle le climatologue Jean Jouzel, soucieux de la continuité du processus enclenché en décembre 2015, à Paris. Le poste le plus important dans les cinq prochaines années, c’est celui de Christiana Figueres, et Laurence Tubiana s’y prépare depuis longtemps. » A l’Elysée, on a pris peu à peu conscience que la chef négociatrice était sur le point de claquer la porte de l’organisation française de la COP21. « Elle n’acceptera de jouer le jeu que si elle obtient gain de cause pour la CCNUCC », confie une source diplomatique. Un départ en douceur déstabiliserait moins l’équipe de la COP21, réduite en nombre depuis janvier, et qui devrait perdre encore une partie de ses troupes cet été. Le Quai d’Orsay, favorable depuis le début à cette candidature, a confié à l’ambassadeur François Delattre le soin de demander à Ban Kimoon de rouvrir la liste officiellement close le 28 mars. Mardi 5 avril, le chef de la mission permanente de la France auprès des Nations unies a été entendu. « La candidature a bien été retenue », confirme l’entourage du secrétaire général de l’ONU. Ce dernier a accepté d’autant plus facilement que l’affaire s’est conclue en coulisses, la liste n’ayant pas vocation à être rendu publique. Mais surtout, il connaît mieux que quiconque les critères requis pour ce poste de haut niveau, des critères que la candidate française remplit clairement. Dans le profil de poste adressé confidentiellement par les Nations unies à ses Etats membres, dont Le Monde s’est procuré une copie, il est demandé d’abord au candidat une « connaissance approfondie de la Convention [climat], du protocole de Kyoto, de l’accord de Paris et de l’ensemble de ses décisions » dont la chef négociatrice a été l’une des principales architectes. Le descriptif du poste insiste sur la capacité du candidat à travailler avec les entités onusiennes et à son aptitude à construire des coalitions. Le courrier mentionne que des candidatures féminines « seraient particulièrement appréciées ». Or, peu de favorites figureraient sur la liste soumise à Ban Kimoon, si ce n’est l’ambassadrice mexicaine, Patricia Espinosa, qui avait présidé la COP de Cancun en 2010, et Laurence Tubiana. Pour un postulant déclaré, l’ancien coprésident des assemblées préparatoires à la COP21, Ahmed Djoghlaf, un autre principe doit prévaloir, celui de la rotation géographique. « Depuis la création du secrétariat de la CCNUCC en 1991, l’Europe a occupé le poste pendant près de vingt ans, Figueres et donc l’Amérique latine, pendant six ans. L’Afrique et l’Asie n’ont jamais eu cette opportunité. Le temps est venu pour l’Afrique de diriger cette institution, car ce continent est particulièrement affecté par les changements climatiques », explique le diplomate algérien. Si la route s’est rouverte pour la négociatrice française, elle n’est pas complètement dégagée pour autant. p simon roger 22 avril, point d’orgue de la présidence française s’il est une date que la ministre de l’environnement, chargée des relations internationales sur le climat, ne manque jamais de rappeler, c’est celle du vendredi 22 avril. Ce jour-là sera officiellement ouvert au siège des Nations unies, à New York, le registre des signatures de l’accord de Paris (l’accord universel conclu le 12 décembre 2015 pour espérer contenir le réchauffement climatique sous le seuil des 2 °C). Au moment de célébrer l’anniversaire de ses deux ans à la tête du ministère, mercredi 6 avril, Ségolène Royal n’a pas dérogé à cette règle. « La journée du 22 avril va être un grand succès, a avancé la ministre. La crainte d’une retombée de la mobilisation après la COP21 [la conférence de Paris sur le climat] n’a pas lieu d’être. » Vers un record de participants ? Pour justifier son optimisme, la présidente de la COP21 assure que plus de 130 pays, sur les 195 que compte la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), se sont engagés à faire le déplacement à New York. Le chiffre, s’il est atteint, constituerait un nouveau record : 119 pays étaient présents en 1982 en Jamaïque pour le premier jour de signature de la convention des Nations unies sur le droit de la mer. Près d’une soixantaine de chefs d’Etat ou de gouvernement, dont François Hollande, ont prévu de participer à la cérémonie du 22 avril, d’autres pays préférant dépêcher un représentant. Les acteurs majeurs du climat ont promis de s’y illustrer. Dans une déclaration présidentielle conjointe diffusée fin mars, la Chine et les Etats-Unis, les deux plus gros émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, ont confirmé leur intention de signer l’accord dès le 22 avril. Les Basic (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine) ont pris le même engagement. « On ne se soucie pas tant du record que de la dynamique à entretenir, relativise-t-on dans l’entourage de la présidence française de la COP21. Ce qui compte surtout, c’est la manière dont les pays vont mettre en place leur scénario climat. » Le 2 mai devrait être publiée par le secrétariat de la CCNUCC une nouvelle synthèse de ces « contributions nationales ». Deux semaines plus tard débutera la session traditionnelle de Bonn, en Allemagne, où les délégations vont tenter de constituer un comité ad hoc pour la mise en œuvre de l’accord de Paris. D’ici à novembre, et le passage de relais au Maroc, pays organisateur de la COP22 à Marrakech, la présidence française espère faire progresser deux autres chantiers. Elle doit veiller à l’implication des acteurs non étatiques (collectivités territoriales et entreprises) et veut convaincre un maximum d’Etats de ratifier sans tarder l’accord du 12 décembre 2015, qui ne pourra entrer en vigueur qu’une fois ratifié par au moins 55 pays représentants au moins 55 % des émissions des gaz à effet de serre. Une perspective « possible en 2017, probable en 2018 », prédit un négociateur français, conscient de la complexité européenne. L’accord de Paris doit être approuvé à la fois par l’UE et par chacun de ses 28 membres, dont plusieurs ne semblent pas prêts à suivre la voie d’une économie décarbonée. p s. r. |9 FRANCE La France ciblée par le commando de Bruxelles 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Le quartier de la Défense pourrait avoir été visé par les terroristes qui ont frappé en Belgique « dans l’urgence » suite de la première page Le 24 mars, ce Français de 34 ans avait été interpellé et un projet d’attentat « imminent » déjoué, selon le parquet de Paris. Longtemps domicilié en Belgique, le jeune homme avait été condamné par contumace en juillet 2015 pour avoir eu un rôle actif auprès d’un des plus gros recruteurs de djihadistes belges, Khalid Zerkani. Un réseau dont faisait partie Abdelhamid Abaaoud. Alors qu’il avait disparu en Syrie, les enquêteurs avaient découvert qu’il était discrètement revenu en France. Les deux équipes participaientelles au même projet d’attentat ? La France était-elle visée par deux groupes terroristes sans rapport entre eux ? Pour l’instant, aucun lien n’est établi entre le commando de Mohamed Abrini et le projet d’attaque de Reda Kriket. A l’annonce des avancées de l’enquête, le premier ministre Manuel Valls s’est exprimé depuis Alger. « C’est une preuve supplémentaire des menaces très élevées qui pèsent sur toute l’Europe et, bien sûr, sur la France en particulier », a-t-il notamment déclaré. « C’est un travail de longue haleine et nous devons dire aux Français que ce travail se poursuivra longtemps et que ce n’est pas parce que des réseaux sont démantelés que Salah Abdeslam a sans doute menti lors de sa garde à vue en niant avoir vu Abrini dans ses planques d’autres réseaux ne pourront pas frapper », a indiqué, de son côté, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve. Mohamed Abrini a en tout cas été formellement identifié comme étant « l’homme au chapeau », a confirmé durant le weekend le parquet belge. Soit le troisième homme visible sur les images de vidéosurveillance de l’aéroport de Zaventem, à Bruxelles, aux côtés des deux kamikazes. Lors de sa garde à vue, le jeune homme de 31 ans a reconnu sa présence lors des attentats dans la capitale belge. Mohamed Abrini a expliqué avoir jeté sa veste dans une poubelle puis revendu son chapeau après avoir quitté l’aéroport et rejoint le centre de Bruxelles à pied, le matin du 22 mars. Son ADN avait été auparavant identifié dans deux planques situées sur la commune de Schaerbeek, à Bruxelles. C’est depuis l’une Un Suédois, Osama K., serait le deuxième terroriste du métro l’homme soupçonné d’être le deuxième terroriste du métro bruxellois est un Suédois de 23 ans, Osama K., né de parents syriens. Interpellé vendredi 8 avril au matin à Laeken, dans la banlieue de Bruxelles, Osama K. a été aperçu le 22 mars à la station de métro Pétillon en compagnie de Khalid El Bakraoui, le kamikaze du métro de Maelbeek. Osama K. a été repéré grâce à un message envoyé via Facebook à son frère cadet, permettant à Säpo, les services de sécurité suédois, de prévenir leurs homologues belges. Le jeune homme habitait Malmö, la troisième ville du pays, et plus précisément Rosengård, un quartier assez central connu pour être la porte d’entrée de nombreux immigrants en Suède, ce même secteur où a grandi Zlatan Ibrahimovic. Selon des renseignements publiés dans la presse suédoise, Osama K. a connu le parcours classique de nombreux candidats au djihad – défiance vis-àvis de la société, exclusion, difficultés à obtenir un emploi. Un parcours qui, comme ses complices de Molenbeek, l’a mené de la délinquance au terrorisme. Le jeune homme aurait été lié depuis des années avec un réseau criminel de Malmö, impliqué dans des affaires de violences et de trafic de drogue. Son endoctrinement fondamentaliste a eu lieu à Malmö, selon un proche de la famille cité dans un quotidien suédois. Osama K. a cessé de consommer alcool et drogue en s’inscrivant dans un projet d’aide à l’emploi au sein des services de loisirs de la commune de Malmö où il aurait passé un an. Sa transformation serait devenue très visible dans les deux à trois derniers mois avant son départ pour la Syrie. Il s’était écarté de ses anciens amis, s’était laissé pousser la barbe et écoutait des prêches d’imams sur son téléphone mobile. Début 2015, il part pour la Syrie. Dès janvier 2015, un blog avait publié une photo du jeune homme en treillis et bandeau noir, une kalachnikov dans la main droite, devant un drapeau noir de l’organisation Etat islamique. « Puisse Allah t’aimer », avait commenté son jeune frère Anas le même jour sur Facebook. « Je ne reviens pas » Une tante qui habite également à Malmö a raconté à la télévision suédoise que la famille a reçu un coup de téléphone de sa part en provenance de l’étranger. « Je suis avec eux, je ne reviens pas », aurait-il assuré à ses proches. Il y a quelques mois, toujours selon cette parente, la mère d’Osama K. avait voulu lui rendre visite en Turquie, « mais ça n’a pas marché ». Le jeune homme serait revenu de Syrie à l’automne 2015 à l’aide d’un faux passeport syrien au nom de Naïm Al-Hamed, en se faisant passer pour un réfugié, transitant par l’île grecque de Leros et la ville allemande d’Ulm. De là, il a rejoint la Belgique dans une voiture louée par Salah Abdeslam. Mohamed Belkaid, tué mardi 15 mars par la police belge lors de la perquisition d’un appartement de Forest, au cours de laquelle Salah Abdeslam s’était enfui, avait également une connexion avec la Suède. D’origine algérienne, Belkaid avait épousé une Suédoise et avait vécu en Suède à partir de 2010. En 2009, deux experts suédois du terrorisme mettaient en garde dans un rapport contre les dérives constatées dans le quartier Rosengård. Selon l’un de ces experts, Magnus Ranstorp, spécialiste du terrorisme auprès de l’Ecole des études de la défense, la Suède a longtemps été un pays idéal où se cacher pour les réseaux terroristes car les autorités refusaient de voir la réalité. La ville de Malmö est toujours critiquée pour minimiser la menace fondamentaliste. p olivier truc (stockholm, correspondance) d’elle, rue Max-Roos, que sont partis les terroristes, le 22 mars, et dans la seconde, rue Henri-Bergé, qu’ont été confectionnées les ceintures explosives pour les attentats du 13 novembre à Paris. C’est là aussi que Salah Abdeslam, le dixième homme du commando parisien, a en partie séjourné durant sa cavale. Ce qui laisse penser que ce dernier a sans doute menti lors de sa garde à vue, le 19 mars, lorsqu’il a indiqué qu’il n’avait « jamais vu » Mohamed Abrini « dans [ses] différentes planques ». Trois individus ont été interpellés et placés en détention en même temps que Mohamed Abrini, vendredi 8 avril, et plusieurs perquisitions ont eu lieu à leur domicile. Deux d’entre eux ont des profils relativement nouveaux dans la galaxie francobelge sur laquelle travaillaient jusqu’à présent les enquêteurs. Ils donnent un aperçu de l’ampleur de la toile djihadiste prête à passer à l’action en Europe. Le premier, Osama K., est un ressortissant suédois. Il a été identifié comme étant l’individu aux côtés du kamikaze qui a commis l’attentat de la station de métro Maelbeek. Il était également présent dans un centre commercial, City 2, lors de l’achat des sacs de voyage qui ont servi à dissimuler les bom- bes des attaques de l’aéroport. Jusqu’ici, Osama K. était recherché sous l’identité d’emprunt figurant sur son faux passeport syrien – Naïm Al-Hamed. Le deuxième homme arrêté, Hervé B. M., âgé de 20 ans, est rwandais. Le troisième homme, lui, est un ancien du groupe Sharia4Belgium. Ce groupuscule actif entre 2010 et 2012, en Belgique, Le djihadiste Fabien Clain en France en janvier 2015 Connu pour avoir enregistré depuis la Syrie le message de revendication des attaques du 13 novembre, Fabien Clain était à Toulouse fin janvier 2015, soit peu après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, a indiqué Le Journal du dimanche, le 10 avril. Selon l’hebdomadaire, l’homme, supposé être parti en Syrie en 2014, y aurait acheté dans une enseigne spécialisée du matériel d’enregistrement, un casque audio professionnel, un appareil permettant de transformer les voix, des enceintes… pour un montant de 3 557 euros. C’est un des vendeurs qui a reconnu son portrait diffusé dans les médias. prônait ouvertement l’instauration de la charia, y compris par la violence. Bilal E. M., 27 ans, alias Abu Imran, était un sympathisant du mouvement. Sa participation active n’a pas été prouvée à l’époque, mais il est établi qu’il a effectué un séjour en Syrie – comme la quasi-totalité du noyau dur de Sharia4belgium – dont il est revenu gravement blessé. Dans le jugement rendu en février 2015 à l’issue du procès de 46 membres du groupe, la justice belge s’était inquiétée de la persistance des réseaux de Sharia4Belgium malgré les condamnations prononcées – douze ans de prison notamment pour le leader du groupe, Fouad Belkacem. Bilal E. M., lui, avait été laissé libre sous bracelet électronique. Il est aujourd’hui soupçonné d’avoir directement aidé Mohamed Abrini et Ossama K. dans leurs projets. p élise vincent 10 | france 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Au plus bas, Hollande croit toujours en ses chances Le chef de l’Etat, qui sera sur France 2 jeudi soir, mise sur l’essoufflement de la mobilisation contre la « loi travail » L a semaine qui s’ouvre s’annonce décisive pour François Hollande. A un an de l’élection présidentielle, le chef de l’Etat doit participer, jeudi 14 avril, à une émission politique sur France 2 face à un panel de Français. L’occasion pour lui d’affronter pendant près de quatre-vingt-dix minutes, face à ses citoyens, la réalité d’un pays qui, de sondage en sondage, rejette tout autant sa politique que sa personne. Selon une enquête de l’IFOP, publiée dans Le Journal du dimanche du 10 avril, huit Français sur dix ne souhaitent pas que le président de la République soit candidat en 2017 : 54 % ne le veulent « pas du tout », 26 % « plutôt pas », tandis que seulement 6 % sont « tout à fait » favorables à son éventuelle candidature. Un véritable camouflet pour M. Hollande dont le socle électoral se réduit comme peau de chagrin, semaine après semaine. En dépit de ces signaux d’alerte, le chef de l’Etat veut toujours croire en ses chances pour la présidentielle. Et l’émission de jeudi est une preuve supplémentaire qu’il se prépare. « S’il dialogue avec des Français, qui seront sûrement pour beaucoup mécontents et critiques, c’est qu’il veut envoyer un signe aux électeurs et leur dire : “Je prendrai le temps de vous reconquérir” », admet un proche du président. Au lendemain de la course Paris-Roubaix, le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, fait d’ailleurs dans la métaphore cycliste pour l’inviter à « se mettre en route et à rouler à un rythme élevé, car c’est le bon moment ». Mobilisations en baisse L’exécutif parie sur différents facteurs pour remettre en selle le chef de l’Etat. D’abord, les mobilisations en baisse, samedi, contre le projet de loi travail. Accompagnées d’affrontements avec les forces de l’ordre, celles-ci font croire au pouvoir que l’opposition Des proches du président de la République s’inquiètent que la créature Macron ’échappe à son maître syndicale est en train de s’essouffler et qu’elle pourrait devenir à terme, du fait des violences, impopulaire dans l’opinion. Ensuite, le vote par le PS, ce weekend, du principe d’une primaire de la gauche. Pour M. Hollande, ce n’est pas une mauvaise nouvelle. La question de sa participation à une telle primaire en est devenue la clé de voûte : soit les communistes, les écologistes et les frondeurs socialistes finissent par l’accepter, soit la primaire ne pourra, à terme, que se disloquer. Primaire brutale à droite Enfin, les récentes attaques de François Fillon contre Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ou Bruno Le Maire indiquent que la primaire à droite a véritablement commencé et qu’elle s’annonce brutale. La gauche socialiste espère en profiter pour repolitiser le débat. « Le président est très bas, mais dans un paysage politique décomposé. Il doit s’en servir pour reprendre patiemment la pédagogie de son quinquennat. Sa carte, c’est qu’il est le président, donc le seul émetteur qui peut donner des explications et des repères aux Français », explique un ami de M. Hollande. Une carte que le chef de l’Etat a bien l’intention d’abattre jeudi soir sur France 2. « Ce sera avant tout une émission pour mettre en perspective tout ce qui a été fait depuis quatre ans et pour éclairer l’année qui vient. Ce sera un exercice de transparence et d’explication », précise l’un de ses conseillers. Les mesures de Manuel Valls pour calmer la colère des jeunes aide à la recherche d’emploi, bourses, couverture santé, logement… Le premier ministre, Manuel Valls, devait présenter aux organisations de jeunesse, réunies à l’hôtel Matignon lundi 11 avril en fin de matinée, une série de mesures pour lutter contre la précarité des jeunes à l’entrée sur le marché du travail. Le gouvernement va amender le projet de loi travail pour rendre obligatoire la surtaxation des CDD, lesquels concernent 87 % des premières embauches. Cela passera par la modulation des contributions patronales à l’assurance chômage, dont les partenaires sociaux sont invités à définir les conditions. C’était attendu : à côté de la « garantie jeunes » pour les 16-25 ans peu ou pas diplômés, une « aide à la recherche du premier emploi » sera créée à la rentrée 2016 pour les diplômés d’origine modeste, du CAP au diplôme d’ingénieur, qui entrent sur le marché du travail en situation d’inactivité. Ainsi, les boursiers continueront à toucher leur bourse pendant quatre mois après leur diplôme. Cela représente une dépense potentielle de 130 millions d’euros par an. D’autres mesures sont destinées à améliorer les conditions de vie des jeunes. Une garantie locative universelle sera mise en place. L’Etat et Action logement se porteront garants de tous les moins de 30 ans souhaitant louer un logement. Cela pourrait concerner 300 000 d’entre eux, et coûter une centaine de millions d’euros. Par ailleurs, 25 000 étudiants ne perçoivent aucune aide financière, mais sont dispensés de payer les droits d’inscription à l’université. Ils percevront dorénavant 1 000 euros par an. La mesure, destinée à aider les classes moyennes, représente 25 millions d’euros. En outre, les bourses versées sur critères sociaux aux lycéens seront revalorisées de 10 %. Coût de cette disposition : 28 millions d’euros. Augmentation des apprentis Les jeunes en rupture avec leur famille pourront dorénavant bénéficier d’une couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). La mesure, qui devrait concerner 30 000 à 50 000 jeunes, représente une dépense de 15 à 20 millions d’euros. La rémunération des apprentis les plus jeunes, moins bien payés, sera revalorisée. Une enveloppe de 80 millions d’euros dans le budget de 2017 permettra une augmentation de 300 à 400 euros par an pour les apprentis de moins de 20 ans. Enfin, un plan de création de deux mille places en sections de techniciens supérieurs (qui délivrent le BTS) par an pendant cinq ans sera lancé à la rentrée 2016, pour un coût de 120 millions d’euros sur cinq ans. p benoît floc’h Pas de grande annonce à attendre, qui risquerait de polluer la pédagogie présidentielle, mais la pose d’une première pierre pour la future campagne, donc. « Hollande ne va pas réussir en une émission à reconquérir la tête et le cœur des Français, mais il peut montrer qu’il est dans une écoute et un dialogue directs avec le pays », explique un ministre. Reste deux grandes inconnues pour M. Hollande. Qu’a réellement l’intention de faire Emmanuel Macron, qui a lancé mercredi 6 avril son propre mouvement politique ? Pour l’instant, l’exécutif se persuade que le ministre de l’économie va permettre de rabattre des voix vers le président de la République dans la perspective de 2017. Mais plusieurs proches du chef de l’Etat s’inquiètent déjà que la créature Macron n’échappe à son maître, et que le patron de Bercy finisse par rouler pour son propre compte. Surtout, comment répondre au mouvement citoyen Nuit debout, qui, jour après jour, gagne en intensité et en visibilité dans plusieurs villes du pays ? Le pouvoir ne parvient toujours pas à saisir cette mobilisation protéiforme, sans chef de file ni revendications catégorielles, qui s’oppose certes à la réforme El Khomri mais va plus loin, en prônant une démarche plus large de changement du système. « Nuit debout, c’est un problème pour Hollande, car, c’est en grande partie son électorat de 2012 qui est dans la rue et qui exprime sa colère en disant : “On s’est fait avoir, plus jamais ça” », explique le député PS, Malek Boutih. Lundi 11 avril, le premier ministre, Manuel Valls, devait faire des annonces concernant la jeunesse, A Paris, la police évacue Nuit debout Une centaine de participants au mouvement Nuit debout ont été évacués par la police, lundi 11 avril, vers 5 h 30 du matin, place de la République, à Paris. Selon une source policière, citée par l’AFP, « une nouvelle déclaration de manifestation a été déposée, signifiant que le mouvement pourra reprendre lundi soir ». Lancé le 31 mars à Paris au soir d’une journée de mobilisation contre le projet de loi travail, Nuit debout s’est étendu depuis à une soixantaine de villes. Dans la capitale, des incidents ont émaillé la Nuit debout de samedi à dimanche, quand quelques centaines de personnes ont voulu se rendre au domicile du premier ministre, Manuel Valls – alors en déplacement en Algérie. Huit d’entre elles ont été interpellées. avant de dévoiler, mercredi 13 en conseil des ministres, le projet de loi égalité et citoyenneté, puis de se rendre, jeudi 14, à Mantes-la-Jolie, pour faire la promotion du plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté. Citoyens en rupture de ban Autant de thématiques sociales en résonance avec les débats de Nuit debout. Pas sûr pour autant qu’elles séduisent ces citoyens en rupture de ban avec la classe politique traditionnelle. « Nuit debout, il faut les laisser vivre, mais quoi que l’on fasse, c’est un mouvement qui rejette le PS comme il rejette Mélenchon, Duflot, Montebourg ou Besancenot », conseille un dirigeant socialiste. Une façon de dire que M. Hollande ne doit pas chercher à convaincre ces Français réunis sur les places des centres-villes et qui se sont définitivement détournés de lui, mais tous ceux qui, pour l’instant, restent chez eux. p bastien bonnefous france | 11 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Anne Hidalgo fait de Paris son laboratoire Deux ans après son élection, la maire de la capitale s’érige en gardienne du temple des idées de gauche S ous l’immense verrière jaune-vert de la Canopée, le col de son blazer bleu relevé pour se protéger du froid, elle sourit aux uns, embrasse les autres, enchaîne les selfies. Ce samedi 9 avril, Anne Hidalgo fête ses deux ans de mandat façon « speed dating » avec les Parisiens au forum des Halles. Mais la maire de Paris sort soudain ses griffes quand une question surgit sur le mouvement En marche !, lancé par Emmanuel Macron, le 6 avril. « Je pense que ce n’est pas de l’administration de Bercy que viendra le renouvellement du pays. J’ai un petit doute là-dessus. J’attends que le ministre de l’économie pose des actes en tant que ministre. » Puis, en s’éloignant, elle lâche : « Je n’ai pas besoin de lancer un mouvement. Moi, j’ai Paris ! » L’estocade en dit long : Mme Hidalgo s’estime au moins aussi légitime que le ministre de l’économie pour incarner une forme de modernité à gauche. Alors que le gouvernement s’abîme dans les sondages, elle maintient sa popularité à flots. 52 % des Parisiens approuvent son action, selon un sondage IFOP pour le Journal du dimanche (réalisé du 29 mars au 1er avril auprès de 987 personnes), soit seulement 1 % de moins qu’en 2014. Si les critiques portent sur la propreté, le logement ou la circulation, sa décision emblématique d’interdire le diesel d’ici à 2020 ou de « piétoniser » les berges de la Seine en 2016 sont largement appréciées. Dès son élection, et surtout depuis les attentats terroristes de 2015, Mme Hidalgo entend faire de la capitale le laboratoire d’un renouvellement de la participation des citoyens à la vie politique. En bonne communicante, elle en fait un cheval de bataille de son action publique. Au-delà de la simple consultation de la population, il s’agit de « remettre la déli- bération et la confrontation au cœur du fonctionnement de la démocratie représentative », dit-elle. Elle s’est dotée d’un budget participatif de près de 100 millions d’euros, un outil pour permettre aux citoyens de « coproduire », dit-elle, l’action municipale. Nathalie Kosciusko-Morizet, la patronne de la droite parisienne, voit dans cette panoplie de la « méthode Hidalgo » autant de « simulacres destinés à masquer une concertation factice des habitants sur les chantiers de la ville ». Mme Hidalgo se prévaut aussi de réussir à gouverner Paris par-delà 52 % des Parisiens approuvent son action, selon un sondage les clivages partisans. Ce qui l’autorise, pense-t-elle, à donner à M. Macron ainsi qu’à Manuel Valls quelques conseils sur l’art et la manière de faire bouger les lignes pour refonder la gauche, objectif qu’ils se sont fixé. « C’est en affirmant ses valeurs, humanistes et sociales-démocrates, que la gauche peut porter des projets avec la droite, proclame-t-elle, et non en diluant ses idées dans une dérive droitière. » « Anne est stratège. Elle sait jusqu’où faire des compromis sans renoncer à ses convictions », observe Christophe Girard, maire (PS) du 4e arrondissement. Dans la forme, « entre sa façon de tirer à boulets rouges sur le gouvernement et sa pratique politique, il y a un contraste, confirme le communicant Philippe Grangeon, proche de la maire de Paris. Elle est moins clivante, moins brutale et plus collective à Paris ». Sur le fond, « les milieux économiques redoutaient son côté inspectrice du travail, ils lui trouvent presque un petit côté Macron dans sa façon de tout mettre en œuvre pour aider les entreprises à se créer à Paris », observe Nicolas Hazard, entrepreneur et président du conseil stratégique de Mme Hidalgo. Soit une trentaine de personnalités (chercheurs, artistes, sportifs, patrons…) que Mme Hidalgo utilise comme « capteurs » pour orienter ses choix. La cible des vallsistes Dans la promotion de son bilan, Mme Hidalgo veille à ne jamais se poser en contre-modèle de la méthode gouvernementale. « J’essaie à travers Paris de tracer une route dans laquelle on puisse tous s’engouffrer et qui soit positive. Si ce que je fais peut servir à d’autres, tant mieux », glisse-telle. Mais à force de l’entendre vanter son action tout en critiquant celle du gouvernement, une partie du PS s’agace de sa façon de faire l’antijeu vis-à-vis de son propre camp. Mme Hidalgo est devenue la cible de l’entourage de M. Valls. Ses critiques sur la loi El Khomri, le travail du dimanche sont interprétées comme des « postures ». « Valls ne comprend pas qu’elle le tape autant, confie un parlementaire vallsiste, d’autant qu’il ne fait rien pour la gêner à Paris. Au contraire. » La garde rapprochée du premier ministre décèle chez elle les signes annonciateurs de son ambition présidentielle. « Aujourd’hui, Anne ne pense qu’à une chose : rester maire de Paris en 2020, explique un parlementaire vallsiste. Une fois réélue, rien ni personne ne l’ar- « Entre la façon qu’a Anne Hidalgo de critiquer le gouvernement et sa pratique politique, il y a un contraste » PHILIPPE GRANGEON communicant rêtera. A la primaire de 2021, on aura droit au match entre une Andalouse et un Catalan », prédit-il. Mme Hidalgo répète « qu’elle n’aspire pas à prendre une place autre que celle de maire de Paris ». Mais à la façon dont elle s’impose à Paris et dans le débat national, la gauche du PS veut croire qu’elle sera un jour son porte-drapeau. « Anne Hidalgo sortira intacte du quinquennat de Hollande contrairement à quelques grands brûlés du gouvernement. Elle jouera, avec d’autres, un rôle de premier plan, dans la recomposition de la gauche après 2017 », prédit le député (PS) de la Nièvre, Christian Paul. Quelques élus « frondeurs » ont même poussé la porte de son bureau à l’hôtel de ville pour sonder ses intentions de se présenter en 2017. Mme Hidalgo les a gentiment éconduits. « François Hollande doit se représenter. Il n’y a pas d’échappatoire possible pour lui. Il doit assumer ce qu’il a fait et l’expliquer au Français », lâche-telle avec dépit. p béatrice jérôme La « bienveillance » particulière d’Emmanuel Macron C’ était dit avec le sourire, presque avec candeur, sur ce ton juvénile du gendre idéal à qui l’on donnerait le bon Dieu sans confession. « J’ai une règle de vie : c’est la bienveillance. Je n’ai pas besoin pour exister de dire du mal des autres », a juré Emmanuel Macron, dimanche 10 avril, sur le plateau du « 20 heures » de France 2. Cette « bienveillance », le ministre de l’économie en a pourtant donné une définition bien particulière pendant les douze minutes d’interview, la première à la télévision depuis le lancement de son mouvement, En marche !, mercredi 6 avril. Oh, bien entendu, M. Macron l’assure : il est « attaché à [sa] relation personnelle à François Hollande », et, pour cela, il « ne [fera] rien qui fragilise le président de la République ». Il n’empêche. En l’écoutant, dimanche soir, revendiquer déjà 13 000 adhérents – « un toutes les trente secondes » – pour son nouveau mouvement, ce n’était pas faire preuve d’une malveillance excessive que de penser le contraire. Ce que veut M. Macron ? Rien moins que de proposer des « solutions radicales » pour le pays. Sous-entendu, la politique actuellement menée par le gouvernement auquel il ap« FAIRE DE partient est trop timide, trop timorée. Parmi ses sujets prioritaires, LA POLITIQUE, « repenser le rapport au travail ». Hollande et Valls apprécieCE N’EST PAS EXERCER MM. ront : au moment où les critiques fusent de toutes parts contre le UNE PROFESSION projet de loi de la ministre du traRÉGLEMENTÉE » vail, Myriam El Khomri, M. Macron laisse entendre qu’il faut aller EMMANUEL MACRON beaucoup plus loin, ce qui est une ministre de l’économie façon bien particulière de proet des finances mouvoir la réforme en cours. Ce n’est pas tout. Dimanche, on aura aussi entendu cette petite phrase : « Faire de la politique, ça n’est pas une profession réglementée. » Là encore MM. Hollande et Valls auront été heureux d’entendre en quelle estime leur ministre de l’économie tient ceux qui, comme eux, ont passé leur vie dans un parti ou à se présenter aux élections. Et puis, il y eut ces deux questions. La première : qu’aurait fait M. Macron si le chef de l’Etat lui avait dit : « Non, (…) ce mouvement, je ne veux pas que tu le lances » ? « J’aurais pris mes responsabilités », s’est contenté de répondre l’intéressé, comme pour dire qu’il n’aurait pas pour autant renoncé. Seconde question : « Vous êtes avec François Hollande, c’est votre candidat ? (…) S’il est candidat, le soutiendrez vous ? » A celle-là, chacun aura constaté que M. Macron s’est bien gardé de dire « oui ». Dans le registre de l’esquive, c’était parfaitement maîtrisé. Comme preuve de « bienveillance », c’était beaucoup moins convaincant. p thomas wieder 12 | france 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 500 000 C’est, en euros, le montant des dégâts occasionnés par les manifestations contre la « loi travail » dans les lycées, selon la présidente (Les Républicains) de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse. Invitée de l’émission « C politique » dimanche 10 avril, sur France 5, elle a affirmé que la région porterait « plainte systématiquement contre toutes les dégradations, contre toutes les violences », et a reproché son manque de réaction au gouvernement. « Je demande qu’il y ait une condamnation ferme, définitive et sans ambiguïté de ces violences », a-t-elle déclaré. – (AFP.) J UST I C E Un prêtre guyanais en correctionnelle pour agression sexuelle Un prêtre de Macouria (Guyane) a été renvoyé en correctionnelle dimanche 10 avril pour « agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans ». Il reconnaît « des câlins et des accolades » mais réfute les attouchements décrits par la victime présumée de 13 ans. Le 4 avril, la famille de celle-ci avait rencontré l’évêque de Cayenne pour dénoncer les agissements de ce prêtre sexagénaire. L’évêque s’était ensuite entretenu avec lui et lui avait demandé de se présenter à la gendarmerie – (AFP.) Perquisition au domicile de Bernard Squarcini Dans les couloirs du centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, le 19 mars. JEAN-FRANÇOIS JOLY POUR « LE MONDE » A Nanterre, le centre médical des SDF, un lieu unique en sursis Les sans-abri vieillissant, les pathologies chroniques se multiplient L REPORTAGE e premier car est arrivé à 16 heures et la salle d’attente est pleine. Manteaux et doudounes boutonnés ou zippés, bonnet sur la tête, lestés de sacs en plastique pleins de leurs maigres affaires, une cinquantaine de SDF attendent l’ouverture du guichet du CASH, le centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre (Hauts-de-Seine). Epaules voûtées, tête baissée, ces sans-abri malades ont pris le bus puis claudiqué jusqu’à un siège en plastique. Certains grignotent des biscuits, d’autres somnolent. Le docteur Jacques Hassin, celui qu’ils appellent « El doctor », en salue quelques-uns, se penche sur une femme qui secoue la tête désespérément, le visage hagard. Dans une heure, il recevra ses premiers malades. Les autres passeront la nuit dans un lit propre. Dans ces locaux vieillots de l’hôpital Max-Fourestier, ce sont les plus exclus, les plus abîmés qui arrivent en trois vagues entre 16 heures et 21 heures, avec leur lot de souffrances et de solitude : « Des personnes au bord du monde », comme les décrit le médecin. Le CASH est le seul havre pour ceux qui ne tiennent plus debout et ont besoin d’un lit médical. On l’appelait autrefois le « dépôt mendicité » et les locaux avaient piètre réputation. Il a été rénové – un peu – et les SDF n’y sont plus amenés de force. La population à la rue a elle aussi changé depuis la création du centre médical en 1984. Ce ne sont plus de grands marginaux qui viennent se faire soigner comme il y a vingt ans. Mais des hommes en majorité, des femmes isolées et, de plus en plus, des vieux. Et le centre de soins doit désormais faire face aux mêmes pathologies que n’importe quel hôpital. « C’en est fini du clochard avec sa jambe pleine de plaies. On a des malades beaucoup moins abîmés physiquement mais avec des cancers, ou des psychotiques dépendants de l’alcool ou du cannabis. Et surtout des gens plus vieux avec les maladies de tout le monde », explique un responsable du Pôle d’accueil et d’orientation. La réussite exemplaire d’un ESAT au cœur d’un village En librairie 168 pages • 15 € www.presses.ehesp.fr C’est le seul lieu réservé aux SDF qui allie le sanitaire et le social « Etre dans la rue laisse une trace indélébile et même après vingt ans, je ne sais pas à quel point c’est dur », souligne le docteur Hassin, qui a voulu construire un lieu où « on lie le sanitaire et le social ». Ici, les sans-abri trouvent à la fois un repas chaud, une douche, un lit et des soins médicaux. Tous les soirs, 257 personnes (hommes et femmes majeurs) amenées par les bus de la Préfecture de police, ceux de la RATP ou ceux du SAMU social des Hauts-de-Seine, y sont hébergées et soignées. Plus aucune protection sociale Ici, en plus de l’abri pour la nuit, ces personnes démunies vont trouver un peu de chaleur et de l’attention. Seule obligation, décliner une identité et laisser ses bagages à l’entrée. Beaucoup s’inventent une identité pour ne pas laisser de trace. Les personnels voient ainsi revenir une « Claudia Chiffon », un « Monsieur Marshmallow » et plusieurs « Nicolas Sarkozy ». Ceux-là n’ont plus aucune protection sociale. Dans le couloir de l’aile médicale, une affiche explique en mots simples les ravages de la consommation d’alcool. Une autre décrit le fonctionnement des poumons. Les SDF sont déjà plusieurs à attendre avec leur kit à la main : à l’entrée on leur a remis un drap, une serviette, un gant présavonné, du shampooing et de la mousse avec un rasoir. Plus de brosse à dents et de dentifrice, depuis que Colgate a arrêté ses dons. Et le budget du centre ne permet pas d’aller audelà du kit sommaire. Car le centre d’accueil et de soins hospitaliers, présidé par le préfet de police, est en déficit chronique. Comme pour de nombreux autres établissements, le renouvellement de son autorisation est décidé après évaluation de ses activités : en clair, son devenir n’est pas garanti. C’est pour- Le domicile parisien de Bernard Squarcini, l’ancien patron du renseignement intérieur, a été perquisitionné vendredi 8 avril dans le cadre de trois enquêtes, dont celle sur les accusations de financement libyen de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007. L’opération a été menée par des juges d’instruction et des policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. – (AFP.) F I S C ALI T É La majorité en Ile-deFrance veut une taxe sur les poids lourds La majorité de droite à la tête de la région Ile-de-France veut instaurer une « écotaxe » pour les poids lourds en transit dans la région, indique dimanche 10 avril dans le JDD Chantal Jouanno, vice-présidente (UDI) chargée de l’écologie. Un plan d’action contre la pollution sera proposé au vote en juin. « La région n’a pas le pouvoir de mettre en place seule ce dispositif, un décret sera nécessaire, mais je ne doute pas que le gouvernement nous suivra », affirme Mme Jouanno. – (AFP.) GEN DAR MER I E Un gendarme décède lors d’une course-poursuite Un gendarme de la brigade motorisée de Beaune (Côte-d’Or) est mort dimanche 10 avril. En prenant en chasse un motard roulant à vive allure, la victime, âgée de 41 ans, a percuté une voiture arrivant en sens inverse. – (AFP.) tant le seul lieu réservé aux SDF qui allie le sanitaire et le social. La direction de l’Agence régionale de santé (ARS) assure soutenir la structure, consciente qu’avec le vieillissement de la population à la rue, sa pérennité est indispensable. « On réfléchit à son avenir en le liant à l’hôpital Louis-Mourier pour retrouver un équilibre, explique-t-on à l’ARS. Mais il va falloir ouvrir d’autres structures dans Paris intra-muros ». Dans une des salles de soins, Keleme (les prénoms ont été changés), une Ethiopienne de 47 ans, attend son tour. Elle vient là tous les jours depuis la mi-janvier. « La rue, c’est très dur pour une femme… », souffle-t-elle dans un sourire, en expliquant souffrir d’une neuropharyngite. « Les gens du SAMU social m’ont dit de venir ici parce que j’avais si mal à la tête. Mais faut batailler pour monter dans le bus, faire la queue pour avoir un lit. Mais heureusement que ça existe, c’est gratuit », raconte-t-elle. De l’autre côté de la cour, l’unité de soins hospitaliers héberge les plus abîmés, ceux qui ne peuvent plus reprendre le bus le matin. « La plupart restent le temps d’être remis sur pied. Et on en a deux ou trois qui ne repartent plus. Ils sont trop vieux », relate Aida, une aide-soignante. Des têtes passent derrière les rideaux, guettent le médecin. D’autres corps un peu plus valides déambulent avec leur perfusion. Il y a là des cancéreux, des patients souffrant de pathologies cardiaques mal traitées, de complications de maladies chroniques. « Il y a vingt ans, ils seraient déjà morts », constate le docteur Hassin. Daniel a appris qu’il va devoir laisser son lit demain matin. Blessé après avoir été renversé par un vélo, il est dit guéri depuis deux jours. Cet ancien électromécanicien qui travaillait pour un soustraitant des centrales EDF du côté de Chinon, est à la rue depuis qu’il a été licencié après un accident du travail. Le quadragénaire a tenté 350 appels au 115 pour trouver un lit pour la nuit, avant d’atterrir à Nanterre. « C’est grâce à eux que je dors », glisse-t-il. Demain matin, après le petit-déjeuner, il retentera sa chance par le bus Porte de la Villette. S’il arrive à monter dedans. p Un guide pratique d’éducation distribué aux nouveaux parents sylvia zappi gaëlle dupont A partir du 11 avril, tous les couples qui attendent leur premier enfant, soit environ un million de personnes chaque année, recevront un petit livret d’une quinzaine de pages. Les auteurs de ce « livret des parents » sont la Caisse nationale d’allocations familiales, les ministères des familles et de la santé, et la Sécurité sociale. Rien d’institutionnel pourtant, dans ce document au contenu innovant. Pour la première fois, les pouvoirs publics cessent de se cantonner aux prestations sociales ou au suivi médical de la grossesse quand ils s’adressent aux futurs parents. Ils délivrent conseils et ressources. Au premier rang desquels une mise en garde concernant les châtiments corporels. « Frapper un enfant ( fessée, gifles, tapes, gestes brutaux) n’a aucune vertu éducative, explique le document. Les punitions corporelles et les phrases qui humilient n’apprennent pas à l’enfant à ne plus recommencer, mais génèrent un stress et peuvent avoir des conséquences sur son développement. » Le tout « sans culpabiliser les parents qui, à un moment, n’ont « FRAPPER UN pas imaginé d’autres solutions ». ENFANT (FESSÉE, Il s’agit de la concrétisation d’une promesse faite par la ministre des familles GIFLES, TAPES) Laurence Rossignol après la condamnaN’A AUCUNE VERTU tion symbolique de la France par le Conseil de l’Europe en mars 2015 pour son absence ÉDUCATIVE » d’interdiction des châtiments corporels. Elle avait, à l’époque, exclu de légiférer sur LIVRET DES PARENTS ce sujet très polémique et prôné une sensibilisation des futurs parents. Le livret donne quelques repères sur la petite enfance (les pleurs sont les seuls moyens d’expression du bébé, se fâcher contre lui ne sert à rien ; les colères des 18-24 mois sont liées à l’affirmation de soi, etc.) et des conseils pratiques (en cas d’épuisement, confier temporairement son enfant à une personne de confiance…). Le document se réfère à la Convention internationale des droits de l’enfant, qui établit leurs droits : être respecté dans son intégrité, sa pudeur et son intimité, être éduqué notamment par le jeu avec ses parents, être protégé… Il cite également le code civil, selon lequel « les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». L’ensemble, qui se veut accessible, est court. Ceux qui souhaitent aller plus loin sont renvoyés à des sites Internet sélectionnés, au numéro 0-800-00-34-56 (Allô parents bébé), ou à des associations. Le document, téléchargeable sur Familles-enfancedroitsdesfemmes.gouv.fr, s’adresse à tous. La demande des jeunes parents est forte, car les « recettes » héritées de leurs propres parents ne sont plus transposables directement, et la saturation d’informations sur le sujet peut dérouter. « Sur Internet, on trouve tout et son contraire, explique-t-on dans l’entourage de Laurence Rossignol. Nous voulions fournir une information et des références validées. » L’Union nationale des associations familiales (UNAF) et l’Ecole des parents et des éducateurs (réseau de soutien à la parentalité) ont été associées à cette démarche. Une étude réalisée sur l’ancien livret de paternité, devenu obsolète, avait montré que le document était largement consulté par ses destinataires. p enquête | 13 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Des réfugiés syriens font la queue pour une consultation à la clinique de Fatih, à Istanbul. HOLLY PICKETT POUR « LE MONDE » La double vie de la clinique de Fatih Chaque soir, lorsque les praticiens turcs quittent cet établissement du cœur d’Istanbul, un groupe de médecins syriens prend la relève pour s’occuper gratuitement des réfugiés de leur pays maryline baumard istanbul - envoyée spéciale C artable en main, veste sur le dos, les médecins turcs sortent sur l’avenue Fevzi Pasa, leur journée terminée. A Fatih, dans le cœur historique d’Istanbul, les magasins abaissent leur rideau. Il est 17 h 30, l’heure où les lumières artificielles réveillent la face noctambule de la mégapole, en ce début mars. La clinique de Fatih a rejoint le monde de la nuit. Chaque soir de semaine, depuis le 2 novembre 2015, elle ne ferme plus ses portes. Au 11 de l’avenue, coincé entre des boutiques de mode, des femmes voilées et des hommes au visage fatigué guettent le signal. Dès que le panonceau de bienvenue en arabe est affiché, ils s’engouffrent dans le bâtiment, tandis qu’au loin retentit l’appel du muezzin. Après quelques minutes de chassé-croisé, le lieu vidé de ses derniers Turcs peut passer à l’heure syrienne. Chaque soir, c’est le même ballet. Une équipe de médecins et de cadres syriens prend possession de ce bâtiment moderne jusqu’à 21 h 30. Pendant cette « journée bis », ils offrent à leurs compatriotes réfugiés à Istanbul les services d’une véritable clinique, avec son plateau technique pour les petites interventions, son service d’imagerie, son laboratoire d’analyses et sa pharmacie. Tout est concentré à la même adresse et absolument gratuit. Stéthoscope dans leur sac et blouse impeccable, prête à être enfilée, c’est au tour de cinq médecins syriens de franchir le seuil de la clinique et de grimper quatre à quatre les deux étages qui les séparent de leur lieu de consultation. Leur journée de travail commence. Dans les couloirs, Shavi Hakki est déjà là, jouant son rôle de facilitateur avec une aisance naturelle. Pour éviter la pagaille d’un flux qui peut monter à 300 personnes, il organise les files d’attente et aide les médecins à ne pas perdre un instant : ils ont à assurer 45 à 50 consultations quotidiennes. A 29 ans, le jeune homme a retrouvé le sourire en arrivant dans ce centre médical. « Ce travail a redonné un sens à ma vie, assure-t-il. J’ai débarqué à Istanbul il y a deux ans. J’y ai rapidement trouvé un emploi de traducteur dans une fabrique de textile, mais j’avoue que j’étais un peu perdu dans le fonctionnement de l’entreprise. Tandis qu’ici, c’est comme chez nous. Un soir, même, une femme m’a embrassée, tellement elle était heureuse de se retrouver au milieu de médecins parlant arabe. Ça m’a ému. Un peu comme le jour d’ouverture, où les gens sont arrivés petit à petit. Ils étaient dix fois moins nombreux qu’aujourd’hui, mais c’était déjà magique. » Shavi Hakki apprécie que cette expérience rende à son peuple une part de sa dignité. Il est fier que, même exilés, les siens soient capables de se prendre en main. « J’aime aider, confiet-il. Et là, on s’entraide tous les uns les autres… C’est ce que je recherchais. Ceux qui vont en Europe ont une autre mentalité, ils veulent gagner de l’argent. S’arrêter ici, c’est différent. » Le jeune homme se rappelle que sa vieille mère l’avait poussé à quitter Damas en lui disant, un jour de 2014 : « Si tu m’aimes, va-t’en. » « AIDER MON PEUPLE ET GAGNER MA VIE » Grâce à l’aiguillage de Shavi Hakki, et à un enregistrement rigoureux des arrivées, chaque médecin dispose rapidement de sa liste de patients de début de soirée. Ce soir-là, le couloir est comble dès 18 heures et le gynécologue comme le pédiatre, le chirurgien ou le généraliste verront chacun une cinquantaine de patients. « Malheureusement, je renverrai les autres et leur dirai de revenir demain. Sauf si c’est une urgence », ajoute Shavi. Dans son cabinet aux murs blancs, Ahmed Aymah, Syrien de 34 ans, insiste sur le temps de l’écoute, malgré la pression. C’est aussi une part de son travail. Globalement, il trouve ses malades « exténués » : « Ils souffrent des conditions dans lesquelles ils vivent. A trois ou quatre familles dans une même pièce, tout devient difficile. Surtout quand s’ajoutent la précarité financière et les traumatismes de la guerre. Beaucoup ne savent plus très bien ce qu’ils cherchent, ce qu’ils attendent. » Cinq ans après le début du conflit, l’espoir d’une réinstallation prochaine en Syrie s’évanouit peu à peu. Sur son bureau très ordonné, les abaisselangue voisinent avec les embouts pour oto- « ON S’ENTRAIDE TOUS LES UNS LES AUTRES… CEUX QUI VONT EN EUROPE ONT UNE AUTRE MENTALITÉ, ILS VEULENT GAGNER DE L’ARGENT » SHAVI HAKKI agent d’accueil à la clinique de Fatih scope, près du grand cahier où il consigne le nom des patients. Ahmed Aymah savoure d’avoir enfin retrouvé ses gestes professionnels. « En partant de Syrie, j’ai fait un long détour avant d’arriver à Istanbul il y a un peu plus d’un an. J’ai tenté l’Egypte, l’Arabie saoudite et le Yémen. Mais nulle part je n’ai vraiment réussi à m’installer. Ici, j’ai cherché du travail pendant un an, je commençais à douter, et puis, il y a quelques mois, on m’a proposé de consulter à la clinique de Fatih. C’est une chance qui m’ôte l’envie de continuer l’aventure, explique-t-il. En plus de renouer avec mon métier, je peux aider mon peuple et gagner ma vie. » Cette clinique, Hakan Bilgin, le responsable de Médecins du monde en Turquie, l’a autant imaginée pour les médecins que pour leurs patients. L’idée s’est imposée à lui le jour où il s’est rendu compte que le laveur de voitures en bas de chez lui était un médecin syrien et que la femme de ménage d’un couple d’amis avait exercé comme neurochirurgienne. « Là, ça a été quasi instantané. En tant qu’humanitaire je me suis dit qu’il me fallait trouver un moyen que ces gens mettent leurs compétences à disposition de leur peuple et j’ai pensé à la clinique de nuit », explique-t-il. En théorie, la Turquie a levé les verrous pour que ces victimes de la guerre voisine accèdent gratuitement à la médecine de base du pays ; mais, dans la pratique, les barrages restent nombreux. Quant aux médecins syriens, la non-reconnaissance de leur diplôme les prive tout bonnement du droit d’exercer. Comme dans nombre d’autres pays. Si la clinique de nuit s’est imposée comme une évidence à Hakan Bilgin, un an aura été nécessaire pour la concrétiser. « Nous ne sommes pas dans un pays sans système médical, observe l’humanitaire, qui a baroudé vingt ans en Afrique et ailleurs. Ici, le pays est organisé et puissant. Il pourrait gérer sans nous, même si nous apportons un vrai plus. Ce qui signifie que nous devons travailler avec les autorités sanitaires. » Sa première mission a été de trouver les partenaires déjà bien implantés localement pour cofinancer et installer le projet. La branche orientale de l’ONG britannique Doctors Worldwide et son ex-président Kerem Kinik ont pesé de tout leur poids pour que l’idée aboutisse, avec l’Organisation internationale pour les migrations. A Paris, Médecins du monde appuie aussi la formule, estimant par la voix de son responsable international, Jean-François Corty, que, « dans un pays qui compte 2,7 millions de Syriens, il ne s’agit pas de créer un système de santé parallèle. En revanche, il y a urgence à imaginer des solutions alternatives pour aider le pays à répondre au défi de l’accueil ». Ce que fait à petite échelle la clinique de Fatih. Depuis un an et demi qu’il est là, Mohamad a fait l’expérience de la difficulté d’une prise en charge médicale à Istanbul. Ce Syrien de 54 ans gagne moins que ce que lui coûte la location de son logement. Sur le long banc qui court tout au long de ce couloir de 50 mètres, où les patients s’entassent, lui et sa fille Sara, 15 ans, attendent de voir leur nom s’afficher au-dessus de la porte du docteur Aymah. « Je ne parle pas encore la langue, concède l’homme dans un anglais parfait, alors, quand je vais chez un médecin turc, je ne parviens pas à faire comprendre mes besoins. Ici, on me comprend et c’est vraiment gratuit. On nous fait les examens et on repart avec les médicaments. » « JE SUIS DÉSOLÉ POUR MES FILS » Le système de santé turc prévoit la délivrance gratuite de médicaments aux Syriens dans la ville où ils sont enregistrés, comme il l’accorde aux Turcs. Pourtant, la théorie reste trop souvent lettre morte, selon les intéressés. « Parce que le pharmacien n’a pas envie de faire l’avance », observe l’un d’eux, qui déplore que certains établissements les fassent attendre des heures, ne les prenant en charge qu’une fois la salle d’attente vidée des nationaux. Avant l’ouverture de cette clinique, Mohamad avait déjà beaucoup fréquenté la médecine du pays. Guide touristique à Damas, il s’était refusé à quitter sa ville jusqu’au jour où le frère aîné de Sara, âgé de 27 ans, a été laissé pour mort après un bombardement. Le père, qui a réussi à le faire évacuer et prendre en charge, a alors décidé d’emmener les siens à Beyrouth, puis à Istanbul. Aujourd’hui, la famille essaie de se reconstruire et de soigner ce fils, encore très souffrant et fragile. « Nous vivions bien à Damas. Aujourd’hui, j’ai trouvé un travail de chauffeur qui ne suffit pas. Alors, mes fils aussi doivent travailler. Celui qui faisait des études d’ingénieur a trouvé un petit emploi dans un restaurant. C’est difficile en tant que père de ne pas pouvoir leur offrir un meilleur avenir. Je suis désolé pour eux », lance-t-il. Dans cette quête d’un nouvel horizon, la clinique de Fatih a été d’un grand secours pour Mohamad et les siens. Pour y avoir amené son fils aîné à maintes reprises, le père connaît le lieu et déclare d’emblée son « infinie reconnaissance pour les médecins d’ici qui ont soulagé les terribles douleurs de mon fils. Son problème n’est pas résolu ; il lui faudrait de lourdes opérations, car son corps reste truffé d’éclats métalliques, mais avoir pu traiter ses souffrances est déjà un pas important ». La clinique dispose du nécessaire pour assurer de petites interventions, mais pas celles dont aurait besoin son fils. En année pleine, les associations humanitaires, aidées par des fonds européens, consacrent 1,2 million d’euros à la clinique. Une somme qui permet de payer les médecins et le « staff », mais aussi de louer cet espace moderne au cœur de la ville. Médecins du monde, qui est déjà présent ailleurs en Turquie et consacre au pays 10 % de son budget global, souhaiterait « faire plus encore, compte tenu de l’ampleur des besoins », affirme Jean-François Corty. L’Union européenne elle-même, dans l’accord très contesté conclu le 18 mars avec la Turquie, a convenu de verser 3 milliards d’euros supplémentaires pour aider Ankara à faire face à l’afflux de réfugiés syriens. Bientôt, à Izmir, une nouvelle clinique de Médecins du monde verra le jour, toujours en partenariat avec Doctors Worldwide. « Là encore, nous ferons travailler des médecins syriens, rappelle Yves Riou, qui gère ce dossier pour Médecins du monde, mais nous serons dans nos murs et ouverts toute la journée. » L’idée des humanitaires est d’y soigner aussi les migrants non syriens, négligés par le système turc. Ils seraient 1 million dans le pays, qui s’ajoutent aux 2,7 millions de réfugiés syriens. En transit ou installés, ceux-là sont dans tous les cas encore un peu plus oubliés que les patients de la clinique de Fatih. p 14 | CULTURE Rêver les ruines, pour mieux s’en relever 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Le Louvre célèbre l’un de ses fondateurs, le peintre et conservateur Hubert Robert, témoin de la Révolution D ART epuis 1933, le Louvre n’avait pas consacré de monographie à Hubert Robert (17331808). Oubli réparé tant vibre, par la qualité des dessins et peintures sélectionnés, l’hommage que rend jusqu’au 30 mai le musée national à ce « peintre visionnaire ». Un artiste prolifique, touche-àtout, témoin de son temps, comme le démontrent les 150 œuvres, dont de nombreux prêts des Etats-Unis, du Canada, d’Autriche et de Russie. Conservateur au Louvre, l’un des premiers, Hubert Robert avait son appartement sous la Grande Galerie et un atelier donnant sur la Cour carrée. Il a témoigné par ses innombrables sanguines sur le vif, aquarelles et peintures, des destructions de Paris à la Révolution française, comme celle de la Bastille, sinistre prison, à l’été 1789 ; ou encore des grandes mutations de la capitale française au siècle des Lumières – démolitions des maisons du pont au Change et du pont NotreDame. Son témoignage résonne dans l’actualité. Il rappelle que les documents les plus précieux sur Palmyre, plus de deux siècles avant son saccage par l’organisation Etat islamique, restent les deux cents dessins de son ami Louis-François Cassas, premier Français à s’aventurer sur ces terres, en mai 1785, à 29 ans, à dromadaire, pour croquer les vestiges de la perle du désert syrien. Si Hubert Robert préférait les mondanités au campement chez les Bédouins, « il a vécu des situations comparables, et connu le vandalisme pour des raisons idéologiques », souligne Guillaume Faroult, commissaire de l’exposition. Sa Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines, peinte en 1796, évoque la récente mise à sac du Musée de Palmyre et celles des Musées de Mossoul et de Bagdad, en Irak. Une voûte omniprésente Emprisonné en 1793 pour ses liens avec la noblesse, il trompe la peur de la guillotine par le travail, réclame ses pinceaux et peint sur tous les supports – jusque sur des assiettes, comme celles qui brossent le quotidien de la prison où il restera plusieurs mois, jusqu’à la mort de Robespierre. Une huile sur toile illustre le ravitaillement des prisonniers à Saint-Lazare par les porteuses de lait. Trafic qui permettait aux malheureux de ne pas mourir empoisonnés par la soupe qu’on leur servait. Visionnaire encore, « Hubert Robert a joué un rôle déterminant au XVIIIe siècle en initiant des liens « Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruine » (1796), de Hubert Robert. JEAN-GILLES BERIZZI/RMN-GP très profonds entre art et musée, s’enflamme Sébastien Allard, directeur du département des peintures du Louvre. Garde des tableaux du roi, il achetait, faisait restaurer et pensait aux aménagements des espaces. C’était un de nos grands illustres prédécesseurs. » En 1796, son Projet pour éclairer la galerie du Musée par la voûte imagine l’éclairage zénithal de la Grande Galerie, qui demeure. Il a fait ses classes, comme Cassas, à Rome, entre 1754 et 1765, où il retient les leçons d’architecture de Piranèse et Panini. Les ruines sont à la mode avec le Grand Tour, puis avec la campagne d’Egypte. Lui aussi cède à l’« anticomanie ». Dans ses caprices, il met en scène avec audace les vestiges des grands monuments romains, jusqu’à les rassembler. Le Port de Ripetta à Rome, son morceau de réception à l’Académie royale de peinture en 1766, est une recom- position fantaisiste, comme il le fera de Paris, en 1788. Avec nostalgie, il a conscience que la ruine est inéluctable, la nature reprenant ses droits. « Oh les sublimes ruines !… Tout s’anéantit, tout périt, tout passe », écrit Diderot, un de ses admirateurs. De la même manière, il parle du petit peuple, dont les tâches quotidiennes animent ses toiles. Les lavandières sont omniprésentes. L’eau, symbole du temps qui passe, est l’élément-clé de ses vedute, ses vues de Rome. « Robert avait cette extrême facilité qu’on peut appeler heureuse, écrit son amie Elisabeth Vigée Le Brun dans ses Souvenirs. Il peignait un tableau aussi vite qu’il écrivait une lettre. » Diderot ne dit pas autre chose : « Il revient d’Italie d’où il a rapporté de la facilité et de la couleur. » Le philosophe parle de « poétique des ruines », de « magie », de « lumière arrêtée, brisée, réfléchie par la concavité de la « Garde des tableaux du roi, il achetait, faisait restaurer et pensait aux aménagements des espaces » SÉBASTIEN ALLARD directeur du département des peintures du Louvre voûte ». Cette voûte, omniprésente, structure ses caprices, comme L’Incendie de Rome vu à travers une arche en feu, ou L’Incendie de l’Opéra au Palais-Royal en 1781, à Paris. Le jeune Hubert Robert avait hésité entre architecture et peinture. Charmant, galant, poli, cultivé – il lit le latin et le grec –, d’une gaieté sans fard, l’artiste est partout demandé. « Amateur de tous les plaisirs, sans excepter celui de la table, il était généralement recherché, je ne crois pas qu’il dînât chez lui trois fois dans l’année, s’amuse son amie Elisabeth Vigée Le Brun, qui signe le beau portrait ouvrant l’exposition. Spectacles, bals, repas, concerts, parties de campagne, rien n’était refusé par lui ; car tout le temps qu’il n’employait pas au travail, il le passait à s’amuser. » Ses choix radicaux surprennent. L’escalier monumental, qui descend du Vieux Pont, dans un entrecroisement improbable d’arches, est saisissant. Une même tension émane de ce Paysage avec cascade inspiré de Tivoli, scène de haute montagne où le couple du premier plan semble bien fragile face à la puissance de la nature. Sur les centaines de peintures répertoriées et les dizai- nes de dessins, seuls 2 % sont exposés au Louvre. Le meilleur. « Je savais que c’était un artiste charmant, note Guillaume Faroult, mais l’énorme corpus étudié, un travail de dix ans, m’a permis de comprendre son exigence de créateur, sa manière d’élargir son champ, de continuer à se renouveler. » En 1784, il est nommé dessinateur des Jardins du roi, charge occupée au XVIIe siècle par Le Nôtre. Infatigable travailleur, Hubert Robert rendra son dernier souffle à 74 ans, le pinceau en main. p florence évin « Hubert Robert, 1733-1808, un peintre visionnaire ». Musée du Louvre, Paris 1er, jusqu’au 30 mai. Tous les jours de 9 heures à 18 heures, sauf le mardi. Mercredi et vendredi jusqu’à 21 h 45. Entrée : 15 euros (collections permanentes et expositions). www.louvre.fr Saisis par Oudry, les jardins d’Arcueil reverdissent au Louvre THÉÂTRE LA REINE BLANCHE à une heure de calèche de paris au XVIIIe siècle, quinze minutes aujourd’hui en RER, Arcueil, dans le Val-de-Marne, était l’excursion favorite des artistes qui découvraient le plaisir et la difficulté de saisir la nature sur le vif. Ils y trouvaient le pittoresque : de l’eau – la Bièvre – et des ruines – les pierres de l’aqueduc romain, commandé par Henri IV et terminé en 1624 pour porter l’eau jusqu’à Paris. Celui-ci demeure, sous l’aqueduc monumental édifié au XIXe siècle en meulière, qui enjambe la vallée avec la même fonction. Les artistes venaient aussi à Arcueil pour la belle architecture et la nature domestiquée des jardins de la noblesse en villégiature : au XVIIIe siècle, huit propriétés se disputaient les coteaux de la Bièvre. Avec François Boucher et Charles-Joseph Natoire, le plus assidu était Jean-Baptiste Oudry (16861755). Peintre des chasses de Louis XV et directeur des manufactures de tapisseries de Beauvais et des Gobelins, Oudry est célèbre pour ses illustrations des Fables de La Fontaine. Il file à Arcueil dès qu’il le peut, et descend chez M. Douglas. Cette maison dite d’Oudry, dont il reste un mur et un bout de jardin, se trouve encastrée entre des barres d’immeubles, à deux pas de l’église médiévale et de la maison de Ronsard, aujourd’hui disparue. Cinquante-sept dessins pris sur le vif Jusqu’au 20 juin, le Louvre fait renaître Arcueil en 57 dessins pris sur le vif entre 1744 et 1752, empruntés à des musées et collectionneurs américains, britanniques, allemands ou français. « L’exposition permet, indique Xavier Salmon, son commissaire, directeur du département des arts graphiques, de montrer pour la première fois ce que pouvaient être les jardins d’Arcueil, avec la Bièvre qui coule en contrebas, l’aqueduc qui barre la vallée. » Oudry saisit les jeux de perspective sur les coteaux en escaliers, les lignes de fuite, les ombres et les lumières sous les frondaisons. Il travaille sur du papier bleu à la pierre noire et à la craie blanche. Il capte les trouées du soleil sur un treillage, le rayon lumineux sur un escalier. La mode était, comme à Versailles, aux bosquets, ces cabinets de verdure qui se re- ferment sur eux-mêmes, et aux bassins, fontaines, grottes et jeux d’eau, décors des fêtes galantes en vogue. Les rares personnages auraient été rajoutés par Hubert Robert, son contemporain. Aujourd’hui, avec le plan du catalogue de l’exposition pour boussole, il faut se prêter à un jeu de piste entre les HLM dressés le long du vallon pour dénicher ce qui reste des douze hectares des jardins que Françoise de Brancas, princesse d’Harcourt, avait achetés en 1692, avec un château auquel elle redonna vie. La Bièvre, invisible, passe sous la grand-rue. De rares îlots verts subsistent. L’aqueduc est un bon repère. Les propriétés venaient s’y accoler pour disposer de l’eau courante. Ainsi encore de l’édifice rescapé, la Faisanderie du prince de Guise, en passe de retrouver son aspect original grâce à un investissement privé soutenu par la Fondation du patrimoine. p fl. é. A l’ombre des frondaisons d’Arcueil. Dessiner un jardin au XVIIIe siècle. Musée du Louvre, jusqu’au 20 juin. culture | 15 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 «Mies Julie», l’après-apartheid épinglé au cœur Yaël Farber transpose la pièce de Strindberg en Afrique du Sud, dont elle brosse un tableau cinglant L THÉÂTRE es murs du Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, semblent ruisseler de chaleur. Une chaleur moite, qui colle aux corps et que le ventilateur à pales brasse en vain, dans la nuit d’orage qui s’annonce. Nous sommes en Afrique du Sud, où Mademoiselle Julie, d’August Strindberg, fait une halte. Pour l’occasion, elle devient Mies Julie et quitte les brumes du Nord qui l’ont vue naître, en 1888. Ce n’est pas la première fois que cela lui arrive : Mademoiselle Julie n’a jamais cessé de voyager, de s’adapter aux pays et aux époques, de faire fantasmer comédiennes et metteurs en scène. Sans jamais se départir du parfum de scandale qui l’entoure, comme le montre la présentation des Bouffes du Nord. La Sud-Africaine Yaël Farber (née en 1971), qui a adapté et mis en scène la pièce, et que l’on découvre en France, raconte avoir passé ses étés d’enfance dans le Karoo, une région qui, dit-elle, « en dépit de deux décennies de démocratie en Afrique du Sud, reste un ferme bastion du conservatisme social et politique ». C’est donc là qu’elle a choisi d’emmener Julie, comme, récemment, la Brésilienne Christiane Jatahy l’avait emmenée (sous le titre de Julia) dans la banlieue cossue de Rio de Janeiro. Il est intéressant de noter que, dans les deux cas, ce sont des femmes qui portent un regard sur la pièce d’August Strindberg, grand misogyne devant l’éternel. Ni l’une ni l’autre ne vont sur ce terrain. Elles se servent de Mademoiselle Julie comme d’un matériau, d’après lequel elles écrivent leur propre pièce, qui contextualise l’histoire, aujourd’hui, en en gardant la trame. Chez Strindberg, Julie est une jeune aristocrate de la fin du XIXe siècle qui, la nuit de la Saint-Jean, fait l’amour avec Jean, le valet de son père. Chez Christiane Jatahy, Jean devient Jelson, le chauffeur du père de Julie. Chez Yaël Farber, Jean est John, qui cire les bottes du patron. Tous les deux sont noirs. Chassés par les Boers Ainsi se déplace la lutte des classes, de Mademoiselle Julie à Julia et Mies Julie. Non seulement la pièce l’autorise, elle l’encourage. Elle tire sa force de la mise en place d’une situation, plus que de son Bongile Mantsai (John) et Hilda Cronjé (Julie). COURTESY OF SRT WATSON LAU contenu, qui doit être repensé pour tenir la route. C’est ce qui fait sa force : il faut sans cesse des habits neufs à Mademoiselle Julie. Aux Bouffes du Nord, ce seront une jupe-foulard, vite ouverte sur la cuisse, et un débardeur qui exclut le soutien-gorge. Mies Julie est dans la cuisine où tout se joue. Une cuisine pauvre, mais sacrée pour Christine, la mère de John : sous son plancher reposent les corps des ancêtres, qui habitaient cette terre avant que les arrièregrands-parents boers de Julie ne les chassent pour bâtir une ferme. La mère de Julie, elle, repose sous des saules, non loin de la ferme, comme ses ancêtres. Quand elle est arrivée de la maternité, elle a aussitôt mis sa petite fille dans les bras de Christine, qui l’a élevée. Des années plus tard, Tout se joue dans la cuisine, pauvre mais sacrée. Sous le plancher reposent les corps des ancêtres de John elle s’est suicidée, et Julie est restée seule avec son père, qui aurait aimé un fils pour lui succéder. Il a cherché à marier Julie, qui vient de rompre ses fiançailles quand la pièce commence, en cette nuit où les ouvriers fêtent la liberté. Julie rôde dans la cuisine, où Christine s’occupe de sa chienne, qu’elle veut faire avorter parce qu’elle est enceinte d’un bâtard noir. Elle tourne autour de John, qui lustre nerveusement les bottes. John est jeune, il a un corps athlétique et une immense colère en lui. Il lit tout ce qu’il trouve, il voudrait une autre vie. Quand il parle de lui, il dit être un kaffir (« noir »), reprenant ainsi le mot d’insulte que les Boers considéraient comme naturel. John ne fait pas l’amour avec Mies Julie : il la « baise », c’est une saillie, du sang rouge entre les cuisses. Elle sait insupportable cette transgression qu’elle a provoquée. Elle n’y survivra pas, et se tuera à l’aube. Entretemps, John et elle auront vidé leur sac, jusqu’à la lie : question de la terre et de sa propriété, brûlure des souvenirs communs, combat du passé et futur. Ce portrait d’une Afrique du Sud est cinglant. Yaël Farber a trouvé les mots qui épinglent l’aprèsapartheid au cœur de Mademoiselle Julie. Elle a aussi trouvé les comédiens : magnifique rondeur de Zoleka Holesi en Christine, extraordinairement présente et hors du temps, force nerveuse de Bongile Mantsai en John, tension désespérée de Hilda Cronjé en Julie. Mies Julie. p brigitte salino Mies Julie, d’après Strindberg. Adaptation et mise en scène : Yaël Farber. Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, boulevard de La Chapelle, Paris 18e. Tél. : 01-46-07-34-50. De 11 € à 30 €. Du mardi au vendredi, à 20 h 30 ; samedi 16 avril, à 15 h 30 et à 20 h 30 (dernières). Durée : 1 h 15. En anglais surtitré. Chante-moi d’où tu viens… Tous les jeudis, la chorale Musiterriens invite des étrangers du monde entier à joindre leurs voix. Concert le 15 avril à Paris L MUSIQUE e bras en l’air comme s’il dirigeait le mouvement, Jahangir a l’œil brillant de sa propre surprise à être là au milieu de tous ces gens – des Français, deux Sénégalais, deux Tibétaines, un Tchadien, deux Egyptiens, un Bengali et un autre Pakistanais comme lui – qui reprennent Awara Hoon, la chanson d’un vieux film de Bollywood qu’il leur a proposée. Comme s’ils l’avaient toujours connue. Awara Hoon, cela veut dire « Je suis un vagabond ». Jahangir le leur a dit : « Celui qui chante cette chanson, il est comme moi. Il est flâneur, il n’a pas de maison. Il n’a personne qui l’aime. Il est tout seul, pas de copine. Quelle pauvreté ! Mais il a tout le temps le sourire. Il est malchanceux mais beau, et ce n’est pas grave, il chantera toujours des chansons de bonheur et d’amour. » Et c’est vrai qu’il est beau Jahangir, à sourire comme ça en chantant. Il est 20 heures. Un jeudi soir au Centquatre, ce grand ensemble pour cultures polymorphes au nord de la capitale. Asim a fini sa journée de peintre en bâtiment, Jahangir a rangé les perruques dans la boutique du boulevard de Strasbourg où il travaille, Mamadou s’est reposé un peu avant de venir – il travaille tôt le matin dans une société de nettoyage… Combats du vivre-ensemble La salle se remplit de ces choristes et des amateurs et professionnels de l’association Les Musiterriens, une dizaine de musiciens, clarinettes, trompettes, basse, guitare, ont pris place au fond. Ils préparent un répertoire de chants d’ici et de là-bas qui seront présentés le 15 avril à l’Auditorium Saint-Germain de la Maison des pratiques artistiques amateurs, fin mai au Centquatre et le 5 juin à la halle Pajol : Chants de fête. Le projet est né de la rencontre entre cette chorale du 11e arrondissement et l’ENS, Ecole normale sociale, qui – certes un peu moins cotée que son homonyme, l’Ecole normale supérieure, mais tout aussi utile – enseigne dans le 18e le français à une centaine de migrants. « Ensemble : c’est le mot essentiel », explique Marianne Feder, la directrice artistique et chef de chœur des Musiterriens, passée dans ses jeunes années par le DAL (Droit au logement) et les squats : « On se mélange et c’est ce que je trouve vraiment fort. » Comme Jahangir, le rigolo Shahid qui, lui, vient du Bangladesh, a proposé une chanson Bollywood, Kal Ho Naa Ho en langue hindi. Adel, l’Egyptien, a choisi Ahsan Nas « d’une grande chanteuse de mon pays », Dalida. Tim, pas encore 20 ans, qui a quitté sa famille et le Tchad, il y a trois ans, et prépare aujourd’hui un CAP de cuisinier, leur a appris Premier Dimanche. Dans son village, chaque premier dimanche du mois, les gens se réunissent en effet pour danser. Apolline, la danseuse, a proposé une chorégraphie pour son mor- La Canopée hébergera chorales et orchestres amateurs Guillaume Descamps, le directeur de la Maison des pratiques artistiques amateurs (MPAA), est satisfait : au deuxième étage de la Canopée des Halles à Paris, la MPAA inaugure, cette semaine, son quatrième site, après l’Auditorium Saint-Germain (6e arrondissement), l’antenne installée dans l’ancien hôpital Broussais (14e) et la salle de la rue Saint-Blaise (20e). Nouveauté, aux Halles, trois des cinq salles seront consacrées à la musique. Avec une priorité pour les grandes formations. Ce ne sont pas des associations qui sont accueillies ici, mais des projets. A des tarifs quatre à cinq fois inférieurs à ceux du marché, l’objectif est de soutenir les aventures amateurs. Créée en 2008, la MPAA prévoit l’ouverture d’une cinquième antenne, rue Breguet, dans le 11e. ceau et d’un seul coup, le jeune garçon taiseux s’est révélé. L’intégration par la musique ? Le projet ne saurait se résumer à un intitulé de demande de subvention auprès du ministère de la culture. Avec humilité, dans l’ombre des structures sociales, des expériences comme celle-là se multiplient un peu partout, en théâtre, arts plastiques ou comme ici avec le chant. Il faut en déployer de l’énergie pour mener à bien ces combats du vivre-ensemble. La chanteuse Marie Estève, qui travaille sur les chants du monde, a animé des ateliers avec l’association Graine de soleil à la Goutte d’or et pendant trois ans l’atelier Partage de chants à la Maison des parents de Bobigny. « Au début, tout allait bien, raconte-t-elle. Les femmes étaient nombreuses à venir, et puis, quand il s’est agi de donner un petit concert à la bibliothèque, c’est devenu plus compliqué, elles ne voulaient pas, avaient peur du regard social. Petit à petit, elles se sont mises à porter le voile et elles ont déserté. » La route est longue, Marianne Feder le sait. Sarah vient, ne vient plus, revient. Jawal, le Soudanais, lui aussi est parti, il a trouvé un boulot le soir… « Ah celui-là, un poète, formidable, un talent, il me manque… », soupire la chanteuse. Mais voir Asim le timide se déchaîner en dansant sur le finale d’On n’est pas là pour se faire engueuler, de Boris Vian, a quelque chose d’éminemment jubilatoire : « Alors, on est descendu chez Satan et, là-bas, c’était épatant ! Ce qui prouve qu’en protestant on peut, de temps en temps, finir par obtenir des ménagements. » Par-dessus les voies ferrées, les ombres de Yaya et Mamadou filent dans la nuit. Ils ont fièrement prévenu leurs copains, au foyer, du concert du 15 avril… « Ils vont tous venir, tu verras. » p laurent carpentier Maison des pratiques amateurs, Auditorium Saint-Germain, 4, rue Félibien, 75006 Paris. Vendredi 15 à 20 h 30 (entrée libre). + * IO D + A ( R A L ! # E & ND O & S I ( A AISE M % Ç N A ' 4 R 0 F * 1 E I ( % UDIO T COMÉD ( S A L ) E H D 9 E 1 P #+ TROU RIL À ASS TATION N E S É R P E NIQUE R ISTEZ À L’U , ' $ "( AV 5 1 I D E R D VEN AVEC LA ation et reserav dio.fr n io t a m Infor maisondelar sur 16 | culture 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Des bulles de talent parmi les bulbes de printemps Trois festivals, à Aix-en-Provence, à Bastia et à Marne-la-Vallée, éclairent la face audacieuse du 9e art BANDE DESSINÉE bastia, aix-en-provence et marne-la-vallée A ceux qui douteraient de la vitalité de la bande dessinée, on ne saurait que trop conseiller de profiter du printemps. Plus de deux mois après le Festival d’Angoulême, la saison des Salons de « taille moyenne » bat son plein, dans un épanchement d’audace et de créativité. BD à Bastia et les Rencontres du 9e art d’Aix-en-Provence se sont déroulés durant le même week-end (du 1er au 3 avril), la 3e édition du Pulp Festival s’est ouvert vendredi 8 avril à La Ferme du Buisson (la scène nationale de Marne-la-Vallée, en Seine-etMarne). Si la proximité de ces manifestations n’est que pur hasard, leur cousinage sur le fond témoigne d’une réflexion commune et militante : utiliser les potentialités narratives de la bande dessinée pour la mettre en scène « autrement », au-delà du triptyque éculé exposition-dédicaces-débats. Au centre culturel Una Volta de Bastia, cela fait vingt-trois ans que la directrice artistique, Dominique Mattei, accueille la fine fleur de la création française et internationale. L’accent, ici, est mis sur le format des expositions : nombreuses (18, cette année), elles sont relativement réduites en volume. L’idée est de montrer des séquences narratives de quelques planches que le visiteur pourra lire sans connaître au préalable l’œuvre en question. Consacrée au retour du western, l’exposition principale de l’édition 2016 proposait ainsi des extraits soigneusement sélection- nés du Bouncer (Glénat), de François Boucq, d’Undertaker (Dargaud), de Ralph Meyer et Xavier Dorison, ou encore de L’Homme qui tua Lucky Luke (Dargaud), de Matthieu Bonhomme. Aux murs des autres espaces : Charles Burns, Edmond Baudoin, Pénélope Bagieu, Ruben Pellejero… Autant d’auteurs « hors promotion » (qui n’ont pas publié cette année), choisis par la directrice du festival, pour qui le pari de l’esthétique dans une ville de 40 000 habitants n’a rien d’une lubie. « Un rapport simple et familier » « Quel que soit son niveau de connaissance, le public sait reconnaître la qualité d’une œuvre, explique Dominique Mattei. Ce qui compte, alors, c’est d’inscrire dans la durée l’émotion qu’elle génère, en donnant des clés de compréhension. » Des animateurs « formés » au décryptage des originaux sont présents dans chaque salle, alors qu’une librairie éphémère met en vente uniquement des ouvrages des auteurs invités. Les dédicaces, elles, se font au bar du centre culturel de façon improvisée – « d’égal à égal, dans un rapport de proximité ». Un gros travail, enfin, de sensibilisation à la BD est entrepris toute l’année auprès des scolaires, qui constituent un tiers des visites (14 000). Porté par une centaine de bénévoles et un budget de 180 000 euros, BD à Bastia doit aussi son succès à un principe gravé dans le marbre : la gratuité. Celle-ci est également de mise aux Rencontres d’Aix, dont c’était la 13e édition ce même week-end. « Il nous semblait absurde de faire payer l’accès à un événement qui invite à acheter des livres », indique Dessin extrait de « Vivre à FranDisco » (Fremok), du plasticien belge Thierry Van Hasselt. THIERRY VAN HASSELT Les trois manifestations mettent en scène la bande dessinée « autrement », au-delà du triptyque éculé expositiondédicaces-débats son directeur artistique, Serge Darpeix. Comme à Bastia, un point de vente temporaire – cogéré par quatre librairies de la ville – propose non pas les dernières nouveautés, mais des albums « associés à la programmation ». L’autre caractéristique de ce Salon qui n’en porte pas le nom est la durée des expositions : deux mois. Coproduites, pour certaines, avec d’autres manifestations, elles ont été pensées en fonction de leur lieu. Parmi les plus notables, cette année : l’accrochage, dans l’atelier de Cézanne, de planches de Rembrandt (Casterman), une évocation du peintre par l’illustrateur néerlandais Typex ; ou encore Vivre à FranDisco (Fremok), un projet de ville féerique sorti de l’imagination d’un artiste trisomique, Marcel Schmitz, mis en scène graphiquement par le plasticien belge Thierry Van Hasselt, à l’occasion d’une résidence à la Fondation Vasarely. « Notre but est de montrer que la bande dessinée, c’est autre chose que l’idée qu’on s’en fait », souligne Serge Darpeix. Il arrive néanmoins que le projet fasse grincer quelques dents, comme, en 2015, avec la déambulation consacrée à l’univers torturé de Stéphane Blanquet, dans une chapelle de la ville. « Nous avons bizarrement la chance d’avoir des élus qui nous laissent travailler sur le contenu », souffle le programmateur de ce festival qui émane de l’office du tourisme municipal, doté d’un budget de 230 000 euros et qui comptabilise 60 000 visites entre avril et mai. Autre concept, mais même volonté de sortir le médium de ses cases, le Pulp Festival va sans doute encore plus loin dans la mise en scène, au sens propre, de la bande dessinée. S’il est question, là aussi, d’expositions « inhabituelles » – Blutch présente des planches remplies d’influences du 9e art, Winshluss déstructure des jouets et des contes de l’enfance, Marc-Antoine Mathieu invite à cheminer muettement à l’intérieur de son dernier album, S.E.N.S. (Delcourt)…. –, d’autres disciplines artistiques sont convoquées. Le cinéma, avec un montage filmique de la scénariste Loo Hui Phang autour de Billy the Kid, en filigrane duquel dessineront Fanny Michaëlis et Philippe Dupuy (et Rodolphe Burger jouera les morceaux d’un ancien album). Le théâtre, avec un Richard III dont la scénographie a été confiée à Stéphane Blanquet. L’improvisation, avec des battles de dessin qui ressuscitent l’émission « Tac au Tac », de Jean Frapat, des années 1970… Quelque 17 000 spectateurs (payants) sont attendus, jusqu’au 24 avril, à La Ferme du Buisson. « Le public d’aujourd’hui a un rapport simple et familier à la bande dessinée, en raison du fait qu’il en a beaucoup lu pendant son enfance, souligne son directeur, Vincent Eches. Cette proximité singulière autorise la création de formes inédites et audacieuses aux confins des autres arts, et sans que personne trouve à y redire. » Parions que tout cela n’est qu’un début ? p frédéric potet Pulp Festival à La Ferme du Buisson, Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne), jusqu’au 24 avril. Lafermedubuisson.com Lucas Debargue, tout entier possédé par le piano Le Français de 25 ans, qui a fait sensation au Concours Tchaïkovski de Moscou, en 2015, sort son premier album L’ MUSIQUE excitation était palpable, le 24 mars, à l’auditorium de la Fondation Louis Vuitton, qui accueillait un récital de Lucas Debargue, le pianiste français qui a si fort impressionné le dernier Concours Tchaïkovski de Moscou, en juillet 2015. Unique Français inscrit à la compétition, le jeune homme de 24 ans est arrivé en finale de cette 15e édition, avec cinq autres candidats, après avoir galvanisé l’auditoire avec Gaspard de la nuit, de Ravel. Une prestation retransmise par Medici TV devant plus de 6 millions de téléspectateurs, qui a enflammé les réseaux sociaux et lui a valu la création d’une page VKontakte, le Facebook russe. Pour n’avoir remporté que le quatrième prix de ce grand concours international créé en 1958, Debargue a été l’unique candidat récompensé par le Prix spécial de la critique musicale, laquelle, depuis, ne le lâche pas d’une semelle, si l’on en croit les attachés de presse. Le musicien s’est aussi attiré la protection appuyée de personnalités aussi éminentes que le chef d’orchestre Valery Gergiev, qui préside, depuis 2011, la prestigieuse compétition moscovite, ou le pianiste Boris Berezovsky, membre du jury plutôt mécontent du classement de celui dont il a tout simplement déclaré : « C’est un génie ! » Le premier l’a aussitôt invité à jouer en récital au Théâtre Mariinsky de SaintPétersbourg, dont il est l’omnipotent directeur, le second au festival Pianoscope de Beauvais, dont il assure la programmation. Longues mains animales Il y aurait de quoi faire tourner bien des têtes, mais le jeune Picard n’a (presque) rien changé à ses habitudes. Il continue en tout cas à travailler à l’Ecole normale de musique de Paris – il y passera, d’ici à la fin avril, sa licence de concertiste – avec sa prof de piano, Rena Chereshevskaia, rencontrée en 2011 au Conservatoire de RueilMalmaison (Hauts-de-Seine), qui l’a emmené à Moscou après l’avoir préparé au Conservatoire de Paris, où il a suivi la classe de Jean-François Heisser jusqu’en 2015. Il faut oublier les rumeurs de ce qui ressemble au début d’un mythe – l’approche tardive et semiautodidacte de la musique à 11 ans, l’arrêt du piano durant trois ans au profit d’études littéraires, l’embauche dans un supermarché. Le jeune homme qui vient d’entrer sur le plateau est mince, presque trop. Lunettes cerclées, chevelure ondulée de poète, regard clair mélancolique, il ressemble, trait pour trait, aux photos qui le désignent artiste, entre autisme et romantisme. Comme sur la pochette de son premier album (récital Scarlatti, Ravel, Liszt, Chopin), qui vient de sortir chez Sony (la major l’a signé quasiment au saut du concours), la tête entre les mains, dans la posture muette du Cri, d’Edvard Munch, un visage dont la bouche aurait été fermée par la musique. Quatre sonates de Scarlatti ouvrent le récital. Debargue fait de chacune d’elles un monde à part. Son jeu porte la marque de l’improvisation, une urgence féline et claquante, d’une douceur impitoyable traversée de fulgurantes raucités. Le visage est un écran où se lit le reflet de la musique, mobile, tourmenté, parfois convulsé de douleur ou apaisé de béatitude. Lucas Debargue n’a pas peur du silence, qu’il observe longuement avant de commencer à jouer, à moins que ce ne soit lui qui ne le regarde. Sent-il à quel point le public attend ce Gaspard de la nuit, de Ravel, qui le sortit de l’anonymat à Moscou ? Enfin, Son jeu est marqué par une urgence féline, d’une douceur impitoyable, traversée de fulgurantes raucités « Ondine » et son maillage trémulant de courtes décharges de couleurs sous la ligne tendue, épurée. Debargue joue d’un seul tenant, comme si chaque note appelait la suivante. Nulle part ce maniérisme ruisselant de l’impressionnisme, ces miroitements et clapotis qui sont à la musique française ce que le mijoté à feu doux est au court-bouillon. Les longues mains animales de Debargue frappent et caressent en même temps, capables de crépitements à l’arme automatique, mais aussi d’amollissements un rien swingués dans les chromatismes, qui rappellent qu’il pratique aussi le jazz entre amis. « Scarbo » naîtra du « Gibet ». Coups de pied, de poing, senteurs démoniaques, poses simiesques, le pianiste manie la dynamique comme de la dynamite, expert en contrastes et en prosodie. Pas la moindre distance entre le corps de l’interprète et celui de son instrument. C’est une question de vie ou de mort. Ravel y gagne des abîmes, des nostalgies, des incertitudes. La Sonate en si mineur, de Liszt, est sans conteste l’un des chevaux de la bataille pianistique. Cette fois, c’est la musique qui mène l’interprète par la bride du clavier. Comme possédé, Debargue est un Mazeppa qui ose de saisissants cabrages d’accords, un galop de fugue compulsif jusqu’à l’épuisement, dont le squelette semble donner à entendre la mécanique même de la pensée contrapuntique. On en sortira groggy. En bis, une Première Barcarolle, de Fauré, délicatement ourlée de poésie sera suivie du tube de 1956 de Nat King Cole, Just You, Just Me, joué sans complaisance ni complicité. Ils achèveront de convaincre que Lucas Debargue est non seulement un cas, mais un authentique talent. p marie-aude roux Fondation Louis Vuitton, à Paris-16e. Prochain concert avec Alexandre Kantorow (piano), le 11 avril, à 20 h 30. De 15 € à 25 €. Fondationlouisvuitton. fr 1 CD Récital Scarlatti, Ravel, Liszt, Chopin, chez Sony Classical. télévisions | 17 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Cède enfants de « seconde main » VOTRE SOIRÉE TÉLÉ Edifiant bien qu’incomplet, un documentaire dévoile le système de réadoption aux Etats-Unis et ses dérives FRANCE 5 MARDI 12 – 20 H 45 DOCUMENTAIRE A Topton (Pennsylvanie), dans une église évangélique, se tient, ce dimanche, un spectacle aux allures de fête de patronage. Aux allures seulement, car derrière une parodie de défilé de mode pour enfants se révèle une réalité proprement sidérante. En effet, devant un parterre d’hommes et de femmes, venus seuls ou en couple, de jeunes enfants, sans autre choix, se prêtent à ce cruel simulacre pour tenter de capter l’attention de potentiels parents, afin d’être réadoptés. Aussi révoltants que soient le procédé et sa mise en scène, rien n’est ici illégal. En effet, aux EtatsUnis, ainsi qu’on le découvre dans le documentaire édifiant de Sophie Przychodny, un simple acte notarié permet à une famille adoptive de se débarrasser d’un enfant adopté. Cette pratique du « rehoming » (« trouver un nouveau propriétaire ») a fait naître, en marge des adoptions officielles, un marché parallèle dans lequel se sont engouffrées de nombreuses associations privées qui proposent, sur catalogue ou sur leur site Internet, à moindre coût (5 000 dollars pour les frais de procédure contre le double Un quart des enfants adoptés passerait de main en mains chaque année aux Etats-Unis. BABEL PRESS pour adoption classique), des « enfants de seconde main », comme Jack, 14 ans. Trouble et interrogations Abandonné avec sa sœur par ses géniteurs à 8 ans, l’adolescent a vécu pendant quatre ans dans une famille adoptive avant que celle-ci ne le redonne, en le séparant de sa sœur. « J’étais détruit, explique-t-il d’une voix douce et calme. C’était la dernière personne de mon sang que je connaissais. » Après s’être soumis à l’exercice du défilé, Jack doit rencontrer un père potentiel en la personne de Tom. En aparté, ce professeur, célibataire et sans enfant, confie avec une désinvolture glaçante : « Ici, Je n’ai rien à perdre, ni à gagner »… Sans grande surprise, on apprendra qu’après quelques semaines de cohabitation, Tom, finalement, a remis sur « le marché » Jack, pour incompatibilité d’humeur. Des « enfants jetables » comme Jack, il en existe des dizaines de milliers aux Etats-Unis. Plus exactement, selon Sophie Przychodny, un quart des enfants adoptés passerait chaque année de main en main, plus ou moins légalement. Car en plus de ce second marché, un autre, plus occulte, s’opère sur Internet, via des petites annonces qui attirent les prédateurs sexuels. Comme l’a révélé, en 2013, l’affaire Nicole et Calvin Eason, un couple condamné pour maltraitance et abus sexuels – et sur laquelle l’Etat de l’Illinois s’est ap- puyé pour légiférer afin de limiter le système de réadoption et mieux l’encadrer. Un système contre lequel se bat James Langevin, député démocrate. Au Congrès, il milite afin que soit promulguée une loi visant à interdire la réadoption et à aider les parents adoptifs pour éviter la rupture. Mais ce dernier semble esseulé, au vu du documentaire de Sophie Przychodny. Bien que poignant, son film suscite cependant autant de malaise, de trouble que d’interrogations quant à certains oublis ou imprécisions. Certes, la Russie a promulgué, en 2012, une loi interdisant l’adoption d’enfants russes par des Américains, mais moins pour des raisons humanitaires que politiques. De même peut-on regretter l’absence de toute association de défense des droits de l’enfance, de spécialistes de l’adoption, afin de comprendre ce que recouvre le problème de l’adoption aux EtatsUnis, ou des membres de services de l’enfance. Ce qui aurait sans doute permis à la réalisatrice de se mettre davantage à distance de son sujet et ainsi de ne pas tomber dans le trop-plein émotionnel. p christine rousseau Etats-Unis, enfants jetables, de Sophie Przychodny (Fr., 2016, 55 min). Sylvie Brun invite à un voyage dans l’univers des scientifiques qui tentent de nous mener vers la vie éternelle V ivre le plus longtemps possible, et si possible en bonne santé. Pourquoi pas aussi, pendant que l’on « rêve », ne jamais mourir ? Ces préoccupations de l’homme concernant son propre avenir, à plus ou moins long terme, servent de fil conducteur au documentaire de Sylvie Brun, qui est allée à la rencontre des scientifiques et des entrepreneurs dont l’ambition est de nous mener vers la vie éternelle. Au fur et à mesure des avancées scientifiques et technologiques – et des résultats concrets auxquels elles aboutissent – s’éloigne l’idée que l’immortalité relève du domaine des croyances. Cryogénie (qui consiste à congeler le corps en attendant de pouvoir le réveiller), clonage, transhumanisme (sorte d’association entre l’homme et la machine), numérisation de la conscience et du cerveau… A travers le monde, la recherche tente par tous les moyens de repousser l’inéluctable. Une vie sans fin qui accorderait à l’individu la toute-puissance sur le destin même de l’humanité, annulerait la nécessité de devoir se reproduire et freinerait – voire anéantirait totalement – l’évolution de l’espèce humaine. Passionnant et glaçant Le documentaire soulève toutes ces questions – sociétales, ethnologiques, philosophiques – à chaque étape de son déroulement, qui nous conduit dans différentes universités et centres de recherche à travers le monde. Un voyage passionnant et glaçant durant lequel semblent s’élaborer, au sein de plusieurs disciplines, les pièces d’un puzzle qui, un jour, pourraient finir par s’agencer les unes aux autres et atteindre le but recherché. C’est le sentiment que fait naître le documentaire lors de sa longue étape dans la Silicon Valley, en Californie, où les start-up spécialisées dans les technologies de la miniaturisation, de la biologie, de l’informatique et des sciences cognitives bénéficient de l’appui et du financement de gros investisseurs pour TF1 20.55 Unforgettable Série créée par Ed Redlich et John Bellucci. Avec Poppy Montgomery, Dylan Walsh, Dallas Rovert (EU, saison 3, 13/13, S4, ép. 1/13, S2, ép. 3/13). France 2 20.55 Rendez-vous en terre inconnue Clovis Cornillac chez les Miao Magazine présenté par Frédéric Lopez. 23.55 L’insertion est un sport d’endurance Documentaire de Jean-Marc Surcin (Fr., 2016, 65 min). France 3 20.55 Meurtres à Carcassonne Téléfilm dramatique de Julien Despaux. Avec Bruno Wolkowitch, Rebecca Hampton (Fr., 2014, 95 min). 22.10 Le Divan de Marc-Olivier Fogiel Magazine animé par Marc-Olivier Fogiel. Canal+ 21.00 Les Gorilles Comédie de Tristan Aurouet. Avec Manu Payet, Alice Belaïdi (Fr., 2015, 75 min). 22. 15 Phoenix Drame de Christian Petzold. Avec Nina Hoss, Ronald Zehrfeld (All., 2014, 100 min). France 5 20.45 Etat-Unis, enfants jetables Documentaire de Sophie Przychodny (Fr., 2016, 55 min) 22.00 Etats-Unis, le pays des armes à feu Documentaire de Chantal Lasbats (Fr. 2015, 55 min). Vivre et ne pas mourir ARTE MARDI 12 – 22 H 40 DOCUMENTAIRE M AR D I 1 2 AVR IL faire avancer la recherche au plus vite. Cette configuration, proche de celle dont profita Internet dans les années 2000, a prouvé son efficacité. Celle-ci pourrait être décuplée. Et pour cause, les acteurs de la Silicon Valley sont mus par une motivation bien plus forte que la précédente. Tous se battent, non pour l’argent, mais pour leur propre immortalité. Une quête qui n’a pas de prix. p véronique cauhapé Immortalité, dernière frontière, de Sylvie Brun (Fr., 2016, 90 min). Arte 20.55 Inondations : une menace planétaire Documentaire de Marie Mandy (Fr., 2015, 90 min). 22.40 Immortalité, dernière frontière Documentaire de Sylvie Blum (All., 2016, 90 min). M6 20.55 The Island : seuls au monde Episode 5 : l’île des femmes. Télé-réalité présentée par Mike Horn. 0123 est édité par la Société éditrice HORIZONTALEMENT 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 I II III IV V VI VII VIII IX X SOLUTION DE LA GRILLE N° 16 - 086 HORIZONTALEMENT I. Sténodactylo. II. Tonitruer. Ir. III. Rut. Iu. Pound. IV. Acretés. Ur. V. Thème. Assour. VI. Aa. Osâtes. Si. VII. Gnon. Mirée. VIII. Etudiant. Ter. IX. Mère. Naïveté. X. Essentielles. VERTICALEMENT 1. Stratagème. 2. Touchantes. 3. Entre. Ours. 4. Ni. Emondée. 5. Otites. 6. Drue. Amant. 7. Au. Satinai. 8. Cep. Sertie. 9. Trousse. Vl. 10. Uro. Etel. 11. Lin. US. Eté. 12. Ordurières. I. Met les valeurs à mal. II. Dressé en désordre. Compris. III. Indispensables dans les chaînes. Circule toujours en Suisse et en Afrique. IV. Le neuvième fait des bulles. Equipement souvent bien compliqué. V. Grande voie. Amateur de son. Démonstratif. Personnel. VI. Résiste au lavage s’il est grand. Toqué quand il se retrouve au piano. VII. Livre de comptes. Ceint la belle Nippone. VIII. Rejoint le Danube en passant par l’Autriche. Dame aux longues oreilles. Souvent plaqué. IX. Ecrit l’histoire au jour le jour. Fait tache au soleil. Préparé pour passer à la poêle. X. Grand danger quand on ne les entend plus. VERTICALEMENT 1. Fait grand ménage dans la tuyauterie. 2. Belle comme une défense qui n’est pas interdite. 3. Apprécié des travailleurs, moins des patrons. Ardents. 4. Voie de passage. Etoile parfumée. 5. Toujours en déplacements. Sur la portée. 6. Sa résine a des parfums d’ambre gris. Divin porteur de marteau. 7. Vert et bien droit. Fit le malin. 8. Donnent des couleurs à la ville. 9. A l’abri dans son coin. Bien droit au sommet. 10. Cours du Nord. Défend le monde du travail en principe. Sorties du chaos. 11. On ne sait pas d’où ils viennent. Fut capitale pour les Allemands. 12. Des forces et des énergies qui font de plus en plus peur. La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 0123 Les Unes du Monde RETROUVEZ L’INTÉGRALITÉ DES « UNES » DU MONDE ET RECEVEZ CELLE DE VOTRE CHOIX ENCADRÉE Encyclopéd ie Universalis www.lemond e.fr 65 e Année - N˚19904 - 1,30 ¤ France métropolitaine L’investiture de Barack Nouvelle édition Tome 2-Histoire --- Jeudi 22 janvier Uniquement 2009 Fondateur Premières mesures Le nouveau président américain a demandé la suspension : Hubert Beuve-Méry En plus du « en France - Directeur Monde » métropolitaine : Eric Fottorino Obama des audiences à Guantanam o Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne de Barack Obama ; ambitions d’un presque modeste.un sur le moment s’est arrêtée a Feuille force d’invoquer en 2008, la première rassembleur qu’elle était pendant les A vivre : décision de ; n’est jamaisde route. « La grandeur Abraham en train de festivités de et de nouveau administration: Martin Luther l’accession la nouvelle Lincoln, un l’investiture, au poste du 18 au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre responsable vingt : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement les rencontres jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment les hauts gradés de l’armée. D Education UK price £ 1,40 GRILLE N° 16 - 087 PAR PHILIPPE DUPUIS du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 3289 (Service 0,30 e/min + prix appel) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ; par courrier électronique : [email protected]. 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Ils comment la et de déterrent du rupture s’est sable des morceaux d’une faite entre les enseignants qui s’enflamment fibre compacte et Xavier Darcos. immédiatement au contact de Page 10 l’air Bonus Les banquiers ont cédé Enquête page Nicolas Sarkozy des dirigeants a obtenu françaises qu’ilsdes banques renoncent à la « part variable de leur rémunération ». En contrepartie, les banques pourront bénéficier d’une D et qu’ils tentent aide difficilement de l’Etat de d’éteindre avec 10,5 pieds. « C’est d’euros. Montantmilliards du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. équivalent à Surles mursde » celle accordée cetterue,des fin 2008. Page cesnoirâtres tra- boutique. 14 sont bes ont projeté visibles.Les bom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa incendié une pas. « Dites fabrique de bien aux dirigeants Au bord de papier. « C’est petite des nations occidentales la mière foisque que ces sept je voiscela après la pre- innocents sont il y a quelquesfaillite huit ans d’occupation trentemorts pour semaines, rien. l’Américain israélienne », Qu’ici, il n’y a jamais s’exclame Mohammed eu de tirs de Chrysler roquettes. Que Abed négocie l’entrée bo. Dans son c’est costume trois Rab- nel. Que les Israéliensun acte crimidu cette figure constructeur nous en don- La parution du quartier pièces, nent la preuve, italien Fiat deuil. Six membres porte le puisqu’ils sur- de deux dans son capital, textes inédits de sa famille veillent tout depuis le ciel ont été fauchés », enrage de Roland Rehbi Hussein de 35 %. L’Italie à hauteur devant par Barthes, Heid. un magasin, une bombe mains, de cette bonne se réjouit il tient une Entre ses mort en 1980, le 10 janvier. Ils étaient venus enflamme feuille de le s’approvisionner papier avec tous cercle de ses pour l’économienouvelle pendant noms des nationale. décrétéesles trois heures de trêve morts et des blessés,les Le demi-frère disciples. Chrysler, de par Israël pour âge, qu’il énumère ainsi que leur son côté, aura tre aux Gazaouis permet- reprises, l’écrivain, qui de à accès à une comme pour plusieurs en a autorisé technologie Le cratère de de souffler. se persua- la publication, der qu’ils sont plus innovante. la bombe est jours là. Des bien morts. essuie touPage 12 éclats les foudres Michel Bôle-Richard mur et le rideau ont constellé le de l’ancien Algérie 80 DA, métallique de éditeur de Barthes, Allemagne 2,00 Lire la suite ¤, Antilles-Guyane la 2,00 ¤, Autriche page 19 27000profs partirontcha quean àlaretraite,d ’icià2012. née Automobile Fiat : objectif Chrysler Edition Barthes, la polémique et Débats page 5 17 François Wahl. L elivre-en q u êtein co n to u rn ab lep o u ralim en terled su rl’aven éb at ird el’éco le. 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun Maroc 10 DH, 1 500 Norvège 25 KRN, Pays-Bas F CFA, Canada 3,95 $, Côte 2,00 ¤, Portugal d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie cont. 2,00 ¤, u né 18,50 Kn, Danemark Réunion 2,00 d ite u rd ¤, Sénégal 1 e rriè 500 F CFA, Slovénie 25 KRD, Espagne 2,00 rel’é c ra ¤, Finlande n>w 2,20 ¤, Suède 2,50 ¤, Gabon w w 28 KRS, Suisse .a rte b o 2,90 FS, Tunisie 1 500 F CFA, Grande-Bretagne u tiq u e .c 1,9 DT, Turquie o m 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, USA 2,20 ¤, Hongrie 3,95 $, Afrique 650 HUF, Irlande CFA autres 2,00 ¤, Italie 1 500 F CFA, 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, Page 20 RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique Présidente : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 L’Imprimerie, 79 rue de Roissy, 93290 Tremblay-en-France Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») 18 | styles 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 La scène finale du film « Thelma et Louise », de Ridley Scott, sorti en 1991. MGM/PATHE/THE KOBAL COLLECTION Comparée aux autres modèles disponibles, la Smart Cabrio se présente pourtant comme l’un des cabriolets les moins chers, car il est devenu un produit de luxe. Si la décapotable de grande diffusion peut être considérée comme un chef-d’œuvre en péril, le rayon premium, en revanche, ignore superbement la crise. Selon IHS, les marques de luxe pèsent aujourd’hui près de 60 % des ventes, contre 33 % il y a dix ans. sale temps pour le cabriolet Rouler cheveux au vent n’a plus la cote. Les ventes chutent, hors catégorie premium L AUTOMOBILE e début du printemps lance traditionnellement la saison des décapotables. Lorsque les beaux jours reviennent, les constructeurs révèlent leurs cabriolets de l’année, perpétuant une tradition née avec l’automobile qui fut d’abord un objet ouvert à tous les vents avant de devenir un cocon. Cette année, les nouveautés ne se bousculent pas. Hormis chez Mini, Smart, Mercedes ou Range Rover, c’est le calme plat. Ces derniers mois ont même vu disparaître certains modèles, notamment chez Peugeot et Renault, qui ne comptent plus de cabriolet depuis qu’a cessé la fabrication des 308 CC et Mégane CC. Citroën a, certes, lancé l’E-Mehari, mais il s’agit d’un véhicule électrique à diffusion confidentielle. La Mazda MX5 et sa jumelle Fiat 124 Spider sont bien seules pour entretenir la flamme du roadster à l’ancienne. Ce reflux est une tendance globale. « Dans les dix prochaines années, les ventes mondiales ne retrouveront pas le niveau record de 831 000 unités atteint en 2004 », estime le cabinet IHS. Pour partie, le phénomène est la conséquence du peu d’intérêt que le marché chinois accorde à ces voitures, guère populaires dans les pays chauds (à l’exception notable des Etats-Unis), et a fortiori lorsqu’il faut circuler dans l’atmosphère ultrapolluée de Pékin, Shanghaï ou Shenzhen. Toutefois, c’est en Europe, où les ventes ont fondu « LES DÉCAPOTABLES NE RÉSISTENT PAS À LA MODE DU SUV, PERÇU COMME PLUS MODERNE » UN CONSTRUCTEUR de moitié depuis le milieu des années 2000 et ne pèsent plus que 1 % de l’ensemble des immatriculations, que le désamour est le plus prononcé. « Les cabriolets ne résistent pas à la mode du SUV, perçu comme plus moderne. Et on peut se demander si ce genre de voiture s’inscrit dans l’air du temps d’une société où il ne fait pas bon s’exposer à bord d’une auto », soupire un constructeur. L’heure est aux vitres surteintées plutôt qu’aux décapotables, que seuls l’Allemagne et surtout le Royaume-Uni continuent de vraiment apprécier. Pourtant, circuler à bord du nouveau cabriolet Smart est un petit bonheur. Surtout en ville, son terrain de prédilection, où se passer de toit permet de redécou- vrir un environnement que l’on croyait connaître et vous met instantanément de bonne humeur. La capote de la Smart Cabrio s’ouvre en douze secondes, même en roulant, et l’on peut désormais ôter les arceaux de toit, que l’on rangera à l’intérieur du hayon arrière. Ce qui fait de ce modèle une véritable décapotable alors que les deux générations précédentes appartenaient plutôt à la catégorie des véhicules découvrables. Cette version, qui devrait représenter 20 % des ventes de la Smart Fortwo, n’est pas vraiment bon marché. Elle est facturée 15 250 euros avec le moteur de 71 ch (la version de 90 ch étant disponible à partir de 18 450 euros), soit 3 300 euros de plus que la Smart Fortwo standard. Restent quelques aficionados Mercedes, qui dispose désormais de cinq modèles différents, vient d’en ajouter un autre à son catalogue avec la Classe C Cabriolet, qui sera lancée cet été à un tarif supérieur à 40 000 euros. « Une décapotable, c’est un objet rare, qui fait encore rêver. Notre longue tradition nous interdit d’abandonner cette spécialité », assure Marc Langenbrinck, président de MercedesBenz France, qui dit n’observer « aucune érosion des ventes » des décapotables de la marque et se félicite « de la fidélité de la clientèle ». Lorsque a été dévoilée la nouvelle version du cabriolet Classe S, des aficionados ont adressé des chèques en blanc chez Mercedes, avant même de connaître les tarifs. D’autres constructeurs très huppés envisagent aussi un avenir sans nuages. Rolls-Royce lance en ce moment la somptueuse Dawn (332 400 euros) et Range Rover, l’Evoque Convertible (51 600 euros), curieux mélange des genres entre SUV et décapotable. Autant de modèles qui confirment une gentrification avérée du cabriolet. A ceux qui refusent de faire le deuil de la décapotable accessible et sans chichis, il reste l’option du marché de l’occasion – les Peugeot 306 ou les Volkswagen Golf des générations précédentes ont gardé leur charme – ou le coup de cœur pour une ancienne Triumph TR4, Alfa Romeo Spider, Renault Floride… Ce n’est pas le choix qui manque. p jean-michel normand Retrouvez l’actualité automobile sur Lemonde.fr/m-voiture Honda Africa Twin, ambiance de la brousse Ce nouveau modèle au look rétro vend de l’aventure, tout en étant taillé pour la ville L DEUX-ROUES a nouvelle Africa Twin remet à l’honneur la culture moto de la fin des années 1980. Le parfum d’aventure du Paris-Dakar des temps héroïques et des gros trails multicolores qui se conduisaient le buste bien droit. Cette réinterprétation des Honda 650 et XRV750 – restées fameuses pour leurs aptitudes sur les pistes africaines et, surtout, pour leur capacité à franchir les trottoirs des grandes agglomérations – s’inscrit dans la norme. Depuis plus de dix ans, le marché de la moto européen s’accroche à la mode rétro pour vendre des machines à une clientèle qui ne rajeunit guère. Cette fois, pourtant, il ne s’agit pas de faire écho aux années 1960-1970, mais de raviver la mémoire d’une moto dont la production a cessé il y a treize ans à peine, en 2003. La nouvelle Africa Twin (à partir de 12 999 euros) se couvre des peintures de guerre bleu et rouge de son aînée, tout en s’appropriant ses pneus étroits et ses doubles optiques de phare. Plutôt haute et élancée, son carénage n’est pas trop envahissant et son poids (232 kg) maîtrisé. A cette moto qui multiplie les clins d’œil à un modèle historique, on ne saurait pourtant reprocher de verser dans la facilité vintage. Certes, elle ra- La Honda Africa Twin réincarnée. HONDA conte la même histoire que la « Twin » fondatrice, née en 1988. Celle d’une moto taillée pour le hors-piste mais qui, conformément au principe du qui peut le plus peut le moins, se montre aussi à l’aise à la ville que sur la route. Transmission automatique En revanche, son contenu technologique en fait une machine moins radicale, plus polyvalente que sa devancière, et la destine encore plus clairement à un usage à dominante urbaine. Le gain en cylindrée, qui atteint dorénavant 998 cm3, et l’adoption d’un bicylindre en ligne de 95 ch plutôt qu’une architecture en V contribuent à lisser le caractère de cette moto qui délivre des accélérations très linéaires. Le large débattement des suspensions convient assurément aux escapades « off-road », mais contribue plus sûrement à ménager les reins du pilote et de son passager. La transmission automatique proposée en option (avec un supplément de 1 000 euros et un surpoids de 10 kg, mais une surconsommation apparemment négligeable) se présente, non sans raison, comme un atout pour le pilotage en tout-terrain. Elle permet un passage des rapports plus rapide et réduit le risque de voir la roue arrière se bloquer lors d’un rétrogradage rapide. Une touche permet même de programmer la transmission de manière à affronter des revêtements pierreux ou gravillonneux. Dans les faits, cette transmission est surtout agréable en conduite normale. Seuls les purs et durs déploreront l’absence de levier d’embrayage (remplacé par un frein de parking éloigné de la poignée gauche pour éviter d’être actionné par mégarde) et de sélecteur au pied (ce qui épargnera le dessus de la chaussure gauche du motard soucieux de sa présentation). Cette boîte à double embrayage, que l’on peut program- mer selon ses souhaits, enclenche les vitesses sans presque aucun bruit et avec autrement plus d’efficacité que la transmission élastique d’un scooter. Installée sur une moto, une boîte automatique exerce sur la façon de conduire les mêmes effets relaxants qu’à bord d’une automobile. La transmission DCT de Honda, qui devrait convaincre près de la moitié des acheteurs, permet aussi d’opter pour un passage manuel des rapports, en actionnant deux petites gâchettes à main gauche. Au fond, l’Africa Twin de nouvelle génération fait écho à la mode des SUV automobiles, tout comme la BMW R1200 GS, la Triumph Tiger ou la Ducati Multistrada. Même évocation plus ou moins symbolique de l’évasion en tout-terrain, même installation rassurante en hauteur garantissant une vision bien au-dessus du trafic et même destination à un usage essentiellement urbain. p j.-m. n. disparitions & carnet | 19 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Fabrice Dugied Danseur, chorégraphe Ng Ectpgv Xqu itcpfu fixfipgogpvu Pckuucpegu. dcrv‒ogu. hkcp›cknngu. octkcigu Fiona, Anatole, Théo, Sidonie, Baltazar, Emilien, Clémentine, ses arrière-petits-enfants, Eqnnqswgu. eqphfitgpegu. ufiokpcktgu. vcdngu/tqpfgu. Marcelle COUTURIER, Uqwvgpcpegu fg ofioqktg. vjflugu. JFT Gzrqukvkqpu. xgtpkuucigu. ukipcvwtgu. ffifkecegu. eqoowpkecvkqpu fkxgtugu Xqwu rqwxg| pqwu vtcpuogvvtg xqu cppqpegu nc xgknng rqwt ng ngpfgockp < s fw nwpfk cw xgpftgfk lwuswÔ 38 j 52 *lqwtu hfitkfiu eqortku+ s ng fkocpejg fg ; jgwtgu 34 j 52 Rqwt vqwvg kphqtocvkqp < 23 79 4: 4: 4: 23 79 4: 43 58 ectpgvBorwdnkekvg0ht AGATHE POUPENEY V isage dessiné, regard clair, présence nette, la tension généreuse qui émanait du danseur et chorégraphe Fabrice Dugied signait son engagement avec son art : amoureux, bienveillant, militant. Egalement associé à la programmation danse du studio Le Regard du cygne, joli studio-laboratoire situé sur les hauteurs de Belleville, à Paris, ce personnage de la scène chorégraphique depuis le début des années 1980 est mort d’une crise cardiaque, le 4 avril, à Ambleville (Val-d’Oise), où il vivait, à 52 ans. Né le 30 septembre 1963, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-deSeine), Fabrice Dugied plonge dès l’enfance dans ce qui deviendra sa passion grâce à sa mère, Lise Brunel (1922-2011), figure de la danse, journaliste, historienne et critique. Dès 1975, il prend ses premiers cours avec Suzon Holzer, puis engrange toutes les techniques, de celle d’Alwin Nikolais et Merce Cunningham à celle de Trisha Brown. Il pratique ensuite le tai-chi et la danse d’expression africaine avec la figure emblématique Elsa Wolliaston. Il crée et enseigne ses spectacles dès 1984, tout en devenant le complice d’Amy Swanson au Regard du cygne. « Il était très attentif à l’écriture de la danse et aimait prendre des risques, raconte Amy Swanson. C’était un dénicheur de talents, un passeur d’histoires de la danse contemporaine mais aussi un chorégraphe et danseur singulier. » Drôle parfois, douloureux souvent Artiste atypique, Fabrice Dugied se démarquait des autoroutes de la production. En 1998, son trio A Incandescence revendiquait une esthétique hystéro-foutraque bouillonnante de rage et d’énergie. En 2006, au Regard du cygne, il se lançait sans filet autre que sa sincérité dans un solo autobiographique La Déconstruction du Lego. Drôle parfois, douloureux souvent, il traçait la vie « d’un homme adulte pas du tout dans la norme ». Equipé de quelques accessoires (un pyjama, une perruque), avec pour complice Amy Swanson, Fabrice Dugied livrait son passé entre pudeur et exhibition. Sur un autre ton, parallèlement à ses créations – au nombre d’une vingtaine –, il se posait en vigie de l’histoire de la danse et de sa transmission. Souvenir aigu de son opération Mémoire vive, inaugurée en 2001. Concept ambitieux, réalisation solide, cible atteinte. Autour de trois acteurs majeurs de la danse française qu’ont été Jérôme Andrews (1908-1992), Jacqueline 30 SEPTEMBRE 1963 Naissance à Neuilly-surSeine (Hauts-de-Seine) 1998 « A Incandescence », au Regard du cygne (Paris) 2006 « La Déconstruction du Lego », au Regard du cygne 4 AVRIL 2016 Mort à Ambleville (Val-d’Oise) AU CARNET DU «MONDE» Naissance Hélène et Benoît OURLIAC ont la joie d’annoncer la naissance de leur ils Nathanaël, le samedi 2 avril 2016, à Paris. rosita boisseau née EUSTACHE, survenu le 7 avril 2016, à Paris. La cérémonie religieuse aura lieu le mercredi 13 avril, à 10 h 30, en l’église de la Madeleine, à Paris 8e. Cet avis tient lieu de faire-part. Mme Andrée Martins, née Marchesse, son épouse, Julie Martins et Christophe Marquié, Elise Martins et Simão Pires, ses enfants, Clémentine, Raphaël, Titouan, Noé, ses petits-enfants, Fatima, Maria Cecilia, ses sœurs Et toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de M. Carlos MARTINS, survenu le 7 avril 2016, à Paris. La cérémonie religieuse sera célébrée le mercredi 13 avril, à 15 heures, en l’église Sainte-Hélène, 102, rue du Ruisseau, Paris 18 e , suivie de son inhumation au cimetière parisien de Saint-Ouen, 13, rue du Cimetière (Seine-Saint-Denis). Françoise BACON s’est éteinte paisiblement dans sa maison d’Amboise, le vendredi 8 avril 2016. La cérémonie sera célébrée le jeudi 14 avril, à 10 heures, en l’église SaintDenis d’Amboise. Selon sa volonté, la crémation aura lieu dans la plus stricte intimité. Cet avis tient lieu de faire-part et de remerciements. PFG Raymond, Amboise : Tél. : 02 47 57 66 87. Anne Bentéjac, son épouse, Alain et Marie-Paule Bentéjac, Jean-Luc et Cathy Bentéjac, ses ils et belles-illes, François, Emmanuel et Anne-Lise, Xavier et Célia, Corentin, Mathilde, ses petits-enfants et leurs compagnes, Margaux, son arrière-petite-ille, ont la tristesse de faire part du décès de Charles BENTEJAC, survenu le 3 avril 2016, à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Les obsèques ont été célébrées le 6 avril, en l’église Saint-Roch de Savignac. Cet avis tient lieu de faire-part. Mme Gabriel Colin, née Sabine Madelin, son épouse, Pierre, Catherine, Jean, Marie France, Benoît, ses enfants, leurs conjoints, leurs enfants et leurs petits-enfants, ont la douleur de faire part du décès de l’ingénieur général de l’armement (2S) Gabriel COLIN, oficier de la Légion d’honneur, oficier de l’ordre national du Mérite, médaille de l’aéronautique, survenu le 8 avril 2016, à Paris, dans sa quatre-vingt-septième année. La cérémonie religieuse sera célébrée le mercredi 13 avril, à 10 h 30, en l’église Saint-Jean-Baptiste-de-Grenelle, 23, place Etienne Pernet, à Paris 15e. L’inhumation aura lieu le même jour à 15 h 30, au cimetière de Neuville-auBois (Loiret). Brest. Paris. Jean-François et Michèle Rignault Mme Simone RIGNAULT, née CUNISSE, survenu à la Seyne-sur-Mer, le 6 avril 2016, à l’aube de ses quatre-vingt-quinze ans. Les obsèques civiles seront célébrées le mercredi 13 avril, à 10 heures, au crématorium de La Seyne-sur-Mer où l’on se réunira, suivies de la crémation. Ce présent avis tient lieu de faire-part. PF Leveque, La Seyne-sur-mer, 04 94 108 800. Sophie et Guy, Amaury, Hubert Dion, Héloïse et Maxime, Garance, Théophile des Monstiers, Corinne, Thomas, Romain Müllejans, Sylvie, Jean-Paul, Franklin, Alexis, Chloé Gilot, survenu le 1er avril 2016, à Paris, à l’âge de quatre-vingt-seize ans. L’inhumation a eu lieu dans la plus stricte intimité au cimetière du Montparnasse, à Paris 14e. Paris. M. Robert VERNET, survenu le 28 mars 2016, à Sion (Suisse), à l’âge de soixante-et-un ans. Une messe en sa mémoire aura lieu le vendredi 29 avril, à 14 h 30, en l’église de Saint-Etienne, d’Issy-les-Moulineaux (France). Cet avis tient lieu de faire-part. Le président de l’École pratique des hautes études, Le doyen de la section des sciences religieuses, Les directeurs d’études Et les maîtres de conférences, Les étudiants et auditeurs, Le personnel administratif, ont la tristesse de faire part du décès, survenu le 4 avril 2016, de Guy MONNOT, ancien titulaire de la direction d’études « Exégèse coranique ». Ils s’associent à la douleur de la famille. Jeanine Ollat, sa mère Et toute la famille, ont la douleur de faire part du décès de Hélène OLLAT, docteur en médecine, neurologue, survenu le 5 avril 2016, à Savigny-le-Temple, à l’âge de soixante-sept ans. Une messe sera célébrée le mercredi 13 avril, à 10 h 30, en l’église Saint-Louis de Vincennes, 22, rue Faÿs, à Vincennes (Val-de-Marne). Mme Béatrice Ollat, 6 bis, rue Carnot, 91330 Yerres. Pour en savoir plus : www.inserm.fr La Fédération française de l’ordre maçonnique mixte international Conférenciers : André Comte-Sponville, philosophe, Bruno Pinchard, professeur de philosophie à l’université Jean Moulin Lyon 3, le samedi 16 avril 2016, à 14 heures, 9, rue Pinel, Paris 13e. Inscription par courriel : [email protected] Tél. : 01 44 08 62 62. Informations : www.droithumain-france.org Communications diverses survenu le 8 avril 2016, à Paris, à l’âge de quatre-vingt-sept ans. L’inhumation aura lieu le mardi 12 avril, à 16 h 30, au cimetière de SaintLéger-Vauban (Yonne). Cet avis tient lieu de faire-part. Etienne MIRLESSE, gratuit pour tout public, en duplex de la Cité des sciences et de l’industrie à Paris et de la Médiathèque du Bachut à Lyon. organisent une conférence publique : « Franc-maçonnerie et spiritualités » née NACCACHE, Roland MÉNARD, ont l’immense chagrin de faire part du décès de Jeudi 14 avril 2016, de 19 heures à 20 h 30, Mme Adèle SCIALOM, ont la tristesse de faire part du décès de Mme Hélène Mirlesse, sa mère, Mme Natalia Tsarkova-Mirlesse, son épouse, Samantha et Anastasia Mirlesse, ses illes Et l’ensemble de sa famille, Allergies : le printemps est de retour ! « Le Droit Humain » et le Grand Maître National, Madeleine Postal, ont la tristesse d’annoncer le décès de 78, avenue Secrétan, 75019 Paris. Conférences citoyennes « Santé en questions » organisées par l’Inserm, Universcience. ont la douleur de faire part du décès de leur mère, grand-mère et arrière-grandmère, Erica Ménard, son épouse, Diane et Jean-François Ménard, sa belle-ille et son ils, Un hommage lui sera rendu au crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e, le mardi 12 avril, à partir de 13 heures. Conférences ont l’extrême douleur de faire part du décès de M. Christian Vernet, son ils, M lle Aurélia Vernet et M. Jonathan Vernet, ses petits-enfants, survenu à Paris, le 5 avril 2016. Amboise. Paris. 15, rue Alasseur, 75015 Paris. ont la tristesse de faire part du décès de comédien, auteur dramatique, Décès Robinson (1922-2000) et Karin Waehner (1926-1999), Fabrice Dugied avait monté un programme-manifeste passionnant de reconstruction de spectacles avec une trentaine de danseurs et chorégraphes héritiers. Contre l’amnésie d’un art éphémère et la péremption ultra-rapide de la danse, trois programmes déployaient une fresque de pièces permettant de se faire une idée relativement aiguë du style de chaque chorégraphe. Une page de mémoire inscrite dans les corps qui rayonnait d’intelligence du mouvement. En 2013, il lance à Paris la Planetary Dance, performance participative imaginée par la chorégraphe américaine Anna Halprin en 1987, à San Francisco. Organisé chaque année en juin, dans différents pays du monde, ce « rituel de paix et de renouveau », selon la formule d’Halprin, a lieu grâce à lui pour la première fois dans neuf villes de France, dont Paris. Au jardin de Reuilly, dans le 12e arrondissement, souvenir joyeux, au milieu des nappes de pique-nique, des trois cercles concentriques de professionnels et d’amateurs gambadant, soutenus par un groupe de percussionnistes. En 2015, Fabrice Dugied rendait hommage à sa mère et à son travail de journaliste avec La Collection Lise B., pièce-installation documentaire, fondée sur les articles et autres témoignages recueillis de 1958 à 1998 par Lise Brunel pour Le Matin de Paris ou Politis. Après avoir arrêté de chorégraphier pendant une dizaine d’années, Dugied renouait avec le geste et le plateau. Pour « partager avec le plus grand nombre de spectateurs possible », il avait ordonné articles, photos, enregistrements, et bâti un spectacle-exposition nourri de témoignages. Fabrice Dugied venait de chorégraphier un impromptu qu’il devait danser les 7 et 8 avril au Regard du cygne. Son équipe a maintenu les dates des représentations pour rendre hommage à celui qui avait foi dans « la danse avant tout, le corps dans l’espace et le temps, l’ivresse du mouvement et le ralentissement du temps ». p Géraldine, Olivia, Mélanie, Paul-Arthur, Benjamin, Alphonse, Marguerite, Ulysse, ses petits-enfants, Cxku fg ffieflu. tgogtekgogpvu. oguugu. eqpfqnficpegu. jqoocigu. uqwxgpktu rqtvgu/qwxgtvgu. hqtwou. rtqlgevkqpu/ffidcvu. cuugodnfigu ifipfitcngu En mars 2015. Dominique Couturier-Heller, Marie-Agnès Couturier et son mari, Jean-Michel Petit, Jean-Pierre Couturier, Stéphane Couturier et sa femme, Françoise Morin, ses enfants, Souvenir Saint-Girons (Ariège). Il y a deux ans déjà, Francine DOUILLET nous quittait. La citation qui suit lui allait à merveille : « Si vous voulez qu’une chose soit dite, demandez le à un homme. Si vous voulez qu’une chose soit faite, demandez le à une femme ». Elle faisait. Daniel. Débat Le jeudi 14 avril à 20 h 30 Le féminisme, au cœur de l’actualité. Avec : Julia Kristeva, psychanalyste, Fawzia Zouari, journaliste tunisienne, Armelle Carminati-Rabasse, MEDEF. 30 ans après la mort de Simone de Beauvoir, une rencontre-débat animée par Elizabeth Cremieu Espace Landowski, 28, avenue André Morizet, 92100 Boulogne-Billancourt www.forumuniversitaire.com Autour de l’exposition Habiter le campement Images/Cité Projection-débat en présence de Michel Agier, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS et chercheur à l’IRD, Anita Pouchard Serra, photographe du collectif d’architectes « Sans plus attendre », Sara Prestianni, photographe, et de Cyrille Hanappe, architecte et ingénieur, enseignant à l’ENSA, jeudi 14 avril 2016, à 19 heures. Plateforme de la création architecturale Considérant Calais... Documenter ce qui s’afirme à Calais, à l’interface entre le bidonville et la ville, par le Pôle d’exploration des ressources urbaines (PEROU), mardi 19 avril, à 18 h 30. État d’urgence, habitat d’urgence rencontre avec des membres de l’ONG Shelter Box, organisation internationale de secours aux sinistrés de catastrophes, dimanche 12 juin, à 16 heures. Entrée libre inscription citechaillot.fr Institut universitaire Elie Wiesel cycles de cours : 2 mai 2016 à 15 heures, « Réhumaniser l’histoire de la Shoah : un acte de résistance ? », par Fabienne Regard (4 séances) - 3 mai, à 15 h 30, « Le monde de la Bible, l’aventure de la chair », par Jérôme Bénarroch ( 6 séances) - 3 mai, à 17 h 15, « Le monde du Talmud : doctrine de la filiation », par Jérôme Bénarrroch (6 séances) - 4 mai, à 17 heures « L’intellectuel juif, figure ambigüe de la culture occidentale ? », par Carlos Levy (4 séances) - 10 mai, à 18 h 30, « Du terrorisme aux terrorismes », par Alain Bauer (3 séances) - Antenne Val-deMarne, 4 mai, à 19 h 30 « Rois et tyrans de la Bible », par Franklin Rausky (5 séances), - Antenne Ouest-parisien, 2 mai, à 18 h 30 « Histoire du peuple d’Israël - entre mythes, idéologies et certitudes », par Michel Abitbol (4 séances). Inscriptions à l’avance : 119, rue La Fayette, 75010 Paris. Tél. : 01 53 20 52 61. www.instituteliewiesel.com [email protected] # # $ !# $ # #$ $# &. + *2.+ #$ $ #$ $ $# $ # *'$ %&# & #$ # . *&%%* # $ !# ! #! *%& + &/& #$ %# # # " $ #$ ! #! # %&!- &(). % * ** %%#&%. * % # %* # * .* # # ** &.*-& + # % *&% 2#/ .$%% *%. (*$%- * # $ $ %%- &- # (( &.* # 3"&0+" # $# *%" &%%+ # .** % * +- % ++&# #$ $ $ %# $ $ ##+ /% &- #$ $ %# $ $ .# % *&&.*#$ % !# # #! %%- * # % &.1 #$ #!#$ * + (-&&*&. # &#+ $%3 * 3 #$ *%" &. # $ $ -* %  # # * +- % ! !$ % ** * (*+ %- +- % *% & / (*+ %- 20 | DÉBATS & ANALYSES 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Manuel Valls a appelé, lundi 4 avril, au « sursaut républicain » contre la menace que représentent à ses yeux « l’islamisme radical et le salafisme ». Qu’il soit pacifique ou violent, ce courant intégriste détourné par le wahhabisme saoudien ravive la nécessité de construire un islam de France Comment endiguer le salafisme ? Les salafistes n’ont pas gagné la bataille des idées en France Fermons ces écoles et mosquées aux mains des extrémistes L’emprise du salafisme wahhabite est réelle. Mais ne laissons pas croire qu’il l’aurait emporté C’est aux musulmans de combattre le fondamentalisme qui prospère et de se doter d’une élite « déradicalisée » capable de les représenter véritablement Par RACHID BENZINE L e vocable « salafisme » n’est pas d’un usage ancien, contrairement à ce que l’on imagine de nos jours. Dans le Coran (sourate 43, verset 56), le mot « salaf » est utilisé de manière négative pour évoquer la noyade du « peuple » (« qawm ») de Pharaon qui a défié la puissance divine. Ce châtiment est dit représenter un « précédent », un « salaf » (au sens de « ce qui s’est passé avant ») et une « leçon » (« mathal ») pour ceux qui s’aviseraient à se comporter de la même façon. Cela n’a donc rien à voir avec les usages actuels. Dans le corpus du Hadith, la tradition prophétique mise par écrit au IXe siècle de l’ère commune, on trouve une seule allusion (chez le théologien Ibn Hanbal, mort en 855), positive cette fois, à des « anciens vertueux », des « salaf sâlih », qu’aurait rejoint un partisan de Muhammad, Uthmân fils de Maz’un, mort en l’an 3 de l’Hégire. L’origine des emplois actuels du mot « salafisme » est à chercher plutôt dans le vocabulaire des mouvements dits « réformistes » de la fin du XIXe siècle, qui ont mis à l’honneur l’expression « al-salaf al-salîh », avec le sens de « pieux anciens ». D’ailleurs, ces réformistes ont été, en leur temps, désignés comme « salafistes », étiquette qu’ils assumaient, car ils s’inscrivaient dans un mouvement de retour aux sources de l’islam. Cherchant à revenir à l’exemple des figures vénérées des premiers jours de l’islam, les réformistes du XIXe siècle entendaient répondre aux catastrophes politiques de l’époque, dans le Maghreb colonisé comme dans les pays du Proche-Orient, longtemps sous domination ottomane et parfois déjà contrôlés par les puissances européennes. Ils étaient à la fois en quête de retrouvailles avec un passé fantasmé – celui où la « umma » musulmane (notion idéologique sans réalité politique) aurait été puissante et harmonieuse –, et soucieux de conjuguer modernité scientifique et technique avec religion. Ces penseurs et acteurs de l’histoire étaient des hommes de religion de haute culture islamique et leurs noms brillent toujours dans le monde musulman : Djamâl alDîn al-Afghânî (mort en 1897), l’enseignant de l’université d’al-Azhar Muhammad Abduh (mort en 1905), l’émir algérien Abd el-Kader (mort en 1883) ou un autre professeur azhari, Rashîd Ridâ (mort en 1935), mais qui se rapprochera des wahhabites et des Séoud après l’abolition de l’institution califale par Ataturk, en 1924. UN TERME ACCAPARÉ PAR LES WAHHABITES On compte également parmi eux le Syrien Kawâkibi (mort en 1902), qui s’est dressé contre ce qu’il nommait le « despotisme ottoman » et qui a fait l’éloge d’un retour – fantasmé lui aussi – à la concertation telle qu’elle se pratiquait, dit-on, au temps du Prophète, la « shûrâ » des origines dont s’empareront peu après les nationalistes arabes, y voyant une « démocratie musulmane » avant la lettre. Hassan al-Bannâ, fondateur des Frères musulmans en 1928, mouvement ayant pour but la réislamisation des sociétés à l’encontre de leur occidentalisation, se réclamait lui aussi de l’appellation « salafiste ». Le wahhabisme saoudien, quant à lui, s’est approprié la qualité de « salafisme » à partir du moment où il a été en capacité de prendre possession des lieux saints de l’islam (La Mecque et Médine), qu’il a ravis à deux reprises à la tribu des Hachémites (la tribu du Prophète Muhammad), une première fois en 1802, et une deuxième en 1924. Mouvement ultra-sectaire et intolérant apparu dans la région de Nedj, en Arabie, au XVIIIe, avec le savant religieux Muhammad Ubn Abdelwahhab, le wahhabisme a été jusqu’aux années 1950 considéré par l’orthodoxie sunnite comme un mouvement déviant. Il ne doit son succès qu’à l’alliance avec la tribu des Saoud, laquelle va mettre cent cinquante ans à conquérir l’ensemble de la Péninsule arabique (fondation du royaume saoudien actuel en 1932, après deux tentatives). Prétendant incarner le seul véritable islam « de toujours », celui des premiers temps, les adeptes de la pensée d’Abdelwahhab ont toujours refusé le qualificatif de « wahhabites », sous lequel les désignent leurs adversaires, lui préférant celui de « salafistes », dont ils revendiquent de nos jours l’exclusivité. Les « wahhabites » ou « salafistes wahhabites » sont des musulmans qui déclarent apostats ou anathèmes tous ceux qui ne pensent pas comme eux, d’où aussi le qualificatif de « takfiristes » qu’on applique aux plus ultra d’entre eux. Depuis les années 1960, avec la fondation de la grande université de Médine, l’islam wahhabite saoudien prétend représenter l’orthodoxie sunnite. Les royalties du pétrole lui ont permis, ces quarante dernières années, de « wahhabiser » une grande partie de l’islam. C’est ainsi que, dans beaucoup de mosquées aujourd’hui, sont véhiculées des idées obscurantistes et dangereuses (telles que la comparaison des juifs avec des singes ou l’assimilation des chrétiens à des porcs), qui ont pour caractéristique première une lecture complètement décontextualisée, non historique, du texte coranique. Ainsi, on peut dire que les monstruosités actuelles de Daech sont issues de ce terrain idéologique. Les effets des discours étant dorénavant démultipliés par la diffusion instantanée des messages au plan mondial. Il convient cependant de remarquer que tous ceux qui se réclament, de nos jours, du salafisme, y compris en référence à l’islam enseigné en Arabie saoudite, ne versent pas dans la haine et dans la violence. Il existe même des salafistes piétistes non violents qui cherchent à vivre entre eux ce qu’ils considèrent être le seul « pur islam ». C’est pourquoi les récents propos du premier ministre, stigmatisant une grande partie des musulmans de France en considérant que le salafisme aurait gagné partout, s’avèrent dangereux, car outrancièrement simplificateurs. Au contraire, la majorité des musulmans de France s’inscrit plutôt dans un islam de plus en plus pluriel, voire de plus en plus sécularisé et privatisé, contrairement aux apparences. Néanmoins, il faut tout faire pour que le salafisme version wahhabite ne triomphe pas ! p ¶ Rachid Benzine est islamologue, chercheur associé à l’Observatoire du religieux (Aix-en-Provence) et enseignant à l’IEP d’Aix-en-Provence. Il est le coauteur, avec Christian Delorme, de « La République, l’Eglise et l’islam, une révolution française » (Bayard, 190 pages, 16,90 euros) Déradicalisation | par selçuk Par ABDENNOUR BIDAR Q ue faire si l’on ne veut pas que le salafisme domine dans l’islam de France ? Les solutions sont multiples afin de lutter efficacement – c’est de notre responsabilité – contre cette idéologie du prétendu retour à l’islam des origines, qui se caractérise par des signes reconnaissables : une représentation de l’islam comme « vérité absolue » supérieure à toute autre vision du monde ; une conception de la religion comme « totale », qui doit gouverner aussi bien la vie privée que la vie sociale et politique ; une prétendue fidélité au « noyau originel » de la prédication de Mohammed. Cette fidélité a trois expressions. Elle confond souci de la tradition et traditionalisme, en déclarant intangibles des pratiques historiques – tel ou tel vêtement pour l’homme et la femme, la séparation entre les deux sexes, la domination masculine. Elle fait sombrer le dogme dans le dogmatisme en déclarant tout aussi éternelles et indiscutables les prescriptions de la loi religieuse, en particulier les ‘ibadat, c’est-à-dire les rites, obligations et interdits majeurs : les cinq prières par jour, le jeûne du mois de ramadan, le pèlerinage à La Mecque, l’interdiction de consommer du porc ou de l’alcool, etc. Une liste qui peut s’allonger indéfiniment et concerner aussi les mu ‘amalat (l’éthique et la vie en société). La culture musulmane moyenne ou populaire – y compris chez de nombreux diplômés, universitaires, pourtant doués de culture et d’esprit critique – reste prisonnière du mythe selon lequel tout cela serait consubstantiel à l’islam… La base cachée et très large du salafisme est là, dans ce traditionalisme ancré dans trop d’esprits, qui sacralisent abusivement une tradition qui a fait de l’islam un système rigide de lois – alors que le Coran, disait Mohammed Iqbal (1877-1938), philosophe pakistanais, « n’est pas un code légal ». Cette confusion est le péché originel de l’islam – son fantasme sur sa propre origine et nature, que l’intellectuel algérien Mohammed Arkoun (1928-2010) nommait sa « mytho-histoire » jamais déconstruite, toujours régnante comme un impensé majeur dont le résultat catastrophique est de soustraire à l’esprit critique, à la responsabilité spirituelle personnelle tout ce qui concerne des « fondements de la religion » considérés comme un sacré intouchable. La liberté de conscience en islam ? Elle existe de fait, elle n’a jamais reçu la moindre légitimité de droit. Les philosophes critiques, apôtres d’une spiritualité libre, ont été et sont toujours les grands battus de l’histoire de l’islam – ignorés ou dénoncés comme apostats par les dignitaires, et désignés comme tels à la vindicte de la masse. La première responsabilité est là, du côté de la conscience islamique, de ce rendez-vous qu’elle a avec la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer, d’être « le musulman ou la musulmane qu’on veut être » au lieu de subir la contrainte explicite ou diffuse, consciente ou inconsciente, de stéréotypes dont le juriste tunisien Yadh Ben Achour a raison de considérer comme la conséquence du totalitarisme émanant d’une « orthodoxie de masse ». Deuxième responsabilité, il s’agit pour l’islam de France de se doter d’une représentation décléricalisée, qui ne soit plus la chef du « culte musulman », la gardienne du traditionalisme. Les musulmans de France ne sont pas un troupeau de fidèles qui auraient besoin d’être gardés par des bergers – et puisqu’il faut former des imams, troisième responsabilité, il faudra commencer par leur apprendre qu’ici, en démocratie, personne n’est légitimé à jouer le rôle d’un maître de religion ou d’un directeur de conscience. GHETTOS GANGRENÉS Les musulmans de France sont infiniment divers et il leur faut une représentation infiniment diverse, dans laquelle les théologiens, recteurs, imams, autrement dit tous les religieux de métier, ne seront qu’une composante. Est-ce, en France, à l’Etat d’instituer une telle instance ? Non, c’est aux musulmans d’avoir enfin la maturité collective de faire sortir de leurs rangs des femmes et des hommes qui incarnent, dans tout leur être et dans tout leur parcours, l’alliance réussie, heureuse, devenue naturelle entre leurs cultures française et islamique. J’appelle les musulmans à prendre enfin cette responsabilité, au lieu d’attendre encore et toujours de l’Etat qu’il nomme et désigne. Car cet Etat a, sur le sujet, d’autres responsabilités qui sont proprement les siennes. Elles sont nombreuses, mais faciles à lister. Assurer les plus urgentes : la fermeture des mosquées salafistes, la sécurité de la population face à la menace djihadiste. Veiller à ce que ne se multiplient pas les écoles confessionnelles islamiques, où les enfants seraient endoctrinés par l’idéologie salafiste. Agir de façon assez volontariste pour remédier – enfin – à la formation, sur notre territoire, de ghettos gangrenés par un « milieu » de type nouveau où se mélangent marchés parallèles (notamment la drogue), gangstérisme et salafisme, sur fond de déshérence généralisée. Non pas interdire la visibilité publique du religieux, mais rester ferme sur la laïcité là où l’affirmation de la croyance voudrait faire triompher une « loi de Dieu » sur les principes et valeurs de notre contrat social et des droits de l’homme. Reconnecter la promesse républicaine – liberté, égalité, fraternité – avec la réalité d’une véritable égalité des chances, d’un vrai recul des discriminations et avec une vraie pédagogie à l’école, afin que le fait de vivre en France soit à nouveau perçu comme une chance par ceux qui, parmi les musulmans, sont tentés par le ressentiment à l’égard d’un pays où ils ne sentent pas qu’on leur fait une vraie place. Et nous tous, comme l’a dit Manuel Valls, nous avons la responsabilité de retrouver un « idéal » ou une « transcendance », un projet de société où soit prise en compte la dimension spirituelle de la vie humaine – son besoin de sens et d’élévation – de façon ouverte et libre. De telle sorte que, la nature ayant horreur du vide, notre espace public ne soit plus livré au retour du pire du religieux : le « prêt-à-penser » et le « prêt-à-porter ». p ¶ Abdennour Bidar est philosophe et écrivain français. Il a notamment écrit « Lettre ouverte au monde musulman » (Les liens qui libèrent, 2015) débats & analyses | 21 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Les confidences douces-amères de Jacques Delors Le livre D ans son livre Jusqu’ici tout va mal (Grasset), paru en 2014, Cécile Amar, grand reporter au Journal du dimanche, avait consacré tout un chapitre à explorer la relation entre François Hollande et Jacques Delors ou plutôt la non-relation entre le président de la République et son ancien mentor. Depuis que le premier est entré à l’Elysée, les deux hommes ne se sont réellement vus qu’une seule fois, lors d’un déjeuner, en juillet 2013, ce qui est plutôt court si l’on se souvient que, dans les années 1990, François Hollande était à la tête du club Témoin, qu’il militait activement pour une candidature Delors à la présidentielle, qu’il partageait la vision européenne du président de la Commission européenne et que, pendant la campagne de la primaire socialiste en 2011, il n’avait pas hésité à se présenter comme un de ses héritiers. Pourquoi après cela tant d’ingratitude ? La thèse de l’auteure est que François Hollande jouait les affranchis, qu’il ne voulait rien devoir à personne. Sans doute aussi le nouvel élu redoutait-il un peu le jugement de Delors le rigoriste resté d’autant plus droit dans ses idées que sa chimère avait été « de faire de la politique sans se salir les mains, d’exercer le pouvoir sans avoir à le conquérir », ainsi que François Hollande le pressentait et l’écrivait sous le pseudonyme de Caton dans les années 1980. Le mérite de Cécile Amar aura été d’aller jusqu’au bout de l’enquête en restituant, à travers ses conversations avec Jacques Delors, le regard sur le quinquennat de l’homme qui n’avait pas voulu être roi. L’exercice était a priori biaisé car l’auteure ne s’en cache nullement : c’est Martine Aubry, la fille de Jaques Delors, la rivale de François Hollande à la primaire, qui a poussé au livre à l’été 2014 après avoir trié les innombrables cartons d’archives de son père. « Vous devriez regarder, il y a peut-être un livre à faire », avaitelle lancé. La journaliste a donc regardé mais elle a surtout confessé l’ancien président de la Commission européenne avec toujours le souci de rapporter son expérience passée à la situation présente. Le résultat est un clair-obscur où les soupirs comptent davantage que les mots. Car ce n’est pas à 90 ans que l’ancien conseiller de Jacques Chaban-Delmas, l’ancien ministre de François Mitterrand, va se mettre à « faire du buzz » en crachant dans la soupe. Au lendemain du premier tour des élections régionales de décembre 2015, marqué par une nouvelle progression du Front national et l’éviction de la gauche dans le Nord, il confesse « avoir mal à la France ». A plusieurs reprises, il laisse échapper sa perplexité face à des gouvernants qui « sont perdus, n’ont plus de ligne », mais il évite les attaques ad hominem. Magnanime, il reconnaît LE GRAND RENDEZ-VOUS EUROPE 1, « LE MONDE », I-TÉLÉ François Fillon : « Macron doit prouver qu’il est compétent » Que pensez-vous du phénomène Macron ? Le diagnostic qu’il fait est parfait. Je n’ai pas grandchose à y ajouter. Simplement, c’est un diagnostic d’une cruauté implacable contre François Hollande, et accessoirement contre ceux qui le conseillent ou qui l’ont conseillé. Qu’a fait Emmanuel Macron depuis qu’il est au gouvernement ou depuis qu’il conseille François Hollande ? Il a libéralisé les transports par car. Pour le reste, il a quasiment échoué sur toutes les autres propositions qu’il a formulées. Son dernier échec le plus récent, c’est la manière dont il a géré la tentative de fusion entre Orange et Bouygues, car c’est lui par la position qu’il a prise qui a fait échouer ce rapprochement. Pourtant il devient, avec Bruno Le Maire, le symbole du renouveau… Il y a un vrai problème de bilan d’Emmanuel Macron au gouvernement. Après, la proposition qu’il fait est-elle une nouvelle recette de la sauce hollandaise ou un plat autonome ? A votre avis ? Je n’en sais rien. C’est à lui de clarifier la situation. Il faut qu’il fasse avec un peu moins de marketing. Ça fait très produit marketing le clip avec les banques d’images. On va me dire que c’est du détail, mais il y a quand même un problème d’authenticité du message d’Emmanuel Macron. Et surtout, si vraiment il est en désaccord complet avec la politique qui est conduite aujourd’hui, il faut qu’il en tire les conséquences. Vous le prendriez comme premier ministre ? La question ne se pose pas comme ça. J’ai dit que je voulais une équipe de France, composée d’une quinzaine de personnalités caractéri- sées par quelque chose de très nouveau dans la vie politique française : je voudrais qu’ils soient compétents. Mais alors Macron ? Il faut qu’il prouve qu’il est compétent. Il n’a rien démontré jusqu’à maintenant, rien démontré. Vous le mettriez dehors, si vous étiez premier ministre ? Je pense que oui. Je ne pense pas que j’accepterais qu’un des membres de mon gouvernement conduise une aventure personnelle qui, en l’occurrence, est assez proche des convictions que je défends, mais qui est totalement contraire aux engagements du président de la République. Manuel Valls est trop faible ? En tout cas, on sent son agacement, son énervement, sa colère qui monte, et ça a tendance, de mon point de vue, à altérer son jugement. La France a-t-elle raison d’inscrire Panama sur la liste des paradis fiscaux ? Oui, à l’évidence, puisque Panama ne respecte pas les règles qui ont été édictées après la crise financière pour assurer la transparence de la circulation des capitaux. Cette enquête est-elle crédible pour vous ? Il y a incontestablement des faits qui ont été rendus publics par cette enquête. Ma conviction, c’est que la fraude fiscale est une atteinte au contrat démocratique. Celui-ci suppose le consentement à l’impôt. La fraude fiscale ruine ce contrat démocratique, donc elle doit être combattue avec la plus grande énergie. Et c’est un combat éternel. C’est-à-dire qu’il y aura toujours des fraudeurs, comme il y aura toujours des délinquants, et même à François Hollande d’avoir eu la bonne attitude lors du Conseil européen qui décida du sort de la Grèce. Et c’est finalement l’auteure qui, à force d’allées et retours, tente de répondre à cette question qui tient de fil conducteur au livre : une personnalité comme Jacques Delors aurait-elle mieux réussi que l’actuel président de la République ? PLUS AUBRYSTE QUE HOLLANDAIS L’HOMME QUI NE VOULAIT PAS ÊTRE ROI, CONVERSATIONS AVEC JACQUES DELORS de Cécile Amar Grasset, 234 pages, 18 euros Parce qu’il n’y a pas un Américain, c’est suspect pour vous ? J’ai constaté comme tout le monde qu’il n’y avait pas beaucoup d’Américains, mais je ne suis pas un expert et je n’ai pas d’information particulière. On m’a expliqué que les Américains ne fraudaient plus. Très bien. Je veux bien en accepter l’augure, j’en doute un peu. p propos recueillis par michaël darmon, jean-pierre elkabbach et arnaud leparmentier ¶ François Fillon ancien premier ministre, candidat à la primaire à droite (Les Républicains) françoise fressoz Le caméléon chinois saura-t-il se teinter de démocratie ? Analyse françois bougon donc la société doit s’organiser en permanence pour faire face à cette fraude. Qui est derrière l’enquête à votre avis ? Deux questions se posent. D’abord, jusqu’où on peut aller dans le vol d’informations ? En l’occurrence, il s’agit de personnes qui fraudent le fisc, donc il y a un aspect moral à cette dénonciation, mais demain ce sera quoi ? Ce sera des données personnelles, sur la vie privée, sur la santé ? Il y a une réflexion collective à avoir sur ce qu’on appelle les lanceurs d’alerte. Ce n’est pas un sujet aussi simple qu’on voudrait bien le dire. La deuxième chose, c’est qu’il serait utile de savoir quelle est l’origine de ces informations. Est-ce qu’il y a derrière d’autres Etats, une volonté de montrer la fraude fiscale dans certaines parties du monde et pas dans d’autres ? L’interrogation est légitime car il y a chez les deux hommes des similitudes dans l’approche du pouvoir : même sens de la négociation, même dose de rouerie, même pragmatisme face à la complexité du réel. Simplement, l’un portait une vision, savait souder une équipe et expliquer son action au point de parvenir, en 1985, à relancer l’Europe en panne, là où l’autre semble constamment englué dans le court terme et la manœuvre. « L’important dans la vie est d’avoir les mêmes idées, de garder les mêmes fondamentaux », assène l’ancien président de la Commission européenne dont tout le parcours aura été imprégné par l’engagement syndical et les valeurs du catholicisme social. Cependant, Jacques Delors est suffisamment lucide pour s’apercevoir que le monde a changé. « On a l’impression que le socialisme a donné tout ce qu’il pouvait », soupire-t-il. L’ancien militant se heurte à « la société du fastfood » qui fait perdre « la mémoire collective ». Il déplore que le « développement de la finance et de l’individualisme change peu à peu le paysage intellectuel ». Au côté de François Mitterrand, il faisait office de père la rigueur, se situait à la droite du PS au point de combler d’aise le chancelier allemand Helmut Kohl, qui le considérait comme l’homme « qui empêchait les socialistes de faire des bêtises ». Aujourd’hui, Delors se positionne nettement plus à gauche que le gouvernement et s’étonne que, depuis trois ans, « on donne l’impression qu’il suffit que le patronat demande quelque chose pour qu’on le lui accorde ». Au soir de sa vie, il n’est pas devenu à proprement parler un « frondeur » mais il est devenu bien plus aubryste que hollandais avec la même aversion que sa fille pour Emmanuel Macron, la coqueluche des sondages, qui croit bon d’encourager les jeunes à devenir milliardaires. La conclusion de Cécile Amar est sans appel : « François Hollande n’est plus dans la filiation idéologique » de Jacques Delors. Le fils prodigue a trahi. Mais voilà, François Hollande a été élu président de la République, pas Jacques Delors. Ni sa fille dont le père vante « la générosité sans limite », salue le parcours politique à l’exception de cette satanée primaire qu’elle a perdue. « J’étais triste qu’elle y aille », confie-t-il, comme si le pouvoir suprême devait être interdit à la fille comme au père parce qu’il salit les mains. Avec, en retour, cette inextinguible nostalgie de n’avoir pu « être utile » au pays autant que nécessaire. Le drame delorien. p Service international L PLUS DE RÉPRESSION, ARGUENT LES ÉCONOMISTES, NE PERMETTRA PAS D’ÉCHAPPER AU PIÈGE DU REVENU INTERMÉDIAIRE a situation semble ne guère s’y prêter, tant les enjeux sont importants pour le monde à venir, mais prenons quand même le temps d’un petit jeu. Si, pour tenter de comprendre et d’expliquer ce qui se passe actuellement dans la plus grande puissance asiatique, on essayait de dresser un portrait chinois, il est fort probable que la réponse à la question « Quel animal êtes-vous ? » serait : « Un caméléon ». Car c’est assurément dans sa capacité d’adaptation que réside le génie du communisme chinois. Cette plasticité explique que l’Etat-parti – ou le parti-Etat, laissons les sinologues en décider – ait pu survivre et surmonter tous les obstacles depuis l’accession au pouvoir, en 1949, de révolutionnaires qui sortirent vainqueurs d’une guerre civile avec les nationalistes et d’un long conflit avec les Japonais. Si le grand frère soviétique, qui avait accompagné les premiers pas de l’allié chinois avant de se transformer en ennemi, a été emporté en 1991, le Parti communiste chinois (PCC) est toujours là. Le mur de Berlin est tombé, la Grande Muraille a résisté. Le PCC, fondé à Shanghaï en 1921, est l’une des dernières formations marxistes-léninistes encore au pouvoir dans le monde. Les plénums et les réunions du comité permanent du bureau politique rythment toujours la vie politique. Lors des congrès, les drapeaux à la faucille et au marteau font la joie des photographes et des cameramen, L’Internationale, celle des journalistes de radio. On peut distinguer trois phases depuis 1949. La première, jusqu’en 1979, fut celle de Mao Zedong, le fondateur du régime. Nourri de culture classique chinoise et bercé par les récits des romans populaires d’aventures, Mao avait adopté, et adapté, le marxisme-léninisme venu d’Europe. A la place des prolétaires, les paysans ; et Mao gagnait sa place au côté de Marx, Engels, Lénine et Staline… Une « sinisation » en bonne et due forme. Le pays retrouvait son intégrité et sa fierté après les « traités de l’opium » imposés par les puissances coloniales occidentales au XIXe siècle. Fini le temps de l’humiliation où la Chine était « l’homme malade de l’Asie ». Ragaillardi, le pays vécut au rythme de la mobilisation permanente, plongé dans une lutte incessante contre les « ennemis de classe », d’abord au sein de la société – les propriétaires fonciers et les capitalistes –, puis à l’intérieur même du PCC. Le bilan fut désastreux : le Grand Bond en avant et la Révolution culturelle se soldèrent par des millions de victimes. Le pays était appauvri après avoir été mis à feu et à sang. A la mort de Mao, Deng Xiaoping reprit le flambeau. Le « Petit Timonier » sut adopter, et une nouvelle fois adapter, une autre idéologie venue d’Occident, le capitalisme. Le « socialisme aux caractéristiques chinoises » affichait sans complexe ses contradictions : une économie de marché dans un pays formellement communiste. Si le PCC gardait le contrôle strict du champ politique – il le montra de manière brutale en envoyant les chars réprimer le mouvement démocratique sur la place Tiananmen, en 1989 –, il laissait le champ libre aux acteurs économiques. Ce « contrat social » dura près de trente ans, donnant naissance à une classe moyenne et à des centaines de milliardaires. Cette « révolution » partit, une nouvelle fois, des campagnes, avec la fin des communes populaires, pour s’étendre à tout le pays après des expérimentations menées dans des villes côtières. Ce furent les années fastes, les « trente glorieuses » chinoises, qui virent l’économie asiatique devenir la deuxième du monde. L’apogée de cette phase fut l’organisation des Jeux olympiques à Pékin, en 2008. Lors de la cérémonie d’ouverture, le parti afficha sa puissance retrouvée, avec Confucius en vedette, le sage jadis honni par Mao mais désormais en odeur de sainteté : « Comment ne pas se réjouir quand des amis viennent de loin ? » UN NOUVEAU MODÈLE À INVENTER Le dessillement n’a pas tardé : on peut dater le début de la nouvelle phase de 2009. Certes, la Chine a su traverser la bourrasque de la crise financière de 2008, mais le productivisme, fondé sur les exportations, dévoreur d’énergie et nourrissant les inégalités, a montré ses limites. Aujourd’hui, un nouveau modèle économique doit être inventé. Confronté à ce défi, le secrétaire général du PCC, le président Xi Jinping, pioche dans la boîte à outils maoïste. Il prétend garder un contrôle accru sur la société et renouveler sa confiance dans les grandes entreprises publiques monopolistiques, tout en s’évertuant à promouvoir une économie basée sur l’innovation. Mais plus de répression, argumentent les économistes, ne permettra pas d’échapper au piège du revenu intermédiaire (en anglais, middle-income trap), ce moment où les pays à forte croissance atteignent un seuil sans parvenir à le dépasser à moins d’entreprendre des réformes. Face à ce dilemme, il se heurte à une vieille question politique : comment donner plus de liberté pour accoucher d’une économie de l’innovation fondée sur l’intelligence sans remettre en cause l’hégémonie du parti unique ? Un vieux modèle se meurt, un nouveau tarde à apparaître, que fera M. Xi ? Persistera-t-il dans la voie autoritaire maoïste ? Ou saura-t-il, comme l’espèrent certains, adopter, et adapter, une version chinoise d’une idée venue de l’Occident : la démocratie ? p [email protected] 22 | 0123 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 PLANÈTE | CHRONIQUE par sté p hane fo ucart Un grand malentendu U n grand malentendu se cache derrière l’incapacité de la plus grande part d’entre nous (et de nos responsables politiques) à prendre la juste mesure de la question climatique. Ce malentendu, c’est l’idée selon laquelle les scientifiques exagéreraient systématiquement la gravité de leur diagnostic, dans le but – louable ou répréhensible selon les options idéologiques de chacun – d’attirer l’attention sur le problème. Hélas, cette croyance est aussi fausse qu’elle est généralisée. Une étude américaine, publiée début avril par la revue Nature, en donne (une nouvelle fois) une claire illustration. Qu’ont donc découvert Robert DeConto (université du Massachusetts à Amherst) et David Pollard (université de Pennsylvanie) ? Que l’élévation moyenne du niveau de l’océan pourrait atteindre un maximum de 2 mètres d’ici à la fin du siècle, dans le cas d’un scénario « business as usual » – c’est-à-dire sans infléchissement de nos émissions de gaz à effet de serre. Or il n’aura échappé à personne que 2 mètres, c’est beaucoup, et que c’est bien plus que le niveau projeté, au même horizon de temps et dans les mêmes conditions, par le Groupe d’experts intergouvernermental sur l’évolution du climat (GIEC). Rappelons qu’en 2013, dans son cinquième et dernier rapport, le GIEC prévoyait qu’un maximum de 1 mètre environ d’augmentation du niveau marin était à attendre en 2100, si aucune politique climatique n’était mise en place. Un mètre, deux mètres : la différence sur un trait de côte est considérable. Comment diable des chercheurs sérieux peuvent-ils parvenir à un résultat aussi radicalement différent de celui du GIEC, établi voilà seulement trois ans ? La bombe carbone La réponse est libellée dans un bref paragraphe, à la page 1 174 du premier volet du cinquième rapport du GIEC. Tout indique, y lit-on en substance, que la calotte glaciaire de l’Antarctique de l’Ouest est instable, susceptible de laisser s’écouler dans l’océan, de manière « abrupte et irréversible », de grandes quantités de glace, mais il n’est pas possible de savoir à quel moment se concrétisera cette instabilité, ni quelle sera son ampleur… Parce que non quantifiable, cet effet n’a pas été pris en compte par le GIEC dans ses projections. En utilisant un modèle sophistiqué, capable de reproduire le comportement passé des glaces de l’Antarctique de l’Ouest, Robert DeConto et David Pollard proposent une quantification de ce phénomène. Et une fois cela ajouté aux projections du GIEC, le pire à attendre pour 2100 n’est plus 1 mètre d’élévation des mers… mais le double. Il ne s’agit pas de dire que le pire est certain. Mais plutôt de comprendre un aspect fondamental de l’expertise scientifique sur le climat. Non seulement les chercheurs participant au processus du GIEC n’exagèrent pas, mais ils sous-estiment à peu près systéma- IL VAUT MIEUX PÉCHER PAR EXCÈS DE SCEPTICISME QUE FAUTER PAR ALARMISME NON SEULEMENT LES CHERCHEURS SUR LE CLIMAT N’EXAGÈRENT PAS, MAIS ILS SOUSESTIMENT LEUR DIAGNOSTIC tiquement leur diagnostic en écartant de toute évaluation chiffrée ce qui est imparfaitement connu. Ce n’est pas nouveau. En 2007, dans son quatrième rapport, le GIEC n’avait pas tenu compte des pertes de glaces du Groenland : le pire attendu pour 2100 était estimé autour de 60 centimètres de hausse du niveau marin. En 2013, une fois le Groenland intégré aux calculs, le diagnostic s’était aggravé de près d’un facteur deux, à environ un mètre. Et, dans son prochain rapport, pour peu que les travaux de DeConto et Pollard soient reproduits et validés, il y a fort à parier que le GIEC doive doubler à nouveau la fourchette haute de ses projections. Autre exemple. Les modèles climatiques ne tiennent pas compte d’un possible relargage dans l’atmosphère du carbone prisonnier des sols gelés de l’Arctique. Il est pourtant très probable que le réchauffement à venir, en décongelant le pergélisol, conduise à une aggravation considérable de la situation. Il faut cette fois se transporter à la page 526 du premier volet du cinquième rapport du GIEC pour en avoir le cœur net : « Aucun des modèles climatiques [utilisés par le GIEC] n’inclut de représentation explicite de la décomposition du carbone présent dans le permafrost en réponse au réchauffement futur. » Il y a pourtant là une bombe à retardement à ne pas négliger. La quantité de carbone dormant dans les sols gelés de l’Arctique est généralement estimée à environ 1 700 milliards de tonnes, c’est-à-dire plus de deux fois l’ensemble du carbone présent dans l’atmosphère. L’expertise scientifique est ainsi systématiquement soupçonnée d’alarmisme alors qu’elle est, surtout lorsqu’elle est conduite dans un cadre officiel, profondément conservatrice. L’historienne des sciences Naomi Oreskes (université Harvard) a traduit cette tendance à la « prudence » scientifique par une expression difficilement traduisible : « Erring on the side of least drama » (quelque chose comme : « Arpenter le côté le moins dramatique des choses »). C’est un aspect culturel fondamental du monde scientifique, dans lequel il est préférable de se tromper en restant en deçà de la réalité, qu’en étant au-delà. Il vaut mieux pécher par excès de scepticisme, y compris vis-à-vis de ses propres résultats, que fauter par alarmisme. C’est vrai pour le climat, mais cela l’est également, sauf exception, dans les autres domaines des sciences de l’environnement : écologie, toxicologie, etc. Cela, la plus grande part de la société et des responsables politiques ne le comprend pas. C’est un malentendu aux conséquences graves, qui pourrait conduire à l’avenir à quelques cocasseries. Après avoir été plus ou moins suspectés d’alarmisme de longues années durant, il est probable que les chercheurs en sciences du climat seront accusés, dans les prochaines décennies, de n’avoir pas crié assez fort. p Tirage du Monde daté dimanche 10 - lundi 11 avril : 306 598 exemplaires PANAMA PAPERS : LA BONNE RÉACTION DE L’EUROPE M obilisation des administrations fiscales nationales. Présentation cette semaine d’une nouvelle directive comptable au sein de l’Union européenne. Réunion, mercredi 13 avril, à Paris, des hauts fonctionnaires chargés des questions fiscales au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). A l’évidence, les gouvernements occidentaux ont décidé de réagir au plus vite aux « Panama papers », cette série de révélations sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux. C’est une bonne chose. Une semaine après les informations inédites fournies par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ, dont Le Monde fait partie), tout se passe comme si les gouvernements avaient pris conscience de la portée politique de cette affaire. Il y a les situations particulières, bien sûr. A trois mois du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne (UE), le premier ministre britannique, David Cameron, se serait bien passé de voir son nom associé aux « Panama papers ». Même si le chef conservateur n’a légalement rien à se reprocher. Il y a l’entourage de la présidente du Front national, Marine Le Pen, lui aussi familier des pratiques d’évasion fiscale panaméennes. On y verra une certaine logique « idéologique », puisque l’entourage d’un des « héros » du FN, Vladimir Poutine, figure également dans la liste des pratiquants de la fiscalité offshore. Il est vrai que le Front a accepté un crédit d’une banque russe, qui n’a pu lui être accordé qu’avec le feu vert du même M. Poutine. Mais là n’est pas l’essentiel. Au-delà des situations individuelles, les révélations des « Panama papers » interviennent, en Europe et aux Etats-Unis, dans un climat politique déjà lourd. L’opinion publique est chauffée à blanc contre les « élites ». Des deux côtés de l’Atlantique, tout se passe comme si une partie des classes moyennes – au sens large de cette catégorie – réagissait aux ravages provoqués par la crise financière de 2008-2009. La révolte contre, pêle-mêle, « le système », « les élites », la mondialisation et ce qui l’accompagne explose à retardement sous des formes politiques diverses – cela va, d’un bord à l’autre du spectre politique, du succès d’une nouvelle gauche (Jeremy Corbyn au Royaume-Uni, Bernie Sanders aux Etats-Unis) au vote protestataire à droite (de Donald Trump à la poussée nationaliste sur le Vieux Continent). De façon informelle, la grogne monte contre une croissance inégalitaire et le sentiment qu’elle ne profite qu’à une minorité qui échappe au droit commun. A mesure que la globalisation économico-financière facilitait les pratiques d’optimisation fiscale pour les entreprises et les grandes fortunes, la pression fiscale augmentait sur les classes moyennes. D’où l’importance des initiatives prises cette semaine. La plus importante est la refonte par la Commission européenne d’une directive comptable de 2013. Elle imposera une discipline sans précédent : toutes les grandes sociétés opérant au sein de l’Union vont être soumises à une transparence comptable qui devrait rendre impossible le moindre détournement fiscal. En la matière, l’efficacité ne peut être nationale, elle passe par des réglementations supranationales. Il n’est pas indifférent, au moment où les démagogues prennent l’Europe comme bouc émissaire, que le bon exemple vienne de Bruxelles. Parfois, plus d’Europe est le bon chemin. p UN LIVRE « IMPORTANT « Augustin Trapenard, France Inter «Extrêmement vivant et souvent amusant.» Florence Bouchy, Le Monde des Livres «Une entreprise originale et passionnante. » Marianne Payot, L’Express «Instructif et savoureux, un bel hommage. » Mohammed Aïssaoui, Le Figaro littéraire «Dix-huit chroniques pleines de vie qui finissent par dessiner une petite histoire de France.» Julien Bisson, Lire «Une magnifique leçon sur la postérité. » Jean-Louis Ezine, Le Masque et la Plume « Une contre-histoire absolument passionnante. » François Busnel, France 5 «Tout le talent de Maalouf est de transformer cette galerie académique en recueil d’anecdotes insolites. » Jérôme Garcin, L’Obs DANS TOUTES LES LISTES DE MEILLEURES VENTES www.grasset.fr www.facebook.com/editionsgrasset "%$##&! OFFRES D’EMPLOI CHAQUE LUNDI PAGE 9 Londres assure le service minimum pour la sidérurgie britannique ▶ Attaché à la non-intervention, le gouvernement Cameron a tardé à chercher un repreneur pour les usines Tata C e lundi 11 avril, Emmanuel Macron se rend au Parlement européen, à Strasbourg, pour parler acier. Objectif : débattre de la meilleure façon de faire face à la « crise sans précédent » de la sidérurgie européenne, pour reprendre les mots du cabinet du ministre français de l’économie. Il devrait appeler à une meilleure protection des industries européennes face au dumping et aux surproductions chinoises. Ses propos résonneront particulièrement fort au Royaume-Uni. Lundi, Tata lance officiellement le processus de mise en vente de ses usines sidérurgiques outre-Manche. Le conglomérat indien, qui est le premier acteur du secteur dans le pays, a décidé de jeter l’éponge, face à l’hémorragie financière de son activité. En 2015, sa branche acier au Royaume-Uni a perdu 768 millions de livres (950 millions d’euros), pour un chiffre d’affaires de 4,2 milliards de livres sterling. L’annonce a provoqué la consternation : 15 000 emplois directs sont en jeu. En 2007, Tata avait racheté les vestiges de British Steel, l’ancienne entreprise sidérurgique nationale, privatisée par Margaret Thatcher. Il possède une dizaine de sites au Royaume-Uni, dont deux hauts-fourneaux. Le plus important se situe à Port Talbot, au Pays de Galles. Dans cette vallée industrielle, près de 40 000 emplois dépendent de l’acier. La fermeture du site porterait un coup terrible à l’une des régions les plus pauvres du pays. éric albert (à londres) et cécile ducourtieux (à bruxelles) → LIR E L A S U IT E PAGE 3 La fin des illusions pour l’économie du partage ▶ Les champions de l’échange de biens et de services sur Internet sont confrontés à l’arrivée de professionnels ▶ A Paris, une professionnalisation rampante d’Airbnb est en marche DOSSIER → LIR E PAGE S 6 - 7 Nouveau bras de fer entre la Grèce et ses créanciers L es réunions marathons se succèdent. En vain. Entre la Grèce et ses créanciers, les pourparlers engagés depuis des semaines afin de boucler au plus vite la mission visant à juger de l’état d’avancement des réformes (« revue » en jargon européen) s’enlisent. Côté grec, on espérait conclure un accord de principe avant le départ de la « troïka » lundi soir avec, comme date limite pour la signature de l’accord final, celle de l’Eurogroupe du 22 avril. Mais côté créanciers, les déclarations se multiplient ces dernières heures, évoquant plutôt le mois de juillet. Athènes redoute de devoir accepter des mesures plus dures s’il se retrouve dos au mur en juillet. Car il aura alors 3,5 milliards d’euros à rembourser à la Banque centrale européenne et au Fonds monétaire international. Les discussions achoppent sur trois points : la réforme des retraites, les créances douteuses des banques grecques et l’évaluation de la situation budgétaire du pays. Athènes veut éviter à tout prix de se retrouver dans la situation de juillet 2015, lorsque, à court de liquidités, il avait dû accepter la signature d’un nouveau Memorandum of understanding (MOU) engageant le pays vers trois nouvelles années d’austérité. p → LIR E PAGE 5 700 Une chambre à l’Aquarium de Paris, dans le cadre d’un partenariat avec Airbnb. AIRBNB/SIPA PORTRAIT KAUSHIK BASU, ÉCONOMISTE ICONOCLASTE DE LA BANQUE MONDIALE → LIR E PAGE 2 MÉDIAS LES CRAINTES DE FRANCE INFO AVANT LA CRÉATION DE LA CHAÎNE D’INFO PUBLIQUE → LIR E PAGE 1 0 J CAC 40 | 4 286 PTS + 0,38 % j DOW JONES | 17 576 PTS + 0,20 % j EURO-DOLLAR | 1,1407 J PÉTROLE | 41,67 $ LE BARIL K TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,43 % VALEURS AU 11 AVRIL À 9 H 30 C’EST, EN MILLIONS D’EUROS, LE DÉFICIT ANNUEL DES CAISSES DE RETRAITE GRECQUES PERTES & PROFITS | VIVENDI – CANAL+ Retour vers le futur, saison 2 E n quelle année sommes-nous ? 1997 ou 2016 ? On se frotte les yeux. C’est bien ce vendredi 8 avril 2016 que Vivendi a signé son retour en Italie avec l’acquisition de la télévision payante du groupe Mediaset de Silvio Berlusconi. Une offensive qui pourrait constituer le début d’un déploiement du Français sur l’Europe du Sud. Vincent Bolloré, le nouveau maître des lieux entend bien étendre l’emprise de Canal+ grâce à ses participations dans Telecom Italia et dans son homologue espagnol, Telefonica. Il pousse également les feux en Afrique et en Pologne. Tout cela exhale un fort parfum de déjà-vu. Durant les années 1990, Canal+, concurrencé dans son monopole français de la télévision à péage, était déjà parti à la conquête des mêmes horizons. L’Afrique en 1990, la Pologne en 1995, l’Italie en 1997, sous la férule de son patron, Pierre Lescure, et avec le soutien actif du PDG de Vivendi, Jean-Marie Messier. Avec le même souci qu’aujourd’hui : élargir la base de distribution des produits maison, tels que les films ou les compétitions sportives… Comme à l’époque, les analystes salivent aujourd’hui à l’idée d’une vague de concentration qui saisirait de nouveau l’Europe de l’audiovisuel. Et de montrer du doigt l’incontournable mammouth du secteur, Rupert Murdoch, sémillant vieillard de 85 ans qui collectionne les épouses et les chaînes de télévision sur tous les continents, sans se soucier du temps qui passe. Canal+ rejoue donc Retour vers le futur, mais en version saison 2. Car ce n’est pas la première Cahier du « Monde » No 22158 daté Mardi 12 avril 2016 - Ne peut être vendu séparément fois que la société contrôlée par Vincent Bolloré rend un hommage appuyé au passé. L’alliance conclue en février entre le groupe et son rival, BeINSports, qui lui faisait de l’ombre sur les droits du football, ressemble étrangement à la fusion avec TPS en 2005, qui avait éteint la concurrence dans le sport pour une petite dizaine d’années en France. L’histoire bégaye Il reste à espérer que la suite sera plus inédite. Car, à partir des années 2000, l’explosion de l’offre en France et la dégradation de la situation financière du groupe Vivendi, provoquée par sa boulimie d’acquisitions, avaient sonné le glas des ambitions internationales de Canal+. Sa filiale italienne Telepiu a été vendue en 2003 au bouquet italien de Rupert Murdoch. Même si elle bégaye, l’histoire ne se répète pas. Bien sûr, la volonté de multiplier les clients et de museler la concurrence ne change pas. Mais le contexte n’est plus le même. Le cercle des rivaux s’est élargi considérablement avec l’arrivée d’Internet, qui soustrait des spectateurs et multiplie les concurrents. Le plus terrible, Netflix, est déjà hors de portée du français. Avec une valorisation de près de 50 milliards de dollars (49,3 milliards d’euros) et une présence dans 190 pays, sa capacité d’investissement se compte désormais en milliards de dollars par an. Ce n’est pas en recyclant de vieilles histoires que Canal+ trouvera le scénario gagnant. p philippe escande L’HISTOIRE DE L’OCCIDENT ÉDITION 2015 Un hors-série 188 pages - 12 € Chez votre marchand de journaux et sur Lemonde.fr/boutique 2 | portrait 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Kaushik Basu L’économiste décalé L’économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale livrera, mardi 12 avril à Washington, son diagnostic sur la santé du monde U ne peinture de zèbre bariolé, une photo du leader nord coréen Kim Jong-un accompagnée d’une bonne blague, ou encore une capture d’écran de ses nouveaux « smileys ». Les images tweetées par Kaushik Basu, l’économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale, sont à son image : éclectiques et décalées. Né à Calcutta en 1952, cet universitaire, qui a aussi conseillé le gouvernement indien, n’a jamais adopté les codes austères de bon nombre de ses pairs. Ce tweet publié vendredi 8 avril en est un autre exemple : « Faire des réformes structurelles, voilà un conseil sans risque. Personne ne sait ce que cela veut dire. Si l’économie repart : Je vous l’avais bien dit.” Si elle stagne : “C’est justement parce que vous n’en avez pas fait.” » La boutade est destinée à ses amis du Fonds monétaire international (FMI), l’institution sœur de la Banque mondiale, qui ne cesse de tancer les Etats à ce sujet. L’une veille sur les grands équilibres financiers de la planète, l’autre sur le développement des pays les plus pauvres. A partir du 12 avril, leurs équipes ont rendezvous comme chaque printemps à Washington pour partager leurs vues du monde. Kaushik Basu y participera pour la dernière fois : nommé en 2012 au poste prestigieux d’économiste en chef de la Banque mondiale, il achève son mandat à l’automne. Il laissera en héritage une idée : la croissance économique n’est pas un remède suffisant contre la pauvreté. Pire, elle peut masquer un accroissement des inégalités, et l’extrême pauvreté de certaines populations. « Il est le premier économiste en chef originaire d’un pays pauvre : il sait ce que cela signifie de vivre dans le dénuement. Cette expérience a façonné sa vision », insiste l’économiste Nicholas Stern, connu pour son rapport sur le changement climatique et qui l’a précédé à la Banque mondiale entre 2000 et 2003. Afin d’étayer ses théories, et d’inciter la Banque mondiale à y regarder de plus près, il a créé un indicateur baptisé « The Bottom 40 % ». L’idée est d’évaluer l’impact de chaque programme de l’institution à l’aune ce qui a changé pour les 40 % les plus pauvres d’un pays. Elle paraît simple, mais sa mise en œuvre est un vrai casse-tête. « Poser les bonnes questions ne va pas de soi, car les critères d’évaluation sont souvent pensés en fonction des normes des pays riches », souligne Kaushik Basu. UN STYLE À LA WOODY ALLEN En acceptant le poste à la Banque mondiale, M. Basu savait par ses amis qu’il mettait la main dans un engrenage compliqué. « Le début est fascinant, car on a beaucoup de liberté, on peut faire passer des idées, même si cela ne se traduit pas toujours dans la pratique, témoigne François Bourguignon qui a été économiste en chef de la Banque de 2003 à 2007. Mais une fois qu’on est dans la machine, on est de plus en plus absorbé par la bureaucratie. » Très critique il y a quelques années vis-à-vis de grandes institutions internationales comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – créée selon lui pour le bénéfice des pays riches, et dotée d’une démocratie fictive – l’économiste a indéniablement adouci son discours en arpentant les couloirs de la Banque. La politique a-t-elle ébranlé certaines de ses convictions ? « J’aime à croire que je n’ai pas changé. Je me suis adapté, je suis devenu moins impatient », élude-t-il avec diplomatie. Sa fascination pour les chiffres aurait pu le conduire sur un tout autre chemin. Son père le poussait à poursuivre des études de mathématiques alors que lui « ne voulait rien faire ». Dans le Calcutta des années 1970, pris dans la fièvre révolutionnaire marxiste, son DAN CALLISTER/REX FEA/REX/SIPA esprit était ailleurs. Entre le « rien » et les mathématiques, ce sera finalement l’économie, mais autrement, en s’intéressant au développement. A la prestigieuse Delhi School of Economics, les amphithéâtres où il fait classe sont bondés. « Ses cours étaient populaires parce qu’il remettait en cause les conventions », se souvient Ashwini Deshpande, l’une de ses anciennes étudiantes. Comparé à Woody Allen pour son style un brin désuet autant que son sens de la dérision, il partage avec le cinéaste un sens aigu de l’observation. A la manière d’un anthropologue, il étudie ainsi les habitudes des consommateurs. Ses premiers articles s’intitulent : « Pourquoi de nombreux prix de marchandises se terminent par 9 » ou encore « Pourquoi nous n’essayons pas de sortir d’un taxi sans payer la course ? » Ce côté iconoclaste séduit aussi outre-Atlantique, où il est recruté en 1996 par Cornell, une prestigieuse université de la Côte est aux Etats-Unis. C’est là qu’il publie, en 1998, un article dans lequel il explique que l’interdiction du travail des enfants serait contre-productive. « Il a montré qu’en l’absence d’autres sources de revenus pour leur famille, les enfants se tournaient vers des activités bien plus dangereuses, explique Chris Barrett l’un de ses collègues du département d’économie de Cornell. Cette découverte a eu un impact considérable en mettant fin aux campagnes de boycott. » Près d’une décennie plus tard, Kaushik Basu entre cette fois de plain-pied en politique. Nommé conseiller économique en chef du gouvernement indien, il a pour mission d’insuffler de nouvelles idées aux hauts fonctionnaires qui planchent sur les réformes. « Si Malinowski pouvait passer trois ans sur les îles Trobriand, observant et prenant des notes sur les mœurs et les rituels de ses habitants, alors certainement je pouvais survivre deux ans au North Block [le surnom du ministère des finances], au moins pour observer les bureaucrates et les politiciens si ce n’est pour autre chose », écrit-il KAUSHIK BASU LAISSERA EN HÉRITAGE UNE IDÉE : LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE N’EST PAS UN REMÈDE SUFFISANT CONTRE LA PAUVRETÉ 1952 1992 2009 2012 Naissance le 9 janvier à Calcutta Création du centre de recherche sur l’économie du développement à la Delhi School of Economics Conseiller économique du gouvernement indien Economiste en chef de la Banque mondiale dans An Economist in the Real World (éd. Penguin Viking, 2016, non traduit), tiré du journal de bord qu’il a tenu pendant ces années-là. C’est surtout pour lui une fantastique opportunité de confronter ses théories au terrain. « Je lui avais conseillé de se concentrer sur seulement quelques idées pour être audible », se souvient son prédécesseur Arvind Virmani. La lutte contre la petite corruption, qui mine le quotidien des Indiens, est l’un des sujets qui lui tient le plus à cœur. Mais le remède qu’il suggère – la légalisation des potsde-vin – est pour le moins inattendu. « Dans les situations où un fonctionnaire demande un pot-de-vin à un usager qui a pourtant le droit d’exiger un service, il est important de distinguer l’auteur du délit de la victime. Maintenant, pensez au fonctionnaire qui demande un pot-de-vin. Il saura qu’une fois l’argent perçu, il ne pourra plus compter sur la complicité de l’usager pour dissimuler la transaction », justifie-t-il en 2011, au plus fort des manifestations anticorruption. La mesure n’a finalement pas été adoptée, mais M. Basu en a fait l’un de ses chevaux de bataille à la Banque mondiale, en la nuançant un peu. Prenant ses distances avec le jargon, Kaushik Basu est un économiste pour qui une courbe graphique peut se regarder comme une peinture. « Ce ne sont pas les visions du printemps par Jackson Pollock mais les performances et prévisions de croissance des pays de l’Asean et de quelques autres entre 2012 et 2016 », s’est-il ainsi amusé à écrire un jour sur son compte Twitter. Pour aller au-delà des chiffres, leur donner vie et sens, il convoque la sociologie, la philosophie, la culture… « Il est comme les penseurs de la Re- naissance », souligne, admiratif, son ami Chris Barrett. A la Banque mondiale, il bouscule ainsi les traditions en consacrant un rapport au rôle de la psychologie dans le développement : il paraît en 2014 sous le titre « Pensée, société et comportement ». « Ce thème était loin de faire l’unanimité, mais j’y tenais beaucoup car trop de bonnes politiques échouent faute d’avoir été présentées sous le bon angle », explique ce fin stratège, dont le bureau abrite un jeu d’échecs géant. « UN LEVIER PUISSANT » « La psychologie aide les industriels à nous vendre des soupes et les politiques à se faire élire. Pourquoi serions-nous les seuls à ne pas en tirer partie ? C’est du bon paternalisme », poursuit-il. La performance des enseignants est, selon lui, un cas d’école. « Dans la majorité des pays pauvres, elle est médiocre, car la plupart s’estiment sous-payés. L’Inde est une des rares exceptions, avec des professeurs très impliqués : ils ne sont pas mieux payés, mais ils sont fiers ce qu’ils font. C’est un levier puissant », analyse-t-il. Ses réflexions sur ces années à la Banque mondiale sont consignées dans un journal, dont il espère tirer une pièce de théâtre. « Sans révéler quoique ce soit de confidentiel, j’aimerais mettre en scène toutes les choses drôles, inattendues, ineptes que j’ai entendues ces quatre dernières années », s’amuse Kaushik Basu, dont la première pièce a été jouée à Delhi il y a quelques mois. En attendant, il rêve de descendre le Danube, et de visiter Cuba « avant que le pays ne change trop ». p julien bouissou (à new delhi) et chloé hecketsweiler économie & entreprise | 3 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Tata met en vente ses usines britanniques Le groupe Liberty House est pour l’instant le seul candidat à la reprise suite de la première page La crise ne touche pas seulement le Royaume-Uni. L’acier souffre d’une énorme surproduction mondiale : selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la surcapacité mondiale est de 600 millions de tonnes, presque le tiers de la production. La Chine, en particulier, a construit beaucoup trop d’usines sidérurgiques, tandis que la consommation mondiale n’a jamais retrouvé son niveau d’avant la crise de 2008. Résultat, les prix de l’acier ont été divisés par cinq en cinq ans. Face à cet effondrement, la France, mais aussi l’Allemagne et l’Italie, a beaucoup bataillé pour que Bruxelles adopte une ligne beaucoup plus dure vis-à-vis de la Chine et de ses exportations d’acier peu cher. Emmanuel Macron s’est personnellement impliqué dans ce dossier. Le Royaume-Uni, en revanche, a longtemps choisi une attitude diamétralement opposée. Jusqu’à très récemment, il combattait l’augmentation des droits de douanes. En février, son ministre de l’industrie, Sajid Javid, s’y opposait fermement : « A court terme, cela peut paraître une façon de protéger une certaine industrie, mais il faut se rappeler qu’au RoyaumeUni, en plus des producteurs d’acier, nous avons aussi des entreprises qui consomment de l’acier [en l’important] et cela risque d’avoir un impact pour elles. » Cette attitude se fait au nom du libre-échange et de la non-inter- vention économique, auxquels croient beaucoup les gouvernements britanniques. Depuis Margaret Thatcher, le Royaume-Uni rejette presque toujours l’idée de venir en aide aux entreprises en difficulté. Avec certains arguments qui portent : « Laisser les marchés ouverts pour s’assurer que les entreprises puissent se procurer [de l’acier] le moins cher possible est dans l’intérêt du pays », estime Diane Coyle, économiste à l’université de Manchester. En clair, mieux vaut importer pas cher, ce qui profite à l’ensemble de l’économie, que protéger quelques usines sidérurgiques et imposer des prix élevés à tous. L’absence de compétitivité de la sidérurgie britannique n’est pas simplement un effet conjoncturel lié à la surproduction chinoise. Le secteur souffre de problèmes structurels majeurs. L’électricité du Royaume-Uni est l’une des plus chères d’Europe, le gouvernement impose un prix plancher à la tonne de CO2 plus élevé que dans le reste de l’Union européenne et, surtout, les usines britanniques sont vieillissantes. « Nous payons Depuis septembre 2015, un peu plus de 4 000 emplois ont été supprimés dans le secteur Des ouvriers de Tata attendent le ministre de l’économie britannique, à Port Talbot (Pays de Galles) le 1er avril. BEN BIRCHALL/AFP des décennies de sous-investissement, qui remontent aux années où le secteur était nationalisé », estime Mme Coyle. Cette approche non interventionniste avait tenu bon en 2015, malgré la multiplication des annonces de licenciements dans la sidérurgie. Depuis septembre, un peu plus de 4 000 emplois ont été supprimés dans le secteur, dont la moitié avec la fermeture par SSI, une entreprise thaïlandaise, de son usine de Redcar, dans le nord de l’Angleterre. Le gouvernement restait dans le même état d’esprit quand Tata a annoncé la vente de son activité britannique, le 30 mars. Le lendemain, le premier ministre britannique, David Cameron, s’empressait de ne surtout rien promettre. S’il assurait qu’il aiderait à trouver un repreneur, il ajoutait : « Il n’y a pas de garantie de succès. » Sajid Javid, le ministre de l’industrie, était, de son côté, en voyage en Australie. Il lui aura fallu de longs jours avant de se rendre à Port Talbot. Et ce n’est qu’après une semaine que cet ancien banquier d’affaires de Deutsche Bank s’est rendu en Inde pour rencontrer la direction de Tata et prendre le dossier à bras-le-corps. Négociations difficiles Face au tollé politique, le ton a désormais changé. Le gouvernement britannique fait officiellement « tout ce qu’il peut » pour trouver un repreneur. M. Javid mène les négociations personnellement. Celles-ci s’annoncent pourtant difficiles. Pour l’instant, un seul candidat s’est officiellement dévoilé. Sanjeev Gupta, propriétaire du groupe privé Liberty House, monte depuis des années un groupe sidérurgique international au chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars (2,62 milliards d’euros). Mais sa spécialité est plutôt les petits sites et l’acier bas de gamme. Il multiplie aussi les exigences, demandant que l’Etat britannique reprenne le lourd déficit du fonds de pension et assume le coût du futur nettoyage industriel du site. Le gouvernement ne veut plus donner l’impression qu’il laissera tomber la sidérurgie. Samedi, Philip Hammond, le ministre des affaires étrangères, lors d’une rencontre avec son homologue chinois, est intervenu : « Je demande à la Chine d’accélérer ses efforts pour réduire le niveau de sa production d’acier. » Fondamentalement, pourtant, le Royaume-Uni n’a pas l’intention de faire une entorse au principe de non-intervention. p éric albert (a londres) et cécile ducourtieux (a bruxelles) Air France : les pilotes mécontents de l’ultime projet d’accord de la direction C’ est la proposition de la dernière chance pour la direction d’Air France. Elle a adressé, dimanche 10 avril, son ultime projet d’accord aux deux organisations représentatives de pilotes, le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) et le Syndicat des pilotes d’Air France (SPAF). Un projet accompagné d’un courrier de Gilles Gateau, nouveau directeur des ressources humaines de la compagnie, pour tenter de convaincre les pilotes. « Pour nous, la négociation est terminée. Nous sommes allés au bout », explique M. Gateau. Ce dernier se dit prêt toutefois à expliquer les nouvelles propositions faites aux pilotes. Il veut croire en ses chances de « trouver un compromis ». Cela semble peine perdue. « Nous n’avons pas été surpris. Cela ressemble beaucoup aux projets déjà reçus. Il n’y a pas de réelles nouveautés », réplique Philippe Evain, président du SNPL qui « s’interroge sur la volonté réelle de la direction d’aboutir à un accord ». M. Evain en veut pour preuve que le syndicat avait fait du rééquilibrage entre Air France et KLM « un point capital. C’était notre objectif numéro 1 ». Mais Air France n’a pas voulu revenir sur « l’accord inique » entre les deux compagnies, déplore M. Evain. De son côté, Air France assure avoir fait évoluer ses propositions et se dit prête désormais à « 10 % de croissance du long-courrier entre 2017 et 2020 ». A l’en croire, ce serait le moyen de parvenir à « un rééquilibrage progressif en heures de vol long-courrier avec KLM ». Faux rétorque le président du SNPL. Selon lui, « c’est un trompe l’œil. Il y a aura toujours dix avions long-courriers de moins que chez KLM car tout accord de croissance négocié avec Air France est accompagné par une croissance similaire de KLM. » « Voler plus pour gagner plus » Pourtant, M. Gateau estime avoir entendu les requêtes des pilotes. « Au départ, nous leur proposions de voler environ cent heures de plus par an avec la même rémunération. », rappelle le DRH. « Cette idée a été abandonnée au profit d’une approche différente : voler plus pour gagner plus mais en partageant les gains de productivité entre les pilotes et la compagnie. » La direction pouvait-elle faire autrement ? « Par principe », indique le SNPL, « nous refusons une baisse des règles générales des rémunérations des pilotes ». Selon les calculs du syndicat, les diminutions auraient pu être sévères : « Entre – 7 % et – 8 % pour les pilotes les moins impactés mais jusqu’à – 15 % pour les plus touchés. » Cette page a été tournée, rétorque Air France qui fait savoir qu’elle est « très loin des 17 % » d’efforts de productivité qu’elle demandait aux pilotes au début des négociations. Un effort qu’elle se refuse toutefois à chiffrer Les syndicats, qui avaient fait de l’emploi-pilote leur première préoccupation, pourraient avoir été entendus par la direction. Elle prévoit de recruter six cents pilotes d’ici 2020. Des embauches qui auront aussi pour effet de pérenniser la caisse de retraites des navigants, fait-on savoir. Trop peu, trop faible, trop tard ? A en croire, M. Evain : « les propositions de la direction n’ont aucune chance de pouvoir être acceptées par aucun pilote ». Le SNPL doit réunir son conseil le 20 avril. Il pourrait décider de soumettre le projet de la direction au vote des pilotes. Pour Philippe Evain : « ce projet est un cadeau empoisonné d’Alexandre de Juniac à son successeur. » Le PDG d’Air FranceKLM a décidé de quitter ses fonctions le 31 juillet. A l’avenir, le SNPL réclame « un changement de philosophie à la tête de l’entreprise ». Il faut « un industriel à la tête d’Air France. L’inverse d’un financier, d’un politique », revendique M. Evain. p guy dutheil On ne choisit pas son nom, mais on choisit qui on devient. #bedistinctive © campus com Les dernières propositions prévoient pourtant une augmentation de 10 % de l’offre long-courrier et l’embauche de 600 navigants 4 | économie & entreprise 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Comment PSA compte relancer Citroën Le groupe va lancer sept nouvelles voitures de la marque. Objectif : augmenter ses ventes de 30 % en cinq ans C arlos Tavares y croit dur comme fer. Lors de la présentation de son nouveau plan stratégique, mardi 5 avril, le président du directoire de PSA a annoncé une relance vigoureuse de Citroën, la marque qui pose le plus question dans le trio du groupe français, composé aussi de Peugeot et de DS. D’ici à 2021, les chevrons doivent repartir à la conquête, en augmentant leurs volumes de ventes de quelque 30 %, anticipe M. Tavares. Pour passer d’environ 1,2 million d’unités écoulées en 2015 à un niveau minimum de 1,5 à 1,6 million, la marque promet une douzaine de nouveaux véhicules, dont sept modèles de voitures particulières. Son record commercial remonte à 2007, lorsque Citroën avait vendu 1,46 million de voitures. En 2010, la marque rachetée il y a tout juste 40 ans par Peugeot avait même dépassé la marque au lion. Un succès vécu comme un crime de lèse-majesté à Sochaux, le fief des Peugeot. « Dans les années 1990, Jacques Calvet, alors président du directoire, avait décidé que Peugeot et Citroën devaient s’affronter dans une saine émulation, dit Bertrand Rakoto, un analyste automobile. Des deux généralistes, Citroën a fini par prendre le pas sur Peugeot, grâce à une gamme cossue et séduisante, qui va de la C1 à la C6 en passant par la C4 Picasso, un monospace très apprécié. Aujourd’hui, cette image à peine installée, Citroën est déjà en train de tenter un nouveau changement. C’est très tôt : pour installer une image auprès du grand public, il faut une bonne quinzaine d’années. » Mais PSA n’avait plus le choix. Le groupe devait prendre une décision pour clarifier le positionnement du créateur de la 2 CV, de l’Ami 6, mais aussi de la révolutionnaire DS. Philippe Varin et Carlos Tavares ont redéfini le territoire de chaque marque du groupe. Le premier a décidé d’installer Peugeot comme un généraliste plus haut de gamme, et de redéfinir Citroën comme un généraliste « différent », à même de rajeunir son public. Carlos Tavares a surtout décidé de faire de DS une marque à part entière, alors qu’elle était jusqu’à 2014 une simple ligne de produits de Citroën. « Au sein de Citroën, il y a encore un peu d’amertume, confie un bon connaisseur du groupe. Beaucoup s’étaient investis et battus pour DS, et du jour au lendemain, on leur a dit : ce n’est plus à vous. Désormais, vous devez vous concentrer sur Citroën, qui est en perte de vitesse… Si le challenge est de taille, ce n’était pas aussi valorisant que de développer une ligne haut de gamme. » Une gamme actuelle illisible « L’autonomisation de DS a été une chance fantastique, assume Xavier Peugeot, le directeur du produit de Citroën, après avoir officié au même poste chez Peugeot. Cela a permis de clarifier les choses et d’arrêter avec la dichotomie des deux lignes. Et donc, de nous concentrer sur la redéfinition de la marque. » Sans DS, cependant, que devient Citroën ? Sa gamme actuelle est illisible, avec des véhicules classiques d’un côté (C3, C4, C5), et de La voiture concept Cactus M de Citroën, au Salon de Francfort, en septembre 2015. ROGER MURMANN/ FURTURE IIMAGE l’autre une C4 Cactus, un objet roulant non identifié… Sans parler du terme « généraliste différent », très obscur. « Nous proposons l’ensemble des produits d’un généraliste au cœur du marché, explique Linda Jackson, la patronne de la marque aux chevrons. Nous allons couvrir tous les segments importants : ceux des citadines, des com- pactes, des berlines traditionnelles ou, bientôt, des SUV. Mais nous le ferons avec notre nouvelle philosophie : “Be different, feel good”, que nous pouvons traduire par “Soyez différent, sentez-vous à l’aise…” » La C4 Cactus, lancée en 2014, reste à ce jour la voiture étendard de cette nouvelle identité : un design un peu clivant, du confort, Le Maroc et Renault poursuivent leur idylle il y a fabriqué 290 000 voitures en 2015, soit 10 % de sa production mondiale. Et Renault veut encore accélérer au Maroc. Vendredi 8 avril, le français a signé une série de conventions avec le royaume chérifien pour élargir son implication dans la construction de la filière automobile locale. Le projet stratégique élaboré entre le constructeur et le Maroc doit permettre, à terme, de débloquer 10 milliards de dirhams d’investissements, soit quelque 900 millions d’euros, et de créer environ 50 000 emplois. Renault, qui emploie déjà directement 9 600 personnes sur place (contre 8 000 en 2014), n’investira qu’une petite partie de ces sommes, dont il n’entend d’ailleurs pas divulguer le montant. Le groupe s’engage en fait à augmenter la part de ses achats de pièces à des sites locaux. « Aujourd’hui, en moyenne et hors moteur, un véhicule produit au Maroc contient 40 % de pièces et composants fabri- qués sur place, indique-t-on chez Renault. En 2023, nous souhaitons porter ce taux à 65 % au minimum. » Pour y arriver, le constructeur doit attirer au Maroc de vingt à trente fournisseurs de premier rang supplémentaires. L’ouverture de son usine de Tanger, en 2012, avait déjà permis l’installation d’une trentaine de sous-traitants internationaux. De manière générale, Renault souhaite, lors des huit années à venir, doubler son chiffre d’affaires marocain, et atteindre la somme de 1,5 milliard d’euros. Les équipementiers arrivent Pour le Maroc, l’engagement de Renault a été essentiel. En moins de quatre ans, il a permis d’accélérer le développement de ce secteur qui représentait, en 2015, un peu plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec quelque 170 sites de production pour l’automobile, et plus de 90 000 em- plois, selon l’hebdomadaire L’Usine nouvelle. A l’horizon 2 020, le royaume chérifien espère atteindre les 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires et augmenter sensiblement le nombre d’emplois. Début 2016, il a confirmé plus d’une dizaine d’investissements significatifs d’équipementiers comme Saint-Gobain, Faurecia ou encore SNOP, le spécialiste de l’emboutissage. Ces équipementiers viennent non seulement pour Renault, mais aussi pour PSA, qui ouvrira en 2018 son usine, en cours de construction, à Kénitra. Ce dernier entend porter à 1 milliard d’euros ses achats de pièces et composants produits au Maroc pour ses usines européennes. Ford a pris le même engagement, à hauteur de 600 millions d’euros. Tout le monde veut profiter de cette base de production à bas coût en périphérie de l’Europe. p ph. j. grâce notamment à des assises repensées, et de l’espace. « Avec la modernité, nous pouvons élargir la dimension du confort à d’autres éléments que les suspensions, indiquait début avril Carlos Tavares. Nous allons donc avoir une approche 360° du confort. » Comprenez : le confort sera aussi acoustique, ou dans l’ergonomie… « Nous souhaitons apporter les dernières technologies, mais seulement celles strictement utiles pour faciliter la vie de nos conducteurs et de nos passagers. Nos véhicules ne sont ni des jouets ni du bas de gamme, explique Mme Jackson. Et au-delà, nous entendons repenser l’expérience de nos clients. Nous voulons les aider, en développant des offres de financement plus simples ou en les emmenant vers les nouveaux concepts de mobilité. » Citroën multiplie ainsi les expérimentations, comme sa collaboration avec la start-up Tripndrive, qui aide les propriétaires de Citroën à louer ou à parquer à moindre prix leur véhicule. « La Cactus s’écoule à quelque 80 000 exemplaires par an, ce n’est donc pas un feu de paille, assure Xavier Peugeot. C’est le symbole de la direction que prend Citroën pour sa future gamme de véhicules. Même si tous les nouveaux véhicules ne seront pas aussi poussés que la Cac- Cette nouvelle identité devra convaincre hors d’Europe, sur des marchés plus classiques et conservateurs, comme la Chine, la Russie, le Brésil tus, la nouvelle C3, présentée en septembre lors du Mondial de l’automobile de Paris, sera en cohérence avec cette philosophie. » Cette nouvelle identité devra néanmoins convaincre hors d’Europe, sur des marchés automobiles plus classiques et conservateurs, comme la Chine, la Russie ou le Brésil. « Tous nos nouveaux véhicules sont pensés pour être vendus partout, rappelle Linda Jackson. Malgré un design plus osé, les premiers tests que nous réalisons avec nos prochains produits sont bien accueillis dans le monde entier. » Reste à voir les nouveaux véhicules – trois sont promis dans les dix-huit mois – et la réaction du public, le seul juge de paix. p philippe jacqué La réduction après achat cherche sa formule gagnante sur le Net Nouveau venu en France, le britannique Maple Syrup va tenter de séduire avec ce service des cyberacheteurs plutôt frileux L e cashback parviendra-t-il à décoller en France ? Maple Syrup l’espère. La firme britannique spécialisée dans la réduction après achat en ligne a annoncé lundi 11 avril son lancement en France, sous l’enseigne Shoop. « Notre offre sera très agressive. Nous proposerons jusqu’à 100 % de remise lors d’opérations coup de poing », promet Georges Le Barbier, directeur de Shoop en France. Maple Syrup applique la recette du cashback (réduction après achat). Il apporte des clients aux sites d’e-commerce et se rémunère en prélevant une commission sur les ventes réalisées. Pour mettre la main sur ces futurs acheteurs, il les rembourse d’une partie de leurs dépenses. Pour cela, les cyberacheteurs confient à Maple Syrup leurs coordonnées de carte bancaire et con- sultent les offres disponibles sur son site. Il peut y avoir, par exemple, un blouson à 60 euros sur lesquels 20 euros seront remboursés, ou bien une télévision à 500 euros dont 100 euros remboursés. Chaque offre renvoie vers un site partenaire. Si l’adhérent procède à l’achat, son compte bancaire sera crédité automatiquement. Cette formule a permis à Maple Syrup de fédérer une communauté de 6,5 millions de membres au Royaume-Uni. Ils touchent en moyenne 320 euros de cashback par an. La greffe prendra-t-elle en France ? « Le marché croît de 30 % par an », assure Gilles Nectoux, PDG et cofondateur de Plebicom, l’un des acteurs français, qui revendique 2 millions de membres. Mais le taux de pénétration « n’est que de 1 % du marché en ligne, contre 3 % à 4 % outre-Manche », ob- serve M. Nectoux. La cible se limite « aux clients attentifs aux promotions, qui dépensent beaucoup », détaille Yves Grégoire, directeur des services financiers chez Sia Partners. Et d’ajouter : « Les tendances de ces dernières années n’étaient pas très positives. Les clients mettent du temps à s’approprier l’offre et, une fois qu’ils se sont inscrits, ne reviennent pas forcément. » Anne-Marie Schwab, directrice générale du site Poulpeo, le reconnaît : « Le cashback est peu connu en France. » De coûteux services Pourtant, les acteurs du Net tablent sur un prochain boom. Avec une croissance de 14 % en 2015, le marché français du e-commerce est désormais concurrentiel. Plus de 182 000 sites de vente en ligne se disputent ses 65 milliards d’euros de ventes. Tous cherchent Le site Shoop espère fédérer 2 000 enseignes partenaires et rallier 300 000 Français d’ici à la fin 2016 à améliorer la proportion de visiteurs qui concluront réellement un achat. Or, « le cashback, pour une enseigne, c’est l’assurance de ne payer un service que si son client a acheté », argumente M. Nectoux. Côté clients, le cashback a également de quoi séduire. « Plus besoin d’imprimer des coupons, de cumuler des points, de consulter des catalogues », vante Laurent Mathis, directeur marketing de MasterCard en France – le groupe propose une offre de cashback depuis 2008. Du coup, Shoop croit ferme à son succès. Le site affiche déjà 1 600 enseignes partenaires en France, dont eBay, La Redoute, Conforama et Ralph Lauren. Il espère en fédérer 2 000 d’ici à la fin de 2016 et rallier 300 000 Français désireux de réduire leurs factures. Ses concurrents aussi affichent de grandes ambitions. Certains veulent déjà étendre les offres de cashback aux magasins en dur, en utilisant le terminal de paiement du commerçant pour reconnaître la carte bancaire de leurs adhérents. Mais, là encore, le succès ne sera peut-être pas au rendez-vous. « Nous avons fait une étude et les utilisateurs ne semblent pas du tout intéressés », rétorque Mme Schwab, chez Poulpeo. D’autres, enfin, pensent que la bataille se jouera sur l’analyse des transactions. L’historique d’achat permet en effet de proposer des réductions personnalisées. Vous avez dîné dans ce restaurant il y a un mois ? Retournez-y, et l’on vous remboursera le dessert… C’est le type d’offre que prépare LCL. Intéressés, « les clients s’inscrivent », se félicite-t-on à la banque. Tous ces services sont coûteux à mettre en place et à entretenir : systèmes d’information complexes, campagnes de communication à répétition pour que les clients continuent de dépenser afin de garder les enseignes partenaires, etc. Or, « ces groupes communiquent beaucoup sur leurs offres, très peu sur leur retour sur investissement », souligne Yves Grégoire, de Sia Partners. A en croire Maple Syrup, il y a de la lumière au bout du tunnel. p juliette garnier et jade grandin de l’eprevier économie & entreprise | 5 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Dialogue de sourds entre la Grèce et ses créanciers Les discussions sur l’état d’avancement des réformes menées par Athènes patinent athènes - correspondance Le pays redoute de devoir accepter des mesures plus dures s’il se retrouve dos au mur en juillet C’ est un scénario mille fois éprouvé depuis le début de la crise qui se joue de nouveau en Grèce, ces dernières semaines. Avec, d’un côté, le gouvernement grec qui souhaite boucler au plus vite la mission visant à juger de l’état d’avancement des réformes (« revue » en jargon européen), menée par des représentants de ses créanciers, et ces mêmes créanciers (Banque centrale européenne [BCE], Mécanisme européen de stabilité [MES], Fonds monétaire international [FMI]), qui repoussent de mois en mois l’échéance. Lundi 11 avril, les négociations continuaient après un week-end interminable de rencontres à l’Hôtel Hilton d’Athènes. Coté grec, on espérait conclure un accord de principe avant le départ de la « troïka » lundi soir avec, comme date limite pour la signature de l’accord final, l’Eurogroupe (réunion des ministres des finances de la zone euro) du 22 avril. Mais côté créanciers, les déclarations se multiplient ces dernières heures évoquant plutôt le mois de juillet comme date butoir. Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a ainsi souligné, vendredi, qu’il « n’y avait pas de deadline pour la conclusion de la revue. La Grèce doit encore prendre de difficiles décisions ». Brouillons d’accord Le gouvernement grec redoute de devoir accepter des mesures plus dures s’il se retrouve dos au mur en juillet. Car il aura alors 3,5 milliards d’euros à rembourser à la BCE et au FMI, paiements qu’il ne peut honorer sans avoir touché auparavant une nouvelle tranche (un peu plus de 5 milliards d’euros attendus) des 86 milliards de prêts prévus dans le cadre du troisième plan d’aide au pays signé à l’été 2015. Athènes veut éviter à tout prix de se retrouver dans la situation de juillet dernier, lorsque, à court de liquidités, il avait dû accepter la signature d’un nouveau Memorandum of understanding (MOU) engageant le pays vers trois nouvelles années d’austérité. Dans un documentaire diffusé il y a quelques semaines, le premier ministre, Alexis Tsipras, regrettait d’avoir, à l’époque, laissé les négociations traîner. « C’était une erreur (…), nous aurions dû, dès le début, prendre des décisions plus audacieuses », affirme-t-il devant la caméra du journaliste Paul Mason. Aujourd’hui que la situation se répète, que la « revue » du plan d’aide s’éternise déjà depuis trois mois, le gouvernement grec pourrait-il légiférer, sans accord de ses créanciers, notamment sur la réforme des retraites ou sur la question des créances douteuses ? Ce scénario circulait ce week-end à Athènes. « Nous avons rempli à peu près l’ensemble de nos obligations du MOU et aujourd’hui le FMI veut nous tordre le bras pour accepter plus de mesures, précise une source gouvernementale. Nous ne pouvons pas accepter que l’histoire se répète surtout lorsque nous devons aussi faire face à la crise des migrants. Nous pourrions nous passer du FMI, de nombreux pays européens semblent sur la même ligne que nous, mais encore faut-il réussir à convaincre l’Allemagne qui exige le maintien du FMI dans le programme, tout en refusant d’ouvrir le chapitre de renégociation de la dette pourtant réclamée par le FMI ! C’est schizophrénique ! » Ces divisions ont débouché sur la rédaction, ce week-end, de deux L’assureur Covéa, qui avait annoncé vendredi 8 avril avoir acquis 5,64 % du capital de Scor, portant sa participation à 7,7 %, a précisé lundi 11 avril : « Au cours des trois prochaines années, le groupe Covéa ne dépassera pas, directement ou indirectement, le seuil de 10 % du capital de Scor. » Office, l’organe chargé de la lutte contre les délits ou crimes économiques au Royaume-Uni. L’avionneur européen a reconnu « certaines inexactitudes » dans des demandes de garanties de crédit à l’exportation, qui omettaient de mentionner le rôle joué par certains intermédiaires à l’étranger. – (AFP.) MÉD I A AÉR ON AU T I QU E Airbus pénalisé par la suspension des crédits export Après le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne ont suspendu les crédits à l’exportation accordés au constructeur aéronautique européen Airbus, a-t-on appris vendredi 8 avril de sources proches du dossier. L’agence britannique de crédit à l’exportation avait annoncé lundi 4 avril avoir transmis un dossier concernant Airbus au Serious Fraud Points de tension Même situation de blocage sur la question des créances douteuses qui représentent plus de 105 milliards d’euros, soit plus de 50 % des 209 milliards d’euros de prêts délivrés par les banques grecques. Les créanciers exigent la libéralisation de ces portefeuilles à l’exception, sur critères de ressources, des cas des particuliers les plus pauvres. Dernier point de tension entre la Grèce, l’Union européenne et le FMI : l’évaluation de la situation budgétaire actuelle, cruciale pour arriver à tenir l’objectif de 3,5 % d’excédent primaire fixé pour 2018. Les Européens évaluent le Les Européens évaluent le déficit à environ 3 % du PIB, le FMI affirme, lui, qu’il se situe autour de 4,5 % déficit à environ 3 % du PIB, alors que le FMI affirme qu’il se situe plutôt aux alentours de 4,5 % ou 5,5 %. Plus profond est le « trou », plus importantes doivent être les nouvelles mesures d’austérité. A moins que la Grèce obtienne une renégociation substantielle de son énorme dette (180 % de son PIB), plaide le FMI. Les représentants des créanciers doivent quitter Athènes lundi 11 avril, pour se rendre à Washington, aux réunions de printemps du Fonds, du 15 au 17 avril, où tous les protagonistes du « dossier » seront réunis. Ces rencontres pourraient contribuer à débloquer la situation. C’est ce qu’on espère à Bruxelles. Le MES, la Commission et la BCE plaident pour que s’y engagent les discussions préliminaires sur l’allégement de la dette grecque. Mener les deux négociations en parallèle (la dette et la première revue) serait le moyen, estiment certains à Bruxelles, de rapprocher les vues du FMI et des Européens. La Commission compte aussi sur la publication, dans les dix jours, de données Eurostat sur l’économie grecque qui devraient valider les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles travaillent les Européens (et Athènes), à savoir que sans réformes supplémentaires, le pays sera en mesure de dégager un surplus primaire (excédent budgétaire avant charge de la dette) de 3,5 % à partir de 2018. p CETTE SEMAINE LA CRÉATIVITÉ S’ENSEIGNE-T-ELLE ? P Reportages aux d.schools de Stanford et de Paris P Orientation : les conseils de Luc Julia, vice-président de Samsung C’est la baisse des montants levés lors des introductions en Bourse dans le monde entre janvier et mars 2016, par rapport à la même période de 2015, selon une étude du cabinet d’audit PwC publiée lundi 11 avril. Les fonds récoltés sont de 12,5 milliards d’euros. Le marché mondial des introductions en Bourse a connu son pire trimestre depuis 2009, selon le cabinet : « Les marchés ont dû affronter des vents contraires dus à la faiblesse des prix du pétrole, au ralentissement de l’économie chinoise et aux incertitudes persistantes autour des taux d’intérêt américains ». Covéa se renforce au capital de Scor modérée des retraites complémentaires, le recours à une partie des 2,7 milliards d’euros des réserves de la caisse nationale des retraites complémentaires ETEA et une hausse de 1,5 %, pour trois ans, des cotisations sociales. Refus catégorique des créanciers, et surtout du FMI, sur ce dernier point. P La révolution du « design thinking » – 65 % ASSU RAN C ES textes, brouillons d’accord pour conclure la revue. L’un avec les créanciers (BCE, MES et Commission européenne, également à la table des discussions), et l’autre avec le seul FMI. « Ce qui sépare les deux textes, c’est 10 % de mesures supplémentaires très dures qu’exige le FMI. Ce serait dommage que l’ensemble de la revue et du plan bloque à cause de ces 10 % », souligne-t-on côté grec, tout en rappelant les lignes rouges du sur au moins trois sujets. D’abord sur la réforme des retraites. Le ministre du travail, Georges Katrougalos, affirme au Monde avoir « énormément amélioré sa proposition afin de rendre le système soutenable d’ici à 2022 ». Afin de combler les 700 millions annuels de déficit des caisses de retraite, les créanciers exigent, pour la dixième fois en six ans, des coupes dans les retraites complémentaires allant de 3 % à 40 %. M. Katrougalos propose de répartir l’effort entre une baisse plus Le « Daily Mail » convoite Yahoo! La société mère du journal britannique et site Internet The Daily Mail mène des discussions avec « plusieurs » fonds d’investissement en vue d’une possible offre sur Yahoo!, a rapporté le site du Wall Street Journal dimanche 10 avril. Les candidats au rachat de certains actifs de l’ex-fleuron d’Internet ont jusqu’au 18 avril pour faire une offre. – (AFP.) Dans « Le Monde » du mercredi 13 daté jeudi 14 avril CHAQUE MERCREDI, LES ÉTUDIANTS ONT RENDEZ-VOUS DANS « LE MONDE » Retrouvez aussi toute l’actualité lycéenne et étudiante sur Lemonde.fr/campus adéa guillot 6 | dossier 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Les syndicats de l’hôtellerie dénoncent la professionnalisation rampante d’Airbnb. CAROLINE CUTAIA/GNO/PICTURETANK Le nouvel âge de l’économie collaborative valérie segond L’ Internet collaboratif est-il déjà en train de sombrer ? On nous promettait que les plates-formes numériques allaient nous apporter un modèle alternatif au capitalisme ; que la mutualisation et l’échange des biens entre particuliers et la création de communautés allaient transformer une économie construite sur la propriété privée, génératrice de captation et d’exclusion. Or voilà que grandes et petites plates-formes numériques basculent, l’une après l’autre, dans le monde des pros. Les plus grandes sont prises d’assaut par les professionnels, qui y trouvent un accès au client efficace et pas cher. Depuis 2014, la croissance d’Uber France s’est faite avec des sociétés dotées de flottes de voitures et de chauffeurs salariés et celle d’Airbnb avec les multipropriétaires de meublés. Les plus petites, dans l’automobile, le parking, le bricolage ou le financement participatif, elles, se rapprochent des acteurs établis. Et, loin de se satisfaire de la clientèle des particuliers, la plupart cherchent à capter celle des entreprises, un segment nettement plus rentable, comme si la multitude ne leur permettrait finalement pas de vivre. En fait, pour une plate-forme de « pair à pair », atteindre une taille critique (ces paliers que l’entreprise doit franchir afin d’être compétitive) est long et coûteux. En pratique, faire se rejoindre deux multitudes pour qu’elles nouent des transactions, c’est compliqué. A son lancement, en 2012, Parkadom était une plate-forme de location de parkings entre particuliers. « Mais c’est un partage difficile à mettre en œuvre, car la synchronisation entre propriétaires et locataires est difficile », dit Alexandre Poisson, fondateur de la société. Et elle ne suffit pas à construire rapidement un stock important de parkings à louer. Un exercice encore plus difficile quand les biens échangés ne sont pas homogènes. Avec ses 400 000 objets géolocalisés à louer dans 700 catégories, la plate-forme de location d’outils entre particuliers Zilok n’a tou- Airbnb, Drivy, Frizbiz, Uber, les champions de l’échange de biens et de services entre particuliers sur Internet se professionnalisent peu à peu, et s’éloignent de fait de plus en plus de l’idéal des origines. Une évolution qui doit être encadrée jours pas atteint la taille critique, neuf ans après son lancement. Il faut dire que développer une présence commerciale significative sur un Web surencombré est un gouffre financier. « L’achat de mots-clés pour être bien référencé sur Google coûte très cher », explique Marion Carrette, fondatrice de la plateforme de location de voitures OuiCar. ACCÉLÉRATEUR DE CROISSANCE Sans taille critique, l’économie du partage est condamnée à rester une microniche. « Si Drivy devient très facile à utiliser et qu’elle attire un volume important de voitures à louer, il deviendra alors plus naturel de louer chez Drivy que d’utiliser la sienne », résume Paulin Dementhon, fondateur de la société de location de voitures entre particuliers. En clair, la taille est décisive pour assurer un niveau de service minimal, changer les habitudes et créer un véritable marché d’automobiles à la demande. Or, avec un stock, en France, de 35 000 voitures inscrites chez Drivy, de 30 000 chez OuiCar et de 40 000 chez Tripndrive, la location entre particuliers reste un petit marché, qui ne change ni la place des acteurs ni les réflexes des utilisateurs. Aussi, après plusieurs années de pertes liées à de lourds investissements en technologie et en mots-clés, les plates-formes sont amenées à « rentrer dans le rang » et à se tourner vers les professionnels. D’abord, et avant tout, pour accélérer leur croissance… Un comble pour des start-up qui se targuaient d’avoir le monopole de la croissance, face à de vieux acteurs à bout de souffle… Dès 2013, il est apparu que travailler avec des entreprises qui ont des parkings non occupés allait permettre à Parkadom d’entrer d’importants lots de parkings et de louer sur des durées plus longues, donc plus rémunératrices. L’entrée de OuiCar dans le giron de la SNCF, en juin 2015, lui a permis d’offrir un service de location entre particuliers dans les 2 850 gares où il n’existait pas de solution de mobilité à l’arrivée. « Nous adosser à la SNCF nous a permis d’accéder beaucoup plus vite à la taille critique », reconnaît Marion Carrette. Même dans le bricolage « entre voisins », c’est devenu un indispensable levier. En juillet 2015, Frizbiz, la plate-forme lilloise de mise en relation de particuliers avec des bricoleurs, les « jobbers », se rapproche de Leroy Merlin, du groupe Auchan. Ensemble, ils créent, en magasin, un service de mise en relation avec des jobbers du coin pour réaliser de petites tâches de bricolage à la demande des clients. Comme la SNCF avec OuiCar, Leroy Merlin se révèle un formidable accélérateur de croissance pour Frizbiz, explique son fondateur, Augustin Verlinde : « Leroy Merlin nous apporte de la visibilité, un trafic accru sur notre site et, surtout, des clients de qualité, qui ont des projets aboutis et qui sont véritablement désireux de mener à bien leur projet. Avec Le- « Le covoiturage n’est pas rentable pour les professionnels » pour le fondateur de Blablacar, Frédéric Mazzella le covoiturage repose sur le partage de frais et exclut la notion de profit. La plate-forme Blablacar est l’une des rares qui ne se professionnalise pas. Pourquoi ? La professionnalisation des conducteurs n’y serait pas rentable. Le modèle du covoiturage tel qu’il a été défini dans la loi de 2013 s’est construit sur un partage de frais à hauteur de 6 centimes d’euro le kilomètre parcouru. Un niveau très bas, sachant que le barème fiscal de remboursement des frais professionnels est, selon le type de voi- ture, de 40 à 60 centimes d’euro le kilomètre. Et que le kilomètre d’une course de taxi se paie entre 1 et 3 euros selon les zones et les tranches horaires. Même avec trois passagers, les 18 centimes d’euro le kilomètre restent encore deux à trois fois plus faibles que le barème fiscal, et cinq à quinze fois plus bas que le prix d’une course de taxi ! Développer une offre commerciale sur Blablacar ne peut avoir pour résultat que de perdre de l’argent. Les 20 euros par passager que rapporte un ParisNantes à un conducteur ne suffiront jamais à payer la totalité des frais liés à la voiture, de l’essence au péage en passant par la dépréciation du véhicule, le parking, les réparations, etc. L’esprit du partage des frais ne sera jamais de générer un revenu bénéficiaire pour le conducteur. Pour les conducteurs de van pour neuf à dix personnes, l’opération peut toutefois devenir rentable… On surveille sur la plate-forme les conducteurs qui prennent un nombre anormal de passagers. Comme ce n’est clairement plus du covoiturage, on ferme leur compte. Dans les faits, il n’y a que quelques dizaines de conducteurs qui s’y risquent. Le covoiturage n’est pas assez rentable pour que cela se développe massivement. Comment expliquez-vous qu’Airbnb, Uber et bien d’autres aient pris ce tournant ? Sous l’expression d’économie collaborative, il y a en vérité des modèles très différents liés à la nature de l’actif sous-jacent à optimiser. Un appartement qui peut se louer cher génère chez son propriétaire une stratégie très différente que celle qu’il aura visà-vis d’une voiture, sur laquelle il ne pourra que partager les frais. Ce n’est que s’il existe une manière de gagner de l’argent avec un bien que ses propriétaires vont avoir tendance à professionnaliser sa location. p propos recueillis par v.s. dossier | 7 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 roy Merlin, on touche le client au moment précis où il a besoin d’un coup de main. » Au-delà, ce partenariat permet aux platesformes d’élever le niveau de service et le crédit de leur offre : Frizbiz propose à ses « jobbers » de suivre des séances de formation dans les ateliers de Leroy Merlin, assurées par des artisans ou d’autres jobbers expérimentés, mais bénévoles. Ce qui transforme subrepticement le « coup de main entre voisins » en véritable prestation. C’est aussi auprès des « vieux acteurs » que les plates-formes trouvent du capital quand les investisseurs financiers, eux, ne s’intéressent plus qu’aux leaders. C’est ainsi que, en 2015, Leroy Merlin a pris une participation minoritaire chez Frizbiz et que la SNCF a pris le contrôle de OuiCar. Car ces rapprochements marquent aussi l’amorce d’une consolidation de start-up qui se sont multipliées depuis deux ans et qui n’arrivent pas à s’imposer. Dans le financement participatif, par exemple, 170 platesformes se partagent aujourd’hui un marché de seulement 300 millions d’euros de levées de fonds. Ce qui pousse, aujourd’hui, nombre d’entre elles à se rapprocher des acteurs de l’innovation et de la création d’entreprises, mais aussi des banques. De l’économie collaborative au business du partage QUELQUES EXEMPLES DE PLATEFORMES D’ÉCONOMIE COLLABORATIVE P COVOITURAGE FINANCES CROWFUNDING LOCATION VOITURE OUTILS ET SERVICES MAISON APPARTEMENT CAVE ET PARKING DISTRIBUTION ALIMENTATION PRODUITS ET ÉQUIPEMENTS Blablacar Idvroom KissKissBankBank Babiloan Drivy OuiCar Freezbiz e-loue Abritel Costockage Monsieurparking Laruchequiditoui Lalouve Zilok Streetbank LES PRINCIPALES VILLES SUR AIRBNB, EN FÉVRIER 2016 UNE OCCASION DE SE RÉINVENTER Ainsi, la petite Arizuka comme MyMajorCompany se sont rapprochées du Crédit coopératif, en se concentrant sur les prestations techniques en marque blanche. « Tôt ou tard, ces plates-formes comprennent qu’elles ont intérêt à travailler avec le système en place, qui leur apportera à la fois des projets qualifiés ainsi que des prêteurs et investisseurs potentiels », explique Erwan Audouit, chargé des partenariats au Crédit coopératif. Car le financement participatif, c’est 3 % de levées de fonds réussies pour 97 % de projets abandonnés. Se rapprocher des pros devient alors critique. Pour les acteurs établis, tétanisés par l’ubérisation et la révolution des modes de consommation qui menacent leur existence même, ce rapprochement est vécu comme une occasion de se réinventer qu’ils ne peuvent en aucun cas laisser passer. Au-delà de l’accès à des clients négligés, ces alliances ouvrent la voie à des expérimentations nouvelles. Quand le groupe PSA signe un partenariat avec le loueur automobile Tripndrive, une start-up de tout juste deux ans, c’est pour tester de nouveaux modes de consommation automobile et entrer dans la nouvelle ère de la mobilité. Un premier test de mise à disposition de parking gratuit aux propriétaires de Citroën, avec une location occasionnelle de leur véhicule à la clé, a été proposé en février. « Mais quatre autres expériences d’autopartage suivront dans les prochaines semaines », annonce FrançoisXavier Leduc, fondateur de Tripndrive. Des expériences qui visent, pour l’instant, essentiellement à aider les clients de PSA à alléger leur budget auto. « Si l’on veut que les gens restent propriétaires de leur voiture, reconnaît Mathieu Bellamy, directeur de la stratégie de Citroën, il faut que nous les aidions à alléger leurs contraintes financières et que nous sachions nous adresser aux jeunes. Ce partenariat avec Tripndrive, qui n’est encore que commercial, est, pour PSA, une exploration sans risque. » Même discours au Crédit coopératif, où l’on a noué pas moins de cinq partenariats avec des plates-formes de crowdfunding pour, précise Erwan Audouit, « acquérir l’expertise de l’animation des réseaux sociaux et de la communication numérique, tout en élargissant notre portefeuille de clients ». Airbnb Nombre d’annonces actives sur le site Nombre d’hôtes Pourcentage d’annonces émanant de multipropriétaires PARIS NEW YORK LONDRES BERLIN BARCELONE AMSTERDAM SAN FRANCISCO 41 476 35 957 33 715 17 372 15 137 11 424 8 298 14 115 8 769 9 300 6 466 23 % 58 % 19 % 15 % 7 190 5 914 5 795 35 014 19 % 29 185 13 % 23 382 36 % 16 839 12 531 10 950 2 497 Nombre d’offres commerciales* SOURCE : INSIDE AIRBNB INFOGRAPHIE : MARIANNE BOYER, VALÉRIE SEGOND *Biens entiers loués par des multipropriétaires ou loués plus de 120 jours à Paris, 90 à San Francisco et Londres, 60 jours à New York, Amsterdam, Barcelone et Berlin mande, le choix des voyageurs, la réservation, l’accueil et le ménage. Sans oublier la gestion de la notation par le client. La société assure au propriétaire qu’il « recevra d’excellents commentaires, qui conduiront à davantage de location ». Voilà qui va faire monter le niveau des services et les prix. Mais que restera-t-il de l’économie du partage et de sa convivialité présumée ? C’est tout le risque de cette évolution des plates-formes nées collaboratives et devenues commerciales pour lever des fonds et séduire Wall Street : « Comment se professionnaliser, sans retomber dans une offre standard et anonyme ? », se demande François-Xavier Leduc. L’équilibre n’est pas APRÈS PLUSIEURS ANNÉES DE PERTES, LES PLATESFORMES SONT AMENÉES À « RENTRER DANS LE RANG » simple à trouver. C’est le combat qui se cache derrière la communication d’Airbnb, qui vise à dissimuler sa professionnalisation rampante. Pour elle, l’enjeu n’est pas seulement de conserver la bienveillance fiscalo-sociale dont elle bénéficie dans le monde en se présentant comme l’ami des classes moyennes. Il est aussi de préserver la qualité de l’expérience client, qui recherche un lieu sympa, différent et unique. Car, après trois appartements Airbnb aménagés par des pros, on se sent vite chez Novotel. « Notre vision à cinq ou dix ans est que, à Paris, 500 000 habitants louent leur appartement l’été quand ils partent en vacances », dit Nicolas Ferrary chez Airbnb France. Car si la professionnalisation est inévitable pour survivre, à terme, le vrai potentiel des plates-formes reste celui des particuliers. Dans la mobilité, c’est clair. Pour Paulin Dementhon, chez Drivy, ce sont les voitures des particuliers qui permettront d’avoir des automobiles partout et de créer un véritable marché. Idem pour Alexandre Poisson chez Parkadom. A terme, c’est avec les particuliers que la plate-forme fera ses plus gros volumes. Car sur les 500 000 places de parking à Paris, 330 000 sont dans les mains des ménages. L’alliance avec les professionnels ne serait donc qu’une étape de son évolution. Une étape nécessaire, mais risquée. p DIFFICILE ÉQUILIBRE À TROUVER Mais cette nouvelle alliance va-t-elle faire grandir les plates-formes, en les rendant toujours plus professionnelles, ou finira-telle, tôt ou tard, par les étouffer ? Car il est clair que, entre un Tripndrive qui vise le développement massif de l’autopartage et un PSA qui vit de la propriété pour tous, les conflits d’objectifs se résoudront toujours en faveur du plus gros. En attendant, « si travailler avec les particuliers est un bon moyen de commencer, la professionnalisation des plates-formes est souhaitable pour tout le monde, dit FrançoisXavier Leduc, de Tripndrive. Elle garantit au client un meilleur service et à la plate-forme une meilleure rentabilité. » Quitte à provoquer l’ire des acteurs établis. Une colère qui n’est pas près de s’éteindre, car la professionnalisation des plates-formes est inévitable : la notation, qui permet aux contributeurs les mieux notés d’être présentés en priorité par leur algorithme, pousse mécaniquement à l’amélioration des services. Comme les prestations qui se développent autour des plates-formes, telles que, par exemple, les services de gestion de biens et de conciergerie. Host Services Group, à Toronto, promet aux hôtes d’Airbnb d’amplifier le rendement de leur bien, en prenant en charge la conception de l’annonce, la fixation des prix de location en fonction de l’offre et de la de- Paris, le meilleur ami des rentiers d’Airbnb entre avril 2013 et octobre 2015, Airbnb France a financé une étude au cabinet Asterès pour mesurer son incidence économique. D’où il ressort une percée spectaculaire d’Airbnb à Paris, où le nombre d’hôtes a été multiplié par plus de trois. Une transformation suivie de très près par un projet de recherche indépendant à but non lucratif, qui analyse l’incidence de la plate-forme sur les quartiers des grandes villes mondiales, à partir des données de celle-ci : Inside Airbnb, créé par l’Américain Murray Cox, en 2014. Selon ces chercheurs, à la fin février, Airbnb affichait 41 500 annonces sur Paris, postées par 35 000 hôtes, ce qui offrait un parc total de 88 700 chambres, soit plus que l’offre hôtelière de la capitale (80 000). En moyenne, on compte donc 1,2 annonce par hôte. Mais, surtout, à Paris, Airbnb est de moins en moins la plate-forme où on loue sa chambre vide. Le nombre d’appartements et de maisons proposés intégralement à la location, en l’absence de l’hôte, représente 84 % des annonces, soit beaucoup plus qu’à Londres (52 %). Et, précise Murray Cox, « 36 % d’entre eux sont en permanence à la location, signe que l’on n’est plus dans l’esprit du logement loué pendant les vacances ! » Une activité bien plus rentable que le partage de logement, à la fois pour les « hôtes » et pour la plate-forme elle-même, car ces biens se louent à la fois plus fréquemment et à un prix plus élevé. Canal prisé des multipropriétaires « On a vu une conversion massive de logements en meublés touristiques, qui a chassé les habitants du cœur de la capitale, portant le nombre de meublés à Paris à près de 40 000 », dénonce Ian Brossat, adjoint à la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, chargé du logement. Une conversion contre laquelle la mairie de Paris ne peut pas grandchose, sauf à traquer les meublés illégaux par des descentes d’inspecteurs, comme elle l’a fait à trois reprises depuis janvier. Airbnb s’est s’engagé à rappeler aux propriétaires la régle- mentation parisienne en matière de location de courte durée… Airbnb est devenu un canal très prisé des multipropriétaires, qui représenteraient 19 % des hôtes, selon Inside Airbnb. Soit deux fois plus que ce qu’annonce Airbnb France. Une partie d’entre eux sont visiblement des agences très actives : sur Airbnb, elles se présentent sous le visage souriant de Fabien (172 annonces), Clara (58), Rudy et Benjamin (45). Ainsi, 4 % des hôtes, sur Airbnb, à Paris, louent plusieurs appartements, mais leurs biens représentent 16 % des annonces, 19 % des logements entiers, et ils génèrent à eux seuls 27 % des revenus sur Paris ! Il y a donc bien une professionnalisation rampante d’Airbnb, comme le dénoncent les syndicats de l’hôtellerie, qui demandent aujourd’hui aux sénateurs prêts à débattre du projet de loi numérique d’imposer que, sur chaque annonce, les hôtes professionnels soient indiqués. Mais aussi que les plates-formes soient tenues par la loi de déclarer systématiquement les re- venus tirés de la location au fisc…, comme elles le font aux Etats Unis. Les chiffres d’affaires réalisés par le biais d’Airbnb n’ont plus grand-chose à voir avec un « complément de revenu », comme le montrent les estimations réalisées à notre demande par Inside Airbnb, avec l’hypothèse conservatrice d’un taux d’occupation de 70 %. Au 2 février, les propriétaires d’un appartement loué depuis au moins un an auraient engrangé, en moyenne 12 500 euros (avant commissions), dans les douze mois qui précèdent, contre 7 000 euros pour ceux qui ne louent qu’une chambre. Ceux qui ont deux appartements auraient généré 25 200 euros. A trois, 46 100 euros, et à quatre 63 000. Les hôtes qui réalisent plus de 100 000 euros ne sont pas rares. Un vrai business hôtelier en somme, mais dont on ignore le statut fiscal. A ces niveaux, peut-on encore prétendre qu’Airbnb sert d’abord à mettre du beurre dans les épinards d’une classe moyenne étranglée par le niveau des loyers ? p v. s. 8 | management LE COIN DU COACH 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Traque numérique des employeurs mauvais payeurs A New York, des réseaux d’aide aux travailleurs sans papiers ont créé une application mobile pour les journaliers par sophie péters Estime ou confiance ? new york - correspondance La confusion est fréquente : invoquer un problème de confiance en soi peut cacher une faible estime de soi. La confiance en soi varie en fonction des circonstances. Elle découle de l’action, du comportement et du savoirfaire, de la capacité. Alors que l’estime de soi se fonde sur la valeur que l’on se donne, sur la considération. La confiance s’appuie sur « l’agir », l’estime sur « l’être ». La confiance n’est pas une certitude. Elle s’acquiert par l’apprentissage. Le savoir-faire est vérifiable et offre la possibilité de bien faire. S’il est avantageux de ne pas avoir toujours confiance en soi pour se montrer prudent dans des situations qui nécessitent un savoir-faire que l’on ne possède pas, il est préjudiciable d’avoir une faible estime de soi qui sape le sentiment d’existence. Quand l’estime de soi rencontre la confiance en soi, l’équilibre est heureux. Lorsqu’une bonne estime de soi se heurte à une faible confiance en soi, l’accord entre les deux se résout par l’apprentissage et par l’amélioration de ses performances. L’estime de soi devient un aiguillon constructif. L’inverse pose problème. Une forte confiance en soi associée à une faible estime de soi, compense ce déficit par l’action. En cherchant à prouver sa valeur, l’individu tombe dans l’hyperactivité. Il ne peut alors exister que par l’action. Ce type de comportement court le risque d’entraîner des questions douloureuses de reconnaissance. L’action vise à se faire reconnaître à sa « juste valeur » en déléguant à l’autre le respect de soi… avec sa cohorte de malentendus. D’où la nécessité de travailler à un juste équilibre entre estime et confiance pour gagner en respect de soi et des autres. p C arlos, 64 ans (qui préfère taire son nom), porte fièrement sa casquette marquée des initiales de New York. C’est là qu’il vit et travaille depuis qu’il a quitté le Salvador et son métier de soldat, en lutte contre la guérilla. Presque tous les jours, il vient dans ce quartier du Queens, au coin d’une épicerie peinte en rouge, vers 7 heures. Et avec une dizaine d’autres clandestins, parfois une centaine d’hommes, il attend la voiture de l’éventuel employeur, ce petit patron d’une entreprise du bâtiment ou un simple particulier, à la recherche de solides bras pour évacuer des gravats, peindre une pièce, jardiner… Un travail d’un jour ou d’une semaine, plus ou moins mal payé. Carlos est dans une situation précaire. Il ne parle pas anglais, l’espagnol est sa seule langue. Et lorsque son employeur refuse de lui payer ses heures, ou même de le payer tout court, que faire ? Sol Aramendi, une artiste photographe engagée aux côtés des sanspapiers, résume son dilemme. A la fin de la semaine, le patron dit qu’il paiera le lendemain, puis il disparaît. Et, si jamais on le retrouve, il affirme « ne pas connaître [la] personne et menace d’appeler les services de l’immigration ». Jusqu’à présent, les clandestins se sont tus. Bien obligés. Mais ils espèrent bientôt pouvoir réagir… grâce à une nouvelle application numérique, à charger sur téléphone portable. « Il existe bien des CHEZ GERTRUD 0123 hors-série Être français Les grands textes de Montesquieu à Edgar Morin Les nouveaux déis 60 auteurs 40 dessins Prise dans le tumulte d’un début de siècle menaçant, la France s’interroge sur elle-même. Sa cohésion nationale est mise à l’épreuve, son « identité » fait débat, ses valeurs vacillent. Comme si le présent dévidait chaque jour un peu plus un ouvrage patiemment tissé par l’histoire. Le Monde a donc ÊTRE FRANÇAIS décidé de se demander ce que signifiait « être français » aujourd’hui… En mettant face à face des Un hors-série du « Monde » 164 pages - 8,50 € intellectuels comme Pascal Bruckner et Patrick Weil, Chez votre marchand de journaux et sur Lemonde.fr/boutique Jean-Pierre Chevènement, des historiens tels que Eric des hommes politiques comme François Bayrou et Fassin et Sophie Wahnich. applications pour commander son repas ou faire venir une voiture à sa porte, pourquoi pas une application pour faire respecter les droits des travailleurs ? », déclare Maria Figueroa, professeur du Worker Institute, à l’université Cornell. Baptisée Jornalero (« journalier »), cette application permet aux clandestins d’enregistrer le nombre d’heures travaillées et le salaire promis. Les intéressés prennent des photos du travail accompli. Ils peuvent aussi garder en mémoire la voiture de l’employeur et son numéro d’immatriculation. Si ce dernier revient sur ses engagements, les autres journaliers sont aussitôt prévenus. Et les permanents du centre de travail, près duquel l’immigré a été recruté, seront avertis… afin d’essayer de récupérer le salaire volé. Jornalero est le fruit de deux ans de travail de différents acteurs, intéressés par le sort des sans-papiers latinos. Mme Aramendi est une des premières à avoir compris les besoins des journaliers. C’est elle qui a mis en route le projet Luz (« lumière ») afin d’améliorer la vie des clandestins. Les représentants des associations NDLON (National Day Laborer Organizing Network) et NICE (New Immigrant Community Empowerment) se sont mobilisés. Sur 4 000 téléphones en mai Le syndicat des peintres et la Fondation Ford s’en sont mêlés. La ville de New York a voté une subvention de 500 000 mille (439 765 euros) pour créer des centres de travail, installés près des coins de rue où se rencontrent employeurs d’un jour et immigrants. Les universitaires de Cornell ont prêté leurs locaux et recensé les informations essentielles à conserver dans les téléphones. Alyx Baldwin pour le design et le groupe californien Rebel Idealist ont peaufiné l’application. Les juristes de l’Urban Justice Center ont promis de plancher sur la récupération des paiements. Toutes les bonnes volontés se sont unies pour faire éclore ce nouvel outil numérique au service du droit du travail. « Ce n’est pas un produit issu de la Silicon Valley, explique Gonzalo Mercado, représentant du réseau NDLON. Les travailleurs ont été associés au projet depuis le début. » Ce qui leur a permis d’exprimer leurs besoins et leurs craintes. Lorsqu’un journalier dénonce un mauvais employeur, il ne veut pas laisser son nom. Son statut de clandestin lui impose une certaine discrétion. Mais il fournit au centre de travail son numéro de téléphone, comme point de contact. Le non-paiement des salaires est la première préoccupation. Avant même la mise en route de Jornalero, Manuel Castro, directeur du centre de travail de Jackson Heights, dans le Queens, dit traiter entre dix et quinze dossiers par mois. La routine est simple : il relance les employeurs et, si ceux-ci refusent, il appelle un avocat. « New York est une sorte de sanctuaire pour les clandestins », dit M. Mercado. Les élus de la ville refusent de travailler main dans la main avec les services de l’immigration. Et « la justice locale est prête à poursuivre un mauvais payeur pour peu qu’on lui amène des preuves », assure-t-il. D’où l’utilité des photos montrant le travail accompli. L’application Jornalero, qui devrait être présente sur près de 4 000 téléphones dès le mois de mai, se concentre essentiellement aujourd’hui sur les heures de travail non payées. Les militants du NICE pensent à un développement sur la sécurité au travail. Mme Figueroa aimerait, quant à elle, faire connaître les droits du travail aux intéressés… qui ne sont pas aussi démunis que leur statut de sans-papiers pourrait le faire croire. L’expérience devrait s’étendre au-delà des Latinos new-yorkais. Les stratèges de NDLON ont l’intention de diffuser gratuitement l’application dans les autres grandes villes américaines à l’intention des migrants de l’Equateur, de la Colombie, du Venezuela, du Salvador et du Mexique. Ils envisagent aussi de traduire l’application en anglais, en français et en mandarin… pour toucher un public élargi. « Cette application a beaucoup de potentiel, affirme la professeure de l’université Cornell. Au-delà des Etats-Unis. » p caroline talbot QUESTION DE DROIT SOCIAL Quelle représentation pour les salariés des TPE ? C omment représenter les salariés des petites organisations ? De la start-up aux TPE, les très petites entreprises font l’objet de toutes les attentions du gouvernement. Problème : le code du travail a été conçu pour les grandes sociétés dotées d’un service juridique et de négociateurs. Or, une TPE n’est pas une grande entreprise en miniature. En droit du travail, c’est une entreprise de 1 à 10 salariés. Elles sont actuellement 1 million avec trois collaborateurs en moyenne. Soit 4,6 millions de personnes en tout (commerce, artisanat). La « représentation du personnel » interne d’une TPE relève donc du paradoxe : « représenter », c’est rendre présent ceux qui sont absents. En raison de la proximité quotidienne des trois ou cinq salariés travaillant avec leur « patron », il n’existe donc aucune élection de « représentants du personnel » dans une TPE. Le seuil à compter duquel sont élus des délégués du personnel est de 11 salariés. Faudrait-il le baisser ? 78 % des entreprises de 11 à 19 salariés n’ont aucun délégué… Et en Allemagne, où le seuil est à 5 salariés, les élections sont rarissimes. Se tourner vers une représentation interentreprises ? Pour les TPE dont l’activité s’exerce sur un site d’au moins 50 salariés, la loi du 28 octobre 1982 a créé les délégués de site, « lorsque l’importance des problèmes communs aux entreprises du site le justifie » (exemple : sécurité, conditions de travail). Mais à part quelques très rares centres commerciaux, cette idée intéressante reste un échec. La loi du 4 mai 2004 a ouvert aux partenaires sociaux la possibilité de créer par accord des « commissions paritaires locales ». Ces rares « CPL » ont vocation à négocier sur des sujets d’intérêt local : emploi, formation professionnelle, voire à faire de la conciliation. Un vote spécifique Sous un titre emphatique (« Représentation universelle des salariés des TPE »), la loi du 17 août 2015 a créé une représentation du troisième type : les « commissions paritaires régionales interprofessionnelles ». Destinées à représenter les salariés – mais aussi les employeurs – des TPE, elles seront opérationnelles le 1er juillet 2017 dans chacune des nouvelles et très vastes régions. Leur rôle ? Rendre des avis sur les questions spécifiques d’emploi, de formation, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de conditions de travail. Issus des TPE, leurs dix membres salariés seront désignés par les syndicats proportionnellement à leur audience régionale, mesurée lors du vote spécifique aux TPE qui aura lieu début décembre 2016. Les syndicats sont déjà en campagne, espérant voir le taux de participation dépasser celui de 2012 : 10,2 %. En matière de couverture conventionnelle, les TPE, n’ayant ni les délégués ni les compétences internes pour négocier, s’en remettent donc aux conventions collectives de branche, qui, grâce à l’extension du ministère du travail, couvrent 95 % des salariés français. p ¶ Jean-Emmanuel Ray est professeur à l’école de droit de Paris-I-PanthéonSorbonne REPRODUCTION INTERDITE MARDI 12 AVRIL 2016/LE MONDE/9 LES OFFRES D’EMPLOI DIRIGEANTS - FINANCES, ADMINISTRATION, JURIDIQUE, R.H. - BANQUE, ASSURANCE - CONSEIL, AUDIT - MARKETING, COMMERCIAL, COMMUNICATION SANTÉ - INDUSTRIES & TECHNOLOGIES - ÉDUCATION - CARRIÈRES INTERNATIONALES - MULTIPOSTES - CARRIÈRES PUBLIQUES Retrouvez toutes nos offres d’emploi sur www.lemonde.fr/emploi – VOUS RECRUTEZ ? M Publicité : 01 57 28 39 29 [email protected] conservateur territorial du patrimoine LE LYCÉE FRANÇAIS DE CHICAGO (L.F.C.), Homologué par l’Éducation Nationale Maternelle à Terminale, Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) organise en 2016 deux concours pour le recrutement de conservateurs territoriaux du patrimoine • un concours externe • un concours interne Recherche - Urgent - pour la rentrée 2016/2017 des personnels titulaires de l’Education Nationale, issus de l’enseignement public ou privé français, ou travaillant à l’international pour des postes, en contrat local (détachement administratif et aide financière possible) : • Un Enseignant de Mathématiques (Niveau lycée, Coordination) en savoir plus sur www.cnfpt.fr • Un Enseignant de SES Les épreuves écrites se dérouleront du 23 au 25 août 2016 et les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 30 avril 2016 Maîtrise de l’anglais indispensable. 3 ans d’expérience (Expérience dans un établissement à l’étranger appréciée). Solides références exigées. > Dossier de candidature complet : CV + Lettre de motivation + notations administratives + rapports d’inspection + lettre de référence ou de recommandation, à soumettre sur le lien suivant : http://www.lyceechicago.org/fr/simpliquer/travailler-au-lycee quand les talents grandissent les collectivités progressent Le CNFPT recrute par voie statutaire (liste d’aptitude, mutation, détachement, dispositif applicable aux personnes reconnues travailleurs handicapés) Grande Association de référence dans un paysage associatif en plein développement, renforce sa gouvernance en créant le nouveau poste de: DÉLÉGATION RÉGIONALE CORSE • DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT h/f DIRECTEUR RÉGIONAL (F/H) TITULAIRE D’UN GRADE D’ADMINISTRATEUR TERRITORIAL OU ÉQUIVALENT Intervenant dans la France entière, cette Association compte plus d’une bonne trentaine d’établissements médicaux-sociaux. Son Siège est situé à Paris. POSTE SITUÉ À AJACCIO Avec plus de 1.000 collaborateurs aujourd’hui, l’Association souhaite consolider sa Direction Générale et déléguer l’accompagnement, l’organisation, le contrôle de l’activité des établissements à son nouveau dirigeant. Placé sous la responsabilité du directeur général du CNFPT, et auprès du délégué régional, vous impulserez l’ensemble des activités relatives au développement des compétences des personnels territoriaux et à l’emploi. Cette mission d’animation et de suivi impliquera de sa part une gestion des ressources humaines et des relations sociales optimale ain de garantir la cohérence de la gestion globale de l’activité avec le Projet Associatif. Dynamique, ouvert et diplomate, il convaincra en présentant une certaine sensibilité aux grandes questions de santé publique (âge, handicap, etc.). Vous serez en capacité de développer une analyse stratégique des besoins des collectivités territoriales, de décliner les orientations nationales en objectifs opérationnels, de fédérer les équipes autour d’un projet commun. Vous serez garant du respect des règles unitaires de gestion interne de l’établissement. À 45-50 ans, il sera rompu aux méthodes modernes de management comme au travail en équipes pluridisciplinaires ain d’assurer la supervision et l’autorité sur ses équipes comme sur les directions d’établissements. Cette compétence critique aura été acquise, pour sa plus grande part, de préférence dans le secteur privé, la santé ou les services à des niveaux de responsabilité équivalents ou supérieurs. Rigoureux et loyal, il s’impliquera durablement au sein de l’organisation par son empathie pour la cause de l’Association et pourra évoluer avec elle, à moyen terme, dans ses fonctions. Vous développerez tant avec les services centraux, qu’avec les 29 délégations et les 5 instituts, des méthodes et procédures de travail en commun. Pour faire acte de candidature merci d’adresser votre CV et votre présentation à notre Conseil M. Christophe Gouriou Cabinet Continuum qui traitera votre dossier en toute conidentialité à l’adresse suivante : [email protected] Votre expérience significative sur des fonctions de dirigeant territorial vous a conduit à développer des compétences en conduite de projets, en organisation et méthodes, en management d’équipe et vous a donné la capacité d’intégrer et animer un réseau de responsables territoriaux, élus, partenaires. En 2016, 7=85/.9.,. &% -%'!%1'!% 34,1 7% #>+%7433%6%5. 20 #91%'.%,1/2.19'%/* &% 1%'!%1'!% ) '7(//% % 10 $!(1">2%*/ &% 1%'!%1'!% ) '7(//% 5 $!(1">2%*/ &% 1%'!%1'!% 0 '7(//% % :1% Les dossiers de candidature peuvent être téléchargés jusqu’au 27/04/2016 avant 15 h sur www.ird.fr Date limite de dépôt des dossiers : 29 avril 2016 jusqu’à 17 h au siège Date limite d’envoi des dosiers : 29 avril 2016 Les candidat(e)s doivent envoyer impérativement leur dossier par la poste, le cachet de la poste faisant foi ainsi qu’un exemplaire sous format PDF à [email protected] Le (la) candidat(e) aura vocation à travailler avec les pays du Sud, notamment à l’expatriation L’IRD s’attache à promouvoir l’égalité des sexes, en conséquence, les femmes sont vivement encouragées à se porter candidates. Il n’y a pas de postes proilés en 2016. © IRD concours 2016. Photographie : Marie-Noëlle Favier - Marie-Noëlle Favier - Christophe Proisy - Mireille Razaindrakoto recrute par voie de concours externes Si vous souhaitez postuler retrouvez ces offres (référence n° 262), sur notre site Internet : www.cnfpt.fr/offres-emploi Date limite dépôt de candidature : 18 Avril 2016. Retrouvez le détail de cette offre sur : www.cnfpt.fr 1er quotidien des cadres et dirigeants avec 618 000 lecteurs Premium (+16% vs 2013)* * Source AudiPresse Premium 2014, LNM > Offres d’emploi vous souHaiteZ devenir 10 | MÉDIAS&PIXELS 0123 MARDI 12 AVRIL 2016 Nouvelle chaîne d’info : les craintes de France Info Les personnels de la radio s’inquiètent des divergences éditoriales possibles avec France Télévisons C e n’est plus un secret. Selon toute vraisemblance, « France Info », le nom qui a le premier incarné l’information en continu en France, va devenir celui d’une offre publique d’information unifiée (radio, télévision et numérique) à partir de septembre. Avec l’agrément de leur tutelle politique, Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, et Mathieu Gallet, son homologue de Radio France, défendent ce choix. Outre la radio créée en 1987, cette « offre publique d’information », préparée avec France Médias Monde et l’INA, rassemblera un site Web unique, une application commune et une chaîne hertzienne. Plusieurs divergences demeurent toutefois. L’une est juridique : Radio France entend rester propriétaire de la marque, que France Télévisions aimerait « codétenir », comme l’a expliqué Mme Ernotte, jeudi 7 avril, lors d’un comité central d’entreprise. En l’état, la chaîne « France Info » serait éditée par France Télévisions, réalisée avec le concours de Radio France, en utilisant une marque appartenant à Radio France. Une situation qui crée une « insécurité juridique » aux yeux de France TV. Les dispositions contractuelles liées à la marque doivent être discutées très prochainement. Autre divergence : le point de vue des équipes de France Télévisions et de France Info. A France TV, on regrette le choix d’un nom jugé daté et peu performant jusqu’ici, sur le numérique. Ce à quoi la direction répond que la marque « France Info » va faire l’objet d’une refonte graphique radicale, et que la base technique de l’offre numérique nouvelle sera Francetvinfo. fr, le mieux placé des sites actuels. Des recrutements prévus A France Info aussi, des craintes se sont manifestées. Dans la semaine du 4 avril, selon le Syndicat national des journalistes (SNJ), plus de 60 % de la rédaction – qui compte 126 journalistes – a signé une motion demandant notamment des « garanties sur l’avenir de la radio » : « France Info est une radio unique, dont la rigueur, la qualité des reportages et le savoir-faire sont reconnus depuis près de trente ans. » Le texte posait une série de questions : demain, pour qui travailleront les journalistes de France Info ? Comment la nouvelle offre serat-elle coordonnée ? La radio res- Le navigateur Brave hérisse les journaux tera-t-elle un lieu d’investissement ? Certaines réponses ont été apportées lors d’un comité central d’entreprise, vendredi 8 avril : la marque ne sera pas vendue, les contrats de travail ne seront pas modifiés, l’intégralité de l’antenne radio restera produite à Radio France, qui en conservera la maîtrise éditoriale. Surtout, des renforts vont être déployés. « Nous avons annoncé le recrutement de 28 personnes, confirme Laurent Guimier, le directeur de France Info. Il s’agit de 15 techniciens et de 13 journalistes : d’une part des présentateurs, d’autre part des chargés d’édition numérique, un métier que nous sommes en train de définir. » Ces recrutements, qui ne seront pas des remplacements de départs, représentent une partie du budget de 2 millions d’euros par an que Radio France a prévu pour le projet, sans modifier sa perspective de retour à l’équilibre en 2018. Radio France entend rester propriétaire de la marque, alors que France Télévisions aimerait la codétenir Ces journalistes travailleront sur les modules de rappel de titres que Radio France éditera pour la télévision et le Web. Un contenu similaire aux quatre rappels de titres par heure que la radio propose déjà, mais qui devra faire l’objet d’une production spécifique, avec d’autres présentateurs et un montage associant des séquences vidéo, de la photo, des infographies, etc. Ce contenu, qui fait actuellement l’objet d’un travail de conception associant no- tamment le réalisateur de télévision David Montagne, sera adapté à la diffusion télé, mais aussi à la distribution sur les réseaux sociaux et sur smartphones, espère France Info, qui va produire 80 modules par jour. Si les équipes ont été rassurées sur le cadre et les moyens, demeurent plusieurs questions épineuses, notamment celle de la coordination éditoriale entre les équipes de France Télévisions et de Radio France, dont les contenus se mêleront dans le flux de la chaîne d’info et sur le Web. « Comment va-t-on faire pour s’assurer qu’on ne donne pas des informations divergentes ? », s’interroge la secrétaire nationale du SNJ, Valeria Emanuele. A l’antenne, des contradictions pourraient, par exemple, apparaître entre les journaux réalisés chaque demi-heure par France Télévisions et les rappels de titres assurés par Radio France. « C’est une vraie question et nous allons travailler à une charte de gouvernance éditoriale », assure M. Guimier, qui cite l’expérience de l’« agence » France Info, un lieu de réception et de diffusion rapide de toutes les informations collectées par les journalistes de Radio France. Autre point délicat : l’offre numérique, qui verra converger sur un site et une application uniques les actuels Francetvinfo. fr, Franceinfo. fr et les contenus, en flux et à la demande, de la nouvelle chaîne. Comment bâtir, à partir d’une telle variété de sources et de formats, une offre cohérente, réactive, adaptée aux nouveaux usages (ce qui est l’une des motivations du projet) ? Que mettre en avant : le flux télé ? Des vidéos à la demande ? Les live textes de France Info et de Francetvinfo ? Le streaming radio ? « Ce sera le meilleur de chacun », pense M. Guimier, sans ignorer qu’il faudra aussi choisir. p alexis delcambre HORS-SÉRIE UNE VIE, UNE ŒUVRE Dix-sept éditeurs de presse américains menacent de poursuivre la start-up san francisco - correspondance A peine lancé, le navigateur Internet Brave se trouve déjà dans le collimateur des grands journaux américains. En cause : sa volonté de remplacer les bannières publicitaires affichées sur les sites Web par des annonces qu’il aura lui-même vendues. Jeudi 7 avril, dix-sept éditeurs de presse ont ainsi lancé un avertissement à cette start-up de San Francisco, la menaçant de porter l’affaire devant les tribunaux. « Il serait illégal pour une entreprise de détourner l’ensemble des contenus du Web à son propre bénéfice », arguent-ils dans un courrier adressé à Brendan Eich, le fondateur et directeur général de Brave Software. « Nous sommes prêts à engager toutes les procédures légales nécessaires pour protéger nos contenus et pour vous empêcher de vous approprier notre travail », poursuivent-ils. Les signataires de cette missive représentent quelque 1 200 journaux aux Etats-Unis, parmi lesquels les groupes New York Times, Dow Jones (Wall Street Journal), Washington Post, Gannett (USA Today) et Tribune (Los Angeles Times, Chicago Tribune). Modèle gagnant-gagnant Disponible depuis le mois de janvier, Brave est encore en phase de construction et destiné pour le moment aux développeurs. Une fois la version grand public lancée, le programme devrait proposer deux modes de navigation. Le premier intégrera un « ad-block », faisant ainsi disparaître l’essentiel des publicités. Cette possibilité est déjà ouverte par Chrome et Internet Explorer. C’est le deuxième mode qui pose problème. Activé par défaut, il supprimera les bannières intrusives ou dotées de « trackers », ces logiciels qui suivent les internautes. Elles seront remplacées par des annonces plus légères, commercialisées par Brave. En échange, la société s’en- gage à reverser aux éditeurs 55 % des recettes publicitaires. Les utilisateurs du navigateur percevront 15 %, payables en monnaie virtuelle bitcoin. S’ils le souhaitent, ils pourront aussi faire don de leur part aux sites Web qu’ils visitent. Ces derniers toucheraient alors 70 % du chiffre d’affaires, « ce qui est bien plus élevé que le pourcentage moyen versé par les plates-formes actuelles de publicités programmatiques [automatisation de la vente d’espaces] », répond l’entreprise aux groupes de presse l’ayant interpellée. M. Eich, ancien directeur de la technologie, puis éphémère directeur général de Mozilla, le concepteur du populaire navigateur Firefox, assure ainsi que le modèle est gagnant-gagnant. Pour les internautes, Brave proposera « vitesse, respect de la vie privée et protection contre les logiciels malveillants ». Pour les sites Internet, il permettra de lutter contre l’inquiétante montée des « ad-block », qui les privent d’importantes recettes publicitaires, poursuit Brave. Selon les estimations du cabinet Page Fair, près de 200 millions de personnes dans le monde avaient installé un bloqueur de publicités en juin 2015. Cela représentait un manque à gagner estimé à 21,8 milliards de dollars (19,1 milliards d’euros). Et le phénomène s’accélère. Il a gagné les smartphones et les tablettes, avec l’arrivée des « ad-blocks » sur iOS et Android, les systèmes d’exploitation mobiles d’Apple et de Google. « La publicité en ligne abusive, excessive et parfois dangereuse pousse les internautes vers les bloqueurs de publicités », fait valoir la jeune entreprise. Et d’affirmer que « Brave est la solution, pas le problème ». Une rhétorique qui ne convainc pas les principaux intéressés. « Nous n’accepterons pas de participer au supposé modèle économique proposé par Brave », affirment les dix-sept éditeurs de presse. p jérôme marin Jean Genet Un écrivain sous haute surveillance Avec Georges Bataille, André Malraux, Jeanne Moreau, Étienne Daho, Leïla Shahid… JEAN GENET Un hors-série du « Monde » 122 pages - 8,50 € Chez votre marchand de journaux et sur Lemonde.fr/boutique Comment un enfant abandonné, petit délinquant multirécidiviste dont les premiers livres furent publiés sous le manteau, est-il devenu l’un des dramaturges les plus joués et l’un des auteurs français les plus respectés au monde ? Dans ce nouveau volume de la collection « Une vie une œuvre », Le Monde explore l’itinéraire de Jean Genet, homme engagé et écrivain de la transgression, salué par Cocteau et Sartre.