Evaluation de la gravité et complications chez un traumatisé des

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Evaluation de la gravité et complications chez un traumatisé des
Evaluation de la gravité et complications
chez un traumatisé des membres
Dr. C. LAZERGES, Dr. B. COULET, Pr. M. CHAMMAS
Service de Chirurgie Orthopédique 2 et Chirurgie de la Main
CHU Lapeyronie
Montpellier
Evaluation de la gravité des fractures
Le contexte clinique
Les circonstances du traumatisme :
Le terrain clinique :
Le syndrome d'embolie graisseuse
Les complications cutanées : l'ouverture
cutanée
- Ouverture cutanée de type I
- Ouverture cutanée de type II
L’examen clinique
- Ouverture cutanée de type III
Les signes fonctionnels :
L’inspection :
La palpation :
- Principes du traitement des fractures en présence
d'ouverture cutanée
Les complications vasculaires
L’examen paraclinique
Le syndrome de loges
Bilan biologique :
Bilan radiographique :
Le syndrome de Volkmann
Recherche des complications précoces ou
immédiates: les premières heures
Les Complications Nerveuses
Les complications générales
Les
complications
tendineuses
musculaires
et
Evaluation de la gravité des fractures :
Le contexte clinique :
Il faut connaître et rechercher :
 Les circonstances du traumatisme :
• la date,
• l’heure,
• le type d’accident : traumatisme à haute ou à basse énergie, écrasement,
polytraumatisme
• le mécanisme fracturaire :
 Mécanisme direct
Il entraîne un traumatisme de la peau, des parties molles et de l’os
responsable de fractures transversales, comminutives ou à double
étage avec contusion cutanée ou plaie en regard (fracture ouverte),
voire contusion musculaire.
 Mécanisme indirect
Ce sont des mécanismes de compression, d’élongation, de flexion ou
de torsion.
Les circonstances et le mécanisme du traumatisme sont un reflet direct des
complications potentielles des fractures, avec une gravité plus importante des
accidents à haute énergie et des traumatisme directs.
 Le terrain clinique :
 L’âge est un facteur important de la gravité des fractures. En effet, chez les
sujets âgés, la déminéralisation osseuse, l’état général souvent altéré et le
potentiel de cicatrisation diminué sont des facteurs péjoratifs
 Les antécédents médicaux
 Les Fractures sur os pathologiques
- Tumeurs osseuses bénignes ou malignes (secondaires ++, primitives)
- Maladies dystrophiques du squelette (maladie de Paget, ostéoporoses
primitive et secondaires, ostéogénèse imparfaite, hyperparathyroïdisme)
 La profession
L’examen clinique
Il est systématique et global, permettant d’éliminer un polytraumatisme ou
l’atteinte d’organes vitaux (pouls, tension artérielle, fréquence respiratoire, niveau
de conscience, palpation abdominale……)
En ce qui concerne l’examen des membres, celui-ci comporte :
 Les signes fonctionnels :
o Le type: la douleur, l’impotence fonctionnelle
o Le siège
 L’inspection :
o Le type de déformation
o Les attitudes vicieuses
o L’œdème, les ecchymoses
o Les lésions cutanées et tissulaires
 La palpation :
o Recherche des points douloureux
o Bilan de mobilité anormale
o Palpation des pouls périphériques
o Bilan d’un éventuel déficit sensitivo-moteur
L’examen paraclinique
Ce bilan paraclinique est systématique et guidé par l’examen clinique, suivi, en
fonction des points d’appel, d’examens plus spécifiques.
 Bilan biologique : groupe Rhésus, RAI ; NFS, plaquettes ;Ionogramme sanguin,
urée, créatininémie, glycémie ; bandelette urinaire (notamment pour les
traumatismes du bassin).
 Bilan radiographique : Il associe toujours une face et un profil +/- un 3/4 du
membre lésé en incluant les articulations sus et sous jacentes . Dans le cadre
d’un polytraumatisé, un rachis complet, un bassin de face et un thorax doivent
être systématiques.
En cas de suspiscion de lésion vasculaire, un échodoppler, un angioTDM ou une
artériographie doivent être demandés.
Bien entendu, chez les polytraumatisés, des examens types électrocardiogramme,
échographie abdominale, TDM cérébrale, ou Body Scan peuvent être nécessaires.
Recherche des complications précoces ou immédiates: les
premières heures
Les complications secondaires sont les complications apparaissant dans les 1er
jours suivant le traumatisme ; les complications tardives, celles apparaissant dans
les mois ou années suivants.
Les complications générales
Il s'agit essentiellement du syndrome de choc qui est fréquent, surtout chez les
polytraumatisés (crâne, thorax, abdomen) et qui nécessite des soins de réanimation.
Ce Choc traumatique dépend de la violence du traumatisme et des lésions
associées. C’est le plus souvent un CHOC HÉMORRAGIQUE avec collapsus
cardiovasculaire par :
• hémorragie extériorisée (rupture artérielle)
• hémorragie interne (fracture du bassin et du fémur)
Le syndrome d'embolie graisseuse
C’est un syndrome rare mais indispensable à connaître de part sa gravité.
Définition : macro-embols de lobules graisseux surtout au niveau
pulmonaire et cérébral réalisant des obstructions micro-circulatoires,
survenant essentiellement après des fractures des os longs
Terrain : Adulte jeune surtout après des fractures du fémur (>80 % des
embolies graisseuses)
Délai : intervalle libre de 48 heures caractéristique (12-72 h). Survient le
plus souvent avant l’ostéosynthèse. Parfois l’ostéosynthèse est incriminée
et notamment après un enclouage centromédullaire.
Signes cliniques :
• détresse respiratoire aiguë
• signes neurologiques : conscience altérée, hypertonie,
troubles neurovégétatifs
• signes cutanéo-muqueux: hémorragie sous-conjonctivale,
purpura et pétéchies caractéristiques
Pétéchies caractéristiques de l’embolie graisseuse
• F.O. caractéristique: œdème maculaire, taches blanches,
hémorragies rétiniennes
• Parfois insuffisance rénale aigue
Ex. complémentaires:
• Biologie: anémie et hyperleucocytose, thrombopénie
pertubations du métabolisme protidique et lipidique
lipurie, hypercholestérolémie
• Radiographie pulmomaire: syndrome alvéolaire ou
alvéolo-intersticiel (image de "tempête de neige")
Traitement :
• mesures symptomatiques de la détresse respiratoire
• immobiliser le foyer de fracture
• PRÉVENTION ++: Traitement précoce des fractures et
mobilisations prudentes des patients fracturés
Les complications cutanées : l'ouverture cutanée
L'ouverture entraîne une communication entre le foyer de fracture et l'extérieur. Cet
état peut entraîner un risque d'infection qui est une complication grave. Le risque
est lié au degré de septicité de la plaie (plaie souillée par de la terre et des débris
divers etc..) et au délai écoulé depuis l'accident (la pullulation microbienne est
importante à partir de la 6ème heure). La peau peut présenter des lésions de gravité
variable et le pronostic en dépend pour une bonne part.
Le mécanisme de l’ouverture cutanée est lui aussi un facteur pronostic à connaître :
• Soit il s’agit d’une ouverture de dehors en dedans: c’est le plus souvent
un traumatisme direct, avec des lésions étendues et très souillées
• Soit il s’agit d’une ouverture de dedans en dehors: c’est un traumatisme
indirect. Les lésions sont plus limitées, moins souillées et en général de
bon pronostic
Les os, se trouvant immédiatement sous le tissu cutané, sont le plus fréquemment
touchés : tibia, malléole, phalanges. Cependant, lors d’accident à haute énergie,
tous les os peuvent être atteints.
L’ouverture cutanée est classée en France, en 3 types selon la classification de
CAUCHOIX.
- Ouverture cutanée de type I
C’est une plaie simple franche sans décollement linéaire ou punctiforme.
Son traitement est simple. Après désinfection locale, on peut suturer les berges
cutanées sans tension et l'on obtient une cicatrisation sans nécrose secondaire.
- Ouverture cutanée de type II
C’est une plaie plus large. Les bords sont parfois contus et doivent être excisés pour
permettre la suture. La fermeture est possible (en s'aidant au besoin d'une incision
de décharge postérieure) mais en tension. Les risques de nécrose secondaire sont
importants.
- Ouverture cutanée de type III
C’est une perte de substance cutanée large rendant la fermeture cutanée primitive
impossible.
Il y a nécessité de faire une couverture par lambeau cutané ou musculaire pédiculé
ou micro-anastomosé et greffe de peau.
Fracture ouverte stade III avec lambeau libre de grand dorsal de couverture
Traitement des lésions des parties molles par cicatrisation dirigée
- Principes du traitement des fractures en présence d'ouverture
cutanée
Le traitement est urgent et repose sur 4 principes :
1. Parage chirurgical de la plaie sous anesthésie (peau et tissus sous jacents
- excision de tous les tissus contus). Il faut exciser les berges cutanées de
façon économique ainsi que le tissu cellulo-graisseux sous cutané
dévitalisé et enlever les corps étrangers. Il faut, si nécessaire, exciser les
aponévroses et les muscles contus et dilacérés. On peut être amené à
agrandir la plaie selon l'axe du membre pour bien la nettoyer, pour
pouvoir évacuer l'hématome et enlever les esquilles osseuses qui ne
seraient plus attachées aux muscles.
2. Suture cutanée : Il ne faut faire une suture cutanée que si elle est
réalisable sans tension excessive. Dans le cas contraire, la plaie doit être
mise à plat, simplement recouverte d'un pansement gras pour faire l'objet
d'un geste de plastie plus tard ou dans le même temps opératoire. Parfois
on peut fermer au prix d'une incision de décharge.
3. Immobilisation de la fracture ou ostéosynthèse.
4. Lutte contre l'infection par les antibiotiques (Péniciline – Flagyl ou
amoxicilline + ac. clavulanique) et par la prophylaxie du tétanos.
Les complications vasculaires :
Il faut toujours y penser et les dépister systématiquement et immédiatement. Cela
intéresse surtout les artères plus que les veines.
Les sites les plus souvent lésés sont le fémur et le genou (++) avec l’artère fémorale
et poplité, le coude avec l’artère humérale, enfin l’épaule et la clavicule avec
l’artère sous clavière et l’artère axillaire.
Ces lésions surviennent principalement sur des traumatismes à haute énergie ou à
grand déplacement. Il faut aussi les rechercher dans tous les traumatismes par
écrasement.
• Il peut s'agir d'une lésion simple par compression (par un fragment osseux
ou par un hématome). La suppression de la compression est urgente.
Lésions artérielle au coude, à l'épaule et à la jambe
• Il peut s'agir d'une lésion plus grave : section artérielle ou dissection
intimale . Elle est alors responsable d’une ischémie aiguë avec extrémité
froide, pâleur, abolition des pouls distaux, troubles du temps de
recoloration capillaire. Cette ischémie aigue doit être bilantée rapidement
par un échodoppler, un angioTDM ou une artériographie, suivie d'une
prise en charge chirurgicale en urgence avec stabilisation osseuse et
réparation vasculaire.
Pontage vasculaire entre artère poplité et artère tibiale postérieure
• Il peut exister un syndrome hémorragique associé.
Le syndrome de loges:
C'est une urgence des premières heures qui suivent un traumatisme, avec évolution
rapide vers des lésions ischémiques, nerveuses et musculaires.
Cela correspond à une augmentation de la pression intra-tissulaire dans une loge
anatomique inextensible ostéo-membraneuse (hématome ou plâtre trop serré),
compromettant la vascularisation des tissus, avec ischémie nerveuse et musculaire.
Les signes cliniques sont :
• la douleur,
• une hypertension douloureuse de la loge concerné,
• une hyper puis hypoesthésie cutanée souvent tardive,
• une abolition tardive des pouls.
Le diagnostic peut être confirmé par la mesure des pressions intratissulaires dans
les loges suspectés à l’aide d’un matériel spécifique.
En pratique, dès qu’un syndrome des loges est suspecté ou évoqué, son traitement
doit être effectué en URGENCE :
• Ablation du plâtre,
• Aponévrotomie de décharge des loges comprimés
• Mobilisation pour prévenir les rétractions.
On l’observe le plus souvent à la jambe (parfois à l’avant-bras, à la main et au pied)
avec une compression des loges antéroexterne, externe et postérieure. En l’absence
de traitement, ou en cas de retard thérapeutique, il peut survenir une paralysie des
nerfs tibial et fibulaire commun avec nécrose musculaire, entraînant souvent une
attitude en varus équin de la cheville.
Syndrome des loges du pied, aponévrotomie dorsale et plantaire
Le syndrome de Volkmann :
C’est un syndrome rare qu ‘il faut toutefois connaître. Il survient le plus souvent à
l'avant-bras (parfois à la jambe), avec ses signes d'appel et ses conséquences.
Les signes d'appel sont :
• Main cyanosée avec des picotements (dysesthésies)
• Douleurs à l'avant bras
• Disparition rapide des mouvements de la main.
Déformation consécutive au Syndrome de Volkmann
Très rapidement se constitue une rétraction ischémique des fléchisseurs avec
apparition de la griffe irréductible caractéristique du syndrome :
• flexion du poignet,
• hyperextension des métacarpo-phalangiennes
• et flexion des phalanges.
Ce syndrome apparaît le plus souvent après un traumatisme par écrasement qui
peut n’être qu’une compression sous plâtre. Sa prévention consiste en la
suppression des causes de compression vasculaire au membre concerné, comme par
exemple l’ouverture d’un plâtre..
Lorsque la déformation est constituée on constate que lorsque l’on fléchit le
poignet, les phalanges distales s'étendent, et si l’on étend le poignet, les phalanges
fléchissent.
Il s'agit d'une séquelle très grave que l'on ne devrait plus voir, car elle doit être
prévenue. Quand elle est installée, la déformation ne peut être corrigée que par une
intervention chirurgicale très délicate qui consiste en une libération complète des
muscles fléchisseurs à l'avant bras (Scaglietti). Elle laisse presque toujours
d'importantes séquelles.
Les Complications Nerveuses :
Les lésions nerveuses peuvent aussi être dues à des lésions de compression,
d’élongation ou de rupture, entraînant une paralysie sensitive et/ou motrice
• soit sans interruption des fibres nerveuses (neurapraxie)
• soit avec lésion des fibres nerveuses (neurotmésis) responsable d’une
dégénérescence nerveuse distale.
Les nerfs les plus souvent lésés sont :
• Le nerf axillaire en cas de fracture ou de luxation au niveau de l’épaule.
• Le nerf radial en cas de fracture de l’humérus :
Paralysie motrice de l’extension des doigts et du poignet, déficit sensitif de la
partie dorsale et radiale du poignet.
• Le nerf médian en cas de fracture du poignet : principalement
acroparesthésies à la face palmaire des trois premiers doigts et sur l’hémi
pulpe radiale du 4ème doigt, voire paralysie de l’opposition du pouce
• Le nerf sciatique en cas de fracture du cotyle ou de luxation coxofémorale
• Le nerf fibulaire commun en cas de traumatisme ligamentaire du genou
ou en cas de fracture de l’extrémité proximale du tibia.
L’examen neurologique doit comporter le testing complet de la sensibilité cutanée
et de la motricité dans le territoire lésé.
Le traitement consiste en la réduction des déplacements osseux et l’exploration
chirurgicale des nerfs, notamment au membre supérieur ou dans le cadre de
traumatisme à haute énergie.
Les complications musculaires et tendineuses :
Les lésions des muscles sont le plus souvent des lésions bénignes. Parfois il y
a des interpositions de muscles entre les fragments osseux qui peuvent gêner la
réduction et nécessiter de contrôler la réduction chirurgicalement. Il existe
cependant 2 cas particuliers à connaître :
• Le Syndrome d ’écrasement de membre ou « Crush Injury »
Exceptionnellement, on peut voir des broiements musculaires qui sont responsables
d'un syndrome de "Crush Injury". La gravité est fonction de la durée écrasement et
du type d’écrasement. Il peut être responsable d’une insuffisance rénale aigue.
Le bilan paraclinique nécessite le dosage de la myoglobinémie et de la
myoglobinurie
• Les ruptures musculaires et tendineuses
Il s’agit principalement des ruptures de la coiffe des rotateurs notamment en cas
de luxation d ’épaule après 40 ans.