Thèse de fin d`étude

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Thèse de fin d`étude
Euromed Management
Domaine de Luminy – Marseille
Yasmine BENZAIDA
Master 2 Entertainment & media management
Spécialisation communication événementielle et marketing
Thèse de fin d’étude
Les enjeux du marketing électoral en France pendant la
campagne présidentielle 2012
Tuteur de thèse : M. Jean-Philippe DANGLADE
Date de rendu : 31 mai 2012
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« Derrière chaque homme politique
se cache un communiquant. »
Jacques Séguéla
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Remerciements
En préambule de cette thèse, je souhaite adresser mes remerciements les plus
sincères aux personnes qui m'ont apportées leur aide et qui ont contribué à
l'élaboration de cette thèse.
Je souhaite remercier dans un premier temps M. Bernard Belletante, Directeur de
l’école Euromed Management Marseille, pour nous avoir donné l’opportunité de
réaliser cette thèse dans des conditions optimales.
Je tiens à remercier M. Jean-Philippe DANGLADE, docteur en sciences de gestion,
professeur permanent de marketing à Euromed Management, conseiller scientifique
Entertainment & Média et coordinateur de la recherche, qui a été mon tuteur de
thèse, pour son suivi, ses conseils et son aide précieuse pour la réalisation de cette
thèse.
Je remercie également toute l’équipe des spécialistes de la communication politique
de « La com’ tranquille », et plus particulièrement M. Emilien Roso, diplômé de
Sciences Po en affaires publiques et d’un master 2 en communication politique et
sociale à Paris, pour leur aide quant au décryptage des stratégies de communication
des candidats à l’élection présidentielle 2012.
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Sommaire
Introduction……………………………………………………………….…. 7
1 - Les bases du marketing politique……………………………………. 8
1. 1 - L’émergence du marketing politique aux Etats-Unis et en France... 8
1. 1. 1 - Le contexte d’apparition………………………………………….. 8
1. 1. 2 - Naissance aux Etats-Unis………………………………………... 9
1. 1. 3 - Émergence en France………...………………………………….10
1. 2 - Les fondements du marketing politique.………..………….......……..12
1. 2. 1 - Les caractéristiques……………………………………………... 12
1. 2. 2 - L’utilisation des techniques et des stratégies marketing dans la
politique……………………………………………………………………...13
1. 2. 3 - Les grands principes du marketing politique………...………...15
1. 3 - La législation…………………………………………………….………….16
1. 3. 1 - Une communication politique très réglementée…...................16
1. 3. 2 - Les principales réglementations……………………………….. 17
1. 3. 3 - Remise en cause de cette législation…………………………. 19
2 - Analyse des outils de communication politique pendant la
campagne présidentielle 2012…………………………………………... 21
2. 1 – Les « spin doctors »………………...…………………………………….21
2.1.1 – Un rôle qui évolue avec le temps…………………..…………… 21
2. 1. 2 – Les spin doctors de 2012………………………………………. 22
2. 2 - L’image des candidats…………………………………………………… 24
2. 2. 1 - L’image reflétée………………………………………………….. 25
2. 2. 2 – Le style vestimentaire…………………………………………... 25
2. 3 - Les slogans………………………………………………………………… 27
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2. 3. 1 - François Hollande : «Le changement, c'est maintenant»…… 27
2. 3. 2 - Nicolas Sarkozy : « La France Forte »………………………… 28
2. 4 - Les logos…………………………………………………………………… 29
2. 4. 1 - François Hollande 2012…………………………………………. 29
2. 4. 2 – NS 2012………………………………………………………….. 30
2. 5 - Les affiches………………………………………………………………… 30
2. 5. 1 - François Hollande……………………………………………….. 31
2. 5. 2 – Nicolas Sarkozy…………………………………………………. 33
3 - Webcampagne, la guerre du net 2.0……………………………….. 37
3. 1 - 2012, une rupture dans la communication politique……………….. 37
3. 1. 1 - Un nouveau media : les réseaux sociaux…………………….. 37
3. 1. 2 - Un outil de communication électorale différent………….…… 38
3. 1. 3 – Risques et limites……………………………………………….. 39
3 . 2 – La communication des candidats sur le web 2.0………………….. 41
3. 2. 1 - Les stratégies…………………………………………………….. 41
3. 2. 2 - Les sites web de campagne……………………………………. 43
3. 2. 3 – Twitter…………………………………………………………….. 45
3. 2. 4 – Facebook………………………………………………………… 46
3. 3 - La guerrilla marketing sur le net……………………………………….. 49
3. 3. 1 - Une véritable guerre des web campagne…………………….. 49
3. 3. 2 - La bataille des blogs…………………………………………….. 50
3. 3. 3 – Le gaming…………………………………………………...…… 51
Conclusion………………………………………………………………….. 53
Bibliographie……………………………………………………………….. 54
Table des annexes………………………………………………………… 56
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Introduction
Dans la sphère politique des démocraties modernes, l’objectif premier des candidats
est de faire adhérer les électeurs à leurs idées, de manière à recueillir le plus grand
nombre de scrutins. Dans cette optique, les candidats sont amenés à établir des
stratégies de fond, mais également de forme. C’est ainsi qu’ils ont développé des
techniques de communications stratégiques afin de promouvoir leurs idées. Est alors
né le concept de « candidat produit » et « d’électeur consommateur ». C’est ce que
l’on appelle aujourd’hui le marketing politique. L’objectif principal est de favoriser
l’adhésion de l’électorat. Si personne n’est aujourd’hui capable de déterminer dans
quelles mesures les stratégies marketing utilisées influencent le vote des électeurs, il
n’en reste pas moins que le marketing politique a un véritable impact sur les
électeurs. De sa naissance à aujourd’hui, les techniques de communication n’ont fait
qu’évoluer et évoluent encore aujourd’hui avec le développement des nouvelles
technologies. La communication est donc de plus en plus riche et de plus en plus
utilisée. Elle crée de ce fait une certaine polémique entre ceux qui la voudrait libre et
créative, et les réfractaires la percevant comme une forme de propagande. Au cœur
de l’actualité des présidentielles française de 2012, cette tendance nous a amenée à
nous poser la question suivante :
« Quels sont les enjeux du marketing électoral en France pendant la campagne
présidentielle de 2012 ? »
Pour répondre à cette problématique, nous étudierons dans un premier temps
l’histoire du marketing politique en analysant sa naissance aux Etats-Unis, et son
arrivée tardive en France. Après avoir analysé les fondements du marketing
politique, nous verrons en quoi il est contraint par la législation. Dans une deuxième
partie, nous décrypterons les stratégies marketing des deux candidats favoris à
l’élection présidentielle de 2012. Enfin, dans une troisième partie, nous découvrirons
une tendance de communication récente liée à l’essor d’internet, et verrons en quoi
les deux candidats à la présidentielle de 2012 s’ancrent dans le web 2.0 pour booster
leurs stratégies de marketing électoral.
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1 - Les bases du marketing politique
Pour bien comprendre les enjeux du marketing électoral de la campagne
présidentielle de 2012, cette première partie pose les bases du marketing politique.
Nous nous intéresserons ainsi de près à l’histoire du marketing politique, à ses
fondements stratégies et applications purement marketing et à son cadre légal.
1. 1 - L’émergence du marketing politique Aux E.U et
En France.
Issu d’un contexte favorable à son apparition et à son développement le marketing
politique est né aux Etats-Unis dans les années 30 et s’est exporté et développé en
France à partir des années 60. Il est aujourd’hui qualifié de marketing politique
moderne.
1. 1. 1 - Le contexte d’apparition
Bien qu’il ait atteint une importance considérable aujourd’hui, le marketing politique
n’est pas nouveau. De tout temps, les hommes politiques communiquaient par leur
façon de parler, de s’habiller… Cependant, cette communication était induite.
La communication politique en tant que telle, au sens de réflexion stratégique n’est
apparue que tardivement. Les hommes politiques ont pris conscience de son
importance grâce aux spécialistes du marketing commercial. Ce sont eux qui ont
initié les prémices du marketing politique en conseillant et en orchestrant les
campagnes de grands hommes politiques. La communication politique a pris son
véritable essor depuis les années 1960, par l’apparition de la télévision et des
sondages que nous connaissons aujourd’hui. Cette époque va donc donner
naissance à ce que l’on appelle le marketing politique moderne.
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Le marketing politique a été initié au Etats-Unis, ce qui est inévitablement lié à
l’histoire de ce pays. Trois principaux éléments expliquent l’antériorité du marketing
politique aux Etats-Unis : le système électoral, la tradition de communication
démocratique de ce pays, et l’antériorité de la médiatisation de masse, puis des
«nouveaux médias», des NTIC, et notamment d’Internet. Ces moyens modernes de
communication politique ont été suivis par des pays du monde entier, notamment par
les démocraties occidentales.
1. 1. 2 - Naissance aux E.U
La naissance du marketing politique est estimée aux alentours de 1932 aux ÉtatsUnis lorsque le président Franklin D. Roosevelt donne des émissions de radio
appelées « Causeries au coin du feu ».
Mais c’est en 1952 que la politique prend un véritable tournant marketing en
s’appuyant sur l’essor de la télévision dans les foyers américains. Le candidat aux
élections présidentielles de l’époque, Eisenhower, s’entoure des spécialistes du
cabinet en communication BBDO pour construire son discours en direction des
électeurs. De plus Thomas Rosser Reeves, de l’agence Ted Bates, intervient de
façon très engagée dans la stratégie politique et la campagne de communication du
candidat Eisenhower en simplifiant le contenu de son message. Reeves a également
été l’initiateur de la réalisation de 49 spots publicitaires. Les élections présidentielles
américaines de 1952 sont également les premières où les partis politiques ont
dégagé un budget spécifique destiné à servir la communication politique de leur
candidat.
La campagne présidentielle de 1960 opposant Kennedy à Nixon a initié la
généralisation des pratiques marketing. Kennedy s’est entouré de deux grands
spécialistes, Pierre Salinger qui s’occupait de la presse et Léonard Reinsch de
l’audiovisuel. Il fut le premier homme politique à pratiquer le média training,
l’entraînement aux prestations audiovisuelles. Mais c’est surtout la mise en scène du
débat de l’entre deux tours qui a marqué cette année puisque, pour la première fois,
la manière de se tenir face à une caméra devient un élément important dans une
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élection. C’est à partir de là que le débat a pris toute son importance dans l’histoire
des campagnes électorales.
L’année 1964, où les élections opposaient Lyndon B. Johnson à Barry Goldwater a
marqué une véritable envolée du marketing politique américain grâce à la
connaissance des instruments à disposition et l’utilisation des tous les moyens
médiatiques existants. Ainsi, le publicitaire Tony Schwarz, qui élaborait la stratégie
de communication de Johnson, a conçu un spot choc qui marqua les esprits : le
célèbre Daisy spot (Spot de la marguerite avec la petite fille et le nucléaire).
Le marketing politique a été beaucoup critiqué aux Etats-Unis. Deux professionnels
célèbres ont acquis une réputation sulfureuse, liée à des affaires de fuites ou de
désinformation de la presse. Il s’agit de Karl Rove le conseiller de Georges W. Bush,
surnommé son « baby genius » et de Alastair Campbell pour Tony Blair. Tous deux
ont joué un rôle crucial dans le « marketing » de la guerre en Irak, et dans le style et
le programme de leurs clients.
Malgré cela, le marketing politique aux Etats-Unis ne cesse d’évoluer notamment par
le phénomène de « peopolisation ». Il est courant que chaque star de la musique, du
cinéma… apporte son soutien médiatique à un candidat et fait campagne pour lui.
L’évolution se fait aujourd’hui par l’utilisation des nouvelles technologies de
l’information et de la communication. Lors des dernières élections présidentielles
américaines, Barak Obama a utilisé de façon très importante les réseaux sociaux et
le web en général dans sa stratégie de communication. Ce fut un précurseur dans
cette catégorie. De nombreux spécialistes s’entendent sur le fait que cela a
largement participé à sa victoire et a marqué un véritable tournant dans l’histoire du
marketing politique.
1. 1. 3 - Émergence en France
En France, il a fallu attendre les élections de 1965 opposant le président sortant
Charles de Gaule, à un parfait inconnu: Jean Lecanuet, qui a su tirer profit de
l’expérience américaine et convaincre une grande partie de l’électorat par sa
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communication. Lecanuet, qualifié à l'époque de « Kennedy français », s’est fait
remarquer par une forte présence télévisée et par un attribut qui deviendra son
surnom: « dents blanches ». Il fut conseillé sur sa stratégie de communication par
l’agence Service et méthodes, et se fera conseiller par Havas aux élections
suivantes. De Gaulle, plutôt anti-marketing, évite la défaite, mais a perdu de
nombreuses voix face à un candidat inconnu, qui a récolté ses scrutins grâce à sa
stratégie de communication. Dès lors, ce modèle de coaching en communication fut
suivi par les autres candidats aux présidentielles françaises. En 1981, Jacques
Séguéla imagine le slogan "La Force tranquille" de François Mitterrand qui gagnera
les élections. L’intervention de Jacques Séguéla dans la campagne de Mitterrand
implantera réellement et définitivement l’utilisation du marketing politique en France,
en démontrant son efficacité.
De nos jours, avec l’accélération et la démocratisation des informations, l’utilisation
d’Internet fait partie intégrante de la vie politique. Ainsi, le marketing électoral en
France est encore en plein essor et en pleine mutation. Cependant, un décalage
certain avec les Etats-Unis est à souligner, tant au niveau des outils que des
budgets, des campagnes ou de la créativité. Ceci est dû, d’une part à l’arrivée tardive
du marketing politique en France, du retard de l’essor des médias, de la législation
Française qui régit les lois en matière de communication politique limitant ainsi les
possibilités d’actions de la communication politique; mais surtout, à une mentalité et
un taux d’acceptation de publicité politique aux antipodes.
Le marketing politique a donc beaucoup évolué avec l’histoire. Il est aujourd’hui
qualifié de « moderne » par les spécialistes de la communication. Le terme moderne
correspond au fait que le marketing politique utilise aujourd’hui les techniques du
marketing commercial et est issu d’une vraie réflexion stratégique.
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1. 2 - Les fondements du marketing politique
« L’élection présidentielle est à l’électeur ce que le supermarché est au
consommateur.» Jacques Séguéla
1. 2. 1 - Les caractéristiques
Définition
Le marketing politique est « l'art » de promouvoir un projet, un candidat, un dirigeant,
une cause politique sur le modèle des techniques du marketing commercial. Plus
précisément, le marketing électoral est une spécificité du marketing politique,
appliqué directement à un candidat à une campagne électorale. Le marketing
politique est donc un ensemble de méthodes dont font usage les organismes et
hommes politiques pour définir leurs objectifs, leurs programmes et tenter
d’influencer le comportement des électeurs.
Objectifs et enjeux
L’objectif du marketing politique est l’adhésion du peuple à des idées, et donc
l’augmentation du nombre des militants, sympathisants et votants. Le marketing
politique, particulièrement perceptible en période électorale, a pour objectifs
spécifiques d’obtenir que le plus grand nombre possible d’électeurs apportent leurs
suffrages à un parti ou à un projet politique, de répandre des convictions et de lutter
contre d’autres candidats et d’autres partis, dans le but final de gagner les élections
politiques. Les principaux enjeux sont d’accroître la notoriété de l’homme politique
selon une stratégie de campagne ; de déterminer et véhiculer une image du candidat
qui correspond au marché électoral, par l’utilisation des enquêtes et sondages
d’opinion; et d’adapter le message et le discours du candidat à la cible d’électeurs
afin d’optimiser les chances en vue des élections.
Moyens
Le marketing politique joue habituellement plus sur les aspects émotionnels que sur
les programmes précis et les points techniques. De ce point de vue il rejoint parfois la
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manipulation. Il est clair que les médias ont un rôle majeur dans le marketing
politique, mais ils sont loin d’être le seul outil .Ils sont une méthode. Le marketing
politique a recours notamment à des techniques de ciblage, à des modes de
communication proches de ceux de la publicité ainsi qu’à des méthodes de
persuasion ou de rhétorique souvent destinées à faire basculer les débats et à
influencer les électeurs.
1. 2. 2 - L’utilisation des techniques et des stratégies
marketing dans la politique
Les 4 P
On peut concevoir un « marketing mix » s’articulant autour des « 4 P » traditionnels :
Produit
L’homme
packaging
politique,
du
Promotion
le
candidat.
produit
est
ici
Le Les
méthodes
de
communication
la utilisées par le candidat afin de définir les
présentation du candidat : son look, son moyens qui seront utilisés pour diffuser
attitude, son langage non verbal.
l’image du candidat.
Distribution
Il
s’agit
des
lieux
visités
Prix
par
les C’est le vote. Il s’agit d’un prix unique
candidats. Cette variable est une partie dans le sens où chaque électeur n’a
intégrée
dans
la
variable
de qu’un seul et unique vote à donner pour
communication puisque l’espace est un une élection.
media si l’on se réfère au principe de la
communication événementielle.
L’analyse du marché
Dans le marketing politique, les électeurs sont considérés comme le marché à
conquérir qu’il faut analyser, de même que la concurrence, plus exactement les
autres candidats à l’élection. Ils utilisent pour cela les nombreux instruments d’étude
de l’opinion publique que sont les sondages (ou enquêtes) d’opinion. Les praticiens
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du marketing politique procèdent à une analyse systématique et en profondeur, c’est
à dire des enquêtes auprès des électeurs, des citoyens.
La classification des segments et le choix des cibles
Il s’agit de bien identifier les destinataires de la campagne de communication. Soit
d’établir une segmentation structurelle, en déterminant un certain nombre de cibles
privilégiées de la communication : les relais d’opinion, en espérant qu’ils
influenceront
d’autres
destinataires,
leurs
clients
habituels
en
matière
de
communication ; soit d’établir une segmentation qualitative, en modifiant certains
aspects de la communication en fonction de segments relativement précis, et
pourtant relativement importants, du public.
Le positionnement
L’image et le discours de l’homme politique sont rendus conformes aux attentes des
électeurs et se différencient des autres candidats, tout comme on positionne un
produit face à la concurrence et face aux attentes des consommateurs. Ainsi, la
conception de messages et d’argumentaires avec le bon fond et la bonne forme en
découle. Le produit, l’homme ou la femme politique, doit être adapté et rendu
compatible à ce marché, par les techniques de communications et de séductions
bien connues du marketing commercial.
La mise en place d’actions de communication
Les hommes politiques communiquent par l’utilisation des différents types d’outils :
affichage, programme, meetings, courriers directs, tracts, mailing, envoi de sms,
journaux électoraux, émissions de radio, télé, utilisation d’internet, déplacements
personnel etc. Pour déterminer le support le plus adapté à leurs cibles, les praticiens
se servent des enquêtes très fréquemment effectuées pour le compte de leurs
homologues du marketing commercial. Cependant, il est important de souligner que
la France présente la particularité d’avoir réglementé de façon très précise l’utilisation
de plusieurs médias par les hommes politiques durant les campagnes électorales.
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1. 2. 3 - Les grands principes du marketing politique
Luc Dupont, professeur, au département de communication de l’Université d’Ottawa
depuis 2002, auteur de « Comment faire de la publicité efficace sur Internet »
(éditions Transcontinentales), nous fait part des grands principes du marketing
politique :
Principe 1 : apprenez à connaître vos électeurs
Leur profil, les enjeux qui les intéressent, leur humeur, leurs réactions à votre
programme, leur attitude à l’égard de vos adversaires…
Principe 2 : soignez votre image
Votre passé, vos réalisations, votre façon de vous exprimer (oral et écrit), votre
apparence physique, votre âge, votre tenue vestimentaire…
Principe 3 : axez votre campagne sur un thème central
Un thème qui doit vous différencier et être compris facilement.
Principe 4 : soignez vos relations avec les médias
La presse et la télévision permettent d’augmenter votre notoriété, Internet et les
nouveaux outils de communication deviennent décisifs.
Principe 5 : faites des promesses
Ce sont les discours et les déclarations politiques qui contiennent des promesses
(importantes pour les électeurs) qui obtiennent de bons résultats.
Principe 6 : faites de la publicité
Afin de bâtir votre notoriété, faire connaître votre message et persuader les
électeurs.
Principe 7 : ciblez vos interventions
Viser les leaders d’opinion, le « marais » (électeurs indécis) et les électeurs critiques
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Principe 8 : simplifiez à l’excès
Employer le langage de tous les jours, les mots courants et courts et les expressions
populaires.
Principe 9 : soyez crédible
Rassurer l’électeur, appuyer ses propos par des preuves, citer des études et donner
des chiffres précis.
Principe 10 : répétez, répétez, répétez
Cesser de répéter, c’est commencer à être oublié.
On constate donc que la communication des politiques est une véritable technique
marketing qui s’est appropriée les codes du marketing commercial. Ce sont des
techniques
réfléchies,
pensées
construites
et
adaptées
par
des
grands
professionnels. Il s’agit d’une réflexion et d’une stratégie à part entière.
1. 3 - La législation
Malgré la volonté d’adapter toutes les techniques marketing à la politique, le cadre
légal restreint les possibilités. En effet, la France est l’un des pays au monde où la
communication politique est la plus encadrée.
1. 3. 1 - Une communication politique très réglementée
Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la communication des
pensées et des opinions est libre. Le candidat à une élection politique n’échappe pas
à cette règle. En principe, la communication électorale est donc libre... Cependant,
dans la mesure ou cette communication influe sur le scrutin, elle est réglementée.
Tous les candidats ne démarrant pas au même niveau, tant d’un point de vue
budgétaire qu’au niveau de la présence médiatique et de la notoriété. La loi cherche
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à minimiser les inégalités entre les candidats, à préserver une certaine égalité entre
les candidats et donc ainsi à protéger le pluralisme politique propre à la France. Ces
lois ont été prises dans un contexte où la France était prie dans un important nombre
d'affaires de financements occultes. La classe politique dans son ensemble a
souhaité durcir les règles de la communication politique.
Le régime actuel de la communication politique est défini par la loi Rocard du 15
janvier 1990. Les candidats sont ainsi soumis au code électoral. Ce dernier donne un
cadre légal aux élections politiques, que ce soit au niveau des candidatures, des
partis, des procédures de votes et de la propagande. Il dicte à chaque candidat, sous
forme de restrictions et sous peine de sanctions, la conduite à tenir pendant la
campagne électorale. Le code électoral date de 1964. Il traite des élections
législatives, cantonales, municipales, régionales, présidentielles et Européennes. Il
contient le référendum local introduit par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et la
loi organique du 1er août 2003. D’autres textes s’y greffent : la constitution de 1958,
le Code général des collectivités territoriales, la loi sur la presse, etc. Il est très
régulièrement actualisé et modifié pour accroître la transparence de la vie politique.
1. 3. 2 - Les principales réglementations
Financement et plafonnement des dépenses électorales
Cette réglementation occupe les articles 52-4 et suivants du code électoral, chapitre
5 bis. Les dépenses des campagnes électorales sont plafonnées pour toutes les
élections et les comptes des campagnes se doivent d'être transparents. Le candidat
peut recueillir pendant l’année précédant le premier jour du mois de l’élection et
jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne, les fonds destinés au financement
de la campagne. Le don quant à lui, est interdit de la part des personnes morales (à
l’exception des partis ou groupements politiques) et ne peut excéder 4600€ de la part
d’une personne physique. Enfin, 50% des sommes engagées sont remboursées aux
candidats ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés.
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Législation relative aux médias
La loi leur interdit aux candidats d'acheter de l'espace publicitaire pour leur
campagne électorale en presse, par voie d'affichage, en radio ou en télévision. Pour
défendre leurs couleurs, les candidats peuvent uniquement s'exprimer dans les
medias et s'afficher sur les emplacements réservés.
Les collectivités
L’article L.52-1 du code électoral pose le principe de l'interdiction durant les six mois
précédant une élection de "toute campagne, toute promotion publicitaire des
réalisations ou de la gestion d’une collectivité […] sur le territoire des collectivités
intéressées par les scrutins ».
Le temps de parole
Le décompte du temps d'antenne et du temps de parole est régi par le conseil
supérieur de l’audiovisuel (CSA). Il est organisé en trois périodes :
-
A partir du 1er janvier, les chaînes et les radios doivent veiller au respect de
l'équité des candidats déclarés. Le laps de temps est très important pour les
petits partis pour obtenir les 500 parrainages. L'équité est évaluée selon
plusieurs critères : la dynamique de la campagne des candidats, la
représentativité des candidats dans les sondages lors des dernières élections
; mais aussi l'organisation de réunions publiques et la participation à des
débats.
-
Lors de la seconde période, les médias audiovisuels doivent respecter
strictement "l'égalité du temps de parole et l'équité du temps d'antenne des
candidats habilités" (ceux ayant obtenus les 500 parrainages.)
-
Enfin, pendant la dernière période qui couvre les deux tours de la
présidentielle, les médias devront respecter l’égalité du temps de parole et du
temps d’antenne de tous les candidats.
Internet
Les règles de la communication électorale sur Internet, sont fixées par le Forum des
Droits sur l'Internet (FDI). Bien que les lois soient inscrites dans le code électoral en
vigueur, le FDI permet de clarifier les règles, d’interpréter le code électoral et de voir
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comment il peut s'appliquer aux usages du web. En tant que média audiovisuel,
Internet bénéficie d’un traitement de faveur du fait que « la grande accessibilité et la
possibilité d'une expression libre des opinions sur le réseau sont de nature à garantir
le pluralisme. » Du fait de la possibilité d’être visible sans invitation, les podcasts
audio et vidéo ne sont pas comptabilisés dans le temps de parole des candidats.
Il y a tout de même des règles : les partis et leurs soutiens sont obligés de geler leurs
sites à partir de la veille des scrutins à minuit. Les règles concernant le financement
sont les mêmes que celles qui s’appliquent aux autres supports. En revanche, les
candidats ne doivent pas recourir aux procédés de publicité commerciale (liens
sponsorisés, liens contextuels, bannières) pour financer leurs sites.
1. 3. 3 - Remise en cause de cette législation
L'irruption d'Internet dans la vie politique française a ainsi assoupli quelque peu la
législation en offrant aux candidats la possibilité d’une communication moins
réglementée. Ainsi, la réglementation est de plus en plus remise en cause.
Elle est notamment contestée par le collectif « Démocratie et communication », Pour
sa présidente, Evelyn Soum, cette réglementation est à l'origine des « taux
d'abstention record en France car elle diabolise la communication politique ». Son
collectif propose de lever l'interdiction de faire de la publicité commerciale jusqu'à 24
heures d'une élection. Trois députés, Laure de la Raudière (UMP), Sandrine
Mazetier (PS) et Christian Kert (UMP), sont prêts à défendre cet assouplissement au
parlement. Ils mettent en parallèle le manque de visibilité et l'abstention. Le débat
repose sur une plus grande souplesse législative tout en ne revenant sous aucun
prétexte sur l'obligation de transparence qui implique notamment une communication
sur l'origine des fonds.
Ceux qui prônent un assouplissement estiment que le principe de la loi Rocard était
de garantir l'équilibre et l'égalité des chances entre tous les candidats quels que
soient leurs moyens financiers. Pour respecter cet état d'esprit, les réformateurs
avancent que la publicité politique pourrait profiter du régime appliqué aux grandes
causes : campagnes réalisées gracieusement ou à moindre coût par les agences,
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spots gratuits sur le service public, abattements chez les médias privés, etc. Une
réforme serait aussi l'occasion selon eux d'encadrer les pratiques sur Internet.
Les réfractaires arguent que le retour à la publicité conduirait à donner une chance
supplémentaire à ceux qui ont de l'argent et enfreindrait les principes d’égalité et
d’équité, avec un risque de dérives incontrôlables et une accentuation d’une politique
commerciale au même titre que le marketing commercial.
Le développement du marketing politique en France, inspiré des Etats-Unis et
construit sur les bases du marketing commercial est à la fois en constante évolution
et très règlementé. Prenant en compte ce dont ils disposent et les contraintes
légales, les candidats à l’élection présidentielle de 2012 ont construit de véritables
stratégies marketing et utilisé les outils de communication qui en découlent.
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2- Analyse des outils de communication politique
pendant la campagne présidentielle 2012
Les candidats à l’élection présidentielle de 2012
se sont véritablement ancrés dans le marketing
politique
en
développant
les
outils
de
communication traditionnels. Afin de pouvoir
réaliser une analyse comparative, nous étudierons
les stratégies des deux favoris dans les sondages,
François Hollande et Nicolas Sarkozy, qui disposent d’une capacité budgétaire et
humaine relativement égales en termes de communication politique.
2. 1 – Les « spin doctors »
Le terme anglophone « spin doctors », doreurs d’images, est utilisé pour désigner les
communicant et publicitaires mettant leurs compétences marketing au service des
politiciens.
2.1.1 – Un rôle qui évolue avec le temps
Au début des années 1980, de nombreux publicitaires se sont lancés dans l’aventure
politique en appliquant leurs compétences en communication aux hommes
politiques. On se souvient de Jacques Séguéla et Jacques Attali pour François
Mitterrand, de Jacques Chirac et de sa fille Claude, de Franck Louvrier pour Nicolas
Sarkozy, etc. Le rôle des « spins doctors » est de déterminer la stratégie, la mise en
scène, l’image, les slogans… de manière à rendre présidentiable un candidat et à
favoriser son élection, grâce à une bonne communication.
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Aujourd’hui, on est loin de l’époque où Jacques Séguéla revendiquait une part de
mai 1981 grâce à son slogan « La force tranquille ». Il le confiait dès 2011 : « Nous
sommes dans une décennie que j'appellerai la low décennie, low cost, low profile,
low média, low com... La présidentielle de 2012 sera à son image. » (Jean-Jérôme
Bertolus et Frédérique Bredin dans leur livre Tir à vue.) Ainsi, comme le souligne
également le publicitaire Benoît Devarrieux : « Tout le monde se planque ! ».
Après avoir été exubérante et narcissique, la communication politique tend
désormais à se faire plus discrète et modeste. 2012 est donc l’année des spins
doctors de l’ombre. Les hommes et les femmes qui construisent le marketing
politique des candidats ne le revendiquent plus autant qu’avant. Ceci est du au rejet
en France de la « peopolisation », du système américain et de l’aspect commercial
attribué au marketing. Les communicants politiques se font donc de plus en plus
discrets, agissant de manière non officielle et parfois même dans l’anonymat, alors
même que la place de la communication dans la politique tient un rôle de plus en
plus important dans les stratégies des politiciens.
2. 1. 2 – Les spin doctors de 2012
François Hollande
Les personnalités qui font partie de l’équipe de communication officielle de François
Hollande sont Manuel Valls en tant que directeur de la communication, Christian
Gravel coordinateur et Harold Hauzy coordinateur adjoint, Najat Belkacem, Delphine
Batho, Bernard Cazeneuve, Bruno Le Roux en tant que Porte-parole, Vincent
Feltesse comme chef de la web campagne et Dominique Bouissou responsable du
service de Presse.
De manière moins officielle, on retrouve notamment aux côtés de François Hollande
la présence des trois premières agences françaises de communication :
-
Le groupe Havas Euro RSCG avec Gilles Finchelstein, directeur des
études, qui a écrit le discours du Bourget (ex plume de DSK)
22
-
Publicis, dont certains cadres importants conseillent François Hollande
dans l'anonymat.
-
TBWA avec son président, Nicolas Bordas, Valérie Lecasble, directrice
générale de TBWA Corporate, qui conseille officieusement Manuel Valls,
et Marco de la Fuente, directeur général de BDDP & Fils (filiale de TBWA)
-
Equancy avec son patron Robert Zarader qui avait déjà orchestré la
campagne des primaires socialistes pour François Hollande.
-
On note également la participation active du publicitaire Robert Zarader, du
politologue Stéphane Rozès qui décortique les études et apporte son
analyse via sa société Cap, et de Benoît Devarrieux, patron des Ateliers
Devarrieux qui collabore à la communication avec les militants via Internet.
Enfin, les communicants qui ont orchestré la campagne de Barack Obama en 2008
sont venus donner leurs conseils à l’équipe de François Hollande au début de sa
campagne. Issus de l’agence Blue State Digital, ces communicants ont notamment
apporté leur connaissance des réseaux sociaux et d’internet en général pour toucher
un maximum d’électeurs: Joe ROSPAR, et Steve JACOBS les directeurs, Matt
IPCAR, le designer du site de campagne de Barak Obama et de la Maison-Blanche,
Ryan DAVIS, qui s'est occupé des réseaux sociaux du candidat démocrate en 2008
et Sam JEFFERS, directeur stratégique de Blue State.
Source (VÉRONIQUE RICHEBOIS, Les Echos)
Nicolas Sarkozy
Pour sa communication officielle, Nicolas Sarkozy s’est entouré de huit hommes et
femmes principales, appelés par les journalistes les « huit cavaliers ». Ils ont animé,
pensé et affiné la stratégie, la communication et les idées du Président en
reconquête d’électeurs. Parmi eux, les 3 guest stars dont on entend parler depuis
plus longtemps, David Martinon (porte-parole), Claude Guéant (secrétaire général de
l'Elysée) et Henri Guaino (conseiller spécial). Tous trois sont chargés d'expliquer les
propos du président. Et, depuis la candidature officielle du président, cinq nouveaux
conseillers ont fait leur apparition sur la scène médiatique en communiquant à leur
tour. Il s'agit de Catherine Pegard (conseillère en image), Emmanuelle Mignon
(directrice de cabinet), Franck Louvier (conseiller en charge de la presse), Nathalie
Kosciusko-Morizet (porte parole) et Guillaume Peltier (chargé des sondages). Ces
23
“huit cavaliers” orchestrent la communication de Nicolas Sarkozy et communiquent
sur leurs fonctions. Ils sont très présents dans la presse.
Dans l’ombre de ceux-ci, des professionnels de la communication et de la publicité
qui agissent de façon plus discrète voire anonyme pour créer et mettre en place la
stratégie de communication de Nicolas Sarkozy. Ainsi, les principaux spins doctors
de la campagne présidentielle 2012 sont :
-
Jean-Michel Goudard, le publicitaire le cofondateur de Havas Euro RSCG
(c’est le G de RSCG). Il détermine la stratégie et le «rythme » de la
campagne, il analyse l'opinion et travaille la communication. Après avoir été
un fidèle de Jacques Chirac, à 72 ans, Jean-Michel Goudard, a mené trois
campagnes présidentielles avant celle de 2012 et les a toutes gagnées.
-
Valérie Acary, président et Antony Hammele, responsable R&D de l’agence
de communication CLM-BBDO, qui ont géré l’essentiel de la communication
de Nicolas Sarkozy. BBDO (Batten, Barton, Durstine & Osborn) fait partie du
premier groupe de communication au monde : d'Omnicom Group,
-
Pierre Giacometti Patron de la société de conseil, Péron et Giacometti.
-
Thierry Saussez Ancien Président de l'agence Image et Stratégie Europe,
conseiller en communication de Nicolas Sarkozy (auparavant, il a participé à
plus de 500 campagnes électorales dont celles de Jacques Chirac, Édouard
Balladur, Alain Juppé)
-
Christophe Lambert, co-fondateur avec le cinéaste Luc Besson l'agence de
publicité Blue Advertainment
-
Patrick Buisson journaliste français spécialiste des études d'opinion
2. 2 - L’image des candidats
L’image renvoyée par les candidats n’est pas anodine. Elle a été construite, mise en
place et corrigée par la communication. L’image passe surtout par l’apparence
physique. C’est le « packaging », ce que les électeurs voient en premier et qui attire
l’attention. Il est donc très important de le travailler.
24
2. 2. 1 - L’image reflétée
L’agence Landor a demandé à des foyers de dresser le portrait chinois marketing
des candidats en attribuant, de manière qualitative, des marques appartenant à une
dizaine de secteurs.
Ainsi, selon l’étude de l’agence Landor, Nicolas Sarkozy est associé à des «
marques leaders et statutaires », tandis que François Hollande est une « marque de
qualité tout en étant accessible, familiale et/ou populaire ». Mais Nicolas Sarkozy et
François Hollande partagent visiblement certaines valeurs (leurs deux noms se
voient attachés à ceux de Coca-Cola ou de la Peugeot 508.)
2. 2. 2 – Le style vestimentaire
Les styles vestimentaires de François Hollande et de Nicolas Sarkozy sont
relativement semblables. En effet, chacun se doit d’adopter un look neutre, classique
et sérieux par le port d’un costume sur mesure généralement noir ou bleu, une
cravate dans les mêmes tons, une chemise blanche et des chaussures noires. Selon
Caroline Baly, conseillère en image, les candidats affirment ainsi leur position de
présidentiable.
25
François Hollande
Le
look
de
François
Hollande
a
été
entièrement retravaillé pour sa candidature à
l’élection présidentielle 2012. Rien n’a été
laissé au hasard, il a radicalement changé
son image pour se présidentialiser. En effet,
il met en avant un côté beaucoup plus
rigoureux et structuré, qui correspond à ce
qu’on attend de lui en tant que candidat à l’élection présidentielle. Sa transformation
s’est voulue radicale pour rompre avec l’image relativement négative qu’il pouvait
avoir auparavant.
Une perte de poids conséquente a radicalement transformé sa silhouette. C’est sans
aucun doute l’aspect de sa transformation qui aura le plus marqué. Mais François
Hollande ne s’est pas arrêté là. Il utilise des codes beaucoup plus actuels, il porte
des costumes plus près du corps et sa coupe de cheveux est également plus courte.
Il a énormément travaillé son image et a appris à en maitriser tous les codes. Il
véhicule ainsi une image beaucoup plus solennelle, stricte et sérieuse.
Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy a marqué une véritable
rupture dans le style vestimentaire des
hommes
politiques
français.
Son
look
parfois trop “tape-à-l’oeil”, trop luxueux, a
engendré de nombreuses critiques au début
de son mandat et lui a values l’image de
président « bling-bling ».
Avec les conseils de ses spins doctors,
Nicolas Sarkozy a radicalement adouci cette perception en s’éloignant du look trop
travaillé, trop remarqué et trop haute gamme, pour revenir à ses classiques plus
26
sobres et mieux acceptés du grand public. Il maitrise parfaitement son look et les
codes de la politique actuelle, c’est à dire costume sombre, chemise claire et cravate
neutre. Un look qui affirme son sérieux et lui donne de la stature.
2. 3 - Les slogans
Les slogans des deux candidats répondent tout à fait aux 3 C (clair, court, cohérent),
indispensables dans la publicité.
2. 3. 1 - François Hollande : «Le changement, c'est
maintenant»
Utilisé pour la première fois lors des vœux de François Hollande, et dévoilé en avant
première sur Libération, le slogan « Le changement, c’est maintenant » a été retenu
et utilisé comme slogan officiel pour la campagne présidentielle de François
Hollande. Ce slogan a été imaginé par l'agence de communication BDDP & Fils,
dirigée par François Blachère, en collaboration avec Nicolas Bordas, le président de
l’agence mère TBWA France. Il a été validé par les trois hommes forts de l'équipe de
communication officielle d’Hollande, Pierre Moscovici, Stéphane Le Foll et Manuel
Valls.
"L'idée, c'est que la volonté de changement, l'envie de changer de président passent
par François Hollande", résume Manuel Valls. Ce slogan délivre ainsi un message
relativement simple à analyser : il positionne le candidat comme celui qui fera
changer la politique face à ce que son concurrent, Nicolas Sarkozy, a apporté à la
France avant. Il s’inscrit ainsi dans le fort rejet du « sarkozysme » ressenti dans
l'opinion au moment de la campagne électorale. Le slogan délivre un message
simple, efficace et dynamique.
Le mot «changement» et le «c'est maintenant» seront associés aux différentes
thématiques de la campagne et seront déclinés sur des affiches: «le redressement,
27
c'est maintenant», «la justice sociale, c'est maintenant» «l'espérance, c'est
maintenant», etc. Cela permet une cohérence et une mémorisation du slogan. La
mémorisation de ce slogan par le peuple français a d’ailleurs très bien fonctionné
puisque selon une étude GR Marketing, 63% des personnes interrogées dissent se
souvenir du slogan de François Hollande.
Pour Jacques Pilhan, le PS a fait «un bon choix» même si l’expression « ne qualifie
pas l'action du candidat ». « Changer pour aller où ? Pour faire quoi ? questionne-t-il.
Le « Changeons l'avenir » de Lionel Jospin pour les législatives de 1997 était bien
meilleur ». Pour Jacques Séguéla, l'expression retenue n'est «pas très participative»
: le « Ici et maintenant » du livre de Mitterrand en 1980 est beaucoup plus fort que le
« C'est maintenant » de François Hollande. « Le “Ici” mitterrandien changeait tout,
explique-t-il. Sans cet ancrage, le slogan de François Hollande n'associe pas les
électeurs. Le “Yes we can” de Barak Obama ou le “Ensemble tout devient possible”
de Sarkozy» étaient de ce point de vue beaucoup plus participatifs ». Ce slogan
inspire le déjà vu. Jacques Chirac en 1981 : “Jacques Chirac, Maintenant.”, Lionel
Jospin en 1997 : “Changeons l'avenir” Mitterrand en 1980 « Ici et maintenant ».
Enfin, les créateurs de ce slogan ont fait l’erreur de ne pas avoir déposé ce slogan
assez tôt auprès de l’INPI, les jeunes de l'UMP les ayant précédés dès la parution de
la formule à une de Libération.
2. 3. 2 - Nicolas Sarkozy : “La France Forte”
C'est Jean-Michel Goudard, le publicitaire fondateur de Euro RSCG qui est à l'origine
du slogan de Nicolas Sarkozy pour la campagne présidentielle 2012. C’est déjà lui
qui avait fait son slogan pour la campagne de 2007, "Ensemble, tout devient
possible”. Il avait aussi participé à l'élaboration du slogan de Jacques Chirac en 1994
"La France pour tous".
Selon Le Figaro magazine, l'idée de la force est née lors d'un déplacement en
Ardèche, fin décembre 2011. Le conseiller en communication Franck Louvrier et
28
Jean-Michel Goudard ont mis en évidence des mots-clés tells que protection,
engagement, force, détermination... avant que le thème de la "France Forte"
n’apparaisse et finisse par s'imposer.
Ce slogan a ensuite fait l'objet de tests qualitatifs auprès d'un échantillon de
Français. Une fois approuvé, il a été déposé, comme toute marque commerciale,
auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, l’INPI. « La France forte » est
cependant une expression « empruntée » à Laurence Henriot une expert de la
communication et du management qui avait déjà déposé la formule le 14 janvier
2002, à l’INPI (cf. annexe 1, page 57).
Le mot « Forte » s’inscrit dans le contexte de crise économique européenne et
mondiale du moment de la campagne. Ainsi, le slogan du candidat Sarkozy
positionne la France comme « Forte » face à cette crise, comme le candidat qui
assurera le maintien et la compétitivité de « La France » face à la crise.
Le slogan de Nicolas Sarkozy a cependant lui aussi un gout de déjà vu. En effet, il a
été utilisé pour la campagne de Valéry Giscard d’Estaing en 1981 : « Il faut une
France forte ». Cette expression avait également été employée dans un contexte de
crise économique.
2. 4 - Les logos
2. 4. 1 - François Hollande 2012
Imaginé et dessiné par l’agence de
communication BDDP & Fils, dirigée par
François Blachère, Ce logo a été validé
par Pierre Moscovici, Stéphane Le Foll,
Manuel Valls et bien sûr François
Hollande.
29
L’idée de reprendre le FR de « François » et de le souligner et surligner en rouge est
très simple et isole ainsi le « FR » pour en faire le raccourci pour France. De là, un
signe de ralliement et de reconnaissance est né, comme une illustration en réel du
logo. Un mime de barres parallèles réalisé avec les avant-bras, pour représenter les
barres du logo (cf. annexe 2, page 58). Et ces barres, dans le logo, c’est le FR, de
France et de François. L’idée est donc de rassembler autour d’un même signe, d’une
même nation, et d’un même candidat.
2. 4. 2 - NS 2012
Le logo de Nicolas Sarkozy a quant à lui été
créé par l’agence de communication BBDO.
La charte graphique du logo de Nicolas
Sarkozy ne change pas de celle de François
Hollande. Les deux candidats reprennent bien entendu les couleurs bleu blanc et
rouge du drapeau de la France. Cependant, une large dominante de bleu, utilisé
comme fond est à noter dans le logo de Nicolas Sarkozy, pour effectuer un rappel à
son parti l’UMP, dont le bleu est la couleur de référence. Les communicants de
BBDO ont choisi de n’écrire que les initiales du candidat, afin d’apporter un côté
jeune, dynamique et moderne au logo, et ainsi par transfert au candidat.
2. 5 - Les affiches
En dépit des évolutions technologiques et culturelles, qui mettent les nouvelles
technologies en première place, l’affiche électorale demeure un élément essentiel du
dispositif de communication. Elle signe une campagne, marque le parti pris d’un
candidat, ses engagements, ses forces, et montre ce que le candidat entend
incarner.
30
2. 5. 1 - François Hollande
La nouvelle affiche de campagne de François Hollande fait découvrir un visage
« actualisé » du candidat. Bien que dans la continuité de l'affiche militante, plusieurs
changements marquants s’inscrivent dans un processus d’institutionnalisation
destiné à rendre davantage présidentiable le candidat du PS. On constate que le
rouge a disparu pour laisser la dominante bleue l’emporter avec le ciel, le costume, la
cravate et la chemise.
Deux éléments sont prédominants dans l’affiche du candidat : la présence du
personnage et le slogan « C’est maintenant ». Le cadrage du personnage occupe
pleinement l’espace et la position de la tête est redressée par un léger effet de
contre-plongée. Cela donne un côté accessible vers le peuple, tout en gardant une
certaine solennité exigée par la fonction sollicitée. Il se pose clairement dans une
position de challenger en cherchant à convaincre par sa présence qui illustre sa
capacité à assumer la plus haute charge. Le personnage regarde en face, pour
regarder le peuple français afin d’exprimer une volonté sereine et une proximité.
Selon M. Valls, "il continue à regarder les Français dans les yeux (...) il est le
président des Français et s'adresse à chacun d'eux d'où l'absence de logos" du PS
et du PRG.
31
Le fond est terrien, coloré, pour évoquer les campagnes françaises et s’en approprier
les valeurs. Selon Manuel Valls, on distingue ainsi « un président ancré dans la
réalité d'un paysage français, un paysage français par excellence, comme pourraient
en offrir nombre de nos régions et de nos départements. En l'occurrence, il s'agit
d'un paysage de la Corrèze ». La création entend établir un lien entre la France des
territoires et un avenir qu’entend incarner le candidat. L’affiche représente ainsi un
homme ancré dans son territoire. L’affiche a beaucoup été comparée, de par son
arrière plan rural, à l’affiche de François Mitterrand en 1981 (cf. annexe 3, page 59).
Mais un clocher en référence aux villages français était bien visible sur l'affiche de
François Mitterrand et le rose (socialiste) était très présent, contrairement à l’affiche
de François Hollande.
Face à son concurrent, François Hollande entend être un président traditionnel en
jouant le retour à une forme plus classique. On retrouve de ce fait dans son affiche
une posture statique et peu novatrice, alliée à un paysage d’arrière-plan un peu terne
et flouté qui rappelle les œuvres classiques, les portraits de la Renaissance, rendant
l’affiche peu en phase avec la modernité revendiquée. Ce retour à la sobriété et au
classique prend le contre-pied d’une certaine audace de communication, de
créativité et d’innovation osée depuis 1970 dans les affiches des candidats du parti
socialiste. L’affiche “Génération Mitterrand” en 1988 (cf. annexe 3, page 59), très
graphique inscrivait le président dans une nouvelle génération sans même montrer
son portrait. En 2002, l’affiche “Présider autrement” de Lionel Jospin (cf. annexe 3,
page 59)., réalisée par Euro RSCG, montrait un candidat décentré à la figure très
expressive et ne citait même pas son nom. Enfin, l’affiche en noir et blanc de
Ségolène Royal en 2007 (cf. annexe 3, page 59), l’érigeait en nouvelle Marianne.
L’équipe de communication de François Hollande a donc choisi de ne pas prendre
de risques pour cette création en restant sur une affiche classique et peu créative,
mais qui représente bien les valeurs d’une France simple et d’un candidat qualifié de
« normal » par les médias.
32
2. 5. 2 Nicolas Sarkozy
C'est l'agence de communication BBDO de Valérie Acary, qui a pensé et dessiné
l'affiche de campagne de Nicolas Sarkozy. La photo du candidat quant-à elle a été
prise par Nicolas Guérin, une figure du métier (auteur de très nombreux portraits de
célébrités, dont Woody Allen, Clint Eastwood ou Romain Duris), sur recommandation
de l’agente de Carla Bruni Sarkozy, Véronique Rampazzo.
L’affiche de Nicolas Sarkozy se révèle chargée de symboles. Le candidat se met
dans la posture d’un homme au costume noir, à la chemise blanche et cravate noire
parfaitement taillés et ajustés. Cette posture très hiératique cherche à refléter au
maximum l’expérience acquise durant son premier mandat. On voit dans l’attitude du
candidat, un personnage sûr de son pouvoir et porteur d’une vision pour la France.
Son portrait est agrémenté de quelques cheveux blancs, synonymes d’expérience et
de sagesse. C’est une image qui correspond à celle d'un président sortant qui n’est
pas seulement candidat, mais président. Le positionnement de profil trois-quarts
indique la vision, la direction incarnée par le candidat. Son regard orienté vers la
droite signifie qu’il regarde vers l’avenir, vers l’espoir, vers le côté positif, afin
d’emmener la France vers la croissance et la faire sortir de la crise.
La mer Egée, qui est à l’origine de nombreuses polémiques, fait figure d’arrière plan.
D'après Philippe J.Maarek, auteur du livre Communication et marketing de l'homme
politique, la mer représente le mouvement. L’idée est de mettre en valeur le
33
dynamisme de Nicolas Sarkozy pour le positionner en rupture du candidat PS
souvent qualifié de “mou” par l'équipe de campagne UMP. Cependant, la mer
relativement calme sur l’affiche, sans vague, fait également écho à la puissance du
grand bleu comme peut l’être la puissance de la “France Forte” et la puissance du
président Sarkozy. La figure du “capitaine de navire”, explicitement évoquée par
Nicolas Sarkozy à la télévision, a servi de brief créatif pour l’agence BBDO. L’idée
est d’incarner un capitaine de navire expérimenté, qui a su tenir la barre pendant la
tempête, sous entendu qui a su maintenir le pays hors de l’eau pendant la crise
économique. Il est désormais prêt à poursuivre la croisière, pour mener son
équipage, la France, à bon port. D'après Christian Delporte, «si on adhère à la
marque Sarkozy, on achète le capitaine. Un capitaine qui nous mènera «jusqu’à
cette mer calme, malgré les crises».
Enfin, la présence très imposante du slogan “La France forte”, renforcée par une
police rigide, fine et blanche vient appuyer l’ambition qu’entend incarner Nicolas
Sarkozy. A noter que les conseillers en communication n’ont indiqué ni le nom ni le
logo du candidat, dans la mesure où il était le chef de l’Etat et que son nom est déjà
connu de tous.
Cependant, l’originalité de cette affiche est à relativiser. Le regard, la posture, et le
fond bleu sont des éléments utilisés relativement souvent pour des affiches de
campagne. De plus, plusieurs inspirations peuvent être décelées. De nombreux
spécialistes de la publicité ont fait un rapprochement avec celle de Valéry Giscard
d’Estaing en 1981 (cf. annexe 3, page 59), qui utilisait déjà l’idée d’une “France
forte”, dans un contexte similaire de crise économique. Pour lrnaud Mercier,
professeur de marketing politique à l'Université de Lorraine, le «décalque des
campagnes de François Mitterrand est même stupéfiant». Le candidat sortant
semble également avoir eu «une grande inspiration Mitterrandienne», explique
Christian Delporte, historien spécialiste des médias. «C'est le même type de
composition, de teintes de couleurs... Ce n'est pas d'une grande originalité”. En effet,
la ressemblance avec l’affiche de Mitterrand en 1981 “La Force tranquille” (cf.
annexe 3, page 59), est flagrante : grande profondeur de champ, cadrage décentré,
plan rapproché, regard hors cadre, et ciel bleu de coucher de soleil donnant une
coloration tricolore (astuce de communication graphique utilisée pour contourner la
34
législation qui interdit d’utiliser les couleurs du drapeau français sur les documents
publicitaires de campagne). L’affiche de Nicolas Sarkozy ne crée aucune rupture
créative dans l’histoire de la communication politique en utilisant la mer comme fond
d’affiche. En effet, l’arrière plan maritime utilisé est similaire à celui adopté pour
l’affiche de Mitterrand pour sa candidature aux législatives en 1978 (cf. annexe 3,
page 59).
Le choix du calme et de la tranquillité de l’affiche tranche avec le discours de Nicolas
Sarkozy qui se veut basé sur la force, l’activisme, sur une campagne énergique et
mobilisatrice. Mais en termes d’image, son équipe a fait le choix de la prudence
contre celui de l’audace. Un choix qui se veut donc rassurant en mettant en avant les
qualités et la posture d’un bon président, mais qui peut également être risqué, en
présentant une image passéiste de Nicolas Sarkozy. On ne voit pas en effet les 30
ans d’écart entre “La force tranquille” et “La France forte”.
François Hollande, en se positionnant comme challenger et homme du changement,
a pris le contre-pied de Nicolas Sarkozy en s’opposant à tous les éléments
symboliques de son affiche : Sarkozy regarde hors-champ, Hollande regarde de
face; la position de Sarkozy est décentrée, Hollande se place dans coupe portrait
centrée; Sarkozy est devant la mer Egée, François Hollande choisi un paysage rural
français. C’est de cette façon que l’affiche du candidat du PS illustre “le
changement”. Cependant, les deux affiches présentent quelques ressemblances,
notamment dans l’arrière plan. L’un utilise le bleu de la mer, l’autre le bleu du ciel, et
pratiquement le même bleu, la même surface de bleu.
35
On est bien loin de la campagne de Barack Obama en 2008, et
de son affiche “Hope” très créative, moderne à l’inspiration pop
art, signée Shepard Fairey. Malgré l’implication des plus
grosses agences de publicité dans la création de la
communication des candidats français, nous n’avons pas
assisté cette année à des créations artistiques novatrices, en
rupture ou marquantes. Les candidats, leurs conseillers et les
spin doctors ont joué la carte de la prudence en adoptant une
communication profondément réfléchie et stratégique, mais pleinement sécurisée. En
effet, le fait de rester dans les classiques adoptés et acceptés par les Français
permet d’avoir une communication efficace sans prendre aucun risque. Malgré tout,
cela ne permet pas d’utiliser les outils disponibles de la façon la plus poussée, visible
et marquante d’un point de vue de communication. Cependant, l’arrivée des réseaux
sociaux dans la sphère politique à quelque peu bouleversé ces mœurs.
36
3 - Webcampagne, la guerre du net 2.0
La tendance initiée par Barak Obama lors de sa candidature à l’élection
présidentielle de 2008, consistant à utiliser Internet et les réseaux sociaux comme
l’un des principaux outils de communication a été suivi en France cette année.
3. 1 - 2012, une rupture dans la communication
politique.
Bien que les élections présidentielles de 2007 aient déjà amorcé la tendance, ce sont
celles de 2012 qui ont véritablement marqué une rupture en termes de
communication. Elles ont fait entrer les campagnes électorales dans une nouvelle
ère où Internet joue un rôle primordial pour la communication des candidats. Cette
campagne 2012 marque un tournant dans l’histoire politique française car c’est la
première fois que les candidats ont intégré les réseaux sociaux à leur stratégie de
communication.
3. 1. 1 - Un nouveau media : les réseaux sociaux
Les sites web des candidats font toujours partie intégrante de leur stratégie de
communication web, mais sont aujourd’hui un outil de communication relativement
classique, figé et réglementé. La rupture de l’année 2012 est surtout marquée par
l’essor des réseaux sociaux dans les campagnes présidentielles. C’est une
modification profonde des relations entre les candidats, les medias et les citoyens.
Barack Obama fut le premier à initier cette tendance lors des élections présidentielles
américaines de 2008 avec une présence très active sur les réseaux sociaux.
Bien que ce nouvel espace soit encore relativement peu utilisé au niveau politique en
France, les candidats à l’élection présidentielle de 2012 se devaient d’y être
présents, car il est la tendance de communication du moment. C’est un lieu privilégié
37
de rencontre avec les électeurs, dont il serait risqué de ne pas se servir. En effet, Les
réseaux sociaux sont aujourd’hui une nouvelle source d’information, un média
alternatif et moins conventionnel. Les internautes ont l’impression de se faire moins
manipuler en s’informant via les réseaux sociaux que par les medias traditionnels
jugés trop orientés pas les journalistes. De fait, les réseaux sociaux, sont, derrière la
télévision, la deuxième source d’information des Français (enquête 2012 du CSA
pour Orange et Terrafemina). Ils offrent un accès à l’information précoce par une
façon décalée de contourner la loi qui interdit entre autre la divulgation des résultats
des votes avant 20 heures. Pour exemple, le 6 mai 2012, plus de 60 000 messages
codés sur Twitter et Facebook comportant le hastag « RadioLondres » ont été
publiés dès 18h. On pouvait lire des messages du type : « Poulet sorti du four avant
la fin de la cuisson : Température de la cuisse gauche : 52,6. Côté droit, les carottes
sont cuites ». Les internautes pouvaient ainsi obtenir les premières estimations
issues des bulletins dépouillés dans des bureaux de vote ayant fermé à 18h, des
Dom-Tom, de la Belgique et de la Suisse. Du fait de la législation, les médias ont
annoncé le nom du prochain président à 20h précise alors que celui-ci était déjà
publié sur les réseaux sociaux depuis plus de deux heures.
3. 1. 2 - Un outil de communication électorale différent
Ce nouveau média étant en plein essor, les candidats à l’élection présidentielle de
2012 se sont emparés des réseaux sociaux pour compléter et parfaire leur stratégie
de communication. En effet, par rapport aux médias classiques, les réseaux sociaux
offrent des avantages et une flexibilité imbattable. Ils représentent un support de
communication à la fois efficace, impactant et peu onéreux pour effectuer une
communication de masse. Les messages sont retransmis rapidement par les
militants et les bloggeurs influents très actifs sur internet. Cela permet de créer une
virilité qui constitue un relais du message diffusé. Chaque militant devient ainsi un
porte parole du candidat à part entière.
Pour les candidats, les réseaux sociaux sont aussi un moyen de développer, modifier
et compléter leur image de marque. Ces médias moins traditionnels offrent la
38
possibilité pour les candidats de s’ouvrir plus aux électeurs, de se présenter sous un
autre jour. Ils mettent en avant leur personnalité, leurs goûts en publiant des
messages, des photos… divulguant des informations personnelles, telles que leurs
hobbies, pensés du jour, goûts artistiques… Cela contribue à désacraliser l’homme
politique en le rendant plus accessible, semblable à ses concitoyens, offrant
opportunité d’accentuer sa popularité.
La grande force des réseaux sociaux est surtout de permettre l’interactivité entre les
candidats et les internautes, qui disposent du droit de réponse via les commentaires.
Les candidats s’adressent directement aux citoyens qui en retour peuvent s’adresser
à eux. La discussion est installée dans les deux sens. Cette interactivité encourage
l’engagement politique des internautes qui peuvent avoir une parole relativement
puissante pour faire partie du débat. Les réseaux sociaux ont démocratisé le partage
total des idées et des opinions politiques.
3. 1. 3 - Risques et limites
Un caractère incontrôlable
Le revers de la médaille de cette interactivité sur les réseaux sociaux est son
caractère incontrôlable. L’instantanéité des réactions sur ces nouveaux outils ouvre
la porte à un dialogue sans limite, ou chacun peut s’exprimer librement et sans
contrôle. Bien que les plates-formes officielles des candidats soient contrôlées en
permanence par des modérateurs, les internautes sont libres de poster, critiquer,
détourner et parodier tout ce qu’ils souhaitent sur leur propre compte. Les platesformes web des candidats sont disséquées, et examinées par les internautes qui
scrutent les moindres faits et gestes et épinglent les moindres erreurs. Parmi ces
internautes, on retrouve les citoyens lambda, mais aussi des membres du
mouvement des partis opposés. C’est par exemple sur Twitter qu’un internaute,
ayant décrypté l’affiche de Nicolas Sarkozy, a révélé à la communauté web que la
mer se trouvant sur l’affiche est la mer Égée, une mer grecque, à l'heure où la Grèce
connaît une situation économique désastreuse.
39
Naissance d’une tendance : le fact checking
Cette instantanéité des réactions sur ces nouveaux outils donne une autre envergure
à la campagne présidentielle : les faits énoncés par les candidats sur les réseaux
sociaux peuvent être vérifiés instantanément par les internautes. C’est ce qu’on
appelle le « fact checking ». Des internautes, journalistes spécialisés ou experts,
grâce à la puissance du web, détiennent les cartes pour juger immédiatement de la
véracité ou non des faits avancés. Ainsi, les promesses mais surtout leurs chiffres
sont « fact checkés » en direct par les journalistes et les experts. Ces « fact
checking » se déroulent en direct, généralement pendant les interventions télévisées
des candidats, mais surtout pendant les débats. Les candidats n’ont donc plus le
droit à l’erreur car celles-ci sont dénoncées immédiatement par des experts
crédibles, et les critiques exposées aux yeux de tous les internautes via la viralité
des réseaux sociaux. De ce fait, même si les réseaux sociaux sont définitivement
ancrés dans les modes de communication politique, leur maîtrise n’en n’est pas
encore parfaite. De par leur viralité et caractère instantané, ils restent pour les
candidats un outil à manier avec précaution.
Un impact à relativiser
L’émergence des réseaux sociaux dans la vie politique est encore très récente, ce
qui ne permet pas réellement de mesurer leur influence sur les choix politiques des
internautes. Aujourd’hui, rien ne permet d’affirmer que les réseaux sociaux modifient
les opinions des électeurs. L’équipe de communication de François Hollande a
affirmé que « personne, à l’heure d’aujourd’hui ne peut transformer un like Facebook
en vote dans une urne. » Une élection ne se gagne donc pas sur les réseaux
sociaux. Mais ceux-ci peuvent participer à la victoire d’un candidat via la
communication supplémentaire qu’ils apportent.
40
3. 2 – La communication des candidats sur le web 2.0
Pour utiliser cet outil novateur dans la communication politique, les candidats n’ont
pas seulement décliné leur communication utilisée sur les outils traditionnels mais
ont construit de véritables stratégies web en s’appuyant sur des spécialistes en la
matière.
3. 2. 1 - Les stratégies
Les équipes de communication des candidats à l'élection présidentielle ont pris le
phénomène Internet 2.0 très au sérieux dans leur approche de la communication de
la campagne. Leur volonté est de constituer, plus qu'un simple site de référence, une
véritable approche globale intégrant une multiplicité d’outils web et de réseaux
sociaux complémentaires les uns aux autres dans une stratégie de communication.
A budgets relativement égaux (1,8 millions d’euros pour François Hollande et 2
millions d’euros pour Nicolas Sarkozy), et tout en utilisant les mêmes outils, les deux
candidats ont adopté une stratégie web radicalement différente.
François Hollande
Pour sa stratégie web, l’équipe de communication de François Hollande a fait appel
à l'expertise américaine afin de s'inspirer de la campagne de communication web
victorieuse de Barak Obama en 2008. Ainsi, en décembre 2011, Vincent Feltesse,
responsable web de François Hollande, s'est rendu à New York pour rencontrer ceux
qui ont bâti la campagne web d’Obama, les fondateurs de la société Blue State
Digital. A la suite de cela, toute l’équipe s’est rendue dans les locaux du parti
socialiste : Joe Rospars et Steve Jacobs les fondateurs de l’agence, Sam Jeffers, le
directeur stratégique, Matt Ipcar le designer du site de campagne et Ryan Davis le
responsable des réseaux sociaux. Expertise par expertise, ils ont conseillé l’équipe
de communication de François Hollande. Ils on notamment déroulé des séances de
conseils sur l'utilisation des réseaux sociaux, donné des recommandations pour
41
permettre au site Toushollande.fr, d'attirer le plus grand nombre. Dans la stratégie de
l’agence Blue State Digital, le Web est un levier à la participation sur le terrain. Selon
Feltesse, « Obama a gagné parce qu'il a su utiliser l'outil numérique pour organiser
et mobiliser ses troupes ». C’est le modèle que tentera de reproduire l’équipe de
François Hollande.. Mais une disproportion de moyens techniques et humains est
frappante entre les Etats-Unis et la France : Obama dispose d'une équipe de
communication dédiée au web de plus de 100 personnes et 230 millions d’euros de
budget contre 30 personnes et 1,8 millions d’euros pour François Hollande.
La stratégie web de François Hollande est donc de s’axer sur les internautes et la
viralité du web pour créer de la mobilisation : 10 000 mobilisateurs ont été formés
pour recruter 150 000 volontaires qui ont contacté plus de 5 millions d'électeurs.
Nicolas Sarkozy
L’équipe de communication du candida UMP a choisi l’agence Emakina, présidée
par Manuel Diaz pour mener sa stratégie de communication sur le web. Il s’agit de
l’agence qui a créé, en septembre dernier, le nouveau site de l’UMP. Le budget
alloué à la campagne internet du président sortant s'élève à deux millions d'euros.
L’équipe de communication web de Nicolas Sarkozy a, contrairement à la stratégie
du PS, fait le choix de contourner les intermédiaires en se concentrant sur trois
plateformes : le site internet, pour une information factuelle, la page Facebook
retraçant sa carrière politique pour créer une personnalisation et le compte Twitter
pour informer en temps réel et créer de la proximité. L’utilisation de ces trois platesformes, activées en même temps que l’annonce de la candidature, se veut intense et
massive afin d’occulter celle de son principal adversaire, lancé plusieurs mois en
amont. Il s’agit donc, du fait de son lancement tardif, d’une campagne qualifiée
d’ « éclair » par les experts, bien qu’en coulisses, les équipes aient travaillé dessus
de nombreuses semaines à l’avance afin que tout soit prêt le jour du lancement.
42
3. 2. 2 - Les sites web de campagne
L’utilisation des sites internet n’est pas nouvelle dans les stratégies de
communication des candidats puisqu’ils ont déjà été utilisés pour les campagnes
précédentes. Cependant, là où les sites internet des candidats à la campagne
électorale de 2012 marquent une rupture, c’est dans la socialisation, la communauté,
le partage et la viralité de ces sites internet. Chaque candidat, avec une stratégie
différente, a donné à son site Internet un aspect collaboratif en s’axant sur l’effet
réseaux sociaux. Les sites internet sont à la fois un outil de communication classique
pour diffuser les messages et les valeurs, mais surtout un relais à destination des
réseaux sociaux et un levier à la participation.
François Hollande
Dans cette logique, François Hollande a choisi de lancer deux sites web (cf. annexe
4, page 60) Le premier, intitulé françoishollande.fr, est le site classique de
campagne.
C’est l’outil de communication web classique, figé, qui reprend parfaitement les
codes de la charte graphique de François Hollande. Il est destiné à une
communication globale informative est descendante. On y trouve ainsi les rubriques
d’explication telles que sa biographie, son programme, son équipe, ses actualités…
Ce site s'accompagne du site toushollande.fr, inspiré de la campagne de Barack
Obama en 2008.
Développé en interne par Romain Pigenel, c’est ce site qui marque une démarche
innovante en termes de communication car il est destiné à la mobilisation militante et
à l’organisation de la campagne sur le terrain. La charte graphique est en rupture
avec celle développée pour tous les autres outils de la campagne. En effet, le site est
un véritable dégradé de rouge, qui contraste avec le bleu utilisé pour la
43
communication de François Hollande. Ce choix a été opéré car le site toushollande.fr
s’adresse aux militants et sympathisants PS, pour qui le bleu, symbole de l’UMP est
proscrit.
Le site toushollande.fr reprend en faite la démarche initiée par le site communautaire
du parti socialité « La Coopol ». Il propose aux internautes de devenir militants pour
François Hollande « le militantisme en un clic », en mettant à leur disposition des
argumentaires, des tracts en ligne… ». Les internautes peuvent ainsi agir sur le web,
notamment, sur les réseaux sociaux, grâce à la diffusion des contenus qui leur sont
proposés sur le site, mais également sur le terrain. Pour favoriser le militantisme, le
site propose une fonction de report qui comptabilise les actions effectuées par les
militants.
Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy a lancé son site web de campagne (cf. annexe 5, page 61),
quelques heures seulement après l’officialisation sa candidature.
Conçu et réalisé par l'agence de communication web Emakina, le site web de
Nicolas Sarkozy se veut être une chaine d’information en continu. Selon Franck
Louvier, l'Elysée s'inspire du modèle des chaînes télévision d'information continue :
« Ça devra ressembler à une télé, avec un bandeau déroulant, des vidéos par
dizaines, un flux d'info remis à jour ». Un site donc informatif et distributeur de
contenu (agenda, interview, bilan, programme etc). Le site s’inspire lui aussi de « la
méthode Obama », qui consiste à favoriser le militantisme, en proposant un onglet
intitulé : "La France forte, c'est vous", incitant les militants à s’engager à la fois en
ligne et sur le terrain, tout en leur transmettant également les contenus nécessaires à
leur mobilisation.
Là où le site innove c’est qu’il crée un relais vers les réseaux sociaux. Il met en avant
les comptes Facebook, Twitter de Nicolas Sarkozy par des icones bien visibles en
haut à droite, afin d’inciter à suivre le candidat sur ces réseaux sociaux.
44
3. 2. 3 – Twitter
Twitter est véritablement LE réseau social de la campagne de 2012. C’est autant un
média précurseur qu’un outil de prise de parole. Ainsi, pendant les élections, de
nombreux internautes ont suivi les candidats, les partis, les journalistes et bloggeurs
influents. Nicolas Sarkozy et François Hollande disposent respectivement de 206 226
et 278 858 followers sur Twitter. La tendance est d’organiser des « livetweets »
durant les émissions de télévision ou les meetings. Le principe pour les candidats est
d’être le plus visible sur Twitter grâce aux retwittes ou aux hastags (#avecSarkozy et
#votehollande)
François Hollande
François Hollande, avec ses 278 858 abonnés fut le candidat le plus suivi sur Twitter.
Avec les conseils des responsables de l’agence web de Barak Obama, François
Hollande a affirmé qu’il utilisait beaucoup Twitter dans le cadre de sa campagne : “je
m’efforce de susciter le débat et de diffuser mes idées, mais aussi d’intéresser les
citoyens et de les convaincre de participer à cet exercice démocratique nouveau en
France.”
L’axe de communication centré sur le relais des militants est là aussi visible. A
chaque événement, les militants socialistes sont invités à se réunir au QG du
candidat socialiste pour réagir ensemble en direct aux prestations de leur candidat
ou de son adversaire. C’est ce que le PS a appelé les « riposte-party » (cf. annexe
6, page 62). Selon Vincent Feltesse, le responsable de la campagne Web de
François Hollande, il y a 3 objectifs : riposter aux attaques de l'UMP, faire écho à la
parole du candidat et créer des infographies ou des contenus à partager. Constance
Rivière, chargée du pôle expertise, les guide en leur transmettant les angles
d'attaques et le langage à adopter. Un « twittos ». L’équipe a également fait appel au
« twittos » influent Romain Pigenel pour gérer la communauté : "Nous avons été
régulièrement en tête des trending topics (les expressions les plus partagées sur
45
Twitter) avec #fh2012". En province, de nombreux « twitt-apéros » sont organisés
pour inciter les militants à être actifs sur Twitter.
Nicolas Sarkozy
Tout comme le site web de campagne, le compte Twitter de Nicolas Sarkozy a été
orchestré par l’agence Emakina. Le jour de l’annonce de sa candidature, les
internautes ont également pu découvrir le compte Twitter de Nicolas Sarkozy. Son
premier tweet fut : « J’ai accepté l’invitation de TF1 au journal de 20h de ce soir et je
vous y donne rendez-vous – NS ». Pour favoriser la proximité avec les électeurs,
Nicolas Sarkozy a communiqué sur le fait que tous les tweets signé NS sur son
compte twitter, seraient des tweets écrits directement par le candidat, et non par ses
équipes. Une méthode initiée aux Etats-Unis par Barack Obama et reprise depuis par
de nombreux hommes politiques.
Pour favoriser le militantisme sur Twitter, l’équipe de campagne de Nicolas Sarkozy a
instauré le “Twitpop”. Il s’agit d ‘un système qui met à disposition des militants UMP
des tweets déjà écrits. Le directeur de la campagne web de Nicolas Sarkozy a
impulsé cette méthode en leur envoyant le message suivant : "Si vous aimez la
justice et que vous voyez que Nicolas Sarkozy est attaqué par les magistrats, on
vous proposera des messages de soutien automatiques au Président", nous explique
le i-chef.
3. 2. 4 – facebook
Sur une population globale de 66 millions de français, 25 millions sont inscrits sur
facebook et 43 millions sont des électeurs. Facebook s’impose donc comme l’outil
web incontournable pour favoriser la communication des candidats en direction des
46
électeurs. Nicolas Sarkozy et François Hollande disposent respectivement de 630
745 et 118 874 fans sur leurs pages Facebook.
Facebook offre aux candidats un moyen formidable de démultiplier leur présence
numérique. Le partage d’idées sur facebook intègre la politique dans un cadre privé,
ce qui donne aux messages diffusés un caractère plus fort, plus crédible, à l’image
des avis de consommateurs sur les sites de commerce en ligne. Le réseau donne la
possibilité de dialoguer, d’échanger. Les citoyens ne sont plus uniquement réceptifs
d’un message mais deviennent des acteurs d’une campagne. Cette conversation est,
selon la politologue Isabelle Veyrat-Masson, « le premier mode d’influence dans le
débat politique».
François Hollande
Le candidat a utilisé le réseau social pour se rapprocher des citoyens, partager avec
eux ses idées, envies, photos… afin de donner un côté humain et de jouer au
maximum sur la proximité (cf. annexe 7, page 63). Cependant, comme évoqué plus
haut, la stratégie web de François Hollande était davantage de favoriser le
militantisme qui servirait de relais pour toucher les citoyens. Son compte facebook a
donc été beaucoup moins actif, moins interactif et donc moins « liké » que celui de
son concurrent. Il présente une timeline évolutive mais n’offre pas de spécificité
particulière et n’utilise pas toutes les fonctionnalités que peut offrir Facebook.
La stratégie web menée par François Hollande s’est, selon son équipe de
communication web, « développée sur l’ensemble du paysage web ». Sa page
facebook donnait ainsi un contenu informatif qui était ensuite relayé par les militants
sur leurs propres comptes Facebook. Sa page personnelle est restée relativement
sobre, dans la lignée de communication se voulant simple et classique.
Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy a beaucoup misé sur son profil Facebook (cf. annexe 8, page 64).
Sur sa « Timeline », on découvre la mention : « J’éprouve depuis le plus jeune âge la
fierté d’appartenir à une grande, vieille et belle nation : La France ».
47
Le profil du candidat UMP est très riche et utilise les nouvelles fonctionnalités de
Facebook, tels que les nombreux onglés, liens et applications possibles. La
campagne web fut préparée bien en amont de sa mise en ligne par l’agence
Emanika qui a travaillé en collaboration avec les équipes de Facebook pour créer
une page la plus fournie et la plus intuitive possible. La timeline de son profil montre
aux fans un panorama de la vie et des déplacements du candidat UMP.
Ainsi, une application intitulée «Soutenez Nicolas Sarkozy» fut proposée sur la page
facebook du candidat. Il s’agit, d’après Manuel Diaz, « d’une prolongation du
militantisme réel. Il s'agit de repenser la politique dans un monde digital et se trouver
là où sont les discussions. Facebook est devenu puissant, c'est un lieu populaire. »
L’application permet aux militants d’afficher leur soutien sur Facebook en leur
proposant des badges et des bannières de soutien qui s’afficheront sur leur profil.
La présence sur Facebook de Nicolas Sarkozy a été très remarquée et a eu un
impact très fort puisqu’il a acquis le plus grand nombre de fans, face aux autres
candidats, qui n’ont pas autant poussé l’activité et les possibilités qu’offre ce réseau
social.
Les candidats ont donc bien compris et utilisé les réseaux sociaux à leur avantage,
afin de construire une communication la plus exhaustive possible mais également de
toucher une cible d’électeurs particulièrement réceptive au web 2.0, les jeunes.
48
3. 3 - La guerrilla marketing sur le net
L’aspect interactif des réseaux sociaux a donné une nouvelle dimension à la
communication : celle d’une possibilité de réponse instantanée et globale. C’est ainsi
que les candidats, leur parti, les militants et les sympathisants se sont approprié ces
réseaux sociaux afin de se livrer à une véritable guerre de la communication politique
sur Internet.
3. 3. 1 - Une véritable guerre des web campagne
L’arrivée des réseaux sociaux dans le paysage politique n’a donc pas seulement
apporté un outil de communication supplémentaire. Il a surtout favorisé la rhétorique
en offrant des possibilités de réponse faciles et instantanées. C’est ainsi que s’est
développé sur le web ce que l’on a appelé la « guérilla marketing ». Ce sont les
militants des partis, encouragés par les équipes officielles, qui entretiennent cette
guérilla. Ainsi, le PS et l’UMP se livrent à des attaques virulentes sans prendre
directement des risques juridiques puisque ce ne sont pas des documents officiels,
mais des « créations » des groupes de militants. L’impact et la confusion sont
pourtant toute aussi grands du fait de l’utilisation des logos officiels. La guérilla
politique sur Internet consiste à utiliser les outils web pour attaquer, provoquer et
répondre, face à ses adversaires, en surfant sur la viralité. Plus les informations et
les attaques lancées sont poignantes, plus la viralité s’enclenche et plus elles sont
relayées dans la sphère internet. Cette technique a été utilisée tout aussi bien par le
PS que par l’UMP.
Ainsi pendant que l’UMP diffusait sur le web des messages vantant le bilan de
Nicolas Sarkozy, les militants PS ont diffusé, sur les réseaux sociaux, un tract
dématérialisé, à l’image d’un faux document illustré aux couleurs de l’UMP (cf.
annexe 9, page 65).
Ce document entendait « rétablir la vérité sur le bilan
présidentiel ».
49
Cela passe également par la création de sites et l’achat de noms de domaines. C’est
le cas de l’UMP qui utilise l’url lechangementcestmaintenant.fr, au titre du slogan de
François Hollande, pour dévoiler des contenus d’attaque envers le candidat PS. On
trouve ainsi sur ce site une liste dévoilant « le programme caché de François
Hollande » (cf. annexe 9, page 65).
3. 3. 2 - La bataille des blogs
La blogospgère
Un combat d'envergure se livre sur le web via les blogs. Ainsi, la galaxie de la
gauchosphère s’oppose à celle de la droitosphère. Linkfluence, en partenariat avec
Le Monde, a conçu une carte qui retrace les liens entrant et sortant entre les sites
web de campagne et les blogs. Le rose représente le Parti Socialiste, le bleu l’UMP,
le marron le Front National, le orange le Modem et le vert Europe Ecologie.
50
La gauchosphère
Le rose qui représente le parti socialiste, est de loin la couleur la plus présente, elle
domine la blogosphère politique. Les deux sites web de campagne de François
Hollande et celui du PS sont les points d’ancrage des liens vers des blogs qui
retransmettent les messages socialistes. La cartographie montre leur nombre et leur
importance dans le débat politique sur Internet, sans avoir de rivalité équivalente à
droite. Les bloggeurs de gauche ont été invités à se relier entre eux et ont beaucoup
été relayés par les blogs officiels du parti socialiste, par la stratégie web initiée par
l’équipe de François Hollande. C’est ainsi que cette immense gauchoshpère s’est
constituée. Cela constitue ainsi un véritable instrument de communication, un relais
dans la stratégie de campagne de François Hollande. En effet, les blogs relayent les
messages et entretiennent la guérilla marketing en surfant sur « l’antisarkozysme ».
L'exemple le plus frappant est sûrement celui de Sarkofrance, un des blogs le plus
lu, le plus relayé et le plus influant.
La droitosphère
Le bleu représentant les blogs partisans est plus disparate. D’après cette carte, leur
influence semble plus limitée. Quelques blogs de grands élus (Alain Juppé, JeanPierre Raffarin) sont les points de départ de cette droitosphère. Mais ils sont peu
nombreux et leur influence sur la toile est plus relative. Le manque d’engouement
s’explique notamment par le fait que leur parti était au pouvoir. Les partisans,
bloggeurs avaient moins besoin de s’imposer, de prendre la parole et de se faire
remarquer via l’utilisation des blogs.
3. 3. 3 - Le gaming
Il s’agit de « gamifier » les méthodes de communication, c’est à dire appliquer les
codes des jeux à la politique pour faire passer des messages de façon plus ludique.
Cela permet d’inciter les internautes séduits par l’aspect ludique des contenus à faire
51
circuler l’information, de manière virale, via les réseaux sociaux. Pour Florent Maurin,
un concepteur de jeux vidéo sur l’actualité, et notamment de jeux politiques sur la
campagne 2012, « faire de la politique, c’est faire du marketing en prenant à son
compte les techniques de buzz pour faire parler de ses idées ».
Les responsables de communication ont compris que le jeu permettait l’humour et
était ainsi une solution idéale et marquante pour passer des messages. Ils ont ainsi
utilisé cet outil sur internet en proposant aux internautes des jeux ludiques qui ont
très vite été relayés, ont créé une viralité et augmenté la fréquence et le passage sur
les sites référents. En effet, ces jeux sont proposés directement sur les sites officiels
des partis. C’est une véritable nouveauté de la campagne 2012.
Pour exemple, l’UMP a lancé le « kikadiquoi » qui tourne en dérision les dires et
expressions de François Hollande.
Pour riposter, le PS a mis en ligne le
« Sarkolol », un jeu qui représente des cartes critiquant le quinquennat de Nicolas
Sarkozy (cf. annexe 10, page 66).
La communication politique sur Internet est donc à double tranchant. Bien qu’elle
offre des possibilités de communication décuplées, totalement novatrices et
différentes, elle instaure un risque, une bataille où chacun est libre de communiquer
comme il le souhaite, sans que les politiciens puissent avoir la capacité de maitriser
toute leur communication.
52
Conclusion
Le marketing politique est donc aujourd’hui bien ancré dans les stratégies des
candidats aux élections présidentielles. Ils l’utilisent pour les mêmes buts que les
objectifs commerciaux : susciter l’attention, l’intérêt, le désir et l’action qui se
traduisent par le vote (méthode AIDA). Le marketing permet à la fois de faire passer
les idées, de construire une image et de se différencier des concurrents. La
campagne électorale des présidentielles de 2012 n’y a pas échappé. François
Hollande et Nicolas Sarkozy ont fait appel à des professionnels de la publicité qui
leur ont construit une véritable stratégie de communication réfléchie, poussée et
complète.
Cette année a marqué un véritable tournant dans l’histoire du marketing politique
français par l’utilisation d’un nouvel outil : le web 2.0 et les réseaux sociaux, qui
bouleversent totalement les codes. Ce nouvel outil offre une viralité et une
interactivité sans précédent. Cela impacte fortement une communication politique
très encadrée par un dispositif juridique laissant peu de place à l'innovation. En effet,
2012 nous l’a démontré, la communication politique française reste très classique et
peu créative. Si internet a permis une avancée, celle-ci reste tout de même relative.
Cela s’explique par le fait que la France présente l’une des législations les plus
restrictives en terme de communication politique, mais surtout, par le fait que
l’opinion politique a une acceptation limitée de cette communication encore perçue
comme manipulatrice, étouffante et maquillant le discours politique. C’est là le
véritable paradoxe du marketing politique qui pourtant tend à se développer de plus
en plus, à ouvrir le dialogue avec les électeurs et ainsi à favoriser une meilleure
médiatisation des programmes et donc à réduire le taux d’abstention. Le débat est
ouvert entre les communicants et les politiciens qui cherchent à s’émanciper du
cadre, et les réfractaires qui craignent des dérives et une manipulation. Le marketing
politique est donc encore en pleine évolution. Comme toute activité nouvelle, il doit
construire sa crédibilité afin d’assurer sa légitimité. Apres le tournant web 2.0 de
l’élection présidentielle de 2012, le marketing politique sera sans doute amené à
évoluer encore pendant les prochaines élections et peut-être à subir des réformes
législatives qui permettront de réactualiser le cadre avec l’actualité.
53
Bibliographie
Ouvrages
Jacques Gerstle, La communication politique, Armand Colin, 2008, 227 p.
Jacques Seguela, Le pouvoir dans la peau, Plon, 2011, 240 p.
Philippe J. Marek, Communication et marketing de l’homme politique, 3e édition,
Litec LexisNexis, 270 p.
Thierry Saussez et Jacques Séguéla, La prise de l’Elysée, Plon, 2007, 263 p.
Franck Louvrier, Un univers impitoyable, Flammarion, 2012, 317 p.
Bastien Millot, Politiques, pourquoi la com les tue, Flammarion, 2012, 187 p.
Laurent Habib, La Communication transformative, Puf, Paris, 2010, 185 p.
Frédéric Dosquet, Marketing et communication politique, EMS, 2012, 292 p.
Site web
Sites web de campagne : francoishollande.fr, toushollande.fr, lafranceforte.fr
Sites web juridiques : cnccfp.fr, cnil.fr,
www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070239
Qu’est-ce que le marketing politique ?
www.fcsq.qc.ca/Perfectionnement/Congres/.../_pdf/Aterlier-C4.pdf
Marketing politique, un peu d’histoire
www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=4216
54
Luc Dupont – Les grands principes du marketing politique
www.iabfrance.com/?go=edito&eid=434
Terre politique
http://www.terrepolitique.com/2008/05/22/marketing-politique/
Twitter change le marketing politique
owni.fr/2012/03/29/twitter-change-le-marketing-politique/
Le marketing politique et le web 2.0
www.marketing-professionnel.fr/parole-expert/marketing-politique-web-20.html
Marketing politique, pub et propagande
www.huyghe.fr/actu_199.htm
Helene Favier, La communication web des politiques
helene-favier.blog.europe1.fr/category/communication-web-des-politiques/
Marketing politique : vrai au faux combat Sarkozy / Hollande
blog.targuzo.com/marketing/marketing-politique-sarkozy-hollande.html
Film
Le Président, Yves Jeuland, Rézo Films, 2010, 1h38min.
55
Table des annexes
Annexe 1 : Preuve de dépôt du slogan « La France Forte » auprès de l’INPI…...... 57
Annexe 2 : Chorégraphie du logo de François Hollande……………………………… 58
Annexe 3 : Affiches des candidats aux élections précédentes……………………... 59
Annexe 4 : Sites web de François hollande……………………………………………. 60
Annexe 5 : Site web de Nicolas Sarkozy……………………………………………….. 61
Annexe 6 : Riposte party au QG du PS……………………………………………….... 62
Annexe 7 : Facebook de François Hollande…………………………………………… 63
Annexe 8 : Facebook de Nicolas Sarkozy……………………………………………… 64
Annexe 9 : Tract et programme de guérilla…………………………………………….. 65
Annexe 10 : Exemple de gaming………………………………………………………... 66
56
Annexe 1 : Preuve de dépôt du slogan « La France Forte » auprès
de l’INPI
57
Annexe 2 : Chorégraphie du logo de François Hollande
58
Annexe 3 : Affiches des candidats aux élections précédentes
59
Annexe 4 : Sites web de François hollande
Francoishollande.fr
toushollande.fr
60
Annexe 5 : Site web de Nicolas Sarkozy
Lafranceforte.fr
61
Annexe 6 : Riposte party au QG du PS
62
Annexe 7 : Facebook de François Hollande
63
Annexe 8 : Facebook de Nicolas Sarkozy
64
Annexe 9 : Tract et programme de guérilla
65
Annexe 10 : Exemple de gaming
Le « kikadiquoi »
Le « Sarkolol »
66