Thèse de fin d`étude
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Thèse de fin d`étude
Euromed Management Domaine de Luminy – Marseille Yasmine BENZAIDA Master 2 Entertainment & media management Spécialisation communication événementielle et marketing Thèse de fin d’étude Les enjeux du marketing électoral en France pendant la campagne présidentielle 2012 Tuteur de thèse : M. Jean-Philippe DANGLADE Date de rendu : 31 mai 2012 2 « Derrière chaque homme politique se cache un communiquant. » Jacques Séguéla 3 Remerciements En préambule de cette thèse, je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m'ont apportées leur aide et qui ont contribué à l'élaboration de cette thèse. Je souhaite remercier dans un premier temps M. Bernard Belletante, Directeur de l’école Euromed Management Marseille, pour nous avoir donné l’opportunité de réaliser cette thèse dans des conditions optimales. Je tiens à remercier M. Jean-Philippe DANGLADE, docteur en sciences de gestion, professeur permanent de marketing à Euromed Management, conseiller scientifique Entertainment & Média et coordinateur de la recherche, qui a été mon tuteur de thèse, pour son suivi, ses conseils et son aide précieuse pour la réalisation de cette thèse. Je remercie également toute l’équipe des spécialistes de la communication politique de « La com’ tranquille », et plus particulièrement M. Emilien Roso, diplômé de Sciences Po en affaires publiques et d’un master 2 en communication politique et sociale à Paris, pour leur aide quant au décryptage des stratégies de communication des candidats à l’élection présidentielle 2012. 4 Sommaire Introduction……………………………………………………………….…. 7 1 - Les bases du marketing politique……………………………………. 8 1. 1 - L’émergence du marketing politique aux Etats-Unis et en France... 8 1. 1. 1 - Le contexte d’apparition………………………………………….. 8 1. 1. 2 - Naissance aux Etats-Unis………………………………………... 9 1. 1. 3 - Émergence en France………...………………………………….10 1. 2 - Les fondements du marketing politique.………..………….......……..12 1. 2. 1 - Les caractéristiques……………………………………………... 12 1. 2. 2 - L’utilisation des techniques et des stratégies marketing dans la politique……………………………………………………………………...13 1. 2. 3 - Les grands principes du marketing politique………...………...15 1. 3 - La législation…………………………………………………….………….16 1. 3. 1 - Une communication politique très réglementée…...................16 1. 3. 2 - Les principales réglementations……………………………….. 17 1. 3. 3 - Remise en cause de cette législation…………………………. 19 2 - Analyse des outils de communication politique pendant la campagne présidentielle 2012…………………………………………... 21 2. 1 – Les « spin doctors »………………...…………………………………….21 2.1.1 – Un rôle qui évolue avec le temps…………………..…………… 21 2. 1. 2 – Les spin doctors de 2012………………………………………. 22 2. 2 - L’image des candidats…………………………………………………… 24 2. 2. 1 - L’image reflétée………………………………………………….. 25 2. 2. 2 – Le style vestimentaire…………………………………………... 25 2. 3 - Les slogans………………………………………………………………… 27 5 2. 3. 1 - François Hollande : «Le changement, c'est maintenant»…… 27 2. 3. 2 - Nicolas Sarkozy : « La France Forte »………………………… 28 2. 4 - Les logos…………………………………………………………………… 29 2. 4. 1 - François Hollande 2012…………………………………………. 29 2. 4. 2 – NS 2012………………………………………………………….. 30 2. 5 - Les affiches………………………………………………………………… 30 2. 5. 1 - François Hollande……………………………………………….. 31 2. 5. 2 – Nicolas Sarkozy…………………………………………………. 33 3 - Webcampagne, la guerre du net 2.0……………………………….. 37 3. 1 - 2012, une rupture dans la communication politique……………….. 37 3. 1. 1 - Un nouveau media : les réseaux sociaux…………………….. 37 3. 1. 2 - Un outil de communication électorale différent………….…… 38 3. 1. 3 – Risques et limites……………………………………………….. 39 3 . 2 – La communication des candidats sur le web 2.0………………….. 41 3. 2. 1 - Les stratégies…………………………………………………….. 41 3. 2. 2 - Les sites web de campagne……………………………………. 43 3. 2. 3 – Twitter…………………………………………………………….. 45 3. 2. 4 – Facebook………………………………………………………… 46 3. 3 - La guerrilla marketing sur le net……………………………………….. 49 3. 3. 1 - Une véritable guerre des web campagne…………………….. 49 3. 3. 2 - La bataille des blogs…………………………………………….. 50 3. 3. 3 – Le gaming…………………………………………………...…… 51 Conclusion………………………………………………………………….. 53 Bibliographie……………………………………………………………….. 54 Table des annexes………………………………………………………… 56 6 Introduction Dans la sphère politique des démocraties modernes, l’objectif premier des candidats est de faire adhérer les électeurs à leurs idées, de manière à recueillir le plus grand nombre de scrutins. Dans cette optique, les candidats sont amenés à établir des stratégies de fond, mais également de forme. C’est ainsi qu’ils ont développé des techniques de communications stratégiques afin de promouvoir leurs idées. Est alors né le concept de « candidat produit » et « d’électeur consommateur ». C’est ce que l’on appelle aujourd’hui le marketing politique. L’objectif principal est de favoriser l’adhésion de l’électorat. Si personne n’est aujourd’hui capable de déterminer dans quelles mesures les stratégies marketing utilisées influencent le vote des électeurs, il n’en reste pas moins que le marketing politique a un véritable impact sur les électeurs. De sa naissance à aujourd’hui, les techniques de communication n’ont fait qu’évoluer et évoluent encore aujourd’hui avec le développement des nouvelles technologies. La communication est donc de plus en plus riche et de plus en plus utilisée. Elle crée de ce fait une certaine polémique entre ceux qui la voudrait libre et créative, et les réfractaires la percevant comme une forme de propagande. Au cœur de l’actualité des présidentielles française de 2012, cette tendance nous a amenée à nous poser la question suivante : « Quels sont les enjeux du marketing électoral en France pendant la campagne présidentielle de 2012 ? » Pour répondre à cette problématique, nous étudierons dans un premier temps l’histoire du marketing politique en analysant sa naissance aux Etats-Unis, et son arrivée tardive en France. Après avoir analysé les fondements du marketing politique, nous verrons en quoi il est contraint par la législation. Dans une deuxième partie, nous décrypterons les stratégies marketing des deux candidats favoris à l’élection présidentielle de 2012. Enfin, dans une troisième partie, nous découvrirons une tendance de communication récente liée à l’essor d’internet, et verrons en quoi les deux candidats à la présidentielle de 2012 s’ancrent dans le web 2.0 pour booster leurs stratégies de marketing électoral. 7 1 - Les bases du marketing politique Pour bien comprendre les enjeux du marketing électoral de la campagne présidentielle de 2012, cette première partie pose les bases du marketing politique. Nous nous intéresserons ainsi de près à l’histoire du marketing politique, à ses fondements stratégies et applications purement marketing et à son cadre légal. 1. 1 - L’émergence du marketing politique Aux E.U et En France. Issu d’un contexte favorable à son apparition et à son développement le marketing politique est né aux Etats-Unis dans les années 30 et s’est exporté et développé en France à partir des années 60. Il est aujourd’hui qualifié de marketing politique moderne. 1. 1. 1 - Le contexte d’apparition Bien qu’il ait atteint une importance considérable aujourd’hui, le marketing politique n’est pas nouveau. De tout temps, les hommes politiques communiquaient par leur façon de parler, de s’habiller… Cependant, cette communication était induite. La communication politique en tant que telle, au sens de réflexion stratégique n’est apparue que tardivement. Les hommes politiques ont pris conscience de son importance grâce aux spécialistes du marketing commercial. Ce sont eux qui ont initié les prémices du marketing politique en conseillant et en orchestrant les campagnes de grands hommes politiques. La communication politique a pris son véritable essor depuis les années 1960, par l’apparition de la télévision et des sondages que nous connaissons aujourd’hui. Cette époque va donc donner naissance à ce que l’on appelle le marketing politique moderne. 8 Le marketing politique a été initié au Etats-Unis, ce qui est inévitablement lié à l’histoire de ce pays. Trois principaux éléments expliquent l’antériorité du marketing politique aux Etats-Unis : le système électoral, la tradition de communication démocratique de ce pays, et l’antériorité de la médiatisation de masse, puis des «nouveaux médias», des NTIC, et notamment d’Internet. Ces moyens modernes de communication politique ont été suivis par des pays du monde entier, notamment par les démocraties occidentales. 1. 1. 2 - Naissance aux E.U La naissance du marketing politique est estimée aux alentours de 1932 aux ÉtatsUnis lorsque le président Franklin D. Roosevelt donne des émissions de radio appelées « Causeries au coin du feu ». Mais c’est en 1952 que la politique prend un véritable tournant marketing en s’appuyant sur l’essor de la télévision dans les foyers américains. Le candidat aux élections présidentielles de l’époque, Eisenhower, s’entoure des spécialistes du cabinet en communication BBDO pour construire son discours en direction des électeurs. De plus Thomas Rosser Reeves, de l’agence Ted Bates, intervient de façon très engagée dans la stratégie politique et la campagne de communication du candidat Eisenhower en simplifiant le contenu de son message. Reeves a également été l’initiateur de la réalisation de 49 spots publicitaires. Les élections présidentielles américaines de 1952 sont également les premières où les partis politiques ont dégagé un budget spécifique destiné à servir la communication politique de leur candidat. La campagne présidentielle de 1960 opposant Kennedy à Nixon a initié la généralisation des pratiques marketing. Kennedy s’est entouré de deux grands spécialistes, Pierre Salinger qui s’occupait de la presse et Léonard Reinsch de l’audiovisuel. Il fut le premier homme politique à pratiquer le média training, l’entraînement aux prestations audiovisuelles. Mais c’est surtout la mise en scène du débat de l’entre deux tours qui a marqué cette année puisque, pour la première fois, la manière de se tenir face à une caméra devient un élément important dans une 9 élection. C’est à partir de là que le débat a pris toute son importance dans l’histoire des campagnes électorales. L’année 1964, où les élections opposaient Lyndon B. Johnson à Barry Goldwater a marqué une véritable envolée du marketing politique américain grâce à la connaissance des instruments à disposition et l’utilisation des tous les moyens médiatiques existants. Ainsi, le publicitaire Tony Schwarz, qui élaborait la stratégie de communication de Johnson, a conçu un spot choc qui marqua les esprits : le célèbre Daisy spot (Spot de la marguerite avec la petite fille et le nucléaire). Le marketing politique a été beaucoup critiqué aux Etats-Unis. Deux professionnels célèbres ont acquis une réputation sulfureuse, liée à des affaires de fuites ou de désinformation de la presse. Il s’agit de Karl Rove le conseiller de Georges W. Bush, surnommé son « baby genius » et de Alastair Campbell pour Tony Blair. Tous deux ont joué un rôle crucial dans le « marketing » de la guerre en Irak, et dans le style et le programme de leurs clients. Malgré cela, le marketing politique aux Etats-Unis ne cesse d’évoluer notamment par le phénomène de « peopolisation ». Il est courant que chaque star de la musique, du cinéma… apporte son soutien médiatique à un candidat et fait campagne pour lui. L’évolution se fait aujourd’hui par l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Lors des dernières élections présidentielles américaines, Barak Obama a utilisé de façon très importante les réseaux sociaux et le web en général dans sa stratégie de communication. Ce fut un précurseur dans cette catégorie. De nombreux spécialistes s’entendent sur le fait que cela a largement participé à sa victoire et a marqué un véritable tournant dans l’histoire du marketing politique. 1. 1. 3 - Émergence en France En France, il a fallu attendre les élections de 1965 opposant le président sortant Charles de Gaule, à un parfait inconnu: Jean Lecanuet, qui a su tirer profit de l’expérience américaine et convaincre une grande partie de l’électorat par sa 10 communication. Lecanuet, qualifié à l'époque de « Kennedy français », s’est fait remarquer par une forte présence télévisée et par un attribut qui deviendra son surnom: « dents blanches ». Il fut conseillé sur sa stratégie de communication par l’agence Service et méthodes, et se fera conseiller par Havas aux élections suivantes. De Gaulle, plutôt anti-marketing, évite la défaite, mais a perdu de nombreuses voix face à un candidat inconnu, qui a récolté ses scrutins grâce à sa stratégie de communication. Dès lors, ce modèle de coaching en communication fut suivi par les autres candidats aux présidentielles françaises. En 1981, Jacques Séguéla imagine le slogan "La Force tranquille" de François Mitterrand qui gagnera les élections. L’intervention de Jacques Séguéla dans la campagne de Mitterrand implantera réellement et définitivement l’utilisation du marketing politique en France, en démontrant son efficacité. De nos jours, avec l’accélération et la démocratisation des informations, l’utilisation d’Internet fait partie intégrante de la vie politique. Ainsi, le marketing électoral en France est encore en plein essor et en pleine mutation. Cependant, un décalage certain avec les Etats-Unis est à souligner, tant au niveau des outils que des budgets, des campagnes ou de la créativité. Ceci est dû, d’une part à l’arrivée tardive du marketing politique en France, du retard de l’essor des médias, de la législation Française qui régit les lois en matière de communication politique limitant ainsi les possibilités d’actions de la communication politique; mais surtout, à une mentalité et un taux d’acceptation de publicité politique aux antipodes. Le marketing politique a donc beaucoup évolué avec l’histoire. Il est aujourd’hui qualifié de « moderne » par les spécialistes de la communication. Le terme moderne correspond au fait que le marketing politique utilise aujourd’hui les techniques du marketing commercial et est issu d’une vraie réflexion stratégique. 11 1. 2 - Les fondements du marketing politique « L’élection présidentielle est à l’électeur ce que le supermarché est au consommateur.» Jacques Séguéla 1. 2. 1 - Les caractéristiques Définition Le marketing politique est « l'art » de promouvoir un projet, un candidat, un dirigeant, une cause politique sur le modèle des techniques du marketing commercial. Plus précisément, le marketing électoral est une spécificité du marketing politique, appliqué directement à un candidat à une campagne électorale. Le marketing politique est donc un ensemble de méthodes dont font usage les organismes et hommes politiques pour définir leurs objectifs, leurs programmes et tenter d’influencer le comportement des électeurs. Objectifs et enjeux L’objectif du marketing politique est l’adhésion du peuple à des idées, et donc l’augmentation du nombre des militants, sympathisants et votants. Le marketing politique, particulièrement perceptible en période électorale, a pour objectifs spécifiques d’obtenir que le plus grand nombre possible d’électeurs apportent leurs suffrages à un parti ou à un projet politique, de répandre des convictions et de lutter contre d’autres candidats et d’autres partis, dans le but final de gagner les élections politiques. Les principaux enjeux sont d’accroître la notoriété de l’homme politique selon une stratégie de campagne ; de déterminer et véhiculer une image du candidat qui correspond au marché électoral, par l’utilisation des enquêtes et sondages d’opinion; et d’adapter le message et le discours du candidat à la cible d’électeurs afin d’optimiser les chances en vue des élections. Moyens Le marketing politique joue habituellement plus sur les aspects émotionnels que sur les programmes précis et les points techniques. De ce point de vue il rejoint parfois la 12 manipulation. Il est clair que les médias ont un rôle majeur dans le marketing politique, mais ils sont loin d’être le seul outil .Ils sont une méthode. Le marketing politique a recours notamment à des techniques de ciblage, à des modes de communication proches de ceux de la publicité ainsi qu’à des méthodes de persuasion ou de rhétorique souvent destinées à faire basculer les débats et à influencer les électeurs. 1. 2. 2 - L’utilisation des techniques et des stratégies marketing dans la politique Les 4 P On peut concevoir un « marketing mix » s’articulant autour des « 4 P » traditionnels : Produit L’homme packaging politique, du Promotion le candidat. produit est ici Le Les méthodes de communication la utilisées par le candidat afin de définir les présentation du candidat : son look, son moyens qui seront utilisés pour diffuser attitude, son langage non verbal. l’image du candidat. Distribution Il s’agit des lieux visités Prix par les C’est le vote. Il s’agit d’un prix unique candidats. Cette variable est une partie dans le sens où chaque électeur n’a intégrée dans la variable de qu’un seul et unique vote à donner pour communication puisque l’espace est un une élection. media si l’on se réfère au principe de la communication événementielle. L’analyse du marché Dans le marketing politique, les électeurs sont considérés comme le marché à conquérir qu’il faut analyser, de même que la concurrence, plus exactement les autres candidats à l’élection. Ils utilisent pour cela les nombreux instruments d’étude de l’opinion publique que sont les sondages (ou enquêtes) d’opinion. Les praticiens 13 du marketing politique procèdent à une analyse systématique et en profondeur, c’est à dire des enquêtes auprès des électeurs, des citoyens. La classification des segments et le choix des cibles Il s’agit de bien identifier les destinataires de la campagne de communication. Soit d’établir une segmentation structurelle, en déterminant un certain nombre de cibles privilégiées de la communication : les relais d’opinion, en espérant qu’ils influenceront d’autres destinataires, leurs clients habituels en matière de communication ; soit d’établir une segmentation qualitative, en modifiant certains aspects de la communication en fonction de segments relativement précis, et pourtant relativement importants, du public. Le positionnement L’image et le discours de l’homme politique sont rendus conformes aux attentes des électeurs et se différencient des autres candidats, tout comme on positionne un produit face à la concurrence et face aux attentes des consommateurs. Ainsi, la conception de messages et d’argumentaires avec le bon fond et la bonne forme en découle. Le produit, l’homme ou la femme politique, doit être adapté et rendu compatible à ce marché, par les techniques de communications et de séductions bien connues du marketing commercial. La mise en place d’actions de communication Les hommes politiques communiquent par l’utilisation des différents types d’outils : affichage, programme, meetings, courriers directs, tracts, mailing, envoi de sms, journaux électoraux, émissions de radio, télé, utilisation d’internet, déplacements personnel etc. Pour déterminer le support le plus adapté à leurs cibles, les praticiens se servent des enquêtes très fréquemment effectuées pour le compte de leurs homologues du marketing commercial. Cependant, il est important de souligner que la France présente la particularité d’avoir réglementé de façon très précise l’utilisation de plusieurs médias par les hommes politiques durant les campagnes électorales. 14 1. 2. 3 - Les grands principes du marketing politique Luc Dupont, professeur, au département de communication de l’Université d’Ottawa depuis 2002, auteur de « Comment faire de la publicité efficace sur Internet » (éditions Transcontinentales), nous fait part des grands principes du marketing politique : Principe 1 : apprenez à connaître vos électeurs Leur profil, les enjeux qui les intéressent, leur humeur, leurs réactions à votre programme, leur attitude à l’égard de vos adversaires… Principe 2 : soignez votre image Votre passé, vos réalisations, votre façon de vous exprimer (oral et écrit), votre apparence physique, votre âge, votre tenue vestimentaire… Principe 3 : axez votre campagne sur un thème central Un thème qui doit vous différencier et être compris facilement. Principe 4 : soignez vos relations avec les médias La presse et la télévision permettent d’augmenter votre notoriété, Internet et les nouveaux outils de communication deviennent décisifs. Principe 5 : faites des promesses Ce sont les discours et les déclarations politiques qui contiennent des promesses (importantes pour les électeurs) qui obtiennent de bons résultats. Principe 6 : faites de la publicité Afin de bâtir votre notoriété, faire connaître votre message et persuader les électeurs. Principe 7 : ciblez vos interventions Viser les leaders d’opinion, le « marais » (électeurs indécis) et les électeurs critiques 15 Principe 8 : simplifiez à l’excès Employer le langage de tous les jours, les mots courants et courts et les expressions populaires. Principe 9 : soyez crédible Rassurer l’électeur, appuyer ses propos par des preuves, citer des études et donner des chiffres précis. Principe 10 : répétez, répétez, répétez Cesser de répéter, c’est commencer à être oublié. On constate donc que la communication des politiques est une véritable technique marketing qui s’est appropriée les codes du marketing commercial. Ce sont des techniques réfléchies, pensées construites et adaptées par des grands professionnels. Il s’agit d’une réflexion et d’une stratégie à part entière. 1. 3 - La législation Malgré la volonté d’adapter toutes les techniques marketing à la politique, le cadre légal restreint les possibilités. En effet, la France est l’un des pays au monde où la communication politique est la plus encadrée. 1. 3. 1 - Une communication politique très réglementée Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la communication des pensées et des opinions est libre. Le candidat à une élection politique n’échappe pas à cette règle. En principe, la communication électorale est donc libre... Cependant, dans la mesure ou cette communication influe sur le scrutin, elle est réglementée. Tous les candidats ne démarrant pas au même niveau, tant d’un point de vue budgétaire qu’au niveau de la présence médiatique et de la notoriété. La loi cherche 16 à minimiser les inégalités entre les candidats, à préserver une certaine égalité entre les candidats et donc ainsi à protéger le pluralisme politique propre à la France. Ces lois ont été prises dans un contexte où la France était prie dans un important nombre d'affaires de financements occultes. La classe politique dans son ensemble a souhaité durcir les règles de la communication politique. Le régime actuel de la communication politique est défini par la loi Rocard du 15 janvier 1990. Les candidats sont ainsi soumis au code électoral. Ce dernier donne un cadre légal aux élections politiques, que ce soit au niveau des candidatures, des partis, des procédures de votes et de la propagande. Il dicte à chaque candidat, sous forme de restrictions et sous peine de sanctions, la conduite à tenir pendant la campagne électorale. Le code électoral date de 1964. Il traite des élections législatives, cantonales, municipales, régionales, présidentielles et Européennes. Il contient le référendum local introduit par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et la loi organique du 1er août 2003. D’autres textes s’y greffent : la constitution de 1958, le Code général des collectivités territoriales, la loi sur la presse, etc. Il est très régulièrement actualisé et modifié pour accroître la transparence de la vie politique. 1. 3. 2 - Les principales réglementations Financement et plafonnement des dépenses électorales Cette réglementation occupe les articles 52-4 et suivants du code électoral, chapitre 5 bis. Les dépenses des campagnes électorales sont plafonnées pour toutes les élections et les comptes des campagnes se doivent d'être transparents. Le candidat peut recueillir pendant l’année précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne, les fonds destinés au financement de la campagne. Le don quant à lui, est interdit de la part des personnes morales (à l’exception des partis ou groupements politiques) et ne peut excéder 4600€ de la part d’une personne physique. Enfin, 50% des sommes engagées sont remboursées aux candidats ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés. 17 Législation relative aux médias La loi leur interdit aux candidats d'acheter de l'espace publicitaire pour leur campagne électorale en presse, par voie d'affichage, en radio ou en télévision. Pour défendre leurs couleurs, les candidats peuvent uniquement s'exprimer dans les medias et s'afficher sur les emplacements réservés. Les collectivités L’article L.52-1 du code électoral pose le principe de l'interdiction durant les six mois précédant une élection de "toute campagne, toute promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité […] sur le territoire des collectivités intéressées par les scrutins ». Le temps de parole Le décompte du temps d'antenne et du temps de parole est régi par le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Il est organisé en trois périodes : - A partir du 1er janvier, les chaînes et les radios doivent veiller au respect de l'équité des candidats déclarés. Le laps de temps est très important pour les petits partis pour obtenir les 500 parrainages. L'équité est évaluée selon plusieurs critères : la dynamique de la campagne des candidats, la représentativité des candidats dans les sondages lors des dernières élections ; mais aussi l'organisation de réunions publiques et la participation à des débats. - Lors de la seconde période, les médias audiovisuels doivent respecter strictement "l'égalité du temps de parole et l'équité du temps d'antenne des candidats habilités" (ceux ayant obtenus les 500 parrainages.) - Enfin, pendant la dernière période qui couvre les deux tours de la présidentielle, les médias devront respecter l’égalité du temps de parole et du temps d’antenne de tous les candidats. Internet Les règles de la communication électorale sur Internet, sont fixées par le Forum des Droits sur l'Internet (FDI). Bien que les lois soient inscrites dans le code électoral en vigueur, le FDI permet de clarifier les règles, d’interpréter le code électoral et de voir 18 comment il peut s'appliquer aux usages du web. En tant que média audiovisuel, Internet bénéficie d’un traitement de faveur du fait que « la grande accessibilité et la possibilité d'une expression libre des opinions sur le réseau sont de nature à garantir le pluralisme. » Du fait de la possibilité d’être visible sans invitation, les podcasts audio et vidéo ne sont pas comptabilisés dans le temps de parole des candidats. Il y a tout de même des règles : les partis et leurs soutiens sont obligés de geler leurs sites à partir de la veille des scrutins à minuit. Les règles concernant le financement sont les mêmes que celles qui s’appliquent aux autres supports. En revanche, les candidats ne doivent pas recourir aux procédés de publicité commerciale (liens sponsorisés, liens contextuels, bannières) pour financer leurs sites. 1. 3. 3 - Remise en cause de cette législation L'irruption d'Internet dans la vie politique française a ainsi assoupli quelque peu la législation en offrant aux candidats la possibilité d’une communication moins réglementée. Ainsi, la réglementation est de plus en plus remise en cause. Elle est notamment contestée par le collectif « Démocratie et communication », Pour sa présidente, Evelyn Soum, cette réglementation est à l'origine des « taux d'abstention record en France car elle diabolise la communication politique ». Son collectif propose de lever l'interdiction de faire de la publicité commerciale jusqu'à 24 heures d'une élection. Trois députés, Laure de la Raudière (UMP), Sandrine Mazetier (PS) et Christian Kert (UMP), sont prêts à défendre cet assouplissement au parlement. Ils mettent en parallèle le manque de visibilité et l'abstention. Le débat repose sur une plus grande souplesse législative tout en ne revenant sous aucun prétexte sur l'obligation de transparence qui implique notamment une communication sur l'origine des fonds. Ceux qui prônent un assouplissement estiment que le principe de la loi Rocard était de garantir l'équilibre et l'égalité des chances entre tous les candidats quels que soient leurs moyens financiers. Pour respecter cet état d'esprit, les réformateurs avancent que la publicité politique pourrait profiter du régime appliqué aux grandes causes : campagnes réalisées gracieusement ou à moindre coût par les agences, 19 spots gratuits sur le service public, abattements chez les médias privés, etc. Une réforme serait aussi l'occasion selon eux d'encadrer les pratiques sur Internet. Les réfractaires arguent que le retour à la publicité conduirait à donner une chance supplémentaire à ceux qui ont de l'argent et enfreindrait les principes d’égalité et d’équité, avec un risque de dérives incontrôlables et une accentuation d’une politique commerciale au même titre que le marketing commercial. Le développement du marketing politique en France, inspiré des Etats-Unis et construit sur les bases du marketing commercial est à la fois en constante évolution et très règlementé. Prenant en compte ce dont ils disposent et les contraintes légales, les candidats à l’élection présidentielle de 2012 ont construit de véritables stratégies marketing et utilisé les outils de communication qui en découlent. 20 2- Analyse des outils de communication politique pendant la campagne présidentielle 2012 Les candidats à l’élection présidentielle de 2012 se sont véritablement ancrés dans le marketing politique en développant les outils de communication traditionnels. Afin de pouvoir réaliser une analyse comparative, nous étudierons les stratégies des deux favoris dans les sondages, François Hollande et Nicolas Sarkozy, qui disposent d’une capacité budgétaire et humaine relativement égales en termes de communication politique. 2. 1 – Les « spin doctors » Le terme anglophone « spin doctors », doreurs d’images, est utilisé pour désigner les communicant et publicitaires mettant leurs compétences marketing au service des politiciens. 2.1.1 – Un rôle qui évolue avec le temps Au début des années 1980, de nombreux publicitaires se sont lancés dans l’aventure politique en appliquant leurs compétences en communication aux hommes politiques. On se souvient de Jacques Séguéla et Jacques Attali pour François Mitterrand, de Jacques Chirac et de sa fille Claude, de Franck Louvrier pour Nicolas Sarkozy, etc. Le rôle des « spins doctors » est de déterminer la stratégie, la mise en scène, l’image, les slogans… de manière à rendre présidentiable un candidat et à favoriser son élection, grâce à une bonne communication. 21 Aujourd’hui, on est loin de l’époque où Jacques Séguéla revendiquait une part de mai 1981 grâce à son slogan « La force tranquille ». Il le confiait dès 2011 : « Nous sommes dans une décennie que j'appellerai la low décennie, low cost, low profile, low média, low com... La présidentielle de 2012 sera à son image. » (Jean-Jérôme Bertolus et Frédérique Bredin dans leur livre Tir à vue.) Ainsi, comme le souligne également le publicitaire Benoît Devarrieux : « Tout le monde se planque ! ». Après avoir été exubérante et narcissique, la communication politique tend désormais à se faire plus discrète et modeste. 2012 est donc l’année des spins doctors de l’ombre. Les hommes et les femmes qui construisent le marketing politique des candidats ne le revendiquent plus autant qu’avant. Ceci est du au rejet en France de la « peopolisation », du système américain et de l’aspect commercial attribué au marketing. Les communicants politiques se font donc de plus en plus discrets, agissant de manière non officielle et parfois même dans l’anonymat, alors même que la place de la communication dans la politique tient un rôle de plus en plus important dans les stratégies des politiciens. 2. 1. 2 – Les spin doctors de 2012 François Hollande Les personnalités qui font partie de l’équipe de communication officielle de François Hollande sont Manuel Valls en tant que directeur de la communication, Christian Gravel coordinateur et Harold Hauzy coordinateur adjoint, Najat Belkacem, Delphine Batho, Bernard Cazeneuve, Bruno Le Roux en tant que Porte-parole, Vincent Feltesse comme chef de la web campagne et Dominique Bouissou responsable du service de Presse. De manière moins officielle, on retrouve notamment aux côtés de François Hollande la présence des trois premières agences françaises de communication : - Le groupe Havas Euro RSCG avec Gilles Finchelstein, directeur des études, qui a écrit le discours du Bourget (ex plume de DSK) 22 - Publicis, dont certains cadres importants conseillent François Hollande dans l'anonymat. - TBWA avec son président, Nicolas Bordas, Valérie Lecasble, directrice générale de TBWA Corporate, qui conseille officieusement Manuel Valls, et Marco de la Fuente, directeur général de BDDP & Fils (filiale de TBWA) - Equancy avec son patron Robert Zarader qui avait déjà orchestré la campagne des primaires socialistes pour François Hollande. - On note également la participation active du publicitaire Robert Zarader, du politologue Stéphane Rozès qui décortique les études et apporte son analyse via sa société Cap, et de Benoît Devarrieux, patron des Ateliers Devarrieux qui collabore à la communication avec les militants via Internet. Enfin, les communicants qui ont orchestré la campagne de Barack Obama en 2008 sont venus donner leurs conseils à l’équipe de François Hollande au début de sa campagne. Issus de l’agence Blue State Digital, ces communicants ont notamment apporté leur connaissance des réseaux sociaux et d’internet en général pour toucher un maximum d’électeurs: Joe ROSPAR, et Steve JACOBS les directeurs, Matt IPCAR, le designer du site de campagne de Barak Obama et de la Maison-Blanche, Ryan DAVIS, qui s'est occupé des réseaux sociaux du candidat démocrate en 2008 et Sam JEFFERS, directeur stratégique de Blue State. Source (VÉRONIQUE RICHEBOIS, Les Echos) Nicolas Sarkozy Pour sa communication officielle, Nicolas Sarkozy s’est entouré de huit hommes et femmes principales, appelés par les journalistes les « huit cavaliers ». Ils ont animé, pensé et affiné la stratégie, la communication et les idées du Président en reconquête d’électeurs. Parmi eux, les 3 guest stars dont on entend parler depuis plus longtemps, David Martinon (porte-parole), Claude Guéant (secrétaire général de l'Elysée) et Henri Guaino (conseiller spécial). Tous trois sont chargés d'expliquer les propos du président. Et, depuis la candidature officielle du président, cinq nouveaux conseillers ont fait leur apparition sur la scène médiatique en communiquant à leur tour. Il s'agit de Catherine Pegard (conseillère en image), Emmanuelle Mignon (directrice de cabinet), Franck Louvier (conseiller en charge de la presse), Nathalie Kosciusko-Morizet (porte parole) et Guillaume Peltier (chargé des sondages). Ces 23 “huit cavaliers” orchestrent la communication de Nicolas Sarkozy et communiquent sur leurs fonctions. Ils sont très présents dans la presse. Dans l’ombre de ceux-ci, des professionnels de la communication et de la publicité qui agissent de façon plus discrète voire anonyme pour créer et mettre en place la stratégie de communication de Nicolas Sarkozy. Ainsi, les principaux spins doctors de la campagne présidentielle 2012 sont : - Jean-Michel Goudard, le publicitaire le cofondateur de Havas Euro RSCG (c’est le G de RSCG). Il détermine la stratégie et le «rythme » de la campagne, il analyse l'opinion et travaille la communication. Après avoir été un fidèle de Jacques Chirac, à 72 ans, Jean-Michel Goudard, a mené trois campagnes présidentielles avant celle de 2012 et les a toutes gagnées. - Valérie Acary, président et Antony Hammele, responsable R&D de l’agence de communication CLM-BBDO, qui ont géré l’essentiel de la communication de Nicolas Sarkozy. BBDO (Batten, Barton, Durstine & Osborn) fait partie du premier groupe de communication au monde : d'Omnicom Group, - Pierre Giacometti Patron de la société de conseil, Péron et Giacometti. - Thierry Saussez Ancien Président de l'agence Image et Stratégie Europe, conseiller en communication de Nicolas Sarkozy (auparavant, il a participé à plus de 500 campagnes électorales dont celles de Jacques Chirac, Édouard Balladur, Alain Juppé) - Christophe Lambert, co-fondateur avec le cinéaste Luc Besson l'agence de publicité Blue Advertainment - Patrick Buisson journaliste français spécialiste des études d'opinion 2. 2 - L’image des candidats L’image renvoyée par les candidats n’est pas anodine. Elle a été construite, mise en place et corrigée par la communication. L’image passe surtout par l’apparence physique. C’est le « packaging », ce que les électeurs voient en premier et qui attire l’attention. Il est donc très important de le travailler. 24 2. 2. 1 - L’image reflétée L’agence Landor a demandé à des foyers de dresser le portrait chinois marketing des candidats en attribuant, de manière qualitative, des marques appartenant à une dizaine de secteurs. Ainsi, selon l’étude de l’agence Landor, Nicolas Sarkozy est associé à des « marques leaders et statutaires », tandis que François Hollande est une « marque de qualité tout en étant accessible, familiale et/ou populaire ». Mais Nicolas Sarkozy et François Hollande partagent visiblement certaines valeurs (leurs deux noms se voient attachés à ceux de Coca-Cola ou de la Peugeot 508.) 2. 2. 2 – Le style vestimentaire Les styles vestimentaires de François Hollande et de Nicolas Sarkozy sont relativement semblables. En effet, chacun se doit d’adopter un look neutre, classique et sérieux par le port d’un costume sur mesure généralement noir ou bleu, une cravate dans les mêmes tons, une chemise blanche et des chaussures noires. Selon Caroline Baly, conseillère en image, les candidats affirment ainsi leur position de présidentiable. 25 François Hollande Le look de François Hollande a été entièrement retravaillé pour sa candidature à l’élection présidentielle 2012. Rien n’a été laissé au hasard, il a radicalement changé son image pour se présidentialiser. En effet, il met en avant un côté beaucoup plus rigoureux et structuré, qui correspond à ce qu’on attend de lui en tant que candidat à l’élection présidentielle. Sa transformation s’est voulue radicale pour rompre avec l’image relativement négative qu’il pouvait avoir auparavant. Une perte de poids conséquente a radicalement transformé sa silhouette. C’est sans aucun doute l’aspect de sa transformation qui aura le plus marqué. Mais François Hollande ne s’est pas arrêté là. Il utilise des codes beaucoup plus actuels, il porte des costumes plus près du corps et sa coupe de cheveux est également plus courte. Il a énormément travaillé son image et a appris à en maitriser tous les codes. Il véhicule ainsi une image beaucoup plus solennelle, stricte et sérieuse. Nicolas Sarkozy Nicolas Sarkozy a marqué une véritable rupture dans le style vestimentaire des hommes politiques français. Son look parfois trop “tape-à-l’oeil”, trop luxueux, a engendré de nombreuses critiques au début de son mandat et lui a values l’image de président « bling-bling ». Avec les conseils de ses spins doctors, Nicolas Sarkozy a radicalement adouci cette perception en s’éloignant du look trop travaillé, trop remarqué et trop haute gamme, pour revenir à ses classiques plus 26 sobres et mieux acceptés du grand public. Il maitrise parfaitement son look et les codes de la politique actuelle, c’est à dire costume sombre, chemise claire et cravate neutre. Un look qui affirme son sérieux et lui donne de la stature. 2. 3 - Les slogans Les slogans des deux candidats répondent tout à fait aux 3 C (clair, court, cohérent), indispensables dans la publicité. 2. 3. 1 - François Hollande : «Le changement, c'est maintenant» Utilisé pour la première fois lors des vœux de François Hollande, et dévoilé en avant première sur Libération, le slogan « Le changement, c’est maintenant » a été retenu et utilisé comme slogan officiel pour la campagne présidentielle de François Hollande. Ce slogan a été imaginé par l'agence de communication BDDP & Fils, dirigée par François Blachère, en collaboration avec Nicolas Bordas, le président de l’agence mère TBWA France. Il a été validé par les trois hommes forts de l'équipe de communication officielle d’Hollande, Pierre Moscovici, Stéphane Le Foll et Manuel Valls. "L'idée, c'est que la volonté de changement, l'envie de changer de président passent par François Hollande", résume Manuel Valls. Ce slogan délivre ainsi un message relativement simple à analyser : il positionne le candidat comme celui qui fera changer la politique face à ce que son concurrent, Nicolas Sarkozy, a apporté à la France avant. Il s’inscrit ainsi dans le fort rejet du « sarkozysme » ressenti dans l'opinion au moment de la campagne électorale. Le slogan délivre un message simple, efficace et dynamique. Le mot «changement» et le «c'est maintenant» seront associés aux différentes thématiques de la campagne et seront déclinés sur des affiches: «le redressement, 27 c'est maintenant», «la justice sociale, c'est maintenant» «l'espérance, c'est maintenant», etc. Cela permet une cohérence et une mémorisation du slogan. La mémorisation de ce slogan par le peuple français a d’ailleurs très bien fonctionné puisque selon une étude GR Marketing, 63% des personnes interrogées dissent se souvenir du slogan de François Hollande. Pour Jacques Pilhan, le PS a fait «un bon choix» même si l’expression « ne qualifie pas l'action du candidat ». « Changer pour aller où ? Pour faire quoi ? questionne-t-il. Le « Changeons l'avenir » de Lionel Jospin pour les législatives de 1997 était bien meilleur ». Pour Jacques Séguéla, l'expression retenue n'est «pas très participative» : le « Ici et maintenant » du livre de Mitterrand en 1980 est beaucoup plus fort que le « C'est maintenant » de François Hollande. « Le “Ici” mitterrandien changeait tout, explique-t-il. Sans cet ancrage, le slogan de François Hollande n'associe pas les électeurs. Le “Yes we can” de Barak Obama ou le “Ensemble tout devient possible” de Sarkozy» étaient de ce point de vue beaucoup plus participatifs ». Ce slogan inspire le déjà vu. Jacques Chirac en 1981 : “Jacques Chirac, Maintenant.”, Lionel Jospin en 1997 : “Changeons l'avenir” Mitterrand en 1980 « Ici et maintenant ». Enfin, les créateurs de ce slogan ont fait l’erreur de ne pas avoir déposé ce slogan assez tôt auprès de l’INPI, les jeunes de l'UMP les ayant précédés dès la parution de la formule à une de Libération. 2. 3. 2 - Nicolas Sarkozy : “La France Forte” C'est Jean-Michel Goudard, le publicitaire fondateur de Euro RSCG qui est à l'origine du slogan de Nicolas Sarkozy pour la campagne présidentielle 2012. C’est déjà lui qui avait fait son slogan pour la campagne de 2007, "Ensemble, tout devient possible”. Il avait aussi participé à l'élaboration du slogan de Jacques Chirac en 1994 "La France pour tous". Selon Le Figaro magazine, l'idée de la force est née lors d'un déplacement en Ardèche, fin décembre 2011. Le conseiller en communication Franck Louvrier et 28 Jean-Michel Goudard ont mis en évidence des mots-clés tells que protection, engagement, force, détermination... avant que le thème de la "France Forte" n’apparaisse et finisse par s'imposer. Ce slogan a ensuite fait l'objet de tests qualitatifs auprès d'un échantillon de Français. Une fois approuvé, il a été déposé, comme toute marque commerciale, auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, l’INPI. « La France forte » est cependant une expression « empruntée » à Laurence Henriot une expert de la communication et du management qui avait déjà déposé la formule le 14 janvier 2002, à l’INPI (cf. annexe 1, page 57). Le mot « Forte » s’inscrit dans le contexte de crise économique européenne et mondiale du moment de la campagne. Ainsi, le slogan du candidat Sarkozy positionne la France comme « Forte » face à cette crise, comme le candidat qui assurera le maintien et la compétitivité de « La France » face à la crise. Le slogan de Nicolas Sarkozy a cependant lui aussi un gout de déjà vu. En effet, il a été utilisé pour la campagne de Valéry Giscard d’Estaing en 1981 : « Il faut une France forte ». Cette expression avait également été employée dans un contexte de crise économique. 2. 4 - Les logos 2. 4. 1 - François Hollande 2012 Imaginé et dessiné par l’agence de communication BDDP & Fils, dirigée par François Blachère, Ce logo a été validé par Pierre Moscovici, Stéphane Le Foll, Manuel Valls et bien sûr François Hollande. 29 L’idée de reprendre le FR de « François » et de le souligner et surligner en rouge est très simple et isole ainsi le « FR » pour en faire le raccourci pour France. De là, un signe de ralliement et de reconnaissance est né, comme une illustration en réel du logo. Un mime de barres parallèles réalisé avec les avant-bras, pour représenter les barres du logo (cf. annexe 2, page 58). Et ces barres, dans le logo, c’est le FR, de France et de François. L’idée est donc de rassembler autour d’un même signe, d’une même nation, et d’un même candidat. 2. 4. 2 - NS 2012 Le logo de Nicolas Sarkozy a quant à lui été créé par l’agence de communication BBDO. La charte graphique du logo de Nicolas Sarkozy ne change pas de celle de François Hollande. Les deux candidats reprennent bien entendu les couleurs bleu blanc et rouge du drapeau de la France. Cependant, une large dominante de bleu, utilisé comme fond est à noter dans le logo de Nicolas Sarkozy, pour effectuer un rappel à son parti l’UMP, dont le bleu est la couleur de référence. Les communicants de BBDO ont choisi de n’écrire que les initiales du candidat, afin d’apporter un côté jeune, dynamique et moderne au logo, et ainsi par transfert au candidat. 2. 5 - Les affiches En dépit des évolutions technologiques et culturelles, qui mettent les nouvelles technologies en première place, l’affiche électorale demeure un élément essentiel du dispositif de communication. Elle signe une campagne, marque le parti pris d’un candidat, ses engagements, ses forces, et montre ce que le candidat entend incarner. 30 2. 5. 1 - François Hollande La nouvelle affiche de campagne de François Hollande fait découvrir un visage « actualisé » du candidat. Bien que dans la continuité de l'affiche militante, plusieurs changements marquants s’inscrivent dans un processus d’institutionnalisation destiné à rendre davantage présidentiable le candidat du PS. On constate que le rouge a disparu pour laisser la dominante bleue l’emporter avec le ciel, le costume, la cravate et la chemise. Deux éléments sont prédominants dans l’affiche du candidat : la présence du personnage et le slogan « C’est maintenant ». Le cadrage du personnage occupe pleinement l’espace et la position de la tête est redressée par un léger effet de contre-plongée. Cela donne un côté accessible vers le peuple, tout en gardant une certaine solennité exigée par la fonction sollicitée. Il se pose clairement dans une position de challenger en cherchant à convaincre par sa présence qui illustre sa capacité à assumer la plus haute charge. Le personnage regarde en face, pour regarder le peuple français afin d’exprimer une volonté sereine et une proximité. Selon M. Valls, "il continue à regarder les Français dans les yeux (...) il est le président des Français et s'adresse à chacun d'eux d'où l'absence de logos" du PS et du PRG. 31 Le fond est terrien, coloré, pour évoquer les campagnes françaises et s’en approprier les valeurs. Selon Manuel Valls, on distingue ainsi « un président ancré dans la réalité d'un paysage français, un paysage français par excellence, comme pourraient en offrir nombre de nos régions et de nos départements. En l'occurrence, il s'agit d'un paysage de la Corrèze ». La création entend établir un lien entre la France des territoires et un avenir qu’entend incarner le candidat. L’affiche représente ainsi un homme ancré dans son territoire. L’affiche a beaucoup été comparée, de par son arrière plan rural, à l’affiche de François Mitterrand en 1981 (cf. annexe 3, page 59). Mais un clocher en référence aux villages français était bien visible sur l'affiche de François Mitterrand et le rose (socialiste) était très présent, contrairement à l’affiche de François Hollande. Face à son concurrent, François Hollande entend être un président traditionnel en jouant le retour à une forme plus classique. On retrouve de ce fait dans son affiche une posture statique et peu novatrice, alliée à un paysage d’arrière-plan un peu terne et flouté qui rappelle les œuvres classiques, les portraits de la Renaissance, rendant l’affiche peu en phase avec la modernité revendiquée. Ce retour à la sobriété et au classique prend le contre-pied d’une certaine audace de communication, de créativité et d’innovation osée depuis 1970 dans les affiches des candidats du parti socialiste. L’affiche “Génération Mitterrand” en 1988 (cf. annexe 3, page 59), très graphique inscrivait le président dans une nouvelle génération sans même montrer son portrait. En 2002, l’affiche “Présider autrement” de Lionel Jospin (cf. annexe 3, page 59)., réalisée par Euro RSCG, montrait un candidat décentré à la figure très expressive et ne citait même pas son nom. Enfin, l’affiche en noir et blanc de Ségolène Royal en 2007 (cf. annexe 3, page 59), l’érigeait en nouvelle Marianne. L’équipe de communication de François Hollande a donc choisi de ne pas prendre de risques pour cette création en restant sur une affiche classique et peu créative, mais qui représente bien les valeurs d’une France simple et d’un candidat qualifié de « normal » par les médias. 32 2. 5. 2 Nicolas Sarkozy C'est l'agence de communication BBDO de Valérie Acary, qui a pensé et dessiné l'affiche de campagne de Nicolas Sarkozy. La photo du candidat quant-à elle a été prise par Nicolas Guérin, une figure du métier (auteur de très nombreux portraits de célébrités, dont Woody Allen, Clint Eastwood ou Romain Duris), sur recommandation de l’agente de Carla Bruni Sarkozy, Véronique Rampazzo. L’affiche de Nicolas Sarkozy se révèle chargée de symboles. Le candidat se met dans la posture d’un homme au costume noir, à la chemise blanche et cravate noire parfaitement taillés et ajustés. Cette posture très hiératique cherche à refléter au maximum l’expérience acquise durant son premier mandat. On voit dans l’attitude du candidat, un personnage sûr de son pouvoir et porteur d’une vision pour la France. Son portrait est agrémenté de quelques cheveux blancs, synonymes d’expérience et de sagesse. C’est une image qui correspond à celle d'un président sortant qui n’est pas seulement candidat, mais président. Le positionnement de profil trois-quarts indique la vision, la direction incarnée par le candidat. Son regard orienté vers la droite signifie qu’il regarde vers l’avenir, vers l’espoir, vers le côté positif, afin d’emmener la France vers la croissance et la faire sortir de la crise. La mer Egée, qui est à l’origine de nombreuses polémiques, fait figure d’arrière plan. D'après Philippe J.Maarek, auteur du livre Communication et marketing de l'homme politique, la mer représente le mouvement. L’idée est de mettre en valeur le 33 dynamisme de Nicolas Sarkozy pour le positionner en rupture du candidat PS souvent qualifié de “mou” par l'équipe de campagne UMP. Cependant, la mer relativement calme sur l’affiche, sans vague, fait également écho à la puissance du grand bleu comme peut l’être la puissance de la “France Forte” et la puissance du président Sarkozy. La figure du “capitaine de navire”, explicitement évoquée par Nicolas Sarkozy à la télévision, a servi de brief créatif pour l’agence BBDO. L’idée est d’incarner un capitaine de navire expérimenté, qui a su tenir la barre pendant la tempête, sous entendu qui a su maintenir le pays hors de l’eau pendant la crise économique. Il est désormais prêt à poursuivre la croisière, pour mener son équipage, la France, à bon port. D'après Christian Delporte, «si on adhère à la marque Sarkozy, on achète le capitaine. Un capitaine qui nous mènera «jusqu’à cette mer calme, malgré les crises». Enfin, la présence très imposante du slogan “La France forte”, renforcée par une police rigide, fine et blanche vient appuyer l’ambition qu’entend incarner Nicolas Sarkozy. A noter que les conseillers en communication n’ont indiqué ni le nom ni le logo du candidat, dans la mesure où il était le chef de l’Etat et que son nom est déjà connu de tous. Cependant, l’originalité de cette affiche est à relativiser. Le regard, la posture, et le fond bleu sont des éléments utilisés relativement souvent pour des affiches de campagne. De plus, plusieurs inspirations peuvent être décelées. De nombreux spécialistes de la publicité ont fait un rapprochement avec celle de Valéry Giscard d’Estaing en 1981 (cf. annexe 3, page 59), qui utilisait déjà l’idée d’une “France forte”, dans un contexte similaire de crise économique. Pour lrnaud Mercier, professeur de marketing politique à l'Université de Lorraine, le «décalque des campagnes de François Mitterrand est même stupéfiant». Le candidat sortant semble également avoir eu «une grande inspiration Mitterrandienne», explique Christian Delporte, historien spécialiste des médias. «C'est le même type de composition, de teintes de couleurs... Ce n'est pas d'une grande originalité”. En effet, la ressemblance avec l’affiche de Mitterrand en 1981 “La Force tranquille” (cf. annexe 3, page 59), est flagrante : grande profondeur de champ, cadrage décentré, plan rapproché, regard hors cadre, et ciel bleu de coucher de soleil donnant une coloration tricolore (astuce de communication graphique utilisée pour contourner la 34 législation qui interdit d’utiliser les couleurs du drapeau français sur les documents publicitaires de campagne). L’affiche de Nicolas Sarkozy ne crée aucune rupture créative dans l’histoire de la communication politique en utilisant la mer comme fond d’affiche. En effet, l’arrière plan maritime utilisé est similaire à celui adopté pour l’affiche de Mitterrand pour sa candidature aux législatives en 1978 (cf. annexe 3, page 59). Le choix du calme et de la tranquillité de l’affiche tranche avec le discours de Nicolas Sarkozy qui se veut basé sur la force, l’activisme, sur une campagne énergique et mobilisatrice. Mais en termes d’image, son équipe a fait le choix de la prudence contre celui de l’audace. Un choix qui se veut donc rassurant en mettant en avant les qualités et la posture d’un bon président, mais qui peut également être risqué, en présentant une image passéiste de Nicolas Sarkozy. On ne voit pas en effet les 30 ans d’écart entre “La force tranquille” et “La France forte”. François Hollande, en se positionnant comme challenger et homme du changement, a pris le contre-pied de Nicolas Sarkozy en s’opposant à tous les éléments symboliques de son affiche : Sarkozy regarde hors-champ, Hollande regarde de face; la position de Sarkozy est décentrée, Hollande se place dans coupe portrait centrée; Sarkozy est devant la mer Egée, François Hollande choisi un paysage rural français. C’est de cette façon que l’affiche du candidat du PS illustre “le changement”. Cependant, les deux affiches présentent quelques ressemblances, notamment dans l’arrière plan. L’un utilise le bleu de la mer, l’autre le bleu du ciel, et pratiquement le même bleu, la même surface de bleu. 35 On est bien loin de la campagne de Barack Obama en 2008, et de son affiche “Hope” très créative, moderne à l’inspiration pop art, signée Shepard Fairey. Malgré l’implication des plus grosses agences de publicité dans la création de la communication des candidats français, nous n’avons pas assisté cette année à des créations artistiques novatrices, en rupture ou marquantes. Les candidats, leurs conseillers et les spin doctors ont joué la carte de la prudence en adoptant une communication profondément réfléchie et stratégique, mais pleinement sécurisée. En effet, le fait de rester dans les classiques adoptés et acceptés par les Français permet d’avoir une communication efficace sans prendre aucun risque. Malgré tout, cela ne permet pas d’utiliser les outils disponibles de la façon la plus poussée, visible et marquante d’un point de vue de communication. Cependant, l’arrivée des réseaux sociaux dans la sphère politique à quelque peu bouleversé ces mœurs. 36 3 - Webcampagne, la guerre du net 2.0 La tendance initiée par Barak Obama lors de sa candidature à l’élection présidentielle de 2008, consistant à utiliser Internet et les réseaux sociaux comme l’un des principaux outils de communication a été suivi en France cette année. 3. 1 - 2012, une rupture dans la communication politique. Bien que les élections présidentielles de 2007 aient déjà amorcé la tendance, ce sont celles de 2012 qui ont véritablement marqué une rupture en termes de communication. Elles ont fait entrer les campagnes électorales dans une nouvelle ère où Internet joue un rôle primordial pour la communication des candidats. Cette campagne 2012 marque un tournant dans l’histoire politique française car c’est la première fois que les candidats ont intégré les réseaux sociaux à leur stratégie de communication. 3. 1. 1 - Un nouveau media : les réseaux sociaux Les sites web des candidats font toujours partie intégrante de leur stratégie de communication web, mais sont aujourd’hui un outil de communication relativement classique, figé et réglementé. La rupture de l’année 2012 est surtout marquée par l’essor des réseaux sociaux dans les campagnes présidentielles. C’est une modification profonde des relations entre les candidats, les medias et les citoyens. Barack Obama fut le premier à initier cette tendance lors des élections présidentielles américaines de 2008 avec une présence très active sur les réseaux sociaux. Bien que ce nouvel espace soit encore relativement peu utilisé au niveau politique en France, les candidats à l’élection présidentielle de 2012 se devaient d’y être présents, car il est la tendance de communication du moment. C’est un lieu privilégié 37 de rencontre avec les électeurs, dont il serait risqué de ne pas se servir. En effet, Les réseaux sociaux sont aujourd’hui une nouvelle source d’information, un média alternatif et moins conventionnel. Les internautes ont l’impression de se faire moins manipuler en s’informant via les réseaux sociaux que par les medias traditionnels jugés trop orientés pas les journalistes. De fait, les réseaux sociaux, sont, derrière la télévision, la deuxième source d’information des Français (enquête 2012 du CSA pour Orange et Terrafemina). Ils offrent un accès à l’information précoce par une façon décalée de contourner la loi qui interdit entre autre la divulgation des résultats des votes avant 20 heures. Pour exemple, le 6 mai 2012, plus de 60 000 messages codés sur Twitter et Facebook comportant le hastag « RadioLondres » ont été publiés dès 18h. On pouvait lire des messages du type : « Poulet sorti du four avant la fin de la cuisson : Température de la cuisse gauche : 52,6. Côté droit, les carottes sont cuites ». Les internautes pouvaient ainsi obtenir les premières estimations issues des bulletins dépouillés dans des bureaux de vote ayant fermé à 18h, des Dom-Tom, de la Belgique et de la Suisse. Du fait de la législation, les médias ont annoncé le nom du prochain président à 20h précise alors que celui-ci était déjà publié sur les réseaux sociaux depuis plus de deux heures. 3. 1. 2 - Un outil de communication électorale différent Ce nouveau média étant en plein essor, les candidats à l’élection présidentielle de 2012 se sont emparés des réseaux sociaux pour compléter et parfaire leur stratégie de communication. En effet, par rapport aux médias classiques, les réseaux sociaux offrent des avantages et une flexibilité imbattable. Ils représentent un support de communication à la fois efficace, impactant et peu onéreux pour effectuer une communication de masse. Les messages sont retransmis rapidement par les militants et les bloggeurs influents très actifs sur internet. Cela permet de créer une virilité qui constitue un relais du message diffusé. Chaque militant devient ainsi un porte parole du candidat à part entière. Pour les candidats, les réseaux sociaux sont aussi un moyen de développer, modifier et compléter leur image de marque. Ces médias moins traditionnels offrent la 38 possibilité pour les candidats de s’ouvrir plus aux électeurs, de se présenter sous un autre jour. Ils mettent en avant leur personnalité, leurs goûts en publiant des messages, des photos… divulguant des informations personnelles, telles que leurs hobbies, pensés du jour, goûts artistiques… Cela contribue à désacraliser l’homme politique en le rendant plus accessible, semblable à ses concitoyens, offrant opportunité d’accentuer sa popularité. La grande force des réseaux sociaux est surtout de permettre l’interactivité entre les candidats et les internautes, qui disposent du droit de réponse via les commentaires. Les candidats s’adressent directement aux citoyens qui en retour peuvent s’adresser à eux. La discussion est installée dans les deux sens. Cette interactivité encourage l’engagement politique des internautes qui peuvent avoir une parole relativement puissante pour faire partie du débat. Les réseaux sociaux ont démocratisé le partage total des idées et des opinions politiques. 3. 1. 3 - Risques et limites Un caractère incontrôlable Le revers de la médaille de cette interactivité sur les réseaux sociaux est son caractère incontrôlable. L’instantanéité des réactions sur ces nouveaux outils ouvre la porte à un dialogue sans limite, ou chacun peut s’exprimer librement et sans contrôle. Bien que les plates-formes officielles des candidats soient contrôlées en permanence par des modérateurs, les internautes sont libres de poster, critiquer, détourner et parodier tout ce qu’ils souhaitent sur leur propre compte. Les platesformes web des candidats sont disséquées, et examinées par les internautes qui scrutent les moindres faits et gestes et épinglent les moindres erreurs. Parmi ces internautes, on retrouve les citoyens lambda, mais aussi des membres du mouvement des partis opposés. C’est par exemple sur Twitter qu’un internaute, ayant décrypté l’affiche de Nicolas Sarkozy, a révélé à la communauté web que la mer se trouvant sur l’affiche est la mer Égée, une mer grecque, à l'heure où la Grèce connaît une situation économique désastreuse. 39 Naissance d’une tendance : le fact checking Cette instantanéité des réactions sur ces nouveaux outils donne une autre envergure à la campagne présidentielle : les faits énoncés par les candidats sur les réseaux sociaux peuvent être vérifiés instantanément par les internautes. C’est ce qu’on appelle le « fact checking ». Des internautes, journalistes spécialisés ou experts, grâce à la puissance du web, détiennent les cartes pour juger immédiatement de la véracité ou non des faits avancés. Ainsi, les promesses mais surtout leurs chiffres sont « fact checkés » en direct par les journalistes et les experts. Ces « fact checking » se déroulent en direct, généralement pendant les interventions télévisées des candidats, mais surtout pendant les débats. Les candidats n’ont donc plus le droit à l’erreur car celles-ci sont dénoncées immédiatement par des experts crédibles, et les critiques exposées aux yeux de tous les internautes via la viralité des réseaux sociaux. De ce fait, même si les réseaux sociaux sont définitivement ancrés dans les modes de communication politique, leur maîtrise n’en n’est pas encore parfaite. De par leur viralité et caractère instantané, ils restent pour les candidats un outil à manier avec précaution. Un impact à relativiser L’émergence des réseaux sociaux dans la vie politique est encore très récente, ce qui ne permet pas réellement de mesurer leur influence sur les choix politiques des internautes. Aujourd’hui, rien ne permet d’affirmer que les réseaux sociaux modifient les opinions des électeurs. L’équipe de communication de François Hollande a affirmé que « personne, à l’heure d’aujourd’hui ne peut transformer un like Facebook en vote dans une urne. » Une élection ne se gagne donc pas sur les réseaux sociaux. Mais ceux-ci peuvent participer à la victoire d’un candidat via la communication supplémentaire qu’ils apportent. 40 3. 2 – La communication des candidats sur le web 2.0 Pour utiliser cet outil novateur dans la communication politique, les candidats n’ont pas seulement décliné leur communication utilisée sur les outils traditionnels mais ont construit de véritables stratégies web en s’appuyant sur des spécialistes en la matière. 3. 2. 1 - Les stratégies Les équipes de communication des candidats à l'élection présidentielle ont pris le phénomène Internet 2.0 très au sérieux dans leur approche de la communication de la campagne. Leur volonté est de constituer, plus qu'un simple site de référence, une véritable approche globale intégrant une multiplicité d’outils web et de réseaux sociaux complémentaires les uns aux autres dans une stratégie de communication. A budgets relativement égaux (1,8 millions d’euros pour François Hollande et 2 millions d’euros pour Nicolas Sarkozy), et tout en utilisant les mêmes outils, les deux candidats ont adopté une stratégie web radicalement différente. François Hollande Pour sa stratégie web, l’équipe de communication de François Hollande a fait appel à l'expertise américaine afin de s'inspirer de la campagne de communication web victorieuse de Barak Obama en 2008. Ainsi, en décembre 2011, Vincent Feltesse, responsable web de François Hollande, s'est rendu à New York pour rencontrer ceux qui ont bâti la campagne web d’Obama, les fondateurs de la société Blue State Digital. A la suite de cela, toute l’équipe s’est rendue dans les locaux du parti socialiste : Joe Rospars et Steve Jacobs les fondateurs de l’agence, Sam Jeffers, le directeur stratégique, Matt Ipcar le designer du site de campagne et Ryan Davis le responsable des réseaux sociaux. Expertise par expertise, ils ont conseillé l’équipe de communication de François Hollande. Ils on notamment déroulé des séances de conseils sur l'utilisation des réseaux sociaux, donné des recommandations pour 41 permettre au site Toushollande.fr, d'attirer le plus grand nombre. Dans la stratégie de l’agence Blue State Digital, le Web est un levier à la participation sur le terrain. Selon Feltesse, « Obama a gagné parce qu'il a su utiliser l'outil numérique pour organiser et mobiliser ses troupes ». C’est le modèle que tentera de reproduire l’équipe de François Hollande.. Mais une disproportion de moyens techniques et humains est frappante entre les Etats-Unis et la France : Obama dispose d'une équipe de communication dédiée au web de plus de 100 personnes et 230 millions d’euros de budget contre 30 personnes et 1,8 millions d’euros pour François Hollande. La stratégie web de François Hollande est donc de s’axer sur les internautes et la viralité du web pour créer de la mobilisation : 10 000 mobilisateurs ont été formés pour recruter 150 000 volontaires qui ont contacté plus de 5 millions d'électeurs. Nicolas Sarkozy L’équipe de communication du candida UMP a choisi l’agence Emakina, présidée par Manuel Diaz pour mener sa stratégie de communication sur le web. Il s’agit de l’agence qui a créé, en septembre dernier, le nouveau site de l’UMP. Le budget alloué à la campagne internet du président sortant s'élève à deux millions d'euros. L’équipe de communication web de Nicolas Sarkozy a, contrairement à la stratégie du PS, fait le choix de contourner les intermédiaires en se concentrant sur trois plateformes : le site internet, pour une information factuelle, la page Facebook retraçant sa carrière politique pour créer une personnalisation et le compte Twitter pour informer en temps réel et créer de la proximité. L’utilisation de ces trois platesformes, activées en même temps que l’annonce de la candidature, se veut intense et massive afin d’occulter celle de son principal adversaire, lancé plusieurs mois en amont. Il s’agit donc, du fait de son lancement tardif, d’une campagne qualifiée d’ « éclair » par les experts, bien qu’en coulisses, les équipes aient travaillé dessus de nombreuses semaines à l’avance afin que tout soit prêt le jour du lancement. 42 3. 2. 2 - Les sites web de campagne L’utilisation des sites internet n’est pas nouvelle dans les stratégies de communication des candidats puisqu’ils ont déjà été utilisés pour les campagnes précédentes. Cependant, là où les sites internet des candidats à la campagne électorale de 2012 marquent une rupture, c’est dans la socialisation, la communauté, le partage et la viralité de ces sites internet. Chaque candidat, avec une stratégie différente, a donné à son site Internet un aspect collaboratif en s’axant sur l’effet réseaux sociaux. Les sites internet sont à la fois un outil de communication classique pour diffuser les messages et les valeurs, mais surtout un relais à destination des réseaux sociaux et un levier à la participation. François Hollande Dans cette logique, François Hollande a choisi de lancer deux sites web (cf. annexe 4, page 60) Le premier, intitulé françoishollande.fr, est le site classique de campagne. C’est l’outil de communication web classique, figé, qui reprend parfaitement les codes de la charte graphique de François Hollande. Il est destiné à une communication globale informative est descendante. On y trouve ainsi les rubriques d’explication telles que sa biographie, son programme, son équipe, ses actualités… Ce site s'accompagne du site toushollande.fr, inspiré de la campagne de Barack Obama en 2008. Développé en interne par Romain Pigenel, c’est ce site qui marque une démarche innovante en termes de communication car il est destiné à la mobilisation militante et à l’organisation de la campagne sur le terrain. La charte graphique est en rupture avec celle développée pour tous les autres outils de la campagne. En effet, le site est un véritable dégradé de rouge, qui contraste avec le bleu utilisé pour la 43 communication de François Hollande. Ce choix a été opéré car le site toushollande.fr s’adresse aux militants et sympathisants PS, pour qui le bleu, symbole de l’UMP est proscrit. Le site toushollande.fr reprend en faite la démarche initiée par le site communautaire du parti socialité « La Coopol ». Il propose aux internautes de devenir militants pour François Hollande « le militantisme en un clic », en mettant à leur disposition des argumentaires, des tracts en ligne… ». Les internautes peuvent ainsi agir sur le web, notamment, sur les réseaux sociaux, grâce à la diffusion des contenus qui leur sont proposés sur le site, mais également sur le terrain. Pour favoriser le militantisme, le site propose une fonction de report qui comptabilise les actions effectuées par les militants. Nicolas Sarkozy Nicolas Sarkozy a lancé son site web de campagne (cf. annexe 5, page 61), quelques heures seulement après l’officialisation sa candidature. Conçu et réalisé par l'agence de communication web Emakina, le site web de Nicolas Sarkozy se veut être une chaine d’information en continu. Selon Franck Louvier, l'Elysée s'inspire du modèle des chaînes télévision d'information continue : « Ça devra ressembler à une télé, avec un bandeau déroulant, des vidéos par dizaines, un flux d'info remis à jour ». Un site donc informatif et distributeur de contenu (agenda, interview, bilan, programme etc). Le site s’inspire lui aussi de « la méthode Obama », qui consiste à favoriser le militantisme, en proposant un onglet intitulé : "La France forte, c'est vous", incitant les militants à s’engager à la fois en ligne et sur le terrain, tout en leur transmettant également les contenus nécessaires à leur mobilisation. Là où le site innove c’est qu’il crée un relais vers les réseaux sociaux. Il met en avant les comptes Facebook, Twitter de Nicolas Sarkozy par des icones bien visibles en haut à droite, afin d’inciter à suivre le candidat sur ces réseaux sociaux. 44 3. 2. 3 – Twitter Twitter est véritablement LE réseau social de la campagne de 2012. C’est autant un média précurseur qu’un outil de prise de parole. Ainsi, pendant les élections, de nombreux internautes ont suivi les candidats, les partis, les journalistes et bloggeurs influents. Nicolas Sarkozy et François Hollande disposent respectivement de 206 226 et 278 858 followers sur Twitter. La tendance est d’organiser des « livetweets » durant les émissions de télévision ou les meetings. Le principe pour les candidats est d’être le plus visible sur Twitter grâce aux retwittes ou aux hastags (#avecSarkozy et #votehollande) François Hollande François Hollande, avec ses 278 858 abonnés fut le candidat le plus suivi sur Twitter. Avec les conseils des responsables de l’agence web de Barak Obama, François Hollande a affirmé qu’il utilisait beaucoup Twitter dans le cadre de sa campagne : “je m’efforce de susciter le débat et de diffuser mes idées, mais aussi d’intéresser les citoyens et de les convaincre de participer à cet exercice démocratique nouveau en France.” L’axe de communication centré sur le relais des militants est là aussi visible. A chaque événement, les militants socialistes sont invités à se réunir au QG du candidat socialiste pour réagir ensemble en direct aux prestations de leur candidat ou de son adversaire. C’est ce que le PS a appelé les « riposte-party » (cf. annexe 6, page 62). Selon Vincent Feltesse, le responsable de la campagne Web de François Hollande, il y a 3 objectifs : riposter aux attaques de l'UMP, faire écho à la parole du candidat et créer des infographies ou des contenus à partager. Constance Rivière, chargée du pôle expertise, les guide en leur transmettant les angles d'attaques et le langage à adopter. Un « twittos ». L’équipe a également fait appel au « twittos » influent Romain Pigenel pour gérer la communauté : "Nous avons été régulièrement en tête des trending topics (les expressions les plus partagées sur 45 Twitter) avec #fh2012". En province, de nombreux « twitt-apéros » sont organisés pour inciter les militants à être actifs sur Twitter. Nicolas Sarkozy Tout comme le site web de campagne, le compte Twitter de Nicolas Sarkozy a été orchestré par l’agence Emakina. Le jour de l’annonce de sa candidature, les internautes ont également pu découvrir le compte Twitter de Nicolas Sarkozy. Son premier tweet fut : « J’ai accepté l’invitation de TF1 au journal de 20h de ce soir et je vous y donne rendez-vous – NS ». Pour favoriser la proximité avec les électeurs, Nicolas Sarkozy a communiqué sur le fait que tous les tweets signé NS sur son compte twitter, seraient des tweets écrits directement par le candidat, et non par ses équipes. Une méthode initiée aux Etats-Unis par Barack Obama et reprise depuis par de nombreux hommes politiques. Pour favoriser le militantisme sur Twitter, l’équipe de campagne de Nicolas Sarkozy a instauré le “Twitpop”. Il s’agit d ‘un système qui met à disposition des militants UMP des tweets déjà écrits. Le directeur de la campagne web de Nicolas Sarkozy a impulsé cette méthode en leur envoyant le message suivant : "Si vous aimez la justice et que vous voyez que Nicolas Sarkozy est attaqué par les magistrats, on vous proposera des messages de soutien automatiques au Président", nous explique le i-chef. 3. 2. 4 – facebook Sur une population globale de 66 millions de français, 25 millions sont inscrits sur facebook et 43 millions sont des électeurs. Facebook s’impose donc comme l’outil web incontournable pour favoriser la communication des candidats en direction des 46 électeurs. Nicolas Sarkozy et François Hollande disposent respectivement de 630 745 et 118 874 fans sur leurs pages Facebook. Facebook offre aux candidats un moyen formidable de démultiplier leur présence numérique. Le partage d’idées sur facebook intègre la politique dans un cadre privé, ce qui donne aux messages diffusés un caractère plus fort, plus crédible, à l’image des avis de consommateurs sur les sites de commerce en ligne. Le réseau donne la possibilité de dialoguer, d’échanger. Les citoyens ne sont plus uniquement réceptifs d’un message mais deviennent des acteurs d’une campagne. Cette conversation est, selon la politologue Isabelle Veyrat-Masson, « le premier mode d’influence dans le débat politique». François Hollande Le candidat a utilisé le réseau social pour se rapprocher des citoyens, partager avec eux ses idées, envies, photos… afin de donner un côté humain et de jouer au maximum sur la proximité (cf. annexe 7, page 63). Cependant, comme évoqué plus haut, la stratégie web de François Hollande était davantage de favoriser le militantisme qui servirait de relais pour toucher les citoyens. Son compte facebook a donc été beaucoup moins actif, moins interactif et donc moins « liké » que celui de son concurrent. Il présente une timeline évolutive mais n’offre pas de spécificité particulière et n’utilise pas toutes les fonctionnalités que peut offrir Facebook. La stratégie web menée par François Hollande s’est, selon son équipe de communication web, « développée sur l’ensemble du paysage web ». Sa page facebook donnait ainsi un contenu informatif qui était ensuite relayé par les militants sur leurs propres comptes Facebook. Sa page personnelle est restée relativement sobre, dans la lignée de communication se voulant simple et classique. Nicolas Sarkozy Nicolas Sarkozy a beaucoup misé sur son profil Facebook (cf. annexe 8, page 64). Sur sa « Timeline », on découvre la mention : « J’éprouve depuis le plus jeune âge la fierté d’appartenir à une grande, vieille et belle nation : La France ». 47 Le profil du candidat UMP est très riche et utilise les nouvelles fonctionnalités de Facebook, tels que les nombreux onglés, liens et applications possibles. La campagne web fut préparée bien en amont de sa mise en ligne par l’agence Emanika qui a travaillé en collaboration avec les équipes de Facebook pour créer une page la plus fournie et la plus intuitive possible. La timeline de son profil montre aux fans un panorama de la vie et des déplacements du candidat UMP. Ainsi, une application intitulée «Soutenez Nicolas Sarkozy» fut proposée sur la page facebook du candidat. Il s’agit, d’après Manuel Diaz, « d’une prolongation du militantisme réel. Il s'agit de repenser la politique dans un monde digital et se trouver là où sont les discussions. Facebook est devenu puissant, c'est un lieu populaire. » L’application permet aux militants d’afficher leur soutien sur Facebook en leur proposant des badges et des bannières de soutien qui s’afficheront sur leur profil. La présence sur Facebook de Nicolas Sarkozy a été très remarquée et a eu un impact très fort puisqu’il a acquis le plus grand nombre de fans, face aux autres candidats, qui n’ont pas autant poussé l’activité et les possibilités qu’offre ce réseau social. Les candidats ont donc bien compris et utilisé les réseaux sociaux à leur avantage, afin de construire une communication la plus exhaustive possible mais également de toucher une cible d’électeurs particulièrement réceptive au web 2.0, les jeunes. 48 3. 3 - La guerrilla marketing sur le net L’aspect interactif des réseaux sociaux a donné une nouvelle dimension à la communication : celle d’une possibilité de réponse instantanée et globale. C’est ainsi que les candidats, leur parti, les militants et les sympathisants se sont approprié ces réseaux sociaux afin de se livrer à une véritable guerre de la communication politique sur Internet. 3. 3. 1 - Une véritable guerre des web campagne L’arrivée des réseaux sociaux dans le paysage politique n’a donc pas seulement apporté un outil de communication supplémentaire. Il a surtout favorisé la rhétorique en offrant des possibilités de réponse faciles et instantanées. C’est ainsi que s’est développé sur le web ce que l’on a appelé la « guérilla marketing ». Ce sont les militants des partis, encouragés par les équipes officielles, qui entretiennent cette guérilla. Ainsi, le PS et l’UMP se livrent à des attaques virulentes sans prendre directement des risques juridiques puisque ce ne sont pas des documents officiels, mais des « créations » des groupes de militants. L’impact et la confusion sont pourtant toute aussi grands du fait de l’utilisation des logos officiels. La guérilla politique sur Internet consiste à utiliser les outils web pour attaquer, provoquer et répondre, face à ses adversaires, en surfant sur la viralité. Plus les informations et les attaques lancées sont poignantes, plus la viralité s’enclenche et plus elles sont relayées dans la sphère internet. Cette technique a été utilisée tout aussi bien par le PS que par l’UMP. Ainsi pendant que l’UMP diffusait sur le web des messages vantant le bilan de Nicolas Sarkozy, les militants PS ont diffusé, sur les réseaux sociaux, un tract dématérialisé, à l’image d’un faux document illustré aux couleurs de l’UMP (cf. annexe 9, page 65). Ce document entendait « rétablir la vérité sur le bilan présidentiel ». 49 Cela passe également par la création de sites et l’achat de noms de domaines. C’est le cas de l’UMP qui utilise l’url lechangementcestmaintenant.fr, au titre du slogan de François Hollande, pour dévoiler des contenus d’attaque envers le candidat PS. On trouve ainsi sur ce site une liste dévoilant « le programme caché de François Hollande » (cf. annexe 9, page 65). 3. 3. 2 - La bataille des blogs La blogospgère Un combat d'envergure se livre sur le web via les blogs. Ainsi, la galaxie de la gauchosphère s’oppose à celle de la droitosphère. Linkfluence, en partenariat avec Le Monde, a conçu une carte qui retrace les liens entrant et sortant entre les sites web de campagne et les blogs. Le rose représente le Parti Socialiste, le bleu l’UMP, le marron le Front National, le orange le Modem et le vert Europe Ecologie. 50 La gauchosphère Le rose qui représente le parti socialiste, est de loin la couleur la plus présente, elle domine la blogosphère politique. Les deux sites web de campagne de François Hollande et celui du PS sont les points d’ancrage des liens vers des blogs qui retransmettent les messages socialistes. La cartographie montre leur nombre et leur importance dans le débat politique sur Internet, sans avoir de rivalité équivalente à droite. Les bloggeurs de gauche ont été invités à se relier entre eux et ont beaucoup été relayés par les blogs officiels du parti socialiste, par la stratégie web initiée par l’équipe de François Hollande. C’est ainsi que cette immense gauchoshpère s’est constituée. Cela constitue ainsi un véritable instrument de communication, un relais dans la stratégie de campagne de François Hollande. En effet, les blogs relayent les messages et entretiennent la guérilla marketing en surfant sur « l’antisarkozysme ». L'exemple le plus frappant est sûrement celui de Sarkofrance, un des blogs le plus lu, le plus relayé et le plus influant. La droitosphère Le bleu représentant les blogs partisans est plus disparate. D’après cette carte, leur influence semble plus limitée. Quelques blogs de grands élus (Alain Juppé, JeanPierre Raffarin) sont les points de départ de cette droitosphère. Mais ils sont peu nombreux et leur influence sur la toile est plus relative. Le manque d’engouement s’explique notamment par le fait que leur parti était au pouvoir. Les partisans, bloggeurs avaient moins besoin de s’imposer, de prendre la parole et de se faire remarquer via l’utilisation des blogs. 3. 3. 3 - Le gaming Il s’agit de « gamifier » les méthodes de communication, c’est à dire appliquer les codes des jeux à la politique pour faire passer des messages de façon plus ludique. Cela permet d’inciter les internautes séduits par l’aspect ludique des contenus à faire 51 circuler l’information, de manière virale, via les réseaux sociaux. Pour Florent Maurin, un concepteur de jeux vidéo sur l’actualité, et notamment de jeux politiques sur la campagne 2012, « faire de la politique, c’est faire du marketing en prenant à son compte les techniques de buzz pour faire parler de ses idées ». Les responsables de communication ont compris que le jeu permettait l’humour et était ainsi une solution idéale et marquante pour passer des messages. Ils ont ainsi utilisé cet outil sur internet en proposant aux internautes des jeux ludiques qui ont très vite été relayés, ont créé une viralité et augmenté la fréquence et le passage sur les sites référents. En effet, ces jeux sont proposés directement sur les sites officiels des partis. C’est une véritable nouveauté de la campagne 2012. Pour exemple, l’UMP a lancé le « kikadiquoi » qui tourne en dérision les dires et expressions de François Hollande. Pour riposter, le PS a mis en ligne le « Sarkolol », un jeu qui représente des cartes critiquant le quinquennat de Nicolas Sarkozy (cf. annexe 10, page 66). La communication politique sur Internet est donc à double tranchant. Bien qu’elle offre des possibilités de communication décuplées, totalement novatrices et différentes, elle instaure un risque, une bataille où chacun est libre de communiquer comme il le souhaite, sans que les politiciens puissent avoir la capacité de maitriser toute leur communication. 52 Conclusion Le marketing politique est donc aujourd’hui bien ancré dans les stratégies des candidats aux élections présidentielles. Ils l’utilisent pour les mêmes buts que les objectifs commerciaux : susciter l’attention, l’intérêt, le désir et l’action qui se traduisent par le vote (méthode AIDA). Le marketing permet à la fois de faire passer les idées, de construire une image et de se différencier des concurrents. La campagne électorale des présidentielles de 2012 n’y a pas échappé. François Hollande et Nicolas Sarkozy ont fait appel à des professionnels de la publicité qui leur ont construit une véritable stratégie de communication réfléchie, poussée et complète. Cette année a marqué un véritable tournant dans l’histoire du marketing politique français par l’utilisation d’un nouvel outil : le web 2.0 et les réseaux sociaux, qui bouleversent totalement les codes. Ce nouvel outil offre une viralité et une interactivité sans précédent. Cela impacte fortement une communication politique très encadrée par un dispositif juridique laissant peu de place à l'innovation. En effet, 2012 nous l’a démontré, la communication politique française reste très classique et peu créative. Si internet a permis une avancée, celle-ci reste tout de même relative. Cela s’explique par le fait que la France présente l’une des législations les plus restrictives en terme de communication politique, mais surtout, par le fait que l’opinion politique a une acceptation limitée de cette communication encore perçue comme manipulatrice, étouffante et maquillant le discours politique. C’est là le véritable paradoxe du marketing politique qui pourtant tend à se développer de plus en plus, à ouvrir le dialogue avec les électeurs et ainsi à favoriser une meilleure médiatisation des programmes et donc à réduire le taux d’abstention. Le débat est ouvert entre les communicants et les politiciens qui cherchent à s’émanciper du cadre, et les réfractaires qui craignent des dérives et une manipulation. Le marketing politique est donc encore en pleine évolution. Comme toute activité nouvelle, il doit construire sa crédibilité afin d’assurer sa légitimité. Apres le tournant web 2.0 de l’élection présidentielle de 2012, le marketing politique sera sans doute amené à évoluer encore pendant les prochaines élections et peut-être à subir des réformes législatives qui permettront de réactualiser le cadre avec l’actualité. 53 Bibliographie Ouvrages Jacques Gerstle, La communication politique, Armand Colin, 2008, 227 p. Jacques Seguela, Le pouvoir dans la peau, Plon, 2011, 240 p. Philippe J. Marek, Communication et marketing de l’homme politique, 3e édition, Litec LexisNexis, 270 p. Thierry Saussez et Jacques Séguéla, La prise de l’Elysée, Plon, 2007, 263 p. Franck Louvrier, Un univers impitoyable, Flammarion, 2012, 317 p. Bastien Millot, Politiques, pourquoi la com les tue, Flammarion, 2012, 187 p. Laurent Habib, La Communication transformative, Puf, Paris, 2010, 185 p. Frédéric Dosquet, Marketing et communication politique, EMS, 2012, 292 p. Site web Sites web de campagne : francoishollande.fr, toushollande.fr, lafranceforte.fr Sites web juridiques : cnccfp.fr, cnil.fr, www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070239 Qu’est-ce que le marketing politique ? www.fcsq.qc.ca/Perfectionnement/Congres/.../_pdf/Aterlier-C4.pdf Marketing politique, un peu d’histoire www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=4216 54 Luc Dupont – Les grands principes du marketing politique www.iabfrance.com/?go=edito&eid=434 Terre politique http://www.terrepolitique.com/2008/05/22/marketing-politique/ Twitter change le marketing politique owni.fr/2012/03/29/twitter-change-le-marketing-politique/ Le marketing politique et le web 2.0 www.marketing-professionnel.fr/parole-expert/marketing-politique-web-20.html Marketing politique, pub et propagande www.huyghe.fr/actu_199.htm Helene Favier, La communication web des politiques helene-favier.blog.europe1.fr/category/communication-web-des-politiques/ Marketing politique : vrai au faux combat Sarkozy / Hollande blog.targuzo.com/marketing/marketing-politique-sarkozy-hollande.html Film Le Président, Yves Jeuland, Rézo Films, 2010, 1h38min. 55 Table des annexes Annexe 1 : Preuve de dépôt du slogan « La France Forte » auprès de l’INPI…...... 57 Annexe 2 : Chorégraphie du logo de François Hollande……………………………… 58 Annexe 3 : Affiches des candidats aux élections précédentes……………………... 59 Annexe 4 : Sites web de François hollande……………………………………………. 60 Annexe 5 : Site web de Nicolas Sarkozy……………………………………………….. 61 Annexe 6 : Riposte party au QG du PS……………………………………………….... 62 Annexe 7 : Facebook de François Hollande…………………………………………… 63 Annexe 8 : Facebook de Nicolas Sarkozy……………………………………………… 64 Annexe 9 : Tract et programme de guérilla…………………………………………….. 65 Annexe 10 : Exemple de gaming………………………………………………………... 66 56 Annexe 1 : Preuve de dépôt du slogan « La France Forte » auprès de l’INPI 57 Annexe 2 : Chorégraphie du logo de François Hollande 58 Annexe 3 : Affiches des candidats aux élections précédentes 59 Annexe 4 : Sites web de François hollande Francoishollande.fr toushollande.fr 60 Annexe 5 : Site web de Nicolas Sarkozy Lafranceforte.fr 61 Annexe 6 : Riposte party au QG du PS 62 Annexe 7 : Facebook de François Hollande 63 Annexe 8 : Facebook de Nicolas Sarkozy 64 Annexe 9 : Tract et programme de guérilla 65 Annexe 10 : Exemple de gaming Le « kikadiquoi » Le « Sarkolol » 66