Comptes de campagne de Sarkozy : comment le manège (présumé

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Comptes de campagne de Sarkozy : comment le manège (présumé
Comptes de campagne de Sarkozy : comment le manège (présumé) a pu passer inaperçu ?
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Comptes de campagne de
Sarkozy : comment le manège
(présumé) a pu passer
inaperçu ?
- ACTUALITE - Europe -
Date de mise en ligne : jeudi 29 mai 2014
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Comptes de campagne de Sarkozy : comment le manège (présumé) a pu passer inaperçu ?
Les dépenses de Nicolas Sarkozy pendant la présidentielle de 2012, pourtant scrutées par la CNCCFP et le Conseil
constitutionnel, sont de nouveau au centre des attentions avec l'affaire Bygmalion.
Les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy refont parler d'eux ! En juillet 2013, ils avaient déjà été invalidés par
le Conseil constitutionnel pour un dépassement de plafond. Le 26 mai, l'avocat de la société Bygmalion, Me Patrick
Maisonneuve, lâche une bombe : "On parle d'affaire Bygmalion. Moi je pense que c'est l'affaire des comptes de
campagne du candidat Sarkozy."
Dans la foulée, Jérôme Lavrilleux avoue à son tour que les dépenses de campagne ont fait l'objet de fausses
factures, pour un montant d'"environ 11 millions d'euros". Mais au fait, à quoi correspondent les comptes de
campagne ? Qui les contrôle ? Comment ont-ils été falsifiés ? Et surtout, pourquoi les fausses factures n'ont pas été
découvertes plus tôt ? Explications.
Les comptes de campagne, comment ça marche ?
En France, chaque candidat à une élection doit déclarer ses recettes et ses dépenses relatives à ses opérations
électorales, justificatifs à l'appui. Ces comptes de campagne rassemblent par exemple l'organisation de meetings ou
la commande de sondages. Ils permettent d'obtenir un remboursement des dépenses à hauteur de 47,5% aux frais
de l'Etat. A l'élection présidentielle, ce taux ne s'applique que pour les candidats ayant obtenu plus de 5% des
suffrages. En dessous de 5% des voix, le défraiement tombe à 4,75% - en 2012, c'était par exemple le cas d'Eva
Joly (EELV) et de Philippe Poutou (NPA), qui ne sont pas parvenus à passer la barre des 5%.
Aucune dépense ne peut être payée et aucune recette ne peut être perçue par le candidat en personne : elles
doivent être gérées par un mandataire. Pour la campagne de 2012, le trésorier de Nicolas Sarkozy était Philippe
Briand, député UMP d'Indres-et-Loire, qui continue de nier les accusations de fausses factures. Après l'élection, la
Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) est chargée de vérifier
qu'il n'y a aucune irrégularité dans les dépenses et les recettes des candidats.
Comment les comptes sont-ils contrôlés ?
La CNCCFP est composée de neuf membres issus de deux grands corps de l'Etat (Cour des Comptes et Conseil
d'Etat) et de la Cour de Cassation. Elle examine les comptes de campagne déposés par les mandataires financiers
pour, selon le Code électoral, en jauger "la sincérité, la fidélité et l'exhaustivité." Le but ? Vérifier que les dépenses
de campagne n'excèdent pas 22,509 millions d'euros pour les candidats qualifiés au second tour.
Tout manquement se voit sanctionné : "La commission peut réduire le montant du remboursement en fonction du
nombre et de la gravité des irrégularités constatées" stipule le document informatif à l'attention des mandataires en
2012. Elle peut même invalider les comptes de campagne d'un candidat, comme ça a été le cas le 19 décembre
2012 pour Nicolas Sarkozy. Comme il en a le droit, l'ex-président avait décidé d'entamer un recours, rejeté en
dernière instance par le Conseil constitutionnel en juillet 2013.
Pourquoi les comptes de campagne de Sarkozy ont-ils été rejetés ?
Malgré un montant de 21,33 millions d'euros déclaré par l'équipe du président-candidat (en dessous, donc, du
plafond de 22,51 millions), la CNCCFP a jugé que les dépenses de Nicolas Sarkozy "excédaient de 466.118 euros,
soit 2,1%, le plafond autorisé".
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En cause, deux meetings seulement. Celui de Toulon, le 1er décembre 2011, où Nicolas Sarkozy s'était exprimé
officiellement en tant que président de la République, mais avait prononcé un discours de candidat ; et celui de
Villepinte, le 11 mars 2012, où 30% des dépenses n'avaient pas été notifiées dans les comptes de campagne. La
Commission et les Sages avaient alors estimé que l'oubli d'incorporer ces frais constituait une "irrégularité grave".
Pour combler le trou de près de 11 millions d'euros occasionné par l'invalidation des comptes, les militants UMP
avait été invités à renflouer les caisses du parti par des dons lors du fameux "Sarkothon".
Qu'est-ce que les contrôleurs n'ont pas vu ?
Jusqu'alors, on ne parlait "que" d'un dépassement de 466.118 euros du plafond. Depuis, Jérôme Lavrilleux, directeur
adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy, a reconnu lundi dernier l'existence de "factures présentées à l'UMP qui
correspondaient à des dépenses faites pour la campagne". La manoeuvre a consisté à faire sortir du budget du
candidat (séparé des comptes du parti) certaines sommes, pour masquer un dépassement "d'environ 11 millions
d'euros".
Même si elle a invalidé les comptes de campagne fin 2012, la CNCCFP ne s'est donc pas aperçue en 2012 de
l'ampleur de la supercherie. Dans "L'Express", François Logerot, président de la CNCCFP, s'est défendu de toute
négligence. Selon lui, les prérogatives confiées à la Commission des comptes de campagne ne permettent pas
d'avoir accès aux dépenses courantes des partis politiques.
Que faut-il changer ?
C'est bien d'un manque de visibilité qu'est venu le problème : "Nous aimerions avoir accès en même temps aux
comptes de campagne d'un candidat et à ceux du parti afin de les comparer. Dans le cas de l'affaire Bygmalion, cela
nous aurait permis de demander des justificatifs complémentaires", s'est justifié le haut magistrat.
Si ça avait été le cas, la Commission se serait à coup sûr aperçue de mouvements d'argent suspects entre l'UMP et
les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. D'autant que les sommes douteuses sont colossales : plus d'un tiers
du budget total de la campagne de 2012.
Un droit de regard sur les dépenses des candidats et sur ceux du parti auquel ils sont affiliés pourrait éviter que
l'affaire Bygmalion se répète. En ce sens François Logerot a appelé à ce que "des dispositions complémentaires à la
loi d'octobre 2013 sur la transparence de la vie politique" soient mises en place.
Clément Quintard - Le Nouvel Observateur
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