Etude prospective randomisée en simple aveugle comparant

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Etude prospective randomisée en simple aveugle comparant
© Masson, Paris, 2001.
Gastroenterol Clin Biol 2001;25:29-34
Etude prospective randomisée en simple aveugle comparant
phosphate de sodium oral et polyéthylène glycol pour la
préparation à la coloscopie
Marie-George LAPALUS, Jean-Louis GAUDIN, Tarek LEMKECHER, Jean-Christophe SOUQUET, Frédéric WENDEHENNE,
Corinne PELTRAULT, Frédéric PONTETTE, Michel PILLON, Jean-Michel MONIER, Olivier DUMONT
Service d’Hépato-Gastroentérologie, Hôpital de la Croix-Rousse, CHU, Lyon.
RÉSUMÉ
SUMMARY
Objectif et méthodes — Le but de cette étude prospective, randomisée, ayant inclus 60 malades ambulatoires était de comparer 2 types
de préparation colique : le phosphate de sodium (NaP) et une
solution à base de polyéthylène glycol (PEG). Tous les malades
répondant aux critères d’inclusion étaient préparés la veille ; aucun
n’avait de contre-indication au NaP. L’acceptabilité et la tolérance de
la préparation étaient appréciées à travers les données recueillies
par un questionnaire-malade et les mesures de différents paramètres
cliniques (pouls et tension artérielle) et biologiques (natrémie,
kaliémie, phosphorémie et calcémie). La qualité de la vacuité colique
était évaluée par les endoscopistes qui ne connaissaient pas le type
de préparation.
Prospective randomized single-blind trial comparing oral
sodium phosphate with polyethylene glycol-based solution
for colonoscopy preparation
Marie-George LAPALUS, Jean-Louis GAUDIN, Tarek LEMKECHER,
Jean-Christophe SOUQUET, Frédéric WENDEHENNE, Corinne PELTRAULT,
Frédéric PONTETTE, Michel PILLON, Jean-Michel MONIER,
Olivier DUMONT
(Gastroenterol Clin Biol 2001;25:29-34)
Aim and methods — The aim of this prospective, randomized, study
performed in 60 outpatients was to compare 2 precolonoscopy
bowel preparations: oral sodium phosphate (NaP) versus standard
polyethylene glycol-based lavage solution (PEG). None of the
patients met any of NaP exclusion criteria. All patients were prepared
on the day prior to colonoscopy. A patient-questionnaire and
measure of serum electrolytes (calcium, phosphate, sodium, potassium), pulse and blood pressure were used to assess tolerance and
acceptability of the preparation. The quality of colon cleansing was
judged by blinded endoscopists.
Résultats — Un bénéfice significatif était observé avec le NaP sur les
critères d’acceptabilité : plus facile à boire, préféré par les malades,
sensation de plénitude abdominale plus rare. Des variations biologiques survenaient avec ce produit (hyperphosphorémie, baisse de la
kaliémie, élévation de la natrémie), sans conséquence clinique. La
préparation par PEG semblait avoir un meilleur pouvoir nettoyant,
mais l’étude ne montrait pas de différence statistique significative
entre les deux types de préparation.
Results — Patient’s tolerance to NaP was superior to PEG: NaP
preparation was easier to drink and feelings of abdominal plenitude
occurred in a smaller proportion of patients. A potassium decrease, a
sodium increase and hyperphosphatemia were observed in the NaP
group but without clinical events. PEG preparation seemed to allow a
better cleansing ability compared with NaP but this difference was
not statistically significant.
Conclusion — Le NaP est mieux toléré et accepté par les malades. La
qualité de préparation colique par rapport à celle obtenue avec du
PEG reste à discuter selon leurs modalités de prise. Aux doses
recommandées, le NaP est responsable de mouvements électrolytiques, imposant son utilisation prudente.
Conclusions — NaP solution was better tolerated and accepted by
patients. Colonic preparation quality compared to PEG is still to be
discussed depending on the intake schedule. A biochemical data
check seems necessary on account of significant serum electrolytes
changes induced by NaP preparation.
Mots-clés : Coloscopie. Phosphate de sodium. Polyéthylène glycol.
Préparation colique.
Key words: Colonoscopy. Sodium phosphate. Polyethylene glycol. Bowel
preparation.
L
a coloscopie est devenue l’examen de première intention
pour l’exploration du côlon. Elle a un intérêt diagnostique et thérapeutique. Sa faisabilité et sa sécurité
dépendent de la bonne visualisation de la muqueuse permise par
une préparation nettoyante préalable. Celle-ci se doit d’être la
plus parfaite possible, afin notamment de ne pas méconnaître des
lésions planes coliques qui représenteraient une part non
négligeable des lésions prénéoplasiques.
fois par Davis et al. en 1980 [1] et nécessitent l’ingestion d’un
important volume de liquide (3 à 4 L) en un temps court (2 à 4 h).
Les malades ont souvent des difficultés à prendre la totalité de la
préparation, ce qui peut avoir un retentissement sur son efficacité
et donc sur la propreté colique.
Un composé à base de phosphate de sodium, le FleetT
Phospho-soda, est depuis peu disponible comme agent de
nettoyage colique. Comme cela a été rapporté par Vanner et al.
en 1990 [2], il a l’avantage d’une prise de plus petit volume, et de
ce fait d’une meilleure acceptabilité.
Actuellement, les solutions à base de polyéthylène glycol
(PEG) sont largement utilisées comme produit de référence pour
cette préparation colique. Elles ont été décrites pour la première
Le but de cette étude randomisée en simple aveugle était de
comparer la tolérance, l’acceptabilité et l’efficacité du FleetT
Phospho-soda et d’une solution à base de PEG (FortransT),
utilisée comme standard de préparation à la coloscopie dans
notre unité.
Tirés à part : J.-L. GAUDIN, Service d’Hépato-Gastroentérologie, Hôpital
de la Croix-Rousse, 103, Grande-rue de la Croix-Rousse, 69317 Lyon
Cedex 04.
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M.-G. Lapalus et al.
Tableau I. − Caractéristiques des 2 groupes de malades.
Patients’ characteristics.
Méthodes
Malades
Cette étude prospective a porté sur 60 malades ambulatoires,
consécutifs, randomisés en 2 groupes : le groupe 1 recevait du phosphate
de sodium (NaP) et le groupe 2 du polyéthylène glycol (PEG). Tous les
malades avaient leur coloscopie sous anesthésie générale, en hôpital de
jour durant la période du 10/09/99 au 19/11/99, après avoir pris leur
préparation colique à domicile. L’examen était réalisé par l’un des 8
endoscopistes de notre unité. Les critères d’exclusion étaient un âge < 18
ans, des antécédents d’insuffisance rénale (créatininémie > 200 µmol/L),
d’insuffisance cardiaque congestive, d’ascite ou d’infarctus du myocarde
récent (< 6 mois) en raison de la description dans de précédentes études
de perturbations biologiques secondaires à la prise de NaP et afin
d’éviter une possible décompensation de ces affections.
N (% d’hommes)
Age moyen (extrêmes) (ans)*
Groupe
2 : PEG
30 (37 %)
30 (53 %)
48,4 (21-75) 53,8 (34-77)
Indications de la coloscopie**
— Rectorragies ou test HemoccultT positif
Les malades du groupe 1, préparés par NaP la veille de l’examen,
suivaient les recommandations d’utilisation délivrées par le laboratoire
pharmaceutique avec prise de 45 mL à l’heure du petit déjeuner et à
l’heure du dîner (soit 90 mL au total), et respect d’un intervalle de 12 h
entre les 2 prises. Le NaP est un laxatif salin osmotique ; chaque sachet de
45 mL est composé de phosphate disodique 10,8 g, phosphate
monosodique 24,4 g, glycérol 0,522 g, saccharine sodique 0,148 g,
benzoate de sodium 0,014 g, arôme citron-gingembre 0,058 g. En
pratique, les malades respectaient le protocole suivant : à 8 h, prise de
250 mL de boisson sans résidu + 45 mL de NaP dans 125 mL d’eau + 250
mL d’eau, puis à 12 h prise de 750 mL de boisson sans résidu ; enfin à 20
h, même procédure que la première prise avec toujours 45 mL de NaP
dans 125 mL d’eau. Au total, les malades devaient boire 2 L de liquide ou
plus si possible, et avaient à respecter un jeûne complet de 6 h avant
l’examen sous anesthésie générale. Le régime alimentaire était libre.
2
9
— Troubles du transit, douleurs abdominales
14
12
— Dépistage — Antécédents personnels de
polypes
10
9
— Maladie inflammatoire de l’intestin
2
0
— Syndrome de cancer colique familial
1
0
— Antécédents familiaux de cancer
colorectal
1
0
* P < 0,001 (test t de Student) ; ** Non significatif (test χ2).
Mesures biologiques et hémodynamiques
Lors de la consultation pré-anesthésique et juste avant la coloscopie,
un prélèvement sanguin était réalisé chez chaque malade pour dosage de
la natrémie, kaliémie, chlorémie, bicarbonates, protidémie, calcémie,
phosphorémie, et créatininémie. Une mesure du pouls et de la tension
artérielle était également réalisée.
Les malades du groupe 2, préparés par PEG la veille de l’examen,
devaient respecter un régime sans résidu pendant les 4 j précédents.
Chaque sachet était composé de PEG 4000 64 g, sulfate de sodium
5,7 g, chlorure de sodium 1,46 g, bicarbonate de sodium 1,68 g,
chlorure de potassium 0,75 g. La préparation comportait 4 sachets de
PEG dilués dans 4 L d’eau dont 2 L à prendre entre 17 h et 19 h et 2 autres
entre 21 h et 23 h. Toute prise alimentaire per os était arrêtée à minuit, et
seul un repas léger était autorisé la veille au soir. Aucune préparation
colique complémentaire par lavement n’était autorisée le matin de
l’examen dans les 2 groupes. L’agent anesthésique utilisé était le
propofol.
Analyse statistique
Le logiciel Excel était utilisé pour l’analyse statistique. Le test t de
comparaison de 2 moyennes permettait l’analyse des données biologiques, hémodynamiques et de l’âge. Le test du χ2 servait pour l’analyse du
questionnaire de tolérance et d’acceptabilité, pour la grille d’efficacité
endoscopique et pour la répartition par sexe. Le seuil de significativité
statistique était fixé à 0,05.
Résultats
Questionnaire
Soixante malades consécutifs étaient randomisés pour une
préparation avant coloscopie par NaP (groupe 1, n = 30 dont
11 hommes) ou PEG (groupe 2, n = 30 dont 16 hommes). Les
caractéristiques démographiques et les indications de coloscopie
des deux groupes sont représentées dans le tableau I. Seules les
moyennes d’âge différaient statistiquement entre les 2 groupes (P
< 0,001).
A l’arrivée dans le service le matin avant la coloscopie, les malades
remplissaient un questionnaire standardisé sur la tolérance et l’acceptabilité de la préparation prescrite. Ils devaient apprécier la facilité à boire
toute la préparation (facile, moyennement difficile, difficile) et leur
compliance au régime alimentaire (bonne, moyenne, mauvaise). Ils
devaient préciser s’ils étaient prêts à reprendre la même préparation si
nécessaire et les malades antérieurement préparés par du PEG devaient
donner leur préférence entre la préparation actuelle et la précédente.
Enfin, ils devaient signaler les éventuels effets secondaires subjectifs
présentés au cours ou au décours immédiat de la prise de la préparation
(plénitude abdominale, douleurs abdominales, nausées, vomissements,
irritation anale, frissons, asthénie, sensation de faim, trouble du sommeil...) et quantifier leur importance (absence de symptôme, gêne légère,
marquée, importante, symptômes sévères).
L’ingestion du NaP et du PEG était jugée facile par 48 et 14 %
des sujets, assez difficile par 32 et 51 % des sujets, et difficile par
20 et 35 % des sujets, respectivement.
Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes
sur le plan de la tolérance globale à la préparation, mais une
malade du groupe NaP ne pouvait achever sa préparation en
raison de la survenue d’un ictus amnésique au cours de celle-ci.
Son questionnaire de tolérance n’était pas rempli et cet épisode
était considéré comme un symptôme sévère. Au total, 2 questionnaires de tolérance n’étaient pas remplis dans le groupe NaP et 1
questionnaire dans le groupe PEG. Dans ce dernier groupe, on
notait une tendance à la survenue plus fréquente de douleurs
abdominales, nausées, irritation anale, frissons et troubles du
sommeil. La sensation de faim était à l’inverse plus souvent
ressentie dans le groupe NaP. Toutes ces différences entre les 2
modes de préparation étaient statistiquement non significatives, à
l’exception de la plénitude abdominale, plus souvent signalée
avec le PEG (45 vs 11 % ; P = 0,005) (tableau II).
L’efficacité de la préparation jugée sur la propreté colique était
appréciée par des gastro-entérologues endoscopistes seniors, qui
n’avaient pas connaissance du mode de préparation utilisé, à l’aide
d’une grille de réponse définissant : un jugement global de la visualisation de la muqueuse colique (excellente, correcte ou mauvaise), une
appréciation de la qualité de la vacuité (absence totale de liquide ou
matières, vacuité satisfaisante, présence de liquide fécal, présence de
particules fécales résiduelles, matières solides). En cas de préparation
correcte ou mauvaise, le(ou les) segment(s) mal nettoyé(s) étai(en)t
désigné(s).
ABRÉVIATIONS :
PEG
: polyéthylène glycol.
NaP
: phosphate de sodium.
NS
: non significatif.
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Groupe
1 : NaP
Préparation à la coloscopie
prélèvements de ce groupe (13 malades sur 27). Une ascension
de la natrémie, une baisse de la kaliémie (K ≤ 3,5 mmol/L chez
59 % des malades dont 1 malade avec kaliémie < 3 mmol/L) et
une baisse des valeurs de la réserve alcaline étaient trouvées de
façon significative dans ce même groupe. La calcémie diminuait
significativement après les 2 préparations (dans chaque groupe,
une seule valeur au dessous de la limite de la normale), sans
différence significative entre les 2 groupes avant et après
préparation. Aucun effet secondaire clinique imputable à un
trouble hydroélectrolytique n’était observé.
Tableau II. − Effets secondaires après préparation par phosphate de
sodium ou polyéthylène glycol.
Adverse events with sodium phosphate or polyethylene
glycol.
NaP (n = 28)
PEG (n = 29)
Plénitude abdominale
3 (11 %)
13 (45 %)*
Douleurs abdominales
6 (21 %)
11 (38 %)
Nausées
15 (54 %)
19 (66 %)
Vomissements
2 (7 %)
1 (3 %)
Irritation anale
13 (46 %)
17 (59 %)
Frissons
5 (18 %)
11 (38 %)
Asthénie
8 (29 %)
10 (34 %)
12 (43 %)
7 (24 %)
1 (4 %)
6 (21 %)
Sensation de faim
Troubles du sommeil
L’analyse des données hémodynamiques ne trouvait aucune
différence statistique de pression artérielle systolique ou diastolique entre les 2 groupes et au sein d’un même groupe avant et
après préparation. Il existait un ralentissement du pouls entre la
consultation pré-anesthésique et le jour de l’examen (P < 0,01),
mais la différence observée n’était pas significative et il n’y avait
pas de manifestation clinique corrélée à cette baisse.
* P = 0,005. Aucune autre différence n’était significative.
Une différence significative en faveur du NaP était observée
pour la facilité à boire toute la préparation (P < 0,05), sans
corrélation avec la répartition de l’âge, alors que la compliance
au régime alimentaire était similaire pour les 2 méthodes (facile
pour 89 % des malades préparés par NaP et pour 90 % de ceux
préparés par PEG). La préparation colique était prise en totalité
chez 97 % des malades du groupe NaP et chez 60 % de ceux du
groupe PEG.
Parmi les 60 malades, 21 avaient déjà eu une coloscopie
après préparation par PEG. Douze d’entre eux recevaient du
NaP et 9 du PEG. Onze des 12 malades préparés par NaP le
préféraient au PEG. Les malades des 2 groupes étaient prêts à
reprendre une préparation colique identique si cela était nécessaire (25/29 pour le NaP et 24/30 pour le PEG).
Fig. 1 − Appréciation des endoscopistes : identification des segments
coliques mal nettoyés parmi les coloscopies à visualisation jugée
correcte ou mauvaise (14 + 5 malades du groupe NaP et 19 + 2
malades du groupe PEG respectivement). Pas de différence
significative. NaP : n = 29 (une malade n’a pas eu sa coloscopie) ;
PEG : n = 29 (une sténose colique sur adénocarcinome).
Endoscopists’ assessment: identification of unclean segments of
the colon observed during coloscopies with visualizations considered to be satisfactory or unsatisfactory (14 + 5 patients with
NaP and 19 + 2 patients with PEG respectively).
Les coloscopies étaient effectuées par 8 endoscopistes
seniors. La coloscopie n’était pas réalisée chez la malade ayant
présenté un ictus amnésique au cours de la préparation par NaP
et un diagnostic d’adénocarcinome sténosant à 18 cm de la
marge anale était fait chez un malade du groupe PEG, rendant
impossible l’exploration du côlon d’amont. Ces 2 malades
sortaient donc de l’analyse des données recueillies par les
endoscopistes. Cette analyse faite sur la visualisation de la
muqueuse colique trouvait une tendance à une meilleure efficacité
du PEG. En effet, les taux de préparation acceptable (définie par
une visualisation excellente ou correcte) et de mauvaise préparation étaient respectivement de 93 et 7 % pour le groupe PEG, vs
83 et 17 % pour le groupe NaP. Cette différence n’était pas
statistiquement significative. La valvule de Bauhin n’était pas vue
chez 1 malade du groupe PEG (1 obstacle d’origine carcinomateuse), et chez 2 malades du groupe NaP (1 mauvaise préparation arrêtée à l’angle gauche et 1 problème de béquillage de
l’endoscope bloquant la progression à l’angle droit). Aucune
différence statistique n’était mise en évidence entre les 2
méthodes de nettoyage concernant la qualité de la vacuité
colique. Parmi les 19 malades sur 29 du groupe NaP et les 21
malades sur 29 du groupe PEG pour lesquels l’examinateur
signalait une visualisation de la muqueuse correcte ou mauvaise,
l’identification des segments coliques mal nettoyés montrait une
tendance à une moins bonne propreté du caecum dans le groupe
NaP (53 % pour le NaP vs 24 % pour le PEG), sans différence
statistiquement significative (figure 1).
Discussion
Les résultats trouvent un bénéfice significatif des critères
d’acceptabilité de la préparation colique par NaP par rapport à
celle par PEG, selon les schémas d’administration proposés dans
cette étude. Ils confirment ainsi les observations faites par
d’autres auteurs : différences significatives en faveur du NaP
concernant sa facilité de prise [2-6], sa préférence par les
malades par rapport à une préparation antérieure par du PEG
[2, 7-9], la proportion de malades absorbant complètement la
préparation [2, 4, 5, 9]. Les autres critères subjectifs de tolérance
clinique (vomissements, nausées, irritations anales, frissons...) ne
diffèrent pas de façon significative entre les 2 groupes, sauf pour
la sensation de plénitude abdominale plus fréquente au cours de
la préparation par PEG, comme cela a déjà été rapporté [7, 9].
Cette meilleure acceptabilité du NaP est essentiellement due à
une réduction du volume de préparation à absorber. L’apparition
du PEG en 1980, suppléant à l’association lavements et laxatifs,
avait permis l’accès à une préparation plus rapide avec des effets
secondaires diminués et une meilleure propreté colique. Cependant, l’important volume de liquide (3 à 4 L) à ingérer en un
temps court (2 à 4 h) est un facteur limitant de prise puisque 5 à
30 % des malades suivant les études (tableau IV) ne peuvent
Sur le plan biologique, les observations sont rapportées dans
le tableau III. Comme attendu, les malades du groupe NaP
présentaient une élévation significative des valeurs de la phosphorémie (P < 0,0001). Après la préparation, il était noté une
hyperphosphorémie supérieure à 1,4 mmol/L dans 48 % des
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M.-G. Lapalus et al.
Dans cette étude portant sur un nombre modéré de malades,
les critères d’efficacité des 2 types de préparation colique ne
diffèrent pas de façon significative ; une tendance à une meilleure
propreté colique avec le PEG est cependant observée. La prise de
NaP la veille de l’examen, comme dans notre étude, est toujours
associée à l’absence de différence significative d’efficacité entre
les 2 préparations [5, 7, 13]. A l’inverse, un bénéfice est souvent
observé en faveur du NaP si la 2e prise a lieu le matin même [2,
3, 9, 13]. Ces données sont résumées dans le tableau IV. Pour
Frommer et al. [13], la prise du deuxième flacon de NaP juste
avant la coloscopie évite le défaut de visibilité secondaire au
passage de résidus stercoraux du grêle vers le côlon droit
pendant les 10 à 12 h séparant l’ingestion du dernier flacon de
l’examen. Notre étude a en effet montré une moins bonne
visibilité caecale avec la préparation par NaP. Cependant, pour
les raisons médico-légales précédemment mentionnées, la prise
fractionnée de la préparation n’est pas toujours réalisable avant
une coloscopie matinale sous anesthésie générale. De plus, le
nombre élevé d’endoscopistes ayant participé à l’étude peut
avoir été responsable de variations inter-observateurs non
négligeables.
Tableau III. − Comparaison des valeurs moyennes (extrêmes) des
constantes biologiques avant et après préparation par NaP
ou PEG.
Comparison of mean values of biological data before and
after preparation with NaP or PEG.
Avant préparation
Après préparation
P
NaP n = 28
140,8 (137-146)
142,3 (137-146)
0,02
PEG n = 29
141,9 (138-145)
142,2 (138-146)
NS
NaP n = 27
3,88 (3,4-4,8)
3,51 (2,9-5)
PEG n = 28
3,84 (3,1-4,3)
3,77 (2,4-4,3)
NS
NaP n = 28
104,4 (100-108)
105,6 (99-109)
NS
PEG n = 29
104,7 (99-110)
105,6 (100-111)
NS
NaP n = 28
74,6 (66-85)
74,0 (65-95)
NS
PEG n = 29
74,6 (65-84)
71,9 (63-82)
0,04
NaP n = 28
27,5 (23-32)
25,7 (21-29)
0,01
PEG n = 29
27,7 (23 -34)
27,6 (23-31)
NS
Na+
K+
Cl
0,001
–
Protéines
Chilton et al. [14] ont récemment comparé dans une étude
randomisée en simple aveugle chez 132 malades, la propreté
colique après préparation par NaP (45mL × 2), à l’association de
picosulfate de sodium 10 mg, d’un laxatif stimulant (SénokotT) et
d’1 sachet de PEG 3350, évaluée par un seul endoscopiste. Ils ont
conclu à la meilleure efficacité de cette dernière association et à la
bonne tolérance de ces médicaments donnés à faible posologie.
Bicarbonates
Ca++
NaP n = 28
2,41 (2,3-2,65)
2,33 (2,12-2,62)
0,01
PEG n = 29
2,42 (2,25-2,56)
2,38 (2,13-2,51)
< 0,05
p = NS
p = NS
La mesure des électrolytes sanguins, avant et après préparation par NaP et PEG, a déjà été réalisée dans plusieurs travaux.
Vanner et al. [2] ont les premiers décrit une hyperphosphorémie
après prise de NaP, sans modification associée de la calcémie.
Celle-ci était abaissée après prise de NaP et PEG dans 3 autres
études [5, 15, 16]. Une élévation de la natrémie, une baisse de la
kaliémie et une hyperphosphorémie ont été observées ensuite de
façon constante et significative dans les études, après prise de
NaP [3, 9, 15, 16]. L’évolution de ces perturbations biologiques
semble se faire vers une normalisation en 24 à 48 h, comme l’ont
souligné plusieurs auteurs [2-4]. Une élévation de la chlorémie et
de l’osmolalité, une hypomagnésémie ont aussi été décrites dans
la littérature. Dans ce contexte, Clarkston et al. [15] n’ont pas
observé de variation significative de la contraction ventriculaire
et aucun trouble du rythme notable après la prise de NaP chez 98
malades, mais ont souligné la nécessité de prudence en cas
d’association avec la prise de diurétiques ou digitaliques.
Plusieurs observations de variations hydroélectroytiques responsables d’effets secondaires sévères (tétanie, coma, choc, troubles
du rythme cardiaque, décès), ont été rapportées après administration de NaP. De tels épisodes sont survenus dans des
circonstances favorisantes particulières, tels un surdosage [17,
18], l’administration d’un lavement de NaP chez un enfant [17],
une obstruction colique ou une insuffisance rénale [18-20]. Ces
observations et une meilleure connaissance des mouvements
hydroélectrolytiques induits par le NaP ont conduit à son
utilisation prudente voire à sa contre-indication dans certains
contextes : enfant, insuffisant cardiaque ou rénal, occlusion
intestinale ou iléus, ascite, risque d’interaction médicamenteuse,
femme enceinte ou allaitante. En dehors de ce contexte, les
variations hydroélectrolytiques secondaires à la prise de NaP
n’ont pas eu de traduction clinique particulière dans cette étude,
ni dans aucune autre.
Phosphore
NaP n = 27
0,87 (0,12-1,2)
1,39 (0,94-1,97) < 0,0001
PEG n = 26
0,91 (0,64-1,31)
0,88 (0,53-1,14)
NS
Créatininémie
NaP n = 27
83,1 (60-152)
77,0 (57-105)
NS
PEG n = 29
86,6 (60-116)
78,9 (55-119)
NS
Valeurs normales du laboratoire : Na+ : 135-145 mmol/L ; K+ : 3,5-4,8 mmol/L ;
Cl : 98-108 mmol/L ; protéines : 60-76 g/L ; bicarbonates : 23-30 mmol/L ; Ca++ :
2,15-2,55 mmol/L ; phosphore : 0,9-1,4 mmol/L ; créatinine : 50-100 µmol/L. NS :
non significatif ; P : seuil de significativité, test t de Student. Deux prélèvements
non réalisés (1 dans chaque groupe). Deux prélèvements hémolysés pour le dosage
de la kaliémie (1 dans chaque groupe).
ingérer toute la préparation. Il en résulte des échecs de
préparation et une baisse d’efficacité. En 1990, plusieurs travaux
[10-12] se sont intéressés au fractionnement de la prise du PEG,
montrant ainsi qu’un schéma associant 2 L la veille au soir et 2 L
le matin de l’examen permettait de diminuer le dégoût des
malades, d’augmenter la quantité de solution absorbée et
d’améliorer ainsi significativement l’efficacité de la préparation.
Cependant, un tel mode d’administration est rendu difficile en cas
de coloscopie matinale sous anesthésie générale en hôpital de
jour pour une sortie des malades le jour même, car un délai
médico-légal d’au moins 6 h est imposé entre la dernière prise
orale et l’anesthésie.
L’âge peut également intervenir dans l’acceptabilité de la
préparation. Il n’existait pas ici de corrélation entre la différence
d’âge des deux groupes de malades et la facilité de prise de la
préparation, mais l’ingestion d’importants volumes de liquide
pose problème chez les sujets âgés. En 1996, Thomson et al. [9]
n’avaient pas montré de différence significative entre les deux
préparations chez des sujets âgés en termes de facilité de prise,
d’effets secondaires ou d’efficacité, mais une préférence pour le
NaP.
Au total, 2 échecs complets de préparation sont survenus au
cours de cette étude dans le groupe NaP : une mauvaise vacuité
colique obligeant à arrêter la progression de l’endoscope, et
l’apparition d’un ictus amnésique au cours de la préparation.
Celui-ci n’a pas été jugé imputable à la prise de NaP après
vérification des électrolytes sanguins et réalisation d’un scanner
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Préparation à la coloscopie
Tableau IV. − Comparison du phosphate de sodium et du polyéthylène glycol pour la préparation à la coloscopie : revue de la littérature.
Comparison of sodium phosphate and polyethylene glycol for colonoscopy preparation: data from the literature.
Auteurs
Année
Vanner
Nombre de
malades
randomisés
Nombre sujets
analysés
102
NaP n = 54
J-1/J0
26
80
PEG n = 48
J-1
6
33
36
NaP n = 18
J-1/J0
71
—
12
PEG n = 18
J-1
73
—
30
—
143
NaP n = 70
J-1/J0
39
69
14
4,3
NS
PEG n = 73
J-1
47
70
9,6
9,6
≈ PEG > NaP
72
NaP n = 34
J-1/J0
38
79
2
12
NaP > PEG
PEG n = 38
J-1
32
60
9
34
P < 0,05
NaP n = 143
J-1/J0
65
90
—
3
NaP > PEG
PEG n = 138
J-1
40
68
—
19
P < 0,01
230
NaP n = 106
J-1+lavement
—
—
—
1
NS
147
NaP n = 72
98
1990
Haroon
1992
Marshall
1993
Kolts
1993
Cohen
281
1994
Golub
1995
Afridi
PEG n = 124
1995
Clarkston
1996
Thomson
116
1996
Frommer
486
1997
Lapalus
2000
Préparation :
NaP 45mL × 2
PEG 4L × 1
60
Qualité de la préparation
Excel
%
Accept
%
Préparation
incomplète
%
Conclusion :
qualité de
préparation
10
0
NaP > PEG
46
20
P < 0,001
—
NaP > PEG
Mauv
%
J-1
—
—
—
15
J-1+bisacodyl
43
64
8,3
4,2
PEG n = 75
J-1
32
58
8,5
20
NaP n = 49
J-1/J0
45
83
2
4
PEG n = 49
J-1
30
83
2
27
NaP n = 61
J-1 ou J-1/J0
20
66
10
3
PEG n = 54
J-1
15
56
11
2
NaP n = 161
J-1+bisacodyl
—
—
—
—
NaPJ-1/J0 > PEG
NaP n = 166
J-1/J0+idem
—
—
—
—
NaPJ-1/JO > NaPJ-1
PEG n = 160
J-1+ idem
—
—
—
—
NaPJ-1/PEG NS
NaP n = 29
J-1
35
83
17
3
NS
PEG n = 29
J-1
28
93
7
?
≈ PEG > NaP
NS
NS
NS
Excel : excellente ; Accept : acceptable ; Mauv : mauvais.
cérébral. La coloscopie de ce malade a été ultérieurement
réalisée après préparation par PEG.
En termes de coût, le NaP (2 sachets de 45 mL) est un peu
moins cher que le PEG (FortransT, 4 sachets pour 4 L de
préparation) en officine en France (66,20 F vs 73,30 F).
En conclusion, l’acceptabilité et la tolérance clinique de la
préparation par NaP sont supérieures à celles du PEG dans cette
étude. Le PEG pourrait cependant posséder un pouvoir nettoyant
supérieur à celui du NaP administré en 2 prises la veille de la
coloscopie, mais cette différence n’est pas statistiquement significative. Le nombre élevé d’endoscopistes évaluant les préparations et le schéma d’administration des produits peuvent cependant influer sur les résultats. Sur le plan biologique, aux doses
recommandées, le NaP induit des variations significatives des
concentrations d’électrolytes : hyperphosphorémie, baisse de la
calcémie et de la kaliémie, élévation de la natrémie, qui imposent
son utilisation prudente dans certains contextes et une bonne
connaissance de ses contre-indications. Des recherches sont
encore à mener pour améliorer à la fois l’efficacité et l’acceptabilité des préparations coliques. Une perspective d’avenir pourrait être l’association de plusieurs laxatifs, à doses plus faibles,
pour une potentialisation de leur efficacité et une réduction de
leur effets secondaires.
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