Interview de Jean-Pierre Alaux

Transcription

Interview de Jean-Pierre Alaux
Interview de Jean-Pierre Alaux
Publiée dans Charente-Libre - juillet 2010
Jean-Pierre Alaux met son nez dans le vin
Il est l'auteur de la série «Le sang de la vigne» dont un des épisodes vient d'être tourné en Charente.
Parce qu'il en avait marre des Navarro et consorts, le romancier a créé un nouveau type de héros de
polar: un œnologue et un conservateur de musée.
Jean-Pierre Alaux: «Celui qui lit "Le dernier coup de Jarnac" saura tout de l'art de la distillation du
cognac.»Photo Christophe Barraud
Epicurien, raffiné, cultivé, à la fois courtois et chaleureux. Jean-Pierre Alaux ressemble à Benjamin
Cooker, l'œnologue-détective qu'il a créé avec son ami Noël Balen. «Comme lui, je suis même un peu
réac, parfois», sourit le romancier, confortablement installé dans un salon du Château de l'Yeuse. Il
est venu spécialement de Cahors pour jeter un œil sur le tournage du «Sang de la vigne», la série
policière à succès dont il prépare le 18e volume, et saluer son ami Pierre Arditi. L'adaptation
télévisée, elle aussi cartonne. Depuis qu'il s'est lancé dans le polar, tout sourit à l'ancien homme de
radio et de lettres, aux goûts éclectiques. Capable de signer avec le même plaisir une biographie de
James Dean et un livre d'entretien avec le perchiste Romain Mesnil.
Quel effet cela fait de voir un personnage que vous avez inventé incarné par Pierre Arditi?
Jean-Pierre Alaux. C'est forcément que du bonheur. Il est totalement dans l'esprit de la série et du
personnage de Benjamin Cooker, réservé, réfléchi, très élégant. Lors d'une première tentative
d'adaptation, c'est Gérard Depardieu qui était prévu. Mais il n'aurait pas aussi bien incarné le
personnage.
Comment vos romans sont-ils devenus des scénarios de téléfilm?
En fait, notre idée de départ, c'était d'écrire pour la télévision. Mais on s'est dit que si on se pointait
comme ça à la télé, avec notre scénario sous le bras, on risquait de nous prendre pour des péquenots
et de se faire piquer l'idée, qu'on aurait retrouvée quelques mois plus tard dans un téléfilm, sans
qu'on ne nous doive rien.
Pourquoi avoir choisi comme héros de votre série policière un œnologue? Vous êtes plus passionné
de vin que de crimes?
J'étais en train de dîner avec mon «alcoolyte» Noël Balen. On s'est mis à parler des séries policières à
la télé, à se dire qu'on en avait marre des Julie Lescaut et des Navarro. On a commencé à délirer sur
l'idée d'une série dans le pinard. On a ouvert une bouteille d'Armagnac, désolé pour les Charentais.
On l'a même sifflée. On a créé le personnage de l'œnologue, de son assistant. On a commencé à
trouver les premiers titres. On était un peu fier, on se disait que c'était de la bombe. Je pensais qu'on
verrait ça sur nos vieux jours, quand on aurait plus de temps. Je partais au Honduras, mais Noël a
commencé à faire le tour des éditeurs. Rapidement, il en a trouvé trois. Il m'a téléphoné et quand il
m'a dit le chiffre qu'on nous proposait, cela dépassait toutes nos espérances. Simplement, l'éditeur
nous a dit que comme il achetait le vin par caisse de six, il voulait six romans tout de suite.
Vous parliez des titres de vos romans, «Boire et déboire en Val-de-Loire», «Pour qui sonne
l'Angélus?», «Ne tirez pas sur le caviste». Vous les avez piqués au commissaire San Antonio?
Non, même si je suis copain avec Patrice Dard. Les titres, c'est ce qu'on trouve en premier. Après, il
ne nous reste plus qu'à trouver l'intrigue derrière. Je vous donne les prochains: «Massacre à la
sulfateuse» et «Crise aiguë chez les Graves».
Quelles sont vos références en matière de polar?
Je ne suis pas un polardeux. Je suis classique, ma culture c'est Simenon. J'adore les ambiances, pas
vraiment les trucs sanglants. Dans mon univers de pinard, il y a quelques morts par-ci, par-là, mais ce
n'est pas Chicago. Les meurtres, ce sont plutôt des détails. Je préfère travailler le côté pédagogique.
Celui qui lit «Le dernier coup de Jarnac» saura tout de l'art de la distillation du cognac.
Vous êtes venu sur place avant d'écrire?
Oui, ça m'amuse beaucoup de faire du repérage, de l'immersion, de traîner dans les jardins publics,
dans les chais. Je mate à mort. Je m'étais installé ici, au château de l'Yeuse. Dans le livre, c'est aussi là
que descend Benjamin Cooker. Souvent, je garde aussi les vrais noms. Pour le tournage du téléfilm,
ils ont eu l'intelligence de reprendre les clefs. C'est aussi à l'Yeuse que s'installe Benjamin Cooker.
Malgré votre séjour ici, vous êtes plus armagnac que cognac!
Oui, parce que je trouve qu'il y a une palette plus large. Mais j'aime l'ambiance du cognac, son
aristocratie ambrée, avec ses quelques grandes familles, même si aujourd'hui, beaucoup ont été
reprises par de grands groupes.
Quel est votre cognac préféré?
Je crois que c'est le Delamain. Je me rappelle de la première fois où je suis entré dans cette petite
maison. L'odeur d'encaustique, le parquet, les flacons avec les étiquettes. C'est vraiment la Rolls du
cognac, mais j'aime aussi le Frapin où le Hine.
Armel Le Ny